Ecrire latin

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Ecrire latin
Dossier réalisé par Valérie Boitard et Jean-Pierre Jourdan
Service éducatif du Service départemental du Calvados - Musée de Vieux-la-Romaine
Introduction
A l’intérieur de l’empire romain, les langues sont nombreuses et variées.
En Gaule, avant la conquête, la langue est le celte (ou gaulois). Langue de tradition orale,
nous n’en avons que peu de traces. Elle subsiste seulement à travers une soixantaine de
mots (bruyère, mouton, chêne, lieue, druide,…). Mais beaucoup de noms de villes ont pour
origine des noms de peuples gaulois : Bayeux vient des Bajocasses, Lisieux des Lexovii,
Vieux des Viducasses…
Après la conquête, les romains ont imposé deux langues administratives
parlées et écrites : le grec à l’est de l’empire et le latin à l’ouest.
C’est ainsi que fut introduite l’écriture dans nos régions. La haute société
gallo-romaine adopte alors le latin, étudié dans les écoles. Si le celte disparaît vers le VIe
siècle, le latin se généralise en devenant la langue des chrétiens.
De nombreux textes nous sont parvenus : ce sont de précieux témoignages
sur la vie quotidienne des romains, leurs lois, leur pensée, ou leurs croyances par exemple.
Les supports sont très variés : inscriptions lapidaires*, tablettes de cire,
rouleaux de papyrus, parchemins, céramiques, monnaies ou autres.
Nous vous invitons à découvrir cette écriture à travers quelques exemples et
diverses manipulations.
*inscriptions lapidaires : inscriptions sur une pierre.
Morceau de papyrus (fragment
moderne)
A l’époque romaine, la pâte à papier n’a pas encore été inventée. Les romains utilisent le
papyrus, un roseau originaire des bords du Nil, en Egypte ainsi que le parchemin fait avec de la
peau d’animal séchée à l’air. Ils écrivent sur ces supports à l’aide d’une pointe de roseau taillé.
Ma is au fait, c o mm en t fa brique – t –on un e feuille de papyru s ?
Voici les étapes de la fabrication du papyrus.
3
1- L’enveloppe extérieure du roseau est enlevée puis le cœur de la plante est découpé en bandes étroites et
longues qu’on laisse tremper.
2- Les bandes de roseau sont pressées de manière à constituer une feuille. L’amidon contenu dans la plante
agit comme de la colle.
3- La feuille est martelée avec un maillet puis mise à sécher.
4- Les feuilles sont polies avec un pierre pour les rendre lisses.
5- Puis elles sont collées les unes à côté des autres de manière à former une longue bande qui, une fois
séchée est enroulée sur une rouleau de bois.
Livres et rouleaux
Les livres, toujours manuscrits, sont formés de bandes de papier enroulées, d’où leur nom de
volumina (volumes, c’est à dire « rouleaux »). Le texte est écrit en colonnes d’environ 12,5cm de
large. Ces colonnes se succèdent sur le papier de la gauche vers la droite. Les rouleaux sont de
longueur variable. Ils font jusqu’à 10m de long et peuvent être illustrés. Ils sont regroupés et rangés
dans une boite cylindrique en cuir.
Un maître parle devant un élève qui déplie un
rouleau.
Bas –relief de Neumagen (Trèves)
Tablette à écrire (reconstitution)
Aucune tablette à écrire n’a, jusqu’à présent, été découverte à Vieux. Il faudrait pour cela pouvoir
fouiller des niveaux archéologiques favorables à la conservation des bois, ce qui est rare. Les
nombreuses trouvailles de stylets* à écrire montrent cependant que ces tablettes étaient
abondamment utilisées dans l’ancien chef-lieu de cité des Viducasses.
Des tablettes presque intactes ont été découvertes à plusieurs reprises en Gaule, en particulier à
Toulon (Var) dans une épave de navire, ainsi qu’à Saintes (Charentes-Maritime), dans le fond d’un
puits antique.
Assemblées la plupart du temps par cahier de trois, les tablettes d’écriture sont évidées à l’intérieur
de manière à recevoir une couche de cire d’abeille sur laquelle on trace des lettres à l’aide d’une
pointe en métal appelée stylet. On peut ensuite effacer ou corriger le texte en étalant la cire à l’aide
de l’extrémité plate du stylet en forme de palette.
Ces cahiers de tablettes ne servaient pas seulement
aux enfants pour apprendre à écrire : on les utilisait
également pour la réalisation d’actes juridiques
privés (achats, ventes, testaments), mais aussi
d’actes publics (édits, lois, actes de naissance…).
L’inviolabilité du texte est alors garantie par des
cordelettes scellées, l’acte ne pouvant être descellé
qu’en présence des témoins l’ayant signé.
