UN PROCÈS POUR PROXÉNÉTISME EN RÉUNION POUR DSK
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UN PROCÈS POUR PROXÉNÉTISME EN RÉUNION POUR DSK
• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO10016 SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 WWW.LIBERATION.FR UN PROCÈS POUR PROXÉNÉTISME EN RÉUNION POUR DSK AFP PAGES 1011 Jeudi à Gao, dans le nord du Mali. REBECCA BLACKWELL. AP Mali Election sous pression Encouragé par François Hollande, Bamako organise, dimanche, une présidentielle dans un pays divisé encore marqué par la guerre. PAGES 25 1989 7 ET SI LA CHUTE DU MUR N’AVAIT PAS RÉUNIFIÉ LES DEUX ALLEMAGNES? TOUT L’ÉTÉ, «LIBÉ» RÉINVENTE 40 ANS D’ACTUALITÉ Un Français suspecté du meurtre du député tunisien (Publicité) Alors que la grève et les manifestations ont été très suivies après l’assassinat de l’opposant laïc Mohamed Brahmi, un islamiste né à Paris, dans le XIXe arrondissement, fait partie des principaux accusés. CAHIER CENTRAL PAGE 7 IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, EtatsUnis 5 $, Finlande 2,70 €, GrandeBretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, PaysBas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA. 2 • EVENEMENT LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 ÉDITORIAL Par FRANÇOIS SERGENT Vernis L’élection malienne de dimanche sera imparfaite. Dans un pays grand comme trois fois la France, immensément pauvre et en proie à une guerre à peine terminée, le scrutin n’apportera pas toutes les garanties souhaitées. Fallait-il pour autant reporter la présidentielle à des jours meilleurs mais incertains ? François Hollande, pressé de sortir l’armée française le plus proprement et le plus rapidement du pays, a tout fait pour que ce scrutin se tienne cet été. Les élections donneront un vernis démocratique à l’intervention française et un président élu sera un interlocuteur acceptable pour la communauté internationale. Ce qui est déjà beaucoup dans une Afrique qui tarde à connaître son printemps des peuples. Mais ces élections ne peuvent être que l’amorce de la reconstruction d’un pays dévasté, sans Etat, et sans justice, sans armée et sans administration. François Hollande a eu raison d’intervenir pour stopper l’avancée des islamistes au cœur de l’Afrique, mais il ne peut abandonner le Mali au milieu du gué. La France doit rester en première ligne pour aider les Maliens ; avec la communauté internationale, Hollande doit tenir comptable ses prochains dirigeants de toute tentation de concussion que la France a couverte au sommet de l’Etat malien des années durant. Enfin, l’armée, plus prompte à arrêter et torturer les opposants qu’à défendre son pays, devra elle aussi rendre des comptes. C’est à ce titre que l’élection de dimanche ne sera pas seulement un exercice formel de démocratie. Présidentielle: le Mali poussé aux urnes Le premier tour de l’élection, dimanche, doit remettre le pays sur la voie de la réconciliation nationale et de la stabilité politique. Par THOMAS HOFNUNG Envoyé spécial à Bamako V ite, une élection présidentielle pour tourner la page de la crise aiguë au Mali : c’est peut-être la pire des solutions… à l’exception de toutes les autres. A la veille du scrutin, on pourrait résumer en ces termes la position de la communauté internationale. Organisé à marche forcée, le vote est censé accélérer la convales- cence du Mali, mais à condition qu’il se déroule correctement sur le plan logistique – ce qui est loin d’être gagné – et sécuritaire. Ce dimanche, un peu plus de six mois après le début de l’intervention militaire française contre les jihadistes dans le nord du pays, près de 7 millions d’électeurs sont appelés à élire leur président pour un mandat de cinq ans. La date a été imposée à un pays sous perfusion et protection internationales. Les 3 300 soldats français de l’opération Serval et les 6 000 Casques bleus de la Mission des Nations unies de stabilisation au Mali (Minusma) sont chargés d’aider l’armée malienne à prévenir toute attaque des petits groupes de jihadistes qui errent toujours dans la bande sahélienne. GARANTIES. Malgré le ramadan, la saison des pluies et les difficultés logistiques, la date du premier tour a été main- • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 REPÈRES ALGÉRIE MAURITANIE SÉN Bamako GUINÉE Léré NIGER BURKINA FASO 500 km MALI Population 16,4 millions d’hab. PIB par habitant 490 euros Croissance du PIB – 1,2 % Espérance de vie 51,9 ans Pauvreté 50,4 % (% de la population vivant avec moins de 1,25 $ par jour) 182e sur 186 pays sur l’indicateur de développement humain AFP Sources : Pnud, OCDE, FMI - estimations 2012 IBRAHIM BOUBACAR KEÏTA A 68 ans, «IBK» fait figure de favori. Premier ministre entre 1994 et 2000, et prési dent de l’Assemblée natio nale de 2002 à 2007, le candidat du Rassemblement pour le Mali (RPM) se pré sente pour la troisième fois, après 2002 et 2007. Un Malien peint aux couleurs du candidat Soumaïla Cissé, lors d’un meeting à Bamako. L’ESSENTIEL LE CONTEXTE Le Mali vote, dimanche, pour élire un nouveau président. L’ENJEU Cette élection seratelle crédible, dans un pays pauvre, dévasté et à peine sorti de la guerre ? tenue. Aux yeux de la communauté internationale, il est urgent de sortir, si possible en douceur, du vide politique à Bamako. Ancien numéro 1 de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré avait été nommé président par intérim à la suite du coup d’Etat militaire mené en mars 2012 par des sous-officiers contre Amadou Toumani Touré. Depuis, le gouvernement provisoire vit sous la menace du toujours influent capitaine Amadou Sanogo, le chef des ex-putschistes. L’élection est également un préalable pour enclencher le processus de réconciliation avec les Touaregs (lire ci-contre) et entamer la reconstruction du pays, avec l’aide des bailleurs de fonds. A Bruxelles, en mai, plus de 3 milliards d’euros d’aide ont été promis, mais à condition que les Maliens disposent de dirigeants légitimes : pas question de déverser une pluie d’euros sans un minimum de garanties. Pour Paris, qui veut à tout prix éviter l’enlisement dans son ex-colonie, le scrutin doit aussi permettre de réduire les effectifs de l’opération Serval. Si tout va bien, un millier d’hommes demeureront sur place fin 2013 pour épauler la force de l’ONU et poursuivre la recherche des otages français. 27 candidats, dont une femme, se présentent donc ce dimanche devant les électeurs. Parmi eux, deux prétendants Suite page 4 AFP PHOTO JOE PENNEY.REUTERS SOUMAÏLA CISSÉ Originaire de Tombouctou, le chef de file de l’Union pour la République et la démocra tie (URD) est l’un des princi paux opposants à «IBK» dans la course à la présidence. Longtemps ministre des Finances, il a dirigé l’Union économique et monétaire ouestafricaine entre 2004 et 2011. • SUR LIBÉ.FR Carte animée «Trois minutes pour compren dre les enjeux de l’élection». Route de la drogue, contingents militaires, velléités indé pendantistes… Thomas Hofnung nous explique en images le contexte de l’élection. 3 Attaqué début 2012 par les rebelles touaregs, puis par les islamistes, la petite ville malienne peine à retrouver un semblant de paix. Dans le nord du pays, Léré «en a marre de pardonner» A ssis dans sa vaste concession de bétail continuent et on vient me parler de cernée de murs lézardés, un verre paix !» s’étrangle ensuite un Peul. Apde lait de vache frais à la main, plaudissements. Cheickna Dicko parle de sa commune de «La réconciliation est beaucoup plus diffiLéré, dans le nord du Mali, comme d’un cile à Léré que dans d’autres localités. Ici, trésor disparu. Il y avait, dit-il, des rumi- des gens de la ville ont retourné leurs armes nants par milliers dans les deux parcs à contre les autres», explique Idrissa Coulibestiaux et les rues du marché débor- baly, préfet de Niafunké. Avant sa prise daient de gens et de denrées. de fonctions, ce Bambara de C’était avant l’attaque de Léré REPORTAGE Ségou ne connaissait pas le par les Touaregs du MouveNord. Cheikna Dicko veut ment national pour la libération de aussi convaincre de la nécessité économil’Azawad (MNLA) dans les premiers jours que du retour des Touaregs à Léré, carrede la rébellion, en janvier 2012. Les rebel- four culturel et commercial entre le Nord les touaregs furent les fourriers de grou- et le Sud. «Les Arabes commercent, les sépes jihadistes déterminés à imposer leur dentaires cultivent et les Touaregs ordre fondé sur la charia. conduisent les troupeaux. Chacun est déLe maire culpabilise presque de son exil pendant de l’autre», explique-t-il. d’une année à Bamako. «Où pouvais-je Insignifiant. Les habitants ne peuvent être le plus utile? A Léré, où il n’y avait rien même pas suivre la campagne à la téléet où je risquais ma vie? Ou à Bamako, pour vision. Et aucun des 27 candidats ne s’est tenter de démarcher des soutiens?» s’inter- lancé dans la course électorale depuis roge ce frêle Arabe au crâne lisse et à la l’une des trois régions du Nord. Bien que moustache soigneusement taillée. En son déterminantes pour l’avenir du pays, leur absence, sa maison en terre a bien failli y poids électoral est de fait insignifiant : passer. «Un jour, ils sont entrés et ont laissé 200000 électeurs potentiels, contre plus le robinet d’eau ouvert dans la cour. Ils ont de 6 millions pour le reste du pays. dit qu’ils voulaient inonder le sol pour que mon habitation s’effon- Six mois après l’intervention dre», raconte-t-il. française, on ne sait plus trop si Léré Six mois après l’intervention française, on ne sait plus trop si est libéré ou abandonné. L’école Léré est libéré ou abandonné. est fermée, la sous-préfecture L’école est fermée faute d’ensei- dévastée, l’électricité inexistante. gnants, la sous-préfecture dévastée, l’électricité inexistante. Le centre Dans un pays où la culture du pardon ende santé démuni accueille sur des lits dé- terre souvent les difficultés du présent foncés quelques malades venus de la pour mieux semer celles de demain, les brousse environnante, allongés sur des candidats parcourent le Mali tout sourire charrettes tirées par des ânes. en répétant à l’envi le mot «réconcilia«Sans défense». Mais ces chantiers ne tion». Mais, dans les programmes, il est sont rien à côté de ce qui se joue ce matin peu question de jugements pour les cridevant la mairie, sous un simple toit en mes de guerre. «La justice va être difficile tôle soutenu par des piliers en béton tou- à mettre en place. Mais on ne peut pas dire jours peints aux couleurs du drapeau de ça dans le contexte actuel», explique un l’Azawad. Une vingtaine de représentants officiel. Les habitants de Léré n’attendent des communautés arabes, songhais, peuls rien de la Commission dialogue et réconet bambaras écoutent le préfet Cheikna ciliation investie en avril. Ils pensent que Dicko et le commandant de brigade de c’est à eux, et seulement à eux, de s’asNiafunké leur demander «de pardonner seoir autour d’une table pour discuter de aux Touaregs». Membres du MNLA ou ces questions et non à des Bamakois respaisibles habitants, aucun Touareg n’a tés «au chaud» en 2012. quitté le camp de réfugiés mauritanien de Malgré les violences subies par les habiMbera pour regagner Léré. A la place des tants noirs de Kidal (nord) puis l’enlèverires et des pleurs d’enfants, des dizaines ment d’agents électoraux dans la région, de cours vides recouvertes d’excréments le président Dioncounda Traoré a accueilli d’ânes et de moutons hantent la mémoire dans la capitale malienne les responsables des présents. Le préfet Cheikna Dicko se des groupes armés touaregs pour rompre lève et tend la main devant l’assemblée: le jeûne du ramadan dans une ambiance «Cette main a été créée par Dieu. Les doigts cordiale. Le conseiller de mairie Dioro n’ont pas la même forme ni la même lon- Traoré est écœuré: «Le Malien a l’habitude gueur, mais c’est une même main.» Mais, de pardonner. On a même déjà pardonné des au Mali, les références religieuses ont choses impardonnables. Mais trop c’est leurs limites pour convaincre une popu- trop, on en a marre de pardonner. Il faut que lation encore sous le choc. «Des enfants l’Etat les désarme sinon on trouvera nous nés devant toi qui te malmènent, c’est pas aussi des armes et on se vengera.» facile à pardonner», grogne un vieux noEnvoyé spécial à Léré (Mali) table. «Moi je suis là sans défense, les vols FABIEN OFFNER 4 • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 EVENEMENT qui, sauf énorme surprise, devraient se détacher pour le second tour du 11 août: l’ex-Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta (dit «IBK»), 68 ans, et Soumaïla Cissé, un ex-ministre des Finances, 63 ans. Suite de la page 3 RENARD. Très populaire à Bamako, le premier s’est présenté comme le De Gaulle malien, déterminé à redonner honneur et dignité à un peuple meurtri. Vieux renard de la scène politique, il a obtenu le soutien de l’influent Haut Conseil islamique (HCI) mais aussi, dit-on, du capitaine Sanogo. A la fois autoritaire et débonnaire, il reste ambigu sur son programme, pariant sur la volonté des Maliens de s’en remettre à un homme expérimenté et rassurant, une sorte de père – un peu fouettard – de la nation. Avec ses allures de technocrate décontracté, Soumaïla Cissé incarne un Mali plus progressiste. A la manière d’un Alassane Ouattara en Côte-d’Ivoire, il a axé sa campagne sur la modernisation et la création d’emplois. «Alors qu’IBK veut rassurer un pays traumatisé, Cissé est tourné vers le futur, résume une source diplomatique. Il est peut-être un peu en avance sur son temps.» Crédité de 20% des intentions de vote dans des enquêtes plus ou moins fiables, Cissé accuse près de 20 points de retard sur son aîné. Il n’en croit pas moins en ses chances, ayant négocié un accord de désistement avec nombre de concurrents pour le second tour. Un front «Tout sauf IBK» est en place. Tiendra-t-il ? «Si IBK se détache nettement, il va se lézarder, des ralliements vont se produire», pronostique un observateur étranger. Cissé le pressent-il? Dans la dernière ligne droite d’une campagne plutôt paisible, il a évoqué des soupçons de fraude. En quelques semaines, il a fallu distribuer des millions de cartes d’identité fabriquées en France, y compris aux 500000 déplacés et réfugiés. Selon les autorités, plus de 80% d’entre elles ont été retirées par les électeurs. Toutefois, on apprenait récemment qu’un million de cartes vierges étaient stockées en France, officiellement pour prévenir de possibles défaillances. «Il faudrait être un génie pour les récupérer et les falsifier», ironisait hier le chef des observateurs de l’UE. INTRIGUES. Cette affaire est en tout cas révélatrice d’une tension à la veille du scrutin. Les optimistes y verront le signe que la bataille s’est déjà déplacée sur le terrain politique. D’autres que les intrigues risquent de prendre le pas sur les vraies urgences : reconstruction d’une armée en lambeaux, lutte contre la corruption et un narcotrafic envahissant, et réconciliation avec les Touaregs. Autant de défis pour le futur président, qui aura besoin d’une forte légitimité pour les mener à bien. A cet égard, le taux de participation sera scruté avec attention. En 2007, il avait tout juste dépassé 36% au second tour. • La ville du désert est déchirée par les rivalités de clans et les éternelles rébellions. Kidal, clé de la question touareg Des habitants touaregs allument des feux pour protester contre l’entrée des militaires maliens à Kidal, le 5 juillet. PHOTO REUTERS a ville de Kidal, 50 000 habitants dans le désert, à 1 200 km de Bamako et 300km de piste de Gao, concentre tous les problèmes du nord du Mali. Fief des narcotrafiquants, des islamistes et des rebelles touaregs, cette ville réfractaire a été le dernier verrou à sauter, en janvier. Alors libérée par les soldats français et tchadiens, Kidal a longtemps refusé la présence de l’armée et de l’administration maliennes. Sur le terrain, la situation reste tendue. L’accord signé le 18 juin à Ouagadougou, au Burkina Faso, engage les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) à rester «cantonnés» pendant l’élection. Or ce sont plutôt les agents électoraux qui osaient à L peine sortir de la mairie, une semaine avant le vote. Si tout va bien, la ville ira tout de même aux urnes dimanche, mais dans une paix précaire. Ensuite, le plus dur restera à faire : sceller de vrais accords de paix, désarmer les groupes armés et régler le «problème touareg». Massacre. La première rébellion de cette minorité contre l’Etat central, en 1963, a été réprimée dans le sang. Massacres et exécutions sommaires de civils se répètent ensuite, lors des rébellions successives de 1990 et de 2006. La violence franchit un cran en janvier 2012, quand 70 soldats maliens sont exécutés, certains égorgés, lors de l’attaque de leur base d’Aguelhok, dans la région de Kidal, par les rebelles touaregs et leurs alliés jiha- distes. Un massacre imputé par Bamako au MNLA, malgré ses dénégations. Le ressentiment des populations noires du Sud contre les Touaregs, tous considérés comme des rebelles ou au moins des complices, s’exacerbe. Avec les «Maures» – les populations arabes du Nord –, ils représentent 10% des 16 millions de Maliens selon le recensement de 2009. Des chiffres sur lesquels personne n’est d’accord… A prendre avec des pincettes, donc, dans la mesure où seulement 3,5% des Maliens parleraient la langue des Touaregs, selon le World Fact Book de la CIA. Par ailleurs, bien des Touaregs ne se reconnaissent pas dans la rébellion et son projet d’indépendance. «Les voyous du MNLA crient partout qu’ils sont brimés, mais quand ils canardent un militaire, c’est nous qu’on vient massacrer», dénonce Mohamed ag Hamani, le seul Premier ministre touareg qu’ait connu le Mali, de 2002 à 2004. De son côté, Tiébilé Dramé, l’homme politique qui a servi de médiateur avec les groupes du Nord-Mali pour permettre aux élections de se tenir à Kidal, a retiré sa candidature à la présidentielle pour ne pas cautionner un vote qui sera, selon lui, imparfait. Il explique aussi qu’il faudra tenir compte de «toutes les nuances de la communauté touareg» pour l’après-crise. Ces nuances, justement, compliquent beaucoup la donne. Car l’une des clés du problème touareg tient à des querelles de pouvoir internes, dans une société divisée horizontalement par castes et verticalement en clans géographiques. A Kidal, 144 factions touaregs coexistent, notent les chercheurs Mohamed ag Erless et Djibril Koné (le Patriote et le Jihadiste, l’Harmattan, 2012). Les aristocrates du clan des Ifoghas dominent, mais sont minoritaires en nombre face à leurs vassaux, les Imghads, à la fois éleveurs et combattants. Enfin, la famille Intalla, dirigée par un chef religieux respecté et ses trois fils (l’un député, l’autre ex-numéro 2 du groupe islamiste Ansar ed-Dine, le troisième dans le MNLA), régente tout à Kidal. Elle a été l’une des premières à entrer en contact avec le colonisateur français, et s’est imposée à la tête des Ifoghas comme intermédiaire avec l’administration, d’abord coloniale puis malienne. «Revanche». Iyad ag Ghali, le chef du groupe armé et islamiste Ansar ed-Dine, appartient de son côté à un sous-groupe de la même faction. Il tient son ascendant sur Kidal du fait qu’il a dirigé la rébellion de 1990. Il a cherché à reprendre en mains le MNLA en janvier 2012, mais il en a été empêché par des éléments laïcs et marxistes du mouvement, opposés à ses penchants salafistes. «Il a formé Ansar ed-Dine pour prendre une revanche en s’alliant avec Al-Qaeda au Maghreb islamique [Aqmi] et faire sortir le MNLA du Nord-Mali», explique Mohamed ag Ossade, patron du centre culturel touareg Tumast, à Bamako. Sa conclusion: «Même l’autonomie économique n’est pas possible. Si on la leur donne, les Touaregs vont très vite se casser la figure entre eux, car chacun est chef !» Aucune crise ne s’est vraiment cicatrisée, estime pour sa part l’ancien Premier ministre Mohamed Ag Hamani: «On doit revenir dans le détail sur les cycles de rébellion et de répression. Il faut faire le grand déballage, entendre les coupables s’excuser. Alors, seulement, un Mali nouveau pourra démarrer.» C’est tout l’enjeu de l’après-élection, avec un quinquennat qui est censé déboucher sur la paix. Envoyée spéciale à Bamako SABINE CESSOU • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 5 À NOS LECTEURS «Libération» animé par le défi de l’inédit Par FABRICE ROUSSELOT Directeur de la rédaction penser nos bons résultats. L’an dernier, année électorale, nous avons remporté le ibération n’est pas un prix du meilleur quotidien et journal comme les le Grand Prix des médias CB autres. Ceux qui le News 2012. Désormais, Libé lisent nous le disent. doit faire face à un nouveau Souvent, ils le dévorent avec défi. Après la période faste passion et intérêt. Quelque- de la présidentielle, la fois, ils s’irritent et le délais- presse traverse une période sent pour quelque temps. délicate, avec des ventes Mais finissent toujours, à un orientées à la baisse. Une moment ou à un autre, par y tendance qui ne nous a malrevenir ou par le redécou- heureusement pas épargnés. vrir. Pour ceux qui le font, Mais, encore une fois, toute c’est une éternelle aventure l’équipe a su se mobiliser. au quotidien, un sentiment Dès l’hiver dernier, nous d’appartenance à un titre qui avons organisé des ateliers est bien plus qu’une simple de réflexion à tous les étages entreprise de presse. du journal, afin de mieux réNous fêtons cette année nos fléchir à l’avenir et à la 40 ans et nous pouvons nous presse de demain. féliciter – en gardant le sens C’est cet état d’esprit qui de l’humilité- d’avoir su res- nous anime aujourd’hui. ter cette voix singulière au Profiter de notre quaransein de la presse française et tième anniversaire pour eninternationale. Mais, comme tamer une vaste relance et les autres, Libé a aussi dû ap- un magistral redéploiement. prendre à évoluer au milieu Avec un objectif: celui de ded’un paysage médiatique de venir un média moderne et totalement multisupLe 14 septembre, nous lançons ports, qui un «grand Libé du week-end» peut se déde 64 pages, qui vous présentera cliner aussi quatre univers bien distincts bien sur le papier que avec des rythmes de lecture sur les tédifférents. léphones plus en plus compliqué, qui a mobiles, les ordinateurs ou vu ses repères bouleversés les tablettes. L’ère du bimépar l’avènement d’Internet dia n’est plus d’actualité, et de ses nouveaux usages. La c’est celle du tout-média qui situation n’est plus tout à fait s’affirme. nouvelle, puisque nous avons Ces changements ont déjà lancé notre site web commencé. Avec un cahier en 1995… il y a près de d’été new-look, qui a fait de vingt ans déjà. Mais voilà, la l’uchronie son outil de prédipresse a mis du temps à lection pour réinventer l’hisprendre la mesure de cette toire et les années Libé. Nous révolution, comme ce fut le avons aussi célébré notre cas dans l’industrie de la numéro 10000 avec un festimusique ou du cinéma. val de unes à découvrir sur Pourtant, Libération n’a ja- quarante pages. Pour sepmais cédé aux sirènes alar- tembre, ce sont deux rendezmistes et pessimistes de ceux vous que nous vous fixons. Le qui ont maintes fois annoncé 9 septembre, notre site web la fin du papier –ou même de change de peau, pour mieux notre journal. coller à l’identité Libération et Fidéliser. En 2009, nous vous proposer de nouveaux avons lancé une nouvelle contenus, de nouvelles ruformule et un nouveau site, briques, de nouveaux espaafin de répondre aux atten- ces. Le 14 septembre, nous tes. Des offres de plus en plus lançons un numéro du weekdifférenciées, avec l’inten- end totalement inédit. Un tion de produire des articles «grand Libé du week-end» plus longs et plus fournis de 64 pages, qui vous prédans le quotidien papier. Le sentera quatre univers bien projet s’est mué en succès, distincts, avec des rythmes puisque Libé est devenu l’un de lecture différents. Parallèdes rares journaux au monde lement, le quotidien aura à voir sa diffusion progres- droit à un retoilettage, dans ser, tandis que son site con- le but de montrer des choix tinuait à fidéliser de plus en plus marqués. plus d’internautes. En 2011, Nous travaillons aussi à l’élanous avons obtenu une étoile boration d’un huit pages nud’or à l’OJD, venue récom- mérique pour 18 heures