Été 2012
Transcription
Été 2012
Un regard chrétien sur le monde actuel Qu’est-ce que l’Homme? Été 2012 Volume 29 - Numéro 3 • Dans ce numèro • Dossier : Qu’est-ce que l’Homme? Le Lien est un magazine chrétien publié quatre fois par an. Interdénominationnel Il vise à édifier, à stimuler la réflexion sur la vie chrétienne dans notre monde actuel, et à être un canal pour faciliter la diffusion de l’information au sein de la communauté évangélique québécoise. Il est commandité par la CCEFM et ses partenaires et 4• Dieu créa l’homme à son image 9• L’image de Dieu en l’homme dacteur en chef : Jean Biéri; Comité de rédaction : Joëlle Basque, Wilner Cayo, Robert Dagenais, Soula Isch, Jean-Calvin Kitata, Noémie Le propre de l’humain 14• Les dangers de la théorie du genre min. Illustration de la Page couverture: Jordi Sampere Abonnement : Canada, 16 $ par an; Étranger, 20 $ par an. Antoine Nouis Alain Ledain Parole vivante 16• Leclerc, Richard Lougheed, Marc Paré. Graphiste: Lucie Beauche- Philippe Malidor 11• soutenu par les lecteurs. Le Lien est édité à Montréal. Ré- Wilner Cayo Quand tu seras vieux Soula Isch Vie chrétienne 18• Déjeuner de prière à Montréal 4e édition Mireille Mirambeau Adresser toute correspondance à : Le Lien, 4824 Côte-des-Neiges Suite 301, Montréal (Québec) H3V 1G4, Canada. Tél. : (514) 331-0878 poste 222. Courriel : [email protected] Téléc. : (514) 331-0879. ISSN 1716- Actualités 20• Glanures 22• J’ai lu pour vous! 23• Convention des Frères mennonites 5016 2 François Gougoux Richard Lougheed Le Lien Été 2012 • Éditorial • Éditorial • Entre poussière et souffle La singularité de l’humain est aussi une solitude et le récit précise : « Il n’est pas bon pour l’humain d’être seul.» La grande question est donc de savoir ce qui va mettre fin à cette solitude fondamentale. La première tentative de Dieu pour mettre fin à la solitude de l’humain est la création des animaux que Dieu conduit à l’humain pour qu’il les nomme, mais c’est un échec car l’animal est trop éloigné de l’humain. Alors Dieu crée la différence sexuée en séparant l’humain en deux pour forger un homme et une femme. C’est dans l’altérité homme-femme que l’humain est invité à dépasser sa solitude fondamentale et à relever le défi fondateur de notre humanité qui est l’accueil de l’autre dans sa différence. Antoine Nouis, directeur de la rédaction du magazine protestant Réforme L’ennemi de l’humain et de Dieu - le serpent - tente le couple pour qu’ils mangent le fruit qui les ferait devenir comme les dieux. Être comme des dieux réveille le vieux désir caché en chacun de vouloir posséder les gens et les choses, devenir le maître du bien et du mal. En écrivant cette tentation sous les traits d’un fruit qui a été mangé, les anciens ont voulu signifier que la tension entre le bien et le mal est devenue une réalité interne à l’humain. Notre relation au bien et au mal est ambiguë. Je ne choisis pas le bien et le mal comme je choisirais la couleur de ma cravate, je suis traversé par des pulsions de bien et de mal. Comme le dit l’apôtre Paul : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais je pratique le mal que je ne veux pas » (Rm 7,19), ce qui est une manière de confesser que l’humain n’est pas transparent à lui-même. Le désir de vouloir être Dieu, l’orgueil et la convoitise, la maîtrise du bien et du mal sont en l’humain et le travaillent de l’intérieur plus qu’il ne se l’avoue à lui-même. Une fois ces définitions posées, l’histoire biblique peut commencer... - L ’humain est créé à partir de la poussière du sol, puis Dieu lui insuffle son souffle vital. Dans la Genèse, le souffle vital est ce qui distingue l’humain de l’animal. Dans la suite du chapitre cette distinction est une question de nombre: l’humain est créé être unique alors que les animaux sont créés espèce. Dieu crée les girafes, les baleines et les pingouins mais il crée l’humain. La création de l’humain comme être unique fonde le dogme de l’humanisme qui affirme l’unité entre tous les hommes... La poussière est ce qu’il a de commun avec les animaux et nous sommes invités à prêter attention à l’animal qui est en nous: l’humain a besoin de manger et de boire, de se protéger et de s’abriter, de dormir et de se reproduire. Comme le disait Martin Luther King : « La religion s’occupe à la fois du ciel et de la terre… Toute religion qui fait profession de s’occuper de l’âme des hommes sans s’occuper des taudis auxquels ils sont condamnés, des conditions économiques qui les étranglent et des conditions sociales qui les mutilent est une religion aussi stérile que poussière. »... (Extrait d’un article paru dans Réforme). 3 Été 2012 Le Lien • Dossier • L’énigme de «la personne» humaine demeure une question brûlante. Elle l’est davantage dans un contexte postmoderne où le déracinement de l’identité ne fait que s’accentuer. Wilner Cayo 4 Dossier • Dossier • Dossier • Dieu créa l’homme à son image Wilner Cayo. pasteur et chargé de cours à l’École de Théologie Évangélique de Montréal / Institut Biblique VIE P our l’Évangélique, la Bible est la source normative pour sa compréhension de l’humain. Au cœur de cette compréhension de l’humain se trouve la doctrine de l’imago dei ou image de Dieu. Reprenant le théologien évangélique H. Bavinck, Paul Wells affirme que «l’essence de la nature humaine est d’être créée à l’image de Dieu»1 . Selon ce dernier, parler de l’image de Dieu, c’est «essayer d’élucider ce qui est constitutif de l’humanité en tant que telle». Si Genèse 1 affirme sans ambages que l’humain est créé à l’image de Dieu, il reste toutefois avare de détails sur l’interprétation d’une telle déclaration: Dieu dit: «Faisons l’humain à notre image, selon notre ressemblance, pour qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oi- seaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur toutes les bestioles qui fourmillent sur la terre.» Dieu créa l’humain à son image; il le créa à l’image de Dieu; Il les créa homme et femme. Dieu les bénit et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre (Gn 1,2628). Genèse 5,1-3 rapporte qu’Adam engendra un fils à sa ressemblance, selon son image. Selon Genèse 9,6, l’image établirait l’inviolabilité de la vie humaine. Le Psaume 8 précise que l’humain a été créé de peu inférieur à Dieu qui l’a couronné de gloire et de magnificence, lui octroyant la domination sur le reste de la création. Malgré les débats parmi les exégètes sur des détails au niveau de l’interprétation des textes, les spécia- Le Lien Été 2012 • Dossier • Dossier • Dossier La création de l’homme par Michel Ange listes conviennent des points suivants jugés importants: Les mots image (selem) et ressemblance (demut) sont essentiellement des synonymes2. Ils indiquent que les êtres humains ressemblent à Dieu sans préciser la nature de cette ressemblance. Les prépositions en lien avec les termes image et ressemblance sont interchangeables. La plupart des exégètes les traduisent par «en», «d’après»; certains préfèrent les traduire par «comme», argumentant que les êtres humains sont créés comme image de Dieu plutôt que selon l’image de Dieu ou d’après l’image de Dieu. Tous les êtres humains, femme ou homme, portent l’image de Dieu. L’image est associée à l’idée de do- mination (Genèse 1,26.28 ; Psaumes 8,6) et de dignité puisque l’humain est la seule créature qui résulte d’une délibération divine (Genèse 1,26), à qui le créateur parle directement (Genèse 1,28), et dont il est dit: «il a été fait de peu inférieur à Dieu» (Ps 8,5). L’image de Dieu dans l’humain ne s’est pas effacée avec la Chute. Le Nouveau Testament mentionne aussi l’imago dei. Le second Adam serait lui-même la véritable image de Dieu. L’auteur de l’épître