Lecture Jeune

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Lecture Jeune
année
e
30
trimestriel
Lecture Jeune
Sophie Leblanc pour Muze, octobre 2006, rubrique “ety-mot“
Revue de réflexion, d’information et de choix de livres pour adolescents
Les lectures
“psy” des ados
juin 2007
N°122
I
Chers lecteurs,
Lecture Jeunesse
vous donne rendez-vous sur
son site Internet :
www.lecturejeunesse.com
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Sommaire
Éditorial
Rencontre avec…
Hélène Ramdani, éditrice
Dossier
Les lectures « psy » des ados
Parcours de lecture
Livres accroche
Et après
Lecteurs confirmés
Ouvrages de référence
page 2
page 4 à 6
page 7
page 32
page 42
page 56
page 69
En savoir plus
page 71
Index
page 75
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Édito
Hélène Sagnet
1 Le roman pour adolescents
aujourd’hui : écriture,
thématiques et réception,
CRDP de Créteil
La Joie par les livres, 2006
(Argos références)
2 Girls !,
Jeune et Jolie, Phosphore
Participons-nous à une société du « tout psychologique » ? Connaissance de
soi et épanouissement personnel semblent devenus les maîtres mots d’une
époque qui recourt sans cesse aux explications d’ordre psychologique. A
l’adolescence, ces problématiques revêtent une dimension autrement plus
concrète et urgente dans un processus de construction identitaire, parfois
douloureux. Quelles réponses les jeunes lecteurs trouvent-ils dans les supports
qui leur sont adressés ? Du roman au documentaire en passant par la presse,
la veine « psy» est en effet bien exploitée par les éditeurs.
Peut-on ainsi qualifier de « psychologique » la littérature pour adolescents ?
Oui, répond Daniel Delbrassine, auteur d’une thèse sur ce sujet1, qui nous
rappelle que dès ses origines, cette littérature privilégie les récits de l’intime
pour répondre aux questionnements de son public. Jean-Marc Talpin,
psychologue clinicien, revient sur les enjeux psychiques de la lecture à
l’adolescence et montre comment le roman miroir participe de la construction
de l’identité du jeune lecteur. Il poursuit son analyse en prenant l’exemple du
traitement d’une thématique signifiante en littérature de jeunesse, l’adoption.
Sans emprunter les chemins de la fiction, dans une démarche qui se veut plus
documentaire et pratique, certains éditeurs proposent d’autres pistes de
réflexion aux adolescents : entretien avec Béatrice Decroix autour des
collections « Hydrogène » et « Oxygène ». Autre support, les magazines ados
multiplient comme leurs aînés les rubriques « psy » et prétendent eux aussi
apporter des réponses. Christelle Crumière, sémiologue, analyse les discours
de trois titres qui leur sont dédiés2 et caractérise les modalités de rapport à soi
qu’ils proposent. Et si ces questions trouvaient également leur place au sein de
la bibliothèque ? Meryem Daoudi nous fait partager une expérience menée à
la médiathèque de l’Institut français de Meknès. Que signifie finalement ce
phénomène de banalisation du « psy » ? Jean-Claude Rouchy, psychologue
clinicien, nous alerte sur cette société qui prône la recherche personnelle du
bonheur et l’accomplissement de soi, provoquant selon lui un repli inquiétant
sur des valeurs individualistes.
Vous l’aurez noté comme nous, ces derniers mois ont été marqués par une offre
éditoriale accrue en direction des adolescents. Vous découvrirez dans ce
numéro de nouvelles collections qui ont su nous séduire par des concepts
singuliers et des formes qui font écho aux cultures adolescentes : l’oralité
(« D’une seule voix », Actes Sud junior), la forme courte (« Nouvelles »,
Thierry Magnier), le croisement des modes d’expression artistique (« Photo
roman », Thierry Magnier) entre autres. Dans ce foisonnement, une maison
d’édition récemment créée se consacre exclusivement au public adolescent et
fait le choix de la littérature de genre et d’aventure : notre rubrique
« Rencontre » est dédiée au Navire en pleine ville.
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Rencontre avec…
Hélène Ramdani
Editrice
par Michelle Charbonnier
pages 4 à 6
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Rencontre avec…
Hélène Ramdani Éditrice
Entretien réalisé par
Michelle Charbonnier
Une nouvelle maison d’édition a rejoint les éditeurs jeunesse en
novembre 2005. Le Navire en pleine ville offre aux adolescents
des titres forts aux univers singuliers et aux genres affirmés.
Lecture Jeune a rencontré Hélène Ramdani, sa directrice.
Quel parcours, individuel et professionnel, vous a amenée à créer le
Navire en pleine ville ?
Hélène Ramdani
Directrice du Navire
en pleine ville
C’est un parcours un peu complexe. Dès mon plus jeune âge, j’ai été
formée par mon père André Massepain, directeur de la collection « Plein
vent » chez Robert Laffont de 1966 à 1987. Il me donnait à lire et
« testait » sur moi les manuscrits qu’il recevait. A dix-huit ans, je suis
devenue officiellement lectrice pour Laffont. Lorsque les Presses de la Cité
ont racheté les éditions, les équipes ont été remaniées. « Exit » l’édition !
Après un bref passage dans la communication évènementielle, je me suis
lancée dans des études… d’éthologie ! Cette formation servira finalement
mon projet professionnel, puisqu’elle exige une grande rigueur, de la
patience et un certain sens de l’observation.
C’est alors que j’ai eu envie de créer ma propre maison d’édition. Le
moment me paraissait propice. Harry Potter avait prouvé que les jeunes
étaient capables de lire des textes longs, que les adultes pouvaient se
passionner pour un roman jeunesse… Certes, il existait déjà d’autres
collections de qualité pour les adolescents, mais j’avais le désir de leur
proposer autre chose, et surtout, de dénicher de nouveaux auteurs.
Quelle est la spécificité de votre catalogue au sein de la production
destinée aux adolescents, et quels sont vos axes de travail ?
Nous avons délibérément choisi la littérature de genre et d’aventure, qui
puise ses racines dans la littérature dite de « mauvais genre » ! Les
adolescents en sont très friands. C’est ce qu’a compris l’éditeur
Bragelonne, qui fait un magnifique travail de « passeur ». Ils se montrent
également exigeants vis-à-vis des textes. Nous leur proposons une
littérature d’évasion, susceptible de les rassurer avant de passer à la
lecture adulte. Une littérature qui favorise l’identification aux
personnages, avec des atmosphères singulières, ce qui n’exclut en rien
les qualités littéraires. « Offrir ce qui se fait de mieux, tirer les jeunes
lecteurs vers le haut… ne pas sous-estimer leur intelligence et leur capacité
à s’attacher à la complexité et à la subtilité » : telle est notre ligne
éditoriale, même si nos titres s’adressent à des publics aux compétences
de lecture différentes. Ainsi Les virus de l’ombre d’Hicham Charif est un
roman plus abordable que C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc,
de Lilian Bathelot.
Je m’insurge contre ceux qui prétendent que les adolescents ne lisent plus.
La vérité, c’est que les lecteurs en panne ne se reconnaissent plus dans la
langue des textes classiques. Une langue évolue, elle vit, les éditeurs
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devraient s’en faire l’écho sans pour autant abandonner leurs critères
d’exigence. Ils peuvent également trouver d’autres vecteurs pour
familiariser les jeunes avec cette langue, comme les livres audio, qui
constituent une étape avant de passer au livre.
Vous rééditez également des classiques…
Outre les romans inédits, qui paraissent dans la collection « Sous le Vent »,
nous rééditons effectivement dans la collection « Sous le Vent - classiques »
des romans de littérature jeunesse qui sont devenus des classiques du
genre. Des textes forts et militants, comme Demain l’an Mil, de Claude
Cénac, ou Buveurs de vie, de Jean-Pierre Andrevon. La collection « Avis de
tempête » enfin rassemble des essais sans concessions en sciences sociales
et humaines, tels que L’athéisme expliqué aux croyants de Paul Desalmand
ou Terre-Mère : homicide volontaire de Pierre Rabhi. Elle devrait, je
l’espère, susciter des débats citoyens.
Quel regard portez-vous sur l’adolescence ? Quels furent vos héros
en littérature ?
L’adolescence reste une période magique, même si c’est un passage
difficile : on y découvre sa propre place dans la société et tout ce que l’on
va pouvoir y jouer.
