Le cancer de la prostate (2e partie) : traitements Le traitement : la

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Le cancer de la prostate (2e partie) : traitements Le traitement : la
Le cancer de la prostate (2e partie) : traitements
Bulletin infirmier du Cancer. Volume 11, Numéro 3, 65-83, Juillet - Août - Septembre 2011, Dossier
Auteur(s) : Igor Latorzeff, Xavier Gamé, Oncologue radiothérapeute, Groupe ONCORAD Garonne, Clinique Pasteur,
Toulouse ([email protected]) Dr Xavier Gamé, Chirurgien urologue, CHU Rangueil, Toulouse.
Illustrations
ARTICLE
Le traitement : la surveillance active
La surveillance du cancer localisé de la prostate a pour objectif d’éviter les surtraitements liés à l’augmentation de la
fréquence des diagnostics de cancers latents ou peu évolutifs. Elle comporte l’abstention-surveillance (watchful waiting) et la
surveillance active. L’abstention- surveillance consiste à instaurer un traitement à visée palliative chez les patients
symptomatiques. Elle concerne les hommes ayant un cancer T1-T2 avec une espérance de vie < 10 ans et une tumeur non
agressive (groupe favorable de d’Amico). La surveillance active consiste à ne pas traiter immédiatement un cancer de la
prostate (CaP) cliniquement localisé à (très) faible risque de progression chez des patients demandeurs ayant une
espérance de vie > 10 ans. Cela est une option thérapeutique curative qui déplace le moment du traitement. Les critères de
sélection retenus sont ceux du groupe de risque faible de D’Amico (PSA < 10 ng/ml et score de Gleason < 7 et stade
clinique T1c ou T2a) associés à des critères biopsiques : 1 à 2 carottes biopsiques positives au maximum sur une série d’au
moins 10 prélèvements, une longueur tumorale < 3 mm pour certains. Des critères supplémentaires, dont les données de
l’IRM, sont en cours d’évaluation. Qui dit surveillance dit contrôle : les modalités de la surveillance comportent
obligatoirement un contrôle de l’antigène prostatique spécifique (PSA) [[a vérifier]] tous les 3 à 6 mois pour calculer le temps
de doublement, un toucher rectal (TR) tous les 6 à 12 mois et un contrôle histologique par nouvelles biopsies entre 6 et 18
mois qui est fondamental pour réduire la probabilité de sousévaluation initiale. Des études prospectives sont en cours
(PRIAS, ProtecT, PIVOT, SURACAP).
Le traitement chirurgical
Le traitement chirurgical du cancer de la prostate à un stade localisé ou localement avancé repose sur la prostatectomie
totale, associée ou non à la réalisation d’une lymphadénectomie ilio-obturatrice bilatérale plus ou moins étendue.
Principes de la prostatectomie
Le principe de la prostatectomie totale (PT) est de réaliser l’ablation de la prostate dans son ensemble ainsi que des
vésicules séminales et d’anastomoser la vessie à l’urètre membraneux. Elle peut être conservatrice ou non. Cette notion se
réfère aux bandelettes vasculo-nerveuses qui longent la capsule prostatique et ont comme fonction d’assurer l’innervation et
la vascularisation indispensables pour obtenir une érection. La prostatectomie est dite conservatrice lorsque le chirurgien
préserve ces bandelettes. Cette conservation peut être uni- ou bilatérale. Le choix de réaliser une prostatectomie totale
conservatrice ou non et de son caractère uni- ou bilatéral dépend du stade tumoral (si la lésion paraît intra prostatique, ne
franchissant pas la capsule prostatique, sur les données de l’examen clinique, de l’imagerie par résonance magnétique
[IRM]), l’étendue de la lésion sur les biopsies (tumeur uni- ou bilatérale, nombre de biopsies positives), le taux de PSA
préopératoire, l’âge du patient, sa sexualité préopératoire et son souhait de sexualité en postopératoire. Une
lymphadénectomie ilio-obturatrice bilatérale est systématiquement associée si la tumeur est classée en préopératoire en
risque intermédiaire ou élevé selon les critères de D’Amico. La lymphadénectomie s’est longtemps limitée à l’ablation des
ganglions se situant entre la veine iliaque externe et le nerf obturateur. Toutefois, il est apparu que certains patients avaient
un drainage lymphatique prostatique inhabituel intéressant directement le système présacré ou iliaque. De ce fait, il est de
plus en plus souvent réalisé un curage dit étendu intéressant les axes iliaques interne et externe jusqu’à la bifurcation
iliaque.
Les voies d’abord
Historiquement, la prostatectomie était réalisée par voie périnéale. Dans les années 1980, a été proposée la voie
rétropubienne qui est toujours utilisée de nos jours. La prostatectomie totale rétropubienne peut être réalisée par chirurgie
ouverte, par voie laparoscopique ou par robotique. La voie rétropubienne est classiquement une voie sous-péritonéale.
Cependant, avec le développement de la laparoscopie et de la robotique, afin de gagner en espace de travail, on commence
l’intervention en intrapéritonéal ce qui impose ensuite d’abaisser la face antérieure de la vessie pour aborder la face
antérieure de la prostate (figure 1) .
Soins périopératoires
L’intervention ne nécessite pas de préparation particulière hormis un lavement rectal la veille ou le matin de l’intervention.
Un examen cytobactériologique des urines est prescrit une semaine avant l’intervention et en cas de présence de germes
un traitement antibiotique devra avoir été institué depuis au moins 48 heures avant l’intervention. Si cet examen est stérile,
une antibioprophylaxie sera réalisée au début de l’intervention. En fin d’intervention, une sonde vésicale et un drain de redon
sont laissés en place. Le drain est habituellement laissé en place 48 heures et la sonde 5 jours. La durée habituelle
d’hospitalisation est d’environ une semaine.
Complications de la prostatectomie
En dehors des complications potentielles de toute intervention chirurgicale comme un problème anesthésiologique, une
hémorragie ou la survenue d’une infection, les deux principales complications ou effets secondaires de cette intervention
sont l’incontinence et la dysfonction érectile. S’y ajoute le risque de lésion des organes de voisinage comme une plaie du
rectum, par exemple.
L’incontinence urinaire
Même si cela est loin d’être systématique, la survenue de fuites d’urine plus ou moins importantes à l’ablation de la sonde
vésicale est fréquente. Elle peut avoir plusieurs causes : la disparition d’un obstacle à l’écoulement de l’urine, l’exérèse du
col vésical, une lésion du sphincter externe de l’urèthre, une modification de la mobilité de l’urèthre et l’apparition d’une
hyperactivité vésicale. Les fuites d’urine persistent en général quelques semaines ou mois et disparaissent soit
spontanément, soit après la réalisation d’une rééducation périnéosphinctérienne. Il est actuellement admis que moins de 5
% des patients auront une incontinence urinaire sévère un an après la chirurgie, qui nécessitera une nouvelle intervention
pour traiter ces fuites.