aux Hébreux (1,3) précise que Jésus, le Christ, est l’empreinte de la personne divine. Paul l’appelle l’image du Dieu invisible. En Jn 14,9 et 12,45, Jésus déclare: «Quiconque m’a vu a vu le Père». La pleine participation à • Dossier • l’image de Dieu passerait par une incorporation au Christ et une conformité de la vie du croyant au Christ. L’imago dei devient une réalité dynamique dans laquelle le chrétien, via l’Esprit, se voit transformé de gloire en gloire (2 Cor 3,18). Il est invité à se dépouiller du «vieil homme» pour revêtir «l’homme nouveau qui se renouvelle, dans la connaissance, selon l’image de celui qui l’a créé» (Col 3,10). L’imago dei est aussi une réalité eschatologique, l’espérance finale du croyant appelé à être semblable à l’image du Fils de Dieu (Rm 8,29), réalité qui n’est pas encore pleinement manifestée; «lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui [i.e, Christ], parce que nous le verrons tel qu’il est» (1 Jn 3,2). «Et de même que nous avons porté l’image du terrestre, nous porterons aussi l’image du céleste» (1 Cor 15,49). Ainsi pour ce qui relève du Nouveau Testament: Christ est l’image de Dieu. Les humains participent pleinement à l’image de Dieu dans la mesure où leur vie se conforme à Christ. L’image de Dieu est une réalité dynamique et communautaire enracinée dans la rédemption. Puisque la totale conformité à Christ attend l’âge à venir, l’image se présenterait aussi comme une réalité eschatologique. Le concept de l’imago dei s’appliquerait à tous les humains, selon l’Ancien Testament, et cette image est appelée à être restaurée en Christ selon le Nouveau Testament. L’histoire des interprétations de l’imago dei 5 Été 2012 Le Lien • Dossier • dévoile de fortes divergences sans que ne soient rendus impossibles des rapprochements ou conciliations. Trois grandes interprétations regrouperaient les différentes compréhensions évangéliques de l’imago dei. La première insiste sur une conception substantialiste; elle est dite ontologique; elle comprend l’image en termes de caractéristiques constitutives de la nature humaine ou à l’intérieur de la nature humaine. La seconde appréhende l’image selon une dimension relationnelle – relations de l’humain avec Dieu, relations des humains entre eux et relations de l’humain avec son environnement. La troisième interprétation est dite fonctionnaliste ou vocationnelle insistant sur le mandat donné à l’humain. Les trois grandes compréhensions évangéliques de l’image ne s’excluent pas les unes les autres mais permettent d’appréhender l’articulation de cet élément important de la pensée évangélique et de ses différents accents. I- La compréhension substantialiste ou ontologique de l’image La compréhension substantialiste fut l’une des plus dominantes du protestantisme depuis le 16e siècle jusqu’à aujourd’hui. Selon elle, l’imago dei référerait à un constituant inaliénable et distinctif de la nature humaine, un don spécial de Dieu à cette créature. Deux positions complémentaires 6 Dossier • Dossier émanent de ce point de vue. La première assimile l’imago dei au spirituel dans l’humain. Des théologiens évangéliques, abordant la notion de l’imago dei, se sont intéressés aux analogies entre Dieu et l’humain sans taire l’aspect des différences entre le Créateur et la créature. Dans cette recherche d’analogies, au nom de l’incorporalitas Dei, le point commun entre Dieu et l’humain serait la participation à l’esprit. L’interprétation par la spiritualité remonte à Philon et au livre judéo-grec de la Sagesse. Elle a énormément nourri la réflexion des Pères de l’Église, s’est raffinée dans les conceptions de Saint Augustin, de Saint Thomas et des Réformateurs de façon plus limitée. Par exemple, Calvin, l’un des plus illustres représentants protestants du courant spirituel affirme que l’image de Dieu en l’homme se retrouve dans ses attributs spirituels et rationnels, et que le corps n’y participe point. Une deuxième position de la conception substantialiste plaide pour la dimension morale de l’image en lien avec la notion de justice originelle qui serait perdue en Adam mais retrouvée en Christ. Le renouvellement de l’humain, selon la lecture de Calvin, implique un renoncement à l’ancien pour le revêtement de celui qui se renouvelle selon l’image de celui qui l’a créé. Le renouvellement et la restauration de l’image épousent ainsi une dimension essentiellement éthique et morale. La tradition calviniste soutient qu’après la Chute, l’imago dei a • Dossier • été tellement corrompue que ce qui en reste n’est qu’une horrible déformation mais non une disparition; l’humain demeure un être à l’image de Dieu; mais sa volonté et sa raison s’éloignent de Dieu, étant viciées par le péché. Il est incapable de se sauver lui-même; il ne peut, sans la grâce efficace, connaître Dieu, choisir la vérité et le bien ultimes. D’où l’accentuation du sola gratia de la Réforme. II- L’interprétation relationnelle de l’image Karl Barth et Emile Brunner définissent l’imago dei dans une logique de responsabilité relationnelle avec Dieu et les autres créatures plutôt que de la fonder sur des capacités supérieures telles que la raison ou la moralité que seul l’humain posséderait. Contre la compréhension substantialiste de l’image, Brunner soutient que la frontière entre les humains et les animaux ne saurait reposer sur une différence d’ordre biologique ni dans les capacités rationnelles de l’humain. Même s’ils n’ont pas toujours partagé les mêmes convictions théologiques quant à certaines spécificités, Brunner et Barth ont décrit l’imago dei comme relevant systématiquement de la relation et de la responsabilité plutôt que de l’essence ou de la substance. Pour Barth, « l’image de Dieu n’est pas une qualité de l’homme. […]. Elle ne consiste en rien en ce que l’homme est ou fait ». Nous ne Le Lien Été 2012 • Dossier • suivrons pas Brunner et Barth dans toute leur élaboration ni ne serions d’accord avec tout ce qu’ils avancent. Nous notons néanmoins leur précieuse intuition d’une compréhension relationnelle de l’imago dei3. Un point à souligner dans la compréhension relationnelle de l’image de Dieu en l’homme est la différenciation sexuelle. La Genèse mentionne que l’humain fut créé mâle et femelle (Gn 1,27). Excluant le mythe de l’androgynie primitive, le texte biblique passe au pluriel pour ne laisser aucun doute: «il les créa»; la dualité des sexes implique une pluralité des personnes. L’homme et la femme participent du privilège de l’image, confirmant l’exclamation d’Adam en saluant en Ève son alter ego, os de ses os et chair de sa chair. L’idée d’Aristote qui jugeait la femme d’une nature différente, et inférieure est étrangère à la Genèse, malgré sa reprise dans l’histoire de l’Église. La Genèse, dans son récit, ne pouvait être plus claire: c’est le genre humain (la femme et l’homme) qui est à l’image de Dieu. L’humain, image de Dieu, est dès son origine un Mitsein, un être-avec, dont la vie n’atteint sa plénitude que dans une dimension communautaire. L’unicité de l’humain n’est pas solitude, elle inclut la différence. Il en est de l’image comme de la source. Le Dieu créateur délibère avec son Esprit. Il a suscité devant lui un autre semblable, un vis-à-vis analogue, l’humain, son image. Il y a une analo- Dossier • Dossier gie certaine entre la non-solitude de Dieu et la structure communautaire de l’humanité; une communauté qui s’élargit sur deux axes: horizontalement dans la relation maritale et les relations avec le prochain, et verticalement pour la parentalité. C’est à partir de la dualité du genre que la filiation se conçoit; procréation et sexualité seraient liées dans une anthropologie théologique évangélique. III- La