La da a condition féminine ans L`Enfant de Sable

Transcription

La da a condition féminine ans L`Enfant de Sable
MINISTERE DE L’ÉDUCATION NATIONALE
ET DE RECHERCHES SCIENTIFIQUES
---------------------------UNIVERSITE DE TOLIARA
-------------------------FACULTE DES LETTRES
ET DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
----------------------------------DEPARTEMENT D’ETUDES FRANÇAISES
----------------------
La condition féminine
dans L’Enfant de Sable
MEMOIRE DE MAÎTRISE
OPTION LITTERATURE
Présenté par :
Sous la direction de :
RALISON Manambina Aïïd
da Christelle
BEMIARANA JJe
ean Marie
Maître de Con
nfférences
Date de soutenance : 04 Décembre 2008
ANNEE UNIVERSITAIRE 2007-2008
REMERCIEMENTS
Je n’aurais pas pu terminer ce livre sans la grâce du Très Haut, qu’Il soit loué à
travers ce mémoire.
Toute ma gratitude à tous les enseignants du Département d’Etudes Françaises
de l’Université de Tuléar, particulièrement à :
-
Monsieur BEMIARANA Jean marie, Maître de Conférences, pour son appui et
ses directives
-
Madame RAVOLOARIMANANA Hery- Zo qui a apporté sa contribution durant
l’élaboration du travail.
-
Madame ANDRIAMAMPIANINA Hanitra Sylvia, Maître de Conférences, pour
ses précieux conseils.
Mes vifs remerciements à chacune de ces âmes : Ma Chère Mère, ma grande
sœur et ma tante Christianie, pour leur soutien moral et financier, pendant mes
années d’études à l’Université.
J’adresse également mes sincères remerciements à mes amis : Andry Marc,
Fetranirina, Frère Jean-Barthelemy et Frère Georges, qui m’ont beaucoup aidée
dans la réalisation de ce présent mémoire.
INTRODUCTION
4
L’enseignement de la littérature, qui a été notre domaine d’étude favori,
durant notre cursus universitaire, nous a permise d’élaborer le présent mémoire. Notre
travail s’inscrit dans le domaine de la littérature maghrébine d’expression française. Il
s’agit d’une étude orientée vers la circonstance de vie des femmes dans la société
maghrébine. Nous l’avons choisie dans le but de mettre en relief son originalité et son
importance, en tant que recherche dans la littérature francophone.
Cette littérature demeure intéressante, dans la mesure où les thèmes évoqués
ne s’éloignent pas du pays de Maghreb, et visent directement les problèmes sociaux, à
l’instar de : l’aliénation, l’enfance saccagée, l’émigration, l’acculturation, la menace
féminine, l’errance, etc. Mais ce qui nous a fascinée c’est surtout la situation
malheureuse de la femme.
Il est vrai que le problème social de la femme ne se limite pas dans les pays
arabes, mais concerne de près ou de loin les femmes dans presque tous les pays, y
compris celles de
Madagascar. Néanmoins, nous avons opté à l’étude de la femme
arabe, car elle se trouve dans une société où les femmes sont les plus maltraitées.
Notre objectif est de donner une nouvelle image plus appropriée de la femme.
Nous avons décidé de traiter ce sujet à partir de l’œuvre de l’écrivain marocain,
Tahar Ben Jelloun, intitulée L’Enfant de Sable, publiée aux Editions du Seuil, en
septembre 1985. C’est un roman inspiré d’un fait réel et qui côtoie les contes. Plusieurs
conteurs interviennent dans la narration, sur la place Jamâa-El-Fna de Marrakech, une
des provinces marocaines1.
Notre choix s’est porté sur cette œuvre puisqu’elle met en exergue la fonction
libératrice et séductrice de la langue française, ainsi que l’identité culturelle de la
société maghrébine. L’auteur même le note lors de sa déclaration à la télévision
française (Antenne 2), le 04 décembre 1985, qu’il « n’aurait pas pu écrire L’Enfant de
Sable en arabe, parce que le contenu du roman est de l’ordre de l’hérésie par rapport
au Coran, à la religion, aux parents. Il faut recourir à la langue de l’altérité pour passer
outre le surmoi des parents et de la société. Utiliser le français rend possible la
transgression de tous les tabous. »2
1
C’est un espace réservé au conte, selon Rachida SAIGH-BOUSTA, « chapitre 20 : Tahar Ben Jelloun », in
Littérature maghrébine d’expression française, collection « Université Francophone » (nº48), 1996, Edition nº
01, p.181.
2
Jean Déjeux, Littérature maghrébine d’expression française, Paris PUF, juillet 1992, P.102
5
Le personnage féminin constitue une thématique communément importante
chez la majorité des écrivains maghrébins, parmi lesquels Tahar Ben Jelloun, né à
Fès, au Maroc, en 1944. Romancier, poète, essayiste, il a également collaboré au
journal français Le Monde et a reçu le prix Goncourt en 1987 avec La Nuit Sacré, un
roman suite de L’Enfant de Sable. Ben Jelloun se distingue dans la manière de mettre
en scène l’aspect de sa tradition, car tout ce qui se passe dans le livre découle de son
héritage culturel. D’ailleurs, il soulève le problème du sort des femmes enfermées par
l’état d’esprit figé des maghrébins.
Et puisque nous avons opté à l’étude de la femme dans l’œuvre de cet auteur,
il est notre devoir d’élargir sa conception de la femme vers de nouvelle perspective,
d’où l’intitulé de notre travail :
« La condition féminine dans L’Enfant de Sable. »
A partir de ce titre, la question principale est : Quel est le statut de la femme
dans la société maghrébine ? L’objet de notre analyse est de présenter le rôle de
l’œuvre face à la sous-estimation de la femme. Sur ce, nous appliquerons l’approche
sociologique, jugée convenable pour notre étude. En choisissant cette approche, nous
pouvons diriger notre travail vers une réalisation sociale qui pourrait mettre en relation
le discours social dont l’œuvre se nourrit, ainsi que le monde fictif de l’auteur.
Nous nous référons ainsi à Lucien Goldmann qui affirme que le « roman est
celui de la relation entre la forme romanesque elle-même et la structure du milieu
social à l’intérieur duquel elle s’est développée. » 1 Donc, traiter une œuvre par
l’approche sociologique, c’est la mettre dans son contexte social, tout en cherchant à
savoir le message que l’auteur veut transmettre.
L’approche sociologique se repose sur des données sociales en particulier,
alors elle se rapproche de la réalité. Ainsi, le procédé que nous allons appliquer dans
cette approche consiste à mettre en parallèle l’œuvre et la réalité sociale, autrement
dit, nous appliquerons les idées qui intéressent notre sujet, tout en établissant les
rapports avec la société.
Nous allons donc faire un va-et-vient entre le roman et la société existante.
D’après cette démarche, nous allons connaître la part de vérité du monde romanesque
1
Lucien Goldmann, Pour une Sociologie de Roman, Ed. Gallimard, 1964, p.35
6
du livre bien qu’il soit une création de l’auteur. Afin qu’on puisse étudier la condition de
vie de la femme dans ce roman de Tahar Ben Jelloun, par l’approche sociologique,
nous diviserons notre travail en trois grandes parties.
La première, intitulée la femme dans la société maghrébine, est centrée sur la
place de la femme au sein du foyer familial, ainsi que sa place dans la société. Nous y
trouverons deux chapitres qui présenteront la situation familiale de la femme et son
infériorité sociale.
Dans la deuxième partie, l’étude sera orientée vers la violence que subit la
femme. La partie aura comme titre la femme maghrébine face à la violence et elle sera
également divisée en deux chapitres qui vont parler de la violence familiale et
religieuse, ainsi que de la perte de cohérence familiale. Quant à la dernière partie, elle
développera les revendications de la femme, d’où le titre la femme maghrébine et ses
revendications. Et nous verrons encore deux chapitres qui vont présenter de la
recherche de personnalité et la révolte de la femme.
7
PREMIERE PARTIE
LA FEMME DANS LA SOCIETE MAGHREBINE
8
Généralement, la femme, par opposition à l’homme, se caractérise par sa
faiblesse, sa fragilité, et surtout par sa tolérance. Ainsi le cas de la femme au Maghreb
se révèle préoccupant, car la société réside dans la suprématie de l’homme qui occupe
la totalité du pouvoir. Par conséquent, situer la femme dans une société où l’homme a
de l’emprise sur elle, c’est montrer sa différence par rapport à l’homme.
En cela, la première partie de notre travail concerne la condition sociale de la
femme. Elle sera centrée, dans un premier temps, sur sa vie familiale, au sujet de sa
place vis-à-vis de l’homme en tant que chef de famille, et dans un second temps, sur
son infériorité sociale, visant à démontrer combien elle est dénigrée.
I - SITUATION FAMILIALE DE LA FEMME
Les valeurs de la femme au sein d’une famille maghrébine importent peu à
l’homme. La femme est contrainte à n’avoir aucun choix concernant les affaires
familiales. Et comme le titre nous l’indique, nous orienterons notre travail sur la
situation familiale de la femme en traitant d’abord son rôle d’épouse et mère, ensuite,
sur les relations qu’elle entretient avec l’homme.
1.1. La femme, épouse et mère
Nous nous sommes tournés vers le terme épouse et mère, car ce sont des
principaux rôles de la femme en général. La femme dont nous allons parler dans cette
division est à la fois épouse et mère de huit filles. L’étude de ce personnage se
procèdera dans l’identification
de ses comportements qui consiste à expliquer sa
position par rapport à son mari et à ses enfants.
D’après les éléments apportés par la lecture du roman, c’est une femme qui se
différencie des autres personnages féminins par son caractère respectueux envers la
tradition, bien qu’elle souffre plus que les autres femmes évoquées dans l’œuvre. Cela
est dû au fait qu’elle a mis au monde sept filles, car elle est considérée par le mari
comme l’origine de la malédiction qui frappe sa famille, c’est-à-dire n’ayant aucun
descendant mâle et d’être seulement entouré de femme.
La première remarque faite sur ce personnage est que, l’auteur ne lui a pas
attribuée de nom, tout comme ses filles. Elle est juste une femme mariée, donc, qui
appartient à son mari, autrement dit, elle est la propriété de l’homme que l’auteur
nomme Hadj Ahmed Souleïmane. Tout au long du roman, on l’appelle « femme, mère
9
ou elle ». Cette manière de ne pas accorder un nom à la femme signifie qu’elle ne
bénéficie d’aucune considération de la part de l’homme. D’autant plus que le fait de ne
jamais nommer quelqu’un est un désir de l’ignorer et de le mépriser.
De toute évidence, la mère d’Ahmed (c’est le nom de la huitième fille dont
l’identité a été dissimulée)1 est le genre de femme qui accepte toutes les décisions du
mari, et on peut justifier cette attitude par la réalisation d’un pacte avec ce dernier :
« Ainsi, le pacte fut scellé ! La femme ne pouvait qu’acquiescer. Elle obéit à son mari,
comme d’habitude. » (p.23). ce qui nous amène à affirmer que la femme n’a pas le
droit de refuser les ordres venant de l’homme, elle n’a aucun choix. Notre personnage
est donc une femme obéissante qui se soumet aveuglement à l’homme.
En outre, on assiste à des promesses faites par Hadj : « Je suis un homme de
bien, je ne te répudierai pas et je ne prendrai pas une deuxième femme […] » (p.22).
Malheureusement, ce ne sont que des
paroles en l’air, pour se justifier et pour
encourager la femme à être encore plus soumise. Ici, il essaie d’être attentif envers sa
femme à cause de l’enfant qu’elle porte, qui est pour lui un enfant prodigue. Ce qui est
désolant, dans la mesure où il abuse du dévouement de la femme.
Pour témoigner qu’il ne la traite pas avec égard, nous avons pu observer à
travers l’œuvre qu’il ne respecte pas son devoir en tant qu’époux. Et plus nous entrons
dans les détails, plus nous assistons à des scènes épouvantables, Ahmed le décrit
comme suit :
Il m’est arrivé d’entrevoir mon père, donnant à ma mère la semence
blanche […] mon père était dans une position de plus en plus ridicule,
gesticulant, balançant ses fesses flasques, ma mère entourant son
dos avec ses jambes agiles, hurlant, et lui la frappant pour la faire
taire, elle criait encore plus fort, lui riait […]2
Cela manifeste alors le caractère brutal de l’homme envers la femme, car en
quelque sorte elle subit l’assaut de l’homme. Par conséquent, nous pouvons assurer
que l’union entre mari et femme, devient un devoir et loin d’être un désir, c’est-à-dire
qu’il n’y a ni plaisir ni extase. La femme ne doit jamais refuser son mari du point de
vue sexuel. Il n’est certainement pas par hasard que Ben Jelloun ait- ce personnage.
1
2
Tahar Ben Jelloun, L’Enfant de Sable, p.23
Ibid., p.102
10
Si elle est présente dans l’œuvre, c’est pour montrer le sort destiné à la femme
maghrébine, car elle représente une épouse soumise. Une femme silencieuse, qui
respecte l’autorité de l’homme même jusqu’à perdre sa vie est toujours prête à
exécuter ses ordres.
Par ailleurs, on remarque aussi son abnégation lors de son accouchement,
parce que rien que pour avoir un enfant mâle, elle doit absolument retenir ses
contractions jusqu’au jour réservé : « La naissance de notre héros est un jeudi matin
[…] sa mère était prête dès le lundi, mais elle a réussi à le retenir en elle jusqu’à jeudi
car elle savait que ce jour de la semaine n’accueille que les naissances mâles » (p.17).
Si on analyse ce genre de tradition, à première vue, nous pouvons affirmer qu’il
s’agit tout simplement d’une superstition pour donner un peu plus de valeurs à
l’homme et que c’est par désespoir qu’elle accepte de souffrir, puisqu’elle ne trouve
plus d’autres solutions pour avoir un fils. Donc, en dernier ressort, elle doit accoucher
coûte que coûte le jour du jeudi.
Quoi qu’il en soit, on retrouve également son rôle de mère parfaite, surtout
durant l’enfance d’Ahmed, car elle s’occupe de lui avec la plus grande attention,
comme si c’est un mâle, l’enfant le plus avantageuse. Or, avec les filles, le traitement
est différent, leur éducation est plus ou moins banalisée par la mère, étant donné que
leur père n’apporte aucun intérêt à leur existence.