ou L encore à la réalisation d’un occasionnels. Enfin, nous ne best-of numérique de fin de cesserons de multiplier les semaine, qui vous offrira une forums, ces débats que nous sélection des articles de Libé- organisons dans toute la ration. Nous publierons des France mais aussi à l’étranebooks, que vous pourrez ger, points de rencontre enpour certains réaliser vous- tre vous, lecteurs, et les acmêmes. Nous développerons teurs politiques, sociaux, Next, notre mensuel «life- culturels et économiques. style» qui s’affirme chaque Points d’ancrage aussi pour année un peu plus. Nous al- Libération, dans son dialogue lons initier des numéros spé- ininterrompu avec la société ciaux et des hors-série, en ne civile. nous privant pas du plaisir De plainpied. Tout cela ne d’avoir de nombreux invités serait rien sans la volonté comme rédacteurs en chef 164x219_Mise réaffirmée de garder BATI NANTES_LIBERATION en page 1 juste17/07/13 ment notre voix singulière et nos valeurs. Des valeurs de gauche, d’humanisme, d’équité, qui refusent l’exclusion et la discrimination quelles qu’elles soient. Mais nous voulons aller plus loin: innover, créer, surprendre, participer de plain-pied à la vie citoyenne d’un pays qui doit se sortir du marasme. Sans dogmatisme et sans peur. Avec le regard tourné vers le futur et la jeunesse. L’exigence, pour nous, reste la même. Celle de la qualité 16:06 Page1 d’un journalisme que nous n’avons jamais dévoyé. Une qualité qui coûte cher, il faut le rappeler, et qui doit se démarquer du flux d’infos gratuites auquel tout un chacun est soumis tous les jours. L’actualité aujourd’hui n’a plus le même sens qu’il y a quelques années. A Libération, nous nous engageons à la décrypter, l’analyser, la mettre en perspective. Plus encore peut-être, nous la faisons nôtre. Avec la même envie, toujours renouvelée. • 6 • MONDE LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 L’armée égyptienne toujours àl’offensive Forts du soutien populaire exprimé vendredi dans les rues, les militaires haussent le ton avec les islamistes. Par MARWAN CHAHINE Correspondant au Caire 50 partisans de Morsi ont péri sous les balles des soldats de la garde républicaine. L’ancien raïs, dont on est sans nouvelles depuis es centaines de milliers de per- son éviction, le 3 juillet, et qui serait mainsonnes ont répondu vendredi à tenu dans un lieu secret, a été officiellement l’appel du général Abdel Fattah placé en détention préventive vendredi, acal-Sissi dans toute l’Egypte, cusé de complicité avec le Hamas dans des scandant des slogans à la gloire de l’armée attaques contre la police en 2011. et arborant des drapeaux rouge-blanc-noir Comment interpréter ce second coup de seou des portraits du ministre de la Défense. monce de l’armée? On peut y voir une simDeux jours plus tôt, celui-ci avait solennel- ple tentative d’intimidation destinée à raslement appelé le peuple égyptien à descen- surer la population, irritée par l’instabilité dre dans la rue afin de lui donner «un man- ambiante. Sauf que cela fait plusieurs sedat pour en finir avec la violence et le maines que l’état-major hausse le ton, sans terrorisme». Ces rassemblements, effet sur la détermination des promoins impressionnants que ceux ANALYSE Morsi. Cela semble même ressoudu 30 juin, ont néanmoins permis der le camp islamiste et le renforaux militaires d’asseoir leur popularité. cer dans sa conviction qu’il s’agit d’un coup Sans pour autant gagner le bras de fer de la d’Etat militaire. La confrérie accuse Al-Sissi légitimité: les partisans du président déchu, de vouloir mener le pays vers «une guerre Mohamed Morsi, étaient aussi très nom- civile». Malgré les démentis de plusieurs breux à réclamer son retour. Des heurts ont responsables militaires, d’aucuns craignent éclaté dans plusieurs villes, et un bilan pro- que la sortie du ministre de la Défense anvisoire fait état de deux morts à Alexandrie nonce un recours imminent à la force, qui –et une vingtaine de blessés–, qui viennent pourrait prendre la forme d’une évacuation s’ajouter aux 200 morts de ces trois derniè- brutale des camps des pro-Morsi à Medinet res semaines, survenues dans des affronte- Nasr et à Giza, d’une intensification de la ments entre pro et anti-Morsi ou lors d’at- répression ou d’une opération d’envergure taques dans le Sinaï. dans le Sinaï. Les plus inquiets redoutent même un retour à l’état d’urgence, dont la SEMONCE. Jusque-là en retrait dans le pro- Constitution provisoire fixe la durée limite cessus politique, l’armée a montré qu’elle à trois mois, renouvelable par référendum. était bien décidée à revenir sur l’avant- De nombreux Egyptiens soutiennent ces scène, pour mettre fin au désordre et en- solutions radicales, entretenus dans leurs foncer un peu plus sa casquette de sauveur aspirations belliqueuses par des médias qui de la nation. Jeudi, elle a posé un ultimatum n’ont de cesse de diaboliser les islamistes et de quarante-huit heures aux forces islamis- de faire vibrer la corde nationaliste. tes, les enjoignant à renoncer à la violence Mais, même s’ils parviennent à rétablir proet à sceller la réconciliation nationale avant visoirement un semblant d’ordre, les milice samedi après-midi, sans quoi, assurent taires ont aussi beaucoup à perdre s’ils font les militaires, ils «changeront leur stratégie». usage de la violence. En effet, la commuDes menaces à peine voilées qui intervien- nauté internationale, déjà sceptique sur le nent après trois semaines d’une répression rôle de l’armée dans la transition politique, brutale à l’encontre des islamistes, entre ar- pourrait se braquer un peu plus. Mercredi, restations des leaders et fermeture des les Etats-Unis ont suspendu la livraison de chaînes de télévision. Le 8 juillet, plus de quatre avions F16, «en raison du contexte po- D Lors du rassemblement à l’appel du général AlSissi, vendredi, au Caire. NARIMAN ELMOFTY. AP litique», et jeudi, c’est le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui a fait part de son inquiétude et réclamé la libération de Morsi et d’autres responsables de la confrérie. En cas de durcissement de sa ligne, l’armée pourrait également s’aliéner une partie des forces politiques qui ont soutenu la destitution du président Morsi et, en conséquence, fragiliser la coalition au pouvoir. PARI. Les salafistes d’Al-Nour et plusieurs groupes révolutionnaires, dont le Mouvement du 6 Avril, ont refusé de prendre part aux manifestations de vendredi qui, selon eux, polarisent le pays et menacent le caractère démocratique de la transition. Une marche pour refuser l’alternative «Frères ou armée» a en outre réuni des milliers de personnes au Caire. Mais le Front de salut national, qui rassemble des partis libéraux et de gauche, ainsi que le mouvement Tamarod, qui a organisé la mobilisation du 30 juin, soutient pour l’heure les militaires. Le pari est donc risqué pour l’armée, et en son sein, beaucoup doivent garder en mémoire la contestation à laquelle avait dû faire face le Conseil suprême des forces armées lors de la transition politique de l’après-Moubarak. En embrasant ainsi la situation, le général Al-Sissi pourrait vite se retrouver dans le rôle du pompier pyromane, prisonnier des incendies par luimême allumés. • REPÈRES «Le dernier discours du chef du coup d’Etat montre qu’il est le dirigeant de fait du pays, et que tous ceux qui l’entourent sont des comparses.» Le guide des Frères musulmans vendredi 200 personnes au moins ont été tuées dans les violences liées aux troubles politiques depuis un mois en Egypte. Parmi elles, une quarantaine ont trouvé la mort dans les attaques qui frappent la région du Sinaï. WASHINGTON FAIT PROFIL BAS Les EtatsUnis ne se prononceront pas sur la question du coup d’Etat, évitant ainsi d’avoir à suspendre leur aide, a indiqué vendredi un responsable américain. «La loi ne stipule pas que nous devons déterminer formellement s’il y a coup d’Etat. Effectuer une telle détermi nation n’est pas dans notre intérêt national.» LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 MONDE • 7 Le salafiste El-Hakim serait impliqué dans le meurtre du député laïc, tué par la même arme que Chokri Belaïd. A Tunis, un Français derrière la mort de Brahmi es proches de Mohamed Brahmi, le dé- établi son implication directe dans l’assassiputé d’opposition assassiné jeudi, nat de Belaïd grâce à des aveux obtenus lors avaient trouvé leur coupable : le parti de l’arrestation d’un autre homme. Elles ont islamiste Ennahda, au pouvoir en Tunisie. identifié 14 salafistes suspectés d’être impliNotamment parce que l’homme politique de qués dans l’assassinat de Belaïd, dont huit se58 ans, membre de l’Assemblée nationale raient impliqués dans celui de Brahmi. constituante et fondateur du Courant popu- Quelques jours avant la mort de Brahmi, Ellaire, était l’un de ses plus farouches oppo- Hakim a échappé à la police qui a donné l’assants. Alors que vendredi une grève générale saut à son domicile. Selon le directeur de la et une manifestation étaient organisées pour sûreté publique, Mustapha Taieb ben Amor, réclamer la chute du gouvernement, celui-ci «il a pris la fuite, abandonnant ses effets permenait la riposte, livrant sa version des faits. sonnels et des armes. Des armes à feu, deux Selon les autorités, c’est un salafiste qui a assassiné cet homme de Boubakeur el-Hakim a été condamné gauche. en 2004 à Paris à sept ans de prison «Les premiers éléments de l’enquête ont montré l’implication de Boubakeur pour «association de malfaiteurs el-Hakim, un élément salafiste radi- en relation avec une entreprise cal», a affirmé lors d’une conférence terroriste». Il a été libéré en 2011. de presse le ministre de l’Intérieur, Lofti ben Jeddou, ancien juge de Gafsa (cen- bombes artisanales, des munitions et un revolver tre-ouest) considéré comme apolitique et et des armes blanches ont été saisis». Sur la nommé après le remaniement qui a suivi l’as- photo en noir et blanc divulguée par les autosassinat d’un autre opposant, Chokri Belaïd, rités, l’homme porte une barbe fournie. le 6 février. Selon les résultats de l’enquête «Profil». El-Hakim est «un élément terroriste balistique, c’est la même arme, un pistolet parmi les plus dangereux, objet de recherches semi-automatique 9 mm, qui a servi à tuer au niveau international», a affirmé le ministre Belaïd et Brahmi, selon le même mode opéra- de l’Intérieur. Selon une source française toire. D’après l’autopsie, le député est mort chargée de la lutte antiterroriste, «il est très d’une hémorragie interne due à quatorze bal- probable que ce Boubakeur el-Hakim soit notre les, dont neuf reçues dans le côté inférieur Boubakeur el-Hakim, mais ce n’est pas certain gauche. Il a été tué jeudi par deux hommes à 100%. En tout cas, le Français Boubakeur elen scooter devant son domicile, dans la ban- Hakim, né à Paris en août 1983, a ce profil». lieue nord de Tunis, alors qu’il montait dans Issu d’une petite cité tranquille du bassin de sa voiture. la Villette, dans le XIXe arrondissement de «Fuite». Le coupable présumé, Boubakeur Paris, il avait rejoint la Syrie en 2000 «pour el-Hakim, 30 ans, était déjà recherché par la étudier dans une école coranique», si l’on en police pour un trafic d’armes avec la Libye. croit sa sœur. Puis l’Irak, là aussi pour «porLes autorités tunisiennes auraient ensuite ter secours, pas pour combattre». Renvoyé en France par les autorités, il se marie, travaille sur les marchés. Et repart au printemps 2004, avant l’accouchement de sa femme. Il est intercepté en partance pour la nouvelle terre de jihad, l’Irak. Le 17 juillet 2004, son frère Redouane, 19 ans, est tué au combat à Fallouja. En détention en Syrie l’été 2004, Boubakeur est rapatrié à Paris, puis condamné à sept ans de prison pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», en l’occurrence «les filières irakiennes» du XIXe arrondissement. Il a été libéré en janvier 2011. Sur les quatorze hommes identifiés par les autorités, quatre ont été arrêtés et deux remis en liberté. «Certains pays n’ont pas encore pu résoudre l’énigme de certains assassinats politiques, comme celui de Kennedy ou de Hariri au Liban, s’est flatté Ben Jeddou. Dans notre affaire, on a pu donner l’identité des auteurs de l’assassinat du martyr Chokri Belaïd avec des preuves solides, dont personne ne peut douter.» A Nidaa Tounes, l’une des principales formations de l’opposition, on n’est «pas convaincu» par ces nouveaux éléments : «Si on connaît les commanditaires, l’identité des assassins, pourquoi on n’a rien fait pendant six mois? On attendait un troisième assassinat?» s’interroge Taieb Baccouche, le secrétaire général, joint par Libération. Mohamed Brahmi doit être enterré samedi à Tunis, dans le même cimetière que celui où repose Chokri Belaïd. L Une manifestation antigouvernementale, vendredi à Tunis, après le meurtre de l’opposant Mohamed Brahmi jeudi. PHOTO FETHI BELAID. AFP Envoyée spéciale à Tunis ISABELLE HANNE avec PATRICIA TOURANCHEAU 8 • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 MONDEXPRESSO «Je pense que mon fils, quand son heure sera venue, que ce soit aujourd’hui ou dans cent ans, sera […] en paix avec lui-même. Il a fait ce qu’il pensait être juste. Il a partagé la vérité avec le peuple américain.» Lon Snowden père d’Edward Snowden, défendant vendredi sur la chaîne américaine NBC son fils qui a révélé l’ampleur des écoutes américaines du système Prism VU DE BERLIN Par NATHALIE VERSIEUX Le rappeur germanotunisien Bushido se met les politiques à dos l fait tache dans la scène malgré tout plutôt bien pensante du rap allemand. Bushido, 34 ans, de son vrai nom Anis Mohamed Youssef Ferchichi, vient de sortir un morceau qui fait scandale. Dans Stress ohne Grund («stress sans raison»), Bushido s’en prend notamment à la politicienne verte Claudia Roth, au libéral Serkan Tören et au maire social-démocrate de Berlin, Klaus Wowereit. Il a toujours cultivé ses allures de mauvais garçon du rap. Mais, cette fois, il est sans doute allé trop loin, souhaitant la mort de Claudia Roth, dont le corps sera «percé de trous comme un terrain de golf», tandis que Klaus Wowereit est attaqué sur son homosexualité. I La sortie de Stress ohne Grund mi-juillet a provoqué un vif débat en Allemagne autour de la liberté artistique. Pour Claudia Roth, Bushido défend des «positions d’extrême droite». Le rappeur se défend d’incitation à la haine. «Claudia Roth a le droit de m’insulter en me traitant régulièrement d’homophobe, de sexiste, de raciste, d’antisémite… Ma façon de répondre, c’est ma musique», se défend le rappeur, dont l’album a été mis à l’index –procédure extrêmement rare en Allemagne – au nom de la protection des mineurs: les textes incriminés ne sont plus – en théorie – accessibles PAKISTAN Un double attentat à la bombe a fait au moins 41 morts et près de 150 blessés vendredi, dans un marché très fréquenté de Parachinar (nord-ouest). ITALIE La police a mené vendredi deux vastes opérations antimafia à Rome et en Calabre, visant une centaine de personnes, dont des entre- qu’aux adultes. Le clip du CD, cliqué 340 000 fois en quelques jours sur le Net, est régulièrement rayé de YouTube… Avec Stress ohne Grund, Bushido est définitivement devenu infréquentable, poussant nombre de politiciens et de personnalités du show-biz à lui tourner le dos. En 2010, le rappeur avait été sacré «homme de l’année» par le magazine masculin GQ; un an plus tard, il recevait de l’éditeur Burda Verlag le prix de l’intégration, une distinction récompensant les personnes travaillant à l’intégration des étrangers. La carrière du rappeur était alors à bien des égards exemplaires. Le mauvais garçon des quartiers populaires de la capitale a même vu sa biographie portée sur grand écran. A l’époque, le très conservateur ministreprésident de Bavière, Horst Seehofer, n’hésitait pas à poser au côté du jeune homme germano-tunisien, élevé à Berlin par sa mère allemande. En 2012, un député CDU lui ouvrait même la porte du Bundestag, où Bushido a suivi plusieurs semaines de stage. La chute du rappeur, sous le coup d’une plainte du maire de Berlin et accusé de fréquenter la mafia libanaise de la capitale, en dit long sur les difficultés d’intégration des jeunes issus de l’immigration en Allemagne. • preneurs, des avocats et un sénateur. ARGENTINE Deux militaires condamnés pour crimes contre l’humanité perpétrés sous la dictature (1976-1983) se sont évadés jeudi d’un hôpital militaire de Buenos Aires où ils avaient été admis après leur récente condamnation à 25 ans de prison. RETOUR SUR LA CONDAMNATION DE LA JEUNE RUSSE À DEUX ANS DE CAMP A Pussy Riot: Tolokonnikova reste en prison La justice russe a refusé vendredi la libération anticipée de Nadejda Tolokonnikova, l’une des Pussy Riot qui a refusé de plaider coupable, après avoir débouté sa camarade qui purge comme elle deux ans de camp pour une «prière punk» contre Vladimir Poutine. «Je ne reconnais pas ma culpabilité et ne la reconnaîtrai pas. J’estime que ce n’est pas une erreur, comme l’affirme l’administration du camp, mais une force, car j’ai des principes et je vais les défendre», a lancé Nadejda Tolokonnikova depuis la cage réservée dans les tribunaux russes aux personnes jugées. Elle a déclaré recevoir «des milliers de lettres» de soutien dans le camp de détention pour femmes où elle purge sa peine, et elle s’est aussi félicitée devant la cour de la mo- bilisation de milliers de manifestants la semaine dernière pour protester contre la condamnation de l’opposant Alexeï Navalny à cinq ans de prison. «Je me félicite qu’il y ait en Russie de plus en plus de gens qui sacrifient leur confort personnel pour protester contre l’injustice», a précisé la jeune femme, qui restera donc dans son camp de Mordovie. Espagne:«J’aimerdé, jeveuxmourir» ACCIDENT Le conducteur serait le principal responsable de la tragédie. Le système d’alerte serait aussi en cause. 937 chefs d’accusation ont été retenus contre Ariel Cas tro, l’Américain accusé de viol et séquestration sur trois femmes pendant une dizaine d’années dans sa maison de Cleveland. Après un accord passé avec l’accusation, il devrait finalement éviter la peine de mort et être condamné à la prison à vie sans possi bilité de libération. L’HISTOIRE UN «PHILOSOPHE» ISLAMIQUE TURC ENGENDRE LA POLÉMIQUE Le déraillement a fait au moins 80 morts et 35 blessés graves. PHOTO ELOY ALONSO. REUTERS ne erreur humaine et une défaillance technique tout à la fois : au vu des éléments de l’enquête, c’est aujourd’hui l’hypothèse la plus probable permettant d’expliquer l’accident ferroviaire survenu mercredi soir à 4 km de Saint-Jacques-de-Compostelle, la pire tragédie qu’a connue l’Espagne en soixante-dix ans – coûtant la vie à au moins 80 personnes, sans oublier 35 blessés graves. Chevronné. Vendredi, le conducteur du train, Francisco José Garzón, légèrement blessé et placé en garde à vue aussitôt après l’accident, a été interrogé par le juge chargé de l’enquête. Personne ne comprend comment ce professionnel chevronné de 52 ans, dont douze comme conducteur, a pu aborder le virage fatidique à 190 km/h – il l’a lui-même admis –, alors que la vitesse y est limitée à 80 km/h. U D’autant que Garzón pilote sur ce Madrid-Ferrol depuis plus d’un an. «Il a déjà abordé ce virage une soixantaine de fois», a assuré vendredi la Renfe, les chemins de fer espagnols. Selon plusieurs informations parues dans la presse, tout accable le conducteur galicien. Coincé dans sa cabine peu après l’accident, il lâche au téléphone: «J’espère qu’il n’y a pas de mort. Je les aurais sur ma conscience.» Peu après, en voyant les voies jonchées de cadavres, il soupire : «J’ai merdé, je veux mourir.» Selon El País, en mars 2012, ce «fan de la vitesse» se serait ainsi vanté sur Facebook: «Je suis à la limite au compteur ; je ne peux aller au-delà, sinon ils vont me mettre une amende !» Outre la possible faute du conducteur, les mécanismes de sécurité sont tout autant dans la ligne de mire des enquêteurs. Jusqu’à une poi- gnée de kilomètres avant le virage du drame, l’avancée du train est régulée par le système ERTMS, en vigueur dans le réseau européen de train rapide, qui bloque automatiquement les locomotives en cas d’excès de vitesse. Or, le tronçon où s’est produit l’accident –un tracé datant de l’époque franquiste – est régi par un système de signalisation moins sophistiqué, baptisé AFSA. Il lance une alerte, mais c’est au conducteur de réagir. «Point mort». De source policière, Garzón aurait actionné un frein d’urgence, mais trop tardivement. A en croire El Mundo, il n’existe aucune balise de freinage le long du virage d’A Grandeira, car il s’agirait «d’un point mort entre deux systèmes de signalisation». La réponse se trouve certainement dans la boîte noire confiée au juge. De notre correspondant à Madrid FRANÇOIS MUSSEAU Mercredi soir, à l’occasion de la rupture du jeûne du ramadan, le philosophe isla mique Ömer Tugrul Inançer s’est attiré les foudres des réseaux sociaux avec ses propos sur l’antenne de la chaîne publique TRT. «Voir les femmes enceintes en public n’est pas seule ment immoral, mais aussi laid», a déclaré l’avocat connu dans les milieux religieux pour son attache ment au mysticisme musul man. Depuis, les réactions hostiles se multiplient en Turquie et des manifesta tions de femmes enceintes et d’hommes portant un oreiller sous leur teeshirt ont eu lieu dans les métropoles, notamment à Istanbul et à Ankara. «Après septhuit mois, les femmes enceintes devraient sortir avec leur mari en voiture pour pren dre l’air, mais le faire dans la soirée», a poursuivi le «penseur» turc, provoquant l’ire des associations fémi nistes. Devant cette levée de boucliers, la Direction des affaires religieuses a tenté d’apaiser les tensions, affirmant que «l’isolement des femmes» ne faisait pas partie de la religion. FRANCE LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 Au terme d’une semaine où Manuel Valls a été omniprésent, son collègue chargé de la Ville s’est rendu à Trappes vendredi. Plus discrètement. • 9 Par LAURE BRETTON Photo LAURENT TROUDE D ans la flotte gouvernementale, il serait plutôt l’avion furtif. Depuis qu’il a été nommé ministre délégué à la Ville en mai 2012, François Lamy a visité 120 des 2500 «quartiers» recensés en ANALYSE France. La plupart du temps sans caméra ni journaliste. Comme vendredi matin à Trappes, une semaine après les «événements» – l’idiome choisi par les habitants et les élus pour parler des heurts déclenchés par le contrôle d’une femme portant un voile intégral. Lundi, quarante-huit heures après la manifestation qui a dégénéré en affrontements devant le commissariat de Trappes, c’est Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, qui était sur place. Un aréopage d’objectifs sur ses basques. Effacé de l’image, Lamy fait mine de le prendre avec philosophie et assure que tout est bien rangé au gouvernement:«Notre action de politique urbaine est globale. Il y a un temps pour le ministre de l’Intérieur et un temps pour le ministre de la Ville. Ce n’est pas le même.» Comprendre : Valls en pompier sécuritaire quand les voitures crament et Lamy en ravaudeur de lien social qui passe derrière. «J’essaie d’être en complémentarité : le discours sur l’autorité est important, mais il n’est pas suffisant. Le travail de cohésion sociale ne peut se réaliser que si la sécurité existe, mais ce n’est qu’une composante parmi d’autres de la politique urbaine», martèle ce dernier. AVALER. La réalité, c’est que si Lamy signe des conventions à la pelle avec ses collègues du gouvernement – et présentera son projet de loi sur «la cohésion et la solidarité urbaine» vendredi prochain, lors du dernier Conseil des ministres avant l’été–, cette action «globale» de la gauche dans les banlieues peine à prendre forme. François Hollande, qui a réalisé ses meilleurs scores présidentiels dans les quartiers, «a été happé par la crise, et cette ques- REPÈRES Le ministre de la Ville, François Lamy (au centre), à Trappes vendredi, une semaine après le début des heurts. FrançoisLamy,l’autre ministredesquartiers tion des banlieues est restée à la périphérie de son action politique pour n’être traitée que sous l’angle sécuritaire», concède une ministre. Sous la droite, aucun habitant ne s’en étonnait. Avec les socialistes au pouvoir, c’est plus difficile à avaler. Selon