compréhension vocationnelle et fonctionnelle de l’humain La position fonctionnaliste avance l’hypothèse que l’imago dei n’avait pas besoin d’être clarifiée pour les premiers lecteurs; les idées qui s’en émanaient étaient généralement connues et partagées par plusieurs autres cultures du Proche-Orient ancien. Le concept «image de Dieu» qui est utilisé en Genèse trouve son arrière-plan dans le Proche-Orient ancien dont les rois mésopotamiens, hittites, assyriens, babyloniens et égyptiens étaient considérés comme images des dieux particuliers qu’ils représentaient. Si la Genèse reprend le motif de l’image, c’est entre autres pour «réagir contre l’idéologie du pharaon image de Dieu, image vivante d’Amon […], contre la confiscation par quelques-uns du privilège de l’homme comme tel». Tous les humains sont vicaires de Dieu, vicesrégents du grand Roi, des représen- • Dossier • tants appelés à régner sur terre sous la direction divine, et qui préparent la voie pour le règne effectif de Dieu. Ainsi, l’image, dans cette troisième conception désigne un office royal, la vocation de tous les êtres humains, élus pour être des représentants de Dieu et ses agents dans le monde, investis de l’autorité nécessaire pour prendre soin et partager les ressources de la planète selon le plan de Dieu. Notons que le thème de l’autorité déléguée à l’humain dans la Genèse est clairement développé dans le contexte immédiat de la déclaration sur l’image (Gn 1,26-28). IV- L’humain, une créature non banale Une anthropologie théologique évangélique biblique estimerait que la paléontologie, la biologie et les sciences connexes qui accentuent la continuité entre l’humain et le reste de la création n’ont pas tort. Ces sciences, toutefois, n’appréhenderaient qu’une partie de la vérité sur l’humain. Pour l’évangélique, l’Écriture lève aussi le voile sur la singularité de l’humain, une singularité qui ne peut être réduite à sa matérialité. Si l’animalité de l’homme est indéniable, dans le sens où il est difficile d’affirmer une aptitude particulière qui différencierait l’humain des animaux, nous constatons toutefois que nous sommes dotés d’un ensemble d’aptitudes dont la combinaison aboutit à un 7 Été 2012 Le Lien • Dossier • niveau de conscience et à des capacités mentales sans pareils. Il serait donc plausible de nous interroger sur l’émergence d’un tel niveau de conscience et de capacités mentales uniques. Fukuyama, discutant de la spécificité humaine, reprend un argument de Jean-Paul II qui corrigeait l’encyclique Humani generis de Pie XII. Ce dernier reconnaissait l’évolution darwinienne comme une hypothèse sérieuse mais encore à être prouvée. L’argument de Jean-Paul II, que des évangéliques intégreraient, veut que l’Église reçoive l’opinion alléguant que l’humain descendrait d’animaux non-humains et qu’il y eut au cours de ce processus une intervention de Dieu créant un bond ou saut ontologique – « ontological leap » - qui fait de l’humain actuel ce qu’il est. Si rien ne peut, a priori, d’un point de vue évolutionniste, expliquer l’émergence de la conscience, une anthropologie théologique évangélique y verrait un acte divin produisant ce saut ontologique jusqu’alors non nécessaire – La création de l’humain n’étant pas obligatoire – mais voulu et décrété souverainement par Dieu. Mais même si l’hypothèse de cet acte spécial de Dieu est digne de mention, l’évangélique ne trouve pas de base biblique pour en faire le fondement de l’unicité de l’humain, malgré ce qu’il pourrait en tirer comme intuitions. Il n’existe tout simplement pas de support biblique véritable pour une compréhension substantialiste de l’image ou de la nature humaine. 8 Dossier • Dossier Si les sciences contemporaines établissent une continuité entre l’humain et les animaux, le statut de créature à l’image de Dieu, d’un point de vue biblique, demeure l’apanage exclusif de l’humain. Les traditions juives et chrétiennes sont généralement d’accord sur ce point. L’humain ne serait pas fondamentalement différent de l’animal au niveau de sa nature, biologiquement ou intellectuellement. Il le serait par contre par rapport à son élection divine; il est une créature qui est dans une position de relation spéciale avec Dieu et avec le reste de la création. Et pour vivre cette relation, il aurait été doté de capacités biologiques et intellectuelles supérieures. Mais son caractère unique n’est pas fondé sur ces capacités. Elle est plutôt fondée sur son élection divine et la vocation que Dieu lui confère. De fait, la compréhension vocationnelle / fonctionnelle de l’imago dei sous-entend une dimension relationnelle et reconnait l’importance des caractéristiques essentialistes de l’humain. Mais elle n’est pas fondée sur ces caractéristiques et ne se trouve donc d’aucune façon menacée par d’éventuels découvertes ou résultats prouvés ou non, en cognition animale, qui révéleraient l’existence de certaines capacités de raison et de moralité chez des animaux. Dieu aurait élu une lignée qui serait l’homo sapiens, lui insufflant son souffle et faisant de lui le dépositaire de son image, avec la vocation d’exercer son • Dossier • règne sur la terre. Dans cette logique, on se désintéresse des traits essentiels particuliers à l’humain pour définir l’humain. Cette compréhension non-essentialiste permet la non-discrimination entre les humains, qu’ils souffrent de déficience mentale ou non, qu’ils soient plus ou moins gratifiés physiquement ou intellectuellement, qu’ils soient moraux ou immoraux. Puisqu’ils font partie de la lignée généalogique homo sapiens, ils sont humains et sont dépositaires de l’imago dei au nom de l’élection divine et de leur vocation. Via cette vocation, l’humain est appelé à refléter ce Dieu dans sa relation devant et avec les autres créatures avec lesquelles il partage le même espace. Le point de vue vocationnel et fonctionnel a aussi le mérite de ne pas imposer au texte biblique une lecture émanant d’anthropologies extrabibliques. Il voit dans l’humain un être qui s’implique dans le monde, s’accomplissant en s’investissant pour le plus grand bien-être des autres, remplissant son mandat selon l’exemple du Christ, s’actualisant pleinement dans une vie de service. 1. Paul WELLS, « À la recherche de l’image de Dieu … La théologie d’un paradigme perdu », Hokma, 80/2002, p. 13. 2. G. W. BROMILEY, « Image », op. cit., p. 803. 3. Voir Blocher, Wells et Sands pour une appréciation et une critique de l’élaboration de Barth et Brunner d’une anthropologique biblique dans une compréhension relationnelle. Le Lien Été 2012 • Dossier • L’homme a été créé à la ressemblance de Dieu. La dignité fondamentale de l’humain est posée dans le premier chapitre de la Genèse; elle ne lui sera jamais ôtée avant d’être pleinement accomplie en Christ. Dossier Dossier • Dossier • L’image de Dieu en l’homme Philippe Malidor, journaliste U Philippe Malidor • ne jeune fille de treize ans violée, assassinée et brûlée par un jeune homme de dix-sept ans; un gosse de trois ans asphyxié par son père dans un lave-vaisselle; une journaliste violentée en Égypte par une horde déchaînée. Autant d’exemples parmi d’autres dans l’actualité récente qui nous font douter que homo sapiens soit créé, comme le dit l’Écriture, « à l’image de Dieu ». Le père Édouard Cothenet, professeur honoraire de l’Institut catholique de Paris, et le professeur Paul Wells, doyen et professeur de théologie systématique à la faculté Jean Calvin d’Aixen-Provence, trouvent nécessaire de préciser ce que cette expression recouvre, dans une tradition qui est très allergique aux images: « Dès son premier chapitre, l’Écriture nous dit que l’homme est créé à l’image de Dieu. Cette affirmation, replacée dans