Pourtant, la plupart des cas, l’obligation principale de la femme consiste à
contribuer autant que possible au succès et au bonheur du mariage. Mais le
comportement de la mère est tout à fait l’opposé de ce que l’on peut appeler une vraie
mère de famille. C’est à partir de ces analyses que nous pouvons juger que la mère
d’Ahmed vit un véritable calvaire.
Toutefois, en observant cette attitude, nous pouvons découvrir un autre
caractère qui la spécifie. Lorsque Hadj lui adresse la parole sur un ton ferme et
solennel, à propos de la dissimulation du sexe du nouveau né en disant : « Tu es une
femme de bien, épouse soumise et obéissante, mais au bout de ta septième fille, j’ai
compris que tu portes en toi une infirmité […]. Alors j‘ai décidé que la huitième
naissance serait une fête […] car tu auras accouché d’un garçon. » (p.23). Sa seule
réponse est un ravissement, car elle devient enfin complice du mari. C’est dans ce
sens qu’elle est caractérisée de masochiste.
11
Le masochisme est une perversion qui fait chercher le plaisir dans la douleur1.
La mère d’Ahmed est donc masochiste, dans la mesure où elle se plait à sa souffrance
et en même temps, elle considère sa vie comme une fatalité. D’autant plus que la vraie
image de la femme dans les pays musulmans est une mère et épouse soumise,
Annemarie Schimmel le justifie comme ceci :
L’idéal de la société musulmane est la femme mariée et surtout la
mère […] S’il était permis de se prosterner devant autre chose que
Dieu, alors la femme est donc vouée à cette soumission.2
Ainsi, si la femme est masochiste, c’est en partie à cause de la tradition, de plus
on sait que dans cette société une bonne femme est celle qui obéit. Pourtant, cela
n’exclut pas l’idée que le masochisme de la femme provient également d’elle-même,
car le fait d’accepter sa souffrance signifie qu’elle prend aussi goût dans la
méchanceté de l’homme envers elle. Comme le cas de notre personnage qui se sent
plus proche de son mari en sacrifiant sa vie et celle de son enfant. Voici ce qu’en dit le
roman : « elle se sentit cette fois-ci concernée par une action commune […] sa vie
allait avoir un sens » (p.23). Nous observons ainsi que, plus elle souffre, plus elle est
heureuse.
Néanmoins, cela nous paraît paradoxal dans la mesure où, comment une
personne qui souffre peut-elle être heureuse ? Il serait préférable de voir ce geste sous
un autre angle. Notons que la femme est en face d’un grand chagrin de perdre l’image
de sa famille, ainsi que l’honneur du mari qui est considéré comme un rien par ses
propres frères ; la femme est donc réduite à accepter sans discuter les ordres de
l’homme pour le bien-être de sa famille. D’ailleurs, permettrait-elle que l’on incorpore à
son enfant des mensonges sur son identité, si elle ne savait pas que cette douleur lui
serait salutaire ? Donc elle a agi de telle sorte en pensant qu’une fois l’enfant
considéré comme socialement un mâle, une nouvelle vie commencera pour sa famille.
L’étude de ce personnage nous amène à déduire que la femme est totalement
dominée par l’homme, mais en tant qu’épouse docile. D’autant plus que, dans la
société maghrébine, la femme qui n’accepte pas sa soumission est considérée telle
qu’une femme rebelle, et celle qui obéit est qualifiée de vertueuse.
1
2
Le Petit Dictionnaire Français Larousse, Paris 1978, p.389
A. schimmel, L’Islam au féminin, Edition Albin Michel S.A, Paris 2000, p.150
12
Tout ce qui est évoqué dans le roman concernant cette femme, nous indique
que le rôle primordial que doivent accomplir les femmes mariées est l’obéissance aux
hommes, à la fois mari et chef de famille, même dans les pire des cas. Il s’agit donc
d’un genre de tradition qui oblige l’épouse à être toujours au service de son homme.
Donc, dans la société maghrébine, elle se distingue par sa disposition à se laisser
diriger par l’homme Si tel est le statut de la femme dans le foyer conjugal, quels
rapports entreprend-elle avec l’homme, en tant que mâle ?
1. 2. Relation hommes- femmes
Les relations qui existent entre l’homme et la femme sont très compliquées, car
c’est l’homme qui règne en maître. D’ailleurs, comme dans la plupart des sociétés, il
joue le rôle de chef que tout le monde doit respecter. Alors, dans cette partie nous
traiterons d’abord les rapports entre Hadj Ahmed Souleïmane, le chef de famille, avec
les femmes qui l’entourent : sa femme et ses filles, ensuite, la relation entre Ahmed et
son épouse Fatima.
Chez les maghrébins, le paternalisme du chef de famille se voit à travers ses
comportements. Il s’agit d’une attitude exagérément d’un père protecteur, dans le but
de dominer et d’abuser de son pouvoir sur ceux qui sont à sa merci, surtout les
femmes. Comme il est le chef, donc il est l’image de Dieu, car il possède un pouvoir
suprême sur sa femme et ses enfants. Ce rang social lui permet donc d’imposer son
autorité, c’est-à-dire de réduire chacun des membres de sa famille au silence, et
personne n’a droit à la parole.
Ce qui vient d’être présenté sont les caractères en général d’un père dans la
société maghrébine. Mais particulièrement pour le père d’Ahmed, il a surtout une
attitude qui le diffère des autres hommes. Avant tout, c’est un mari «fidèle» (p.22), un
caractère tout à fait différent de la tradition et de la religion musulmane qui autorise la
polygamie, comme il est écrit au Sourate 4 :3 : « Autorisation d'avoir quatre épouses
légitimes1. » Seulement, il considère sa femme comme un pantin, autrement dit, elle
agit au dépend de lui. Hadj est également un mari toujours mécontent, pour la seule
raison que sa femme ne lui ait jamais donné un enfant mâle. Aussi, s’agit-il d’un père
saccageur puisqu’ « il cultive de l’indifférence envers ses filles » (p.17).
1
Annemarie Schimmel, op. Cit. p.63
13
A partir des caractères attribués à Hadj, nous avons observé à travers l’œuvre
qu’il manifeste un caractère misogyne dans son rôle d’époux et de père, et que par
rapport à chaque personnage féminin, il y a relativement un manque entre elles et lui.
Si on analyse le cas de l’épouse, le manque se situe au niveau des relations qu’elle
entretient avec son mari.
En effet, ce dernier ne lui apporte aucune attention, jusqu’à la traiter de femme
maudite, autrement dit, d’après lui, elle est responsable du malheur qui s’est abattu sur
eux, voire sur lui-même. Toutefois, il est nécessaire de faire savoir que malgré les
carences d’affection supportées par la femme, elle ne peut s’empêcher de ne pas le
satisfaire et elle n’a pas le caractère d’une femme indigne.
De plus, lorsqu’il y a un manque, il existe souvent le désir de le combler. Et
pour pouvoir atteindre ce but, soit on a recours à la patience et à la souffrance,
lesquels sont le lot de la femme, soit on fait appel à la violence, comme le cas de
l’homme. Avec ces deux attitudes opposées, nous pouvons soutenir l’idée que, dans
les relations entre l’homme et la femme, seul le bonheur de l’homme compte. Du reste,
en ce qui concerne la femme, son propre bonheur dépend de l’accomplissement du
désir de l’homme, à tel point qu’ « elle était prête à tous les sacrifices et nourrissait des
espoirs fous à chaque grossesse » (p.19).
Tous ces comportements ne sont pas un fruit du hasard, car cela montre le rôle
inexistant de la femme qui doit faire tout son possible pour satisfaire l’homme, sans se
soucier de son propre sort. Nous reprenons ainsi les termes à Ascha Ghassan, qui
affirme que : « La femme est plus proche de l’esclave soumis que d’une personne apte
à décider sa vie »1
Quant aux filles, le manque se trouve au niveau des relations parents- enfants.
On a pu remarquer qu’elles n’ont, en aucun cas, connu l’amour paternel, vue la
froideur du père envers elles, car « il vivait à la maison comme s’il n’avait pas de
progéniture. Il faisait tout pour les oublier […] Il ne les nommait jamais » (p.17). Ainsi,
le père n’accorde aucune importance à ses filles, et par-dessus tout, pour lui, elles sont
un lourd fardeau. Sa haine pour elles étant si grande qu’il a même eu l’idée de les tuer,
ce geste marque le caractère phallocratique et cruel du père. Un passage du livre nous
indique cela :
1
Ascha Ghassan, Du statut inférieur de la femme en Islam, L’Harmattan, 1987, p.107
14
Le père pensait qu’une fille aurait pu suffire. Sept, c’était trop, c’était
même tragique. Que de fois il se remémora l’histoire des Arabes
d’avant l’Islam qui enterraient leurs filles vivantes ! Comme il ne
pouvait s’en débarrasser, il cultivait à leur égard […] de l’indifférence.1
Malheureusement pour les filles, l’absence d’affection est pareillement avec leur
mère, cette dernière accuse ses filles d’avoir existé. Effectivement, le sentiment
d’hostilité s’explique par le fait qu’elle est une sorte d’intermédiaire entre le père et les
filles. Et comme la haine du père envers les enfants retombe sur elle, alors ses filles
deviennent la cause de sa mésentente avec son époux. L’unique différence entre ce
couple, c’est que la femme a un peu de compassion pour les filles, car malgré tout, elle
prend soin d’elles, mais c’est le comportement du mari qui l’incite à les détester.
Là encore, le père se détourne de toutes responsabilités à l’égard de ses filles,
qu’il compare à un échec social, une vraie déception de sa part, ainsi déclare-t-il à sa
femme : « Bien sûr tu peux me reprocher de ne pas être tendre avec tes filles. Elles
sont à toi […] Je ne peux leur donner mon affection parce que je ne les ai jamais
désirées. Elles sont toutes arrivées par erreur, à la place de ce garçon tant attendu […]
Leur naissance a été pour moi un deuil. » (P.22).
Dans ce cas, le manque est bien défini, car il s’agit d’absence d’amour paternel
et de manque d’attention maternelle. Par conséquent, nous pouvons démontrer que le
manque matériel n’existe pas dans le roman, mais tout se déroule dans le domaine
relationnel. Les rapports entre personnages sont donc fâcheux dans la mesure où
c’est la peur et l’agressivité qui règnent au sein du foyer familial. Ce qui nous permet
d’affirmer que la femme, dans la société maghrébine, ignore la plupart des temps le
terme « tendresse » de la part de l’homme.
En ce qui concerne Ahmed et Fatima, au préalable, il est nécessaire de tenir
compte que marier Ahmed n’était pas prévu dans le plan de son père. Mais ce choix
provient uniquement de lui-même pour montrer aux yeux de tous qu’il est vraiment un
homme : « Je suis homme. Je m’appelle Ahmed selon la tradition de notre prophète. Et
je demande une épouse » (p.51). Cependant, Ahmed a poussé très loin le désir de se
marier, en prenant comme épouse Fatima, une de ses cousines et également une fille
épileptique (p.52). Ici nous pouvons voir les traits de la tradition qui autorise le mariage
entre deux enfants de même frère.
1
Tahar Ben Jelloun, op.cit, p.17
15
Parler de relation hommes-femmes avec Ahmed et Fatima s’avère très
embarrassant, vu leur état physique. Mais nous avons quand même pris l’initiative d’en
parler, car certains éléments du roman indiquent les comportements d’Ahmed en tant
que homme vis-à-vis de Fatima. D’autant plus que du point de vue social, Ahmed est
un homme, bien qu’il soit en réalité une femme.
Le mariage d’Ahmed est en fait une ruse pour masquer sa vraie identité car, il
est vrai qu’une femme handicapée ne peut compléter les devoirs d’une épouse et de
femme au foyer. Son aventure avec Fatima n’est donc pas une relation ordinaire, dans
la mesure où on a affaire à un pseudo-mariage, puisqu’entre eux il n’y a aucun contact
physique, nous pouvons le percevoir à travers ce qu’a dit Ahmed : « Elle ne se
déshabillait jamais devant moi. Moi non plus. Pudeur et chasteté régnaient dans notre
grande pièce » (p.76). Ce à quoi il faut ajouter qu’en tant qu’époux, Ahmed montre
également des attitudes qui sous-entendent l’envie de dominer et d’imposer son
autorité à sa femme.
En tant qu’époux, il manifeste son mépris pour la femme. Ce comportement
d’Ahmed marque une faiblesse et une lâcheté, car il se voit moins puissant face à
l’intelligence de Fatima. La conduite de son épouse est donc inadmissible pour lui,
puisqu’elle tend à défier sa masculinité. Fatima sait pertinemment que le mariage n’est
qu’une mise en scène et que son prétendu mari n’est qu’une femme dans une
condition désespérée tout comme elle. Selon Ahmed, Fatima doit suivre l’exemple des
femmes de sa société, c’est -à- dire avoir la pudeur de ne pas regarder l’homme en
face. Cependant, au lieu de demeurer dans son rôle d’épouse, elle provoque la colère
d’Ahmed qui la présente comme suit :
[…] Elle se glissa dans mon lit pendant que je dormais et doucement
se mis à caresser mon bas-ventre. Je fus réveillé en sursaut et le
repoussai violemment. J’étais furieux […] Je désirai sa mort, je lui en
voulais d’être infirme, et d’être là […]1.
Il est à cet égard, effectivement remarquable la confusion entre l’homme et la
femme, dans la mesure où la féminité incarnée par Fatima est tout à fait le contraire de
la mère d’Ahmed et de ses sœurs. Evidemment, elles se présentent toutes comme des
victimes des hommes, mais ce qui les différencie est que la mère joue le rôle de la
femme dans la tradition maghrébine qui est complètement assujettie. Les sept filles,
1
Tahar Ben Jelloun, l’Enfant de Sable, p.80
16
apparaissent dans le roman à l’image de l’enfance saccagée, brisée et dominée par la
présence constante et douloureuse d’un père inhumain.
Quant à Fatima, elle est la reproduction des êtres rejetés par la société, mais
dans l’œuvre Tahar Ben Jelloun lui a donné place à la parole et à l’existence, d’où
l’audace de défier Ahmed dans son propre manège.
Elle a réussi à mettre en échec le prestige du pouvoir de l’homme. Ainsi, la
relation entre l’homme et la femme dans les cas que nous venons d’étudier, montre
une certaine influence de l’homme sur la femme. Dans toutes occasions, l’homme
impose l’autorité suprême.