La dysfonction érectile
La fréquence de survenue d’une dysfonction érectile en postopératoire dépend de différents paramètres que sont l’âge du
patient, la persistance d’une sexualité avant la chirurgie, le caractère conservateur ou non de la chirurgie et si la
conservation a eu lieu, son caractère uniou bilatéral.
Les résultats oncologiques de la prostatectomie radicale
Entre un et trois mois après la réalisation d’une prostatectomie totale, un dosage du PSA total est pratiqué. Il convient d’être
indosable, inférieur à 0,01 ng/mL. Si le PSA total reste dosable, cela signifie soit que l’ablation de la pièce opératoire a été
incomplète, soit que le patient présente une atteinte ganglionnaire ou des métastases. En revanche, lorsque le PSA total
initialement négativé redevient dosable sur au moins deux dosages consécutifs, nous parlons de récidive biologique. Après
prostatectomie totale, le risque de récidive biologique est de 30 %. Le risque dépend du stade histologique, de l’agressivité
de la tumeur (score de Gleason), du taux de PSA total préopératoire, de la présence de marges positives et d’un
envahissement ganglionnaire.
Traitements adjuvants
Lorsque l’étude histologique de la pièce de prostatectomie montre qu’il s’agit d’une tumeur T3 (franchissant la capsule) ou
qu’il existe des marges positives, plusieurs études ont mis en évidence un avantage, en termes de récidive biologique, à
réaliser une radiothérapie externe adjuvante sur la loge de prostatectomie. En cas de présence d’un envahissement
ganglionnaire, il convient de proposer une hormonothérapie adjuvante.
Suivi oncologique après prostatectomie totale
Après prostatectomie totale, un suivi clinique et biologique par dosage du PSA total est réalisé. Les recommandations du
comité de cancérologie de l’Association Française d’Urologie indiquent que le suivi doit débuter par un dosage du PSA total
trois mois après l’intervention puis, s’il est indétectable, être réalisé tous les 6 mois pendant 3 à 5 ans, puis tous les ans
pendant 10 à 15 ans.
La radiothérapie externe
Technique et matériel
Au stade localisé, la prise en charge thérapeutique des cancers urologiques fait appel à la chirurgie en première intention.
Depuis quelques années, la radiothérapie s’inscrit aussi en première ligne dans l’arsenal des modalités de traitement,
notamment dans le cas du cancer de la prostate. Ce positionnement tient compte à la fois des progrès technologiques
réalisés par la discipline sur la précision de la balistique des faisceaux de traitement (radiothérapie conformationnelle 3D et
modulation d’intensité) et de l’amélioration des résultats carcinologiques obtenue par l’escalade de la dose et les
associations hormonothérapie et radiothérapie. C’est l’apport de l’imagerie moderne (scanner et IRM) qui a permis au
radiothérapeute de rentrer dans l’ère des traitements tridimensionnels, puis conformationnels. En effet, l’établissement de la
prise en charge du patient sous la machine de traitement respecte une cascade d’événements qui s’enchaînent depuis la
consultation avec l’oncologue radiothérapeute jusqu’à la dernière séance de traitement sous l’accélérateur linéaire, comme
le fait apparaître le diagramme suivant (figure 2). Les 4 étapes successives sont systématiquement réalisées dans un ordre
précis pour chaque patient traité. Elles peuvent dépendre des conditions techniques locales.
Étape 1 : la réalisation d’une contention adaptée au patient
La reproductibilité du positionnement du patient sous l’accélérateur est une condition importante du gain d’épargne
dosimétrique obtenu sur les organes à risque comme la vessie et le rectum. La possibilité d’immobiliser le patient dans un
moule en mousse thermo-expansée ou dans des cales « pieds-genoux-tête » assure une qualité de repositionnement de
l’ordre de 5 mm (figure 3) . Cette étape est réalisée au simulateur ou au moment de la simulation virtuelle au scanner de
centrage. En cas de traitement conventionnel, la simulation des faisceaux de traitement est réalisée durant cette étape. Des
clichés orthogonaux radiologiques sont alors effectués et les volumes cibles sont déterminés par rapport aux pièces
osseuses de référence (bassin, vertèbres lombaires). Pour certaines équipes, une opacification urétrale est proposée afin de
retrouver l’apex prostatique (repéré par rapport au sphincter urétral membraneux) sur les examens radiologiques.
Étape 2 : le repérage scanner, la planification, la simulation virtuelle
Après la réalisation d’une contention adaptée, le patient va bénéficier d’un repérage scanner en position de traitement
(figure 4) . L’utilisation d’un produit de contraste iodé varie selon les équipes et la localisation anatomique analysée. Les
images scanner sont jointives et en coupes fines afin de permettre une reconstruction en 3 dimensions la plus précise
possible des volumes intéressants. Les données anatomiques acquises sont transférées par liens informatiques sur une
console de simulation virtuelle. Elle va permettre au radiothérapeute de délimiter sur chaque niveau de coupe scanner les
organes à risque (vessie et rectum pour la prostate), le volume cible macroscopique (GTV = Gross Tumor Volume ), le
volume cible clinique (clinical target volume ou CTV = GTV + marge). Le volume cible planifié (planified target volume [PTV])
correspond au volume qui englobe les différentes positions du CTV dans le patient (organe en mouvement propre) et les
incertitudes de repositionnement du patient à chaque séance de traitement. Pour la prostate, le GTV ne s’applique pas au
contour sur coupes scanner car le volume tumoral n’est pas individualisable de l’organe (figure 5). La planification de la
balistique des faisceaux d’irradiation peut être ainsi effectuée dans une collaboration radiothérapeute-physicien. Selon les
données du contourage anatomique, à l’aide du logiciel de dosimétrie 3D, l’équipe de dosimétrie (physicien et dosimétriste)
va représenter la position des faisceaux de traitement et calculer la distribution de la dose délivrée au patient (dosimétrie
prévisionnelle). La console de planification de traitement permet de déterminer virtuellement (c’est-à-dire sans patient, d’où
le nom de simulation virtuelle) une ou plusieurs balistiques de traitement, c’est-à-dire la position, le nombre, l’orientation,
l’énergie, les dimensions et la forme de chaque faisceau d’irradiation permettant d’optimiser le traitement. La radiothérapie
conformationnelle 3D repose sur une distribution de la dose calquée aux contours des volumes cibles d’intérêt. Pour la
radiothérapie conformationnelle en modulation d’intensité, un logiciel d’optimisation de la dose est nécessaire pour cal culer
une distribution inhomogène de la dose au sein du volume irradié (figure 6) . Ainsi, il est possible d’améliorer la conformation
de la dosimétrie (isodose concave autour du rectum), d’augmenter la dose délivrée au tissu tumoral et de mieux protéger les
tissus sains environnants. C’est grâce à l’apport de l’outil « multilames », inséré sur la tête de l’accélérateur à la sortie du
faisceau, que la dose est conformée aux organes par le jeu des lames mobiles. L’existence de ces collimateurs multilames
permet d’éviter l’utilisation très contraignante et source d’erreurs des caches en plomb (figures 7 à 9) . Le nombre de
faisceaux de traitement varie selon les équipes (de 5 à 9 faisceaux). La dose délivrée est déterminée selon les groupes
pronostiques de d’Amico entre 70 et 80 Gy, actuellement en France, en fraction quoti dienne de 1.8 à 2 Gy séance. La
durée totale de traitement (l’étalement) est donc comprise entre 7 et 8 semaines pour une séance quotidienne, 5 jours par
semaine. Le rapport final de dosimétrie établit ensuite les images de référence qui sont nécessaires au contrôle du
repositionnement du patient à chaque séance. Elles sont reconstruites à partir des images scanner selon un mode
radiographique (DRR = digitally reconstructed radiograph ). La position des lames délimitant par faisceau le volume irradié
est représentée sur les BEV (Beam eye view = vue depuis la source) (figure 10) . La dosimétrie est contrôlée par le
radiothérapeute grâce aux histogrammes dose volume (HDV) (figure 11) . Ils établissent graphiquement une représentation
de la dose dans l’organe dessiné par le médecin selon la distribution de la dose calculée. La décision d’acceptation et de
validation de la dosimétrie est effectuée si les doses délivrées coïncident avec les contraintes fixées préalablement par le
radiothérapeute, entre la dose répartie au volume cible (CTV ou PTV) et la dose reçue par les organes à risque (vessie,
rectum, têtes fémorales).
