Au téléphone, un inconnu vous invite à venir retirer un cadeau
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Au téléphone, un inconnu vous invite à venir retirer un cadeau
38 Budget&Droits 217 - juillet/août 2011 COMMERCE meubles | pratiques déloyales L’arnaque à la ve Au téléphone, un inconnu vous invite à venir retirer un cadeau ? Méfiez-vous : cette proposition cache souvent une arnaque à la vente de meubles. Paul Louyet et France Kowalsky E n Belgique, le système est surtout pratiqué en Wallonie, à Bruxelles et dans sa périphérie mais des habitants du Pajottenland, dans le Brabant flamand, en ont également été victimes récemment (Close up en p. 39). Il concerne surtout les salons en cuir mais il est également utilisé pour la vente de vins, de pièces de vaisselle, etc. Comment ça marche Tout commence par un appel téléphonique qui vous invite, avec votre conjoint, à venir retirer un cadeau dans l’établissement d’un partenaire. Une fois sur place, vous êtes pris en main par une équipe de vendeurs qui, à coups de réduction, d’offre exceptionnelle, de geste commercial rien que pour vous, ne vous lâchera pas tant que vous n’aurez pas signé un bon de commande. Le système est bien rodé et presque toujours pratiqué par des vendeurs français. Cette technique de vente s’appelle d’ailleurs la vente marseillaise. C’est pourquoi, donc, il vise essentiellement, chez nous, la clientèle francophone. Les clients sont recrutés par campagnes téléphoniques via un call-center situé au Maroc ou en Tunisie mais, sur l’écran de votre téléphone, BD217X09_arnaques_3p.indd 38 on voit le préfixe 033, ce qui laisse croire que l’appel vient de France. Quand on décroche, il y un blanc car il s’agit d’un appel automatisé et l’appelant voit seulement sur son écran que quelqu’un a décroché et il doit déchiffrer le nom. Donc, bien souvent, la personne appelée entend son nom écorché. Le message est toujours le même : bravo vous avez gagné un cadeau, à l’occasion d’un anniversaire, d’une ouverture de magasin, d’une liquidation. Mais il faut aller chercher le cadeau en couple. Lorsque vous acceptez l’invitation, vous recevez, dans les jours qui suivent, une confirmation écrite précisant l’adresse et montrant une photo des cadeaux promis. D’après les nombreuses plaintes reçues, ces consommateurs continuent ensuite d’être contactés par téléphone : il s’agit de s’assurer qu’ils viendront bien au rendez-vous ou de les interroger sur les motifs de leur absence… Champagne ! Une fois votre couple arrivé sur les lieux, un premier vendeur vous invite à visiter la salle d’exposition. Après votre tour des lieux, il ne manque pas de vous demander quel salon vous a plu. Comme il y en a toujours bien un qui vous plaît davantage, vous l’indiquez au vendeur. Et c’est parti ! Vous avez bon goût, ce salon est justement en promotion, Monsieur vous avez sûrement envie de faire plaisir à Madame, c’est une offre exceptionnelle. Vous n’êtes pas convaincu ? Qu’à cela ne tienne, le directeur français est justement de passage dans le magasin, il pourra peut-être faire quelque chose pour vous. Et justement, comme vous êtes des personnes si sympathiques, il vous accorde encore une réduction parce que c’est vous. Il n’est pas rare que le prix du salon soit raboté de 50, voire 60 %. Et les vendeurs n’hésitent pas à vous faire parler et à exploiter ce que vous leur LE CONSOMMATEUR LÉSÉ PEUT CONSERVER SANS LES PAYER LES PRODUITS ACHETÉS 7/06/2011 13:33:09 Budget&Droits 217 - juillet/août 2011 39 e nte de salons dites : vous venez d’être opéré, vous relevez de maladie, vous êtes marié depuis 25 ans, c’est votre anniversaire, vous avez perdu un proche. Tous les prétextes sont bons pour jouer sur l’affectif. Il n’est pas rare non plus que le champagne vous soit offert, histoire de faire tomber vos dernières inhibitions. Bref, vous aurez le plus grand mal à quitter le magasin sans avoir signé un bon de commande pour un salon dont, à l’origine, vous n’aviez nul besoin. Vous ne tarderez pas à constater que le prix d’origine du salon est à ce point surfait que, malgré la réduction de 50 à 60 %, vous l’aurez finalement payé au prix du marché, voire plus cher. Quant au cadeau qu’on vous a fait miroiter, il est parfois accordé même en cas de refus d’acheter, mais c’est loin d’être une règle générale. Les vendeurs sont engagés par une société française qui les met à disposition des magasins en Belgique. éventuel à la procédure d’arbitrage, le magasin de meubles doit être membre de Navem et adhérer à la Commission de Litiges Meubles. Ce n’est absolument pas le cas de ces filous. Néanmoins, si un consommateur a signé un bon de commande portant les conditions générales de la Commission Litiges Meubles et qu’un litige survient, il pourra le porter devant la CLM puisque c’est prévu dans les conditions générales. Et la CLM sera obligée d’accepter même si, à l’origine, le magasin n’est pas affilié. La CLM pourrait attaquer en justice les firmes