Quant au héros de ma propre adolescence, c’est Dylan Stark, le
personnage imaginé par Pierre Pelot, métis d’Indien aux yeux clairs, éternel
insoumis, dont les parents ont été assassinés pendant la guerre de
Sécession. J’ai pour lui un grand attachement, avec à la fois une
identification très forte, bien qu’il s’agisse d’un personnage masculin, et un
regard presque amoureux. C’est pour cela que j’ai réédité ses romans1.
Parmi nos titres récents, j’ai une affection toute maternelle pour le
personnage de Kisimii dans C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc.
Elle symbolise vraiment pour moi la femme, fragile et courageuse à la fois.
1 Sierra brûlante, La couleur de
Dieu et Quatre hommes pour
l’enfer (Sous le Vent - classiques)
Comment découvrez-vous de nouveaux auteurs comme Hicham Charif
ou Lilian Bathelot, qui ont une écriture forte et une tonalité singulière ?
Les rencontres sont parfois fortuites. Pour Lilian Bathelot2, nous avions fait un
appel à textes sur l’ancien site « mauvais genres », et c’est celui-ci que nous
avons reçu en premier. Hicham Charif3 nous a écrit un manuscrit par amitié.
Pour les auteurs anglo-saxons comme Elisabeth E. Richardson4, nous
sommes en contact avec des agents littéraires.
2 C’est l’Inuit qui gardera
le souvenir du Blanc
3 Les virus de l’ombre
4 L’escalier du diable
Pourquoi ce nom surprenant du Navire en pleine ville ?
Plusieurs raisons nous l’ont fait choisir. Tout d’abord, c’est un nom qui
renvoie au rêve, à l’évasion, à la lecture en ville. C’est ensuite un hommage
à mon père, André Massepain. Le navire en pleine ville est en effet le titre
de son premier roman5. Ce nom a enfin pour moi une portée symbolique.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le port d’Athènes a subi un blocus
italo-allemand. Pour échapper à ce diktat, des marins grecs construisirent
un bateau de pêche. Transposé à la littérature, cet acte de résistance signifie
lutter contre le consensus ambiant, résister aux sirènes.
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5 Editions Hier et aujourd’hui,
1948
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Rencontre avec…
Après une année d’existence, pouvez-vous dresser un bilan ?
Nous avons d’excellents retours des libraires, qui ont chroniqué nos titres et
se sont intéressés à notre maison d’édition, mais aussi de l’ensemble des
prescripteurs : professeurs de français, bibliothécaires… La presse
professionnelle et les sites littéraires se sont montrés très enthousiastes
également.
Cette réception positive est encourageante et compte beaucoup pour nous,
car les ventes restent encore modestes. Le Salon du livre et de la presse
jeunesse de Montreuil en novembre 2006 et les Imaginales d’Epinal en mai
2007 nous ont permis de rencontrer nos publics et les prescripteurs.
Montreuil a une dimension et une spécificité dans laquelle nous nous
retrouvons.
Quels ont été vos coups de cœur littéraires ces derniers mois ?
6 Mnémos, 2005
7 La Volte, 2005
8 Actes Sud, 2006
Principalement des textes de science-fiction : Le goût de l’immortalité, de
Catherine Dufour6 et La horde du contrevent, d’Alain Damasio7. Ces
romans ont vraiment rencontré un écho très fort en moi, ils m’ont
énormément touchée. J’ai beaucoup aimé également le très beau texte de
François Dupeyron, Le grand soir 8. Il nous fait découvrir un Gustave
Courbet surprenant. Donc pas de « coup de cœur » en littérature de
jeunesse !
Le Navire en pleine ville
Château de Planque
Route de Lasalle
30170 Saint Hippolyte du Fort
Tél. : 04.66.53.60.07
[email protected]
site : www.lenavireenpleineville.fr
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Le Dossier thématique
Les lectures « psy »
des ados
Le roman pour ados :
un roman « psychologique ? »
par Daniel Delbrassine
pages 8 à 12
Se construire grâce aux romans miroir
par Jean-Marc Talpin
pages 13 à 15
L’adoption vue par
la littérature jeunesse
par Jean-Marc Talpin
pages 16 à 19
La psychologie à la portée des ados
par Anne Lanchon et Anabel Jouineau
pages 20 à 22
Les discours « psy »
dans la presse ado
par Christelle Crumière
pages 23 à 26
« Les ados ont la parole »
par Hélène Sagnet
pages 27 à 28
La banalisation du « psy »
par Jean-Claude Rouchy
pages 29 à 30
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Le roman pour ados :
Le Dossier un roman « psychologique » ?
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Daniel Delbrassine Panorama
Un observateur attentif de la production éditoriale adressée aux
adolescents aura sans aucun doute relevé l’importance de la veine
psychologique au sein du roman contemporain. Que peut-on entendre
ici par « roman psychologique » et comment expliquer cette préférence ?
Daniel Delbrassine,
est formateur de bibliothécaires en
Belgique francophone. Il collabore
régulièrement à la revue
professionnelle Lectures.
Il est l’auteur d’une thèse sur
Le roman pour adolescents
aujourd’hui : écriture, thématiques
et réception,
CRDP de Créteil - La Joie
par les livres, 2006,
(Argos Références)
1 L’école des loisirs, 1991 (Médium)
2 L’école des loisirs, 1990 (Médium)
3 L’école des loisirs, 1989 (Médium)
4 L’école des loisirs, 1990 (Médium)
5 Gallimard jeunesse,
1995 (Page blanche)
Le roman pour adolescents tel que nous le connaissons aujourd’hui naît
aux Etats-Unis dans les années 70 avec des auteurs comme Robert
Cormier et Judy Blume. Dès cette époque, la « Teenage Fiction » offre aux
jeunes américains des récits centrés sur leur propre vie intérieure : les
héros adolescents y affrontent des épreuves nouvelles, et les problèmes
particuliers à leur âge sont au cœur de l’intrigue. La guerre des chocolats
de Robert Cormier1 (The Chocolate War,1974), avec son héros lycéen
confronté au harcèlement moral et physique dans le cadre scolaire, et
Pour toujours de Judy Blume2 (Forever, 1975), récit des premiers émois
(et ébats) d’une adolescente, font figure de précurseurs pour un genre
dénommé « Problem Novel » outre-Atlantique et promis à un bel avenir
en France.
Dans les années 80, des collections nouvelles installent le roman
« psychologique » comme un genre majeur dans la production adressée
à cette classe d’âge. « Médium » (L’école des loisirs), « Travelling »
(Duculot) ou « Les chemins de l’amitié » (Rageot), par exemple, proposent
aux adolescents francophones des romans axés sur leurs problèmes et
témoignant d’un réalisme inaperçu jusqu’alors. Dans le très sage Babysitter blues3, l’Emilien de Marie-Aude Murail découvre que le vol en
magasin est une activité tout à fait banale aux yeux de ses semblables…
Dans La nuit du concert 4 (Night Kites, 1986), M. E. Kerr met en scène
l’homosexualité chez des adolescents.
Ce réalisme et cette audace sont très présents dans des textes traduits de
l’américain. Ils se doublent d’une analyse psychologique approfondie,
particulièrement dans la production scandinave et allemande depuis les
années 70. Considéré en Suède comme un classique, Jan mon ami, de
Peter Pohl5 (Janne, min vän, 1985), interroge le lecteur sur les failles du
système social. Le narrateur s’y livre à un exercice d’introspection d’autant
plus troublant qu’il est limité par la vision propre à son âge.
L’importance de la veine « psychologique » au sein du roman français
adressé aux adolescents n’a donc rien d’un phénomène récent : ce n’est
pas non plus une particularité propre au domaine francophone. Pourquoi
cette prédominance ? Que peut-on entendre ici par « roman
psychologique » ?
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?
Le « roman psychologique » tel qu’il est proposé à ses jeunes lecteurs,
c’est d’abord un contenu, des thèmes, qui font de la vie intérieure du
héros le lieu principal de l’action. A l’instar des auteurs étrangers, les
romanciers français mettent en scène un type de personnage dont les
difficultés sont d’abord liées à l’identité et aux relations interpersonnelles :
conflit avec les parents, rejet de l’autorité, problème d’insertion dans le
groupe, relation à l’autre sexe… L’intrigue du récit montre comment
l’adolescent surmonte peu à peu son problème et résout la crise initiale.