son contexte historique et culturel, est assez étonnante, remarque Paul Wells. Quel en est le sens? Il s’agit évidemment d’un usage métaphorique, car l’homme n’est pas semblable à une reproduction de Dieu en modèle réduit, comme celle de César sur la monnaie romaine. » « Dans un monde peuplé d’images 9 Été 2012 Le Lien • Dossier • Dossier • Dossier Quelle que soit sa situation, l’homme reste créé à l’image de Dieu divines, l’interdit des représentations caractérise le judaïsme, souligne Édouard Cothenet. Or, en présentant l’homme comme image de Dieu, la Genèse inculque le respect auquel tout homme a droit en lui-même, quelle que soit sa naissance.» Une fois affirmée, cette dignité ne donne cependant pas le droit à l’homme de faire n’importe quoi: elle implique des devoirs et le sens de la modération: « Au couple originel, précise le père Cothenet, Dieu accorde la suprématie sur tous les animaux. Mais le pouvoir doit être exercé dans un esprit de douceur, signi- 10 fié dans un premier temps par le régime végétarien. La consommation de la viande ne sera autorisée qu’après le Déluge.» Déchu mais rendu digne «Dans les chapitres suivants de la Genèse, nous assistons à une dégradation constante de l’humanité, commente Édouard Cothenet. À la suite du meurtre d’Abel, Caïn banni de la présence de Dieu n’en reçoit pas moins une marque de protection (Gn 4,15s). Mais la corruption de toute chair entraîne • Dossier • le Déluge. La prolifération du mal signifie-t-elle que l’homme a perdu sa dignité d’image? Non, car lorsque Noé sort de l’arche, Dieu lui donne le code fondamental: “Qui verse le sang de l’homme verra son sang versé. Car à l’image de Dieu, Dieu a fait l’homme.” (Gn 9,6) Quelle que soit sa situation, l’homme reste donc créé à l’image de Dieu.» Le Psalmiste ira même jusqu’à affirmer: «Qu’est donc l’homme pour que tu penses à lui... Tu en as fait presque un dieu. » (Ps 8,5s) Le quasi-dieu donne cependant beaucoup de fil à retordre à son créateur : « Dire que l’homme est créé à l’image de Dieu signifie qu’il est créé à la fois dans la sainteté, la justice et la vérité, mais aussi dans une situation fragile où la déformation de l’image est possible», souligne Paul Wells. Et la situation est grave, ainsi que le formule Calvin: « Bien que nous confessions que l’image de Dieu n’a point été entièrement anéantie et effacée, elle est tellement corrompue qu’il n’en reste qu’une affreuse déformation1.» Un avenir et une espérance Tout espoir n’est cependant pas anéanti car le message de la nouvelle alliance parle aussi de restauration: «Nous pouvons (Suite en page 13) Le Lien Été 2012 • Dossier • Dossier • Dossier Dossier • Le propre de l’humain À leur suite, des hommes et des femmes ont refusé de suivre le courant et ont résisté, en parlant en « je ». Antoine Nouis, pasteur, directeur de la rédaction du magazine protestant Réforme L e Seigneur Dieu forma l’homme de la poussière du sol; il insuffla dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. » Dans le second récit de création, l’humain est formé à partir de la poussière du sol, comme le seront plus tard les animaux. Mais à l’humain seul, Dieu insuffle le souffle de vie. Cette expression évoque ce qui est particulier à l’humain et le distingue des animaux. Ce mot en hébreu (nechamah) a une connotation éthique, il correspond à la conscience. Dans la suite du chapitre, la différence entre l’humain et les animaux réside dans le fait que ces derniers sont créés espèces alors que l’humain est créé être de solitude. Parce qu’il est un être unique, l’humain est capable de dire « je », de se comporter à partir de sa conscience et non de se laisser conduire par le plus grand nombre. Antoine Nouis • Luther et Martin Luther King Être capable de dire « non » quand tout le monde dit « oui », et réciproquement, n’est pas donné à tous, il faut avoir une belle confiance en soi. Le plus souvent, la société nous invite à suivre le chemin de plus grande pente. Comme le disait un slogan de Mai 68: « Qui sort du moule dérange la foule ! » Un de ceux qui ont éveillé les consciences a été Luther. Lorsqu’en 1521 il a été convoqué à la diète de Worms, devant les représentants de l’empereur et du pape qui lui ont demandé de se rétracter, il a demandé vingtquatre heures de réflexion. Au bout de ce temps, il a refusé d’obéir en faisant appel à sa conscience « captive de la parole de Dieu ». En élevant sa conscience contre les autorités civiles et religieuses de son époque, Luther a posé l’importance 11 Été 2012 Le Lien • Dossier • Dossier • Dossier Luther et Martin Luther King du sujet face aux autorités. Il a ouvert un mouvement qui a débouché deux siècles plus tard sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui, dans son article 2, a fait de la résistance à l’oppression un « droit naturel et imprescriptible de l’homme ». Dans ce texte fondateur, la conscience est première par rapport à l’institution politique. C’est elle qui a conduit Martin Luther King à se réclamer de la désobéissance civile pour mener la lutte contre la ségrégation et pour les droits civiques. Dans sa Lettre de la geôle de Birmingham, il écrivait : « Je soutiens que quiconque enfreint une loi parce que sa conscience la tient pour injuste, puis accepte volontairement une peine de prison afin de soulever la conscience sociale contre cette injustice, affiche en réalité un respect supérieur pour le droit. » Chaque fois qu’un mouvement a essayé d’éteindre la conscience, il a glissé dans le totalitarisme. Marx disait que la con- 12 science n’est que la conséquence des modes de production : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être, mais c’est au contraire leur être social qui détermine leur conscience. » Si la conscience est le fruit des conditions matérielles, alors l’humain n’est qu’une machine qu’il convient d’éduquer pour le soumettre aux impératifs de l’Histoire… et du parti. La conscience est une protestation qui rappelle que l’humain ne se réduit pas à son être social. Les reins et les cœurs Dans l’anthropologie du Premier Testament, les reins sont le lieu de la conscience. À plusieurs endroits dans la Bible, il est dit de Dieu qu’il scrute les reins et les cœurs. Pourquoi les reins ? Parce que leur tâche est de filtrer le sang. Comme le rein, la conscience est chargée de faire le tri entre les idées justes et les idées injustes, • Dossier • les bonnes et les mauvaises actions. Lorsque Dieu défend au premier couple humain de manger le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, il ne lui demande pas de renoncer à la conscience, bien au contraire. Dans ce passage, la connaissance n’est pas tant une question de savoir que de possession. Dieu n’est pas contre le savoir, la Bible contient de nombreux versets qui appellent au renouvellement de l’intelligence. La connaissance dont il est question ici est la domination sur le bien et le mal. Cela renvoie à ce qu’on appelle la privatisation des valeurs: je décide ce qui est bien et ce qui est mal. Prenons l’exemple d’un comportement jugé mauvais au regard de notre propre conscience: tromper son conjoint, tricher avec le fisc, mépriser son prochain. Lorsque nous le faisons pour la première fois, nous nous sentons coupables. Si nous poursuivons dans la même voie, nous avons des remords puis nous nous trouvons des excuses et enfin nous finissons par revendiquer notre attitude en déclarant que, dans notre cas, le mal est un bien. Nous sommes devenus les maîtres du bien et du mal alors que la Bible et notre conscience nous disent: «Le bien et le mal ne t’appartiennent pas.» Après avoir mangé le fruit défendu, la Genèse précise que l’homme et la femme se cachent l’un devant l’autre et devant