qui utilisent ses conditions générales de manière illicite, sur base de la loi protégeant le droit d’auteur. Mais l’engagement d’un avocat et les frais de procédure pèseraient trop lourd sur le budget de cette asbl qui n’a pas les moyens de se défendre. Et qui préfère donc traiter les litiges portés devant elle par les consommateurs qui ne se doutent nullement de ces problèmes internes. CLOSE UPT Quand Style Design harcèle les Brabançons Crédit dissimulé Certaines personnes signent même un contrat de crédit sans le savoir. Le vendeur demande la carte d’identité, soi-disant pour vérifier la date d’anniversaire, mais, en même temps il fait une photocopie de la carte et introduit une demande de crédit pour la personne, sans son accord. L’arnaque peut aussi être plus subtile. Ainsi, le vendeur prétend faire du crédit à 0 % mais c’est lui qui paie l’intérêt à la société de crédit. Ce qui n’est pas logique : comme intermédiaire, il devrait plutôt recevoir une commission. En fait, il se rattrape en accordant une ristourne moins importante. Si vous payez cash, vous aurez une ristourne plus importante. En cas de crédit, il y a l’intérêt à payer et donc la ristourne sera inférieure. En fin de compte, c’est bien le client qui paie l’intérêt et ce n’est pas un crédit à 0 %. Une autre irrégularité est que, pour faire du crédit, il faut un enregistrement. Certains magasins sont effectivement enregistrés, mais pas les vendeurs, et comme ils ne travaillent pas pour le magasin, ils ne sont pas concernés par cet enregistrement. Commission des litiges abusée Pour inspirer davantage confiance, certains vendeurs n’hésitent pas à invoquer abusivement les conditions générales de la Commission Litiges Meubles (CLM), une asbl dont sont membres Test-Achats, Arcopar et Navem, l’Association professionnelle nationale des négociants en meubles. Ces partenaires ont mis sur pied des conditions de vente justes et équilibrées et ont prévu une procédure d’arbitrage pour résoudre les litiges toujours possibles. Pour pouvoir utiliser ces conditions générales et soumettre un litige BD217X09_arnaques_3p.indd 39 Ce n’est pas fini ! Il n’est pas difficile de créer une société et de trouver des gérants. On pourrait penser que le vendeur qui a travaillé dans un magasin et vu comment il fallait faire, se met à son compte et applique le même système. Mais, ce qui est troublant, c’est de constater, en grattant un peu, qu’on finit toujours par retrouver les mêmes personnes : c’est toujours le même comptable, le même notaire, la même société de call-center. Et, donc, si une société a des problèmes, il suffit de la mettre en faillite et d’en créer une autre… Tout n’est pas perdu Vous vous êtes fait avoir et vous avez acheté un salon, un service de table ou du vin dont vous n’avez que faire, à un prix excessif ? Tout n’est pas nécessairement perdu. L’administration fait son possible pour verbaliser les pratiques clairement illégales (interview en p. 40) mais les filous sont habiles. Cependant, les consommateurs disposent d’une nouvelle arme, avec la loi du 6 avril 2010 qui interdit les pratiques commerciales trompeuses ou agressives, considérées comme des pratiques déloyales. Mais ça, ce n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est qu’à côté des sanctions pénales (amendes pénales et peines de prison), la loi a aussi prévu une sanction civile. Et elle est radicale : le consommateur peut exiger le remboursement du prix payé, sans avoir à restituer le produit livré. Votre nouveau salon… gratuit ! Vous avez bien lu : le consommateur peut avoir le produit gratuitement. Dans certains cas, ce droit lui est assuré automatiquement. ODans le courant du mois de mars, la firme Style Design s’est distinguée par de pratiques de harcèlement téléphonique. Submergée par les plaintes d’habitants du Pajottenland, une région du Brabant Flamand, la police locale a réagi par communiqué de presse. OIl s’agissait d’informer les habitants que le harcèlement dont ils étaient l’objet, de la part d’une femme parlant français ou d’appels muets, était dû à un problème informatique et qu’il n’y avait pas volonté de nuire. En fait, la centrale d’appel automatique, située à l’étranger, agissait pour le compte de Style Design et essayait de convaincre les personnes de se rendre au magasin pour y retirer un cadeau. OA cause de cette erreur informatique, certaines personnes ont été rappelées plus d’une dizaine de fois. La police a conclu à un malheureux incident qui ne pouvait être sanctionné pénalement. OA noter également que la firme Style Design n’a pas hésité à invoquer abusivement les conditions générales de la Commission litiges meubles, à laquelle elle n’est bien sûr aucunement partie prenante. 