Etapes 3- 4 : simulation « réelle » de la balistique de traitement-exécution et vérification du
traitement
Cette étape a pour but de vérifier s’il y a concordance entre la simulation virtuelle proposée et le traitement réel du patient.
Au simulateur, le patient est remis en position de traitement et centré grâce à des dispositifs de lasers sur son nouvel
isocentre (point de concordance des faisceaux) de traitement. Des images radiographiques des champs d’irradiation sont
réalisées et comparées aux images de référence issues de la dosimétrie. A l’issue de cette étape, la position et la balistique
proposées sont validées pour le patient. Lors de la 1re séance de traitement ainsi qu’une fois par semaine en moyenne, des
clichés de contrôle sont réalisés grâce au système électronique d’imagerie haute énergie disponible sur chaque appareil de
traitement. Cette imagerie embarquée appelée imagerie portale permet la vérification de la position du patient sur la table de
traitement (figure 12) . Les logiciels associés à ce système d’imagerie permettent de recaler l’image de référence et l’image
de contrôle et calculent à partir des repères osseux du patient, les décalages à effectuer pour retrouver la position de
référence du patient adoptée lors du passage au scanner. Ces images sont disponibles via le réseau et peuvent être
validées par le médecin si le manipulateur estime qu’il y a une discordance dans le repositionnement. Avec l’apport de
l’imagerie moderne, s’est développé le concept de l’imagerie embarquée sur la machine de traitement afin de vérifier au
quotidien la position du patient sur la table de traitement. Les dernières avancées techniques ont permis la possibilité d’avoir
sur l’accélérateur une imagerie de type 3D scanner. Selon les constructeurs les noms des systèmes diffèrent mais l’idée
repose sur un détecteur couplé à une source de photons de basses énergies (Kilovolt (kV)). Le détecteur est placé à 90° par
rapport à l’imagerie portale de contrôle de l’image en photons de hautes énergies (Mégavolt (MV)). La séquence d’émission
du faisceau de basse énergie se fait soit en images orthogonales pour vérifier un faisceau, soit sur une hélice complète de
l’accélérateur réalisant une séquence en rotation qui peut être reconstruite pour générer une imagerie de type scanner
(imagerie en cône par tomographie = cone beam computer tomography [CBCT). Ainsi le repositionnement ne se fait plus
qu’à partir des structures osseuses du patient recalées sur de l’imagerie Rx mais sur une imagerie 3D qui recale sur les
tissus mous (prostate comme volume cible et rectum et vessie comme organes à risque). De ce fait les notions anciennes
de remplissage ou de vacuité des organes adjacents à la prostate (rectum et vessie) qui interfèrent avec la position et le
mouvement de la prostate sont importantes et peuvent être contrôlées visuellement pendant chaque séance (figure 13).
Lorsque les images de contrôle initial sont validées, le traitement débute. L’irradiation est conditionnée à l’accord entre les
paramètres initiaux et ceux réalisés, ce qui évite les erreurs aléatoires de recopie durant le traitement.
Indications de traitement
La radiothérapie externe est l’une des méthodes thérapeutiques curatives des cancers de la prostate. On distingue la
radiothérapie première ou exclusive et la radiothérapie postopératoire (adjuvante ou de rattrapage). La radiothérapie
première est indiquée au stade localisé (en alternative à la prostatectomie radicale notamment pour les patients de plus de
70 ans, avec une morbidité compétitive importante, s’il existe une contre-indication à la chirurgie ou selon la préférence du
patient) ou au stade localement avancé. La radiothérapie adjuvante est indiquée en adjuvant à la prostatectomie radicale
chez certains groupes de patients, notamment les patients cT1, cT2 reclassés pT3.
La radiothérapie prostatique
Le cancer de la prostate est une tumeur de bonne radiosensibilité et elle répond à la théorie de l’effet-dose. Plus on donne
de rayons à la prostate, meilleur est le contrôle tumoral. À un certain seuil, la toxicité intervient et la recherche d’une
escalade de la dose optimale dans la prostate est en cours (palier de 70 à 80 Gy atteint), tout en essayant de minimiser
l’impact de ces fortes doses aux organes à risque adjacents. La technique de radiothérapie conformationnelle a permis de
franchir le palier de 70 Gy avec une toxicité gérable car le gain en précision balistique amenait une sécurité et une précision
dosimétrique et en délivrance de la dose à la prostate. La technique en modulation d’intensité et l’imagerie moderne de
contrôle de positionnement permettent de monter la dose au-delà de 76 Gy (80 à 86 Gy) avec une sécurité confortable.
