André de Richaud par Thierry Aveline André de Richaud (1907

Transcription

André de Richaud par Thierry Aveline André de Richaud (1907
André de Richaud par Thierry Aveline
André de Richaud (1907-1968)
« Je me cache, mais insensés,
Ne voyez vous pas que ce n’est que pour être cherché ? »
Au commencement, il y a « La douleur », roman d’enfance, autobiographique d’André de Richaud
(Bernard Grasset 1930). A l’autre bout de sa vie, après 10 années de mutisme, un cri « Non, je ne suis
pas mort » relayé par l’éditeur Robert Morel, en 1965.
Entre les deux une fulgurante comète littéraire qui émerveilla le Paris des années 30. Poésies, pièces de
théâtre, romans, nouvelles, sous les ailes protectrices de Pierre Seghers (son condisciple) et de Jeanne
et Fernand Leger.
Notoriété retrouvée après guerre à Saint Germain des Prés où il vagabonde dans une célébrité tissée de
succès, de bouffonneries, d’errances fantasques et parfois exhibitionnistes, mais aussi noyée souvent
par le « gout de l’alcool ». « Parce que j’ai le fleuve de vin dans la tête parce que j’ai des mains et des
étoiles qui parlent à mi-voix pour ne pas démolir les oiseaux des fenêtres »
J’ai découvert André de Richaud en musardant dans la bibliothèque de mon père avec la lecture d’un
ouvrage-hommage édité en 1985 par les éditions le Temps qu’il fait. On y croise, Joseph Delteil, Max
Jacob, Fernand Leger, Jean Cocteau, Pierre Seghers, Maurice Baquet mais aussi le Comtat Venaissin,
la Sorgue et le mont Ventoux … « Au pied du Mont Ventoux, la rue vitrée de Carpentras étincelle au
soleil couchant… Le soir d’été, limpide et clair emporte les maisons dans l’ombre, une à une. A grand
coups sombre la nuit s’enfonce dans la poitrine des paysans. ».
Chez de Richaud « le poème est sous la prose » comme le dit Marc Alyn dans la collection « Poètes
d’aujourd’hui » chez Seghers ; il est dans ses romans fabuleux et baroques (La douleur, la barrette
rouge, la nuit aveuglante, la fontaine des lunatiques …), dans ses nouvelles (Le mal de la terre, la
part du diable). Un peu moins dans son théâtre dont la première pièce « Village » enthousiasma
Charles Dullin qui la monta à l’Atelier en 1931 – Richaud avait 24 ans. Le comédien, Michel de Ré au
début des années 50 mit en scène plusieurs de ses autres pièces ; un théâtre truculent où la dérision
côtoie la farce.
Si chez de Richaud le théâtre et quelques unes de ses nouvelles, expriment sa face joyeuse et farcesque,
sa poésie est sans doute l’expression la plus manifeste de son côté sombre, de sa mélancolie tragique,
l’expression de son désespoir.
« Egaré dans tous les sentiers de moi-même
Soleil éteint qui pend à ma main
Cherche, et toi, chien cherche mais nul n’est passé …
Un chien fou, si, dans ma jeunesse
Un soir, un fantôme qu’un autre a fait chair
Et une chair que mon trop d’amour a fait spectre. ».
Mais lire André de Richaud est aussi jouissance littéraire ; éloge de la terre, de l’âme méridionale et de
ses légendes, sensualité des mots. Richaud est noir, tragique, rouge vif et arc en ciel. Je suis son lecteur
ébloui.
Thierry Aveline, producteur radio et journaliste.
NB : J’ai produit en 1990, dans la série « Une vie, une œuvre » sur France Culture, un portrait d’André
de Richaud.