un sondage Ifop commandé en mars par Lamy, les habitants des zones urbaines sensibles (ZUS) classent certes l’insécurité en tête des «problèmes les plus importants» (35%), mais cette préoccupation arrive quasiment à égalité avec les questions d’emploi (34%). Deux problèmes cités bien avant «la présence insuffisante des services publics» (9%) et «les discriminations» (6%) – qui sont pourtant les deux leviers le plus souvent cités à gauche pour «rétablir l’égalité républicaine» et faire barrage au Front national dans les quartiers. Entre 1997 et 2002, sous Lionel Jospin, la croissance française dépas- «La mise en cause d’un élu, d’un ministre, des forces de l’ordre, y compris dans vos mots, montre bien qu’il y a un problème.» Manuel Valls à une Trappiste, mardi sait 3% et le dispositif des emploisjeunes avait sorti une partie des jeunes de banlieue de l’impasse. Dix ans plus tard, en pleine disette budgétaire, les outils du gouvernement Ayrault, tels les emplois d’avenir, tardent à s’enraciner. Sans le sou, il resterait à la gauche les réformes qui ne «coûtent pas un fendre (à tout le moins) une expérimentation de la mesure. Il s’agissait de Lamy et Hamon, mais aussi de Christiane Taubira (Justice) et Kader Arif (Anciens Combattants). Les mêmes ont été conviés la semaine dernière, avant l’étincelle de Trappes, à un dîner informel à Matignon sur le thème de l’égalité. Les ministres Valérie Fourneyron (Sports) et NaCet élu de l’Essonne a un cheval Vallaud-Belkacem de bataille: les réunions régulières jat (Droits des femmes) entre policiers et habitants étaient là aussi. Convié des quartiers sensibles. mais en déplacement en Lituanie, le miniseuro», comme dit Benoît Hamon, tre de l’Intérieur n’a pas pris part ministre de l’Economie solidaire et aux agapes. néodéputé de Trappes. Mais le récépissé de contrôle d’identité, pour «RESTAURER». Le droit de vote des encadrer les relations entre les jeu- étrangers, promesse socialiste annes et les policiers, a été enterré sur tédiluvienne, a, lui, été reporté à injonction de Manuel Valls à l’après-municipales. Mais le mil’automne. Plusieurs ministres nistre de la Ville a un nouveau cheavaient pourtant fait bloc pour dé- val de bataille : les réunions régu- lières entre policiers et habitants des quartiers sensibles pour «restaurer un lien distendu». La proposition est portée par un collectif d’associations reçu deux fois par Hollande ce printemps. Leurs conclusions seront présentées à la rentrée en Conseil des ministres: tout un symbole. Puisqu’il n’est pas question de ressusciter la «police de proximité», ces comptes rendus de fonctionnaires à des administrés «permettraient à la population de voir les policiers autrement», défend Lamy, qui va «travailler Valls» cet été sur le sujet. Il aimerait aussi que le gouvernement revienne sur le «drame de l’assouplissement de la carte scolaire», qui a tué tout semblant de mixité sociale. Et réfléchit à des aides au permis de conduire. Et voudrait installer un conseiller Pôle Emploi dans chaque quartier sensible. De quoi dessiner une autre politique. • LE CONTRAT D’EMPLOI FRANC «Nous savons que le travail [dans les quartiers] va être long, que le combat à mener est structurel et non conjoncturel.» Le premier contrat d’emploi franc, dispositif créé pour sou tenir l’emploi des jeunes origi naires des zones urbaines sensibles (ZUS), a été signé le 10 juillet à Marseille. Cet engage ment présidentiel prévoit une aide de 5000 euros pour une entreprise embauchant en CDI un jeune de moins de 30 ans résident d’une ZUS. Ce dispositif sera d’abord déployé dans 10 villes, avec un objectif de 2000 contrats d’ici à fin 2013. François Lamy mardi 10 • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 FRANCE Dominique StraussKahn, le 26 juin au Sénat, lors de son audition par la commission d’enquête parlementaire sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale. PHOTO LAURENT TROUDE DSKrenvoyé àsespartiesfines Les juges ont décidé vendredi que l’ancien patron du Fonds monétaire international devra comparaître pour proxénétisme. Il encourt jusqu’à dix ans de prison. Par VIOLETTE LAZARD QUE REPROCHETON À DOMINIQUE STRAUSSKAHN ? es juges ont pris leur temps, dépassé D’après les juges en charge du dossier, DSK de plusieurs jours le délai minimum n’a pas seulement participé à des soirées orqui leur était imparti. Mais leur déci- ganisées par ses amis policiers ou chefs d’ension est sans surprise. Vendredi, les treprise lillois, mais il en a été l’instigateur magistrats chargés de l’instruction du dossier et le principal bénéficiaire. Or, d’après le du Carlton de Lille ont clos définitivement code pénal, le délit de proxénétisme punit le leur enquête en renvoyant l’ancien patron du fait d’aider ou d’assister la prostitution FMI pour proxénétisme aggravé d’autrui et pas seulement d’en en réunion, délit passible de dix DÉCRYPTAGE tirer un avantage financier ans de prison et 1,5 million comme le veut la doxa. Les mad’euros d’amende. D’ici un an minimum, gistrats estiment par exemple que les nomDominique Strauss-Kahn ainsi que treize breux SMS envoyés par l’ex-patron du Fonds autres protagonistes vont donc comparaître monétaire international (FMI) évoquant du lors d’une audience publique pour avoir par- «matériel», des «copines» ou des «cadeaux» ticipé ou organisé des parties fines dans le montrent son rôle actif dans l’organisation nord de la France, à Paris et à Washington. des soirées. Par ailleurs, aucune n’a eu lieu L en son absence. Les juges d’instruction ont enfin considéré, malgré les farouches et constantes dénégations de DSK, qu’il ne pouvait pas ignorer que les jeunes femmes présentes étaient des prostituées. Ce point qui représente l’un des principaux enjeux du dossier devrait être longuement examiné lors de l’audience publique. Peut-on différencier une libertine d’une prostituée ? Comment ? Les longues auditions des jeunes femmes, parfois confrontées à DSK, ont apporté des résultats contradictoires durant l’enquête. Certaines ont estimé que l’ancien homme fort du PS ne pouvait avoir ignoré leur profession. D’autres participants et participantes ont au contraire déclaré en substance que, lorsqu’on est nu, il est difficile de faire la différence. Lors de l’audience, la voix du procureur sera également présente. Mi-juin, celui-ci avait requis un non-lieu en faveur de DSK, estimant les charges insuffisantes. Le parquet a jugé que le fait de participer à ses soirées ne faisait pas de DSK un proxénète. Et que l’instruction n’avait pas démontré qu’il se trouvait à l’origine d’un réseau. QUELS SONT LES RECOURS POSSIBLES DE STRAUSSKAHN ? Aucun. Après la mise en examen en mars 2012 de l’ancien homme politique pour proxénétisme aggravé en bande organisée, ses avocats, Henri Leclerc, Frédérique Beaulieu et Richard Malka avaient contesté ces LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 REPÈRES 14 mai 2011 DSK est arrêté à New York, accusé d’agression sexuelle sur une femme de chambre, Nafissatou Diallo, dans la suite 2806 de l’hôtel Sofitel. Il démissionne du FMI. w 23 août 2011 Les poursuites pénales sont abandonnées en raison de doutes sur la crédibilité de Diallo. w Décembre 2012 Un accord financier secret éteint la procédure civile. FRANCE • 11 Apparitions à Cannes et Roland-Garros, consulting… DSK s’efforçait de revenir petit à petit aux affaires. Jusqu’à la décision des juges lillois. w Dans la foulée du Sofitel, la roman cière Tristane Banon porte plainte contre DSK pour «tentative de viol». DSK concède «des avances». En octo bre 2011, le parquet classe l’affaire sans suite en raison de la prescription, esti mant que des actes qualifiés d’agres sion sexuelle sont «reconnus». «Compte tenu du caractère exclusivement à charge de l’instruction menée contre lui, Dominique Strauss-Kahn s’attendait à cette décision.» Les avocats de DSK vendredi poursuites devant la chambre de l’instruction de Douai (Nord). Celle-ci avait confirmé quelques mois plus tard la décision des juges. Estimant que la procédure relevait plus de la morale que du droit, les avocats avaient alors décidé de se pourvoir en cassation. Mais leur demande n’a même pas été examinée par la plus haute instance juridique en France, qui l’a rejetée. D’après nos informations, le parquet de Lille n’envisage pas de faire appel de la décision rendue vendredi par les juges d’instruction. Le procès, forcément médiatique et donc complexe à organiser, devrait se tenir d’ici un an minimum. Aucune des personnes renvoyées n’étant aujourd’hui détenue, le délai peut même être supérieur. DSK «s’attendait à cette décision et se présentera donc sereinement devant le tribunal», a réagi vendredi Me Leclerc dans un communiqué. QUELLES SONT LES AUTRES PERSONNES RENVOYÉES ? Dominique Strauss-Kahn comparaîtra aux côtés de son ancien réseau d’amis du nord de la France, un réseau insoupçonné avant que n’éclate l’affaire du Carlton. Fabrice Paszkowski, chef d’une entreprise de matériel de santé, sera présent sur le banc des prévenus, tout comme David Roquet, ex-patron d’une filiale d’Eiffage. Le commissaire divisionnaire Jean-Christophe Lagarde doit également être jugé. Les trois hommes sont poursuivis pour avoir organisé les soirées, payé les filles et voyagé avec elles parfois jusqu’à Washington pour satisfaire un personnage qu’ils rêvaient tous de voir un jour accéder à l’Elysée. Durant l’enquête, tous ont toujours tenu le même langage : DSK ne savait pas que les filles étaient rémunérées. Le patron de l’hôtel lillois ainsi que le désormais célèbre proxénète Dodo la Saumure comparaîtront également. «Ce procès va nous permettre de démontrer l’hypocrisie de ce dossier que nous n’avons eu de cesse de dénoncer», a réagi vendredi Me Hubert Delarue, l’avocat de René Kojfer, ancien chargé des relations publiques du Carlton et également renvoyé. • Un retour sur la scène publique côté cour ur quel mode sera jouée la prochaine apparition publique de Dominique Strauss-Kahn ? Style chic et décontracté, chemisette et rires de connivence, comme en juin à Roland-Garros ? Ambiance glam sexy, au bras d’une compagne en robe très ajourée, comme sur le tapis rouge du dernier Festival de Cannes ? Ou bien simplement en grand ponte de l’économie, costume-cravate sur mesure, enchaînant les conférences lucratives au Kazakhstan, Royaume-Uni, Ukraine, Corée du Sud ? Quel que soit le programme, la prochaine étape de son repositionnement progressif dans la sphère publique, il se peut que le cours en soit légèrement modifié par son renvoi devant le tribunal correctionnel de Lille. Déménagement. Après l’abandon des poursuites pénales dans l’affaire du Sofitel de New York, le 23 août 2011, puis l’accord financier avec la femme de chambre Nafissatou Diallo, Dominique Strauss-Kahn avait, selon l’expression de ses proches, «repris le cours de sa vie». Un déménagement, de la plage des Vosges au quartier Montparnasse, une séparation d’avec sa femme Anne Sinclair, après une relation de vingt-trois ans (le divorce a été prononcé en mars, et DSK n’aurait récupéré «que» 200 000 euros sur les 4 millions que valait leur appartement commun, possible dédommagement des sommes engagées par son épouse pour sa défense). Privé désormais de son soutien financier, DSK a fondé sa société de conseil, Parnasse, nom évoquant, au choix, son nouveau quartier ou la résidence des muses de la mythologie grecque. Il a multiplié ensuite les conférences économiques et autres activités d’«analyste». En mai, il inaugurait une banque d’investissement à Juba, au Soudan du Sud. Le 12 juillet, il entrait au conseil de surveillance de la banque russe de développement des régions, contrôlée par un géant pétrolier. Puis rejoignait les instances du Fonds russe des investissements directs, structure créée par le S Kremlin pour favoriser les prises de participation dans les entreprises russes. Le 26 juin, il était auditionné au Sénat sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale. Une première réapparition Au même moment, on l’a aperçu à plusieurs reprises devisant avec Jérôme Cahuzac, notamment au bar de l’hôtel Royal Monceau. Selon un témoin, il aurait aidé l’exministre du Budget à accepter son sort de déchu de la poDominique Strauss-Kahn litique, lui reaurait aidé Jérôme Cahuzac, commandant l’ex-ministre du Budget, le consulting à accepter son sort de déchu «comme une façon de se rede la politique. faire une santé dans une enceinte de la Ré- financière et de revenir en publique orchestrée comme même temps dans la vie puun come-back de star: arri- blique». vée secrète et sortie par la Déboires. Ce nouveau princour d’honneur, cohue, temps de Dominique flashs, caméras. Et force Strauss-Kahn, inéluctablepointes ironiques sur les poli- ment, s’est accompagné de tiques menées par les diri- quelques couacs: micropolégeants européens et français. mique sur son invitation par Julien Dray (vice-président chargé de la culture au conseil régional d’Ile-deFrance) au Festival de Cannes, quelques manifestations féministes en marge de ses conférences, et le livre ultramédiatisé publié en février par Marcela Iacub. Dans son récit, la juriste et écrivaine exposait notamment sa vision personnelle des déboires judiciaires de son ex-amant: «A quoi bon continuer de le traîner de tribunal en tribunal, de viol en viol ? Il serait plus utile transformé en jambon. Il pourrait nourrir les contribuables au lieu de leur coûter tant d’argent.» Un conseil que n’ont pas choisi de suivre les juges lillois, du moins pour l’instant. ONDINE MILLOT 12 • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 FRANCE Le syndicat, proche de l’UMP, s’empare des faits divers de l’été pour défendre son credo sécuritaire. REPÈRES LES PRINCIPAUX SYNDICATS Lors des élections syndicales de 2010, chez les gradés et les gardiens de la paix, Unité SGP Police arrivait en tête (47,8% des voix), devançant Alliance (37,6%) et l’Unsa (9,7%). Par SYLVAIN MOUILLA RD «Moi aussi, je suis du Sud et j’aime la castagne.» S ur tous les fronts et sur un ton très droite décomplexée. Depuis quelques semaines, le syndicat policier Alliance est omniprésent. De l’accident de train de Brétigny-sur-Orge (Essonne) aux échauffourées de Trappes (Yvelines), l’organisation, proche de la droite, est toujours prête à réagir. A chaque fait divers, un commentaire. Une visite sur la page Facebook d’Alliance est assez édifiante: difficile, voire impossible, de trouver un jour sans une réaction officielle ou un lien vers une i nter vent ion ENQUÊTE médiatique. Au point de se demander où sont les autres syndicats policiers. Quid en effet d’Unité SGP FO, première organisation du secteur, ou d’Unsa Police? «Si, pour retenir l’attention, il faut être plus pyromane qu’Alliance, alors on n’est pas là-dessus», lâche Nicolas Comte, secrétaire général adjoint d’Unité SGP. Pour Philippe Capon de l’Unsa, troisième organisation chez les policiers et gardiens de la paix, classée à gauche, Alliance est devenu le «porte-parole de l’opposition». Un an et demi avant le prochain scrutin professionnel, la campagne est bel et bien lancée. FUITE EN AVANT. L’hyperactivité d’Alliance a ses travers. La sortie sur les «détroussages de cadavres» après le drame de Brétigny, c’est lui. Une version depuis largement battue en brèche par le procureur de la République d’Evry. Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat, reconnaît à ce propos un «dérapage dû à la fatigue». «C’est l’été, certaines personnes qui n’ont pas l’habitude de communiquer se retrouvent en première ligne, explique-t-il. Mais tout ça a été rattrapé par la suite, notre communiqué était beaucoup plus prudent que l’intervention de notre collègue sur Europe 1.» L’homme dément toute fuite en avant dans la communication. Il ne changerait rien, par exemple, à son analyse des émeutes qui ont frappé Trappes. «Est-ce une faute de dire la vérité?» s’interroget-il. Sur le site d’Alliance, l’affaire fait la une, photo de voiture incendiée à l’appui. Les récentes décisions de justice dans ce dossier ont mis Lagache hors de lui. «On peut mettre une ville à feu et à sang et la loi vous protège», a-t-il réagi. Une déclaration dans la droite ligne des précédentes sorties d’Alliance sur un supposé «laxisme» de la justice, dont l’UMP fait aussi son miel. Cette remise en cause récurrente des décisions judiciaires dérange Manuel Valls lors des vœux d’Alliance le 5 février (le secrétaire général du syndicat, JeanClaude Delage, est né à Marseille) 101305 C’était le nombre de gar diens de la paix et de gradés dans la police nationale au 31 décembre 2011. Lors du congrès du syndicat de policiers Alliance, le 12 octobre à Marseille. PHOTO PATRICK GHERDOUSSI Alliance,organisation depolicetrèspolitique Philippe Capon. «Je ne suis pas làdessus, dit-il. La terminologie d’Alliance va trop loin. Quand ils embrayent sur le moindre fait divers, cela quoi.» Les deux syndicalistes reconnaissent que l’organisation rivale, grâce à ses prises de position tonitruantes, gagne une certaine visibilité médiatique. «C’est vrai qu’ils ont «On peut mettre une ville à feu plus de reprises, notamet à sang et la loi vous protège.» ment sur les chaînes Frédéric Lagache secrétaire général adjoint d’information en cond’Alliance sur les événements de Trappes tinu, mais on ne s’en plaint pas», explique peut participer à une certaine stigma- Comte. Sur le sujet, Frédéric Lagatisation.» Nicolas Comte, d’Unité che précise que son syndicat se SGP FO, également proche de la contente de répondre positivement gauche, ajoute : «Sur la police et la ou non aux sollicitations. «On n’apsécurité, on ne fait pas n’importe pelle pas les journalistes pour être in- vités.» Il affirme faire la chasse aux «propos extrémistes» qui se baladeraient un peu trop allègrement sur la page Facebook de l’organisation. En témoigne notamment cette «Charte de bonne conduite» rappelant la ligne «républicaine» d’Alliance, qui se conclut ainsi: «Celles et ceux qui viennent dans la seule volonté de provoquer afin d’engendrer des dérapages écrits, de policiers notamment, dans le but de faire fermer notre page ont le droit d’y croire… mais cela n’est pas près d’arriver.» Le syndicaliste dément tout positionnement partisan. «Nos adhé- rents viennent de tous les bords. Si la gauche reprend nos arguments, c’est très bien.» Il dit n’avoir pas hésité, par le passé, à fustiger la politique de la droite. «La loi pénitentiaire, par exemple, était une connerie monumentale. Faire de la prison l’exception et de l’aménagement de peine la règle, c’était stupide. C’est ce qui s’est passé à Trappes. Le mec a pris six mois, mais le lendemain il est chez lui et il peut narguer son monde.» L’argumentaire – plus droitier que la droite – ne convainc pas tout le monde. A commencer par Nicolas Comte : «Le discours d’Alliance a traditionnellement toujours été proche du RPR puis de l’UMP. Aujourd’hui, il évolue, comme celui d’une partie de la droite.» A l’Unsa, Philippe Capon rappelle que les collègues d’Alliance «avaient clairement pris position en faveur de Nicolas Sarkozy. Mais, aujourd’hui, ils ont trop tendance à faire fi du passé. Car si on fait le bilan, la politique répressive de la droite est un échec. La politique du chiffre a mis une ambiance de merde dans la police». GUERRE. Si les syndicats de police défendent des positions souvent divergentes en public, la situation est encore plus tendue en interne. Alliance et Unité SGP (respectivement 37% et 47% des suffrages lors des dernières élections) se font la guerre à coups de tracts. «Alliance est extrémiste à notre égard, juge Nicolas Comte. Ils ont publié une trentaine de tracts en deux mois nous ciblant, dont l’un nous représente avec un couteau poignardant un flic.» «C’est de la com interne, temporise Frédéric Lagache. Eux nous représentent bien en Pinocchio ! Et quand on dit qu’Unité fait le service aprèsvente du ministère, c’est le cas. Ils votent toutes les réformes de Valls.» • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 • FRANCEXPRESSO • 13 CARNET SUR LIBÉRATION.FR DécèS Enquête, «Le business des aires d’accueil de gens du voyage». Au cœur des polémiques récentes, elles sont en partie gérées par des prestataires privés. Delphine RENARD et Bernard GUIDOU ont la douleur de vous faire part du décès de leur mère et belle-mère, «Nous n’avons pas tout à fait la même appréciation des choses sur la conduite de listes au premier tour [des municipales], mais sur le rassemblement de la gauche au deuxième je pense que nous pouvons tomber d’accord.» Micheline RENARD née BENOÎT survenu le 23 juillet 2013, à Paris, dans sa 85ème année. Pierre Laurent secrétaire national du PCF, évoquant hier sur iTélé cette divergence avec le Parti de gauche de JeanLuc Mélenchon SouvenirS 5 C’est le nombre de produits dont l’Agence du médica ment a décidé de limiter l’usage en raison de la pré sence d’un composé de la vaste famille chimique des phtalates, utilisés comme plastifiant pour enrober des comprimés à libération prolongée. Il s’agit de l’Acadione, de l’Atrican, du Prokinyl, et des comprimés gastrorésis tants Rowasa (250 et 500mg). Un centre de santé polyvalent à Nice en 2011. PHOTO JP AMET. DIVERGENCE REQUINS Le préfet de la Réunion, Jean-Luc Marx, a annoncé vendredi de nouvelles mesures de protection antirequin, dont l’interdiction de la baignade, du surf et du bodyboard sur plus de la moitié du littoral réunionnais. «Il faut regarder en face le risque et le combattre avec des armes à notre portée», at-il argumenté. JIHAD L’homme de 47 ans, originaire de Toulouse, soupçonné d’avoir voulu rejoindre le jihad en Syrie et interpellé mardi à Belfort, a été relâché jeudi soir. Son interpellation était intervenue après la diffusion début juillet d’une vidéo postée sur YouTube par deux frères toulousains appelant des volontaires pour la guerre sainte. LES GENS DELPHINE BATHO JOUE (UN PEU) L’APAISEMENT AVEC ROYAL Après moult piques de Ségolène Royal contre son ancienne protégée, Delphine Batho –récemment éjectée du gouvernement–, l’exministre de l’Ecologie a assuré hier sur France Info: «Je ne veux pas répondre, […] ça n’est pas intéressant.» Lundi dans le Courrier de l’Ouest, Royal avait griffé: «Delphine Batho ne m’a plus adressé la parole depuis ma défaite à la primaire. Elle n’a jamais décroché son téléphone ni répondu aux messages que je lui envoyais. Cette attitude, je l’ai trouvée extrêmement blessante.» L’excandidate à la présidentielle avait aussi rappelé lui avoir «offert», au nom du noncumul, sa cir conscription des DeuxSèvres après l’avoir conquise à la droite. Et Batho, 40 ans, de soutenir: «Sur mon parcours politique, depuis que je suis militante, j’ai trouvé des aides. Ségolène Royal fait partie des gens qui m’ont aidée. Maintenant, c’est à mon tour d’aider une nouvelle génération à prendre la parole.» PHOTO REUTERS Petitesantépour lesdispensaires RAPPORT L’Inspection générale des affaires sociales PIERRE-FREDERIC BOYE nous a quittés le 27 juillet 1990. Ta famille et tes amis te portent dans leur coeur. CHAMBO Mick Jagger n'a pas pu t'inviter hier pour ses 70 ans. Le Carnet s’inquiète pour les finances des centres médicaux. os bons vieux dispensaires ont-ils un avenir ? Aujourd’hui appelés centres de santé, ils ont des statuts variés : communaux, associatifs ou mutualistes. Et, selon l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) dans un rapport publié vendredi, leur utilité est bien réelle, mais «leur gestion doit être revue». «Pionniers». On en dénombre actuellement 1 220, et la plupart sont dotés d’une «forte identité», certains trouvant leur origine «dans une histoire de pionniers d’une médecine attentive aux exclus». Un tiers de ces centres de santé propose des soins dentaires, un tiers prodigue des soins exclusivement infirmiers, tandis que les autres sont polyvalents. Représentant 2,4% des dépenses de santé ambulatoires, «ils offrent des soins dans des quartiers de ville souvent désertés par les médecins libéraux et accueillent des populations parfois précaires», note l’Inspection générale des affaires sociales. Leur personnel est salarié et, la plupart du temps, les pa- N tients bénéficient du tiers payant et n’ont donc pas à avancer les frais. Dans le contexte actuel de déserts médicaux et de difficultés dans l’accès aux soins, l’Igas souligne leur «utilité sanitaire et