Les enjeux sont donc ici purement immatériels, et les obstacles dépassés
jalonnent un parcours qui conduit vers l’âge adulte.
Dans Seule au monde6, de Guillaume Le Touze, le récit est centré sur les
problèmes affectifs de l’héroïne : d’abord habitée d’une pulsion
incestueuse qui lui fait désirer le compagnon de sa mère, elle tombe
ensuite sous le charme d’un garçon qu’elle admire pour sa beauté. Elle
construit enfin une relation moins superficielle avec Laurent, dont on
devine qu’il deviendra son premier amant. Cette lycéenne réalise donc
un parcours complet qui la mène d’une jalousie très œdipienne à une
relation authentique. La nature du suspense est évidemment affectée par
cette importance des problèmes psychologiques. La tension née de
l’action et des péripéties (suspense « extérieur »), typique des romans
d’aventure et des récits policiers, est supplantée ici « par un suspense
intérieur qui consiste à atteindre un équilibre psychologique, à résoudre
un conflit ou à surmonter une crise »7.
L’essor récent de la fantasy et du roman historique pourrait apparaître
comme un démenti cinglant à la prédominance des questions
psychologiques dans le roman contemporain. Mais un examen
approfondi de certains titres à succès permet de mettre en évidence ce
qui se joue derrière le décor fantastique : on représente métaphoriquement les affrontements intérieurs et les questionnements les plus
intimes. Comme dans le théâtre médiéval, les monstres sont des
allégories qui représentent les pulsions et les sentiments mis en jeu
(cf. Eragon ou Harry Potter). Dans le cas du genre historique, les travaux
de Cécile Boulaire8 ont démontré que le roman médiéval pour enfants est
avant tout un récit de passage sur fond de châteaux-forts et tournois.
Ce contenu marqué par la résolution d’un problème personnel conduit
naturellement à privilégier ce que l’on a coutume d’appeler les thèmes
« tabous » : l’amour et le sexe, la violence et la mort, l’autorité et les
institutions. En 1974, Marc Soriano9 jugeait « impossible la conquête du
public adolescent ». Comment, en effet, passionner des lecteurs en évitant
tous les sujets qui les intéressent ? Depuis cette époque où romans
historiques et récits d’aventure dominaient la production (cf. la collection
« Plein Vent », chez Robert Laffont), les catalogues se sont
progressivement affranchis des contraintes de la censure pour donner la
priorité à des textes qui abordent de front ces questions fondamentales.
L’auteur assume ainsi le rôle d’un formateur ou d’un initiateur, parce qu’il
choisit de traiter les questions les plus dérangeantes, les sujets les plus
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6 Gallimard jeunesse,
1998 (Frontières)
7 Hans-Heino Ewers, « Die
Emanzipation der Kinderliteratur… »,
in Zwischen Bullerbü und
Schewenborn, Auf Spurensuche auf
40 Jahren deutschsprachiger
Kinder-und Jugendliteratur,
de R. Raecke et U.D. Baumann,
Arbeitskreis für Jugendliteratur, 1995
8 Le Moyen Age dans la littérature
pour enfants,
Presses Universitaires de Rennes,
2002
9 Guide de littérature pour
la jeunesse, Delagrave, 2002
(1ère éd. 1974)
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Le roman pour ados : un roman « psychologique » ?
10 Folio, 1999
11 Jules Verne et le roman initiatique,
Sirac, 1973
12 L’école des loisirs, 2000 (Médium)
13 Le roman pour adolescents
aujourd’hui,
CRDP Créteil - La Joie
par les livres, 2006
(p.361-380 et 408-410)
14 L’école des loisirs, 2003 (Médium)
délicats. On tient là deux des concepts les plus fréquemment utilisés pour
désigner le roman contemporain adressé aux adolescents.
La formation et l’initiation sont deux notions pour lesquelles l’analyse
littéraire propose des définitions précises : on renverra par exemple au
« Bildungsroman » allemand, né sous la plume de Goethe en 1796
(Les années d’apprentissage de Wilhelm Meister)10 ou à la définition du
roman initiatique par Simone Vierne11. Très souvent roman de formation
du héros, qui progresse vers l’âge adulte à travers des épreuves,
le roman pour adolescents emprunte parfois à l’initiation son parcours,
comme dans Le passage de Louis Sachar12. On y retrouve les étapes de
l’initiation rituelle telle que la définit l’anthropologue Barbara
Glowczewski.
Stanley est d’abord éloigné de ses parents à la suite de son arrestation
(séparation) ; accusé d’avoir volé les chaussures d’un grand champion,
il est envoyé au camp du Lac Vert (réclusion), où il apprend la souffrance
et endurcit son corps. Transformé physiquement et mentalement
(métamorphose), il décide de fuir et rejoint son ami Zéro parti seul à
travers le désert. Les deux garçons trouvent une force nouvelle (révélation)
pour surmonter la tentation d’abandonner (mort) et parvenir au sommet
de la montagne. Après avoir récupéré la fortune perdue par l’aïeul de
Stanley (les ancêtres) et s’être débarrassés de leur surnom (changement
de nom), ils commencent une nouvelle vie marquée par une réunion
familiale (fête de clôture).
A la formation/initiation du héros – représentée dans la fiction – répond
celle de l’adolescent lecteur, réalisée virtuellement en cours de lecture,
grâce à tous les choix techniques qui permettent au lecteur de « vivre »
l’expérience. C’est ce que nous avons appelé « la médiation par
l’imaginaire »13. On ne s’étonnera donc pas de découvrir par exemple
des « romans du deuil ». Dans La messe anniversaire14, Olivier Adam
livre à son lecteur cinq récits successifs qui permettent d’approcher le
personnage manquant : « De Caroline, il restait des photos, des souvenirs
de rien. Mais ce qui restait gravé, c’était le sentiment, l’os du sentiment
que chacun éprouvait pour elle. Une chose indéfinissable et abstraite.
Une sensation où s’emmêlent la douceur, un rire, quelques mots
indéchiffrables, la sensation de sa main sur la joue ou au creux de la
nôtre, la caresse de ses yeux qui se posaient sur nous. Ce qui reste gravé,
c’est le lien, une chose physique. » L’un après l’autre, chaque narrateur
livre son parcours durant cette année de deuil où la souffrance se
métamorphose lentement en souvenir. Et, comme une image
kaléidoscopique, ils recomposent le portrait de la disparue. Le lecteur
découvre ainsi cinq itinéraires psychologiques comme autant
d’expériences de la douleur et de la perte.
Autre appellation fréquente, celle de « roman miroir ». Une approche sur
un large corpus de romans (247 titres parus entre 1997 et 2000) a
permis de mettre en lumière la présence d’une très concrète scène du
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miroir dans 10 % des textes. La glace au chocolat15 de Kéthévane
Davrichewy en offre même deux : l’une au début, l’autre à la fin, avec
une transformation radicale et positive de l’image de soi. Le miroir, objet
symbolique de la quête d’identité, trouve ici naturellement sa place. On
pourrait d’ailleurs voir dans cette scène la représentation, mise en abîme,
du lecteur face au roman : le héros devant sa glace étant confronté à des
questions d’identité semblables à celles du lecteur devant le récit. Le
roman miroir permettrait donc au lecteur de voir le personnage comme
un alter ego, semblable mais différent, quitte à finir comme lui « dans la
salle de bains, face au miroir », pour s’entendre dire comme le héros
d’Agnès Desarthe dans Je manque d’assurance : « Tu es extrêmement
beau » !16
Cette définition du « roman miroir » se double d’une autre conception,
où le roman adressé à la jeunesse reflète systématiquement le lecteur et
son monde. Chercher ainsi à coller au plus près à la réalité des
adolescents d’aujourd’hui implique évidemment un « rétrécissement de
l’horizon », un « nombrilisme » dénoncés par Danielle Thaler et Alain
Jean-Bart17. Cette tentation narcissique a parfois fait figure de recette pour
des collections adressées aux pré-adolescentes. Les ingrédients en sont
classiques : un héros, figure interchangeable de l’enfant ou de
l’adolescent moyen (le miroir), un parcours fantasmatique dans un milieu
choisi : danse, show-business, équitation (les alouettes).