Parallèlement à cette recherche du meilleur ratio gain d’efficacité et tolérance, toujours en cours, il est possible d’augmenter
l’impact bénéfique du traitement d’irradiation par la concomitance d’un traitement médicamenteux hormonal prescrit avec
une radiothérapie. Si on considère la définition commune des groupes à risque de progression (risque faible ou groupe
favorable : T1-T2 et PSA ≤ 10 ng/mL et Gleason ≤ 6 ; risque ou groupe intermédiaire : T1-T2 et/ou PSA ≤ 20-30 et/ou
Gleason 7 ; risque élevé ou groupe défavorable : T3, PSA > 20 ou Gleason > 7) la distribution d’une dose supérieure à 70
Gy semble bénéfique pour tous les groupes à risque. L’hormonothérapie intervient pour certains stades. Pour le groupe
favorable, les études rétrospectives montrent un gain non significatif en survie sans rechute biologique lorsque
l’augmentation de la dose est faible (de 70 à 75 Gy médian). L’hormonothérapie n’est pas utilisée. Pour le groupe des
patients de risque intermédiaire, l’escalade de dose (de 70 à 78-80 Gy) montre un gain en termes de survie sans récidive
biologique sans augmenter la toxicité rectale ou urinaire de façon importante pour peu que l’on respecte des critères
balistiques et dosimétriques publiés. Une hormonothérapie courte de 4 à 6 mois peut être associée à la radiothérapie, avant
ou pendant ou après. Pour le groupe à haut risque, le traitement repose sur l’association radiothérapie externe et
hormonothérapie au long cours de 3 ans. De plus, les volumes de traitement sont modifiés pour inclure le risque d’extension
ganglionnaire pelvienne. Grâce à des tables de risque ou des nomogrammes prédictifs du risque d’extension ganglionnaire
supérieur à 10-15 %, selon les équipes, le patient se verra proposer une expertise chirurgicale par curage (coelioscopique
ou non) dit extensif des différents territoires pelviens ganglionnaires ou une radiothérapie incluant dans un premier temps la
prostate, les vésicules séminales et les territoires ganglionnaires d’intérêt. Là encore, la technique d’irradiation pelvienne en
RCMI (radiothérapie conformationnelle en modulation d’intensité) épargne mieux les organes à risque vessie et rectum
comme montré sur l’illustration dosimétrique de 2 traitements (figure 14) .
La radiothérapie postopératoire
L’indication de radiothérapie adjuvante à la prostatectomie radicale repose sur l’identification de facteurs prédictifs de
rechute biologique. En analyse multifactorielle, le taux de PSA, le score de Gleason, les marges chirurgicales envahies sont
des facteurs prédictifs de rechute biologique après prostatectomie radicale. La multiplicité, l’extension ou le siège des
marges sont cependant des éléments qu’il convient de prendre en considération. Il a ainsi été démontré qu’une marge
focale positive, a fortiori apicale, n’était pas, quand la tumeur était bien différenciée et le taux de PSA initial inférieur à 10
ng/mL, un facteur pronostique défavorable pour la rechute locale. Par ailleurs, l’extension extracapsulaire de la maladie
(pT3) est associée à un risque de rechute locale d’environ 30 %. Cette situation est aussi une indication à la radiothérapie
après prostatectomie radicale. En pratique courante, elle peut être retenue chez les patients pT3, pN0 avec un
envahissement capsulaire, des vésicules séminales positives ou une recoupe chirurgicale positive avec un PSA indosable,
un mois après le geste chirurgical. Si l’indication d’irradiation postopératoire est retenue, cette dernière doit être réalisée de
préférence dans un délai de trois mois postopératoire, en photons de hautes énergies, en technique conventionnelle ou
conformationnelle à la dose de 60 Gy en 30 fractions et 6 semaines. Si l’irradiation est différée, on se retrouve dans une
situation où le taux de PSA est resté indétectable après la chirurgie quelques mois, puis le taux est remonté. On pense donc
à une radiothérapie de rattrapage qui repose sur des critères objectifs de rechute locale dans la loge opérée. Le temps de
doublement du PSA > 6 mois, le critère marges positives, l’absence d’invasion des vésicules séminales et un taux de PSA
postopératoire inférieur à 1 ng/mL évoquent une rechute locale. Avec la même technique que la radiothérapie adjuvante, la
dose délivrée sera de 66 à 70 Gy. L’irradiation est moins efficace lorsque le PSA postopératoire reste élevé, situation qui
peut refléter la présence de métastases occultes ou d’une maladie agressive.
Prise en charge des effets secondaires
Durant une irradiation conformationnelle pour un cancer de la prostate, le patient est exposé à deux types d’effets
indésirables irritatifs aigus (rectite aiguë, cystite aiguë) dont l’intensité est corrélée à l’importance du volume traité d’où la
nécessité de rechercher la balistique la plus épargnante possible. La rectite aiguë survient, quelle que soit la technique
balistique utilisée, vers la 4e semaine de traitement. Elle reste d’intensité modérée à faible si la radiothérapie est
conformationnelle au-delà d’une dose de 70 Gy délivrée sur la prostate. Elle reste également faible à modérée si la
modulation d’intensité est utilisée au-delà de 74 Gy. Elle se manifeste par une accélération du transit, des diarrhées, des
sensations d’hémorroïdes et la présence de glaires. Des traitements symptomatiques peuvent être prescrits
(antispasmodiques, plâtre digestif, ralentisseur du transit) ainsi que des mesures d’hygiène diététiques (régime alimentaire,
hydratation). La cystite radique aiguë se manifeste de façon conjointe à la rectite et dépend du volume de vessie intégré au
volume PTV traité. Elle reste d’intensité modérée même en cas d’escalade de la dose mais reste dépendante du choix
technique utilisé pour la balistique des faisceaux en cas de dose élevée (> 74 Gy). Elle se manifeste par une pollakiurie plus
ou moins intense ainsi qu’une dysurie et des brûlures urinaires au-delà de 70 Gy. Comme pour la rectite, le traitement fait
appel à une bonne hydratation. Au-delà du traitement, la récupération fonctionnelle de ces effets est rapide sur une
quinzaine de jours en moyenne. Par la suite des effets secondaires tardifs (après le sixième mois) peuvent se manifester
mais sont dépendants de la dose délivrée et du volume traité.
La curiethérapie de la prostate
La curiethérapie prostatique est une technique maintenant validée aux États-Unis et en Europe. Les expériences à plus de
10 ans sont de plus en plus nombreuses, avec, pour une population sélectionnée, des résultats équivalents à ceux de la
chirurgie. Le nombre d’applications et de centres applicateurs a réellement augmenté à partir de 1995, avec la cotation de
l’acte. En France, la pratique de cette technique est plus récente. En 1998, deux centres uniquement utilisaient la
curiethérapie prostatique avec implantation permanente, puis 4 centres fin 1999. Aujourd’hui cette technique est largement
répandue, couvrant la majorité du territoire français. La curiethérapie prostatique est une technique complexe faisant
coopérer plusieurs intervenants : un urologue, un radiothérapeute, un physicien et tout le personnel d’un bloc opératoire.
Selon des directives ministérielles récentes, elle ne peut être pratiquée que dans des centres agréés pour la curiethérapie
en général, avec une extension pour l’iode 125. Une formation spécifique est obligatoire, tant théorique que pratique pour
les praticiens. Le centre doit aussi pratiquer 25 actes de curiethérapie autres que ceux concernant la prostate.