sociale», car ils sont bien souvent la seule réponse que la collectivité offre à des familles modestes. «Les centres de santé sont une pertinent: «Il faut revoir leur mode de gestion.» La majorité de leurs ressources provient des remboursements de l’assurance maladie. Mais cela ne suffit pas, note l’Igas : «Les centres dentaires et infirmiers ont besoin d’un complément de ressources qui représente 6% de leur budget, et cette proportion monte à 14% pour les centres médicaux et polyvalents.» Comment y par«Les centres dentaires et venir ? Par des infirmiers ont besoin d’un gains de producticomplément de ressources.» vité, d’abord : le rapport préconise Extrait du rapport de l’Igas que les centres asgarantie d’accès géographi- souplissent leur fonctionneque, financier et social à des ment, en augmentant leurs soins ambulatoires de proxi- plages horaires, et maîtrisent mité.» De plus, ils sont sou- aussi les dépenses de personvent attractifs pour les pro- nel, administratif en partifessionnels de santé: faisant culier. De plus, l’Igas suggère travailler plusieurs corps de de reporter sur l’assurance métier dans les mêmes murs maladie et les complémen(médecins, infirmiers), cela taires santé «la coûteuse gesdonne un «mode d’exercice tion du tiers payant par les attractif» pour ces profes- centres de santé». Et de lever, sionnels, de plus en plus atti- enfin, des obstacles juridirés par le salariat et le travail ques, pour que ces centres en équipe. soient mieux intégrés dans le Productivité. Mais voilà, dispositif général de permainsiste alors l’Igas, leur mo- nence des soins. dèle économique n’est plus ÉRIC FAVEREAU Vous organisez un colloque, un séminaire, une conférence… Contactez-nous Réservations et insertions la veille de 9h à 11h pour une parution le lendemain Tarifs 2013 : 16,30 € TTC la ligne Forfait 10 lignes 153 € TTC pour une parution (15,30 € TTC la ligne supplémentaire) Abonnés et associations : -10% Tél. 01 40 10 52 45 Fax. 01 40 10 52 35 Vous pouvez nous faire parvenir vos textes par e.mail : [email protected] La reproduction de nos petites annonces est interdite Le Carnet Emilie Rigaudias 0140105245 [email protected] 14 • ECONOMIE LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 REPÈRES MIKHAÏL BEKETOV Vinci: soupçonssur desmontages russes AP Auteur d’articles critiques sur le projet d’autoroute MoscouSaintPé tersbourg, ce jour naliste russe a vu sa voiture incen diée puis s’est fait sauvagement tabasser en 2008. Il en ressort avec une jambe en moins, privé de la parole après un coma prolongé, avant de décéder en avril 2013. Ses agresseurs restent impunis. Saint-Pétersbourg 100 km Forêt de Khimki Autoroute en projet RUSSIE Moscou «la situation politique en Russie biaise un peu la lecture économique» du dossier. Dmitri Medvedev, durant sa présidence de la Russie (2008-2012), quand Poutine faisait mine de se replier sur la fonction de Premier ministre, est monté deux fois au créneau. En juillet 2010 pour interrompre temporairement les travaux de l’autoroute, au motif écologique qu’elle traverserait la forêt de Khimki, limitrophe de Moscou ; puis en février 2011 pour admettre publiquement que, «dans cette affaire, l’intérêt public a été sacrifié en faveur des intérêts commerciaux de quelques-uns qui avaient une influence sur la prise de décision». Avant de rentrer dans le rang et de restituer son sceptre à Poutine. Une plainte pour corruption visant le groupe de BTP a été déposée en France dans le cadre d’un appel d’offres pour la construction d’une autoroute en Russie. L’un des tronçons de l’autoroute MoscouSaintPétersbourg, qui est au cœur de l’affaire. PHOTO ZURAB DZHAVAKHADZE. ITARTASS Par RENAUD LECADRE V inci est mis en cause pour «corruption d’agents publics étrangers» en Russie. Lauréat d’un contrat visant à construire puis exploiter une autoroute reliant Moscou à Saint-Pétersbourg, le leader tricolore du BTP fait actuellement l’objet d’une plainte déposée en France par des ONG le soupçonnant d’avoir gratifié des proches du président russe, Vladimir PouENQUÊTE tine. Ce que Vinci dément. Selon les plaignants, ce contrat de plus d’un milliard d’euros, signé en 2009, ne répondrait pas aux canons des marchés publics internationaux. Un appel d’offres fut lancé en 2007, avant d’être déclaré infructueux faute de candidats crédibles. D’où une signature de gré à gré avec Vinci, seul prétendant jugé sérieux. L’appel d’offres était-il un simulacre ? Dès 2006, à l’occasion d’une visite officielle de Vladimir Poutine en France, Vinci avait signé avec le gouvernement russe un protocole d’accord sur un «vaste programme d’infrastructures de transport, portant notamment sur l’autoroute Moscou - Saint-Pétersbourg». JUDO. Un autre élément jette le doute sur le sérieux de la procédure: l’un des concurrents de Vinci, le russe N-Trans (aux mains de proches du géant Gazprom), a obtenu parallèlement un lot de consolation, la concession d’une autoroute entre Moscou et Minsk (Biélorussie), à l’issue d’un autre appel d’offres également déclaré infructueux… La plainte, déposée en France par Me William Bourdon au nom de plusieurs ONG (Sherpa, Russie-Libertés, Bankwatch Network), met en cause deux proches du réseau Poutine. Le premier, Igor Levitin, est un conflit d’intérêts ambulant: après avoir dirigé N-Trans, futur candidat aux appels d’offres, il fut ministre des Transports entre 2004 et 2012 lors de l’attribution des autoroutes, avant de devenir conseiller personnel du président russe. Le second, Arcady Rotenberg, est l’ancien entraîneur de judo de Poutine. Reconverti dans les affaires, il possède un tiers du partenariat russe de Vinci, tandem obligé pour prospérer sur place. Et le prix de l’autoroute (28 millions d’euros le kilomètre, sept fois la moyenne européenne) va battre tous les records. Le groupe français indique que «rien n’est dissimulé». De fait, la traque de la galaxie Rotenberg est aisée au registre des sociétés, même si la plupart de ses coquilles sont immatriculées à Chypre. Mais Vinci admet que PATATE CHAUDE. A Moscou, il ne fait pas bon s’opposer à ce projet. Le journaliste Mikhaïl Beketov l’a payé de sa vie (lire ci-dessus). Prétextant de l’inertie de la justice russe, les opposants s’en remettent donc aux juges français, au motif que la joint-venture montée entre Vinci et ses partenaires locaux est immatriculée en France. «Si nous avions voulu dissimuler quoi que ce soit, nous n’aurions pas créé une société de droit français», fait valoir le groupe hexagonal. Qui s’étonne de l’offensive pénale, après avoir accepté de rencontrer des responsables de Sherpa. Depuis le dépôt fin juin de la plainte, le parquet de Nanterre a transmis la patate chaude au parquet de Paris, qui a compétence nationale en matière de corruption d’agents publics étrangers. Ce dernier réserve sa réponse, car il y a de quoi tempêter sous les crânes. La plainte affirme qu’il est «très probable que, dans une grande opacité, Vladimir Poutine ait été rémunéré par les services rendus à Arcady Rotenberg, au bénéfice de la société Vinci». Faisant écho aux précédents soupçons d’Eva Joly, ancienne magistrate devenue eurodéputée verte, dans le webzine Reporterre : «Vinci permet la corruption par les structures qu’il autorise. On peut craindre qu’elles permettent à des proches de Poutine de s’en emparer.» Ces soupçons ne constituant pas des preuves, la justice française fait face à un dilemme : soit elle classe la plainte, au risque d’être accusée d’étouffer l’affaire; soit elle ouvre une enquête pénale confiée à un magistrat indépendant, au risque d’un monumental pataquès diplomatico-financier. • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 +0,32 % / 3 968,84 PTS 3 022 384 697€ +8,65% Les 3 plus fortes KERING LVMH EADS Les 3 plus basses LEGRAND CARREFOUR SAINT GOBAIN ECONOMIEXPRESSO -0,70 % -0,28 % -0,50 % -2,97 % professionnels, et de 0,1 à 0,3% pour les ménages. En juillet, ils avaient respectivement augmenté de 0,2% et 0,5%. L’électricité augmentera comme annoncé de 5%. CGT Thierry Lepaon, numéro 1 de la CGT, a été hospitalisé. Il «a été opéré du cœur il y a deux jours», selon une source proche de la centrale citée par l’AFP, et devrait «sortir dans une quinzaine de jours». JEUX VIDÉO Vivendi va céder d’ici à septembre sa filiale de jeux américaine Activision Blizzard (éditeur entre autres de Call of Duty, photo) pour 8,2 milliards de dollars (6,2 milliards d’euros), ne conservant que 12% de participation. PHOTO AP GAZ Les tarifs réglementés du gaz baisseront un peu au 1er août, de 0,45% pour les AÉRONAUTIQUE EADS va se rebaptiser Airbus, du nom de sa filiale, selon un schéma qui sera soumis mardi au conseil d’administration. Le groupe va également fusionner ses branches aviation de transport militaire, défense (Cassidian) et espace (Astrium). D’après le Financial Times, cette restructuration s’accompagnera de pertes d’emplois. L’HISTOIRE PARIS NE LÈVE PAS SON EMBARGO SUR LES MERCEDES CLASSE A La guerre des Mercedes Classe A se poursuit. La France va continuer à interdire l’immatriculation du modèle le plus vendu de Daimler, car sa climatisation fonctionne avec un gaz réfrigérant interdit par Bruxelles, car jugé trop polluant. La justice française a pourtant donné raison vendredi à Daimler et suspendu le blocage. Mais le ministère du Développement durable a annoncé dans la foulée qu’il allait continuer à bannir les Classe A de l’Hexagone, tant que Daimler ne changera pas de gaz, en faisant jouer la procédure de sauvegarde, qui permet à un pays de l’Union européenne de protéger ses inté rêts en restreignant provisoirement certaines importa tions. Cette interprétation des textes européens a été toutefois contestée vendredi par Daimler. Qui affirme qu’il poursuivra en justice les autorités françaises, et que le gaz qu’il utilise est «à la fois sûr et éprouvé». PHOTO REUTERS plus des 5100 prévus dans le dernier plan d’économies. ir France va de nouveau tailler dans ses effectifs. Alors que la compagnie tricolore est déjà en train de supprimer 5100 postes dans le cadre de son plan d’économies Transform 2015, un second plan de départs volontaires sera annoncé mercredi en comité central d’entreprise, a indiqué vendredi le PDG du groupe Air France-KLM, Alexandre de Juniac, à l’occasion de la présentation des résultats semestriels. Selon BFM-TV, 1 500 à 2 500 départs seraient prévus. Cela fait des mois qu’Alexandre de Juniac prépare les esprits des syndicats et de l’Etat (actionnaire à 15%) à cette nouvelle charrette. Transform 2015 commence pourtant à porter ses fruits : d’avril à juin, Air FranceKLM a divisé par cinq sa perte nette, à 163 millions d’euros. Mais cela ne suffit pas à redresser les comptes, dans le rouge depuis des années. D’autant plus que le groupe subit la crise économique. Sur le premier semestre, il a perdu la bagatelle de 793 millions d’euros. D’où la nécessité de serrer encore les boulons. Même si «ces mesures sont difficiles», a reconnu, vendredi, Alexandre de Juniac. La seconde vague de départs concernera exclusivement Air France. Elle vise en effet à réduire les pertes abyssales (700 millions l’an dernier) de son réseau moyen-courrier, alors que celui de KLM est presque à l’équilibre. «Ceci nous permet de dire que [le moyen-courrier] n’est pas une cause perdue», a assuré Alexandre de Juniac. Cela reste à prouver. Pénalisée par ses coûts élevés, Air France se fait laminer par les compagnies low-cost. La précédente riposte, qui a consisté à créer des bases en province en demandant des gains de productivité aux salariés, s’est soldée par un échec. «C’est la preuve qu’on ne peut pas se mettre au niveau des low-cost», glisse un cadre de la compagnie. De sources syndicales, le plan de départs viserait pour l’essentiel le personnel au sol. Signe qu’Air France veut s’attaquer à son principal désavantage compétitif (les A autres compagnies soustraitent leur activité en escale). Mais Alexandre de Juniac prépare aussi une refonte du réseau. Les lignes les moins rentables seront fermées. D’autres seront Dans une lettre envoyée mardi à ses adhérents, le Syndicat national des pilotes de ligne redoute une coupe «purement financière» dans les activités déficitaires et appelle la direction à s’attaquer «enfin» aux «problèmes struc«On a déjà fait deux plans turels». «On a en trois ans. On risque déjà fait deux plans d’avoir du mal à trouver en trois ans. On des candidats au départ.» risque d’avoir du mal à trouver des µUn syndicaliste d’Air France candidats au désous-traitées ou assurées par part», s’inquiète pour sa part Transavia, la filiale à bas un syndicaliste. Tandis que coûts du groupe français. «Si Franck Mikula, président du Air France ne peut rentabiliser syndicat d’hôtesses et une ligne, n’est-il pas préféra- stewards Unac, va demander ble de la transférer à Transa- le «maintien des emplois», en via […] plutôt que de la laisser plaidant pour des mesures à la concurrence ?» avait alternatives, comme la réglissé en juin le PDG à quel- duction volontaire du temps ques journalistes, lors d’un de travail. voyage en Malaisie. YANN PHILIPPIN heures hebdomadaires, c’est le temps de travail moyen des salariés à temps complet en France en 2011, selon une étude du ministère du Travail publiée vendredi. C’est l’une des durées les plus faibles de l’Union européenne (40,4 heures en moyenne), au 21e rang sur 27. Les cadres (44,1 heures) travaillent davantage que les ouvriers (38 heures). «J’avais dit que le retournement [de la courbe du chômage] se ferait à la fin de l’année et que ce serait encore dur. […] Je tiens le même discours parce que je tiens la même politique et qu’il y aura le résultat attendu.» François Hollande vendredi, à Arles Pour fêter nos 40 étés Choisissez l’abonnement qui vous correspond 3 semaines 18 * 1 mois 26 * 2 mois 39 * 3 mois 49 * jusqu’à 62% de réduction Bulletin d’abonnement À découper et renvoyer sous enveloppe affranchie à Libération, service abonnement, 11 rue Béranger, 75003 Paris Oui, je profite de l’offre « spécial 40 étés » de Libération : AETE13 o 3 mois pour 49 € au lieu de 127,80 € (-62%) o 2 mois pour 39 € au lieu de 85,20 € (-54%) o 1 mois pour 26 € au lieu de 42,60 € (-39%) o 3 semaines pour 18 € au lieu de 28,80 € (-38%) Important : si vous souhaitez recevoir Libération sur votre lieu de villégiature (France métropolitaine uniquement), veuillez renseigner ci-dessous votre adresse personnelle, et sur un papier libre vos dates de congés ainsi que l’adresse de votre lieu de vacances ou appelez le 03 44 62 52 08 et précisez le code AETE13 (règlement par carte bancaire uniquement). Nom : ___________________________________________ Prénom : ______________________ Adresse : ______________________________________________________________________ Code postal : Ville : ____________________________________________ Téléphone : E-mail : __________________________________________ @____________________________ Ci-joint mon règlement : o Chèque à l’ordre de Libération o Carte bancaire N° Expire le Cryptogramme moisannée 15 39,5 AirFranceaffiche denouveauxdéparts EMPLOIS Plus de 1000 postes seraient concernés, en 15 447,01 3 594,99 6 554,79 14 129,98 • Date et signature obligatoires les 3 derniers chiffres au dos de votre carte bancaire Offre valable jusqu’au 31 août 2013, réservée aux particuliers pour un premier abonnement en France métropolitaine. La livraison du quotidien est assurée par porteur avant 7h30 dans plus de 500 villes, les autres communes sont livrées par voie postale. Les informations recueillies sont destinées au service de votre abonnement et, le cas échéant, à certaines publications partenaires. Si vous ne souhaitez pas recevoir de propositions de ces publications cochez cette case o 19897 1973 2013 L’ÉTÉ DES 40 ANS Angela Merkel en 1998, pour l’inauguration du Mémorial du Mur de Berlin. PHOTO REINHARD KRAUSE. REUTERS. Merkel, l’âge Mur ET SI LA CHUTE DU MUR N’AVAIT PAS RÉUNIFIÉ LES DEUX ALLEMAGNES? REWIND Cet été «Libération» transforme l’Histoire en fictions. Depuis la chute du communisme, la chancelière a fait de la RDA une démocratie. Et rêve de l’unir à sa sœur occidentale. Par MARC SEMO LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr P hysicienne de formation, elle aime citer Démocrite, philosophe présocratique et père de l’atomisme : «Le courage est au début de l’action, le bonheur à la fin.» Dans les sondages, la popularité II • 19897 Extrait de la série «les Traces du pouvoir», de Herlinde Koelbl, exposée en 2009 à Berlin et montrant Angela Merkel entre 1991 et 2008. PHOTO ULLSTEIN BILD. AKG d’Angela Merkel est au zénith. Les électeurs de la République allemande de l’Est adorent cette Première ministre qui leur ressemble tant avec ses tailleurs mal coupés un peu tristes et ses goûts simples. Avec son parti de centre droit, le Demokratischer Aufbruch (le Renouveau démocratique), elle devrait remporter haut la main, en septembre, un troisième mandat. Mais, à l’ouest, dans cette autre Allemagne d’autant plus riche qu’elle n’a pas eu à payer le lourd prix de la réunification accélérée rêvée par certains, elle est tout aussi populaire pour son parler vrai. Elle se bat depuis son entrée en politique pour une Union des deux Allemagnes dans une confédération, et sur un pied d’égalité. Son rêve devrait bientôt devenir réalité après des années de débats et de polémiques de part et d’autre d’une frontière devenue toujours plus virtuelle. C’est prévu pour novembre 2014, vingtcinquième anniversaire de ce que l’on a appelé «die Wende», le tournant. Ces journées de novembre 1989, Angela Merkel ne les a jamais oubliées. «La fin de la guerre froide a eu des conséquences déterminantes sur ma vie», confiait récemment au Financial Times cette Machtfrau (femme de pouvoir) qui fascine autant qu’elle irrite par sa détermination. Toute l’Europe de l’Est se désagrégeait et échappait à la tutelle soviétique. La RDA elle-même était secouée par le vent de liberté né de la pérestroïka et des cortèges défilaient à Leipzig comme à Berlin, en appelant à Gorbatchev. Mur serait toujours ouvert le lendemain.» Cette fille de pasteur, passée par les jeunesses communistes, a toujours été une enfant sage. Dans la nouvelle Allemagne de l’Est, qui découvre le pluralisme et la démocratie, comme les autres expays du glacis, elle décide de s’engager à droite. C’était le bon choix. Le Renouveau démocratique, proche des chrétiens-démocrates de l’Ouest, triomphe lors des premières élections libres de mars 1990. Elle est nommée porte-parole du nouveau Premier ministre, «BANANES». Le 18 octobre, le vieil Erich Honecker avait été déposé par des réformistes. Le 9 novembre, sous la pression populaire, les nouveaux dirigeants est-allemands ouvraient les frontières et même des points de passages dans le Mur qui divisait l’ex-capitale allemande Angela Merkel dirigeante de l’Allemagne de l’Est depuis 1961. «Ce n’était pas très clair, ce que cela signifiait. Lothar de Maizière, qui sera son mentor Comme chaque jeudi, je suis allée au politique et qu’elle mettra sur la touche sauna», a raconté plus tard Merkel. Des quelques années plus tard, après ses reamis lui proposent d’aller faire la fête vers électoraux face à une gauche exsur le Kurfüstendam, les Champs-Ely- communiste dirigée par Gregor Gysi, sées de l’Ouest. Elle préféra aller se qui surfait sur l’irritation croissante des coucher car elle devait se lever tôt:«Le Allemands de l’Est face à l’arrogance «Ce n’était pas très clair, ce que l’ouverture des frontières signifiait. Comme chaque jeudi, je suis allée au sauna.» LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr paternaliste, voire quasi coloniale des frères de l’Ouest. «Ils nous méprisaient, j’ai été choquée quand un dirigeant socialdémocrate, Otto Schily, s’était moqué en disant que nous venions tous à l’Ouest chercher des bananes», reconnaît d’ailleurs la leader du DA, elle-même exaspérée par cette suffisance de riches, convaincus d’incarner une démocratie parfaite. Après l’enthousiasme initial, le ressentiment avait explosé contre les frères de l’Ouest. D’abord séduits –avec 60% d’opinions favorables pour une Allemagne neutre et réunifiée–, les Allemands de l’Ouest ont commencé à renâcler sur le prix de la réunification. Le vice président du SPD, Oskar Lafontaine, réclamait une révision totale du droit de citoyenneté, afin d’empêcher ces nouveaux arrivants est-allemands «de profiter des systèmes d’assurance sociale de la RFA». Les intellectuels, surtout à gauche, étaient aussi farouchement contre. «Une Allemagne réunifiée serait un colosse complexé qui ferait obstacle à l’unification européenne et se ferait obstacle à lui-même», clamait le célèbre écrivain Günter Grass, rappelant qu’à chaque 19897 • III POUR DE VRAI L’exministre Hubert Védrine replace la chute du Mur dans son contexte: «Les démocraties populaires étaient déjà des zombies, sans s’en rendre compte» A ncien ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine était le secrétaire général de l’Elysée de François Mitterrand en 1989, au moment de l’effondrement du bloc communiste. La chute du mur de Berlin était-elle inévitable? Oui bien sûr, mais cela aurait pu arriver après la fin de la RDA et pas forcément avant. Le mot «chute», d’ailleurs, est impropre. Le mur a été ouvert par des autorités est-allemandes exsangues. On confond l’ouverture du passage vers Berlin-Ouest, le 9 novembre 1989, avec la ruée le lendemain de gens cassant avec des pioches des morceaux de mur pour les conserver comme souvenirs. Tout cela était l’aboutissement d’un processus de décomposition de la RDA engagé depuis des années. Dès l’été 1989, les Allemands de l’Est quittaient par milliers leur pays en passant par la Tchécoslovaquie, et par la Hongrie, où le rideau de fer avait été retiré. Ce mouvement de fond traversait toutes les «démocraties populaires». En Pologne grâce à Solidarnosc, il était très avancé. Dans d’autres, beaucoup moins, ou pas du tout. De toute façon, Mikhaïl Gorbatchev, qui espérait sauver le communisme en URSS grâce à des réformes économiques et un peu de dé- mocratisation – c’était la «pérestroïka» – avait déjà passé le glacis stalinien d’Europe de l’Est par pertes et profits. Dès 1986-1987, il n’avait pas caché à ses dirigeants que jamais il n’utiliserait la force pour défendre ces régimes. Même s’il y avait encore en 1989 quelque 300 000 soldats de l’armée rouge en RDA, et même si ces régimes ne s’en rendaient pas compte, ils étaient déjà des zombies. La réunification allemande était-elle inévitable ? Elle était inéluctable, mais aurait pu se produire plus tard. Réformée plus tôt, la RDA aurait pu survivre un certain temps. D’ailleurs le 22 novembre encore, juste après le Mur, Helmut Kohl lui-même évoquait encore un rapprochement graduel entre les deux Allemagnes. Bonn continuait à négocier des accords de coopération avec Berlin-Est comme si l’Allemagne de l’Est était destinée à survivre quelques années ! Kohl parlait d’étapes : coopération, confédération, fédération, unification. Puis tout s’est précipité début 1990, sous la pression populaire en RDA. Quant aux alliés, vainqueurs de 1945, les Britanniques étaient contre la réunification et contre une relance européenne. François Mitterrand avait déjà compris que c’était une tendance histo- rique irréversible, mais il voulait que cela se passe dans de bonnes conditions pour la France et pour l’Europe. Les Américains, eux, y étaient très favorables, à condition que cela ne remette pas en cause l’Otan. Gorbatchev, lui, l’avait rendu possible, mais la redoutait. L’effondrement de l’URSS était-il inévitable ? Oui. Mais quand ? Gorbatchev a eu un rôle fondamental dans la réunification allemande. Mais après avoir permis le processus, il a compris qu’il avait joué à l’apprenti sorcier. Il demande à Bush, Kohl et Mitterrand de ne pas aller trop vite, arguant du risque d’être renversé par des conservateurs nationalistes durs. Il sollicite des aides économiques pour tenir et c’est pour cela, qu’à l’initiative de Mitterrand et de Kohl, est instauré le G8, un G7 élargi à Moscou. Mais George Bush père et John Major restèrent intransigeants dans leur refus d’aider le vaincu de la guerre froide. L’effondrement de l’URSS, qui était en survie depuis la stagnation brejnévienne, était dès lors inévitable car le communisme soviétique fut un fiasco économique, éthique et politique. C’est la fin de l’URSS, en 1991, qui marque le vrai changement d’époque plus que la «chute» du Mur. fois, l’unité allemande a entraîné des tragédies et des millions de morts. Joschka Fischer, étoile montante des Verts, résume bien l’enjeu: «Manifester une réaction de panique face à tout ce qui est national en Allemagne, quarante-cinq ans après Auschwitz, n’est pas un objet de honte ni de critique ; ce sera un devoir vital pour les démocrates pendant au moins encore quarante-cinq ans.» la ligne Oder-Neisse. Margaret Thatcher, avec son parler cru, dénonçait le danger d’une Allemagne trop puissante. Ami d’Helmut Kohl, François Mitterrand était méfiant mais plus ouvert. Il n’en décida pas moins, dès le 22 décembre, de se rendre à Berlin, étant ainsi le premier chef d’Etat à visiter la nouvelle RDA. Les Russes quant à eux n’acceptaient une Allemagne réunifiée que si elle était neutre et hors de l’Otan. Tout était donc bloqué. C’est ainsi que la RDA, rapidement rebaptisée Allemagne fédérale de l’Est, avec un système pleinement démocratique inspiré de sa sœur, commença sa longue route vers l’économie de marché et l’intégration européenne, tout comme ses voisins de l’ex-glacis. «Nous ne devons pas laisser passer les chances pour la population de la RDA de s’éveiller à la démocratie et d’user de son droit à l’autodétermination», soulignait Gregor Gysi qui, avec le Parti du socialisme démocratique (lequel avait remplacé dès 1989 le SED), remporta en 1994 les élections. Il parlait de «troisième voie», mais il sut se montrer très pragmatique. Attirés par le très bas coût d’une main-d’œuvre très bien formée et parlant la même langue, les investisseurs de la RFA continuèrent à arriver en masse, modernisant un tissu industriel qui était malgré tout le plus dense du défunt empire soviétique. Dès 2004, elle fut intégrée à l’Union européenne et fut, avant même la Slovénie, le premier des ex-pays de INVESTISSEURS. Les Alliés vainqueurs de 1945 étaient – à l’exception des Américains – tout aussi hostiles. Ils avaient encore un droit de regard sur une Allemagne formellement encore occupée qui n’avait pas signé de traité de paix ni reconnu ses nouvelles frontières, notamment avec la Pologne sur 9 novembre 1989 Sous la pression populaire, les autorités de RDA annoncent l’ouverture des frontières, y compris à Berlin. 