Bibliothèques, collèges, lycées : quels partenariats
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Bibliothèques, collèges, lycées : quels partenariats
Bibliothèques, collèges, lycées : quels partenariats ? Journée d’étude organisée par le groupe IDF de l’ABF-5 décembre 2013 Les pratiques culturelles des jeunes - Christophe Evans Synthèse de différentes études récentes (BPI, Ministère de la Culture, etc.) Aujourd’hui : beaucoup de données disponibles sur les pratiques culturelles des jeunes alors qu’il y a 10-15 ans, on manquait de données. Tranche d’âge aujourd’hui très observée. Evolution des pratiques évidemment liée aux nouveaux supports mais aussi liée à évolution sociologique bien plus ancienne : individualisation Développement de l’éclectisme culturel, notion de dissonances culturelles (cf Bernard Lahire, La culture des individus : dissonances culturelles et distinction de soi, La Découverte, 2006) : dissonances ont toujours existé mais sont plus facilement assumées aujourd’hui. Evolution pratiques culturelles : Mutation du rapport au temps : pas d’attente, jeunes sont multitâches (en opposition avec lecture : activité unique qui s’inscrit dans un temps long) Mutation du rapport aux objets culturels : supports nomades généralisés, hybridation des usages. S’amuser, travailler, communiquer, écouter de la musique, regarder des films sur un support unique. Mutation du rapport à l’espace (physique et virtuel) Mutation des modes de production et labellisation culturelle : processus de légitimation qui a changé Olivier Donnat, Les connaissances artistiques des Français, éléments de comparaison 1988-2008. En 2008, les 15-25 ans avouent plus massivement qu’ils n’aiment pas Molière, Flaubert, Gainsbourg et Madonna qu’en 1988. Comparaison de listes sur les lectures des 15-25 ans: quel est le dernier titre que vous avez lu ? En 1995 : classiques français / en 2008 : littérature jeunesse, young adults. Bien sûr, il existe un phénomène de sur-déclaration (on ment légèrement au sociologue sur le titre que l’on a lu) mais il s’agit de l’image que l’on donne de soi au sociologue. Ainsi, en 2008, moins de révérence, pas de honte à avouer qu’on a lu Gossip girl plutôt que Zola. Entre 95 et 08, montée en puissance de la littérature jeunesse, ado + crossmedia (transmédialité) : livres lus sont adaptés au cinéma, en séries, en jeux vidéo. Univers complet au-delà du livre. Cf Sylvie octobre, L’enfance des loisirs, La Documentation française, 2010. Attention ! Aujourd’hui, BD est peu lue à partir de 15 ans. Ecoute musique + pratique de l’ordinateur : pratiques culturelles majoritaires chez les 15-18 ans. Non-lecteurs : 46 % à 17 ans A 17 ans, 33% des filles ne lisent jamais de livres / 59 % des garçons Lecture BD : déclare avoir lu au moins 1 BD les 12 derniers mois 15-19 ans 72 % 47 % 1989 2011 20-24 ans 63 % 34 % Erosion de la lecture de BD liée à la concurrence des images animées, des nouveaux écrans. Mangas : au moins 1 manga lu ces 12 derniers mois : 54 % des 11-14 ans / 28 % des 15-17 ans Contrairement aux idées reçues, il y a peu de lecteurs exclusifs de mangas. Culture manga s’encastre facilement dans culture jeune : Lecture rapide, segmentée Transmedia : TV, cinéma, jeux vidéo, musique, vêtements… Forme de sociabilisation très intense (échanges des tomes d’une série) Aide à la construction identitaire Cultures numériques juvéniles : ATAWAD : anytime, anywhere, any device Génération actuelle hyper connectée n’est pas une génération de geek : n’ont pas les compétences techniques en programmation, en dépannage informatique. Tradition/Modernité : notions qui s’opposent Ascétisme/Hédonisme ; Réception/Participation ; Raison /Intuition ; Expertise/Expérience ; Individuel/Collectif ; Profondeur (linéarité)/Surface (dé-linéarisation) ; Professionnel/Amateur ; Critique/Avis ; Humour/Ironie Professionnel/Amateur : avant : créateur qui met en place une œuvre sur le marché via des intermédiaires institutionnels mis en place depuis des générations. Aujourd’hui : système bouleversé par Internet. Internautes s’emparent des contenus culturels, les transforment, les remettent dans les réseaux. Fan-fiction, scan-trad (traduction de mangas) Enquête sur réseaux sociaux des