Pratique de la curiethérapie
La pratique de la curiethérapie repose sur des règles de bonne conduite qui ont été définies par les sociétés savantes
américaines, européennes ou françaises. Ces règles sont simples, mais indispensables pour une bonne qualité de
traitement. La curiethérapie prostatique par implantation permanente ne traite que la prostate et 1 à 2 millimètres autour de
celle-ci. Elle est réservée aux tumeurs strictement intraprostatiques. Le caractère localisé de la tumeur est déterminé a
contrario par l’absence de signes d’extension extraprostatique. La stadification repose sur l’examen clinique par le toucher
rectal, le taux sérique de PSA, les caractéristiques des biopsies faites sous contrôle échographique et le grade histologique
de la tumeur (score de Gleason). Certaines équipes s’aident d’une IRM endorectale, examen le plus fiable pour identifier un
envahissement tumoral extraprostatique, L’American Brachytherapy Society (ABS) a claire ment réservé la curiethérapie
prostatique en monothérapie aux patients présentant une maladie localisée à la prostate (sans atteinte ganglionnaire ou
métastase), T1/T2a, score de Gleason ≤ 6 et PSA ≤ 10. Avec une IRM endorectale, certaines équipes proposent la
curiethérapie à des patients T2b, et/ou avec un score de Gleason 7 (3+4) et/ou un PSA > 10ng/ml. Par ailleurs, trois points
liés
à
la
technique
et
aux
résultats
fonctionnels
sont
à
connaître
:
• lorsque le volume prostatique dépasse 50 cc, l’arche pubienne peut rendre difficile le positionnement des aiguilles. Dans ce
cas, un traitement hormonal neoadjuvant pendant 3 mois permet de diminuer le volume de la prostate rendant possible
l’implantation.
• lorsque les patients ont eu une résection endoscopique, il existe un risque majoré d’incontinence.
• lorsque des signes urinaires obstructifs existent, ils exposent au risque de rétention post-thérapeutique et, le plus souvent,
de résections endoscopiques secondaires. Cette situation doit être évitée compte tenu du risque élevé d’incontinence après
résection endoscopique.
Qualité du traitement
L’ABS a également émis des recommandations sur les doses et les moyens d’évaluation de la curiethérapie de prostate.
Les doses préconisées sont, pour l’iode 125, de 145 Gy en monothérapie. Les cancers de la prostate étant fréquemment
multifocaux, le volume cible doit être la glande dans sa totalité ; les organes critiques sont la vessie, l’urètre et le rectum.
L’évaluation doit être faite par une dosimétrie basée sur les images d’un scanner, ou mieux une fusion IRM/scanner,
pratiqués au moins un mois après l’implantation, le volume prostatique variant beaucoup pendant le premier mois avec les
réactions traumatiques consécutives à l’intervention (hématome, oedème). Cette évaluation, même si elle n’apporte aucun
bénéfice au patient, est une étape capitale du traitement. Elle permet une auto-évaluation de la qualité de celui-ci, une
surveillance et une amélioration des équipes traitantes, et elle est en plus pronostique pour la survie sans récidive. Après
identification des sources dans la prostate, la distribution des doses est calculée en tenant compte de la superposition des
courbes isodoses sur chaque image de scanner, ce qui permet d’obtenir une analyse détaillée tridimensionnelle de la
distribution de dose par rapport au volume prostatique avec histogrammes dosevolume. Le contrôle de la dosimétrie postimplantation peut également être fait par IRM, la position des grains étant identifiée sur les images en T1 ou après fusion
scanner-IRM. Selon l’ABS, l’évaluation de l’application doit faire appel à trois facteurs : la D90 (la dose délivrée à 90 % de la
prostate), la V100 et la V150 (les pourcentages du volume prostatique recevant 100 % et 150 % de la dose prescrite soit
145 Gy et 217.5).
Méthodes d’implantation et résultats
L’inconvénient essentiel des implants permanents est l’impossibilité de modifier leur position après leur mise en place dans
la prostate. La technique d’implantation et sa maîtrise sont donc particulièrement importantes pour essayer d’obtenir la
meilleure répartition des grains, nécessitant une optimisation de leur positionnement avant ou pendant leur mise en place
pour éviter la création de zones de sur- ou de sousdosage (figure 15) . L’apprentissage de la technique est long et peut
demander plusieurs dizaines de patients. La formation et l’entraînement d’une équipe sont donc capitaux. Il existe deux
techniques pour l’implantation permanente des grains. Toutes deux sont pratiquées sous anesthésie générale, le patient en
position
de
Coteille
et
avec
abord
périnéal
sous
contrôle
échographique
endorectal
:
• La première méthode dite avec préplanning, développée par Blasko et Ragde comporte deux étapes. Une première
échographie permet l’acquisition tridimensionnelle de la prostate par des coupes transverses tous les demi-centimètres. Une
dosimétrie prévisionnelle est par ailleurs réalisée. Le jour de l’implantation, le patient est mis dans la même position que le
jour de la première échographie. C’est là que se situe la principale difficulté de cette technique. Les grains sont ensuite
positionnés selon les données du calcul de dose tridimensionnel. Cette technique est le plus souvent utilisée par les équipes
utilisant
les
grains
liés.
• La seconde technique dite en temps réel, développée par Stone et Stock se déroule en une seule étape. Il n’y a pas de
planification préalable, et l’implantation suit des règles géométriques précises en fonction des dimensions de la prostate
mesurées
par
échographie.
Le calcul de la répartition de la dose est fait au fur et à mesure, en temps réel, avec un logiciel qui permet d’adapter la
position des aiguilles et des grains en fonction de l’aspect de la couverture prostatique, des courbes isodoses et des
données des histogrammes dose/volume (figure 16). Il n’existe pas de bonnes ou de mauvaises techniques, seulement de
bonnes ou de mauvaises applications. Les deux techniques donnent des résultats équivalents pour des équipes entraînées,
même si la seconde méthode semble plus fiable. Le but est d’obtenir les critères de qualité cités plus haut (et principalement
une D90>145Gy). Les résultats des différentes études sont concordants. Le taux de contrôle du PSA à 10 ans est proche de
80 %, toutes populations confondues. Ces résultats sont proches de ceux de la chirurgie. Les résultats dépendent aussi de
la qualité du traitement. Le taux de contrôle de la maladie à 10 ans dépasse 90 % pour les patients avec une application de
bonne qualité.
Les effets secondaires
Les effets secondaires initiaux sont principalement urinaires. Plus de 40 % des patients vont présenter une dysurie avec une
fréquence de mictions inférieures à deux heures, et dans plus de 15 % des cas, inférieurs à l’heure. Ces symptômes durent
en majorité 3 à 4 mois, puis s’amendent ensuite. Ces signes sont partiellement maîtrisés par les alpha-bloquants. Cette
toxicité est corrélée a la taille de la prostate, au nombre de grains, à la dysurie antérieure et aux critères dosimétriques. À
long terme, les complications sont principalement rectales. Elles existent dans 5 à 10 % des cas. Elles se traduisent par des
rectorragies, parfois par des glaires. Des traitements spécifiques existent. Au niveau de la sexualité, la capacité de rapport
sexuel pour les patients le désirant est maintenue dans près de 90 % des cas, parfois avec l’aide de traitements per os .
Pour la population générale, le taux est situé entre 50 et 76 %. Mais la sensation d’orgasme est différente et l’oligospermie
est fréquente.