Dieu. Se cacher devant Dieu revient à éteindre la voix de sa conscience. Parce qu’ils l’ont enterré, Adam et Ève ne peuvent se montrer l’un devant l’autre dans la vérité de leur humanité. Ni devant Dieu. Le Lien Été 2012 • Dossier • La protestation de la conscience L’écrivain Christiane Singer a relaté sa rencontre avec un ami viennois de quatre-vingts ans qui avait participé à la résistance en Autriche. Il racontait que, le jour où Hitler a tenu au Heldenplatz son fameux discours, toute la ville déferlait vers cette place. Lui, seul, jeune homme, montait en sens inverse la rue pour aller à une réunion de résistants. Seul à contre-courant de la foule, il se disait : « Mais tu ne peux pas avoir raison contre tous. Ce n’est pas possible. Tu ne peux être seul à avoir raison. » Et au fond de lui, une voix lui disait : « Mais oui, tu peux. » Dans la même veine, Vassili Grossman, dans son roman Vie et Destin, qui se passe en URSS pendant la guerre, met dans la bouche d’un de ses héros, le physicien Sturm, les propos suivants: «Tout notre drame vient de ce que nous refusons ce que nous dicte notre conscience. Nous ne disons pas ce que nous pensons. Nous sentons les choses d’une façon mais nous agissons d’une autre. Rappelez-vous ce que Tolstoï disait à propos des exécutions : “Je ne peux me taire !” Mais nous nous sommes tus, quand, en 37, on a exécuté des milliers d’innocents… Nous nous sommes tus au moment des horreurs de la collectivisation. Nous avons trop vite clamé que le socialisme était arrivé. Le socialisme n’est pas seulement l’industrie lourde. C’est, avant tout, le droit à la conscience. Priver un homme de ce droit, c’est terrible ! » (Article paru dans Réforme) Dossier • Dossier (Suite de la page 10) discerner ce que cette image a perdu et ce qui est restauré en Christ: la justice, la sainteté et la vérité (Col 3,10 ; Ep 4,24).» «Il existe, dans le message biblique, toute une dynamique de restauration, centrée sur Christ et animée par lui vis-à-vis de nous-mêmes, des autres et du monde, soutient Paul Wells. Le rétablissement de l’image est global, même s’il n’est pas encore total dans ce monde, avant le retour de Christ et avant la nouvelle création.» Édouard Cothenet partage cette même espérance, précisant bien, avec Irénée, que «c’est l’homme, dans sa condition de chair animée, qui a été créé à l’image du Verbe de Dieu fait chair». Origène insiste sur le rôle des efforts humains dont Augustin, lui, se méfie en mettant l’accent sur la grâce imméritée par laquelle Dieu nous restaure. Don total du salut en Jésus-Christ et liberté humaine: « Cette conception dynamique du salut permet de conclure que l’homme n’est pas prisonnier de son passé, selon Édouard Cothenet. Tant qu’il vit, tous les retournements sont possibles. La Parole de vie peut encore atteindre le cœur de pierre et le transformer en cœur de chair, comme celui du bon larron introduit au paradis avec le Christ.» (Article paru dans Réforme) 1. Calvin, Institution chrétienne, I. xv. 4, cf., II.ii.17, éd. Kerygma, éd. Excelsis, 2009, p.139. • Dossier • * Image et ressemblance Dans la Genèse (1,26), y a-t-il une différence réelle entre les deux termes çèlèm (image) et demûth (ressemblance)? Les hébraïsants en discutent. Les traducteurs de la Septante utilisent les mots grecs eikôn et homoiôsis; le second terme pourrait indiquer un niveau de ressemblance plus achevé. Le Dictionnaire biblique Westphal refuse de distinguer entre l’image (qui, chez les catholiques, ferait référence aux qualités naturelles de l’humain) et la ressemblance (qui ferait référence aux dons surnaturels) et ne voit dans l’emploi consécutif de ces deux termes qu’une «répétition par parallélisme». Chez les Pères grecs, on évoque une évolution de l’image vers la ressemblance mais il n’y a pas unanimité sur le processus. Irénée a une vision «holistique» du salut, dirions-nous aujourd’hui, qui concerne l’être humain dans toutes ses dimensions, et l’image de Dieu en l’homme doit mûrir jusqu’à devenir ressemblance à Dieu. Origène, lui, est plus proche de Platon: allergique à l’anthropomorphisme, le maître d’Alexandrie considère que c’est par son âme que l’homme est à l’image de Dieu. Dans son traité Sur les Principes, Origène écrit: «L’homme a reçu, lors de la création première, la dignité de l’image, mais la perfection de la ressemblance lui a été réservée pour la fin.» www.monretour.com Ce site se veut un lieu de restauration spirituelle et d’accompagnement pour tous ceux qui veulent revenir à Christ. Visitez ce site afin de pouvoir encourager ceux qui ressentent ce besoin. 13 Été 2012 Le Lien • Dossier • D’abord promu par des féministe, la « théorie du genre» part d’une conception faussée de l’égalité entre les sexes et d’une volonté de «libérer» l’individu de tout cadre normatif donné par la nature, la tradition, la révélation et Dieu luimême. Alain Ledain 14 Dossier • Dossier • Dossier • Les dangers de la théorie du genre Alain Ledain, enseignant évangélique, président et fondateur d’Actes 6 L a « théorie du gender » ou «théorie du genre» est apparue dans les années 90 aux États-Unis. Les partisans de cette idéologie refusent toute idée d’une identité sexuelle qui serait reçue ou inscrite dans notre corps et qui nous déterminerait comme homme ou femme. Ils préfèrent utiliser le concept de genre: genre féminin ou genre masculin. Le genre serait le résultat du contexte culturel dans lequel on aurait grandi. Ce genre serait donc modifiable à souhait et en aucun cas ne serait lié au sexe qui est une détermination inscrite dans notre nature. La différence corporelle appelée sexe est ainsi minimisée. Une conséquence de cette théorie est d’expliquer l’hétérosexualité comme la conséquence d’un climat culturel qui la favoriserait. En aucun cas, elle ne serait inscrite dans la nature de l’homme et de la femme. Elle ne serait pas un élément fondateur des relations humaines mais plutôt la conséquence d’un formatage culturel qu’on nous aurait imposé depuis tout petit. Il n’y aurait pas de complémentarité naturelle entre l’homme et la femme, pas d’inclinaison naturelle vers l’autre sexe. L’homme tombe ainsi dans l’orgueil de penser qu’il ne doit rien à personne, qu’il ne dépend de rien, et Le Lien Été 2012 • Dossier • Les adeptes de la théorie du genre nient la différence corporelle appelée sexe. surtout pas d’une loi naturelle qui l’aurait précédé. L’individu veut se créer lui-même; quelle illusion! À priori, il refuse l’identité sexuelle qu’il n’a pas choisie et veut construire son genre. Mais est-ce là la liberté? Présenter la doctrine du gender comme une vérité scientifique est une imposture éducative et éthique. Il est vrai que toute identité se construit et que cette construction a une dimension culturelle. Toutefois, nous ne pensons pas que cette dimension soit primordiale pour l’identité sexuelle. Une personne est son corps, le genre doit être construit confor- Dossier • Dossier mément au sexe et, dans notre vivre ensemble, les codes culturels du masculin et du féminin doivent être nettement différenciés. C’est, à mon avis, le sens de cette interdiction de l’Ancien Testament: «Une femme ne portera point un habillement d’homme, et un homme ne mettra point des vêtements de femme; car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel, ton Dieu.» (Dt 22,5). Ceci étant dit, le donné de nature (le sexe biologique) «ne prédispose pas automatiquement à un rôle préétabli par la société sur le plan social ou professionnel. Mais, il prédispose la femme à être mère, c’est-à-dire à porter l’enfant, et l’homme à être père. » Pour les adeptes de la théorie du genre, la vocation de la femme en tant que mère et épouse est considérée comme