lecteurs Ne font pas partie d’un club de lecteurs « en vrai » mais virtuellement. Recours à recommandation des réseaux pour par exemple s’assurer de la qualité d’un livre. Choix d’un livre en fonction des critiques des internautes (et non de la presse). Sociabilités numériques : blogs permettent de parler de livres avec d’autres dans univers virtuel sans contraintes sociales : comment parler de livres dans une cour de collège ? Trop dur ! Appropriation de la bibliothèque : 51% des 17 ans s’y rend pour faire ses devoirs. Besoin de cadres au moment d’un effort soutenu (examens). Les activités électives des adolescents : les institutions scolaires et culturelles à l’épreuve – Anne Barrère, sociologue de l’éducation Auteur de L’école buissonnière : quand les adolescents se forment par eux-mêmes, Armand Colin, 2011. Méthodologie : enquête auprès de collégiens et lycéens : entretiens individuels et en groupe. Que se passe-t-il en dehors du temps de l’école ? Notion d’activités électives et non de loisirs car activités choisies. Autonomie largement étendue grâce au numérique. Activités électives = activités encadrées : parfois jusqu’à 8h/semaine ! = activités informelles : 2 à 3h d’internet / jour Loisirs = divertissement des jeunes. Activités électives = investissement. Adultes doivent prendre au sérieux les activités des jeunes car réel investissement. Aujourd’hui, école n’a plus de projet global d’éducation de l’individu. Activités électives : école buissonnière, auto-éducation. Formation des goûts et de la culture. Temps alternatif à l’école où les jeunes choisissent leurs activités : sphère individualisée. Sphère de l’école buissonnière peut être une sphère éducative (contrairement à ce que pensent les adultes qui ont beaucoup d’inquiétudes sur les activités électives des jeunes.) Jeunes aujourd’hui affrontent plusieurs épreuves : 1ier épreuve : Démesure Tension entre offre illimitée d’activités et contrôle des adultes (parents et profs). Parents poussent à l’activité car veulent faire émerger les talents chez les jeunes. Contrairement à ce que pensent les adultes, il existe un continent de la mesure adolescente. Gestion de la démesure : les jeunes reconnaissent qu’ils sont excessifs, qu’ils ont des périodes d’emballements sut un groupe, un film, un jeu…Période d’emballements qui a une fin. Autocritique, prise de conscience forte d’où différence avec une addiction où il n’y a pas de recul. Lecture peut être excessive aussi (on va lire tous les tomes d’une série) mais la lecture n’occupe pas une place centrale dans leur sphère d’élection. Lecture est aujourd’hui une activité particulière : mono-activité / activité lente / devoir se poser =>activité qui peut les aider à sortir de leur univers saturé 2ème épreuve : intensité Quête d’intensité. Publicitaires comme profs vouent un culte à la passion. Injonction forte : la passion doit dominer la vie. Ados cherchent à maintenir une bonne intensité pour avoir l’impression d’exister. Source d’intensité (=la passion) est exploitée à fond : on lit tous les livres, on voit tous les films, on se nourrit de tout ce qui est lié à la source d’intensité. D’autres sont dans la quête et cherchent l’activité suffisamment intense : quête forte qui donnent lieu à de nombreux essais (on essaie différentes activités pour trouver la bonne.) Régime optimal d’activité : « à donf » / « être à fond dedans » Activité tellement prenante qu’on ne voit pas le temps passer. Exemple parfait : le jeu vidéo. Des heures à jouer sans s’en rendre compte ! Il faut que ça accroche : sont sensibles aux promesses d’intensité =>Un pair vous conseille un livre, une activité. Dénivelé d’intensité : ennui = basse intensité de l’activité. Intensité s’auto-entretient : ambiances sont très importantes par exemple. Ambiance collective d’une activité entretient l’intensité. « On a bien déliré » = bonne communication dans le groupe. Ambiance joyeuse ou qui peut être plus calme : entretient également l’activité. Par exemple, écouteurs = bulle de solitude, un autre type d’ambiance. Basse intensité : on décroche. Sont plutôt dans la recherche de l’allongement de l’instant : trop de zapping tue l’intensité. 