Le « roman psychologique », c’est aussi un ensemble de choix esthétiques
et formels qui privilégient l’approche des sentiments et comportements
des personnages. La perspective adolescente, caractéristique dominante
sur l’ensemble de la production contemporaine, amène le lecteur à voir
les faits de l’intrigue avec les yeux d’un jeune héros. Il entre ainsi dans
l’expérience d’un homologue qui lui donne accès à son intimité : les
pensées de cet alter ego de fiction lui sont accessibles comme jamais
dans la réalité des relations humaines.
Dans Maintenant, c’est ma vie de Meg Rosoff18, le lecteur ne comprend
rien à l’étrange conflit qui ravage l’Angleterre parce que Daisy, la
narratrice, n’en sait pas plus que lui. La perspective adolescente façonne
ici le récit jusqu’à la limite de l’absurde, parce que l’essentiel est ailleurs,
dans la vie intérieure de cette jeune fille amoureuse, pour qui la guerre
n’est qu’un décor. Ce qui compte, c’est elle et Edmond, c’est son
expérience sentimentale qu’elle nous livre avec une totale franchise, c’est
cette « nouvelle personne » qu’elle annonce être devenue. Les difficultés
liées à la guerre apparaissent alors comme les étapes d’une
transformation qui lui permet de se « réinventer en tant qu’être humain ».
Ce roman anglais ne fait pas exception dans un genre où la voix du Je
narrateur est omniprésente. Journaux intimes, romans épistolaires et
surtout autobiographies foisonnent, mais le « pacte autobiographique »
tel que le définit Philippe Lejeune19 est le plus souvent rompu car auteur,
narrateur et personnage ne coïncident pas. Dans la plupart des cas, le
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15 L’école des loisirs, 1998 (Médium)
16 L’école des loisirs, 1997 (Médium)
17 Les enjeux du roman
pour adolescents. Roman historique,
roman-miroir, roman d’aventures,
L’Harmattan, 2002
18 Albin Michel jeunesse, 2006 (Wiz)
19 «Pour l’autobiographie», in
Magazine littéraire n° 409, mai 2002
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Le roman pour ados : un roman « psychologique » ?
20 Adieu Maxime,
L’école des loisirs, 2000 (Médium)
21 « L’inspiration autobiographique
dans les collections pour
adolescents », in Le récit d’enfance,
Enfance et écriture,
de Denise Escarpit et Bernadette
Poulou, Ed.du Sorbier, 1993
22 Benjamin Lebert,
Nil éditions, 2000
23 « Pourquoi l’autobiographie ? »,
in Le Monde des livres,
1er nov. 2002
24 L’intimité surexposée,
Ramsay, 2001
25 De La Martinière jeunesse
roman pour adolescents se donne pour auto-biographique mais reste une
fiction pure : le Je narrateur qui s’adresse au lecteur pour lui dévoiler sa
vie intime est un pur produit de l’imagination, comme le Maxime de
Brigitte Smadja qui, à 11 ans, se demande s’il est obsédé sexuel comme
son oncle20.
Cette « écriture de l’intime », comme la décrit Bernadette Poulou21, propose
une relation avec un être de papier qui livre son âme au lecteur : la lecture
devient rencontre, rencontre virtuelle d’autant plus riche qu’elle donne
accès de plain-pied à l’intimité de l’Autre. Très souvent, en effet, le héros
entretient avec le lecteur une relation particulière en lui adressant
directement la parole, en lui révélant des secrets ou en lui réservant des
confidences. Ces procédés, classiques pour créer l’illusion que le
personnage existe, instaurent une proximité exceptionnelle qui répond
à la demande du jeune lecteur. Le livre peut alors se terminer sur une
invitation : « Si vous le souhaitez, vous pouvez même venir me rendre
visite. Après toute cette histoire, vous devriez en principe plutôt bien me
connaître… », écrit le narrateur de Crazy22.
On sait que, même en littérature générale, « l’expansion des textes
autobiographiques est aujourd’hui sans limites », selon les termes de
Thomas Clerc23 qui parle de « littérature-réalité » en référence à la
télévision. Une journaliste allemande évoque même ces « strip-teases de
l’âme » (« Seelenstriptease ») auxquels se livrent certains jeunes auteurs.
Le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron analyse le phénomène
social et parle d’une « intimité surexposée »24. Le roman pour adolescents
est lui aussi marqué par cette tendance, comme le prouve la collection
« Confessions » née en en 200325, mais cette écriture de l’intime est
d’abord une caractéristique propre au genre depuis ses origines. Elle se
renforce aujourd’hui du fait de la mode littéraire qui privilégie
l’expression du Moi.
Par ses origines, par les influences qu’il subit, le roman contemporain
adressé aux adolescents peut souvent être qualifié de « psychologique ».
Son contenu thématique et les choix formels qu’il privilégie témoignent
d’un intérêt prioritaire pour les questions de la vie intérieure. Il répond en
cela à la demande de ses lecteurs, préoccupés par les questions
existentielles les plus fondamentales : l’amour, la mort, et l’identité.
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Se construire grâce
Le Dossier aux romans miroir
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Jean-Marc Talpin Eclairage
L’homme se construit tout au long de sa vie : il construit son identité, mais
aussi le sentiment qu’il a de celle-ci. Il est des périodes calmes, d’autres
plus mouvementées, soit pour des raisons de développement
(l’adolescence en fait partie), soit pour des raisons conjoncturelles,
accidentelles, qui font traumatisme. On parle communément de crise à
propos de l’adolescence. Elle n’est pas forcément violente ni bruyante.
Par le mot crise, il convient d’entendre, avec le psychanalyste René Kaës1,
ces transformations physiques et psychiques, qui s’imposent à lui, qu’il
ne comprend pas toujours et qu’il doit aussi se représenter, c’est-à-dire
symboliser. Lorsqu’il n’y parvient pas seul, ce qui est fréquent, il va
chercher à un autre niveau d’organisation (la famille, le groupe de
copains…) un appui, une aide et des repères. Il peut aussi trouver un
étayage important dans « le trésor déjà là de la culture »2, dans les objets
et les dispositifs proposés par celle-ci : les livres bien sûr, mais aussi les
chansons, les films, les jeux sur ordinateur… Certains romans se
présentent, de manière plus ou moins volontaire et explicite, comme
miroirs pour les jeunes : ils mettent en scène et en jeu la question de
l’identité, qu’elle soit centrée sur l’individu ou en relation avec les autres.
Jean-Marc Talpin,
est psychologue clinicien,
maître de conférence à
l’université Lumière - Lyon 2
et membre du Centre de
Recherche en Psychologie
et Psychopathologie Clinique.
Il a soutenu en 1992 une thèse
intitulée « Pour une esthétique
psychanalytique de la lecture
du texte littéraire : lire
Marguerite Duras ».
Depuis il travaille régulièrement
sur la lecture à l’adolescence
et sur la littérature à destination
de ce public.
Miroir, miroirs…
La construction de l’identité est indissociable d’un processus réflexif qui
permet au sujet, en même temps qu’il se construit, de se représenter à luimême. C’est vrai lors de la petite enfance, ça l’est tout autant à
l’adolescence, avec les difficultés que l’on connaît, tant l’image de soi est
fragile et peu satisfaisante à cet âge.
Le premier miroir, tel que l’a bien montré Donald W. Winnicott3, est le
regard de la mère qui renvoie à l’enfant ses propres émotions contenues.
L’enfant ne se représente pas tel qu’il est physiquement mais tel qu’il est
(vu par la mère) psychiquement. Le second miroir, décrit par Jacques
Lacan4, fait référence au moment où l’enfant se reconnaît dans une glace
en présence de la mère. Ces deux moments clés s’accompagnent de
mots. L’enfant grandit. A côté du miroir-glace, très prisé par les
adolescents, le miroir de mots prend une place essentielle : il ne sert pas
seulement à dire ce qui est mais aussi à le qualifier, à lier émotions et
affects. Ce miroir de mots est en partie porté par les parents, les copains,
mais aussi par des tiers culturels qui offrent une distance confortable à
l’adolescent. Reflet de l’état psychique du jeune, ce miroir témoigne aussi
du regard qu’il porte sur lui-même.