22 novembre 1989 Helmut Kohl évoque devant le Bundestag le rapprochement graduel entre les deux Allemagnes. 22 décembre 1989 Visite à BerlinEst de François Mitterrand, premier et dernier chef d’Etat à se rendre dans la nouvelle RDA. 18 mars 1990 Premières élections libres en RDA remportées largement par les chrétiensdémocrates et leurs alliés (48%) de Lothar de Maizière, favorables à la réunification. 21 juin 1990 Union monétaire entre la RFA et la RDA. 3 octobre 1990 La réunification allemande devient effective selon les modalités fixées par le traité du 31 août. La loi fondamentale de la RFA s’applique à l’exEst. Recueilli par M.S. l’Est à rejoindre l’euro. Il n’y a, depuis, plus d’obstacle à une union, d’autant que cette République fédérale de l’Est a réussi à construire une identité spécifique, ce qui au début n’avait rien d’évident. Ils ne renient pas leur histoire d’avant 1989. Gregor Gysi aime à rappeler que si «la RDA était une dictature et non pas un Etat de droit, elle n’était pas non plus un Etat de non-droit». Angela Merkel a presque les mêmes mots: «La RDA était un Etat de non-droit sans liberté d’opinion, ni élections libres, mais ce n’était pas noir ou blanc.» Et c’est aussi pour cela qu’elle est tellement populaire. A présent, elle rêve de devenir, après l’union, chancelière de toute l’Allemagne. • Lundi: Berlusconi rate Mondadori. Sur France Info jusqu’au 24 août 40 jours pour revivre 40 années ! Du lundi au vendredi à 9h15, le samedi à 8h15 et à réécouter sur franceinfo.fr avec 40 ANS LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr 19897 VOUS PERMETTEZ ? Par ANNE DIATKINE Le foulard, nouveau chiffon rouge ET AUSSI 18 septembre 1989 : Leïla et Fatima enflamment la France pour avoir fait leur rentrée scolaire avec sur leur tête un foulard. Bras de fer, milliard de commentaires, mitrailles et télévision : l’affaire ne se règle pas discrètement, dans le bureau du principal, comme elle se règle des dizaines de fois par an, dans d’autres établissements. Un mois plus tard, les deux adolescentes acceptent de baisser le foulard sur leurs épaules. A lire les articles, il semblerait qu’elles ne tiennent pas parole. On ne parle que de ça : les jeunes filles sont-elles contraintes par leur père ? L’islamisation menacet-elle la France ? La République doit-elle protéger les jeunes filles contre elles-mêmes grâce à une loi d’interdiction des signes religieux ostentatoires à l’école, qui sera votée en 2004 ? Une croix autour du cou estelle également un signe ostentatoire ? Le 26 octobre Gilles Deleuze écrit : «Arrivera-t-il qu’on réclame un droit à la prière islamique dans les classes mêmes ? Et puis, qu’on discute de l’enseignement en reprochant à tel texte de Racine ou Voltaire d’être une offense à la dignité musulmane ?» Ces catastrophes n’ont pas eu lieu, mais la conviction d’un péril islamique ne semble pas s’être évaporée pour autant. Dans certaines écoles, les mères à foulard n’ont pas le droit d’accompagner les sorties des enfants, alors même que les écoles cherchent de tout cœur à «intégrer» les CHAUD BIZ D familles de migrants à la vie de l’établissement, disent-elles. Le danger est partout : des boucheries «Halal» aux prières de rue. On ignore ce que sont devenues Leïla et Fatima et comment elles ont vécu le tsunami qu’elles ont suscité. 2013 : Averroès, le premier lycée privé musulman de France à Lille, est dans le palmarès des meilleurs lycées de France. Le secret du directeur, El Hassane Oufker, cité par le Monde : avoir la foi. «Pas la foi religieuse. Mais croire au projet.» Ce lycée est fréquenté également par d’anciens élèves d’écoles catholiques. «Le jour où j’aurai 50% de musulmans et 50% de non-musulmans, je me dirai : “Tu as réussi ton coup.”» 2011 : dans l’un des «meilleurs» collèges du IIIe arrondissement parisien, la principale dit à deux élèves pas franco-françaises qu’elles sont vêtues comme «des putes». Les gamines, qui vivent en foyer, sont recueillies en pleurs par un enseignant effondré. On ne sait pas si la principale a du vocabulaire pour qualifier les garçons qui portent leurs jeans en dessous des fesses, et si un foulard sur le décolleté aurait évité l’insulte. 1989 : le mur de Berlin s’est écroulé, et les Arabes disparaissent du vocabulaire pour devenir «musulmans». Philippe Mangeot, de la revue Vacarme : «1989 est l’année, bien plus que 2001, d’un nouveau partage du monde, avec un nouvel ennemi: le communautarisme.» • «Special K», riche en kétamine ÇA VA ÇA VIENT Virée nocturne à New York dans les clubs où émergent les drogues les plus stupéfiantes. Des capsules de kétamine. PHOTO NICOLAS ASFOURI. AFP L e téléphone sonnait pour la troisième fois en une minute – car elle raccrochait systématiquement avant que le répondeur ne s’enclenche – et Graham, mon coloc, s’impatientait: «T’es sûr que c’est elle ?» «Putain, j’aurais encore préféré crever d’une OD au Limelight que de rencontrer cette cinglée. — Mais tu l’as choppée où et elle veut quoi ? — Chez Nell’s. Et quarantehuit heures plus tard, elle prétend qu’elle est enceinte de moi car elle n’a pas eu ses règles. — Elle est de New York ? — Non, du Dakota du Sud !» Graham ne pouvait s’empêcher de réprimer une bouffée d’hilarité. «Tu veux devenir fermier? —Ha ha ha, t’es trop drôle parfois… Bon, j’ai la migraine, je vais à Mars. Au moins, aucune pécore en villégiature ne viendra me casser les couilles.» Comme tous les dimanches soirs, les cinq niveaux du club surplombant le Meat Market étaient bondés. Je ralliai le dernier étage, peint en rouge, avec des armes à feu en vitrine. A peine étais-je installé au bar qu’un Black et ses potes me faisaient signe de les rejoindre à leur table. C’était trois psychiatres gays en goguette. Ils me demandaient si j’allais à la White Party du Saint et je leur expliquai que c’était pas trop mon truc, mais que pourquoi pas, bien sûr. Cinq jours plus tard, après une coupe de champagne dans la bonbonnière du black dénommé Dwayne, on ralliait le temple gay de la Deuxième Avenue, avec sa piste de danse suspendue dans les airs, capable d’accueillir 3 000 personnes, et sa voûte de planétarium s’illuminant de constellations au gré des chansons. Dwayne s’installait avec ses potes dans l’un des escaliers conduisant aux niveaux supérieurs et ouvrait une lunch box d’écolier remplie de flacons et de gélules. «Tu veux du Kay?» demanda Dwayne. Joignant le geste à la parole, Septième art, nouvelle came ans Drugstore Cowboy, le harem de Gus Van Sant s’ébauche sous l’égide piquée et gobée de William S. Burroughs, mais surtout musclée et ruisselante de Matt Dillon, transfuge d’Outsiders et de Rusty James, de Coppola. Suivront les beaux gosses River Phoenix, Keanu Reeves, Matt Damon et Michael Pitt. Pendant ce temps, à Bâton-Rouge (sic) en Louisiane, Steven Soderbergh découvre Sexe, mensonges et vidéo. Pas de quoi fouetter une chatte, même sur un toit brûlant : à cette époque, les Français connaissent déjà les affres de l’identité et du mensonge par écrans interposés, grâce au Minitel. LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr SURPRISE IV • il fit des lignes sur la lunch box et me proposa la première. Dix minutes plus tard, je perdais brutalement la sensation de mes jambes puis de tout mon corps, essayai de me relever, mais c’était impossible. Je commençai à paniquer: «Dwayne, putain, y’a un problème avec ton truc, je crois que je vais crever…» L’impression était cauchemardesque mais Dwayne gardait son sang-froid et ouvrit aussitôt un flacon, y plongea un stylet et me donna une autre poudre à sniffer: «Ne crains rien, c’est du crystal meth, ça va couper l’effet de la kétamine.» Et, comme par enchantement, je retrouvai ma mobilité. En redescendant les marches, Dwayne montrait des mecs affalés, complètement partis : «Ils sont dans un “Khole”, une sorte de coma induit par l’anesthésiant…» J’avais du mal à y croire: «Mais enfin, c’est quoi le délire ? — On utilise la kétamine en psychiatrie, pour traiter la dépression… Ça provoque des dissociations entre le cortex frontal et le reste du cerveau. Bien sûr, à hautes doses, il y a le risque que les symptômes hallucinatoires s’installent et que ces gars entrent en psychose, mais ça, c’est possible même avec de l’herbe. Le vrai danger du “Special K”, c’est l’alcool, car le mélange provoque un arrêt cardiaque direct…» Dans le taxi qui me ramenait à la maison, je repensai avec nostalgie à l’innocence des années Studio 54 et envisageai soudain d’élever des enfants dans une ferme du Dakota du Sud. DAVID MANERO 19897 • V La Haçienda, le night club créé par Factory Records, label de Joy Division, fait fureur en 1989. PHOTO ALAMY. PHOTO 12 L e 22 mars 1989, en première partie de My Bloody Valentine, dans une salle parisienne. Des semi-clodos foncedés jouent un funk froid hypnotique, hyperdansant, un mantra halluciné sur rythmes syncopés. L’un d’eux, ado hâve au regard mort, secoue des maracas sans jamais s’arrêter. Il ne fait rien d’autre, ne chante pas, ne joue pas. On dirait un poulet décapité qui continue à gigoter. Le vide parfait, légèrement flippant. Il s’appelle Bez. Le groupe, les Happy Mondays, originaires de Manchester, dans le nord industrieux de l’Angleterre. L’été suivant sera appelé «Summer of Rave». Manchester, la ville de Joy Division, des Buzzcocks et des Smiths change de nom. On Madchester, l’acide maison ÇA A EU LIEU Les Stone Roses et les Happy Mondays transforment la ville anglaise en îlot musical et extatique. la surnomme «Madchester», la folie. Changement d’ère. Exit pendaison et mélancolie. Sous l’influence de la house américaine et d’une consommation massive d’ecstasy, l’acid-house est née. Factory Records, le label de Joy Division, avait ouvert un club ÇA PASSE OU ÇA CLASSE C en 1982, la Haçienda. A l’arrivée des Happy Mondays et des Stone Roses en 1988-1989, le lieu explose. Madchester est une utopie, une île de bonheur extrudé, avec cette gueule ronde et jaune fluo de smiley, bestiole droguée. Les groupes ne produisent pas souvent : le Jason her Jason, tu n’as pas enchanté nos nuits avec ta toison. En revanche, avec ta voix de bélier, tu nous les as bien brisées. Oui, Jason Donovan, c’est bien de toi qu’on parle, toi qui est issu de l’écurie Stock Aitken Waterman, avec Rick Astley et Kylie Minogue, cette dernière étant la seule à avoir survécu. Il faut attendre la fin des années 2000 pour que Jason refasse jaser. Avec Jason Bourne (héros de la Mémoire dans la peau) et, surtout, avec Jason Statham, musclor anglais et cérébral que Libé qualifait récemment de «velouté brut». Second Coming des Stone Roses met cinq ans à sortir. Il y a aussi James, A Guy Called Gerald, ou les Inspiral Carpets. C’est de la musique à danser, molle, pour corps et cerveaux en caoutchouc, qui se porte avec des pantalons baggy : en forme de sac, évasé. Celle des PUZZLE Tout l’été, coupez, collez et reconstituez le dessin de Stéphane Blanquet sur une page de Libé du 9 juillet. Les puzzles complets gagneront une surprise. LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr Stone Roses, sorte de house psyché sixties, rappelle méchamment le West Coast Pop Art Experimental Band. Les Happy Mondays, eux, ont à peine accéléré Mushroom (1971) de Can, mais ils ne le savent pas. La ressemblance est pourtant frappante. Pendant deux ou trois ans, tout post-ado à la mode rêve d’aller disparaître à Madchester, les synapses fondues dans l’«E» et la chaleur en transe du corps d’autrui. Les rave parties et la techno sortent de là, elles rentreront ensuite dans les bois. Pendant que ce pragmatisme chimique baigne l’Europe, l’Amérique sécrète un curieux contrepoison : le romantisme boueux du grunge. ÉRIC LORET Lundi: Le Cap, Afrique du Sud. 19897 ARCHIVES DU 7E ART. PHOTO 12 ciles. Ça ne m’intéresse pas d’avoir un paysage cinématographique où tout le monde fait le même film. Quant aux résultats, je les trouve encourageants. Surtout dans l’attitude des gens qui ne croyaient pas ça possible; moi qui ne suis un produit ni de l’industrie, ni du professionnalisme, j’ai montré à ces professionnels italiens comment faire de la production. Et ça, ça me fait plaisir. «Ce que je remarque chez les jeunes réalisateurs – à l’exclusion de ceux avec qui j’ai travaillé -, c’est qu’ils sont corrompus mentalement, avant même d’avoir fait leur premier film. Ils acceptent passivement les sottises des producteurs. Ils peuvent avoir un beau scénario, un sujet italien, un film qui pourrait coûter cinq millions de francs ; le producteur le convaincra de faire un film international, avec casting international, peut-être de changer l’endroit pour le rendre moins provincial –et voilà comment on transforme un film potentiellement intéressant en sous-merde sans racines. J’ai fait comprendre à Daniele et à Carlo que les acteurs de leurs films devaient être les acteurs justes, ceux qu’il leur fallait; et non pas se laisser entraîner par de fausses considérations commerciales. Parce qu’il faut bien dire une chose: en Italie, il n’y a pas un acteur, italien ou étranger, qui amène du monde dans les salles (sauf si c’est un comique de télé et là, ça ne m’intéresse pas). C’est important, cette idée de liberté. Parce que la façon dont un film est produit se reflète dans la façon dont on le fait. Quand un jeune se met à écouter un producteur, il est foutu parce que les «nécessités» dont le producteur lui rabat les oreilles deviennent le goût ou le mauvais goût du réalisateur. «Ce qui m’embarrasse chez les jeunes réalisateurs, c’est le manque total d’une quelconque idée de cinéma, et donc de morale cinématographique. Certains tourneraient n’importe quoi, simplement pour tourner. Non seulement ils ne savent pas ce qu’ils veulent, mais ils ne savent pas non plus ce qu’ils ne veulent pas ; et ça, c’est le pire qui puisse arriver à un jeune réalisateur. C’est pour ça qu’il est important de voir beaucoup de mauvais films, pas que les bons.» «Je n’ai pas de magnétoscope par principe» QUI VA LÀ? Quel réalisateur et producteur italien répondait cette annéelà à nos questions? «I italienne à travers ce cinéma qu’on fait aujourd’hui. Moi qui vais énormément au cinéma, je ne rencontre jamais, jamais, ni un producteur ni un cinéaste. Ceux qui font le cinéma en Italie sont les premiers à ne pas l’apprécier. Ils ont des magnétoscopes chez eux. Moi je n’en ai pas ; c’est un de mes principes. Je crois qu’il y a encore un peu d’espace pour le cinéma que je veux faire, aussi bien comme réalisateur que comme producteur. Si demain cet espace devait se fermer, je me mettrais à tenir un discours productif encore plus radical et encore plus dur. Je réagirais avec des films encore moins chers, encore plus diffi- d’édition indépendante voyait le jour. L’Association, la bande à BD Par EMMANUEL GUILLEMAIN D’ÉCHON L’Association eut sept membres 1rapidement fondateurs, dont l’un quitta le navire. Qui était-ce? A. Moquette. B. Joann Sfar. C. Mokeït. D. Joey Starr. nom complet de l’Association 2A.Leest… L’Association à la pulpe. B. L’Association du bois. C. L’Association de malfaiteurs. D. L’Association. principal best-seller de la maison 3A.Leest… Lapinot et les carottes de Patagonie. B. Persepolis. C. Astérix et Péril. D. Les Lapins crétins. La BD indépendante des années 90, 4 c’est bien sûr l’Association, mais ce n’est pas… A. Ego comme X. B. Esperluette. C. Cornélius. D. Les Requins marteaux. Membre fondateur de l’Association, 5 il est aussi un peu le «parrain» de la BD autobiographique en France… A. Enki Bilal. B. Joann Sfar. C. Lewis Trondheim. D. Boulet. le nom d’une collection de 6A.C’est l’Association… Côtelette. B. Lurette. C. Rouflaquette. D. Alouette. Recueilli par PHILIPPE GARNIER (Paru le 11 janvier 1989) L’interviewé de vendredi était Heiner Müller. BANDESON, MAIS C’EST BIEN SÛR! J’ai plutôt envie de vous dire des choses tragiques #auxcésars #salmanrushdie A cause de cette chanson, toutes les filles portant ce prénom troyen se sont fait chambrer pendant des années dans les cours d’école. Sinon, les paroles du morceau se chantent autant en français qu’en anglais. Ce qui est logique, l’interprète venant d’un pays d’Amérique du Nord. DR QUI TWEETE? Réponse: Isabelle Adjani lisant un extrait des Versets sataniques, de Salman Rushdie aux Césars. LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr Réponse: Hélène, de Roch Voisine. ET AUSSI 1 y a trois facteurs qui peuvent pousser un metteur en scène à produire les films des autres. Le sadisme (ce qui me semble avoir été le cas de Coppola envers Wenders). Le désir d’obliger les autres à faire des sous-produits de ses propres films, c’est-à-dire un réalisateur qui se donne bonne conscience en produisant d’autres films, mais qui choisit des réalisateurs médiocres en connaissance de cause […]. Et enfin ce qui m’anime. Moi, j’ai essayé de trouver une génération de remplacement. Mais je ne l’ai pas trouvée; elle n’existe pas. […] Quelqu’un vivant en France serait bien en peine de connaître la vie QUIZ La maison Réponses: 1. c; 2. a; 3. b; 4. b; 5. c; 6. a. VI • • VII STUART FRANKLIN MAGNUM PHOTOS 19897 P A chars de revanche PHOTOSCOPIE ékin, printemps 1989. Les étudiants manifestent place Tiananmen contre la corruption du régime. Le photographe anglais Stuart Franklin documente alors la vie de la place. Au matin du 4 juin, après le massacre, il prend ce cliché, bloqué dans un hôtel voisin où travaillent en outre deux télés et deux autres collègues. Chaque révolution a ses icônes : l’homme face à la colonne de chars saisi par Stuart Franklin est une de celles-ci. Sur les images vidéo, on voit les blindés quitter la place et cet homme défier les chars pendant quelques minutes. Le premier tank se décale et notre inconnu avec. Le ballet surréaliste dure quelques minutes. Puis l’homme monte sur le premier char, avant qu’un groupe de personnes ne surgisse et ne l’emmène hors champ. On ne sait rien de lui, ni ce qu’il est devenu, mystère de cette figure héroïque. Même si LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr Stuart Franklin pense que «sans la télévision, cette photo ne serait pas restée dans l’histoire» et que «ce n’est pas une grande image» car il l’a «prise de trop loin» (1), elle deviendra pourtant le symbole de la lutte contre la répression. La même année, Amnesty International la choisit comme affiche pour sa campagne chinoise. SERVICE PHOTO (1) «Les 100 photos du siècle», éd. du Chêne. VIII • 19897 LE CARNET LIVRES Par CLAIRE DEVARRIEUX L’écrivain algérien Kateb Yacine, Indigné avant l’heure Les Versets sataniques sont brûlés à Bradford, en Angleterre. Menacé de mort, Salman Rushdie entre dans la clandestinité : une fatwa de l’ayatollah Khomeiny est lancée contre lui. Bei Dao, qui se trouve à Berlin au moment des événements de la place Tiananmen, ne peut pas rentrer en Chine. Bruce Chatwin et BernardMarie Koltès meurent du sida. Mort de Thomas Bernhard, Daphné du Maurier, Simenon, Robert Penn Warren, Margarete BuberNeumann, Samuel Beckett, Kateb Yacine : «Si je devais délivrer un message avant de mourir, un testament : c’est la haine des religions. Je crois que ce qui a esquinté le monde, ce qui m’a esquinté moi et vous esquinte vous, ce sont les religions, faites attention à ça, faites bien attention à ça. Ceux qui jusque-là se faisaient passer pour des communistes et des socialistes, pourquoi ils baissent les bras, pourquoi ils ne parlent pas, pourquoi ils ne crient pas, pourquoi est-ce qu’ils ne dénoncent pas ? Les intellectuels, les gens qui pensent : qu’est-ce que vous en faites de vos pensées ? Debout ! Il n’y a pas de bon dieu. Il n’y a jamais eu un seul bon dieu. Et s’il y en a un, c’est vous. Mais alors, debout !» (cf. vidéo YouTube). Bernard Frank ouvre le premier tome des Œuvres complètes de Julien Gracq : «J’ai trouvé très chic et presque émouvant de recevoir un Pléiade dédicacé par son auteur.» Sylvie Germain, prix Femina pour Jours de colère (Gallimard). Début de la Vacation, le premier roman de Martin Winckler (POL) : «Tu es en retard. / La voiture dévale la côte, et tu dois freiner pour aborder l’entrée de l’hôpital.» • Timisoara, un faux et intox BOULETTE De fausses images du charnier roumain sont diffusées en France. «T imisoara libéré découvre un charnier», écrit Libération dans son édition du 23 décembre 1989. A la veille de Noël, comme toute la presse française, notre quotidien se plante. «Un témoin va faire état de 4630 cadavres recensés», lit-on en surtitre. Ce charnier est censé prouver l’horreur du régime de Ceaucescu. Mais, un mois plus tard, on découvre que la vérité n’était pas tout à fait celle-là. Oui, il y a eu des morts, 147 dans la ville. Oui, la répression de la libération a été violente, mais, de massacre et de charnier, point. Une dépêche recensant une rumeur et tout s’est emballé. «Au royaume d’Ubu, il ne pouvait être qu’une fin effroyable après l’effroi sans fin», cherche à comprendre CASE MÉMOIRE Libé, quatre mois plus tard. Le parcours de cette fausse info est assez simple: une radio hongroise évoque «un coup de fil d’un réfugié roumain de souche hongroise à Budapest». L’AFP reprend et une fois que l’AFP reprend, c’est souvent trop tard. Des images de cadavres sont diffusées, on découvrira ensuite qu’ils ont été sortis d’un cimetière. «Il n’est venu alors à personne l’idée de compter les morts», raconte un journaliste de l’agence yougoslave Tanjug, présent sur place. «L’affaire du charnier de Timisoara» reste comme le Trafalgar de la presse française. Pourraitelle se reproduire en 2013 ? Si la rapidité du Net pousse parfois à l’emballement, les rumeurs se dégonflent aussi bien plus vite. QUENTIN GIRARD Par JEANYVES DUHOO LIBÉRATION Samedi 27 et dimanche 28 juillet 2013 www.liberation.fr Par MACHINE BIDULE 16 • SPORTS LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 A la veille des Mondiaux de natation, Fabrice Pellerin, l’exentraîneur de Yannick Agnel, déplore l’exil des meilleurs Français: «LecasManaudou nenousarienappris» Recueilli par DINO DI