Les traitements focaux
High Intensity Focused Ultrasound : HIFU
L’HIFU est un système médical piloté par un ordinateur pour traiter le cancer de la prostate par action des ultrasons
focalisés de hautes fréquences. Le but est de générer par voie transrectale une destruction tissulaire par action thermique.
La température prostatique est montée focalement jusqu’à 85 °Celsius grâce à une sonde endorectale pos itionnée dans le
rectum du patient sous anesthésie locorégionale. La sonde porte une source qui émet un faisceau d’ultrasons focalisé sur
une zone prostatique très limitée dans laquelle la température augmente rapidement lors de l’absorption tissulaire du
faisceau. Lorsque cette manoeuvre est appliquée en différents points de focalisation du faisceau dans l’organe, la prostate
est traitée (figure 17) . La procédure dure entre 1 et 3 heures selon la taille de la prostate mais elle reste une technique
ambulatoire. La réalisation d’une résection transurétrale de la prostate (synchrone ou préalable) pour diminuer le risque de
rétention urinaire postopératoire accompagne la procédure de soin. Ce traitement est utilisé d’après la charte AFU
(Association Française d’Urologie), pour des patients âgés préférentiellement de plus de 70 ans, dont l’espérance de vie est
au moins de 7 ans (ou à des patients plus jeunes lorsqu’existe une morbidité compétitive) qui présentent une tumeur T1-T2
N0 M0, score de Gleason 7 (3+4), une valeur de PSA < 15 ng/ml, un volume prostatique < 50 cc, un volume tumoral limité
(moins de 4 zones prostatiques atteintes sur 6). L’envahissement important de l’apex expose au risque de sous-traitement
de cette zone par les ultrasons car le risque d’incontinence urinaire est important. Cependant, un score de Gleason à 7, un
PSA entre 10 et 20, un volume prostatique entre 40 et 50 cc et la présence de calcifications prostatiques apparaissent
comme des facteurs de mauvais résultat thérapeutique. La survie sans récidive biologique est estimée entre 60 à 70 % à 5
ans, le pourcentage de biopsies négatives post-traitement varie de 80 à 90 %. Les résultats fonctionnels montrent 94,3 % de
continence (5 % d’incontinence de grade 1 et 0,7 % de grade 2), 7,1 % des patients ont une infection urinaire post-HIFU.
L’HIFU s’est développée également dans le traitement de la rechute prostatique après radiothérapie. L’inconvénient
d’indication repose sur la possibilité de différencier rechute locale intraprostatique et rechutes locales et à distance
associées. Ainsi les facteurs pronostiques défavorables sont les groupes à risque non faible, le PSA pré-HIFU et l’utilisation
d’une hormonothérapie préalable. Les résultats fonctionnels montrent un taux d’incontinence de grade variable de 49,5 % et
un risque de fistule recto-urétrale de 3 %. Cette technique est toujours en cours d’évaluation sur le territoire national.
La cryothérapie
À l’inverse de l’HIFU qui détruit les cellules cancéreuses par hyperthermie, la cryothérapie utilise la technique du froid. En
effet, grâce à l’utilisation également d’une sonde endorectale pour guider l’implantation, des aiguilles sous anesthésie
générale sont positionnées dans la prostate à travers la paroi rectale (figure 18) . Un réchauffement urétral pour limiter les
complications accompagne le geste. Au travers des aiguilles circule le produit qui refroidit la prostate et gèle les cellules
cancéreuses. Les effets bénéfiques et toxiques sont dépendants des vitesses de refroidissement et de réchauffement ainsi
que du nombre de cycles de refroidissement- réchauffement. La cryothérapie s’applique en premier lieu aux tumeurs à
risque faible – voire de risque intermédiaire – pour une glande de moins de 40 cc. Les suivis sont variables avec des critères
de survie sans progression fondés sur la valeur du PSA post-cryothérapie ou le résultat des biopsies post-traitement. Ce
traitement peut s’utiliser comme rattrapage local après radiothérapie externe. Le taux de complication varie entre 47 et 100
% pour la dysfonction érectile, de 1,3 à 19 % pour l’incontinence et de 2 à 55 % pour la sténose du col vésical. Les
complications de la cryothérapie de 3e génération sont avant tout la dysfonction érectile (80 %), l’incontinence (5 %), les
sténoses du col vésical, les fistules recto-urétrales (0,2 %) et les douleurs périnéales (3 %).
L’hormonothérapie
Principes généraux
Le cancer de la prostate est un cancer dit hormonosensible, c’est-à-dire que la croissance des cellules can céreuses est
stimulée par une hormone spécifiquement masculine : la testostérone. La testostérone est une hormone androgène, c’est-àdire responsable des caractères masculins comme les poils sur la poitrine et sur le visage. Au niveau de l’hypothalamus
dans le cerveau est sécrétée la LH-RH (luteinizing hormone-releasing hormone) de façon pulsatile. Elle stimule les
récepteurs hypophysaires ce qui déclenche la synthèse et la sécrétion de la LH (luteinizing hormone) et de la FSH (follicle
stimulating hormone) . La LH stimule les récepteurs testiculaires au niveau des cellules de Leydig pour sécréter de la
testostérone. De plus, il existe au niveau des glandes surrénales des précurseurs de la testostérone synthétisés (DHEA-S,
androstènedione) qui vont être captés par la cellule prostatique. Ils sont alors transformés en testostérone et par l’action
d’une enzyme 5-alpharéductase en dihydrotestostérone. L’hormonothérapie thérapeutique consiste à empêcher l’action
stimulante de la testostérone sur les cellules cancéreuses. Elle permet ainsi d’empêcher le développement de la tumeur et
ses éventuelles métastases.
Présentations des traitements
Les voies de modulation du blocage de la sécrétion de la testostérone sont multiples et peuvent être de nature chirurgicale
ou médicamenteuse. La discussion du choix du traitement proposé tient compte de l’âge du patient et de l’évolution des
techniques et parfois du coût.
La castration chirurgicale
L’ablation des testicules est une intervention qui consiste à enlever le tissu des testicules qui sécrète la testostérone. Soit la
paroi externe des testicules est conservée : on parle alors de pulpectomie. Soit, plus rarement, tout le testicule est enlevé :
on parle alors d’orchidectomie. C’est une intervention simple, réalisée au moyen d’une anesthésie locale de la région du
scrotum. Au moyen d’une petite incision pratiquée dans le scrotum, le médecin retire soit la partie des testicules qui sécrète
la testostérone, soit la totalité des testicules. Dans ce dernier cas, le scrotum apparaît plus petit après l’intervention.