une construction sociale contraire à l’égalité, comme un « stéréotype » à déconstruire. Parler de complémentarité homme-femme est devenu discriminatoire et contraire à l’éthique. Au risque de déplaire, il faut oser écrire que nous ne sommes pas en tout point « égaux »; ce qui ne signifie pas qu’il y a des inférieurs et des supérieurs, des dominés et des dominants, des seigneurs et des subordonné(e)s! Nous avons reçu, marquée dans notre corps, une vocation différente. On comprend que les femmes réagissent à la violence des hommes, à • Dossier • leur discrimination, au machisme, à l’autoritarisme, au patriarcat… en résumé, à la domination de l’homme qui est une conséquence du péché (Gn 3,16). Une profonde repentance doit se vivre chez l’homme et son comportement doit changer. Malheureusement, par le gender, il est répondu au péché de l’homme par la révolte (la guerre des sexes) et non par l’amour et la réconciliation. Cette réconciliation devrait s’opérer entre l’homme et la femme d’une part, mais aussi entre la femme et sa vocation en dépassant les conformismes sociaux: Une femme épanouie n’est pas seulement celle qui a réussi socialement ou professionnellement ! Nous sommes dans une période de déconstruction culturelle et le gender y participe. Cette déconstruction remplace l’anthropologie biblique par une conception non chrétienne de l’homme et de sa vie en société; elle participe à l’apostasie. Une grande confusion règne et déstabilise la communauté humaine. Ne nous arrêtons pas à ce constat mais travaillons à « construire une société pacifiée, fondée sur le respect et la coopération plutôt que sur la rivalité et la compétition. » Manifestons « de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, égaux en droits et d’une égale dignité.» Et, comme je l’ai souvent écrit, le premier endroit où ces choses doivent se vivre, c’est dans l’Église de Jésus-Christ et ses familles. (Article paru dans Horizons Évangéliques) 15 Été 2012 Le Lien • Parole vivante J e trouve le passage de Jn 21,15-22 extraordinaire. On sent toute l’affection et l’amour que le Seigneur a pour Pierre. Il ne lui reproche pas son reniement; Il lui confie plutôt une tâche très importante, celle de paitre ses brebis. Soula Isch 16 • Parole vivante • Parole vivante • Quand tu seras vieux Soula Isch, missionnaire de la SIM C ependant, il ajoute une chose à laquelle Pierre ne s’attendait probablement pas. Le Seigneur ressuscité prévient son disciple réhabilité que sa vieillesse sera difficile, qu’il ferait face à la souffrance. Avant la crucifixion, Pierre avait dit au Seigneur qu’il était prêt à souffrir et même à donner sa vie pour lui. Il le fera pour sûr, mais quand il sera vieux. Avec le vieillissement nous perdons notre autonomie; nous sommes confrontés à toutes sortes de limitations; nous devenons dépendants des autres, de la famille, des amis et des circonstances. Je me demande si Pierre a vécu le reste de sa vie en pensant à sa vieillesse qui allait, selon le Seigneur, être empreinte de souffrance. Comment cette annonce l’at-il affecté ? Qu’est-ce que nous aurions fait à sa place ? Comment aurions-nous envisagé le reste de notre vie ? Dans les Actes des Apôtres on trouve un Pierre dynamique et déterminé à répandre l’Évangile, et prêt à souffrir pour son Seigneur. Il a été persécuté et emprisonné pour sa foi, mais il n’a pas bronché. Lorsque nous lisons les deux épî- tres qu’il a probablement écrites depuis Rome, nous voyons un Pierre qui, comme le Seigneur l’avait dit, est le berger qui console et qui encourage ses brebis. On ne le voit nulle part se plaindre ou abhorrer sa vieillesse; bien au contraire, il laisse Dieu conduire toutes choses et lui donner la grâce au moment voulu pour supporter la souffrance de sa vieillesse (1 Pi 2,11; 4,7; 5,7; 2 Pi 1,10.1215; 3,18). Nous pouvons nous aussi nous sentir parfois coincés, cloisonnés, pour différentes raisons, sans pouvoir nous en sortir. Sachons que Dieu à qui nous avons confié nos vies est capable de nous aider jusqu’au bout. Demandons-lui de nous accorder sa grâce pendant cette phase de notre vie. Il est fidèle. Un stade inéluctable Aucun d’entre nous ne peut éviter le vieillissement. À moins que le Seigneur ne revienne quand nous sommes encore jeunes, un jour le vieillissement aura raison de nous. Les rides vont se succéder et notre corps s’affaiblira. Mais en attendant, nous devons faire face à la vie telle qu’elle se présente à nous, savoir accueil- Le Lien Été 2012 • Parole vivante • Parole vivante de nous morfondre. Nous avons besoin de la sagesse de Dieu pour pouvoir vivre notre vie à n’importe quel stade où nous nous trouvons. Moïse avait compris cela. Lorsque tout le peuple d’Israël s’est rebellé contre Dieu dans le désert, il a été puni. Moïse s’est rendu compte qu’il avait besoin de la sagesse de Dieu pour savoir comment vivre différemUne ride, ce peut être le sillon que laissent en nous l’expérience et la sagesse ment et le servir efficacement. Il a fait alors une prière: «Enseigne-nous à bien lir ce que la vie nous apporte et ne pas compter nos jours afin que nous applinous laisser vieillir avant l’heure. «Une quions notre cœur à la sagesse», Ps 90,12. ride, ce peut être le sillon que laissent en nous l’expérience et la sagesse. Et ce qui compte c’est de savoir si le corps et l’esprit sont enrichis de ce temps passé, s’ils ont Une nouvelle phase transmuté les années écoulées en savoir, sans perdre la vigueur! Voilà l’important.» Nous vieillissons tous et au même (Au nom de tous les miens, Martin Gray). rythme, un jour à la fois, une heure à la fois, une minute à la fois. Si nous pouVieillir est un art qui s’apprend, comme vions accepter ce fait comme quelque toute autre chose ou toute saison de la chose de normale et d’inévitable et si vie. On peut s’inquiéter en nous demannous étions assez sages pour utiliser cette dant ce que nous allons devenir, si nous période de notre vie afin de transmettre aurons les moyens pour faire face à nos aux plus jeunes, que ce soit dans nos besoins matériels et physiques. C’est familles ou dans nos églises, les leçons à ce moment que nous devons nous que nous avons apprises tout au long rappeler les promesses du Seigneur qui de notre vie, rien ne serait perdu. Bien nous a formellement dit de ne pas nous sûr il faudrait aussi que l’on nous donne inquiéter pour l’avenir car notre Père l’occasion de partager notre savoir. Vicprendra soin de nous. Mais nous somtor Hugo a écrit : «On voit de la flamme mes tellement humains, et c’est plus fort aux yeux des jeunes gens, mais dans l’œil que nous de nous inquiéter et même du vieillard on voit de la lumière.» Et un • Parole vivante • proverbe africain dit: «Le vieux qui est assit voit plus loin que le jeune qui est débout.» J’aime observer les personnes âgées en Afrique, surtout dans les villages; elles sont souvent assises avec des plus jeunes en train de palabrer. Et quand les personnes âgées parlent, les jeunes les écoutent avec respect. C’est une manière de faire passer d’une génération à l’autre leur histoire et leurs valeurs. L’âge de la retraite n’est pas la fin d’une vie mais le début d’une nouvelle phase qui pourrait être très utile et fructueuse jusqu’au bout. Lise Thibaut, ancienne Lieutenant Gouverneure du Québec a dit lors d’une interview: «Les gens qui voient la retraite comme la fin de leurs activités deviennent des moribonds et des consommateurs des médicaments. Il faut rester actif, il faut se donner aux autres». Les fils de David Livingstone, qui a été trouvé mort à genoux, ont découvert une note écrite par leur père la veille: «Mon Jésus, mon Roi, ma vie, mon tout; je te consacre de nouveau toute ma vie». Pour ce grand homme de Dieu chaque jour était une autre occasion pour servir et pour grandir spirituellement, et cela jusqu’au bout de sa vie. Est-ce cela notre but et notre ambition ? Je l’espère. Alors nous n’aurons pas peur de «devenir» vieux. Juste avant que le Seigneur dise à Pierre : «Quand tu seras vieux… », il lui demande par trois fois : «M’aimes-tu?» La question a visiblement gêné Pierre, mais elle lui a donné l’occasion de dire ouvertement au Seigneur qu’il l’aimait. C’est la chose qui compte le plus pour le Seigneur et c’est ce qu’il nous demande, de l’aimer jusqu’au bout de notre vie. 17 Été 2012 Le Lien • Vie chrétienne • Vie chrétienne • Vie chrétienne • Déjeuner de prière à e Montréal - 4 Édition Mireille Mirambeau Membre du comité organisateur Pour la 4e année consécutive, l’Église Méthodiste Évangélique de Montréal, dirigée par le révérend pasteur Moise Isidore, a organisé un déjeuner de prière sous le thème «Nous avons la victoire, Alleluia ! ». Environ 500 personnes ont pris part à cet événement qui s’est déroulé le 4 août dernier au Centre Mont-Royal à Montréal. 