MEO qu’il n’y a pas d’équivalent en France. Il existe en France un parcours d’excellence abrice Pellerin, l’entraîneur de sportif, le PES. Il identifie les structures l’Olympic Nice Natation, était ren- françaises labélisées qui constituent l’ossatré des Jeux de Londres avec trois ture du savoir-faire national. Ces pôles nageurs en or : Camille Muffat, d’excellence sont soutenus par le ministère Yannick Agnel et Clément Lefert. Il y a des Sports et par la fédération. Quand un deux mois, Agnel décidait de quitter le sportif refuse ce dispositif et lui préfère un club qui l’a formé pour aller s’ensubstitut hors frontières, il signe traîner aux Etats-Unis avec Bob INTERVIEW un désaveu sévère de l’instituBowman. A la veille des Montion. Plus grave : quand l’instidiaux qui débutent à Barcelone (Espagne) tution applaudit ce choix, elle se désavoue dimanche, retour sur une séparation que elle-même! C’est de nature à mettre en péle coach niçois juge préoccupante pour la ril notre sport. natation française. Est-ce un problème français ? Le départ de Yannick Agnel vous a-t-il En France, on a eu le cas avec Manaudou et affecté ? Agnel: on encourage un nageur à aller s’exCe qu’un nageur est capable d’entendre patrier et s’entraîner à l’étranger aux frais pour être champion olympique ne l’est de la princesse. Ce message est terrible car, plus quand il a atteint son but. Il suscite dans le même temps, on chipote sur les un intérêt nouveau de la part d’un environ- subventions qu’on va allouer à des clubs nement qui se construit autour de lui. Je français qui essaient de se développer, à des pense à des agents sportifs, des forces entraîneurs qui veulent valoriser leur sport, institutionnelles. En quelques heures, des leur métier, leur travail. On pense que les gens bien intentionnés ont établi pour Yan- Français ne sont pas assez bons pour prépanick un plan B. rer les athlètes donc on va les aider dans Que s’est-il passé ? leur démarche d’expatriation et en plus on Quand un sportif ne remplit plus les cri- va la financer. C’est assez dommageable. tères de la culture de son sport, c’est-à-dire Mais ailleurs, est-ce différent ? travailler, puis respecter l’entraîneur, dans Bowman a vécu un enfer ces dernières anle souci de préserver et de protéger l’intérêt nées avec Michael Phelps. Entre eux, les général d’un groupe, d’un club, il faut lui clashs étaient monnaie courante, mais il dire les choses telles qu’on les pense. Je l’ai n’y avait pas d’agent, pas la fédération, pas fait pendant sept ans avec Yannick. A cha- de club, pas d’institution qui s’empressait que fois, il l’a intégré et s’en est servi. Un de lui réserver un billet pour la France en samedi matin, je lui ai demandé de rentrer disant «il faut vite que tu ailles t’entraîner chez lui et de mûrir la nature et le niveau de avec Pellerin, Romain Barnier, Denis son investissement. Auguin». Il y a ce respect du coaching et Cela s’était donc déjà produit ? c’est l’affaire du coach et du nageur. Au moins 7 ou 8 fois, Yannick a eu des Mais Yannick Agnel n’est pas le seul à coups de blues, s’est absenté quelques jours s’expatrier… de l’entraînement. Il lui est arrivé de ren- Yannick n’est plus mon problème, et c’est trer chez lui, de ronger son frein, de réflé- un épiphénomène à l’échelle de l’histoire chir, de faire le point sur son investisse- de la natation. J’ai la chance d’avoir ment. Puis de revenir le lundi en disant Camille Muffat, Charlotte Bonnet, Damien qu’il avait compris le message et qu’il tra- Joly. Ma priorité est de faire fonctionner un vaillait en conséquence. Là, il a fallu ce club avec la réussite telle qu’on a pu la temps de gestation, qui fait partie de la re- vivre. Mais, pour avoir des résultats de lation entraîneur-entraîné, où l’environne- club, il faut installer une culture et s’attament proche (famille, agent sportif et quel- cher à des principes forts pour la défendre. ques personnes de l’institutionnel) s’est C’est ce que j’ai toujours fait. Et je contiempressé de lui trouver une solution loin- nuerai, n’en déplaise à certains. Je m’autotaine, en l’occurrence aux Etats-Unis. Au- rise donc à être sincère et direct. delà du cas de Yannick, on touche à quelque Clément Lefert est également parti à chose de très délétère pour le sport et pour l’étranger… l’avenir de notre pratique. Le grand service qu’on peut rendre au sport C’est-à-dire ? français, si un nageur veut tenter l’aventure En quelques heures, il avait sur la table un ailleurs, c’est aussi lui dire «tu vas te débillet d’avion. On lui a conseillé d’aller chez brouiller pour financer ça tout seul». Moi, Bowman. C’est d’ailleurs une publicité j’encourage la prise de risques. Clément extraordinaire pour Nice et cela veut dire Lefert a fait une démarche très différente. F Pour aller aux Etats-Unis, il savait qu’il devait trouver un financement car il avait un tout autre statut. Il n’était pas encore champion olympique en relais. Il a dû travailler dur pour avoir des notes extraordinaires à l’école afin de décrocher une bourse que l’université lui a allouée en regard de ses résultats scolaires et sportifs. Et finalement, il a gagné des choses, même si c’est en revenant une année sur le sol français avant les Jeux qu’il a pu se révéler sportivement. Qui est responsable ? Ça renvoie au rôle des élus qui sont à la tête des institutions. Comment flèche-t-on l’argent ? Comment peut-on favoriser le savoir-faire français et le développement de nos structures ? Là on est à côté de la plaque. J’appelle ça le «syndrome Justin Bieber». Comment ça ? La star qui faisait des choses hors normes avait besoin de sentir autour d’elle un cadre solide, la présence de contraintes. Dans la nature humaine, on teste la solidité de sa culture, celle dans laquelle on essaie de s’émanciper. J’ai de la Badoit, je veux de l’Evian dans l’heure qui suit. Son environnement sait qu’il tient une pépite, il ne veut surtout pas la perdre. Commence alors une danse séductrice qui va aller dans le sens du test et qui va échouer car, plutôt que de montrer tout de suite la solidité de la culture et des contraintes, on va s’abaisser à la demande. Et le test va se poursuivre. Après la bouteille d’eau, ce sera l’hôtel, etc. C’est l’escalade. Il faut tout de suite répondre fermement, car sinon il n’y a plus de limites. Et, à terme, on affaiblit l’individu. Est-ce le cas pour Yannick Agnel ? Il y a des gens qui ont utilisé le levier de l’affectif, ce dont je me suis toujours privé car je sais trop ce que ça peut faire. Ici, il y a un «parasitage». Huit ans après Manaudou, on n’apprend pas. Et ces Mondiaux espagnols, où Yannick sera champion du monde, vont donner raison à ce système et en renforcer ses faiblesses. Cela complique la tâche de mes collègues entraîneurs qui, dans leur pôle, leur club, essaient de construire et de revendiquer un savoir-faire français. Ce n’est pas comme ça qu’on va s’imposer comme une nation forte à l’avenir. On n’est pas encore dans la pérennisation. A chaque fois qu’un nageur va être aidé, on va compliquer notre travail quotidien et affaiblir les autres nageurs et la lecture de leur propre environnement. En fait, cela prouve qu’un nageur est juste un footballeur qui n’a pas encore d’argent. • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 SPORTS PHOTO OLIVIER MONGE. M.Y.O.P. 17 DOS MAJEUR Roxana Maracineanu replonge dans le grand bassin des Mondiaux pour «Libération». Entraîneur-entraîné, un chemin de foi H einrich Franz Biber, un min inconnu que nous parcourons violoniste de la cour autrià tâtons jusqu’au succès. Tant que chienne du XVIIe siècle, je pense pouvoir te prouver des avait choisi à l’époque de dégrader choses, je m’engage pour toi. Dès son instrument de travail aux que je sens que tu détiens la vérité, yeux du plus grand nombre en le tu m’exclus de la relation. Si tu désaccordant, pour finalement sais déjà tout, tu n’as plus besoin aboutir à une virtuosité inégalée de moi. jusqu’alors. Et si on expliquait comme cela La confiance, indispensable à cette relation la décision d’Agnel ? au quotidien, repose sur le doute permanent Le jeune prodige, grisé par le succès, qui de l’autre. C’est pourquoi après une médaille, casse le jouet reçu à son dernier Noël et se comme après la naissance d’un enfant voulu croit tout permis parce qu’on lui permet à deux, il faut prendre le temps de reconsidétout? Yannick est trop intelligent pour tom- rer l’aléatoire du résultat, de le prendre ber dans le piège. L’enfant gâté comme un don de l’un à l’autre et qui reçoit tout sur un plateau et CHRONIQUE non comme une prise d’ascenpréfère dépenser ses sous aux dant de l’un sur l’autre. C’est vaStates plutôt qu’acheter sa baguette à la bou- lable pour le sportif, mais aussi pour l’entraîlangerie du coin? J’en conviens, un bon sujet neur. Réussir ne change pas le fond des gens, de débat, gracieusement opportuniste qui mais change bien la relation qui existe entre plus est, vu la période. eux. Chacun doit se remettre en question Mais j’ai bien peur que disserter sur le bien certes, mais la relation elle aussi ne doit pas fondé du protectionnisme en matière d’en- être considérée comme acquise. traînement sportif soit d’emblée un sujet sté- Avant, j’acceptais qu’à l’entraînement tu rile quand on recherche l’excellence person- conçoives et diriges. Et moi j’exécutais. En nelle. Celle qui contribue, quoi qu’on en dise, compétition, tu devais lâcher prise et me à l’excellence collective d’un sport individuel donner les rênes. Je devais créer les condicomme la natation. D’autant que celui qui tions optimales pour que mon corps s’exavance l’argument [l’entraîneur Fabrice Pelle- prime. Poser une hypothèse ensemble, gérer rin, lire ci-contre] accueille dans son groupe l’incertitude à deux, pour pouvoir bâtir et d’entraînement plusieurs nageurs étrangers avancer. C’était ma principale source de mode niveau international. D’autant aussi que tivation. Une fois la sentence du chrono protout cela ne répond pas à la véritable ques- noncée, certains disent qu’il faut «laisser tion : comment se fait-il que la relation en- mourir» la médaille pour que la relation retraîneur-entraîné souffre après un succès prenne. Redéfinir les rôles, les tâches et les sportif, alors qu’on s’attendrait au contraire prérogatives de chacun dans un environneà ce qu’elle en ressorte renforcée ? ment qui a inévitablement changé. Comme en amour, cette relation ne dure que Yannick a choisi de se servir de son titre tant qu’il reste une partie à conquérir. Au dé- comme d’un tremplin pour la suite de sa carbut, je t’accorde ma foi. Tu es celui qui sait, rière sportive, son épanouissement personnel l’entraîneur. Moi, celui qui apprend. Mais dès et intellectuel. Cela signe plus l’échec d’une les premiers déboires en compétition, je réa- relation que le mauvais choix de l’un ou lise que toi non plus, tu n’es sûr de rien. Cela l’inexpérience d’un autre. Parions que Fane peut donc fonctionner juste à la foi, il faut brice Pellerin, qui encourage ses nageurs à collaborer. Tant mieux, car c’est dans cette choisir et décider, saura surmonter l’ameraventure humaine que je puise ma motiva- tume de cette séparation. • tion. Gagner progressivement la confiance Roxana Maracineanu, exchampionne du monde, de l’autre. S’engager ensemble sur un che- est consultante pour France Télévisions. FRANCE TÉLÉVISIONS Fabrice Pellerin et Yannick Agnel, en 2010, à Nice. • REPÈRES Les championnats du monde de natation débutent dimanche au Palau Sant Jordi, à Barcelone. Quatre titres sont au programme à partir de 18 heures: 400m nage libre messieurs, 400m nage libre dames, ainsi que les deux relais 4x100m, masculin et féminin. Yannick Agnel, 21 ans, sera finalement accompagné à Barcelone par le Colom bien Fernando Canales, adjoint de Bob Bowman, le patron de l’équipe des Etats Unis. Le double champion olympique de Londres avait quitté il y a deux mois son club de Nice pour Baltimore. Initialement engagé sur les relais tricolores, il s’alignera aussi sur 200m nage libre. 10 «Les choses vont bien, il est bronzé, décontracté. Il travaille très dur, j’ai vu des séances difficiles et, surtout, il a envie de nager.» LES MONDIAUX C’est l’objectif du nombre de médailles, dont deux en or, qu’espère atteindre Lionel Horter, directeur technique national de l’équipe de France. Lionel Horter directeur technique national, à propos de Yannick Agnel à Baltimore 18 • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 SPORTS 12 euros C’était la somme à débourser pour voir s’entraîner le ParisSaintGermain, vendredi aprèsmidi, au Gamla Ullevi Stadium de Göteborg: une idée de la société qui organise le match amical de samedi soir entre le ParisSG et le Real Madrid. Une ristourne de 50% (6 euros, donc) est prévue pour les détenteurs de billets pour le match luimême, billets vendus entre 60 et 110 euros pièce. Du racket, le match étant sans enjeu. TENNIS Suspendu dixhuit mois pour avoir refusé une prise de sang lors d’un contrôle antidopage, le Serbe Viktor Troicki (53e joueur mondial) affirme qu’il avait l’accord du médecin chargé du prélèvement. «J’ai expliqué au docteur que je me sentais déjà très faible et il m’a expliqué qu’il pouvait dès lors se satisfaire d’un prélèvement urinaire», a affirmé le joueur. FOOT Le président de l’Olympique lyonnais, JeanMichel Aulas, s’est retrouvé enfermé dans le stade Gerland à l’issue du Lyon-Real Madrid (2-2) amical de mer- credi, selon le Progrès. Il a carrément passé un coup de fil à la mairie pour qu’on le sorte de l’enceinte. «Et dire qu’on se demande encore pourquoi je veux un nouveau stade», en a-t-il plaisanté après coup. VOILE Le skippeur de Groupama, Franck Cammas, et son équipage ont remporté vendredi l’ultime étape au large du Tour de France à la voile entre la Seyne-sur-Mer (Var) et Marseille. Si Cammas est assuré de la victoire finale, les derniers parcours techniques, samedi, décideront du reste du podium. La Lotus de Kimi Räikkönen, vendredi lors des essais libres, sur l’Hungaroring, près de Budapest. PHOTO PETR DAVID JOSEK.AP GrandPrixdeHongrie: lesLotusenbonneposition «Tout le monde exige des directs concernant les championnats du monde d’athlétisme handisports [organisés à Lyon, FORMULE 1 Avec la chaleur et la confiance retrouvée, Räikkönen et du 19 au 28 juillet, ndlr] et peu de monde regarde […]. C’est vrai que la presse écrite et Grosjean semblent bien placés pour inquiéter Vettel ce week-end. les radios n’ont pas envoyé grand monde.» LES GENS AU BARÇA, GERARDO «TATA» MARTINO À LA MERCI DE MESSI ? L’arrivée de l’entraîneur Gerardo «Tata» Martino au FC Barcelone ne risque pas d’amoindrir l’influence de Lionel Messi dans la maison blaugrana: c’est ce qui res sort de la conférence de presse de présentation du coach argentin, vendredi. «Messi a joué à plusieurs posi tions ces dernières années, et comme avantcentre il a exploité un rôle de buteur, a détaillé Martino. Il continuera à jouer exactement dans la même position. L’idéal serait d’avoir une équipe qui continue à lui apporter toutes les options et qu’il se sente à l’aise, et après il fera le reste.» Proche du père de la star, Martino avait expliqué mardi «n’avoir aucun doute sur le fait que Messi ait parlé aux dirigeants du club» pour favoriser son embauche quand Tito Vilanova a passé la main la semaine dernière. Il a rétropédalé vendredi: «Ni le père de Messi ni Messi ne sont responsables de ma venue.» PHOTO REUTERS équipe Lotus-Renault s’avance comme la grande favorite du Grand Prix de Hongrie qui se dispute ce week-end sur le tourniquet de l’Hungaroring dans les faubourgs de Budapest. Les deux pilotes de la formation anglaise, le Finlandais Kimi Räikkönen et le Franco-Suisse Romain Grosjean, restent sur une belle performance lors du Grand Prix d’Allemagne, où ils se sont classés deuxième et troisième, dans le sillage de la Red Bull-Renault de Sebastian Vettel qui, pour une fois, est restée sous la menace des monoplaces noir et or durant toute la course. Accessits. Voir l’écurie Lotus, actuelle quatrième du championnat des constructeurs, dans une position aussi flatteuse n’est pas une surprise. Depuis deux saisons, Lotus flirte avec les accessits, remportant même deux victoires (Abou Dhabi 2012 et Australie 2013) grâce à Kimi Räikkönen et l’étonnante capacité de la monoplace anglaise à ne pas martyriser ses pneus, tandis que la concurrence souffre dans ce domaine. Alors que le manufacturier Pirelli a souvent été montré du doigt depuis le début de la saison, surtout après les multiples L’ incidents et éclatements lors du Grand Prix de GrandeBretagne, les pilotes et les techniciens de Lotus ne se sont jamais plaints de leurs gommes, parvenant même à les faire fonctionner lorsque les Italiens de Pirelli sont revenus à des solutions plus «conservatrices» pour des raisons de sécurité. Ce week-end, les pilotes vont enfin disposer des pneus définitivement modifiés, soit un mélange de gommes millésimé 2013, mais reprenant le mode de construction et de structure type 2012, plus éprouvée. Là encore, après quelques essais sur la piste la semaine dernière à Silverstone, les ingénieurs de Lotus sont confiants et un autre paramètre, qui n’a rien à voir avec la technique, renforce ce sentiment : des températures caniculaires sont attendues en Hongrie. Fournaise. Or, les Lotus de Räikkönen et de Grosjean ne sont jamais aussi à l’aise que dans la fournaise. Elles présentent la particularité de ne pas trop user leurs pneus et de pouvoir ainsi prolonger leur relais tout en gardant un niveau de performance satisfaisant. Il y a un an, les deux pilotes de l’écurie managée par le Français Eric Boullier avaient déjà trusté le podium en compagnie du vainqueur d’alors, l’Anglais Lewis Hamilton. Sur un tracé court (4,381 km) et tortueux (14 virages), et malgré les artifices à la disposition des pilotes pour leur faciliter les dépassements – le Kers qui GP DE HONGRIE Hungaroring à Budapest, dimanche à 14 heures (heure française) 4,381 km Longueur tour Nombre de tours Course 70 306,63 km Vainqueur Lewis Hamilton (McLaren) 2012 Source : Reuters Patrick Montel journaliste à France Télévisions, s’alarmant sur Twitter des faibles audiences (0,5% de part de marché mercredi, soit 95000 personnes) des Mondiaux sur France 4 apporte un surcroît de puissante pendant six secondes par tour et le DRS qui réduit la traînée aérodynamique, augmentant ainsi la vitesse de pointe dans les phases de dépassements –, doubler s’avère toujours délicat et risqué sur l’Hungaroring. Un peu comme à Monaco, où la charge aérodynamique est d’ailleurs assez similaire, l’objectif de tous les pilotes y est de réussir la meilleure qualification possible. La stratégie de l’équipe Lotus sera donc de placer ses pilotes en embuscade derrière ceux de la formation Mercedes (Lewis Hamilton et Nico Rosberg) donnés comme les favoris des qualifications, mais handicapés par l’usure excessive de leurs pneus en course, et notamment devant la Red Bull-Renault, qui reste malgré tout la meilleure monoplace du plateau, surtout avec Sebastian Vettel au volant. Lotus pourrait toutefois être confrontée en course à un nouvel adversaire avec le possible retour en forme de la Scuderia Ferrari, qui devrait aussi gagner en efficacité grâce aux nouveaux pneus Pirelli. Mais l’écurie italienne a jusque-là toujours eu du mal en qualification… LIONEL FROISSART JEUX-MÉTÉO SUDOKU MOYEN 1 3 7 6 8 4 3 9 1 6 8 T C R V A 2 9 6 1 6 C 7 2 4 V T R 3 SUDOKU I R E 3 4 S 7 5 1 2 T E V C V 2 E A C I A U V R MOT CARRÉ 4 5 3 8 9 1 2 6 7 A B H D N C U E O 7 8 2 6 3 4 5 1 9 U D E O A H B C N 6 1 9 2 5 7 3 4 8 O N C U E B A H D 1 6 8 3 4 9 7 2 5 C H B N D E O A U 2 4 7 5 8 6 9 3 1 D O U C H A N B E 3 9 5 1 7 2 6 8 4 E A N B O U H D C 9 2 4 7 1 3 8 5 6 N E O A B D C U H 8 3 1 9 6 5 4 7 2 H C A E U N D O B 5 7 6 4 2 8 1 9 3 B U D H C O E N A SAMEDI L’APRÈS-MIDI Le temps restera très agité au nord avec des orages nombreux et parfois violents. Temps chaud et ensoleillé au sud et à l'est. 0,6 m/17º Lille 0,3 m/16º Caen Paris Strasbourg Brest Orléans Dijon Nantes 0,1 m/19º Lyon Limoges 0,3 m/21º Bordeaux 0,1 m/24º Toulouse Nice Montpellier Marseille Ajaccio 1 m/25º 0,3 m/26° FRANCE MIN/MAX 16/29 14/26 14/20 15/28 19/31 19/31 23/31 Lille Caen Brest Nantes Paris Nice Strasbourg FRANCE MIN/MAX SÉLECTION 20/36 16/35 13/36 19/34 23/35 19/32 24/31 Alger Bruxelles Jérusalem Londres Berlin Madrid New York Dijon Lyon Bordeaux Ajaccio Toulouse Montpellier Marseille Des ondées orageuses pourront se produire sur le sud Bretagne. Des Pyrénées au nord-est, les orages seront parfois violents. Lille 0,3 m/17º 0,3 m/16º 1 m/16º Caen Caen Paris Strasbourg Brest Paris Orléans Dijon Nantes Dijon Nantes 0,3 m/21º 1,5 m/21º Lyon Lyon Bordeaux Bordeaux 0,3 m/24º 0,3 m/24º Toulouse Nice Montpellier Toulouse Marseille Directeurs adjoints de la rédaction Stéphanie Aubert Sylvain Bourmeau Eric Decouty François Sergent Alexandra Schwartzbrod Directrice adjointe de la rédaction, chargée du magazine Béatrice Vallaeys Rédacteurs en chef Christophe Boulard (technique) Gérard Lefort Françoise-Marie Santucci (Next) Directeurs artistiques Alain Blaise Martin Le Chevallier Rédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois (édition) Jacky Durand (société) Olivier Costemalle et Richard Poirot (éditions électroniques) Jean-Christophe Féraud (éco-futur) Luc Peillon (économie) Nathalie Raulin (politique) Mina Rouabah (photo) Marc Semo (monde) Bayon (culture) Sibylle Vincendon et Fabrice Drouzy (spéciaux) Pascal Virot (politique) Directeur administratif et financier Chloé Nicolas Directrice de la communication Elisabeth Laborde Directeur commercial Philippe Vergnaud [email protected] Directeur du développement Pierre Hivernat ABONNEMENTS Marie-Pierre Lamotte 03 44 62 52 08 [email protected] abonnements.liberation.fr Tarif abonnement 1 an France métropolitaine : 371€. PuBLICITÉ Directeur général de Libération Médias Jean-Michel Lopes Tél. : 01 44 78 30 18 Libération Medias. 11, rue Béranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 68 Amaury médias 25, avenue Michelet 93405 Saint-Ouen Cedex Tél.01 40 10 53 04 [email protected] Petites annonces.Carnet. Strasbourg Brest Orléans 04 91 27 01 16 24/29 19/29 19/34 18/24 24/32 18/29 18/29 Ciel restant changeant au nord avec des averses et un léger risque orageux. Plus lumineux sur la moitié sud. Lille 0,1 m/17º MIN/MAX LUNDI DIMANCHE LIBÉRATION www.liberation.fr 11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARL Libération SARL au capital de 8726182 €. 11, rue Béranger, 75003 Paris RCS Paris : 382.028.199 Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. Cogérants Nicolas Demorand Philippe Nicolas Associée unique SA Investissements Presse au capital de 18 098 355 €. Directoire Nicolas Demorand Philippe Nicolas Directeur de la publication Nicolas Demorand Directeur de la rédaction Fabrice Rousselot Qui permeent la guérison. LE MATIN Violente dégradation orageuse du centre-ouest jusqu'au bassin parisien avec d'intenses averses et un risque de violentes rafales. [email protected] Contact: Tél: 01 40 10 51 66 E S 1 6 9 Nice Montpellier Marseille IMPRESSION Cila (Héric) Cimp (Escalquens) Midi-print (Gallargues) Nancy Print (Nancy) POP (La Courneuve), Imprimé en France Tirage du 26/07/13: 142 203 exemplaires. Membre de OJD-Diffusion Contrôle. CPPP:1115C 80064.ISSN0335-1793. 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TEL : 06 78 99 25 40 [email protected] Contact: Tél: 01 40 10 52 11 PRESSE ENTRE NOUS [email protected] Contact: Tél: 01 40 10 51 66 Un été numérique Les cycles d'août Du 29 juillet au 16 août 2013 Trois semaines pour découvrir un métier ou préparer une reconversion. • Secrétariat de rédaction print et Web du 29 juillet au 14 août 2013 • Les outils de la PAO du 29 juillet au 16 août 2013 Dernières places disponibles Un été numérique Les ateliers d'août Du 19 au 30 août 2013 Les bases de la réalisation vidéo Les outils et la pratique du journalisme multimédia Améliorer la qualité de ses écrits Se lancer dans la pige Les nouveaux outils et supports de la communication associative Cinq ateliers pour s'exercer aux outils et techniques des métiers de l'information. 7, rue des Petites Écuries Paris 10e 7, rue des Petites Écuries Paris 10e 01 53 24 68 68 - www.emi-cfd.com 01 53 24 68 68 - www.emi-cfd.com Retrouvez nos annonces emploi JOUR DE FÊTE Pt'être juste des enfants du Paradis. 