Cahier de trois tablettes enduites de cire
La fouille de la domus a d’ailleurs livré les vestiges de petites boîtes à sceller destinées à protéger le
sceau* de cire de certains documents et à en permettre la vérification en soulevant le couvercle
mobile articulé.
*stylet : instrument pointu servant à écrire.
*sceau : cachet dont l’empreinte est apposée sur des actes pour les authentifier et garantir leur authenticité.
Stylet à écrire
La pratique de l’écriture – attestée également par plusieurs graffiti réalisés sur des enduits et sur des
céramiques – semble avoir été assez répandue à Vieux puisque la seule fouille de la domus du « Bas
de Vieux » a livré les vestiges d’une douzaines de stylets. Leur grande diversité de forme, de nature
et de qualité correspond vraisemblablement à celle pouvant exister actuellement entre un stylo
« bic » et un porte-plume « Mont-Blanc ».
Stylet en fer, trouvé à Vieux ; échelle 1.
La pointe permet de tracer les lettres dans la cire.
L’extrémité plate permet de les étaler en effaçant la cire.
Alphabet romain
A l’époque gallo-romaine, l’alphabet latin ne comporte que 22 lettres, dont 20 seulement
sont très utilisées.
Le K se rencontre peu. Il apparaît seulement dans un certain nombre de mots savants dérivés du
grec comme kilo.
Le Z, emprunté aux grecs par les latins, constitue chez les romains une lettre double, avec les sons
tz ou dz (comme d’ailleurs le dzéta grec).
On confondait le I et le J.
Le U et le V sont représentés par la seule lettre V. C’est seulement à partir du
qu’est employé le caractère U.
XVII° siècle
Les lettres W et Y n’existent pas. Le W est une lettre d’origine germanique. En français, elle n’est
employée que dans l’écriture de certains mots provenants de l’anglais ou de l’allemand. Le Y est
appelé « I grec » car nous le substituons à l’upsilon. Chez les romains, le Y est employé dans les bas
siècles comme lettre numérale. Il signifiait 150. Surmonté d’un tiret, il valait 150 000.
Ecrit ton nom en alphabet latin ! !
Borne milliaire
Les bornes milliaires étaient des pierres dressées au bord des routes qui portaient une inscription
honorant l’empereur régnant et fournissant une distance en milles romains de 1479 mètres ou en
lieues gauloises de 2222 mètres. On en connaît seulement trois exemplaires pour le Calvados et une
quinzaine pour l’ensemble de la Normandie.
DESCRIPTION DE L’EXEMPLAIRE PRÉSENTÉ
Ce fragment de milliaire, découvert en 1975
au nord de la ville, à l’emplacement de
l’ancien cimetière Saint-Martin, avait été
réutilisé, durant le haut Moyen Âge comme
couvercle de sarcophage. Il mesure
actuellement 1,76 m x 0,47 m x 0,23 m. Sa
hauteur initiale devait se situer entre 2 et 3
mètres. La borne, cylindrique à l’origine, fut
retaillée, faisant disparaître à jamais une
partie de l’inscription qui se trouve mutilée
sur la droite. L’écriture est souvent
maladroite et les ligatures* sont fréquentes.
Le texte peut se lire :
IMP CA
VALE
CO
PF
AFV
Tu trouveras page suivante la signification
de cette inscription.
*ligature : trait reliant deux lettres. Les ligatures étaient souvent utilisées pour les inscriptions car elles facilitaient le
travail du sculpteur.
En considérant que l’inscription soit au nominatif, les archéologues ont proposé le développement
suivant :
IMP (ERATOR) CA[ES(AR) FL(AVIVS)]
VALE[RIVS]
CO[NSTANTIUS] ou CO[NSTANTINUS]
P(IVS) F(ELIX) [INV(ICTVS) AVG(VSTUS)]
A F(INIBVS) V(IDUCASSIVM)
L’empereur doit donc être Marcus Flavius Constantius (Constance Chlore, 305-306) ou Caius Flavius
Constantinus (Constantin) qui ont tous les deux porté le nom de Valerius et les surnoms de Pius et de
Felix ainsi que ceux d’Invictus et d’Augustus. Dans le premier cas, la borne aurait été érigée entre le 1er
mai 305 (jour où Constance Chlore fut proclamé Auguste)et le 26 juillet 306 ; dans la seconde
hypothèse le milliaire pourrait avoir été édifié entre le 25 décembre 307 et le 29 octobre 312 date à
laquelle Constantin prend le titre de Maximus.