Ce qui fait que dans l’univers du texte benjellounien, les relations entre les
personnages démontrent les fantasmes d’une société où l’homme vit son rapport à la
différence de la femme. Pire encore, celle-ci vit sous le joug des hommes. Et cette
domination sera amplifiée par l’infériorité sociale de la femme que nous verrons dans le
chapitre suivant.
II - INFERIORITE SOCIALE DE LA FEMME
Si dans le premier chapitre nous avons discerné les caractéristiques de la
femme et les rapports qu’elle noue avec l’homme. Ici, notre travail sera orienté vers les
inégalités sociales et la ségrégation envers la femme. L’injustice de la société se place
également dans le domaine de la religion et privilégie l’homme. L’étude qui va être
établie dans cette division montrera la grande différence entre les faveurs accordées
aux hommes et celles qui sont destinées aux femmes. Par conséquent, l’analyse se
procèdera en deux étapes dont, l’inégalité entre l’homme et la femme ainsi que la
discrimination de la femme.
2.1. Inégalité entre l’homme et la femme
Quand il est question d’inégalité dans un univers social, il s’agit surtout d’une
différence entre les valeurs sociales octroyées à chaque genre d’individu. Tout cela
pour dire que dans une société où la domination de l’homme s’affirme, l’inégalité se
présente tel qu’un fléau qui détruit toute une population féminine et cause le
rabaissement radical de la femme.
17
Tout au long du roman, on assiste à la dévalorisation de la femme, une façon
d’agir consentie par la société, de même par la religion. L’homme a tous les droits sur
la femme, comme il a tous ses droits concernant les affaires de la société. Cette
hypothèse pourrait être reliée au fait que l’œuvre est l’élaboration parfaite d’une société
régentée par le mâle.
Il est nécessaire alors de voir en profondeur cette supériorité de l’homme dans
la société phallocratique maghrebine. Pour expliquer l’inégalité sociale de la femme,
nous avons choisi Hadj Ahmed Souleïmane et son fils Ahmed, car ce sont deux
personnages qui présentent la suprématie masculine à travers leurs agissements. La
tyrannie de Hadj atteint toutes les femmes qui vivent sous son toit, que, dans n’importe
quelle situation, aucune d’elles ne soit disposée à s’exprimer face à lui.
Le premier fait qui frappe est que nous sommes en présence d’un homme qui
se charge de toute responsabilité conjugale. Il prend des décisions irréfutables sans
consulter sa propre femme, l’un des narrateurs le note comme suit : « […] L’enfant à
naître sera un mâle même si c’est une fille ! C’était cela sa décision, une détermination
inébranlable, une fixation sans recours » (p.21). Sur ce point, il est certain que la
femme soit impuissante vis-à-vis de l’homme. Son rabaissement va jusqu’à la parole,
car elle ne peut imposer son opinion sur le déroulement des affaires domestiques
touchant le foyer.
Si cette affirmation nous semble banaliser, voire, fouler la femme au pied,
contrairement à la pensée maghrébo-islamique, il s’agit d’une attitude tout à fait
normale. L’homme a autorité et prééminence dans la mesure où sa suprématie est
fondée sur son aptitude et son expérience dans la vie quotidienne et que, c’est lui qui
affronte les nombreux problèmes qui touchent sa famille aussi bien que sa société.
D’autant plus que c’est même justifié par le Coran :
Les hommes ont autorité sur les femmes du fait que Dieu a préféré
certains d’autres, et du fait que les hommes font dépense sur leurs
biens en faveur de leurs femmes.1
Ainsi, l’analyse que nous venons de développer démontre que dans la société
arabe, il n’y a pas d’inconvénient que l’homme, dans son rang d’époux soit supérieur à
la femme.
1
Régis Blachère, Traduction du Coran, “Les femmes”, IV, 34, Maisonneuve et Larose, 1966, p.110-111
18
Pourtant, d’une manière générale, la femme doit être un compagnon pour
l’homme, il ne doit pas l’asservir. D’ailleurs c’est pour cela même qu’elle a été crée au
commencement : « Votre Seigneur vous a crée à partir d’une personne unique, dont,
pour elle, Il a crée une épouse 1».
En outre, l’inégalité se manifeste également dans la manière dont Hadj
distingue ses enfants. Il accorde un peu plus de poids à Ahmed, bien qu’il soit le
dernier, parce que c’est un mâle d’après lui. Ainsi, les sept filles ne valent rien face à
Ahmed. C’est la différence de sexe qui est ici mis en exergue. Ce qui témoigne la
conception négative de la femme : « Fille sur fille […] chacune des naissances fut
accueillie […] par des cris de colère […] Chaque baptême fut une cérémonie
silencieuse et froide […] Mais pour le huitième il avait passé des mois à le préparer
dans les moindres détails ». (p.19-20). Ce qui nous donne l’impression que, la femme
est mal perçue et ignorée par l’homme.
On pourrait caractériser de la façon suivante cette tendance à déprécier la
femme : d’abord, l’égoïsme de l’homme, qui, davantage profite du respect de la femme
envers lui. Ensuite, les traditions sociales et religieuses qui exercent une pression sur
la femme en se servant des lois coraniques, comme quoi l’homme soit supérieur à la
femme et que cette dernière lui doit obéissance.
Donc, si Hadj Ahmed ne traite pas ses filles de la même façon qu’il traite
Ahmed, c’est que dans la société, les enfants mâles ont une grande importance par
rapports aux filles, même un nouveau né. Nous pouvons certifier cela à travers le
roman : « Le bébé était montré de loin […] Les sept filles étaient tenues à l’écart. Le
père leur dit qu’à partir de maintenant le respect qu’elles lui devraient était identique à
celui qu’elles devraient à leur frère Ahmed ». (p.30). Et encore faut-il préciser qu’un
enfant mâle est une fierté des parents, en particulier le père.
Etant donné qu’Ahmed soit un homme vis-à-vis de la société, alors il est aussi
en mesure de manifester son pouvoir d’autorité sur les femmes. Là encore, on peut
voir les signes de l’inégalité entre l’homme et la femme. Avant toute analyse, force estil de constater qu’Ahmed se sent complètement différent des femmes, du fait qu’il
reçoit tous les privilèges accordés aux hommes. De ce fait, nous avons pu voir à
travers ses paroles, que son identité masculine, lui procure une sensation de bien-être.
« Pour toutes ces femmes, la vie était plutôt réduite, c’était peu de chose : la cuisine, le
1
Ibid, p.104
19
ménage, l’attente et une fois par semaine le repos dans le hammam. J’étais
secrètement content de ne pas faire partie de cet univers si limité » dit-il (p.34).
Sa distinction dans le cadre social, met en évidence le favoritisme vis-à-vis de
ses sœurs et de sa mère, selon lui, la femme est la seule qui cause son propre
malheur. Une pareille affirmation est rigoureusement accusatrice de part d’Ahmed, car
il souligne que la femme consent le rabaissement de l’homme. Cependant, il n’est pas
question d’aversion pour les femmes, mais plutôt d’une prise de conscience à propos
du sort de la femme. Ahmed a donc recours à l’autoritarisme pour conscientiser les
femmes dans son entourage, ce qui implique une idée qui soutient la loi de la société
maghrébine, dans la mesure où il agit tel qu’un vrai homme musulman en imposant
son opinion.
En quelque sorte, Ahmed se plaît d’être un mâle, car les femmes, c’est-à-dire
sa mère et ses sœurs, lui doivent un grand respect. Sa brutalité s’acharne sur elles,
parce qu’étant successeur du père, il doit agir comme un homme puissant et fort. Un
passage du livre indique ce pouvoir : « A partir de ce jour, je ne suis plus votre frère, je
ne suis pas votre père non plus, mais votre tuteur […] Vous me devez obéissance et
respect » (p.65). Nous pouvons comprendre donc l’inégalité par le fait que le mâle,
quel que soit l’âge, est permis d’étendre sa domination sur la femme.
Le problème n’est pas de savoir si la femme est un être humain ou non, mais
plus exactement si elle est considérée comme un être libre. Effectivement, même un
esclave est un être humain, ainsi le fait de ne pas traiter la femme tel qu’un être libre,
c’est la placer au même rang que l’esclave car, elle est toujours inférieure à l’homme
dans tous les domaines. Par conséquent, sa différence par rapport à l’homme aboutit
fatalement à sa discrimination.
2.2. Discrimination de la femme
La discrimination se présente dans la manière d’exclure la femme de tous les
droits et les privilèges qui, selon la tradition et la religion, sont réservés uniquement
aux hommes. Cela reflète parfaitement la société conçue par les hommes et pour les
hommes. Nous avons déterminé dans le roman que, la distinction de la femme se
dévoile du point de vu sexuel et matériel, c’est-à-dire à propos de l’héritage.
20
Dans la société maghrébine, on ne peut pas parler de tradition sans mentionner
des versets coraniques. En effet, c’est à partir du Coran qu’ont été puisées les
recommandations sur la femme et sa place dans la société, par rapport à l’homme. A
propos de la discrimination sexuelle de la femme, en lisant le roman, nous avons pu
voir que les maghrébins ont une façon étrange de traiter la femme. Il est même noté à
la page 111 que c’est un peuple affamé de sexe.
Donc, ici la discrimination se manifeste dans la manière de considérer la
femme, tel un simple objet de désir pour l’homme, car : « Les hommes regardent les
femmes en pétrifiant leurs corps ; chaque regard est un arrachage de djellaba et de
robe. Ils soupèsent les fesses et les seins, et agitent leur membre derrière leur
gandoura.» (p.101-102).
Dans un premier temps, nous pourrions avancer l’idée qu’il s’agit d’une
obsession des hommes au Maghreb. Pourtant, ce qui est sûr, c’est que ce vice est
propre à tous les hommes de tous les pays du monde. Dans ce cas, nous pouvons
admettre que cette attitude qui tend à minimiser le sexe, découle de la tradition. De
surcroît, ce qui différencie les arabes des autres hommes, c’est que chez eux le besoin
sexuel de l’homme est même protégé par la religion. La femme devient ainsi une
machine à satisfaire ce désire, un passage du Coran le prouve :
Vos femmes sont un champ de labour pour vous. Venez à votre
champ de labour, comme vous voulez1 !
Encore faut-il préciser que même le fait d’utiliser des termes autour du sexe, est
interdit à la femme. En principe, ce sont des termes jugés tabous, et que seul l’homme
a droit de les prononcer. Ainsi, Ben Jelloun fait preuve d’audace et de liberté, en
introduisant ces mots arabes dans l’œuvre. Et surtout, quand ce sont des femmes
même qui les prononcent, bien que cela soit à voix basse. A savoir : « Mani », c’est-àdire sperme en français, « qlaoui » qui se traduit par couilles ou testicules, et enfin
« taboun », c’est-à-dire vagin (p.35). Nous constatons à partir de cette analyse, le
caractère non épanoui de la tradition maghrébine, dans mesure où vis-à-vis de
l’homme, la femme demeure un sexe faible. Pourtant, il est évident qu’appeler la
femme « le sexe faible », est l’injustice de l’homme envers elle.
1
Régis Blachère, Traduction du Coran, « La Genisse », II, 223, op. Cit. p.62
21
Outre le domaine corporel, la ségrégation envers la femme s’exerce également
dans le partage des biens. Nous avons affaire ici à un système d’héritage patriarcal,
autrement dit, qui favorise les héritiers du côté paternel et les enfants mâles, sans
prendre en considération la part de la femme. Le problème d’héritage se voit d’emblée
à travers le roman.
En quelque sorte, c’est l’un des facteurs qui a provoqué les déviations du récit
sur la vie d’Ahmed, car il fait partie des raisons qui ont poussé Hadj à modifier l’identité
de sa fille. Effectivement, il est sans recours avec tout ce qu’il possède, comme il est
un potier aisé. Alors, s’il n’a pas d’héritier, non seulement tous les biens appartiendront
à ses frères, mais en plus il serait rejeté par la société. Quant à la mère, même si elle
n’a droit à l’héritage, elle doit accepter toutes les manigances sur Ahmed, pour sauver
l’héritage de ses enfants ainsi que l’honneur de son mari.
Néanmoins, ce qui est frappant, c’est que la religion intervient encore dans la
façon de diviser l’héritage. Force nous est donc de dégager la conception, selon
laquelle, dans société magrébine, il ne s’agit plus de la loi, en tant qu’ensemble des
règles juridiques, qui détermine l’organisation sociale, mais plutôt la loi divine. Etant
donné qu’il n’y a pas une seule loi où l’on ne trouve soit des recommandations de Dieu,
soit celles du prophète et dont la plupart des cas, des recommandations qui
avantagent l’homme. Pour affermir cette idée, nous allons nous baser sur ce verset :
Voici ce dont Allah vous fait commandement. Au sujet de vos
enfants : aux mâles, portion semblable à celle de deux filles.
(Sourate des femmes, IV, 11-12)1
Avoir des progénitures mâles est donc un bonheur pour un père, car la religion
ne fait grâce de rien pour l’homme sans héritier, elle le prive de ses fortunes et ne
donne qu’un tiers à la femme. Ce système de partage au profit de l’homme, s’explique
par le fait que, c’est lui qui doit subvenir aux besoins de la femme. Ce serait donc
injuste de donner à la femme autant qu’à l’homme. Ainsi, dans la société maghrébine
qui est une société musulmane, il est tout à fait légal si la femme hérite moins.
A ce propos, nous allons mettre en parallèle la discrimination de la femme
maghrébine, en matière d’héritage avec la tradition malgache sur le « kitay telo an1
Tahar Ben Jelloun, L’Enfant de Sable, p.53
22
dàlana1 ». En effet, ce dernier se rapproche du système patriarcal, dans la mesure où il
est question de procéder au partage des biens et dans laquelle la femme n’a droit
seulement qu’à un tiers. Ceci est donc la preuve qu’elle reste insignifiante dans une
société où ce sont les hommes qui accaparent le plus de pouvoir, comme si elle est
fatalement inférieure.
Tout ce que nous venons de voir sur la femme dans la société maghrébine,
nous a permise de constater que face à l’homme, elle est chosifiée et toujours victime
de la société. Donc elle n’a pas tellement sa place dans le monde phallocratique, car
elle est rabaissée où qu’elle soit. Sur ce, pour pouvoir élargir cette réalité, en nous
appuyant sur l’œuvre, nous orienterons notre travail vers la violence endurée par la
femme.