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1 Crise, rupture et dépassement,
Dunod, 1979
2 Le malaise dans la culture, Sigmund
Freud, PUF, 2004 (1ère édition 1929)
3 Jeu et réalité, Donald W. Winnicott,
Gallimard, 1975 (Folio essais)
4 Le stade du miroir comme
formateur de la fonction du Je,
Seuil, 1966
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Se
romans
miroirado …
Lesconstruire
discours grâce
« psyaux
» dans
la presse
Publications
sur la lecture
« Le passage à l’acte
de lire », Les adolescents et
la lecture, sous la direction
de S. Goffard
et A. Lorant-Jolly,
CRDP Créteil, 1995
« Lire : de l’entre-prise
à l’inter-prêt »,
La lecture littéraire n°1,
Klincksieck, 1996
« Le lecteur séduit :
du pacte à la jouissance »,
L’école des lettres n° 14,
juillet 1998
« Lectures, constructions
adolescentes
de l’identité et réalité »,
Lire au lycée professionnel,
CRDP Grenoble
n° 35-36, 2001
« Des fractures du moi
au Je d’écriture »,
in Les processus psychiques
de la médiation,
B. Chouvier et al.,
Dunod, 2002
« Quels enjeux psychiques
pour la lecture
à l’adolescence ? »,
Bulletin des bibliothèques
de France n°3, 2003
« Lire à l’adolescence
enjeux psychiques »,
La lettre de l’enfance
et de l’adolescence n°61,
Erès, septembre 2006
Les enjeux psychiques de la lecture
Dans la perspective qui est la nôtre, nous distinguerons trois grands
enjeux psychiques de la lecture. Les livres proposent en effet aux
adolescents des représentations du monde externe et du monde interne,
qui font l’objet d’un travail psychique de mise en mots, de mise en récits,
parfois aussi, dans le cas de la bande dessinée, de mise en images. Les
romans, et plus encore les romans miroir, s’offrent aux jeunes comme des
figures intermédiaires, qui peuvent cependant être inquiétantes pour ceux
qui ont un rapport difficile au langage et au monde du livre, connoté
socialement.
La lecture permet en premier lieu de figurer et de représenter ce qui
était pour le lecteur du registre de l’informe, de l’irreprésenté, voire de
l’irreprésentable. Le livre vient mettre des mots sur ce qu’éprouve, et qui
souvent éprouve l’adolescent, sur des vécus corporels mais aussi
psychiques (angoisses, fantasmes) d’une manière qui n’est ni brutale ni
frontale. Il maintient une certaine méconnaissance. Les adolescents
peuvent ainsi parler d’eux à travers leurs lectures, de manière
inconsciente parfois. Avec leur contenu structuré, les romans permettent
de se représenter ce qui ne l’était pas encore (sensations, émotions,
affects), de rendre préconscient ou conscient ce qui jusque là était refoulé,
pas acceptable comme tel par le moi conscient.
Ce dernier point renvoie à la deuxième fonction de la lecture développée
par René Kaës à propos du conte : la légitimation5. Le lecteur retrouve
dans l’œuvre ses propres pensées et les accepte dans la mesure où elles
existent chez l’autre (auteur ou narrateur) et où de surcroît elles sont
valorisées socialement du fait de leur publication. La légitimation peut
concerner deux sentiments fréquents à l’adolescence : la honte et la
culpabilité. La honte conduit l’adolescent à s’isoler : il se croit seul à
ressentir certaines choses qu’il pense anormales. Elle concerne tout
particulièrement l’idéal du moi et le narcissisme. La culpabilité, qui
renvoie au surmoi, apparaît lorsque l’adolescent a le sentiment de
transgresser des interdits. La légitimation ne signifie pas à l’adolescent
qu’il a raison, que ce qu’il pense ou fait est bien (ou mal). Elle lui signifie
qu’il n’est pas seul dans son cas et qu’il est possible d’en parler ou de
l’écrire. Il en est ainsi des relations conflictuelles aux parents, telles qu’elles
sont décrites dans Avec tout ce qu’on a fait pour toi 6 de Marie Brantôme,
du sentiment de solitude dépeint par Brigitte Smadja dans Billie7, de ne
pas aimer son corps, thème abordé par Mikaël Ollivier dans La vie en
gros8, de l’attirance homosexuelle, abordée par Paula Fox dans Le cerfvolant brisé9, et de mille autres thématiques encore.
La littérature offre enfin aux jeunes un important réservoir de figures
auxquelles s’identifier, c’est la troisième fonction de la lecture.
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L’adolescence est à cet égard complexe : elle témoigne à la fois d’une
forte appétence identificatoire, liée à de nouveaux investissements pour
s’éloigner des figures parentales, mais aussi d’un refus de l’identification
pour conserver (fantasmatiquement) sa pureté narcissique. En matière de
lecture, l’identification est d’autant plus facile que les modèles sont fictifs,
il n’y a donc aucun risque de les rencontrer et de dépendre d’eux.
Cette identification s’appuie sur deux dynamiques. D’une part,
l’adolescent se reconnaît dans le livre, ce qui renvoie à la représentation
et à la légitimation évoquées plus haut : le livre lui permet de se raconter,
de donner une cohérence à ses mouvements psychiques désordonnés.
Mais il permet également de s’identifier à des personnages différents de
soi, non inquiétants, voire héroïques. Cette identification à des objets en
apparence lointains ne doit pas leurrer : la distance sert de couverture à
une réelle proximité psychique, le déplacement étant un mécanisme de
défense efficace. Il en est ainsi des romans historiques ou de sciencefiction, qui jouent du déplacement dans le temps, ou des romans
« ethnologiques », qui jouent du déplacement dans l’espace, dans les
cultures.
5 Contes et divan. Médiation du conte
dans la vie psychique, Dunod, 1984
6 Seuil, 1995
7 L’école des loisirs, 1991 (Médium)
8 Thierry Magnier, 2001
9 L’école des loisirs, 1997 (Médium)
Conclusion
Toute une gamme de romans pour adolescents, en particulier les récits
de vie, visent un effet miroir. Certains se montrent complaisants, flattent
les lecteurs dans le sens de leurs attentes ou fonctionnent dans une
simplification qui les réduit à un trait, un symptôme, une caractéristique
(sportif, en échec, surdoué, anorexique, étranger, etc). Cela peut les
séduire dans un premier temps en les confortant psychiquement et
narcissiquement, mais risque de les aliéner à une identification. D’autres
romans prouvent au contraire qu’on peut aborder en littérature jeunesse
des enjeux psychiques complexes et intriqués quel que soit le registre
choisi : grave ou fantaisiste, réaliste ou imaginaire.
Au-delà de ces romans qui visent explicitement un effet miroir, c’est toute
la littérature qui fonctionne ainsi : le lecteur aime les livres dans lesquels
il se reconnaît et se découvre, sans pour autant se mettre à nu vis-à-vis
d’autrui. C’est en ceci que la lecture est un jeu, comme le souligne Michel
Picard10 : jeu entre monde psychique et réalité, jeu entre images et mots,
jeu aussi entre soi et soi : soi au passé (personnel et familial), au présent
(incertain, plus ou moins cohérent) et au futur, futur dans lequel il est
difficile pour l’adolescent de se projeter, car cela impliquerait qu’il pense
ses propres transformations. Le livre ne se contente donc pas de conforter
les adolescents dans l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Il participe aussi à
la construction et à l’image de soi, sinon au futur du moins pour le futur.
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10 La lecture comme jeu, Minuit, 1986
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L’adoption vue
Le Dossier par la littérature jeunesse
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Jean-Marc Talpin Analyse
L’année 2006 a été riche en publications destinées aux adolescents
portant de près ou de loin sur l’adoption. Signe des temps sans doute,
tant celle-ci relance l’éternel débat entre biologique et psychologique
à une époque où les enjeux se brouillent. Signe d’un âge également,
l’adolescence, où la question de l’origine et du lien aux parents
redevient cruciale.