Généralement, le chirurgien remplace les testicules par des prothèses. Cette ablation entraîne une réduction de 90 à 95 %
de la testostérone dans le corps. Les cellules cancéreuses de la prostate deviennent rapidement plus petites en réponse à
la privation soudaine de testostérone. Cette chirurgie peut être proposée à un homme âgé pour qui une vie sexuelle active
n’a plus d’importance. Compte tenu de ses conséquences ou de la peur de ressentir une diminution de leur virilité, certains
hommes ne souhaitent pas réaliser cette intervention. Ils peuvent alors choisir une hormonothérapie sous forme de
médicaments. Cette technique de la castration chirurgicale est aujourd’hui rarement utilisée.
La castration médicamenteuse
L’hormonothérapie anticancéreuse consiste à administrer certaines substances qui vont agir à différents niveaux pour freiner
la sécrétion de testostérone et inhiber la prolifération des cellules cancéreuses de la prostate.
Les analogues de la LH-RH :
la production de testostérone par les testicules est déclenchée par une hormone, l’hormone de libération de la
lutéinostimuline (LH-RH). La LH-RH est produite par l’hypothalamus, une glande située à la base du cerveau. On peut donc
bloquer la production de testostérone en utilisant des médicaments qui empêchent la sécrétion de LHRH, appelés
analogues de la LH-RH. L’administration d’analogues de la LHRH entraîne d’abord une augmentation de la production de
testostérone pendant une très courte durée, puis une diminution qui empêche la croissance des cellules cancéreuses.
L’augmentation momentanée de la testostérone observée au début du traitement entraîne ce qu’on appelle une « réaction
de flambée tumorale » (flare up). Au cours de cette réaction, le patient peut avoir plus de troubles urinaires ou de douleur
osseuse. Pour réduire ces symptômes, le médecin associe en général aux analogues de la LHRH un médicament antiandrogène. Les analogues de la LHRH sont administrés au moyen d’une injection sous la peau (figure 19) . Selon le
médicament utilisé, l’injection peut être réalisée tous les mois, ou tous les 3 ou 4 ou 6 mois. Le médicament est administré
soit de manière définie en situation associée à une radiothérapie pour les cancers localement évolués soit pour le reste de la
vie (de façon intermittente ou continue) en situation métastatique et ce jusqu’à ce que le cancer évolue.
Les 4 analogues de la LHRH les plus couramment utilisés sont (figure 20) :
– la buséréline (Bigonist® , Suprefact® ) : laboratoire Sanofi-Aventis, peu utilisé en France ;
– la goséreline (Zoladex® 3,6 mg mensuels, 10,8 mg trimestriel, par voie sous-cutanée) : laboratoire AstraZeneca ;
– la leuproréline (Enantone® 3,75 mg mensuels, 11,25 LP trimestriel, 30 mg semestriel, en sous cutanée) : laboratoire
Takeda ;
– la leuproréline (Eligard® 22,5 mg trimestriel, 45 mg semestriel, voie sous-cutanée) : laboratoire Astellas ;
– la triptoréline (Decapeptyl® 3 mg mensuel, 11,25 mg trimestriel, 22,5 mg semestriel, voie intramusculaire) : laboratoire
Ipsen Pharma.
Ces analogues entraînent un blocage de la sécrétion de l’hormone hypophysaire lutéinisante et consécutivement, une
diminution de la fabrication des oestrogènes et des androgènes. On parle de castration chimique.
• Les antagonistes de la LH-RH : ils bloquent directement les récepteurs hypophysaires. Ils inhibent de façon immédiate la
sécrétion de LH et de FSH, ce qui entraîne la suppression immédiate de la sécrétion de testostérone. Ainsi il n’existe pas de
réaction de « flare up» avec les antagonistes de la LH-RH. Il n’y a donc pas d’intérêt à associer les anti-androgènes à
l’initiation du traitement. Actuellement est commercialisé en France par le laboratoire Ferring un décapeptide nommé le
dégarelix (Firmagon® 80 mg, par voie sous-cutanée (figure 21) . Le traitement démarre par une dose de charge de 2 fois
120 mg). Il réalise un effet similaire à une castration chirurgicale mais avec la possibilité d’un effet réversible.
• Les anti-androgènes : dans le cancer de la prostate, le traitement hormonal par les antiandrogènes va permettre, grâce à
la suppression de l’activité des androgènes, de diminuer le volume des tumeurs cancéreuses dans environ 3 cas sur 4.
Associé à un agoniste de la LHRH, il provoque un blocage androgénique complet. On distingue les anti-androgènes
stéroïdiens (Androcur® ) des non stéroïdiens (Casodex® , Eulexine® et Anandron® ). Les androgènes sont les hormones
responsables des caractères masculins comme les poils sur la poitrine et sur le visage. L’androgène le plus connu et le plus
présent chez l’homme est la testostérone. Pour mémoire, il existe d’autres androgènes mais qui présentent des taux
sanguins beaucoup plus faibles, comme la DHEA par exemple. Les androgènes sont nécessaires à la croissance des
cellules cancéreuses de la prostate. Les médicaments anti-androgènes bloquent le fonctionnement de la testostérone et
empêchent son action. Ils peuvent être administrés pour une certaine période de temps à un patient qui prend des
analogues de la LHRH afin de réduire l’aggravation de ses symptômes et de la douleur causée par ces médicaments
(réaction
liée
à
la
stimulation
transitoire
des
cellules
tumorales
par
le
traitement).
Ils sont pris par voie orale sous forme de comprimés (1 à 3 par jour) ou sous forme liquide par injection intramusculaire.
Les types les plus courants sont :
– le bicalutamide (Casodex® 50 mg) : laboratoire Astrazeneca ;
– le flutamide (Eulexine® 250 mg) : laboratoire Schering Plough ;
– le nilutamide (Anandron® 150 mg) : laboratoire Sanofi-Aventis ;
– l’acétate de cyprotérone (Androcur® 100 mg) : laboratoire Bayer Santé.
• les oestrogènes : l’utilisation des oestrogènes est particulièrement efficace mais limitée chez certains patients. Ils agissent
par effet direct sur la baisse de sécrétion de la testostérone et ont un effet direct apoptotique sur les cellules androgénodépendantes et androgénoindépendantes du cancer prostatique. Les composés le plus connu étaient le diéthylstilbestrol
(DES ou Distilbène, en comprimés de 1 mg d’oestrogène de synthèse) du laboratoire Lilly et le fosfestrol (ST 52, en
comprimés) qui ont disparus ou sont peu prescrits. Un mélange d’oestrogène et d’une moutarde azotée, l’estramustine
(Estracyt® , en comprimés de 140 mg) du laboratoire Keocyt existe mais est associé au Taxotère® en chimiothérapie en
pratique plus courante. En effet, il existe un risque cardiovasculaire de phlébite (survenue de caillot sanguin et
d’inflammation des parois veineuses) ainsi qu’un risque de survenue d’insuffisance coronarienne (diminution de la
vascularisation du myocarde proprement dit). Les oestrogènes donnent également des troubles digestifs, une gynécomastie,
une diminution de la libido mais pas d’ostéoporose.