1
Regis Rajemisa-Raolison, Rakibolana Malagasy, Fianarantsoa, 1985, p.525
23
DEUXIEME PARTIE
LA FEMME MAGHREBINE FACE A LA VIOLENCE
24
La non considération de la femme va jusqu’à un certain degré que l’on
qualifierait de violence. La violence qui atteint la femme est, dans de nombreux cas,
provoquée par la tyrannie de l’homme. Etymologiquement, du latin « violentia », le
terme violence signifie abus de la force1. Et dans le cadre du roman, il s’agit d’une
oppression exercée sur la femme pour le bien-être de l’homme. La violence est
entièrement développée dans l’œuvre, d’où la division du présent travail en deux
grands chapitres, dans lesquels nous verrons la violence familiale et religieuse, suivie
des conséquences de la violence.
I- VIOLENCE FAMILIALE ET RELIGIEUSE
Que ce soit dans la famille ou au sein de la religion, le détenteur de la violence
subie par la femme est toujours l’homme. Et inéluctablement, la femme supporte toute
méchanceté qui manifeste la malveillance de l’homme envers elle. Ainsi, les sévices
appliqués à la femme se dérouleront dans ce chapitre, à travers le foyer en premier
lieu, et dans la religion en second lieu.
1.1. Violence au sein du foyer
Lorsqu’il est question de violence, on pense automatiquement qu’il s’agit d’une
agression physique, généralement causée par l’homme. En vérité, la brutalité est
spécifique au mâle, et ce comportement lui diffère de la femme qui est plutôt passive.
Dans le roman, ces deux attitudes se remarquent chez Hadj Ahmed et sa
femme. Comme nous avons vu au préalable, il ne s’est jamais comporté en homme
affectueux à l’égard de son épouse, plus exactement avant la naissance d’Ahmed. La
violence s’explique ainsi à travers le besoin de rompre la situation pénible qui tombe
sur sa famille. Etant donné qu’elle n’a pu lui donner un mâle, il utilise la faiblesse de sa
femme pour accomplir son désir d’avoir un fils. Le conteur Si Abdel Malek montre dans
son récit comment Hadj la fait souffrir :
Il avait même emmené sa femme séjourné dans un marabout durant
sept jours et sept nuits, se nourrissait de pain sec et d’eau. Elle s’était
aspergée d’urine de chamelle […]. Elle avait bu un liquide saumâtre
et très amer préparé par une vieille sorcière. Elle eu la fièvre, des
1
Larousse analogique, juin 1985, p.765
25
nausées insupportables, des maux de tête. Son corps s’usait. Son
visage se ridait. Elle maigrissait et perdait souvent conscience1.
Dans un premier temps, on assiste à un abattement profond de l’époux.
Comme il se trouve dans une impasse, il cherche d’autres issues pour parvenir à son
but, en consultant des devins. La manière de faire appel au maraboutage et à la
sorcellerie prouve qu’il s’est même détourné de la religion, car celle-ci ne lui a donné
aucune satisfaction. Néanmoins, bien qu’il soit prostré, ses actes sont inadmissibles,
parce qu’exposer la femme à de telle souffrance témoigne un manque de respect
envers elle.
Sur ce point, nous nous permettons d’affirmer qu’ici, l’acte de violence vise à
mettre en péril la femme, en vue d’assouvir l’homme. Et encore faut-il préciser que la
mère d’Ahmed s’est sacrifiée inutilement pour l’époux, qui va jusqu’à la torturer, coïter
avec elle pendant des nuits choisies par la sorcière. Pire encore, il s’est servi du corps
d’un défunt pour toucher le ventre de la femme.
Dans ce cas là, la violence se révèle dans la façon de maltraiter la femme
comme on maltraite un animal, dans la mesure où c’est sa vie même qui est en jeu.
Par conséquent, nous sommes en face d’une libre manifestation de la brutalité. Rien
n’empêche l’homme de se comporter violemment envers la femme, d’autant plus que
dans la société qui adhère la souveraineté de l’homme, «être femme est une infirmité
dont tout le monde s’accommode, et être homme est une illusion et une violence que
tout justifie et privilégie ». (p.94).
Ainsi, dans la société maghrébine où l’homme, dans son rang de chef de
famille, est autorisé à intensifier sa domination sur la femme, la violence s’enracine. En
outre, il faut ajouter qu’en tant que mâle, un fils peut également maltraiter sa mère et
même ses sœurs. Nous pouvons le confirmer à travers la violence exercée par Ahmed.
Avant de formuler des remarques sur ce personnage, il serait mieux d’expliquer son
caractère violent.
En effet, l’agressivité d’Ahmed provient de sa haine contre la cruauté que ses
parents lui ont fait subir, à cause des médisances de la société ainsi que des lois
religieuses. Donc, il est clair qu’Ahmed ne soit pas violent de nature, mais c’est
l’entourage qui le pousse à l’être. D’après lui, pour justifier son statut de mâle, il faut
1
Tahar Ben Jelloun, L’Enfant de Sable, p.18
26
recourir à la brutalité, et les paroles qu’il adresse à ses sœurs témoignent cette
violence, car il leur dit : « […] Vous me devez obéissance et respect. Enfin, inutile de
vous rappeler que je suis un homme d’ordre et d’autorité et que, si la femme chez nous
est inférieur à l’homme, ce n’est pas parce que Dieu l’a voulu où que le prophète l’a
décidé, mais parce qu’elle accepte ce sort. Alors subissez et vivez dans le silence. »
(p.65)
La rigueur d’Ahmed montre l’incarnation du pouvoir masculin, car il exprime la
phallocratie telle que son père, en méprisant ses sœurs et en se comportant
brutalement envers sa mère. Et tellement il veut manifester sa puissance qu’il a même
l’audace de dire à sa mère : « Comment as-tu fait pour n’insuffler aucune graine de
violence à tes filles ? Elles sont là, vont et viennent, rasant les murs, attendant le mari
providentiel…, quelle misère ! » (p. 53). En observant l’attitude de Hadj et de son fils
Ahmed, la question qui nous frappe en premier est pour quelles raisons manifestent-ils
une telle violence envers les femmes ?
Il est vrai que c’est dur de vivre dans une société qui ne tient pas compte de la
gente féminine. Mais pour le cas de Hadj, s’il s’agissait seulement de problème de
progéniture, il aurait pu prendre une deuxième épouse qui lui donnerait un fils, puisque
c’est accordé dans la tradition. Pourtant, il n’a pas répudié sa femme, et en voulait à la
société.
Donc, sa conduite renferme une lâcheté, car pour vaincre l’humiliation vis-à-vis
de la société, il s’en prend à sa femme. Nous pouvons déduire ici que Hadj Ahmed
exerce une violence envers son épouse, pour cacher sa faiblesse, d’ailleurs un
passage du texte nous le prouve, lorsqu’il s’isolait et qu’il lui arrivait parfois de pleurer
en silence (p. 17).
Par contre, en ce qui concerne Ahmed, son attitude est en rapport avec son
identité homme-femme. Effectivement, Ahmed se conduit pareillement aux hommes
parce qu’il a été formé par le père pour devenir un homme violent, depuis son enfance.
Ce qui ne veut pas dire qu’il approuve la maltraitance des femmes car, il ressent en luimême les souffrances qu’elles endurent, comme il déclare à sa mère : « […] Je les
imagine, je les sens et je les vois ! »(p. 53). Mais il veut les inciter à se révolter contre
l’homme. Néanmoins, il est évident qu’elles ne peuvent se révolter, car elles n’ont ni
les moyens matériels ni intellectuels de le faire.
27
L’analyse que nous venons de développer indique que, la violence subie par la
femme dans la société de civilisation arabe est tout à fait tolérable, et surtout quand
elle touche le foyer conjugal. Donc, un homme qui n’agit pas durement envers sa
femme n’est pas digne d’être un vrai homme et d’être un mari. Si au sein du foyer la
maltraitance s’exerce à travers des agressions physiques, comment se déroule-t-elle
au niveau de la religion ?
1. 2. Violence au sein de la religion
Parler de la violence au sein de la religion serait une transgression de sa
sacralité, cependant, nous avons choisi ce terme, car elle ne touche pas seulement le
côté physique, mais également le côté moral. Ainsi le fait d’interdire à la femme de
s’émanciper dans sa religion, est déjà un signe de violence.
Dès que l’on aborde le sujet concernant la religion dans un pays islamique, la
première idée qui nous vient en tête est le Coran. Il s’agit du livre sacré des
musulmans, car il contient des paroles d’Allah (Dieu unique des musulmans) transmise
à Mahomet par l’archange Gabriel. Il est le fondement de la civilisation musulmane, la
source du dogme et des lois de l’Islam1. Toutefois, la religion pourrait être une sorte de
barrage pour la femme, dans la mesure où elle à celle-ci un régime dur, et c’est ce qui
provoque la violence. Donc, il est clair que la religion musulmane possède un visage
rétrograde et agressif, en particulier vis-à-vis de la femme.
Dans l’œuvre, l’aspect violent de la religion est bien visible, le premier qui nous
a marqué est que l’école coranique est destinée uniquement aux mâles. Ceci peut être
justifié à travers le passage où l’on raconte l’enfance d’Ahmed : « Il fallait à présent
faire de cet enfant un homme, un vrai […] Il allait avec d’autres garçons de son âge à
l’école coranique […] » (p. 32). Ahmed est donc le seul à bénéficier les atouts. Par
contre, ses sœurs n’ont jamais eu ce privilège, elles restaient à la maison et c’est leur
mère analphabète qui se chargeait de leur éducation. Dans ce cas, on peut dire que la
femme est réduite à l’ignorance.
Aussi, concernant la pratique de la foi, n’a-t-elle pas le droit de participer à ce
qu’il y a de précieux dans la vie religieuse des musulmans, à l’instar de la prière
commune du vendredi. Encore plus que son entrée dans ce lieu de prière n’est même
pas permise, Ahmed le dit en ce sens : « J’allais à la mosquée. J‘aimais bien me
1
Le Petit Larousse Grand Format, Dictionnaire encyclopédique (n˚17215), 1992, p. 1259
28
retrouver dans cette immense maison où seul les hommes étaient admis » (p. 37). La
mosquée est en réalité un lieu où les fidèles expriment leur piété et leur ferveur
religieuse, pour demander la grâce divine.
Ainsi, nous pouvons certifier que dans la société arabo-musulmane, la religion
avec son aspect plutôt enfermé, écrase la dévotion de la femme. Cette dernière ne
peut s’épanouir de sa vie en tant que «religieuse» (dans la religion musulmane, se dit
d’une personne qui appartient à une religion, et qui pratique sa religion avec piété). Ce
genre tradition peut s’expliquer par le fait que la présence féminine à la mosquée,
perturbe l’homme durant ses prières. La femme est comme une sorte de tentation pour
l’homme.
En outre, la violence s’exprime également avec la plus grande clarté à travers
les textes coraniques, qui précisent et dictent les modes de vie de la femme
musulmane. Par conséquent, elle ne doit se comporte que selon les recommandations
du coran, comme il est prescrit que « les femmes vertueuses sont obéissantes »1. A ce
propos, nous nous permettons d’avancer l’idée que la femme soit comme un objet de
vente, dans la mesure où sa valeur dépend de sa soumission à la religion.
Si on tient compte de cette loi, de toute évidence, en tant que religion, L’Islam a
le droit d’établir des préceptes pour ses fidèles. Pourtant, quand on observe la plupart
des textes, le premier fait qui nous frappe c’est qu’ils ne sont pas équilibrés. D’une
autre manière, le Coran tend à minimiser, voire réprimander la femme, alors qu’il
donne un statut prépondérante à l’homme. En effet, on prend comme prétexte la vertu
pour mieux abaisser la femme. C’est en ce sens que s’expriment les tendances de la
religion à accorder à la femme des faveurs injustes, elle ne reconnaît la femme qu’en
vertu de sa disposition à obéir.
Néanmoins, il serait injuste de donner tord à la femme, si elle se laisse
manipuler par la religion qui utilise le Coran pour prouver la supériorité de l’homme. Il
est clair que la religion musulmane est de domination masculine. A ce niveau, la
position de la femme dans le Coran est loin de s’améliorer considérablement,
d’ailleurs, le roman même certifie qu’ « il y a dans ce livre des versets qui ont fonction
1
Régis Blachère, « Les femmes », IV, 34, Traduction du Coran, Maisonneuve et Larose, 1966, p.99
29
de loi ; ils ne donnent pas raison à la femme » (p.180). Donc, il va de soit que la
religion renvoie à la femme, tout ce qui peut être qualifié de « mal ».
Effectivement, cette hypothèse pourrait être reliée au concept du « péché
originel », évoqué dans la bible, où il est question de transgression de la loi divine et
dont la femme en est la cause. Seulement, dans la religion islamique, le mépris dans
lequel est tenue la femme, provoque la difficulté de son entrée au paradis. D’autant
plus que, selon certains récits concernant la femme, le Prophète a dit :
J’ai regardé le Paradis et j’ai trouvé que les pauvres gens formaient la
majorité des habitants; j’ai regardé en enfer et j’ai vu que la majorité
des habitants étaient des femmes1
L’analyse que nous venons de développer nous amène ainsi à déduire que le
machisme musulman, ne se limite pas au sein de la société mais atteint également la
religion. Quoi qu’il en soit, s’il est évident que ce sont les hommes qui dirigent la
religion, donc ils sont aussi à l’origine de la violence religieuse subie par la femme. Il
est alors certain qu’ils interprètent mal la parole sacrée, sur la différence entre l’homme
et la femme.
Il est vrai qu’après la mort du prophète, les hommes ont imposés à la femme
des lois sévères liées aux anciennes idées morales et sociales des arabes d’avant
l’Islam. Pourtant, ces genres d’individu méprisaient la race féminine car, « les pères
arabes jetaient une naissance femelle dans un trou et la couvrait de terre jusqu’à la
mort » (p. 129).
A ce propos, la femme, qu’elle soit au sein de son foyer ou vis-à-vis de la
religion, elle ne peut jouir d’un statut favorable. La raison est simplement parce que,
dans les pays arabo-islamique, la mégalomanie ainsi que la violence de l’homme
règnent encore. Quelles conséquences pourrait-on déduire alors du mauvais
traitement de la femme ?