1 Lecture Jeune a proposé
à Jean-Marc Talpin d’étudier
le corpus suivant :
L’année de mes 15 ans,
Marie-Claude Bérot,
Flammarion, 2006 (Tribal)
La tête à l’envers,
Anne Fine, L’école des loisirs,
2006 (Médium)
Là-bas,
Romuald Giulivo, L’école des loisirs,
2006 (Médium)
Un été outremer,
Anne Vantal,
Actes Sud junior, 2006 (ado)
Les quatre romans ici retenus1 font preuve d’une réelle finesse, d’une
réelle capacité à ne pas foncer tête baissée dans les enjeux
idéologiques liés à l’accouchement sous X. La richesse de ces livres
vient également de ce qu’ils peuvent toucher tous les adolescents, dès
lors qu’ils éprouvent des sentiments ambivalents d’amour et de rejet visà-vis de leurs parents, et que se réactive en eux le « roman familial »,
qui consiste à s’imaginer enfant d’autres parents (en général plus
prestigieux).
La première partie de notre analyse sera centrée sur la quête des
origines, prévalente dans deux romans. La seconde insistera sur la
quête de l’amour parental telle que l’adoption la suscite ou la met en
scène.
L’année de mes quinze ans et Un été outremer traitent principalement
de l’adoption et de la quête des origines : elles constituent même le
moteur de l’intrigue. Il est remarquable que ces deux romans
échappent au clivage facile « bonne famille biologique - mauvaise
famille adoptive » (ou le contraire). Leurs héros sont globalement
heureux, leur démarche n’est pas motivée par une opposition à leur
famille d’adoption mais par la question, centrale à l’adolescence, de
leur origine et du désir à l’origine de leur vie. De plus, on ne constate
aucune opposition « vrais parents - faux parents », la parentalité des
parents adoptifs n’étant pas remise en cause.
Dans les deux autres, Là-bas et La tête à l’envers, l’adoption constitue
un élément important mais pas déclencheur de la narration. Elle
fonctionne comme révélateur du lien enfant - parent(s), de l’investissement du premier par le(s) second(s).
Adoption et quête des origines
L’année de mes quinze ans échappe au clivage car il alterne les
chapitres qui donnent voix à Constance, la mère biologique et à
Victoire, la fille adoptée. Il donne à entendre deux souffrances
longtemps muettes qui se réveillent peu à peu, jusqu’à la rencontre
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finale entre les deux femmes. Constance, élevée dans une famille
rigide, se retrouve enceinte à quinze ans et n’ose pas s’opposer à ses
parents lorsqu’ils choisissent pour elle l’accouchement sous X. Elle se
gèle dans ce deuil, se construit une vie amoureuse et professionnelle
mais vit en retrait. Malgré l’amour de son compagnon, auquel elle n’a
rien dit, elle ne peut se résoudre à avoir un enfant. Victoire a été
adoptée par une famille aimante, elle a un grand frère qui la protège
et l’admire pour sa légèreté, qui est en fait une défense : la jeune fille
se refuse à aborder toute conversation sérieuse depuis la révélation de
son adoption. La découverte d’une photo dans un portefeuille perdu lui
permet de remonter la piste jusqu’à Constance. Ceci conduit au dégel
des affects, du fait que chacune peut dire sa souffrance. Le livre se
ferme au moment où les deux femmes se dirigent l’une vers l’autre, ce
qui laisse la porte ouverte à l’imagination, imagination bridée par le
fait que chacune se sait et sait l’autre prise dans d’autres liens : il ne
s’agit pas de recomposer une famille originaire idéale mais de
comprendre, de savoir qui est l’autre.
La rencontre mère biologique - enfant n’a pas lieu non plus dans Un été
outremer. Félicien, le personnage principal, sait depuis toujours qu’il
est adopté, tout comme sa sœur qui, au moment de son voyage,
demeure un lien fort et l’intermédiaire avec les parents. Dans ces deux
premiers romans, la fratrie représente un objet sur lequel se déplace
une partie des enjeux psychiques liés aux parents, un objet
d’investissement intermédiaire et particulièrement solide, même si
l’investissement des parents adoptifs n’est jamais remis en cause et que
ces parents sont vécus, avec leurs petits travers, comme des parents
« suffisamment bons »2.
Le jour de ses dix-huit ans, Félicien consulte son dossier d’adoption et
découvre que sa mère est algérienne. Il entreprend en secret un voyage
outremer (mot à forte résonance !) pour la retrouver. Le lecteur le suit
dans cette quête des origines et de la découverte d’une culture qu’il
ignore et rejette initialement. D’étape en étape, il remonte vers sa mère
biologique, sous le prétexte que sa mère adoptive est mourante,
comme s’il fallait tuer symboliquement celle-ci pour retrouver la
première. Au bout du chemin, il découvre sa grand-mère qui lui
apprend qu’elle est décédée. Il choisit alors de ne pas se faire
connaître, dans un mouvement de protection et de complicité vis-à-vis
de cette mère. Ce roman, comme bien des contes et des romans de
formation, met en espace un cheminement intérieur qui mène de
l’enfance à l’âge adulte.
L’année de mes quinze ans et Un été outremer ont une démarche
explicitement psychologique, favorisée par une construction narrative
linéaire. Cette linéarité facilite l’identification du lecteur au personnage
central ou, par déflexion, à des personnages secondaires.
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2 L’enfant et sa famille,
Donald W. Winnicott, Payot (1981)
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L’adoption vue par la littérature jeunesse
Là-bas et La tête à l’envers optent en revanche pour une construction
narrative plus complexe avec des jeux de flash-backs qui peuvent
désorienter au début. Ils donnent à vivre de l’intérieur les expériences
psychiques des personnages, et obligent le lecteur à un travail de
symbolisation plus important. En revanche, ce dernier peut y trouver
des formes dans lesquelles glisser ses propres ressentis, qu’il soit ou non
adopté.
Adoption et quête de l’amour parental
La différence culturelle constitue dans Là-bas également un thème et un
ressort narratif importants : une manière de figurer la différence
d’origine. Mais c’est dans une perspective beaucoup plus dramatique,
voire pathologique. Badr, le personnage principal dont nous ne
connaîtrons jamais le vrai prénom, pour mieux signifier la
problématique identitaire, est le narrateur de ce récit qui met en
parallèle histoire singulière et internationale. Avec une construction
temporelle complexe, le roman montre en effet comment Badr se
dégrade psychiquement, en s’appuyant sur des événements historiques
pour évoquer son malaise interne (11 septembre, guerre en Irak). A
partir d’une construction fragmentaire, le lecteur comprend que Badr
a une mère journaliste peu présente physiquement mais aussi
psychiquement.
Ce roman peut être lu comme la tentative vitale de Badr de se faire
remarquer par sa mère par des manifestations symptomatiques de plus
en plus inquiétantes (alcool, violence contre les objets, problèmes
scolaires). En fouillant dans ses archives vidéo, Badr réalise qu’il est un
enfant adopté. Il découvre également qu’il a une sœur en Irak et
décide de la retrouver (voir plus haut ce que nous disions de la fratrie).
C’est pour lui une découverte totale et violente, mais qui déclenche
enfin le dialogue entre mère et fils.
Dans Là-bas, l’enjeu est moins celui de l’adoption que celui du manque
d’investissement de l’enfant par son parent. L’adoption vient en quelque
sorte redoubler et dramatiser cette problématique et, du fait qu’elle a
eu lieu dans un pays en guerre, fournit une scène au chaos interne
éprouvé par Badr : pourquoi adopter si c’est pour ne pas s’occuper de
l’enfant ? Ce roman permet aussi de ressentir la confrontation à une
histoire à laquelle il manque des pièces : l’adoption n’est qu’un
exemple possible des secrets de famille.
La tête à l’envers, roman à l’humour décalé, met en scène deux
personnages qui, en miroir, évoquent la question de l’adoption et de
l’investissement par les parents. Ian a été adopté après avoir été
abandonné par sa mère dans un carton tout propre dans une rue.
Cette histoire, ce « mythe familial » lui a été transmis d’emblée, il n’y a
donc rien du côté du traumatisme de la révélation. Sa famille accueille
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souvent son copain Stol, dont les parents sont très peu présents et ne
pensent qu’à leur travail. Stol est hospitalisé à la suite d’une chute par
une fenêtre qui l’a laissé avec de nombreuses fractures et dans un
quasi-coma. Ian, à son chevet, essaie de comprendre… Cette histoire
fait bien ressortir qu’au fond tout enfant doit être adopté par ses
propres parents : Ian a été adopté juridiquement mais surtout
psychiquement, il ne doute guère d’être aimé et s’autorise ainsi à aimer
et critiquer ses parents, comme n’importe quel enfant biologique. Stol
au contraire se perd dans un monde fantasque pour oublier sa propre
détresse, éviter de localiser l’objet de sa souffrance, au point de se
mettre régulièrement en danger physique. Lorsqu’il incite Ian à parler
de son adoption, la dimension projective est claire. A travers ses
questions, c’est lui même que Stol questionne : l’origine est en effet
moins celle du biologique que du désir. « Je n’ai pas demandé à naître
! », clament souvent les adolescents, comme pour interroger leurs
parents sur le désir à l’origine de leur naissance. Dans un beau
renversement final, Ian décide d’écrire la vie de Stol et l’oblige à la lire,
afin qu’il sache qu’il existe pour ceux qui l’aiment.