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Mardi, il jouait déjà à Marseille, où sa vitalité faisait plaisir à entendre, tout comme celle du rafraîchissant trio féminin ACS qui le précédait. LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 Par DOMINIQUE QUEILLÉ Envoyée spéciale à Marseille Photos JULIE ROCHEREAU O Wayne Shorter, sur scène, à Marseille. Et le trio ACS. De gauche à doite: Geri Allen (piano), Esperanza Spalding (contrebasse) et Terri Lyne Carrington. CULTURE Brian Blade – ne manquent pas de répartie, stimulés par l’audace de leur leader. Une circulation sans faille, entre amorces suggérées pour tremplin de grâce, instants en suspens et vifs retours. Bien que parfois complexe dans ses explorations, le quartet réussit à imposer le silence dès les premières notes, côté cour de la scène à ciel ouvert, perchée sur les hauteurs des jardins du palais Longchamp où l’on dîne sous les ombrages. n peut le classer dans le top cinq des saxophonistes de tous les temps, que Stan Getz portait aux nues en ces termes : «Wayne Shorter est le plus grand compositeur du jazz depuis la mort de Duke Ellington.» Des qualités qui n’ont pas échappé à Art Blakey et à Miles Davis. A l’aube de ses 80 ans, qu’il fêtera le 25 août, Wayne Shorter, légende vi- BANDE DESSINÉE. «Comme je le dis souvante de l’histoire du jazz, refuse tou- vent, nous ne faisons guère de répétitions jours la routine. Le saxophoniste du avant de jouer. Nous sommes dans une mythique second quintet de Miles Da- quête perpétuelle, la musique doit nous vis dans les années 60 (complété alors questionner et nous inciter à prendre des par Herbie Hancock, Ron Carter et risques», confie quelques instants avant Tony Williams) en a fait une démons- sa montée sur scène le compositeur, qui tration éblouissante, mardi, au festival a accepté au pied levé un bref entretien. Jazz des cinq continents à Marseille où, Quelques minutes qu’il étire de bon gré avec son quartet, il a à nouveau prouvé avec, comme dans sa musique, des qu’il avait du souffle dans les idées. écarts en direction d’autres passions, Une date spéciale que cette étape dans comme le cinéma ou la bande dessinée. la «capitale européenne de la culture», Et aussi des fictions: «Ce sont des récits comme le sera celle de ce samedi à pour la jeunesse que les adultes dévorent. Marciac, dans le Gers où Wayne Shorter Dans le dernier que j’ai lu, il est question est attendu pour ce tour anniversaire en d’arrêter la technologie. Les contes de fées compagnie de trois instrumen- De son dernier album Without a Net tistes féminines majeures en pre- (Sans filet), Wayne Shorter révèle que le mière partie : le titre lui a été inspiré par l’actrice Vonetta trio ACS, com- McGee, figure de la Blaxploitation. posé de la pianiste Geri Allen, de la contrebassiste Espe- doivent appartenir à la réalité», dit-il. ranza Spalding et de la batteuse Terri De son dernier album Without a Net Lyne Carrington. (Sans filet), Wayne Shorter révèle que Après une balance studieuse et com- le titre lui a été inspiré par l’actrice Voplice qui promet, puis une séance coif- netta McGee, figure de la Blaxploitafure, le trio retrouve le saxophoniste le tion : «Après l’un de nos concerts, Votemps d’une pose photo de groupe. On netta, que je connaissais depuis ses 15 ans entendra Wayne Shorter un peu après et pour laquelle Miles et moi avions écrit préciser au micro de FIP que le plus im- le thème Vonetta [extrait de l’album The portant pour lui n’est pas la célébration Sorcerer de 1967, qui n’a pas pris une de son anniversaire, mais l’occasion de ride, ndlr], était venue nous saluer et donner à entendre la qualité de ce trio nous a dit: “Vous jouez vraiment sans fiqui excelle dans un domaine toujours let !” Elle est décédée quelques semaines dominé par le genre masculin. D’une après.» indéniable fraîcheur et vivacité, les Quant au répertoire de la soirée martrois musiciennes et compositrices qui seillaise, il confirme des approches de ne s’étaient réunies qu’une fois aupara- cet album paru chez Blue Note en févant autour du projet de Terri Lyne vrier, ce qui lui permet au passage un Carrington, The Mosaic Project, offrent jeu de mot entre «Without a Net» et effectivement un long set passionnant, «Without Ornette» [Coleman, ndlr] dédié au saxophoniste, à travers ses dans un grand éclat de rire. «Mais on compositions, dont Mysterious Traveller, jouera aussi des morceaux du prochain Nefertiti et Virgo. Belle entrée en ma- que l’on a déjà réalisé avec un orchestre de tière. chambre de New York. Sa particularité, il n’y a pas de chef d’orchestre !» conFEU FOLLET. Motivé par ce goût immo- clut-il. Une aventure qui ne pouvait déré pour l’instantanéité, le saxopho- manquer de séduire ce funambule, imniste alto et soprano, cofondateur de provisateur hors pair qui déclarait, il y Weather Report avec Joe Zawinul, réus- a huit ans : «Au diable, les règles. J’ai sit encore à surprendre ses comparses 71 ans, je n’ai rien à perdre maintenant : malgré une connivence développée sur je pars pour l’inconnu.» • plus de dix années. Il est vrai que les trois acolytes –le subtil Panaméen Da- WAYNE SHORTER QUARTET nilo Perez au piano, le solide Californien et LE TRIO ACS en concert d’origine italienne, John Patitucci à la à Jazz in Marciac, ce samedi à 21 heures. contrebasse, et le feu follet batteur http://www.jazzinmarciac.com • 21 Echos de combats pour l’égalité raciale au festival Jazz des cinq continents. Marseille sous le signe de la lutte P as de doute, le festival Jazz des cinq continents porte bien son nom. Cette année, ses couleurs alignaient toutes les nuances géographiques de la blue note, d’Est en Ouest en passant par les suds, sans oublier le bleu local. Des variations timbrées de l’épatante Coréenne Youn Sunnah qui bouscule la donne vocale, aux historiques Afro-Américains Wayne Shorter et Archie Shepp. Autre légende du jazz, le saxophoniste, compositeur, chanteur et poète engagé Archie Shepp, né en 1937 en Floride, recréait, après Châteauvallon et la Villette, son Attica Blues, œuvre politique grandiose embrasant tout le spectre de la Great Black Music, créée en 1972 à la suite des émeutes survenues à la prison de New York, où 39 personnes furent tuées. «Ce n’était pas des émeutes, préciset-il, mais une rébellion face aux terribles conditions de détention.» Une mutinerie qui survient juste après le meurtre du Black Panther George Jackson à la prison de San Quentin. Historique. Quarante ans plus tard, Shepp réalise un de ses rêves : redonner vie à son Attica Blues avec un nouveau big band de 25 musiciens dont quatre instrumentistes de la région (tel Raphaël Imbert) avec, au chant, Claudine Amina Myers présente à l’origine en 1972, la Marseillaise Marion Rampal, Cécile McLorin Salvant et Archie Shepp, lui-même, blues boy depuis l’enfance. Sous la conduite du trompettiste et arrangeur Jimmy Owens, un autre historique est aussi de la partie, le batteur Famoudou Don Moye de l’Art Ensemble of Chicago, lui-même néo-Marseillais. Cuivres, cordes, chœurs traversent à l’unisson spirituals, free, swing, échos ellingtoniens, funk, soul, blues. Jusqu’à The Cry of My People, en point d’orgue, extrait de l’album sorti l’année suivante en 1973, propulsé ici à la trompette par Stéphane Belmondo et repris suavement par Archie Shepp. Une soirée tout en magie à laquelle est venue assister la ministre de la Justice, Christiane Taubira, déci- dément assidue des concerts de jazz, de passage pour la signature de vingt contrats emplois-jeunes. En cette soirée placée sous le signe de la lutte pour la liberté, la garde des Sceaux y salue le trompettiste sud-africain Hugh Masekela en fin de première partie, qui vient de faire danser les jardins du palais Longchamp avec son hymne à Nelson Mandela, écrit au temps de l’apartheid, Bring Him Back Home, en lui confiant avoir souvent participé à des manifs pour le leader de l’ANC. Albumopéra. Pour ajouter encore du sens au son, était également présenté dans le cadre du cycle d’expositions, de rencontres et de projections, «Alcajazz», le documentaire The Sound Before the Fury, réalisé par Martin Sarrazac et Lola Frederich, suivi d’un débat en présence de Shepp. La salle est comble en cette fin d’après-midi à la veille du concert. L’émotion est palpable à la fin de la projection du film qui met en parallèle, avec des séquences d’archives, les événements d’Attica et le processus de (re)création du chef-d’œuvre de Shepp. Son arrivée dans la salle de l’Alcazar, la bibliothèque de Marseille, provoque une standing ovation. Le musicien, passeur et témoin, est venu contextualiser cet album-opéra pluriel dont on fête le 40e anniversaire. Pendant le festival – qui s’achève ce samedi–, les nuits raccourcissent; après les rendez-vous du soir sur les hauteurs du palais Longchamp, une descente quotidienne s’impose direction le Vieux-Port et la Criée. Dans le théâtre national, se déroulent les afters (jusqu’à 3 heures du matin) où les musiciens se retrouvent pour des jams animées. Une aubaine qui a permis une séance de rattrapage pour Guillaume Perret & Electric Epic qui essuyait (avec Chick Corea) la seule annulation de l’édition 2013, pour cause de violents orages. D.Q. (à Marseille) Festival Jazz des cinq continents Marseille (13). Jusqu’à ce samedi, avec Meshell Ndegeocello, George Benson. En partenariat avec 22 • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 CULTURE HÉRITAGE Le barde retrouve le Bagad Kemper au festival de Cournouaille. Dan Ar Braz, bain de Celtes à Quimper DAN AR BRAZ et L’HÉRITAGE DES CELTES Samedi à 21 h 30, au Festival de Cornouaille à Quimper (29). Rens.: www. festival.cornouaille.com l y a quelques jours, Dan Ar Braz recevait un SMS sibyllin de son vieux complice Alan Stivell : «Ce soir je dors à Kermoor.» C’est le nom de l’hôtel de Bénodet, dans le Finistère, où les deux musiciens se sont rencontrés, en juillet 1967. Une plaque mériterait de rappeler ce moment, pierre blanche dans l’histoire de la musique bretonne. Laissons le guitariste raconter : «J’avais 18 ans, j’étudiais à l’école hôtelière et j’étais en stage d’été. A l’époque, le festival de Cornouaille organisait des miniconcerts sur la côte pour sensibiliser les touristes. Un midi, Alan Stivell est venu avec sa harpe. Stupéfait, j’ai compris brusquement le lien entre les musiques que j’aimais, Dylan, Donovan, Simon&Garfunkel, et ma propre culture celtique. Ce jour-là, les plats sont arrivés froids sur les tables.» Né à Quimper, Dan Ar Braz (Daniel Le Bras pour l’état civil) a toujours connu le festival de Cornouaille, créé en 1923. «Quand j’étais enfant, nous assistions en famille au défilé du dimanche. J’étais intrigué et émerveillé par les sons, les costumes, même si la cornemuse m’était déjà familière. Nous vivions dans le quartier du Moulin vert qui avait son propre bagad [formation musicale bretonne, ndlr], que j’ai souvent entendu répéter et jouer.» Pleintemps. Avec sa solide réputation de gratteux, Dan Ar Braz rejoint Alan Stivell pour ses concerts en Bretagne, puis intègre sa formation à plein-temps. Le jeune Finistérien prend ainsi part au fameux concert du 28 février 1972 à l’Olympia, qui fait de Stivell une rock star. La mode bretonne dure une décennie. Dans les années 80, elle ne mobilise plus le reste de la France. «C’est une décennie d’exil pour moi», commente Dan Ar Braz. Il part en Angleterre rejoindre Fairport Convention, fer de lance du folk britannique, joue aux EtatsUnis. «Au début des an- I La nacelle transformée en cathédrale d’acier d’Ali Salmi et de ²la compagnie Osmosis. PHOTO MICHEL WIART ARTS DE LA RUE La cité bourguignonne héberge jusqu’à dimanche la 27e édition d’un festival où la pyrotechnie tient son rang. Chalon brûle-t-il? CHALON DANS LA RUE Jusqu’à dimanche, www.chalondanslarue.com ous repartez avec un truc dans l’œil, un voyage immobile» : le présage de la compagnie 2 rien merci pourrait servir de clap final à la 27e édition de Chalon dans la rue. Avec près de 200 propositions de théâtre, danse, musique, art contemporain, cirque, marionnette (ou tout cela à la fois), difficile d’éviter les loupés –ils font d’ailleurs partie du jeu: «Nous prenons des risques considérables en programmant dix-huit créations, parfois portées par des compagnies émergentes», insiste Pedro Garcia, à la tête du festival in. Le blasé est ici une espèce rare. Jusqu’à dimanche, de la coulée verte aux Prés-Saint-Jean, la cité bourguignonne s’agrandit de nouveaux sons et mouvements. Sur les façades disparues, affiches et flyers invitent à découvrir un fakir burlesque, un tuning de céramiques et manipulations (le collectif Aïe Aïe Aïe) et même un Match à la vie à la mort. Chemin faisant vers le premier, vous croisez un scripteur de sable néerlandais, des infirmières espagnoles barrées puis de percutants jockeys bleu et jaune: voici la fanfare Transe Express qui sert d’escorte… Grue. Cette année, Chalon dans la rue joue la carte de l’impression rétinienne. Installation de feu in situ avec la compagnie Doedel et son déluge de flammes, nacelle illuminée de projecteurs faite cathédrale d’acier d’Ali Salmi, marionnette pyrotechnique géante de la compagnie L’homme debout. «C’est l’une des couleurs de la programmation de cette année, observe Nadège Gauthier, responsable du off. Plusieurs propo- «V sitions présentent un aspect visuel percutant.» La thématique 2013 du in, Chalon dans les airs (un comble, pour un festival de rue) suggère le grand spectacle. On découvre les artistes sur un fil (avec la fougueuse compagnie Rasposo amenée par la funambule Marie Molliens), mais aussi, moins attendu, perchés dans les arbres (la compagnie Studio Eclipse avec Fallen Thoughts), à flanc d’immeuble (Flat, de Rodrigo Pardo) ou sur une grue. Léger? «Je ne le crois pas», réplique Pedro Garcia. Directeur de L’Abattoir, centre national des arts de la rue, il œuvre à l’année pour ce «parent pauvre» de la politique cultu- conceptrice de la proposition. Puis on identifie l’artiste qu’on prenait peut-être pour un fou. On s’en rapproche.» Une part du public raccroche. «Le théâtre ne débute ni avec un plateau ni avec les comédiens, mais avec le regard du public», poursuit la metteure en scène néerlandaise. Déglingos. Réduire la distance acteurs-spectateurs, c’est aussi l’un des objectifs de la compagnie 2 rien merci. Avec sa barraque Moulinoscope, elle invite à la lenteur et au confinement pour un voyage onirique vers l’âge d’or forain. «Une manière de prendre de la distance par rapport à l’agitation et de créer une respiration commune», explique Yann Servoz, codirecteur artistique. En grou«Le théâtre ne débute ni avec un pes, les spectateurs péplateau ni avec les comédiens, nètrent, guidés par des mais avec le regard du public.» forains déglingos, dans Lotte Van den Berg conceptrice néerlandaise une roulotte encombrée de curiosités ciné-mérelle, qui bénéficie de 1,2% seule- caniques avant de rejoindre un chament du budget de la direction piteau lilliputien. L’expérience engénérale de la création artistique. tend «s’inscrire au-delà du temps du «Les arts de la rue sont toujours guet- spectacle», selon ses concepteurs. tés par le récréatif. Ça fait pourtant Un souvenir tenace que laissera vingt ans qu’ils luttent pour dire qu’ils aussi Above Under in Between, persont tout autre chose, à l’image cette formance décalée, créée en 2007 année de l’Envolée chromatique, par le chorégraphe autrichien Willi opéra urbain monumental, ou de la Dorner. Sept corps colorés, faussecompagnie Doedel.» ment maladroits, s’imbriquent pour A contre-pied de cette dimension un jeu de Tétris grandeur nature. spectaculaire, l’unique interprète de Trio de têtes coincées dans une la performance Agoraphobia se fond chaise, chutes en tabouret, roulades dans la foule. Un dispositif télépho- sous une table: les danseurs s’applinique sert d’entrée en matière. Les quent à des contre-performances spectateurs connectés entendent aussi incongrues que milliméune voix au bout du fil : celle d’un trées. Une absurdité drolatique, un marginal soliloquant qu’incarne le clin d’œil invitant à repenser les comédien, traînant sa valise à tra- contraintes des gestes du quotidien. vers la place. «Au début, chacun est Envoyée spéciale à Chalon seul avec son téléphone, instrument de (Saône-et-Loire) l’intime, analyse Lotte Van den Berg, CHRISTELLE GRANJA nées 90, j’ai senti un frémissement, un retour aux racines qui remettait notre musique à l’honneur.» En 1991, le festival de Cornouaille, encore lui, suscite la rencontre entre le groupe de Dan Ar Braz et le Bagad Kemper, ensemble de cornemuses, bombardes et percussions. Le succès débouche, un an plus tard, sur un concept plus élaboré avec l’arrivée de voix du Pays de Galles et d’Irlande. L’Héritage des Celtes était né. «Jacques Bernard, le directeur du festival, était si enthousiaste qu’il a cassé sa tirelire pour nous envoyer enregistrer à Dublin, poursuit le musicien. Sony nous a rejoints ensuite, mettant à notre disposition sa machine promo.» Le disque se vend à des dizaines de milliers d’exemplaires, les concerts réunissent un public grandissant: des Zéniths, on passe aux stades. Atome. En 1996, l’Héritage représente la France au concours Eurovision à Oslo. Un détour dans le monde de la variété que Dan Ar Braz est loin de renier. «C’est le sommet de ma carrière artistique, dit-il. J’ai réuni Irlandais, Gallois, Ecossais et Bretons autour d’un projet européen.» Mais un élément du scénario a échappé à tout le monde. Quelques mois avant le concours, la France achève ses essais nucléaires dans le Pacifique Sud, se mettant à dos la communauté internationale. «On a oublié le climat d’hostilité qui régnait à l’époque, souligne le guitariste, en particulier en Scandinavie. Nous étions traités en pestiférés.» Chantée en breton, Diwanit Bugale prend la 11e place. Après deux Nuits de la saint Patrick au Stade de France en 2004 (90 000 spectateurs), l’Héritage se met en sommeil et Dan Ar Braz revient à l’intimisme. Avant de retrouver le «gros son» des cornemuses avec Celebration, en 2012. Samedi, il fêtera les 20ans de l’Héritage des Celtes là où tout a commencé, à Quimper, entouré du Bagad Kemper, de Gilles Servat, de la grande voix d’Ecosse, Karen Matheson, et de quelques nouveaux venus. FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 CULTURE • SOUL Arte raconte la concurrence des deux emblèmes de la musique noire américaine des années 60. Motown-Stax, la rivalité des labels SOUL POWER! THE GOLDEN YEARS (2/4) Arte, samedi à 22h30. ne nouvelle fois, le Sud affronte le Nord. D’un côté, la maison Stax, installée dans un cinéma désaffecté de Memphis, Tennessee. De l’autre, dans la capitale automobile Detroit, le label Motown. Les deux maisons produiront l’essentiel de la musique noire américaine des années 60 et l’exporteront dans le monde entier. Auparavant, la musique des Afro-Américains dépassait rarement les frontières de la communauté. Il y avait des radios et des magasins de disques pour les Noirs et l’hebdomadaire professionnel Billboard classait les ventes de cette musique sous l’étiquette de «race records» ! Cette «musique de race» n’intéresse guère les gros labels, qui abandonnent le terrain aux studios régionaux. Chess, fondé à Chicago par les frères Chess, Juifs arrivés de Pologne dans les années 20, fait exception en enregistrant du jazz, puis du blues et du proto rock’n’roll, avec Chuck Berry notamment. Et diffusent à travers les Etats-Unis les productions blacks d’un petit Blanc du Tennessee, Sam Phillips, à la tête des studios Sun de Memphis. Phillips a l’intuition que si un Blanc prend à son compte cette musique furieusement nouvelle, il touchera le jackpot. La réponse sera Elvis Presley, mais c’est une autre histoire. Poulains. Les années 60 voient les musiques noires interprétées par des Noirs devenir extrêmement populaires dans l’Amérique du combat pour les droits civiques et des sermons enflammés du pasteur Martin Luther King. Même si ces artistes ont rarement un discours militant. A Detroit, le compositeur Berry Gordy U travaille pour Jackie Wilson et ne comprend pas pourquoi il touche des sommes misérables pour des tubes qui passent sans arrêt à la radio. Il décide de créer, en 1959, Tamla, sa propre maison de production, qui abritera bientôt d’autres étiquettes telles que Motown (contraction de Motor Town, surnom de Detroit), Gordy, Soul… Parmi ses premiers poulains figurent Smokey Robinson, avec son groupe The Miracles, Mary Wells et le son très léché de ses productions qui fait mouche. En 1961, il décroche son premier numéro 1 des ventes américaines avec le charmant Please M. Postman des Marvelettes. Aucun entrepreneur noir n’avait connu cet honneur avant lui. A Memphis, Jim Stewart et Estelle Axton, frère et sœur blancs, transforment le vieux cinéma Capitol en studio d’enregistrement. Leur premier 45 tours est un duo entre un ancien de chez Chess, Rufus Thomas, et sa fille de 17 ans, Carla : Cause I Love You. Le saxo de Rufus Thomas, Booker T. Jones, se met ensuite à l’orgue et compose des instrumentaux qui font danser dans toutes les surprise-parties, de l’Atlantique au Pacifique. Le son Stax est né. Avec Stevie Wonder, Marvin Gaye, les Supremes ou les Temptations côté Les Supremes, du label Motown: Florence Ballard, Mary Wilson et Diana Ross, 1965. PHOTO FRANCK DRIGGS. GETTY IMAGES sur le rock anglais et les post-yéyés français (Johnny Hallyday, Ronnie Bird, Noël Deschamps) s’en inspirent ouvertement. Les deux labels s’opposent aussi par la personnalité de leurs patrons : si Stewart et Axton se mêlent peu du travail en studio, Berry Gordy contrôle tous les aspects du busin e s s , L’influence de Stax est énorme jusqu’à sur le rock anglais et les postla couyéyés français (Johnny Hallyday…) leur des s’en inspirent ouvertement. costumes des Motown, et Eddie Floyd, choristes. Ses contrats sont Sam&Dave ou Otis Redding en outre des modèles d’arnapour Stax, ce sont deux es- que qui lient les artistes pour thétiques qui s’affrontent. des années. Florence Ballard, «Tandis que les disques de soliste des Supremes, a le Motown se font en grande par- malheur de s’en plaindre. tie sur la table de mixage, ceux Elle est virée au profit de de Stax sortent directement de Diana Ross et mourra dans la la pièce d’enregistrement», misère. Jimmy Ruffin abanrésume Marc Zisman dans donne les Temptations sans son ouvrage le Funk (1). L’in- trouver le succès en solo, les fluence de Stax est énorme Four Tops ont plus de chance SUMMER OF SOUL Samedi à 22h30: Soul Power! série documentaire pour revivre l’épopée soul de ses débuts à nos jours; Soul Night, concert enflammé avec Ayo, Ben l’oncle soul, Patrice, Alice Russell, Valérie June… Cet été, tous les week ends, Arte et Libéra tion vivent au rythme de la soul music. Dimanche à 20h45 Soirée «Black and Proud» Ali, de Michael Mann avec Will Smith; quand ils claquent la porte de Motown. Opacité. A la fin de la décennie, Stax perd de son emprise après la mort d’Otis Redding. Isaac Hayes, star montante, ne reste pas, critiquant l’opacité financière de la maison. Motown s’en sort mieux : les préoccupations de Marvin Gaye dans What’s Going On, sur la misère des ghettos et l’environnement, sont en phase avec les mouvements qui agitent l’opinion. La montée de Norman Whitfield, arrangeur surdoué, lui donne un coup de jeune, ainsi que le phénomène des Jackson Five. Mais plus aucune révolution noire américaine ne passera par ces labels : ni le funk, ni la disco, ni le rap. Qui, pourtant, doivent toutes quelque chose à la soul scintillante des années 60. FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ (1) «Le Funk, de James Brown à Prince», Librio, 2003. Palace of Soul, les années Soul Train, série documentaire qui compile les moments forts de l’émission culte «Soul Train». Vendredi soir, à 23heures, dans «Beach Party» de Georges Lang sur RTL, un extrait de la compil de l’été. • SUR LIBÉ.FR Gagnez des compils Summer of Soul 23 24 • LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 CULTURE «Les studios essaient d’atteindre l’audience la plus large possible et croient parfois qu’ils doivent simplifier l’histoire et multiplier les scènes d’action pour séduire le public non-anglo-saxon… Mais le public est plus