II- CONSEQUENCES DE LA VIOLENCE
A partir des différents aspects de la violence que nous avons évoquée, nous
pouvons tirer comme conséquence une peine terrible chez la femme. Il est surtout
1
Ascha Ghassan, Du statut inférieur de la femme en Islam, L’Harmattan, 1987, p.128
30
question de bouleversement et de la tragédie familiale. Nous verrons ainsi l’affliction
qui atteint la femme et la perte de cohérence familiale.
2. 1. Affliction de la femme
La conséquence de la violence appliquée à la femme se présente d’une
manière hostile, comme elle vise directement la psychologie de la femme. Alors nous
avons choisi, pour pouvoir bien discerner notre travail : Ahmed et sa mère. Elles ont
été choisies, car parmi les différents personnages du roman qui ont subi des
perturbations, on peut dire que ce sont elles qui ont vraiment manifesté leurs douleurs.
Concernant la mère, son affliction a pris son origine dans son problème de
couple. C’est une femme sans joie et à la fois inanimée, la raison est qu’elle a supporté
les maltraitances de son mari durant le vivant et surtout après la mort de celui-ci. Dans
le roman, son chagrin se présente sous forme d’auto- destruction, car elle « vécut
cette déchéance comme une vengeance du ciel pour avoir détourné la volonté de
Dieu, elle sombra dans un mutisme et une folie tranquille […] » (p.93).A ce niveau, la
femme se trouve dans un état dégradant et elle donne l’impression d’une personne en
plein désespoir, c’est comme si sa vie n’a plus aucun sens.
D’ailleurs, s’il est évident qu’elle a contribué avec le mari, au changement
d’apparence de sa fille. Alors, cette souffrance morale devait fatalement lui arriver,
pour autant qu’elle a vécu d’énorme sacrifice dès le début jusqu’à la fin de l’histoire.
Ainsi, la mère est poursuivie par sa conscience, elle perd sa vitalité et sa santé. Ce qui
prouve que faire vivre sa fille dans le mensonge total n’a jamais été son désir, mais elle
ne peut réagir face à l’homme. C’est la raison pour laquelle « elle s’est retirée dans le
silence du deuil » (p.66), à la mort de Hadj. En parlant de l’affliction de la mère, nous
avons mis en accent le terme « silence », dans la mesure où c’est un caractère qui la
spécifie.
Evidemment, tout au long du roman, il n’y a pas une seule fois où elle ne se tait
lorsque son mari ou bien son fils prend la parole. D’ailleurs, à chaque fois qu’une
discussion se présente, soit « elle ne dit rien » (p.52), soit on l’empêche de
parler : « Toi, tu te tais et moi j’ordonne ! […] Tu ne dis rien» (p.53), lui dit Ahmed, le
31
jour où il a déclaré qu’il va épouser Fatima. Dès lors, le silence devient une habitude
chez elle.
Toutefois, s’il est vrai que le silence est une manière de mourir autrement, alors
la mère d’Ahmed a choisi cette voie, car elle s’imagine morte, en effet, seuls les morts
ne parlent pas. Cette attitude nous montre donc que c’est son psychisme même qui est
détruit. Nous empruntons ainsi les termes à Tahar Ben Jelloun qui affirme que « le
silence est un linceul qui enterre les gens vivant »1.
Si tel est le cas de la mère, celui d’Ahmed s’avère encore plus complexe car,
dans le roman il est un personnage problématique essentiellement au niveau de la
psychologie. En fait, une trouble de raison gagne l’esprit d’Ahmed, dans la mesure où il
refuse de vivre dans la vérité de son identité de femme, ainsi il se contente simplement
d’avoir le corps sans l’utiliser.
Néanmoins, si on tient compte du statut masculin d’Ahmed, on ne devrait pas
parler de violence avec lui, puisqu’il a profité de tous les privilèges, en appliquant son
autorité, comme font les hommes sur les femmes. Mais nous avons quand même
décidé d’étudier son cas, car il traverse une perturbation psychologique. Effectivement,
il est en face d’un terrible conflit intérieur entre son corps de femme et son apparence
en regard de l’ordre social. A partir d’ici, nous n’allons plus traiter Ahmed en tant que
mâle, mais en tant que fille mâle, car nous allons voir les conséquences de la
dissimilation de son identité.
La confusion mentale d’Ahmed a commencé dès son adolescence, d’abord
concernant le sexe qu’il possède virtuellement : « […], Une verge qui serait mienne
mais que je ne pourrais jamais porter ni exhiber. » (p.44). Le sentiment d’être reconnu
homme mais qui n’est seulement qu’un déguisement, provoque un trouble chez
Ahmed. En effet, il est un simulacre de l’enfant mâle tant attendu par le père, du point
de vue social, il est homme, et il a pris une décision de le devenir réellement en
agissant de la même manière que les hommes.
Cependant, c’est surtout le corps qui trahit sa masculinité, plus exactement son
sexe, dans la mesure où il n’a pas l’étoffe d’un homme virile comme il se cache à
1
Mouzouni Lahcen, Le roman marocain de langue française, Paris PUF, juillet 1992, p. 56
32
l’intérieur d’un « sexe faible. » Ce qui est plus affligeant pour Ahmed, c’est qu’il
possède deux figures différentes, mais qu’il ne peut pas utiliser de façon normale, ni
l’un ni l’autre, en particulier sa figure masculine. Ainsi dit-il : « Je suis las de porter en
mon corps ses insinuations sans pouvoir ni les repousser ni les faire miennes. » (p.88).
Encore faut-il préciser que son chagrin apparaisse également lors de ses
premières menstruations, où il commence à vraiment découvrir son état de femme.
D’une manière générale, chez une jeune fille, la peur est toujours ressentie lorsqu’elle
atteint ce stade. Pour Ahmed, c’est un moment difficile, car il doit s’habituer à la
nouvelle phase de sa vie, tout en demeurant un homme. Selon lui, il s’agit d’une
blessure et une mémoire d’une vie à laquelle il a manqué. Dans son journal intime, il
présente ainsi le déroulement de cette période qui a marquée son adolescence : « Et
le sang un matin a tâché mes draps. […] C’était un rappel […] le souvenir d’une vie
que je n’avais pas connu et qui aurait pu être la mienne. » (p.46). Il s’agit là d’un
véritable traumatisme dans la mesure où la duplicité de son corps semble l’empêcher
d’être en harmonie avec sa vraie identité.
Suivant cette hypothèse, nous nous permettons d’affirmer que c’est à partir des
changements liés à l’évolution de son corps que se manifeste l’affliction d’Ahmed.
Evidement, sa réalité corporelle ne peut pas être en communication avec la réalité
sociale car, son corps de femme n’a pas sa place dans la société. Comme il dit à la
page 48 du roman : « Sa vie tenait à présent au maintient de l’apparence. » Nous nous
référons ainsi au titre même de l’œuvre, en parlant du « Sable ».
En effet, le thème sable pourrait être, d’une part, une matière pulvérisant qui se
détruit et se modifie facilement sous l’effet du vent. A l’exemple du sable qui envahit les
déserts en Afrique et qui change de forme au fur et à mesure que le vent souffle. Ainsi,
dans son caractère fuyant, le sable peut cacher la vérité d’un lieu.
D’autre part, ce qui vient d’être évoqué nous amène à soutenir l’idée que, dans
le cadre du roman, le concept « sable » signifie « enfouissement », car il est question
de dissimilation d’identité et de mensonge social. Dans ce cas, L’Enfant de Sable
présente le caractère androgyne d’Ahmed qui, par conséquent, a engendré son
tourment.
Nous constatons à travers tout ce qui a été dit sur l’affliction de la femme que,
même si elle endure la malveillance de l’homme, elle n’est pas tellement affectée par la
33
souffrance physique mais, c’est plutôt son esprit qui est troublé. La femme est ainsi
exposée à une violente douleur morale. Par conséquent, on assiste à un éclatement de
la cellule familiale que nous allons voir dans le chapitre suivant.
2. 2. Perte de cohérence familiale
La plupart des temps, la violence exercée par le chef de famille est souvent mal
vécue après la mort de celui-ci. Comme la famille de Hadj Ahmed, dont le despotisme
a causé l’éclatement de la cellule familiale, puisqu’il n’est plus présent pour mettre la
pression sur son entourage. Il s’agit d’un véritable drame familial, car c’est une rupture
totale entre chacun des membres. Par conséquent, nous allons examiner le
déchirement de la famille à travers le choix d’isolement d’Ahmed et de sa mère, ainsi
que la vengeance des filles.
Pour Ahmed, la solitude est une sorte de refuge et de confidente, dans la
mesure où c’est là qu’il peut montrer ses blessures et faire sortir les chagrins qui le
hantent. Comme il désigne dans ses lettres : « Elle est mon choix et mon territoire. »
(p.87). Ce choix provient de l’absence de contact réel avec le monde extérieur,
autrement dit, il ne peut pas exprimer ses émotions en dehors de lui-même. C’est dans
l’entretien épistolaire avec le correspondant anonyme et imaginaire qu’il peut affirmer
ses angoisses. Donc pour Ahmed, seules les lettres qu’il écrit dans sa solitude lui
donnent la possibilité de quitter son exil intérieur, cela l’aidait à vivre et à réfléchir sur
sa condition (p.85).
Ici, nous pouvons voir la valeur que l’auteur porte sur l’art d’écrire, dans la
mesure où il met en évidence son utilité face à tous les problèmes qui surviennent
dans la vie quotidienne de l’homme, comme le cas d’Ahmed.
Par ailleurs, l’isolement mène Ahmed vers le désir de se détacher
complètement de sa famille : « Je voudrais quitter cette maison […] Je voudrais sortir
pour naître de nouveau, naître à 25 ans, sans parents, sans famille, mais avec un
prénom de femme débarrassé à jamais de tous ces mensonges. » (p.153). Nous
comprenons à partir de là que la maison devient une sorte de prison, et qu’Ahmed luimême n’a plus le sens de la famille, bien qu’il ait bénéficié de l’amour parental.
Quoi qu’il en soit, le comportement d’Ahmed qui tend à rejeter définitivement la
demeure paternelle est tout à fait normal, dans mesure où son existence est pleine
d’altération, ainsi dit-il : « La famille telle qu’elle existe dans nos pays. Avec le père
34
tout-puissant et les femmes reléguées à la domesticité […] Je la répudie. » (p.89). La
perte de cohérence familiale est ici pareille à une tragédie, car Ahmed éprouve une
antipathie envers la famille même. Ceci est dû par le fait que tout ce qu’il a vécu
auprès des parents et de ses sœurs, est le contraire de ce que l’on pourrait appeler
une vie de famille.
Certainement, la famille doit être un domaine dans lequel la communication
entre parents et enfants se déroule
harmonieusement. Mais avec celle d’Ahmed, le
terme « harmonie » n’existe pas. L’incommunicabilité s’établit dans sa famille sous
forme de crainte et aucune des membres de sa famille n’ose lui adresser la parole. Il y
a ainsi un écart entre Ahmed, sa mère et ses sœurs. Cela peut être justifié à travers ce
passage :
Sa famille […] s’était habituée à le voir sombré dans un grand
mutisme ou dans des colères brutales et surtout injustifiable. Quelque
chose indéfinissable, s’interposait entre lui et le reste de la famille […]
il avait décide que son univers était à lui et qu’il était bien supérieur à
celui de sa mère et de ses soeurs.1
Quant à la mère, sa solitude révèle une remise de peine car, elle se sent
coupable d’avoir détruit un corps innocent pour satisfaire l’exigence de l’homme. Et
comme Ahmed, elle a décidé de s’enfermer en perdant entièrement l’usage de la
parole : « Ma mère s’est enfermée dans une des pièces et purge selon sa volonté un
siècle […] de réclusion. La maison est immense […] Elle tombe en ruine. Ainsi, moi je
tiens un bout et ma mère un autre bout. Elle sait où je suis. Moi j’ignore où elle est. »
(p.106).
Et pour montrer qu’elle veut réellement mener une vie cloîtrée, elle se résout à
cesser toute relation avec ses enfants. L’idée de sortir ou de recommencer sa vie ne l’a
jamais incité, d’autant plus qu’elle est déjà « défigurée » (p.31). En effet, dans les pays
arabes, les femmes ne sortent que rarement et même jamais, selon les cas. C’est donc
à partir de cette tradition que nous avons rapproché l’attitude de la mère qui passe son
temps dans un lieu clos, surtout qu’auprès de son époux, sa vie semblait toujours être
cloîtrée.
1
Tahar Ben Jelloun, L’Enfant de Sable, p. 9
35
Ici, la rupture familiale se manifeste absolument dans un silence funeste, ce qui
nous donne l’impression que l’âme du défunt est toujours présente et continue son
oppression sur les femmes. Pourtant, d’une manière ou d’une autre, la mort d’un mari
violent devrait être une libération pour la femme. Néanmoins, pour le cas de ce
personnage, nous avons pu remarquer qu’il existe un lien indéfectible entre elle et le
mari.
Evidemment, au lieu d’être soulagée, elle devient encore plus malheureuse
qu’auparavant et sa souffrance continue à s’empirer, dans la mesure où elle ne peut se
sentir en paix. Plus exactement, lorsqu’elle prétend entendre la voix de son mari qui ne
cesse de la culpabiliser.
Et pour s’en débarrasser elle s’enfonce dans un sacrifice pitoyable, c’est-à-dire
se causer elle-même une surdité, ainsi : « elle avait bouché ses oreilles avec de la cire
brûlante, elle avait souffert mais préférait le silence définitif à cette voix sans âme, sans
indulgence, sans pitié. » (p.130).
A partir de ce qui est évoqué sur ce personnage, nous pouvons en déduire que
la conception de la femme en tant que maîtresse de maison, perd son sens vis-à-vis
de son aliénation. Encore plus que ce rang l’a été toujours interdit par l’homme,
particulièrement par la société. Toutefois, si on a développé que la fin tragique de
l’autorité de Hadj a engendré la vie recluse d’Ahmed et de la mère. Par conséquent,
elle entraine aussi la rébellion des sept filles.
