Le film de Mathilde Syre, « Ecole en vie », permet une expérience

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Le film de Mathilde Syre, « Ecole en vie », permet une expérience
Le film de Mathilde Syre, « Ecole en vie », permet une expérience très rare : celle d’entrer dans
plusieurs classes avec des pédagogies du XXIème siècle. Non parce que l’on peut y observer des
élèves numérisés, branchés sur du matériel à haute technologie et en mesure de développer des
gestes qui en effrayeront certains. Plutôt parce que ces classes présentent des organisations
pédagogiques en concordance exacte avec les enjeux de l’école d’aujourd’hui et de demain.
On y voit en effet des enfants ayant saisi le sens de la scolarisation, c’est-à-dire en équilibre entre :
- du travail qu’ils ont choisi et un autre que l’école leur demande d’effectuer
- du plaisir et de l’obligation
- de l’individuel, du travail en groupe et du collectif
- de l’autonome et du guidé
- de l’expérience personnelle et du savoir scolaire
Dans la classe de maternelle d’Héloïse, fortement influencée par le mouvement Montessori, les
enfants évoluent avec une autonomie véritable, celle où ils ont appris à s’auto-contraindre parce qu’ils
ont à assumer des choix pris en toute liberté. La scène du comptage à 1000 en est un bel exemple.
Ce gouvernement de soi-même provient principalement de la motivation qu’ils développent pour entrer
en activité. Je relève notamment, parce que c’est parfois un reproche que l’on adresse aux classes
Montessori, l’autorisation des élèves à coopérer et à solliciter des camarades pour aider ou se faire
aider. De son côté, Héloïse assume clairement sa posture d’enseignante, en se chargeant de
l’évaluation des acquis des élèves, en participant formellement à l’entretien des conditions optimales
pour que les élèves apprennent. On assiste notamment à une de ses interventions pour gérer un
conflit né entre deux élèves, sans pour autant que cela stoppe le travail des autres enfants.
Dans la classe unique rurale d’Agnès, en appui sur de la Pédagogie Freinet, c’est plutôt la volonté de
tendre vers les progrès de chaque élève qui a attiré mon attention. Par exemple, et comme dans de
plus en plus de classes primaires aujourd’hui, les élèves disposent d’un plan de travail sur lequel se
trouvent des situations de travail qu’ils ont en partie choisies et qu’ils réalisent pendant les temps
personnalisé. Cela permet aux forts comme aux moins forts de développer des apprentissages à leur
mesure sans être bloqué par le travail d’un camarade qui demande davantage d’explications. Ce qu’a
ajouté Agnès sont des degrés d’autonomie, qui favorisent l’accompagnement de l’autonomie,
principalement chez les enfants qui ont besoin de se construire ces compétences. Ce type de classe
s’engage ainsi clairement dans une pédagogie qui peut prétendre s’organiser pour le progrès de
chaque enfant.
La classe de cycle III de Nicolas, avec ses 1ères, 2èmes et 3èmes années en Education Prioritaire ne
se réclame d’aucune pédagogie particulière, justement pour que ce qui s’y passe corresponde à la
fois à la personnalité de son enseignant et les caractéristiques de l’hétérogénéité du groupe. Ainsi,
l’emploi du temps alterne entre du travail personnel, pendant lequel les élèves ont la possibilité de
s’entraider pour améliorer l’efficacité de leur travail, et des temps collectifs conduits par Nicolas où il
s’autorise à solliciter l’attention de tous pour transmettre et optimiser l’engagement individuel. Ces
investissements sont rendus possibles par plusieurs activités à haute exigence intellectuelle : des
petits livres pour lire et écrire avec rigueur et de manière authentique, des responsabilités pour que
chacun considère sa classe comme un espace dans lequel sa présence compte ou des concours de
Rubik’s Cube où la confrontation aux autres sert surtout au dépassement des limites individuelles.
Nicolas n’ignore assurément pas d’autres travaux pédagogiques comme ceux de la Pédagogie
Institutionnelle ou ceux de Bernard Collot.
Quelle est donc la pédagogie du XXIème siècle la plus adaptée ? Certainement pas une seule à
laquelle se conformer et, en même temps, plusieurs parce qu’elles évitent l’effet Sisyphe qui voit sans
cesse les nouveaux enseignants essayer de réinventer ce qui a été déjà construit par d’autres. Le
patrimoine des recherches en pédagogies est conséquent mais vouloir faire de sa classe autre chose
qu’une machine à exclure de la compétition scolaire les élèves les moins performants est très facile.
Le film « Ecole en vie » aurait également pu prendre pour titre « Ecole envie » tant il montre avec
simplicité trois exemples d’organisations scolaires qui plaisent aux enfants, les aident de plusieurs
manières pour la suite de leur chemin de vie et renvoient aux enseignants une idée essentielle : le
métier qu’ils ont choisi, même s’il demande souvent de l’adaptation et du changement, reste l’un des
plus beaux lorsqu’il trouve son intérêt dans le plaisir à travailler avec des enfants.
S. Connac - Université Paul Valéry 

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