malin.» DISPARITION La productrice Kathryn Arnold questionnée par l’AFP à propos des récents gros échecs commerciaux de blockbusters américains tels qu’After Earth, The Lone Ranger, Pacific Rim et, bonnet d’âne, RIPD Brigade fantôme, qui a généré 15 millions de dollars de recettes à ce jour (11,3 millions d’euros), pour un coût de 180 millions de dollars LE ZIMBABWE PLEURE LA CHANTEUSE CHIWONISO Londres sur ses ergots Depuis mercredi, un coq bleu de 4,70 mètres de haut trône sur le quatrième socle de Trafalgar Square. L’œuvre de l’artiste allemande Katharina Fritsch fait grincer les dents de quelques British: «cock», en anglais, désigne à la fois l’animal et le pénis dans un langage familier. Un jeu de mot qui est redoublé par l’ironique symbole gaulois à la couleur de l’équipe de foot française, qui fait tache sur la place célébrant la fameuse victoire de la flotte britannique sur Napoléon. Ça n’a pas gêné Boris Johnson, maire de Londres, qui a inauguré la sculpture avec le sourire. Natalie Portman bientôt derrière la caméra L’actrice oscarisée de 32 ans Nathalie Portman (Black Swan, V pour Vendetta) va passer de l’autre côté de la caméra en adaptant le récit autobiographique de l’écrivain israélien Amos Oz, A Tale of Love and Darkness, dans lequel elle tiendra également un rôle. Le livre traduit dans 28 langues a été vendu a plus d’un million d’exemplaires. Il raconte l’enfance d’Oz pendant les années 40, entre Jérusalem, l’Ukraine et la Lituanie. Israélo-américaine, Portman arrivera à Jérusalem dès septembre pour préparer le tournage, qui devrait débuter en janvier 2014. LES GENS ANDRÉ 3000 PLUS JIMI HENDRIX QUE NATURE À L’ÉCRAN On sait à quoi ressemblera André 3000 dans le biopic consacré à Jimi Hendrix, All By My Side. La première photo officielle a été publiée mardi sur le site du Festival de Toronto, où le film sera présenté en septembre. On y voit le chanteur d’Outkast incarner le «guitar hero» gaucher en pleine représentation, chemise fluo et perruque afro de rigueur. Janie, la sœur de Jimi Hendrix (à la tête de l’entreprise qui contrôle le catalogue de l’artiste), a refusé que les chansons de son frère soient utilisées dans le biopic. André 3000 devrait donc chan ter des reprises jouées par Jimi Hendrix à la fin des années 60. Une scène le montrerait interprétant notam ment Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band sur scène, pendant que les Beatles sont dans les loges. D’après le magazine Rolling Stone, le rappeur devrait également reprendre des tubes de Muddy Waters et Elmore James. Réalisé par John Ridley (le Prince de BelAir, New York 911), All By My Side tournera autour des débuts du rockeur, jusqu’à l’enregistrement de l’album Are You Experienced? à Londres en 1966. D.D.A. PHOTO DR L’acteur Paul Robeson dans le film Body and Soul, d’Oscar Micheaux. PHOTO PROD DB BO Accompagné d’un orchestre, le film muet de 1925 «Body and Soul» clôturera le Paris Jazz Festival. Images et sons filent l’harmonie A u Parc floral, le jazz et le cinéma s’accorderont pour clôturer le Paris Jazz Festival, dimanche soir à 21 heures. Sur la grande scène, Patrice Caratini et son orchestre joueront une bande originale créée à cette occasion pour le film muet afro-américain Body and Soul, d’Oscar Micheaux. Nées à la même époque, ces deux disciplines artistiques s’associent naturellement. Dans l’histoire du cinéma, beaucoup de réalisateurs ont sollicité des jazzmen pour composer leur bande originale, de l’Américain Otto Preminger, qui fait appel à Duke Ellington pour Autopsie d’un meurtre (1959), à Martial Solal qui imagine la musique de l’emblématique A bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard. Désormais, les cinéconcerts, en vogue aujourd’hui, perpétuent une tradition qui remonte aux origines du muet, quand la bande originale était jouée in situ. Stéphane Danchin, directeur artistique du festival parisien et instigateur du spectacle, remarque cependant que très peu de cinéconcerts optent pour un film noir. Dérangeant. Figure du cinéma afro-américain et réalisateur innovant, le talent d’Oscar Micheaux n’a réellement été reconnu qu’après sa mort. Son Body and Soul «a fait couler beaucoup d’encre» lors de sa sortie en 1925, raconte Stéphane Danchin. Dérangeant, il l’était pour sa scène de viol perpétré par un révérend ivrogne et escroc. Mais, surtout, les comédiens noirs n’y sont pas cantonnés aux traditionnels rôles de domestiques, comme l’exigeait la société ségrégationniste. Diffusé dans le sud des Etats-Unis, le film a été censuré et les copies «mutilées». On peut trouver sur découpage des séquences, les images d’Oscar Micheaux sous les yeux, le musicien a commencé par composer l’«ossature» du concert avec un piano accompagnateur. Puis il s’est isolé à la campagne pour donner chair aux morceaux de l’orchestre. Quoique cadré, le concert a toutefois sa part d’improvisation, jazz oblige. «Contrastes». Le chef d’orchestre insiste sur ce point : «Chaque soliste a une identité et sa Dans Body and Soul, les Noirs partie du discours.» L’orne sont pas cantonnés chestre joue en aux rôles de domestiques, continu et ce comme l’exigeait la société n’est pas le silence ni l’irségrégationniste. ruption d’un YouTube une vidéo intégrale morceau qui créent les effets, du film, accompagné d’une mais les «contrastes». Le Cabande-son réalisée par ratini Jazz Ensemble, fondé l’Américain Wycliffe Gor- en 1997, est composé d’une don, à l’occasion de la quinzaine de musiciens de 38e édition du New York Film générations différentes. Festival en 2003, que Patrice En résulte un «langage musiCaratini a décidé d’ignorer. cal coloré» auquel se mêlent La copie sur laquelle ce jazz- des références à l’histoire du man cinéphile a travaillé jazz –un rythme de So What dure 1 h 20, au lieu des deux de Miles Davis, quelques soheures initiales. norités blues– avec d’autres Selon Caratini, sa musi- variations, comme un clin que ne sert pas d’«illustra- d’œil à Jimi Hendrix. Ce que tion» au film et il a voulu Stéphane Danchin apprécie «éviter l’écueil de la répéti- chez Caratini, «ce créateur tion», car selon lui la musi- très ouvert dans ses univers». que de film se construit HÉLAINE LEFRANÇOIS autour des thèmes récurrents Paris Jazz Festival, Parc floral qu’il convient de bannir en de Paris, jusqu’à dimanche. concert. Après avoir étudié le Soirée de clôture à 21 heures. Chiwoniso avait appris de son père, Dumisani Maraire, les secrets de la mbira, le piano à pouces que l’on retrouve dans toute l’Afrique sous des noms différents (likembe, sanza, kalimba…). Elle était née en 1976 près de Seattle, aux EtatsUnis, où son père enseignait la musique afri caine. Elle ne connaîtra le Zimbabwe qu’à 15 ans, quand la famille rentre au pays. Elle y fonde un groupe de rap avant de rejoindre la formation du chanteur Andy Brown, qu’elle épouse. Le couple aura deux enfants. En 1998, elle remporte le concours Découvertes de RFI et enregistre pour le label parisien Lusafrica Ancient Voices, CD qui fait décou vrir sa voix brisée, boule versante, accompagnée par l’ancestrale mbira. Dix ans plus tard, alors qu’elle a dû quitter le Zim babwe où son francparler lui a valu censure et arres tations, elle sort Rebel Woman (Cumbancha), nouveau manifeste en lan gue shona contre les injus tices. Celle que ses compatriotes appelaient affectueusement «Chi» est morte mercredi à Harare, à 37 ans, d’une probable pneumonie. Le même mal qui avait emporté, en mars 2012, son exmari Andy Brown. F.X.G. PHOTO WALTER MURRAY 3700 C’est environ le nombre de clichés de Marilyn Monroe, pris entre 1953 et 1960 par le photographe de mode américain Milton Greene (mort en 1985), qui doivent être mis aux enchères samedi, à Calaba sas, au nordouest de Los Angeles. Particularité: les droits d’auteur feront partie du lot, ce qui per mettra à l’acquéreur d’imprimer et toucher des droits sur les images. La vente comporte au total 75000 photos de people. LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 ECRANS&MEDIAS A LA TELE SAMEDI • 25 DIMANCHE TF1 FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL + TF1 FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL + 20h50. Les experts : Manhattan. Série américaine : Travail de mémoire, La couleur de l’argent, Business familial, Tourner la page. Avec Gary Sinise. 0h05. New York Section Criminelle. La cour des grands, Pas de quartier. Série. 1h45. New York Police Judiciaire. 20h45. Fort Boyard. Divertissement présenté par Olivier Minne. 22h30. On n’est pas couché. Les plus belles nuits. Divertissement présenté par Laurent Ruquier. 0h55. Météo. 1h00. Qui sera le prochain grand pâtissier ? 2h50. Mariages. 20h45. Marie et Madeleine. Téléfilm de Joyce Bunuel. Avec Michèle Bernier, Carole Richert. 22h15. Équipe médicale d’urgence. Série française : Philtre d’amour, Je t’aime, un peu, beaucoup. Avec Christian Vadim, Frédéric Quiring. 0h00. Météo. 20h55. Resident evil 5 : retribution. Film d’horreur de Paul W.S. Anderson, 2012. Avec Milla Jovovich. 22h30. Nostalgic z. 22h45. Perfect drug. 23h00. Attack of the brainsucker. 23h15. At the formal. 23h20. Tumult. 23h35. The root the problem. 23h50. Quand je serai petit. 20h50. Les randonneurs à Saint-Tropez. Comédie française de Philippe Harel, 105mn, 2007. Avec Karin Viard. 22h50. Les experts. Série américaine : Candidat au suicide, Petits meurtres en famille, Bombes à retardement. Avec Marg Helgenberger. 20h45. Crime d’amour. Thriller français d’Alain Corneau, 106mn, 2009. Avec Kristin Scott Thomas, Ludivine Sagnier. 22h30. Jusqu’en enfer. Film d’horreur américain de Sam Raimi, 99mn, 2008. Avec Alison Lohman, Justin Long. 0h10. Cold case : Affaires classées. Série. 20h45. Commissaire Brunetti : enquêtes à Venise. Téléfilm allemand : Péchés mortels. Avec Uwe Kockisch, Julia Jäger. 22h35. Soir 3. 22h40. Commissaire Brunetti : enquêtes à Venise. Des amis hauts placés. Téléfilm. 0h25. La dixieme victime. 20h55. Hatfields & McCoys. Téléfilm de Kevin Reynolds : Épisode 2. Avec Kevin Costner, Bill Paxton. 22h30. Killer elite. Film d'action américano-australien de Gary McKendry, 117mn, 2011. Avec Jason Statham, Clive Owen. 0h25. Engrenages. ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5 ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5 20h50. Requins des profondeurs. Documentaire. 21h30. Le calamar géant. Documentaire. 22h15. Soul power ! The golden years. Documentaire. 23h10. Soul night. Spectacle. 0h25. About:Kate - 14. Série. 0h50. Dionne Warwick Avo. 20h50. Wes et Travis. Série américaine : Le vieux couple, La manière forte, Dans tes rêves !, L’heure des comptes. Avec Leslie Castay, Lyle Brocato. 0h10. The finder. Le dernier repas, La conversation. Série. 1h50. Supernatural. Le venin de la sirène. Série. 20h45. Safari Préhistorique. 1/3 - Monstres marins, 2/3 - Les dents de la mort, 3/3 - L’aquarium de l’enfer. Documentaire. 22h00. Dragon Sword. Téléfilm de Tom Reeve. Avec James Purefoy, Piper Perabo. 23h25. Hero corp. Le village. Série. 20h35. Échappées belles. Andalousie, passionnément... Magazine. 22h05. Les pintades. À Rio. Documentaire. 23h00. J’ai vu changer la terre. Allemagne Les îles oubliées. Documentaire. 23h55. Cambodge. Documentaire. 20h45. Ali. Biopic américain de Michael Mann, 157mn, 2001. Avec Will Smith, Jamie Foxx. 23h15. When we were kings. Film documentaire de Leon Gast. Avec Mohammed Ali, James Brown. 0h35. Palace of soul. Les années “Soul train”. Documentaire. 20h50. Capital. Destination Paris : la capitale sort le grand jeu ! Magazine présenté par Thomas Sotto. 23h00. Enquête exclusive. Un été au cœur des urgences du bord de mer. Magazine. 0h25. Enquête exclusive. Magazine. 20h45. Hibernatus. Comédie française d’Édouard Molinaro, 78mn, 1969. Avec Louis De Funès, Michael Lonsdale. 22h00. La soupe aux choux. Comédie française de Jean Girault, 98mn, 1981. Avec Louis De Funès, Jean Carmet. 23h35. Délicieusement Roumanoff. 20h35. Les derniers trésors d’Égypte. Documentaire. 22h00. Une maison, un artiste. Ceci est une maison de Magritte. Documentaire. 22h25. Verdict L’affaire Corrèges. Documentaire. 23h20. Fourchette & sac à dos. Destination Cameroun. Documentaire. PARIS 1ERE TMC W9 GULLI PARIS 1ERE TMC W9 GULLI 20h40. La revue de presse. Le meilleur de la revue de presse (2/3). Divertissement présenté par Jérôme De Verdiere. 22h35. Anne, naturellement. Spectacle d’Anne Roumanoff. 0h10. Paris dernière. Magazine. 1h55. Programmes de nuit. 20h45. Une femme d’honneur. Téléfilm français : Son et lumière. Avec Corinne Touzet. 22h30. Suspect n°1. Le dépeceur deMons / Amours empoisonnés. Magazine présenté par Jacques Legros. 0h10. Suspect N° 1. Lune de miel mortelle / Série noire dans la Somme. Magazine. 20h50. Jamel et ses amis au Marrakech du rire 2012. Spectacle, 120mn. 22h50. Jamel au Marrakech du rire 2011. Spectacle, 130mn. 1h00. Génération top 50. Divertissement. 2h05. Météo. 2h10. Programmes de nuit. 20h55. Pokemon XV : Noir & Blanc, destinées rivales. Combat contre un petit tyran !, Sur le territoire de Frison, Rachid prend son envol. Jeunesse. 22h50. Total wipeout made in USA. 4 épisodes. Divertissement. 0h55. Fais-moi peur ! 20h40. Sherlock Holmes. Téléfilm britannique : Le signe des quatre, Le chien des Baskerville. Avec Ian Richardson. 23h40. Les mystères de Sherlock Holmes. L’énigme du cheval blanc. Téléfilm. 1h10. Paris dernière. Best of sexy. Magazine. 20h45. New York police judiciaire. Série américaine : Enfin veuve, Frères d’armes, Liste noire. Avec Sam Waterston, Jesse L. Martin. 23h15. Fan des années 80. Années 1986, 1987, 1982 & 1983. Divertissement. 2h45. Imposture. Film. 20h50. Le nom de la rose. Drame germanofranco-italien de JeanJacques Annaud, 131mn, 1986. Avec Sean Connery, Christian Slater. 23h10. Sons of anarchy. Série américaine : Descente aux enfers, Épouses et concubines, Le piège. Avec Charlie Hunnam. 1h45. Météo. 20h45. Audace au cirque d’hiver Bouglione avec Kad et Olivier. Spectacle, 85mn. 22h10. Virtuose. Spectacle, 85mn. 23h45. Félix et Cie. Film d’animation espagnol, 90mn. 1h25. Fais-moi peur ! Jeunesse. NRJ12 D8 NT1 D17 NRJ12 D8 NT1 D17 20h50. Alice Nevers, le juge est une femme. Téléfilm français : La dernière étoile. Avec Marine Delterme, Arnaud Binard. 22h35. Chauve-souris: la vengeance carnivore. Téléfilm de Kelly Sandefur. Avec Corbin Bernsen. 0h15. X-Files : aux frontières du réel. 20h50. Femmes de loi. Téléfilm français : Paroles interdites. Avec Natacha Amal, Ingrid Chauvin. 20h50. Femmes de loi. Cantine mortelle, La fille de l’air 1re & 2e parties. Téléfilm. 2h15. Programmes de nuit. 20h45. La tempête du siècle. Téléfilm américain : Parties 1 & 2/2. Avec Treat Williams, Luke Perry. 23h40. Man vs Wild : seul face à la nature. Les canyons de Red Rock - Compilation n°2. Documentaire. 1h25. Catch américain Smack Down. Sport. 20h50. Le zap. Divertissement. 22h25. Le zap. Divertissement. 23h50. Star story. Lady Gaga : l’obsession de la célébrité. Documentaire. 0h50. Nuit live. Musique. 20h50. Tellement Vrai. Les incontournalbles de l’été. Magazine présenté par Matthieu Delormeau. 20h50. Tellement Vrai. Nouveaux couples Des amoureux pas comme les autres. Magazine présenté par Matthieu Delormeau. 1h50. Poker night. 3h15. Programmes de nuit . 20h50. La vie rêvée des anges. Drame français d’Erick Zonca, 113mn, 1998. Avec Élodie Bouchez, Natacha Régnier. 22h50. Les égarés. Comédie dramatique franco-britannique d’André Téchiné, 2003. Avec Emmanuelle Béart, Gaspard Ulliel. 0h40. Programmes de nuit. 20h45. Tous différents. 2 reportages. Magazine présenté par Émilie Mazoyer. 22h20. Obèses : perte de poids extrême. Mélissa. Documentaire. 23h55. Reporters. Geeks, Bimbos, Rappeurs : à chacun sa tribu ! Magazine. 1h45. En mode Gossip. 20h50. Pimp my ride. La Honda CRX, Le Van Ford Econoline, La Ford Thunderbird, 1965 de Tenita, Le Camion Grumman Kurbmaster Bread, La Chevrolet Impala SS. Divertissement présenté par Xzibit. 22h40. Le grand jeu. Téléfilm. 0h00. Nuit live Robbie Williams. 15 mjoaurnaFuorfait spécial ét é gaz x ines 1 0€ Vos magazines e t vos journaux & * voyagent avec vous ! Téléchargez gratuitement l’application ePresse.fr sur • BD BÉGAUDEAU / OUBRERIE 26 LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 Mâle occidental LIBÉRATION SAMEDI 27 ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 BD • 27 contemporain 16/39 RÉSUMÉ DES ÉPISODES PRÉCÉDENTS Notre héros est en quête d’une partenaire. Après plusieurs tentatives ratées, dans la rue, dans le métro, dans le parc, au cinéma etc., c’est en discothèque qu’il atterrit. Mais le résultat n’est pas plus probant, à moins que… En librairie à partir du 30 octobre. • SUR LIBÉ.FR © GUY DELCOURT PRODUCTIONS, 2013 Vous avez raté un épisode? Retrouvez tout le week end en diaporama les planches parues cette semaine. A suivre... LIBÉRATION SAMEDI 27 JUILLET ET DIMANCHE 28 JUILLET 2013 PORTRAIT IBRAHIM MAALOUF Le trompettiste d’origine libanaise s’est affranchi de la tutelle paternelle pour devenir la sensation jazz française du moment. Au son du père et du fils Par FRANÇOISXAVIER GOMEZ Photo SAMUEL KIRSZENBAUM P ourquoi chaque trompettiste a-t-il une façon différente de faire sonner son instrument? Pourquoi reconnaît-on au premier souffle, avec un peu d’habitude, Miles Davis, Chet Baker ou Clifford Brown ? C’est armé de ces interrogations de néophyte balourd que nous sommes allé rencontrer Ibrahim Maalouf, le trompettiste le plus populaire en France depuis quelques saisons. Réponse d’une voix calme et posée: «Le son est maîtrisé par les muscles des lèvres et ceux-ci diffèrent selon les personnes. Comme les cordes vocales. En revanche, la technique des doigts n’est pas très compliquée, jouer vite est facile à la trompette.» Ibrahim Maalouf enseigne aujourd’hui l’improvisation au conservatoire de Paris, où il a été formé, après avoir débuté à 7 ans avec son père, Nassim Maalouf. Son premier instrument est le piccolo, réputé le plus ardu dans la famille des trompettes. «Mon père voulait prouver que cette réputation de difficulté était fausse, et il a choisi un cobaye. Moi.» A 9 ans, Ibrahim joue sur scène aux côtés de son père. «Un petit singe savant, un phénomène de foire», décrit-il. La famille s’est installée en banlieue parisienne quand Ibra- him a quelques mois, laissant derrière elle la guerre civile au Liban. «On m’a raconté mille fois que quand ma mère a accouché une aile de l’hôpital était bombardée.» Pour les parents, la France n’est qu’un abri en attendant que la situation permette le retour au pays. Chez les doublement Maalouf (le père et la mère, sans lien de parenté, portent le même patronyme), c’est Beyrouth-sur-Seine. On écoute Radio Orient, on mange libanais et on ne parle qu’en arabe. «La langue française était bannie. Pire encore: ma sœur et moi n’avions pas le droit d’avoir des amis français. Inviter des potes pour jouer à des jeux vidéo, je n’ai jamais vécu ça.» L’éducation est sévère, «à l’ancienne, les taloches, tout ça». La famille vit modestement et le père consacre une part des revenus du couple (ils enseignent tous les deux, la mère est pianiste) à construire la maison qui, au Liban, accueillera leur retour. Mais la guerre dure dix-sept années. Et l’exil devient définitif. «Quand il se fâchait, se souvient le musicien, mon père s’écriait : “Vous n’êtes plus mes enfants, vous êtes devenus français”.» Il existe pourtant dans la famille un contre-exemple: le frère de sa mère Amin Maalouf installe lui aussi les siens en France et décide que c’est pour toujours, qu’il n’y aura pas de billet retour. Il est alors journaliste et deviendra écrivain, prix Goncourt et, pour couronner le tout, membre de l’Académie française en 2011. Doué pour la trompette, le jeune Ibrahim rêve pourtant d’une autre voie que celle que lui a tracée son père. «Dès le collège, j’étais obsédé par le World Trade Center. Les tours jumelles étaient en poster dans ma chambre, dessinées sur mes cahiers. Je voulais faire les mêmes à Beyrouth puisqu’en toute simplicité je m’étais fixé pour mission de reconstruire ma ville natale.» Après le bac, il tente l’entrée au conservatoire de Paris, se disant qu’il pourrait toujours bifurquer vers l’architecture. A sa grande surprise, il est reçu premier et entre dans le cycle infernal des concours internationaux, ces «championnats du monde de la musique». Il en gagne quelques-uns. «Je vivais une vie d’ermite, se souvient Ibrahim. Mes camarades allaient boire des coups après les cours, moi je rentrais bosser. Faute d’argent, je bouffais des pâtes, j’ai pris quinze kilos en deux ans.» Ce mode de vie le rapproche aussi de l’expérience qu’a vécue son père. «J’ai une énorme admiration pour son parcours. Paysan dans la montagne libanaise, il n’a connu que l’école primaire. A 20 ans, il découvre la trompette. La sommité dans le domaine exerce à Paris. C’est Maurice André. Mon père économise pour venir en France, où le maître l’accepte dans sa classe du conservatoire.» Nassim Maalouf a en outre une place dans l’histoire de l’organologie pour avoir inventé la trompette arabe: celle qui, par l’adjonction d’un quatrième piston, peut émettre des quarts de ton, ces intervalles que la musi- EN 7 DATES que occidentale a abandonnés à la Renaissance, mais 5 décembre 1980 qui restent très présents dans Naissance à Beyrouth. les musiques orientales. Septembre 1999 Entrée au C’est de cet instrument que conservatoire de Paris. 20022003 Rencontre joue Ibrahim Maalouf. Vincent Segal et Lhasa de Le 11 Septembre, quand s’efSela. 2007 Diaspora, fondrent les Twin Towers, premier album. l’étudiant en musique décide 2009 Naissance de sa fille. qu’il ne sera pas architecte. Il 2012 Wind. Juin 2013 a 19 ans. Six mois plus tard, Artiste jazz de l’année, il se rend à Ground Zero. La aux Victoires du Jazz. même année, il rencontre Vincent Segal. Le violoncelliste lui ouvre les portes du jazz, de l’impro, du rap et du rock. Il lui présente Matthieu Chédid ou la chanteuse de Montréal Lhasa de Sela, influence majeure. «Grâce à Vincent, j’ai découvert que la musique était autre chose qu’une succession de compétitions. J’ai commencé à composer, à découvrir la liberté.» Que pense son père de sa carrière actuelle? Le jeune homme hausse les épaules. «Je n’en sais rien. Je pense qu’il est partagé entre la fierté de me voir prendre sa succession et le peu d’intérêt pour ce que je fais. Qui est à l’opposé des rêves qu’il avait pour moi.» Les trois premiers CD d’Ibrahim Maalouf jouaient à brouiller les pistes entre les genres. Orient, Balkans, jazz ou rap y convergeaient dans une vision kaléidoscopique. Leur succès a incommodé la jazzosphère, qui lui demandait qui l’avait invité à la fête. Il en a souffert. Sa réponse a été Wind, son disque le plus fidèle au langage jazz orthodoxe, publié à l’automne. «C’était une commande de Serge Toubiana, de la Cinémathèque française, une bande-son pour accompagner un film muet peu connu de René Clair. Difficile pour moi de ne pas penser à Miles Davis et à Ascenseur pour l’échafaud. Même si dans mon cas toute la musique est écrite, pas improvisée sur les images.» En juin, les Victoires du jazz sacraient Ibrahim Maalouf, artiste de l’année. Fin du malentendu. Le flirt avec le cinéma se poursuit avec la musique du prochain film de Kim Chapiron. Cet été, Ibrahim court les festivals où il est accueilli par un public plutôt jeune, par rapport à l’ordinaire des grand-messes jazz. A travers l’Europe mais pas aux Etats-Unis, où le visa d’entrée lui a été refusé au printemps alors qu’il était accordé à ses musiciens. De l’inconvénient de porter un nom arabe… Issu d’une famille de tradition chrétienne, il a grandi dans un environnement agnostique, «pour mes parents la spiritualité passait par la musique». Il est pacsé avec la mère de sa fille, Lily, comme le savent tous les fans, puisque le prénom est le titre de son morceau le plus connu. Une berceuse écrite pour la naissance de l’enfant, en 2009, et que le public fredonne en chœur. Un moment que les grincheux jugent mièvre dans sa gentillesse fédératrice. Le papa-musicien le revendique : «Je viens d’un pays où on passe son temps à s’engueuler; quand ma famille se réunit, les différents politiques ne tardent pas à apparaître. On n’a jamais vraiment connu la paix. Alors un moment de communion, de cohésion, ça me fait plaisir. Accessoirement, ça me repose les lèvres.» •