Il n’est donc pas étonnant que les sœurs d’Ahmed, depuis la mort du père
infanticide et la condamnation volontaire de la mère abattue, se permettent de mener
une vie animée par l’esprit de vengeance. D’abord, trois d’entre elles « s’étaient
mariées et ne venaient que rarement voir leur mère souffrante. » (p.89). Ce qui
explique leur envie de se libérer de tous les malheurs qu’elles ont supporté, parce
qu’elles ont été délaissées par la mère et répugnées par le père.
Le refus de toute relation avec la mère montre donc leurs caractères
rancuniers car, elle n’a jamais fait preuve de courage, même une seule fois pour
protéger ses enfants de la cruauté de son mari. D’où l’attitude vengeresse des autres
36
filles qui sont restées dans la maison, dans la mesure où elles « dilapidèrent l’argent
de l’héritage et cherchaient à nuire d’une façon ou d’une autre leurs frères. » (p.93).
Il est évident que c’est l’exécration du père qui les a incitées à ruiner leur propre
richesse, car elles savent bien que toute la fortune appartiendrait à Ahmed, étant
donné que ce dernier soit le successeur. Nous percevons que les gestes des filles sont
accompagnés d’une certaines jalousie de leur frère. Effectivement, cette attitude peut
se manifester automatiquement chez les enfants, lorsqu’on est face à des parents
partiaux. Donc en dilapidant l’héritage, elles ruinent Ahmed et détruisent ce que le père
a bâti.
Dès lors, la famille de Hadj Ahmed est en état d’anéantissement complet. C’est
le fait d’avoir exercé tant de domination sur sa femme et ses enfants. Nous assistons,
par ailleurs, à une démence de la mère, une haine énorme chez les filles et la vie
retirée d’Ahmed. A ce propos, les conséquences de la violence envers la femme
s’aperçoivent dans une situation catastrophique. Ainsi, elles donnent lieu à des
réactions de la femme contre l’homme dans son statut de père et contre la société.
37
TROISIEME PARTIE
LA FEMME MAGHREBINE ET SES REVENDICATIONS
Dans cette dernière partie du travail, notre activité sera consacrée à l’analyse
de la maltraitance de la femme, à travers les termes employés par l’auteur, qui
38
expriment sa participation à la valorisation de la femme. C’est également ici que nous
verrons l’écriture offensive et choquante de l’écrivain.
Comme la société empêche la femme de réclamer l’amélioration de sa
condition sociale, alors dans son œuvre, Tahar Ben Jelloun manifeste cette
dénonciation. Son engagement envers l’oppression de la femme donne lieu à la
revendication d’identité qui s’effectuera dans cette partie à travers la recherche de
personnalité et la révolte de la femme.
I- RECHERCHE DE LA PERSONNALITE
La personnalité permet de reconnaître chez chacun son individualité et son état
d’âme. Dans L’Enfant du Sable, la recherche de personnalité s’avère une phase
difficile pour la femme, car elle débute par une crise d’identité pour aboutir à la quête
de la féminité. Cependant, avant toute analyse, nous tenons à préciser que ce chapitre
sera consacré uniquement à l’étude du personnage principal, c’est-à-dire Ahmed, en
raison de sa revendication de son statut de femme.
1. 1. Crise d’identité
Face à l’identité dédoublée, Ahmed est confronté à un désarroi existentiel dans
la mesure où il est reconnu comme un homme tout en étant une femme. En effet, le
personnage d’Ahmed est gouverné par son apparence masculine, et il ne s’est jamais
présenté sous une autre identité vis-à-vis de la société. Ahmed a donc voulu suivre le
manœuvre préconisé par le père, mais comme l’existence effective de son corps
contredit l’image du corps à l’apparence sociale, alors il s’embrouille dans une crise
d’identité.
Par conséquent, il est en état d’incertitude sur la réalité de son être. Et ce doute
se présente par des interrogations constantes qui s’aperçoivent dans le texte
romanesque, telle une vive inquiétude.
A savoir « Qui suis-je ? Et qui est l’autre ? » (p.55), ou encore « Suis-je un être
ou une image, un corps ou une autorité […] Qui suis-je ? » (p.50). Sous l’influence de
cette irrésolution, Ahmed est livré à un grand souci de son état. Dans les moments
d’égarement, Ahmed essaie de trouver l’authenticité de son existence et on peut dire
qu’il s’absorbe dans la méditation de son corps prisonnier du mensonge.
39
Ainsi, les interrogations révèlent qu’il est vraiment en pleine confusion, dans la
mesure où il porte une existence obscure et qu’il n’arrive pas à saisir ce qui constitue
sa propre identité. Sur ce point, nous nous permettons de soutenir l’idée qu’Ahmed
devient un étranger pour lui-même. Autrement dit, il ignore si le corps qu’il habite lui
appartient ou appartient à une autre, ou bien s’il est vraiment un homme ou une
femme. C’est pourquoi, la réponse qu’il donne pour expliquer son angoisse apparaît
encore plus problématique que les questions car, il dit : « Moi-même je ne suis pas ce
que je suis ; l’une et l’autre peut-être ! » (p.59).
Toutefois, la crise d’identité se définit comme un sentiment douloureux d’une
division intérieure, car Ahmed est entraîné par sa figure ambivalente. De ce fait, il est
clair que le personnage d’Ahmed demeure dans une situation critique, en raison du
changement de personnalité, comme il se présente tantôt homme vis-à-vis de son
entourage, et tantôt femme à l’intérieur de sa chambre, le seul endroit où il se
comporte en femme. Donc, force nous est de constater que dans sa crise d’identité,
Ahmed se nourrit d’une volonté de se connaître lui-même.
En outre étant toujours à la recherche de sa personne, Ahmed essaie encore
de trouver une autre solution, en utilisant le miroir. Comme il écrit dans sa
lettre : « J’apprends à me regarder dans le miroir. J’apprends à voir mon corps […]. »
(p.98). Dans un premier temps, Ahmed adore se regarder dans le miroir, car il lui
permet d’être en relation avec son identité féminine et de pénétrer dans les replis de
son corps. Il lui donne également la possibilité de comprendre son état lamentable, et
de répondre à ses inquiétudes.
Cependant, cette découverte provoque encore chez lui un malaise, le pousse à
fuir son reflet, et une fois de plus le jette dans une profonde tristesse. D’une façon
normale, le miroir donne l’occasion pour chaque individu d’être en face de soi-même et
de pouvoir entrer en contact direct, avec sa propre personne. Pourtant, en ce qui
concerne Ahmed, au lieu d’être en communion parfaite avec son corps par le biais du
miroir, ce dernier lui apparaît comme une menace. Comme témoigne les paroles qu’il
tient sur la réalité du corps et de son masque :
Cette vérité […] me tend un miroir où je ne peux me regarder sans
être troublé par une profonde tristesse […] Le miroir est devenu le
chemin par lequel mon corps aboutit à cet état […] Alors, j’évite le
miroir. Je n’ai pas toujours le courage de me trahir, c’est-à-dire de
40
descendre les marches que mon destin a craché et qui me mène au
fond de moi-même dans l’intimité […] de la vérité qui ne peut être
dite1.
Une telle mélancolie ne peut être que le fruit de la relation douloureuse qu’il
entretient avec son autre « je ». En effet, l’image produite par le miroir éloigne tout ce
qui peut être caractéristique de son statut de mâle. Ainsi, Ahmed se sent trahi par le
miroir, qui dévoile une vérité à laquelle il ne peut pas échapper. Par ailleurs, sa
tristesse exprime une véritable démoralisation, car il espérait que le miroir allait faciliter
sa quête d’identité, pourtant, cela a encore augmenté le problème de son existence.
Etant donné que le miroir lui révèle la présence d’un corps qui est en réalité
inutilisable. C’est ainsi que le doute réapparaît dans sa pensée, avec une interrogation
qui se trouve plus énigmatique et pénible que les autres : « Qui suis-je à présent ? Je
n’ose pas me regarder dans le miroir. Quel est l’état de ma peau, ma façade et mes
apparences ? » (p.111). A cet état d’amertume, Ahmed se trouve dans une situation en
désordre, car il endure l’altération subie par son corps qui est quasi-obscur. C’est la
raison pour laquelle il s’interroge sur sa façade car, l’image reproduite par le miroir
éloigne tout ce qui peut être caractéristique de son statut de mâle. Ainsi, l’aspect
contradictoire de son identité, qui motive la crise, est ressenti par Ahmed dans un
profond chagrin. Nous constatons à partir de ce trouble de personnalité, malgré le
choix de poursuivre la volonté paternelle, autrement dit être complètement homme,
Ahmed ne peut éviter son destin tragique de femme.
En outre, Ahmed est en état de déception comme il est soumis à des conditions
de vie qu’il ne peut pas modifier. Il devient incompréhensible, d’ailleurs il ne se
comprend pas lui-même. Par conséquent, il s’investit dans un profond délire, dans la
mesure où il ne supporte plus le fardeau du mensonge : « […] Je m’accroche à ma
peau extérieur dans cette forêt épaisse du mensonge. » (p.69). Cette aliénation met en
évidence la souffrance morale ressentie par Ahmed du fait qu’il est en situation de
conflit, c’est-à-dire, il n’arrive pas à réconcilier sa figure intérieure avec son propre
identité.
La complexité de la condition d’Ahmed nous amène à déduire que la femme ne
peut échapper à la frustration, dans un monde où elle est complètement bafouée, tant
1
Tahar Ben Jelloun, L’Enfant de Sable, p.44
41
qu’elle refuse d’affirmer sa personnalité. C’est pourquoi, pour vaincre la perception
négative de la société sur la femme, Ahmed se lance dans la quête de la féminité.
1. 2. Quête de la féminité
La recherche de la féminité se présente chez Ahmed en deux catégories :
d’abord, il tend à retrouver la vie qui lui a été interdite en féminisant son corps, dans
une activité de coquetterie. Ensuite, il rend les épanouissements sensuels qui ont été
refoulés.
Il se sent enfin disponible pour être femme, réveiller le corps et comme il
l’affirme : « Il est encore temps pour le ramener au désir qui est le sien. » (p.36). Nous
sommes donc en face d’une grande volonté de restaurer le corps féminin dans sa
vérité. En prenant cette décision, Ahmed abandonne tout ce qui concerne sa
prétendue masculinité, à l’instar de la voix grave, la vigueur, etc. et suit ses instincts
naturels. Ainsi, il pénètre dans un exercice de charme, une sorte de divertissement
sous forme de séduction, dans lequel il cherche à plaire son physique. Tel que nous
voyons à travers ce passage : « Je me suis rasé les poils sous les aisselles, me
parfumai […]. » (p.115). Il s’agit ici d’une attitude qui cherche à faire connaître son
corps, le souvenir d’une période oubliée de sa vie, c’est-à-dire, le fait de se comporter
comme une vraie femme.
Ahmed utilise dans ce cas son corps pour accomplir la quête, car c’est la seule
voie qui lui permet d’accéder à une joie intérieure, tel que vivre librement dans la
société avec son identité féminine. La quête de la féminité devient ainsi un processus
pénible, dans la mesure où Ahmed doit revenir en arrière, chercher chaque étape de
sa vie enterrée, bref, il veut recommencer sa vie avec une nouvelle personnalité. Mais
ce qui nous parait essentiel à relever, c’est qu’il a renoncé de revêtir le mensonge pour
vivre dans la sérénité.
Cependant, cette recherche le conduit vers une sensation libidineuse, dans la
mesure où il cherche à satisfaire son corps dans des plaisirs érotiques. Voici ce qu’il dit
à ce propos : « J’ai enlevé les bandages autour de ma poitrine, j’ai longuement caressé
mon bas-ventre. » (p.112). Et au fur et à mesure qu’il avance dans son exploration
corporelle, il lui arrive, surtout durant la nuit, de recommencer. Ainsi, au cours de son
passage à l’hôtel, il raconte : « Je m’étendis sur le lit, nue, et essayai de redonner à
mes sens le plaisir qui leur était défendu. Je me suis longuement caressé les seins et
les lèvres du vagin. » (p.115).
42
La répétition des termes « caresse, sein, bas-ventre », est un signe qu’Ahmed
accorde beaucoup d’importance sur les parties du corps qui montrent sa féminité. En
réalité, il se préoccupe de l’état dans lequel se trouve son corps, à 25ans ;
certainement, il ne s’est jamais inquiété de l’évolution de son sexe. Les seins sont
petits, d’ailleurs, depuis son enfance, sa mère les bandait pour les empêcher
d’apparaître (p.36). Ce qui l’incite à vouloir à tout prix faire renaître les pulsions
sexuelles qui ont été réprimés.
Néanmoins, ce rituel érotique auquel se livre Ahmed, ne s’arrête pas
seulement dans le temps où il prend conscience de ses actes, mais s’introduit
également dans la profondeur de l’inconscient, c’est-à-dire ses rêves. En effet, comme
toute personne adulte normale qui ressent un plaisir extrême durant une activité
sexuelle, Ahmed éprouve également cette jouissance, mais d’une autre façon.
Etant donné qu’il ne peut pas encore satisfaire son désir dans le monde réel,
alors il réalise cela dans le monde imaginaire. Voici comment Ahmed présente ses
fantasmes : « Dans mes rêves, je ne vois que des lèvres charnus passés sur tout mon
corps et s’arrêter longuement sur mon bas-ventre… Cela me donne un plaisir tellement
fort que je me réveille… et découvre ma main posée sur mon sexe. » (p.97). Le
contenu de ce rêve à caractère sexuel, est lié au problème de l’évolution de son corps
depuis sa naissance.
Evidemment, Ahmed a toujours essayé de ne pas tenir compte de ses instincts
sexuels, que lorsqu’il atteint l’âge adulte, ces tendances refoulées cherchent à
s’exprimer au niveau du rêve. L’envie de devenir femme est tellement fort chez Ahmed,
qu’il songe la présence d’un homme
pénétrant dans ses moments intimes, et lui
donnant une réelle satisfaction avec des baisers. Comme il en témoigne dans ses
propos :
J’ai dormi dans ma baignoire […] Un homme est venu, il a traversé la
brume et l’espace et a posé sa main sur mon visage en sueur. Les
yeux fermés, je me laissais faire dans l’eau déjà tiède. Il passa
ensuite sa main lourde sur ma poitrine, […] Plongea sa tête dans
l’eau et la déposa sur mon bas-ventre, embrassant mon pubis. 1
1
Tahar Ben Jelloun, L’Enfant de Sable, p.95
43
Les baisers montrent ainsi l’accomplissement de l’acte sexuel car, Ahmed y
trouve une vive admiration. Bien qu’ils soient complètement différents du coït, dans la
mesure où on utilise les lèvres à la place des deux organes sexuels, le baiser est
malgré tout « une expression voilée de l’acte sexuel1 », pour reprendre les mots de
Sigmund Freud.