Ces quatre romans réunis par une thématique commune témoignent
d’une connaissance fine des enjeux psychiques de l’adoption. Ils
permettent également aux lecteurs adolescents, adoptés ou non,
d’appréhender des problématiques plus universelles telles que le désir
à l’origine de leur vie, la relation aimante (ou non) entre parents et
enfants, la nécessaire séparation à l’adolescence, la crainte de
l’abandon qui peut l’accompagner… Ce traitement psychique est
possible parce que ces livres demeurent ouverts : le lecteur peut se les
approprier, y injecter ses propres questions et parce qu’ils expriment,
grâce à un réel travail d’écriture, la complexité de la vie psychique
avec ses conflits, ses ambivalences, ses nuances.
Pour les lecteurs adoptés ils s’offrent comme supports de figuration et
d’identification, mais aussi comme lieux de légitimation de désirs, tels
que la recherche des origines biologiques ou culturelles. Ces livres
montrent enfin que tout cheminement comporte sa part de douleur mais
ouvre sur un possible mieux vivre.
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La psychologie
Le Dossier à la portée des ados
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Béatrice Decroix Entretien
Propos recueillis
par Anne Lanchon
Comment est née l’idée de créer les collections
«Oxygène» et «Hydrogène» ?
Adolescente, je me posais comme tous les jeunes de nombreuses
questions, et ne trouvais aucun livre pour y répondre. Devenue éditrice,
j’ai réalisé qu’il n’existait toujours rien pour accompagner les adolescents
dans leur construction personnelle. J’ai eu envie de créer des livres d’un
genre nouveau, dans l’esprit des manuels de savoir-vivre destinés aux
jeunes filles d’antan, la dimension morale en moins ! Ainsi est née
«Oxygène», avec une triple dimension : psychologie, société et scolarité.
Béatrice Decroix
Directrice des éditions
De La Martinière Jeunesse,
Béatrice Decroix a lancé
en 1995 la première collection
de «documentaires psy»
destinée aux adolescents 1.
«Oxygène», qui compte
aujourd’hui 66 titres à son
catalogue s’adresse
aux 11-13 ans.
«Hydrogène», qui a vu le jour
deux ans plus tard, cible
les 13-17 ans et totalise
à ce jour 51 volumes.
Quel est le concept de la collection ?
Partir des interrogations des lecteurs et leur donner les outils pour réfléchir
sur leur identité, leur environnement familial, sentimental, scolaire, la
société dans laquelle ils vivent. Il ne s’agit pas de leur inculquer des
connaissances de manière théorique, mais de s’inspirer de leur vécu et
de les accompagner jusqu’au savoir. Le livre doit fonctionner comme une
lampe de poche, non comme un entonnoir. C’est la raison pour laquelle
nos auteurs sont rarement des psychologues ou des sociologues, mais
des journalistes spécialisés ou des écrivains qui enquêtent et «digèrent»
la pensée des spécialistes pour mieux la transmettre, avec une écriture
qui ne soit ni académique ni démagogique. Je réfute le terme d’essai
pour ces livres, trop intellectuel, et celui de documentaire, trop scolaire.
Dans les librairies, ils sont classés dans les rayons «ados», on n’a pas
trouvé d’autre mot pour les caractériser.
Quel a été l’accueil de ces collections par les médiateurs ?
1 à l’exception de la collection
« Etats d’âme » chez Nathan,
qui a publié 13 titres
entre 1990 et 1996.
Très mitigé au début, car ils n’arrivaient pas à les cataloguer, justement.
On les regardait même avec un certain dédain : ces livres n’étaient ni de
la littérature, ni de l’accompagnement scolaire, ils ne pouvaient pas être
sérieux ! Les premiers mois, j’étais invitée exclusivement dans les lycées
professionnels, par des documentalistes qui avaient pris conscience que
la fiction ne plaisait pas à leurs élèves, et pensaient les accrocher avec
des sujets proches de leur vie quotidienne. Ce sont les lecteurs qui ont fait
le succès d’«Oxygène» et d’«Hydrogène». Les documentalistes et les
bibliothécaires ont pris le relais, ils ont réalisé un remarquable travail de
promotion. Les libraires ont été les derniers conquis. Aujourd’hui, le pari
est gagné. Notre collection est clairement identifiée, elle a trouvé sa
crédibilité et elle est même prescrite par certains psychologues à leurs
patients !
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Comment choisissez-vous vos thèmes ? Travaillez-vous
avec un comité scientifique ?
Nous n’avons pas de comité scientifique, mais je rencontre souvent des
psychologues et des sociologues qui me suggèrent des idées de sujets.
Par ailleurs, nous travaillons beaucoup également avec la Fondation de
France et l’association Fil Santé jeunes, qui relit nos textes lorsqu’ils
abordent des questions délicates : la santé, l’anorexie, la confiance en
soi… Nous réunissons enfin régulièrement des comités de lecteurs, pour
être en phase avec leurs préoccupations. Leurs propositions tournent
souvent autour des sentiments et de la sexualité.
Quels sont les titres qui fonctionnent le mieux ?
Nos « best-sellers » parmi les titres «psy» d’«Oxygène» sont Ado blues2
et Nous les filles… 3, parce qu’ils sont très génériques sans doute. Leurs
ventes tournent autour de 30.000 exemplaires. Les «Hydrogène» «psy»
qui marchent le mieux sont La cigarette, c’est décidé j’arrête4 et
L’homosexualité à l’adolescence5, parce que nous sommes les seuls à
avoir abordé ces questions en documentaire jeunesse.
2 Michel Piquemal,
2006 (1ère édition 1996)
3 Moka, 2007 (1ère édition 1995)
4 Anne-Marie Thomazeau, 2005
5 Anne Vaisman, 2002
Ne craignez-vous pas d’épuiser un jour les sujets
possibles ?
Non, car les lecteurs évoluent avec la société. Nous avons publié en
1999 un «Oxygène» sur la drogue en général, La drogue vous êtes tous
concernés 6, et cinq ans plus tard Cannabis, mieux vaut être informé 7,
car la consommation de cannabis avait beaucoup augmenté entretemps. De même, nous n’aurions jamais édité autrefois Un psy pourquoi
en voir un ? 8, car les jeunes fréquentaient moins les cabinets des
psychologues.
6 Pierre Mezinski
7 David Pouilloux, 2004
8 Sofia Martin, 2005
«Oxygène» et «Hydrogène» ont été «relookés»
début 2007. Pourquoi ?
Leurs maquettes avaient vieilli au bout de dix ans. Je souhaitais également
instaurer un contraste plus important entre les deux collections. La
préadolescence commence de plus en plus tôt et la maturité des grands
adolescents s’accentue. L’illustration des nouveaux «Oxygène», réalisée
par Vincent Odin, est plus humoristique et proche de la BD. Chez
«Hydrogène», nous avons remplacé les photos trop impersonnelles par
des illustrations de la graphiste Mia, modernes et dans l’esprit manga.
En 2003, vous avez ouvert votre catalogue à la
littérature avec la collection «Confessions», qui compte
aujourd’hui 20 titres. Quel en est le concept ?
Certains sujets, trop sensibles ou trop pointus, peuvent difficilement être
abordés dans un documentaire. C’est le cas de l’énurésie9, de la perte
de la foi10, du complexe lié à une petite taille11… Seule la fiction peut en
rendre compte avec subtilité. J’ai proposé à des auteurs connus d’écrire
Lecture Jeune - juin 2007
9 Tu seras la risée du monde,
de Jean-Paul Nozière, 2004
10 Ce soir là, Dieu est mort,
de Christian Grenier, 2005
11 Hé, petite !,
de Yaël Hassan, 2003
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La psychologie à la portée des ados
12 Celui qui n’aimait pas lire, 2004
13 Un autre que moi, 2003
un récit inspiré de leur adolescence, qui ne soit ni une autobiographie ni
un journal intime, mais une création littéraire avec une portée universelle.