18 L ’assistance a pu louer, adorer avec des artistes et groupes tels Luc Gingras, Ichthus, Joël Lorquet, Claude Doucet, Jude Deslouches, le groupe de louange de l’Église Méthodiste et la chorale de l’Église Méthodiste. Le témoignage d’Eryc Kernisan a rappelé combien Dieu veille sur nous dans tous les moments de notre vie et surtout que nous devons écouter sa voix. Une pièce théâtrale présentant les femmes victorieuses de la Bible a été chaudement applaudie. Le Pasteur Gingras avec sa femme Nathalie ont transporté le public par leurs chants. Dans sa méditation le Pasteur Gingras a rappelé l’amour et la bonté de Dieu et l’importance de s’accrocher à notre Seigneur. La vidéo qui appuyait son message a touché les cœurs. Ce fut ensuite un moment de prières intenses, prières pour les maladies, pour les couples, les familles, prières de renouvellement et de consécration. Au coup de 12 h 30, la matinée s’achevait avec le chant «Nous avons la victoire Alléluia ! » Dans l’assistance on pouvait voir le Député Emmanuel Dubourg accompagné de son Conseiller politique, Mme Marjorie Michel, Monsieur Franz Benjamin, Conseiller de la Ville, Monsieur André Joly Directeur de CKZW, le son Gospel du Québec, de même que les représentants de l’émission Écho évangélique du samedi matin. Le consulat d’Haïti à Montréal avait été représenté par Madame Djinah Thomas. Certains participants avaient fait le voyage de Boston, d’Ottawa et d’Haïti afin de pouvoir prendre part à cette matinée de prière. En outre, plusieurs pasteurs de différentes confessions religieuses avaient également participé à cette matinée spéciale. Comme ce fut le cas durant les trois Le Lien Été 2012 • Vie chrétienne • Vie chrétienne • Vie chrétienne • De gauche à droite: le pasteur Gingras et sa femme Nathalie; les actrices du choeur parlé Les femmes victorieuses de la Bible années précédentes, les chrétiens ont apprécié ce moment d’échange et de ressourcement spirituel. En effet, autour d’un repas fraternel, les participants ont eu l’occasion d’entendre des témoignages vivants, des chants de louange et d’adoration exécutés par des artistes de talents et de déposer leurs fardeaux aux pieds du Seigneur. Pour cette 4e édition, ils pouvaient se pro- curer de la littérature spirituelle grâce à la libraire CLC qui était présente et aussi des versets bibliques sur des cadres réalisés par Ken cadres évangéliques. Les conseils donnés ont été de continuer à prier les uns pour les autres et, dans ce monde troublé, d’avoir les yeux fixés sur la croix. Les participants ont quitté la salle remplis d’espoir, car ils attendent la réponse de Dieu à leurs requêtes. Notre Seigneur avait répondu à la prière de plus d’un les années précédentes et Il est le même Dieu hier, aujourd’hui et éternellement. Le rendez-vous prochain est pour août 2013 sachant que plusieurs qui avaient participé à ce déjeuner de prière viendront partager leurs expériences avec ce Dieu de délivrance et faire connaitre leurs victoires. À l’année prochaine ! De gauche à droite: l’artiste Claude Doucet et le groupe de louange 19 Été 2012 Le Lien • Actualités • Actualités • Actualités • Actualités • Glanures François Gougoux, journaliste Une promenade à travers l’actualité reliée au monde chrétien. 20 T rois médecins anglais m’ont dit récemment que tous leurs collègues de 55 et plus sont opposés à l’euthanasie mais les jeunes médecins y sont très favorables. Pourquoi cela? Autrefois, l’enseignement que recevaient les médecins parlait constamment de préserver la vie et de ne jamais l’ôter. Le serment d’Hippocrate datant du 4e siècle avant Jésus Christ et prononcé par tous les médecins visait autrefois à rétablir, préserver ou promouvoir la santé. Il promettait entre autres d’éviter la séduction des patients, l’extorsion, l’avortement et de ne pas offrir du poison aux patients. Les éditions récentes du serment des médecins, comme celle du Québec, ne comportent plus d’interdit et se contentent d’affirmer ce qui doit être fait (comme par exemple, je remplirai mes devoirs de médecin envers tous les patients avec conscience, loyauté et intégrité; je donnerai au patient les informations pertinentes et je respecterai ses droits et son autonomie). Comme quoi, le progrès n’a pas que des avantages ! Un sondage de l’Association d’Études Canadiennes faite durant Pâques 2012 a révélé que seulement 42% des Canadiens affirment que «la religion est importante dans ma vie» (parmi eux il y a 46% de femmes et seulement 30% des 18 à 24). Pour le Québec ce pourcentage baisse à 33% (contre 54% au Manitoba et Saskatchewan), même si 62% croient encore que Dieu existe. On remarque que le pourcentage québécois est approximativement le même que celui des 18 à 24 ans au niveau du Canada. Ce qui semble indiquer qu’une tendance répandue parmi les jeunes au niveau du Canada affecte le Québec Le Lien Été 2012 • Actualités • Actualités de façon plus globale. Il est aussi triste de constater qu’au Canada, seulement 48% des répondants considèrent que les pasteurs et le clergé sont fiables. Le pourcentage n’est pas meilleur lorsque l’on considère la fiabilité des croyants laïques. Tous les croyants sont vus quasiment comme des Témoins de Jéhovah, la Mafia ou les Communistes autrefois. On se fie plus aux personnes non-religieuses et moins aux croyants et encore moins aux pasteurs. C’est un cinglant avertissement pour les pasteurs, et aussi un appel aux chrétiens pour les épauler et les encourager dans leur tâche! Quelques autres découvertes du précédant sondage indiquent que: 76% des Canadiens (dont 81% des femmes) croient que les bonnes œuvres seront éventuellement récompensées, mais seulement 63% croient qu’il y aura un châtiment pour les mauvaises actions. Fait intéressant, les 65 ans et plus sont les plus croyants et les plus affirmatifs sur l’existence de la vie après la mort et les récompenses pour les bonnes actions (79%), mais aussi les moins certains pour ce qui concerne les châtiments (58%). Les 18 à 24 ans par contre, malgré leur plus grande incroyance, montrent une certitude sur les récompenses (77%) et les punitions (72%) plus grande qu’au niveau de leur croyance en Dieu. Cela voudrait-il dire que les personnes âgées font preuve de plus de magnanimité sur les égarements humains et pensent que Dieu agit de la même façon? Ce même sondage révèle le fait suivant: 46% des francophones cana- • Actualités diens appuient l’affirmation selon laquelle il existe une puissance supérieure qui gouverne le monde, contre 60% des anglophones (avec 73% au Manitoba et Saskatchewan). Le pourcentage relatif à cette question est élevé chez les moins