Sur ce point, dans la quête de la féminité menée par Ahmed, il n’est pas
uniquement une question de revendication de son statut de femme, mais il s’agit
également d’une quête visant à compléter les besoins de son corps auxquels il a
renoncé par la volonté paternelle.
Cependant, il est vrai que donner une pleine satisfaction à son corps est
difficile et souvent on n’arrive pas à avoir ce que l’on désire, donc pour pouvoir remplir
le vide on pénètre dans le monde de l’imagination. Ce genre de sensation arrive
également à Ahmed. De toute évidence, il éprouve à l’intérieur de son corps d’énorme
envie, mais qu’il ne peut malheureusement réaliser afin de satisfaire son corps.
Effectivement, comme il commence à découvrir son statut de femme, alors, le
désir d’avoir un enfant envahi ses pensées, pourtant la condition de vie dans laquelle il
se trouve, n’accepte pas cette sorte de folie. Dans ce cas, Ahmed manifeste des
représentations imaginaires pour faire plaisir à son corps. Tel que dit le texte à ce
sujet:
J’ai eu l’idée ce matin d’adopter un enfant […] Un enfant ? Je
pourrais en faire un, avec n’importe qui, le laitier, le muezzin, le
laveur de mort…, n’importe qui pourvu qu’il soit aveugle… Pourquoi
ne pas enlever un bel adolescent, lui bander les yeux et le
récompenser par une nuit où il ne Vera pas mon visage mais fera ce
qu’il lui plaira de mon corps2 ?
La première remarque qui nous frappe, c’est que l’essentiel pour Ahmed n’est
pas tellement le fait d’avoir un enfant, mais surtout la manière par laquelle il procède
pour avoir l’enfant. Ce qui nous permet de déduire que, le seul problème qui hante
l’esprit d’Ahmed dans sa quête est : « Comment faire pour satisfaire le corps ? », C’est
la raison pour laquelle il conçoit toute une série d’imagination afin de donner les désirs
1
2
Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse, édition Payot, 1961, p.302
Tahar Ben Jelloun, op.cit., p.105
44
dont le corps a besoin. A partir des analyses faites sur la recherche de personnalité,
nous avons remarqué la véhémence de l’écriture de Ben Jelloun.
En réalité, il met en évidence une sorte de transgression de la tradition
maghrébine, en évoquant l’interdit, c’est-à-dire le concept de la sexualité. Donc,
l’auteur procède ici à l’érotisation de l’écriture, en montrant les aspects cachés du
corps féminin et c’est ce qui exprime le caractère outrageant de son univers
romanesque. Par conséquent, cet aspect chaotique de l’œuvre sera renforcé par la
révolte de la femme, où il donne à la femme le droit à l’existence, ainsi que le droit de
s’exprimer dans une société régnée par les hommes.
II- REVOLTE DE LA FEMME
Comme il est annoncé dans le titre, nous orienterons ce travail vers la révolte
de la femme. Il est surtout question de refus de la femme d’obéir à l’autorité masculine.
Dans ce chapitre, l’attitude des femmes sera donc le contraire du comportement
habituel de la femme dans la société maghrébine. Afin de bien analyser le travail, nous
traiterons dans un premier temps, la révolte contre l’homme en se référant à Ahmed, et
dans un second temps, la révolte contre la société.
1.1. Révolte contre l’homme (cas d’Ahmed)
La révolte d’Ahmed contre l’homme s’affirme par un renoncement à la volonté
du père, car cela consiste à briser les liens qui l’attachent au destin retracé par son
père. C’est une réelle effervescence ayant des causes des sa naissance, c’est-à-dire le
jour où ses parents ont décidés de falsifier son identité.
Effectivement, Ahmed ne peut pas se révolter contre un père décédé, mais sa
révolte est une sorte de fuite pour créer son propre chemin. Qu’est-ce qui l’a donc
motivé à agir de telle sorte, pourtant la situation a été favorable pour lui durant le vivant
du père ? Il est vrai qu’Ahmed est le seul à être bien traité par le père, mais sa
désobéissance manifeste le besoin de rompre avec la souveraineté de la figure
paternelle du monde maghrébin, qui décide la vie, la pensée, et même la croyance de
ses enfants.
45
C’est donc de cette suprématie du père qu’Ahmed tend à rejeter, car il a subi le
même sort. On peut voir son refus à travers les paroles adressés à ses parents : « […]
Vous m’avez tracé un chemin ; je les pris, je les suivi […] Moi, je n’ai rien décidé. »
(p.52-53). Ce qui signifie qu’il n’a jamais été maître de sa personne, dans la mesure où
le père s’est servi de lui pour sauver sa dignité vis-à-vis de la société.
Dans ce cas, si Ahmed a manifesté sa révolte, c’est surtout par haine de la
société, car son père n’aurait jamais dissimulé son identité sans la dureté des lois
sociales. Alors pour s’éloigner de cette situation tragique, Ahmed décide de devenir luimême.
D’autant
plus
que
la
disparition
des
parents
lui
procure
une
émancipation : « Après la mort des parents, j’eus le sentiment de délivrance, une
liberté neuve. Plus rien ne me retenait dans cette maison. Je pouvais enfin sortir, partir
pour ne plus revenir. » (p.157).Cette volonté de se délivrer, de sortir et de partir très
loin se reproduit maintes fois chez Ahmed, comme à la page 111 où il
déclare : « Aujourd’hui je cherche à me délivrer […] Alors je vais sortir. Il est temps de
naître de nouveau. »
Le fait d’insister sur le désir de libération montre déjà l’aspect de la révolte
chez Ahmed, il se permet de désobéir à la loi du père, en ne voulant plus accepter sa
masculinité. A ce niveau, la révolte d’Ahmed est donc une revendication dans la
mesure où il quitte définitivement tout ce qui a été forgé par son père, pour s’épanouir
dans son statut de femme, d’où le changement de nom. Effectivement, non seulement
Ahmed se débarrasse de son identité masquée, mais il va même jusqu’à porter un
nom de femme.
C’est la rencontre avec un autre personnage féminin : Oum Abbas (p.117), qui
lui a donné l’occasion de faire apparaître au grand jour son identité féminine. Ainsi, il
se fait appelé « Lalla Zahra » (p.127), qui signifie « l’éblouissante » ou « princesse
d’amour » (p.127),
compagnie des femmes et participe à des représentations de
danse au cirque foraine. Ainsi, Ahmed s’engage à prendre en main sa nature de
femme en se donnant en spectacle devant le public masculin, affolé de désir.
Lorsqu’il est sur scène, il ne se sent plus prisonnier de son masque. Il a donc
réussi à se débarrasser de son imposture et se détourne ainsi le destin truqué par le
père. Son entrée au cirque lui est donc favorable, car Ahmed allias Zahra est devenu
« heureuse, légère, et rayonnante » (p.123).
46
Néanmoins, cette révolte lui a causé un grand changement, dans la mesure où
il a réellement accompli le devoir de femme. Ce choix peut s’expliquer par le fait
qu’Ahmed veut vivre pareillement que les femmes, c’est-à-dire dans une faiblesse
totale. Comme l’affirme l’un des conteurs : « Docile et soumise [...] Elle ne contrariait
jamais la vieille […].» (p.128). Il s’agit donc ici d’une tentative de destruction de tous les
caractères qui ont été forgés par son père, à savoir la force, l’autorité et la violence,
dans la mesure où il se comporte entièrement en femme. Sur ce point, il est clair
qu’Ahmed s’abandonne sans réserve au malheur des femmes.
Effectivement, il a choisi la particularité commune à toutes les femmes pour
réaliser son désir d’être libre. Pourtant, accéder au statut féminin dans la docilité et la
soumission, ne fait que lui dégénérer. De toute évidence, ces deux attitudes marquent
le statut inférieur de la femme, donc, si Ahmed se décide à agir en femme faible pour
avoir sa liberté, on peut dire qu’il a pris une voie qui va encore l’emmener vers une
situation encore plus affligeante.
D’abord, sa faiblesse s’affirme lorsqu’elle s’est fait violer par Abbas, fils d’Oum
Abbas, un homme d’une violence excessive : « Son séroual était ouvert, d’une main il
tenait son sexe […] Il hurlait, demandait à Zahra de se laisser faire […].» (p.142). Le
sort d’Ahmed se présente ainsi de la même manière que les femmes sans défense,
exposé à la brutalité. Et puisqu’il a adopté la vie dépendante des femmes, alors il subit,
par conséquent, l’humiliation de l’homme. Il a donc perdu toute sa puissance en
revendiquant sa nature féminine, dans la mesure où il se laisse rabaisser facilement.
Dans ce cas, la suprématie du père, perd son honneur surtout quand Ahmed
s’oppose totalement à l’opinion paternelle. Nous pouvons justifier cette hypothèse,
lorsqu’il laisse couler ses pleurs : « Zahra avait perdu l’usage de la parole. Elle pleurait
et les larmes coulaient sur son visage.» (p.142). A ce propos, il manifeste vraiment sa
féminité, car le fait de pleurer est une attitude typiquement féminine et c’est à ce niveau
que nous affirmons qu’il contredit son père.
En réalité, durant son enfance, le père lui a toujours interdit de pleurer car, « un
homme ne pleure pas. » (p.39), mais dans le cirque, Ahmed n’est plus un homme,
donc, au lieu de faire sortir sa douleur dans la violence, il préfère les montrer à travers
ses larmes. Sur ce point, la nouvelle personnalité d’Ahmed indique, qu’il veut assumer
47
sa condition de vie en tant que femme à part entière. Ce qui vient d’être expliqué nous
amène à déduire que sa révolte renferme une rupture avec son passé.
Jusque là, nous avons vu que L’Enfant de Sable raconte l’histoire d’une
personne qui a une identité incertaine et dont la personnalité a été perdue à cause d’un
père misogyne. Le fait que Tahar Ben Jelloun a choisi comme personnage principal
une jeune fille déguisée et non un garçon déguisé, n’est donc pas un fait gratuit.
Effectivement, l’auteur nous montre que, la femme dans la société maghrébine doit
être libérée, affranchie de son esclavage, bien que cette libération s’avère difficile dans
la mesure où elle doit se battre contre les institutions et les lois religieuses.
Par ailleurs, la révolte d’Ahmed reflète également celle d’un pays qui a perdu
son identité à causes des colonisateurs, qui n’est autre que le Maghreb. Ahmed est
justement l’exemple du Maghreb, quant à son père, il est l’image de l’occident
colonisateur, précisément la France. L’auteur critique, à ce propos, la société
maghrébine qui n’a pas une source pure, mais créée selon les institutions des
étrangers.
Evidemment, à travers la quête de personnalité de son personnage, il évolue
dans la revendication d’une appartenance à son pays, face à son identité arabe qu’il ne
pourrait renier, même si elle se détériore. Cela peut être justifié dans l’œuvre où il est
écrit : « […] vive Ahmed ! vive le Maroc » (p.30). Donc, Ben Jelloun souligne dans son
roman, qu’il s’agit bien d’une littérature arabe écrite en français et non pas une
littérature française. Et puisque nous traitons toujours la révolte de la femme, dans la
tradition et la société, elle se manifeste par des transgressions des lois qu régissent la
société.
1.2. Révolte contre la société
L’environnement social occupe une place importante dans l’écriture de Tahar
Ben Jelloun, car il conditionne la vie des personnages qui constituent son œuvre. La
société, comme nous avons mentionné auparavant, prive la femme de sa liberté. Et
puisqu’elle ne peut manifester librement sa revendication contre l’injustice sociale, en
revanche, dans son monde fictif, l’auteur lui offre la possibilité de vivre sans contrainte.
48
Ainsi, nous sommes en face d’un grand changement qui donne place à des
femmes révoltées. Ce sont surtout celles qui osent prendre en main leur vie. Nous
avons choisi dans cette dernière division, des femmes indociles, même si elles ont
chacune leur propre distinction. Il s’agit d’abord de la vieille Oum Abbas, propriétaire
du cirque Forain, ensuite du leader isolé, une femme guerrière. Nous montrerons à
partir de ces personnages, les vices des hommes et la hardiesse des femmes d’oser
les affronter. Un acte qui ne doit pas se produire dans une société phallocratique.
D’après ce qui est évoqué dans le roman, avec Oum Abbas, le prestige
masculin n’a aucune valeur. Et malgré sa vieillesse, elle incarne le pouvoir d’autorité
de l’homme. Un fragment du texte annonce son incontestable supériorité absolue : « Il
est des femmes dans ces pays qui enjambent tous les ordres, dominent, commandent,
guident, piétinent : Oum Abbas. Les hommes la redoutent et pas seulement son fils.
Elle prétend avoir eu deux maris simultanément. » (p.131).
A l’égard de cette brève présentation des particularités d’Oum Abbas, il est clair
que la société n’est plus telle qu’elle est selon la tradition. Nous sommes en face d’une
femme qui prend la place de l’homme dans ses agissements, donc c’est vraiment une
révolution sociale.
Néanmoins, si les hommes se laissent rabaissés par une vieille, c’est qu’il
existe forcément une raison, qui de tout évidence, leur apporte un ravissement. Suivant
cette observation, nous soulignons que ce qui attire les hommes et les pousse à être
dominés par Oum Abbas est en fait les spectacles qu’elle organise, dans le cirque
forain.
Effectivement, elle manipule facilement les hommes en provoquant leurs désirs
avec des représentations de danse, fait par des femmes ou des hommes déguisés en
femmes. Comme le cas de Malika, une danseuse, qui est en réalité un travestie :
« L’homme dansait la danse des femmes […] excitant les hommes dans la foule,
faisant des clins d’œil aux uns, envoyant des baisés sur la main aux autres. » (p.120).
Et dans cet état de révolte, nous apercevons l’écriture dérangeante de l’auteur, car il
rend manifeste le scandale d’une société en plein délire.