• L’inhibiteur de l’enzyme cytochrome P450 . Cette enzyme est impliquée dans la synthèse de différentes hormones de la
testostérone. Son inhibition diminue le taux de testostérone et des androgènes surrénaliens. Le plus utilisé est le
kétoconazole (Nizoral® , en comprimés), antifongique du groupe des imidazolés, du laboratoire Janssen Cilag. Il est utilisé
après échec des agonistes de la LH-RH, mais est prescrit en maintenant un traitement par agonistes. Sa toxicité est
hépatique essentiellement.
• Les derniers développements : les mécanismes de l’hormono-résistance (concept de résistance à la castration) sont
complexes et tournent autour du récepteur aux androgènes. Les récents progrès cherchent soit à obtenir une meilleure
inhibition de la production des androgènes extra-testiculaires, soit un effet antagoniste plus puissant des récepteurs aux
androgènes. Ainsi, l’acétate d’abiratérone est un médicament par voie orale qui agit à plusieurs niveaux de la synthèse des
androgènes. Le MDV3100 est, lui, un nouvel antagoniste du récepteur androgène. Ces traitements sont en cours
d’évaluation.
Les effets secondaires classiques
Les effets secondaires de l’ablation des testicules dépendent surtout de l'état de santé général. Des hématomes et une
sensibilité au siège de l’incision surviennent habituellement tout de suite après la chirurgie. En général, ils sont temporaires
et guérissent en quelques semaines. Puisque l’intervention consiste à retirer les testicules, faisant ainsi chuter le taux de
testostérone, la plupart des effets secondaires surviennent immédiatement après la chirurgie et persistent pendant toute la
vie. Les effets de l’hormonothérapie dépendent surtout du type de médicament, de la dose utilisée et de l'état de santé
général du patient. De façon générale, on retrouve le plus souvent les effets décrits ci-après.
• Les effets secondaires à court terme Il s'agit d'une réaction de stimulation tumorale (aggravation passagère des
symptômes) qui se traduit par desdouleurs osseuses, troubles des mictions (besoin pressant d’uriner [mictions urgentes],
l'incapacité d’uriner, le besoin fréquent d’uriner [mictions fréquentes], bouffées de chaleur, transpiration, gonflement ou
sensibilité de la poitrine, diminution du désir sexuel, impuissance, troubles intestinaux [diarrhée, constipation],
étourdissements, maux de tête, perte d’appétit, vision trouble, fatigue, prise de poids, phlébite [anti-androgènes et
oestrogènes], douleur ou rougeur au point d’injection.
• Les effets secondaires tardifs De nombreux hommes, qui doivent prendre des analogues de la LH-RH durant de longues
périodes, éprouvent des effets secondaires tardifs dont un bon nombre sont semblables aux effets à court terme : bouffées
de chaleur, transpiration, gonflement ou sensibilité de la poitrine, diminution du désir sexuel, impuissance, fatigue, prise de
poids, perte de densité osseuse (ostéoporose).
La chimiothérapie
La chimiothérapie est un traitement qui consiste à utiliser des médicaments contre les cellules cancéreuses (par injection
dans un site implantable le plus souvent ou dans une veine). La chimiothérapie agit sur toutes les cellules cancéreuses,
même sur celles qui n’ont pas été détectées par les examens d’imagerie. La chimiothérapie était autrefois rarement utilisée
dans le traitement du cancer de la prostate car elle ne s’était pas révélée efficace dans la lutte contre cette maladie ni dans
l’amélioration de la survie. Des avancées importantes ont montré que la chimiothérapie peut être indiquée pour le traitement
des cancers métastatiques hormonorésistants dans le but de soulager la douleur ou de maîtriser les symptômes de la
maladie comme avec l’étoposide, la navelbine ou la mitoxantrone (Novantrone® ). Depuis quelques années, le Taxotère®
(docétaxel), inhibiteur des microtubules, s’est imposé comme la chimiothérapie de référence du cancer de la prostate
hormonorésistant. Les médicaments employés, les doses administrées ainsi que le rythme des cures varient d’une personne
à l’autre, en fonction des caractéristiques du cancer et de la tolérance au traitement. Le Taxotère® se délivre par voie
intraveineuse chez le patient porteur d’une chambre implantable, seul ou associé à l’estramustine. Les cycles sont soit de 21
jours (75 mg/m2 ) soit fractionné en J1 (35 mg/m2 ), J8 et repris à J21. Comme avec la mitoxantrone, le traitement est
conduit en 1re ligne avec de la cortisone (Prednisone 10 mg au quotidien). Il est actuellement recommandé de disposer d’au
moins deux augmentations successives du PSA au-dessus de la référence antérieure et que ce taux de PSA dépasse 5
ng/mL. Le moment idéal pour initier une chimiothérapie reste controversé. Si son indication n’est pas discutable dans les
formes métastatiques symptomatiques, il n’existe pas de preuve pour justifier de la débuter précocement chez les patients
asymptomatiques. Le schéma hebdomadaire peut être envisagé chez des patients incapables de recevoir un schéma
optimal du fait de leur âge avancé, de leur état général ou de pathologies associées. Une évaluation gériatrique est
recommandée chez les patients âgés, présentant des comorbidités. Il n’y a pas d’indication à une chimiothérapie chez les
patients non métastatiques en échappement hormonal en dehors d’essais thérapeutiques. Pour une chimiothérapie de
deuxième ligne, une reprise du docétaxel chez les patients ayant montré une bonne réponse initiale et présentant un
intervalle libre de plusieurs mois permet d’obtenir une réponse biologique chez plus de la moitié des patients pour une durée
médiane de réponse d’environ six mois. Mais la chimiothérapie de deuxième ligne par un nouveau taxane semi-synthétique
en cours d’AMM, le cabazitaxel (Jevtana ® , en IV, 25 mg/m2 ), montre une amélioration de la survie globale et devrait
s’imposer prochainement comme « la » référence.
Indications et conclusions
L’arsenal thérapeutique est important et doit être employé après avis d’une réunion de concertation pluridisciplinaire qui
attribue les propositions de soin en fonction du stade de la maladie et des traitements préalablement reçus et des critères du
patient. Le tableau cidessous résume les grandes lignes de la prise en charge du cancer de la prostate. Ainsi, le cancer de
la prostate est un cancer dont le pronostic de guérison est élevé avec une multitude de ressources thérapeutiques. Il est
important de correctement stadifier la pathologie pour donner la chance au patient de bénéficier d’un traitement adapté à sa
maladie avec les meilleures chances de contrôle. Il est important de connaître les critères de choix de telle ou telle
proposition lorsqu’elles peuvent être multiples, et parfois le patient peut être conduit à choisir entre des options équivalentes.
L’espérance de vie du patient supérieure à 10 ans conduit à proposer, quand le stade initial le permet, un traitement local à
visée curative. En cas de rechute, l’espérance de vie compte pour le choix des options de rattrapage également. Les
progrès actuels de la compréhension des mécanismes de résistance des cellules prostatiques cancéreuses à la castration
permettent déjà l’émergence de thérapies ciblées spécifiques.
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