3ème épreuve : construction de la singularité Ecole / groupe / mode / consommation : tout concourt à standardiser. Va à l’encontre de la valorisation d’un individu unique. Témoignage d’une JF : « je voudrais être originale mais tout le monde veut faire comme moi. » Quel poids sur l’individu pour être totalement unique ! Jeunes relèvent le défi : comment être soi, être unique ? Soi original Chercher le détail qui distingue (détail discret que les adultes ne perçoivent pas par ex dans le look) Attention ! n’est pas la distinction selon la définition de Bourdieu : cette distinction-là n’obéit à aucune légitimité. On peut s’individualiser avec Julien Clerc ! Sont à la recherche du livre original, du groupe de musique peu connu : aime bien faire découvrir des choses originales aux copains. Soi authentique Authenticité : assumer un goût même s’il est standardisé. Cherchent des leçons de vie, lectures qui les aident à construire authenticité. Cf Fanny Renard, Les lycéens et la lecture. Entre habitudes et sollicitations, PU Rennes, 2011. Soi créateur Envie d’être producteur autant que consommateur. Ont envie d’écrire, de faire des chansons, des bouts de romans, des films…15-21 ans : usage expressif créatif. Compétition Singularité compétitive : ont un discours critique sur la compétition à l’école mais cette compétition existe dans leurs activités électives. Exemple du jeu vidéo : compétition ludique. Plébiscite les défis lectures : lire beaucoup de pages en peu de temps. Le concours ludique est important pour les jeunes. Singularité par imitation : est différent du conformisme Tellement lourd d’être un individu unique alors pour alléger, on imite acteurs, humoristes, publicités…Singularité par écart : on se construit par imitation en le faisant consciemment. Conclusion : Education sort de l’école pour aller vers d’autres champs. Construction de la personnalité. Une éducation buissonnière différente de l’école : ados sont décrits comme démotivés par l’institution scolaire et comme sur-motivés dans leurs activités électives. Médiathèques sont à la jonction de l’école et de leurs activités électives. Conseils et difficultés : retours d’expériences de la part des collègues : Il faut bien 3 ans pour monter un partenariat collèges, lycées. Être patient, commencer « petit », ne pas aller sur trop gros projets tout de suite. Problème : on passe par l’institution scolaire pour les faire venir en médiathèque, ainsi passer de la prescription au plaisir dans un contexte scolaire. Mais si on ne passe pas par l’école, on n’arrive pas à les faire venir… Problème de pérennisation des projets : repose souvent sur les mêmes personnes. Difficile de travailler avec des professeurs de lycée qui sont soumis à des programmes lourds + bac Important d’associer un maximum de collègues aux projets. Travailler sur des objectifs communs aux bibliothécaires, aux documentalistes et aux professeurs. Exemples concrets d’actions envers les adolescents : Alfortville : déplacement en lycée professionnel. Présentation de livres par les élèves : que 2 élèves qui ont fait une présentation mais important quand même. Enorme travail d’investissement de la part des bibliothécaires. Louise-Michel, Paris : club de lecture mensuel dans la médiathèque + déplacement dans la cour de récréation du collège par un bibliothécaire, un libraire et un éditeur. BPI : espace nouvelle génération dédié aux ados, jeunes adultes. Animation autour du tatouage qui a très bien fonctionné. Melville, Paris : mordus du polar : prix littéraire. S’investissent beaucoup dans le prix mais ne viennent pas s’inscrire à la médiathèque. Viry : équipe enseignante stable, partenariat ancien. Médiathèque = lieu d’exposition pour les travaux d’élèves, accueil d’auteurs, période de révision. Pour « collèges et lycées au cinéma », la médiathèque est complémentaire : relais du dispositif par ressources documentaires. ? : pendant le stage de 3ème, rendre les collégiens acteurs : ils font des acquisitions et doivent présenter la médiathèque à leurs copains de classe. Angers : accueils de classe de secondes, présentation de livres par les bibliothécaires puis les élèves présentent eux-mêmes leurs lectures sous forme de speed-booking. (Speed-booking filmés visibles sur le site de la médiathèque)