7/06/2011 13:33:12 40 Budget&Droits 217 - juillet/août 2011 COMMERCE meubles | pratiques déloyales Dans le collimateur de la justice Les pratiques commerciales déloyales trompeuses et agressives constatées dans ce type de commerce sont des infractions à la loi sur les pratiques du marché. Les pratiques commerciales trompeuses sont celles relatives à la formation du prix. Les pratiques commerciales agressives sont notamment celles qui ont pour objet de donner au consommateur l’impression soit, qu’il ne pourra quitter les lieux avant qu’un contrat n’ait été conclu, soit qu’il a gagné un prix, alors que, pour l’obtenir, il devra supporter un coût, ou alors que le gain (réduction exceptionnelle) est inexistant. Dans le premier cas, c’est la pression psychologique qui est visée, les vendeurs font tout pour retenir les clients dans le magasin. Dans le second cas, c’est la promesse d’une réduction exceptionnelle, alors que, pour l’obtenir, on est obligé d’acheter un salon et que la réduction exceptionnelle est illusoire. Lorsque nous constatons des infractions aux législations économiques, notre action vise surtout à une régularisation de la situation. Dans les dossiers évoqués ici, une telle régularisation n’est pas possible sur base volontaire si bien que plusieurs dossiers pénaux ont été constitués, qui sont maintenant entre les mains de plusieurs procureurs du roi. Ce sont eux qui devront décider s’il y a lieu à poursuites. La loi nous confère également la possibilité de saisir à titre conservatoire les biens faisant l’objet de l’infraction. Lorsque les ventes se réalisent principalement grâce au recours aux pratiques agressives décrites Dans d’autres, il peut lui être accordé par le juge. La sanction est automatique dans deux cas. D’abord, lorsque le vendeur a fait en sorte de convaincre le consommateur qu’il est pratiquement tenu de conclure un marché avant de quitter le magasin. Ensuite, lorsque le vendeur a laissé croire au consommateur qu’il a déjà remporté, ou qu’il va remporter, un cadeau ou un autre avantage équivalent. Et ce alors que, en fait, soit ce cadeau ou cet avantage n’existe carrément pas, soit le consommateur devra consentir une dépense ou accepter un coût pour obtenir le cadeau en question. La sanction peut être ordonnée par un juge dans tous les autres cas où il est question de pratiques commerciales déloyales. La loi considère qu’une pratique commerciale est déloyale quand d’une part elle n’est pas conforme à une pratique professionnelle normale et quand, d’autre part, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse. Ou encore, quand elle s’adresse à un groupe de consommateurs déterminé, si elle est susceptible d’altérer le comportement économique du membre moyen de ce groupe, par rapport au produit concerné. Et donc, en ce qui concerne les pratiques ON VOUS PROPOSE UNE RÉDUCTION MIROBOLANTE ? LE PRIX ÉTAIT SÛREMENT SURFAIT ! PLUS D’INFOS Commission de litiges meubles Kasteelstraat 1A B10 B-1700 Dilbeek tél: 02 478 47 58 fax: 02 478 37 66 e-mail : [email protected] www.navem.be BD217X09_arnaques_3p.indd 40 que nous dénonçons dans cet article, vous pouvez certainement invoquer le fait qu’on donne au consommateur l’impression qu’il ne pourra quitter les lieux avant qu’un contrat ait été conclu, de même que le fait qu’on lui NOS CONSEILS Madame Catherine Meurice, Inspecteur au SPF Economie ci-dessus, nous procédons à une telle saisie : en effet, tous les clients sont en droit d’exiger le remboursement des sommes payées et de conserver les marchandises. Quel est alors l’intérêt commercial de poursuivre de telles activités ? donne l’impression d’avoir gagné un prix alors que, pour l’obtenir, il est quasi obligé d’acheter un salon. Malheureusement, ces dispositions ne sont pas connues du grand public et nous n’avons pas encore eu connaissance d’une décision de justice en ce sens. La difficulté consistera sans doute, pour un consommateur individuel, à prouver la réalité des faits devant le juge. Si vous avez été victime des pratiques décrites dans cet article, faites-nous part de votre expérience. Nous rassemblons un maximum de dossiers pour aider à mettre fin définitivement à ce genre d’arnaques. Contactez-nous à l’adresse www. test-achats.be/temoignage ou par courrier à Test-Achats, rue de Hollande 13, 1060 Bxl. O T Un cadeau à la clé ? Méfiance ! OLes pratiques quasi frauduleuses de certains vendeurs de salons en cuir ne datent pas d’hier. La meilleure façon d’y mettre fin est de faire en sorte que le système ne soit plus rentable. Autrement dit, n’achetez jamais de salon après un appel téléphonique qui vous promet un cadeau si vous passez au magasin. Faites passer ce message auprès de votre entourage. OIl existe suffisamment de vendeurs sérieux qui ne vous forceront pas la main, dont les prix ne sont pas surfaits et qui ne vous jetteront pas à la figure des réductions mirobolantes. Si on vous fait du 30 %, c’est que le prix est surfait de 30 %, c’est aussi simple que ça. OSi néanmoins vous vous êtes fait avoir, cela vaut la peine d’invoquer l’article 41 de la loi sur les pratiques du commerce, au besoin en justice, pour obtenir le remboursement du prix payé. 7/06/2011 13:33:29