Bibliographie :
Élisabeth et BERTIN-HALBOUT Dominique, « Découverte d’une borne milliaire à Vieux »,
Annales de Normandie, 1979, n°3, p.251-257.
DENIAUX
Ac tivit é é lèv e :
« L’inscription du milliaire de Vieux »
L’inscription du milliaire de Vieux est la suivante
IMP CA
VALE
CO
PF
AFV
Ce que les archéologues ont proposé de développer ainsi en considérant que l’inscription devait être au nominatif :
IMP (ERATOR) CA[ES(AR) FL(AVIVS)]
VALE[RIVS]
CO[NSTANTIUS] ou CO[NSTANTINUS]
P(IVS) F(ELIX) [INV(ICTVS) AVG(VSTUS)]
A F(INIBVS) V(IDUCASSIVM)
Toutefois, l’inscription pourrait également être au datif. Dans ce cas, quel serait son développement ?
IMP CA-------------------------------------------------------------------------------VALE---------------------------------------------------------------------------------CO-------------------------------------------------------------------------------------PF--------------------------------------------------------------------------------------AFV-----------------------------------------------------------------------------------Quel serait alors le sens de l’inscription au nominatif ?
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Quel serait le sens de l’inscription au datif ?
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Corrig é :
« L’inscription du milliaire de Vieux »
L’inscription du milliaire de Vieux est la suivante
IMP CA
VALE
CO
PF
AFV
Ce que les archéologues ont proposé de développer ainsi en considérant que l’inscription devait être au nominatif :
IMP (ERATOR) CA[ES(AR) FL(AVIVS)]
VALE[RIVS]
CO[NSTANTIUS] ou CO[NSTANTINUS]
P(IVS) F(ELIX) [INV(ICTVS) AVG(VSTUS)]
A F(INIBVS) V(IDUCASSIVM)
Toutefois, l’inscription pourrait également être au datif. Dans ce cas, quel serait son développement ?
IMP CA
VALE
CO
PF
AFV
impe ra tori ca e s ari flav io
va lerio
c o nst an tino
pi o fel ic i inv e c to aug u s to
a fin ib u s viducas s iu m
Quel serait alors le sens de l’inscription au nominatif ?
La bo rn e e s t un don de l’em pe reu r, ac te de g én éro s ité e t d’ as si mil ati o n
de Vieux, à l’e mpi re ro ma in .
Quel serait le sens de l’inscription au datif ?
La bor ne e st un do n de s ha bita nts de Vieux à l’e m p e re ur , ge s te d e s oumi s s ion, d e
re c o nn aiss anc e de la tut e lle de Rome .
POTERIE
Le savais – tu ? Les potiers signaient leurs œuvres ! ! !
On a retrouvé à Vieux, et aussi ailleurs en Gaule, des tessons de poterie portant des
inscriptions. Celles – ci nous révèlent le nom de l’ouvrier ayant réalisé la poterie ou celui du chef
de l’atelier l’ayant produite .
Ainsi, à Vieux par exemple, nous avons pu identifier la signature de dix potiers . Celle de Paternus
par exemple, potier à Lezoux dans le Puy de Dôme, ou bien encore celle de Senilis dont l’officine
devait se trouver dans la région lyonnaise.
La marque du potier était gravée à l’intérieur de l’article, sur le fonds du vase par exemple, ou à
l’extérieur, sur la panse.
D’autres inscriptions, beaucoup plus rares, sont appelées : « comptes de potier ». Ce
sont des morceaux de poteries cassées, sur lesquels sont gravés le nom d’un ouvrier et le
nombre de pièces fabriquées En présentant ce bordereau, l’ouvrier pouvait justifier son travail et
se faire payer !
Ces inscriptions sont pour nous de précieux témoignages. Elles nous permettent de
connaître les quantités produites par les différents potiers et par leurs ateliers, ainsi que les aires
géographiques vers lesquelles ils exportaient leur production.
Tesson de la première moitié du IIe siècle.
Quel est le nom de ce potier de Lezoux ?
BIBLIOGRAPHIE .ATELIER ECRITURE
Bibliothèque scolaire de Vieux
Autour de la Méditerranée, les Romains, coll. Peuples du Passé, Nathan,1991
Les Gallo - Romains, coll Bonjour l’histoire, PEMF, 1997
Rome la Conquérante, coll. Les yeux de la découverte, Gallimard, 1990
Les Romains, coll. Histoire en images, USBORNE,1992
Quand les Gaulois étaient romains, coll. Découverte, Gallimard, 1989.
Bibliothèque du SDAC, à Caen
Histoire de la vie privée, t.1, De l’Empire Romain à l’an mil, Seuil, 1985
99 réponses sur la Rome antique, CRDP Languedoc-Roussillon, 1992.

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