Evidemment, Ben Jelloun attaque en toute liberté l’hypocrisie des hommes
maghrébins, en les ridiculisant et en exhibant leur point faible sur la femme. Selon les
indications du texte, les hommes ne sont attirés par les femmes que par leurs
49
physiques, comme révèlent les propos d’Abbas lorsqu’il entraîne Ahmed pour son
numéro : « […] Ici les hommes adorent les grosses poitrines et les gros culs […]. »
(p.121). Sur ce point, nous pouvons distinguer clairement la situation honteuse des
hommes, dans la mesure où ils deviennent esclaves du corps de la femme.
L’auteur transgresse ainsi l’image d’une société au sein de laquelle l’homme est
fortement respecté. Dans L’Enfant de Sable, Malika est l’exemple parfait de la
moquerie du prétendu pouvoir de l’homme, dans la mesure où l’auteur le rabaisse au
même rang que la femme. Cependant à travers le personnage d’Oum Abbas, il procure
de la considération à la femme car, il lui permet d’affirmer son existence autonome et
lui offre une place à l’égal de l’homme. Et pour renforcer son opposition systématique
au sexisme consenti par la société, l’auteur présente dans l’œuvre l’impudence du
leader isolé, qui se nomme aussi « Antar ». Ce terrible personnage est évoqué pour
faire une comparaison avec Ahmed, car il est dans le même cas que lui, c’est-à-dire un
homme dans un corps de femme.
En effet, Antar est l’image de la violence et de la domination du fait qu’on lui a
attribué toutes les attitudes qui montrent l’hostilité et l’autorité de l’homme : « Chef
impitoyable, une brute, une terreur […] Il commandait ses hommes […] Il donnait des
ordres et jamais il ne fut désobéit […] Il était craint et respecté, ne tolérait aucune
faiblesse ou défaillance de la part de ses hommes. » (p.83). Tout ce qui caractérise ce
personnage renferme une aversion contre l’homme. D’ailleurs, sa place à travers le
roman s’oppose au statut des autres femmes, dans la mesure où elle est une femme
qui dirige toute une armée d’hommes. Alors que les autres se soumettent aux ordres
de l’homme, à l’instar de la mère d’Ahmed.
Sur ce point, Il est clair que l’auteur inverse les rôles de ces personnages, afin
qu’il puisse mettre en évidence la dénonciation contre la société régentée par le mâle.
Autrement dit, il accorde à la femme un pouvoir absolu qui permet d’accéder à un
statut supérieur par rapport à l’homme. Par conséquent, il minimise les rôles joués par
l’homme. Ainsi, Antar tout comme Ahmed, a eu le privilège d’imiter la violence, ainsi
que la brutalité de l’homme La seule différence c’est qu’elle commet des actes
indécents, qui se manifestent d’une façon véhémente dans le roman :
Le leader isolé […] offrait ses nuits à un jeune homme à la beauté rude
[…] En faisant l’amour elle a pris le dessus après l’avoir mis à plat
ventre […] Il hurlait de rage, mais elle le dominait de toutes ses forces,
50
écrasant sa figure contre le sol […] Sauta sur lui, le culbuta, il se mit à
pleurer, elle lui cracha sur le visage, lui donna un coup de pied dans
les couilles et parti.1
La révolte se situe donc ici dans la manière de violer les règles de la pudeur,
car ce n’est plus l’homme qui manifeste sa violence durant un coït, mais la femme. On
pourrait qualifier, ce genre de conduite, de libertinage, mais il est clair que c’est
l’existence de certains états intolérable qui provoque la révolte. C’est la domination
masculine qui est ainsi critiquée dans cette révolte, dans la mesure où l’homme se
reconnaît comme faible face à la femme.
Néanmoins, il est évident que la femme dans sa nature placide, ne pourrait
jamais être comparée à la brutalité de l’homme. Mais l’auteur a attribué à ses
personnages féminins, le caractère violent de l’homme, afin qu’elle puisse avoir sa
place au sein d’une société où elle se sent inutile. Ainsi, à partir de l’emprise exercée
par Oum Abbas et Antar, nous avons constaté que la révolte de la femme contre la
société, se présente dans une réelle dévalorisation de la gente masculine.
En effet, dans la société maghrébine, ce sont les hommes qui dirigent la
société, donc, dévaloriser les hommes, c’est également dévaloriser les lois qui
constituent la société. Tout ce que nous avons vu à propos des femmes, dans cette
partie de notre travail, est différent de l’idéal de la société maghrébine. Nous avons pu
observer également que l’auteur condamne et présente à la fois l’archaïsme de sa
tradition. Il désapprouve le rabaissement de la femme, et démontre cela à travers ses
écrits, en donnant un statut supérieur à la femme. Il mène ainsi sa propre revendication
contre l’esprit fermé et arriéré de la société maghrébine qui considère mal la femme et
qui l’emprisonne dans la fatalité du « sexe faible.»
1
Tahar Ben Jelloun, L’ Enfant de Sable, p.84-85
51
CONCLUSION
52
La femme étant un être complet mais imparfaite en intelligence et en religion,
a été toujours attribuée à quelque chose dans la tradition populaire maghrébine. Et le
principe masculin n’a jamais cessé d’occuper une position dominante dans tous les
domaines. On ne peut nier que les femmes dans le monde islamique endurent une
souffrance, en raison de l’interprétation de plus en plus étroite des préceptes
coraniques.
En dégageant la valeur sociale du roman, nous avons pu retrouver les
caractéristiques qui renvoient à la réalité sociale où l’auteur s’est inspiré. L’étude que
nous venons de faire sur L’Enfant de Sable nous a donc permis d’analyser en
profondeur la vision du monde de l’auteur. En effet, Ben Jelloun reprouve le mythe de
la « femme objet », tout en transmettant dans l’œuvre le caractère archaïque de sa
tradition. Il s’agit également d’un nouveau style de roman, car on dirait que l’auteur
écrit un conte. Ainsi, les travaux effectués dans ce présent mémoire, livre la part de
véracité sur ce qu’on vit au Maghreb.
Pour les femmes des autres pays, la revendication de l’auteur peut être utile de
la manière qu’elles peuvent accéder à l’éducation, le seul moyen qui les aide à vaincre
les préjugés sociaux et à lutter contre les comportements discriminatoires des
hommes. Etant donné qu’il prouve dans son roman que, malgré les rabaissements, les
femmes sont fortes, indépendantes et capables de prendre la place de l’homme.
Dans la première partie du travail, l’analyse est centrée sur le statut de la
femme et nous avons examiné dans un premier temps, sa situation familiale et dans un
second temps, sa situation relativement à la religion et à la tradition. Concernant la
première étude, c’est surtout les devoirs primordiaux de la femme qui nous ont
intéressées, il s’agit de son rôle d’épouse et de mère. D’ailleurs, cela concerne
presque toutes les femmes et ce sont également des qualités souhaitables pour une
femme maghrébine. Par conséquent, nous nous sommes concentré sur la relation
entre l’homme et la femme, en examinant individuellement les comportements et les
agissements de chaque personnage.
Quant à la seconde étude, l’analyse repose sur l’infériorité de la femme, dans
laquelle il est question de sa différence par rapport à l’homme, ainsi que de sa
discrimination. C’est à l’intérieur de ces deux chapitres que nous avons évoqué la
soumission et l’asservissement de la femme. Nous nous sommes focalisée sur ces
deux attitudes, car cela a des rapports avec le monde réel maghrébin. Cette
53
comparaison avec la réalité nous a donc permise de déduire que, dans la société
maghrébine qui est aussi une société musulmane, l’homme domine et la femme est
toujours abaissée dans tous les domaines.
La deuxième partie de notre travail concerne la violence qui sévit la femme. Ce
problème de violence touche non seulement la vie familiale de la femme mais
également sa vie religieuse. On a pu constater que c’est l’homme qui est à l’origine de
cette violence, la femme est souvent maltraitée et même chosifiée. Au sein du foyer
conjugal, c’est le chef de famille qui exerce la violence sur chacune des femmes. Et à
son tour, le fils peut aussi contraindre sa mère et ses sœurs.
La religion a été considérée comme l’une des facteurs de la violence, dans la
mesure où elle certifie le pouvoir éminent de l’homme sur la femme, à travers les lois
coraniques. La violence subie par la femme maghrébine fait partie de la tradition, afin
de justifier la supériorité de l’homme. Ce dernier est donc autorisé à être violent
envers la femme qui est inférieure par nature, il a tous les droits et les pouvoirs sur
elle, car elle lui appartient. Cela s’explique par le caractère phallocratique de la société
maghrébine.
Quant à la dernière partie du travail, nous avons remarqué que l’auteur dévoile
la révolte contre l’archaïsme de la tradition maghrébine. Dans cette partie, nous avons
essayé de montrer en premier lieu la recherche de personnalité de la femme à travers
la crise d’identité et la quête de la féminité menée par le personnage principal, c’est-àdire Ahmed.
Nous avons ainsi démontré les différentes phases qu’il a franchies pour
accomplir sa revendication d’identité. Et dans la seconde division du travail, à partir de
la révolte de la femme contre l’homme et contre la société, la dénonciation de l’auteur
a été bien mise en exergue. La violence de son écriture se détermine à travers les
termes qu’il emploie pour dévaloriser l’homme et rehausser le statut de la femme.
A partir de ces trois grandes parties du travail, nous avons répondu à la
problématique qui consiste à savoir quel est le statut de la femme dans la société
maghrébine?
Ce qui est remarquable à travers l’œuvre, c’est qu’il s’agit d’une littérature de
dénonciation culturelle, puisque
l’auteur a une manière satirique de critiquer le
54
caractère non épanoui de la tradition, dans la mesure où il incrimine le dénigrement de
la femme
en tournant les hommes au ridicule. Il juge de façon défavorable la
conception de la femme qui sert uniquement à faire des enfants, plus exactement des
enfants mâles.
Sa manière d’écrire explique donc son engagement, car en tant que sociologue
et porte–parole du peuple qui, en majeur partie, est privé de tout moyen d’expression, il
est conscient de la maltraitance féminine. Le roman est ainsi une sorte de témoignage.
D’ailleurs, de cette œuvre, si on devait en tirer une leçon : « nul ne peut vivre heureux
dans le mensonge et l’imposture. Aussi la femme ne devrait pas baisser les bras mais
plutôt faire face à l’injustice qui s’impose sur elle. »
Bien qu’on ait traité la condition de vie de la femme au Maghreb à travers le
roman, on peut dire que cela ne fait pas le poids par rapport à ce que la femme vit
réellement dans sa société. Actuellement, la société maghrébine essaie de remettre en
question cette condition peu favorable de la femme. Cette dernière veut lutter contre
l’injustice. Et depuis quelques années elle commence à être la préoccupation majeure
des sociologues, politiciens et hommes de lettre. Cette convergence de discours
confirme à première vue que la problématique féminine est devenue actuelle et
nécessaire.
Notre travail sera donc une référence pour d’autre recherche concernant
toujours ce domaine d’étude, car la femme n’est pas la seule problématique de la
société maghrébine, l’enfant a aussi sa part. Mais si nous avons choisi de nous
consacrer sur la condition de vie de la femme, c’est parce que nous avons notre part
de responsabilité, en tant que femme, de placer celle-ci à sa juste valeur.
D’ailleurs, force est-il de constater que le problème de la femme touche aussi
notre pays. Plusieurs femmes malgaches vivent également le même traitement, bien
qu’elles soient plus ou moins libres par rapport aux femmes arabes. Les travaux que
nous venons d’établir pourront donc rapporter quelques nouvelles idées pour
l’enrichissement des contenus du roman.
Malgré tout ce qu’on a pu écrire sur la psychologie féminine, au lieu de
hiérarchiser les différences avec l’homme, il serait préférable de les mettre en
harmonie. La femme ne doit plus se contenter des rôles secondaires, mais affirmer sa
55
personnalité, afin qu’elle soit respectée dans toute sa dignité. Nous savons d’ailleurs
que la femme fait la richesse de l’humanité.
BIBLIOGRAPHIE
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WEBOGRAPHIE
Islam : la religion musulmane
www.atheisme.free.fr/themme/Islam.htm, consulté le 28 août 2008
L’Enfant de Sable et La Nuit Sacrée ou le corps tragique
www.justor.org/pss/396995, consulté le 25 septembre 2008
57
Tahar Ben Jelloun, auteur marocain
www.taharbenjelloun.org , consulté le 15 octobre 2008
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION…………………………………………………………………………………………4
PREMIERE PARTIE: LA FEMME DANS LA SOCIETE MAGHREBINE…………………………………….8
CHAPITRE I: SITUATION FAMILIALE DE LA FEMME……………………………………………………...9
1.1. LA FEMME EPOUSE ET MERE………………………………………………………………….9
1.2. LA RELATION HOMMES-FEMMES…………………………………………………………...13
CHAPITRE II: INFERIORITE SOCIALE DE LA FEMME…………………………………………………..18
2.1. INEGALITE ENTRE L'HOMME ET LA FEMME………………………………………….......19
2.2. DISCRIMINATION DE LA FEMME…………………………………………………………....22
DEUXIEME PARTIE: LA FEMME MAGHREBINE FACE A LA VIOLENCE……................................24
CHAPITRE I : VIOLENCE FAMILIALE ET RELIGIEUSE………………………………………………….27
1.1. VIOLENCE AU SEIN DU FOYER………………………………………………………..……..27
1.2. VIOLENCE AU SEIN DE LA RELIGION……………………………………………………....30
CHAPITRE II: CONSEQUENCES DE LA VIOLENCE……………………………………………………..33
2.1. AFFLICTION DE LA FEMME…………………………………………………………………..34
58
2.2. PERTE DE COHERENCE FAMILIALE…………………………………………………….......37
TROISIEME PARTIE : LA FEMME MAGHREBINE ET SES REVENDICATIONS……………………38
CHAPITRE I: RECHERCHE DE LA PERSONNALITE…………………………………………………….43
1.1. CRISE D'IDENTITE……………………………………………………………………………...43
1.2. QUETE DE LA FEMINITE………………………………………………………………………46
CHAPITRE II: REVOLTE DE LA FEMME…………………………………………………………………...50
2.1. REVOLTE CONTRE L'HOMME (CAS D'AHMED)…………………………………………....50
2.2. REVOLTE CONTRE LA SOCIETE……………………………………………………………..54
CONCLUSION…………………………………………………………………………………………52
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………………...56
59