riches et semble diminuer avec chaque tranche d’augmentation du revenu familial. Il semble aussi que les pourcentages soient approximativement les mêmes pour les riches, les Francophones, et les jeunes, pour toutes les questions sur la religion. Les hommes se révèlent plus sceptiques que les femmes. On peut se demander quel est l’aspect du message biblique et quels sont les moyens qui pourraient permettre de rejoindre ces gens qui paraissent réfractaire à l’Évangile. Il semble que les immigrants contribuent à améliorer les pourcentages favorables à la croyance religieuse qui seraient autrement plus bas. Si les croyances et les pratiques de certains immigrants peuvent être sujet à débats, il demeure aussi vrai que l’Église dans les grandes villes et particulièrement au Québec serait très faible sans ces personnes venues de loin. La plupart des étudiants en théologie au Québec viennent des églises ethniques. Les dénominations sans églises ethniques courent le risque de disparaître. De plus en plus d’églises composées de québécois de souche ont des pasteurs venus d’ailleurs. Un étudiant de parents immigrants, et qui a vécu au Québec depuis son enfance, a affirmé qu’il n’avait jamais rencontré un chrétien blanc avant d’aller à un collège chrétien. Autrefois, la Marche pour • Actualités • Jésus et la Mission en Fête regroupaient plusieurs groupes ethniques et permettaient aux chrétiens de développer un sens d’appartenance plus grand. Notons aussi que par le passé, les chrétiens avaient en commun des magazines évangéliques interdénominationnels tels que L’Aurore et Le Vigneron, et aussi des associations communes (Association des Églises Évangéliques du Québec, Association des collèges de théologie, Tremblement de Cœurs pour les jeunes, Marche pour Jésus, Mission en Fête, etc.). La perte de ces institutions fructueuses est à déplorer. Mais comme on l’a vu récemment pour Mission en Fête, faute de leadership, de bénévoles et de financement, églises et institutions ont à la longue tendance à perdre l’énergie et la vision. L’expérience montre que l’énergie et la vision viennent souvent des plus jeunes. D’où l’importance de faire de la place aux jeunes visionnaires. Un livre récemment publié parle des sites-web et possède comme titre Don’t Make Me Think ou «Évitez de me faire réfléchir». Le principe enseigné est que les gens ne prennent que quelques secondes sur un site web. Si le site ne les accroche pas assez vite et s’il n’est pas simple, ils vont le quitter pour un autre site. Quelle pression pour les programmeurs! C’est aussi un enseignement que les églises peuvent appliquer à leurs affiches devant leurs bâtiments, leurs messages téléphoniques. cultes, réunions de jeunesse et études bibliques. Il est crucial de bien nous représenter comment les autres perçoivent ce que nous faisons. 21 Été 2012 Le Lien • Actualités • Actualités • Actualités • Actualités • J’ai lu pour vous Richard Lougheed, chargé de cours et bibliothécaire à L’École de Théologie Évangélique de Montréal / Institut Biblique VIE Le livre de Fath et Willaime présente non pas la Nouvelle France mais la France protestante telle qu’elle est constituée aujourd’hui dans les premières années du XXIe siècle. Cette étude de 483 pages sous la direction de deux des plus grands sociologues français des religions est un bijou que devraient lire tous les leaders d’ici, même si elle ne mentionne jamais le Québec, sauf pour une entrée dans la bibliographie de 30 pagesoùonseréfèresouvent à la Suisse, à la Belgique et à la plupart des pays de la francophonie. L’oeuvre est d’une telle richesse qu’elle mérite qu’on s’y arrête longuement. 22 C e livre qui fait intervenir plusieurs auteurs est une étude extrêmement fouillée sur les protestants en France quelle que soit leur appartenance confessionnelle. On peut qualifier cette étude de véritable instrument de travail, outil pour une réflexion féconde sur les tendances présentes de ces confessions. Comme on aurait aimé qu’une telle analyse s’étende aussi au Québec! En attendant qu’elle soit faite, nous ne pouvons qu’admirer leur approche méthodologique et tenter pour nous-mêmes quelques comparaisons. On y apprend que la sécularisation de la France rend les catholiques minoritaires tout autant que les protestants l’étaient. Mais au lieu d’éliminer la religion, le pluralisme laisse une place à la diversité qui a toujours caractérisé les protestants. De plus, les chercheurs constatent que c’est la venue en France d’immigrants en si grand nombre qui a, à n’en pas douter, renforcé les ailes évangéliques et pentecôtistes/charismatiques.. On calcule que les protestants représentent 2% de la population française actuellement alors qu’ils en formaient 12% en 1560, mais seulement déjà 2,17% en 1851. Il est difficile d’évaluer leur nombre exact selon ce qu’on compte, le fort noyau des fidèles qui assistent au culte une fois par mois ou l’ensemble des adhérents. Le livre aborde différents sujets tels que : la variété des groupes pentecôtisants, les approches des Églises pour l’action sociale, une analyse de l’ecclésiologie protestante, une typologie des Églises ethniques et multiethniques, les problèmes de financement, de ceux liés à la jeunesse, et bien d’autres encore. On n’a que l’embarras du choix selon ses intérêts propres. Pour une revue plus détaillée, voir. le Bulletin de la Société d’Histoire du Protestantisme Franco-Québécois (SHPFQ) de septembre 2012 Le Lien Été 2012 • Actualités • Actualités • Actualités • Actualités • Convention des Frères mennonites L e rassemblement national des délégués des Églises canadiennes de Frères mennonites (FM) a eu lieu du 11 au 14 juillet dernier à Winnipeg. Ce rassemblement qui a lieu tous les deux ans est l’occasion de faire le point sur les réalisations passées et d’instaurer un nouveau souffle pour l’avenir. Le présent rassemblement s’est distingué par une augmentation substantielle du budget des ministères de la Conférence canadienne des Églises FM. Un accent particulier a été donné à l’implantation de nouvelles églises à travers le Réseau C2C1. Gord Fleming, le directeur de C2C prévoit que 54% du montant alloué à l’implantation de nouvelles Églises couvriront les coûts de départ et les salaires des pasteurs et etc., 34% iront aux salaires du personnel, 7% à la formation des implanteurs et 5% au fonctionnement administratif. Des délégués ont exprimé le souhait de voir C2C refléter de manière consistante les valeurs des FM et s’intégrer dans leurs structures de formation. Se basant sur un rapport d’évaluation des ministères nationaux de la Conférence2, Willy Reimer, directeur exécutif de la Conférence, a exhorté l’assemblée à «faire ensemble ce qu’aucune Église ne peut faire toute seule». Nombre de délégués se sont plaint de ne pas avoir eu accès au rapport complet et aux recommandations de Terry Mochar. La parole prophétique de Mochar publiée dans le MB Herald de juillet 2012 a aussi été accueillie avec un certain malaise par plusieurs délégués. Le Comité Foi et Vie national (BFL) a été chargé d’examiner le rapport afin « d’aider à évaluer les observations et les conclusions du rapport d’une manière qui soit en accord avec l’identité des Frères mennonites» a affirmé Brian Cooper le président du BFL. Willy Reimer, directeur de l’exécutif, s’adresse à l’assemblée. 1. C2C sigle de «Sea to Sea» (inspiré du Psaume 72,8), réseau canadien d’implantation d’Églises regroupant différentes dénominations. 2. Rapport de 139 pages soumis par le consultant Terry Mochar. Le rapport a mis en évidence un climat de méfiance à travers la dénomination et le fait que les différentes entités fonctionnent indépendamment les unes des autres. 23 Été 2012 Le Lien