Ces textes, dont la forme varie d’un livre à l’autre (roman, poésie…)
permettent d’en apprendre un peu plus sur leur auteur, de mieux
comprendre le reste de son œuvre parfois. On découvre que Mickaël
Ollivier détestait lire étant enfant12, que Bernard Friot souffrait d’être
interne13… Mais cette curiosité ne concerne que les lecteurs adultes ! Les
adolescents, eux, apprécient de se reconnaître dans ces récits de vie qui
témoignent d’un mal-être fréquent à leur âge. Pour qu’ils s’approprient la
collection, nous avons choisi un petit format et une typo en couleur, moins
intimidante que le noir et blanc.
Les autres documentaires « psy »
14 J.L. Monestes et C. Boyer, 2006
15 D.A. Rouyer
et M. Dupuy-Sauze, 2002
16 D. Jeammet et O. Amblard,
Bayard, 2004
17 S. Feertchak-Ortoli, Plon, 2006
18 B. Costa-Prades,
Albin Michel, 2007
IIl existe peu de collections « psy » destinées aux ados à l’exception de la souscollection « Psychologie, psychanalyse et sciences humaines » des
« Essentiels » chez Milan. Conçue et rédigée par des professeurs de
psychologie pour un public jeune, elle serait lue selon l’éditeur à 70 % par des
adultes ! 15 titres sont parus à ce jour, tous très sérieux et bien documentés.
Dernier ouvrage publié : Thérapies comportementales et cognitives14.
Le Dico Ado publié en 2001 par Gallimard jeunesse, sous la direction de C.
Dolto est devenu un ouvrage de référence, réactualisé chaque année. Il est
divisé en plusieurs chapitres qui retracent les étapes essentielles de la vie.
Médecins, psychologues et diététiciens répondent aux questions que se posent
les adolescents avec précision et clarté. Le Dico des filles15 de Fleurus
connaît l’année suivante un démarrage fulgurant : 30.000 exemplaires
vendus en quinze jours ! Une édition réactualisée paraît à chaque rentrée,
et la série est aujourd’hui déclinée en petits volumes individuels.
L’approche ludique, humoristique et complice explique ce succès.
Une ribambelle d'autres livres tels que La psycho 100% ado16,
L’encyclopédie des filles17, Les garçons (un peu) expliqués aux filles, les
filles (un peu) expliquées aux garçons 18 a envahi les rayons ados ou
adultes des librairies. Ces ouvrages au ton humoristique et à la maquette
attractive traitent de manière synthétique l’ensemble des thèmes qui
intéressent les adolescents. Ils y trouvent les réponses à des questions qu’ils
n’osent pas poser à leurs parents, et des conseils pour dédramatiser des
situations auxquelles ils se trouvent confrontés.
La production éditoriale sur ces sujets est cependant inégale : les conseils de
certains « spécialistes » restent parfois superficiels et s’accompagnent de
témoignages qui « sonnent » faux. Le ton y est sans doute pour beaucoup. Par
ailleurs on peut se demander si le filon ne risque pas de s’épuiser, les
thématiques n’évoluant guère d’un volume à l’autre.
Anabel Jouineau, bibliothécaire à Meudon (92)
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Les discours « psy »
Le Dossier dans la presse ado
23
Christelle Crumière Analyse
Entre le rejet d’une enfance encore proche et l’aspiration à un statut
adulte aussi désirable qu’angoissant, l’adolescence est l’âge des
grandes interrogations identitaires. Qui suis-je ? Quel cheminement
suivre ? À ces questions, formulées de façon plus ou moins explicite, les magazines destinés aux jeunes prétendent apporter des
réponses adaptées. En témoigne le foisonnement des rubriques,
chroniques, dossiers ou courriers à dimension psychologique.
Comment fonctionne leur discours ? Quelle place accordent-ils à la
parole des adolescents ? Quelles représentations leur renvoient-ils
d’eux-mêmes ? Quel support offrent-ils à leur construction identitaire ? C’est ce que nous tenterons de comprendre en étudiant le
contenu de trois des magazines les plus appréciés des adolescents –
Girls !, Jeune et Jolie et Phosphore1– à travers deux axes d’analyse :
- la place et les formes du discours à connotation psychologique
dans le magazine.
- le contenu de ce discours, à travers son mode énonciatif (posture
du locuteur/implication du lecteur), son degré de spécialisation et
les représentations qu’il véhicule.
Découvre qui tu es : Girls ! ou la révélation de soi
Place et formes du discours psychologique :
Le magazine Girls ! réserve une place particulièrement importante au
discours à tendance psychologique, qui se décline sous de multiples
formes. On y trouve des pages explicitement estampillées « psycho », telles
que le « Courrier psycho », auquel répondent deux psychologues, Laurence
Siroit et Marie Delacourt, et la rubrique « Psycho », qui aborde les
préoccupations principales des adolescentes (« Larguer ou se faire
larguer ? Un choix difficile ») sous forme d’un article alternant témoignages
de jeunes filles, commentaires d’un psychologue et synthèse d’une
rédactrice. D’autres rubriques : « Love » (« Il faut croire en l’amour ! ») et
« C’ ma vie » (« Pour être heureuses, elles sont allées jusqu’au bout d’ellesmêmes !») répondent au même principe, associant aux témoignages
des lectrices un encadré « L’avis du psy », ainsi que des conseils, des
recommandations (« Sept astuces pour réapprendre à aimer »), des
adresses d’associations et des numéros de téléphone utiles (« Fil Santé
Jeunes », « La Note Bleue », etc).
Le magazine propose également des dossiers qui abordent des thèmes de
société (« Se reconstruire après un viol ») ou des sujets intimes (« Sexualité,
identité : qui suis-je ? ») sous un angle psychologique. À cela s’ajoutent
de nombreux tests de personnalité supposés apporter à l’adolescente des
Lecture Jeune - juin 2007
Christelle Crumière,
est chargée de cours à
l’université de Cergy-Pontoise
(95) en sémiologie de l’image,
traitement de l’information,
droit et éthique du journalisme,
dans le cadre d’une initiation
à l’éducation aux médias.
Elle achève actuellement une
thèse de doctorat en sémiologie
des médias, à l’Institut Français
de Presse (Paris II),
sur l’élaboration narrative
du 11 septembre 2001
dans les journaux français.
Corpus analysé :
Girls !, Jeune et Jolie
et Phosphore
Numéros de janvier,
février, mars et avril 2007.
1 Phosphore , Girls ! et Jeune et
Jolie sont les titres de presse
jeune les plus consultés par
les15-18 ans, selon l’enquête
Conso Junior 2006.
Ils sont respectivement lus
par 14,5% et 11,5% (ex æquo)
des jeunes de cette tranche d’âge.
Voir LJ n° 121, Les adolescents et
la presse écrite.
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Les discours « psy » dans la presse ado
réponses à ses questionnements identitaires (« Sais-tu vraiment qui tu
es ? ») ainsi qu’une rubrique « Météo perso » censée renseigner la
lectrice sur les variations de son humeur et de ses états d’âme (« Vois-tu
la vie en rose ? »).
Contenu du discours :
Selon les rubriques, le contenu du discours répond à des fonctions et
préoccupations différentes. La rubrique « Courrier Psycho » opère
essentiellement une fonction de conseil, qui va de la simple
recommandation (« je te propose deux choses ») à la réorientation vers une
structure adaptée ou une solution juridique (« n’hésite pas, porte plainte »),
selon la gravité de la situation. Plus globalement, le discours de la
psychologue s’inscrit dans une démarche de sécurisation : il a pour but de
rassurer l’adolescente sur la normalité de ses sentiments ou de ses réactions
(« il est normal que tu te sentes démunie »), de dédramatiser ses angoisses
ordinaires (« il n’y a rien de grave »), de la décharger d’une culpabilité
injustifiée (« en aucun cas tu n’es coupable de la mort de ton père »). Le
recours au tutoiement, la forte implication énonciative (« je comprends tes
inquiétudes ») et le faible niveau de spécialisation du langage (absence de
conceptualisation, d’usage d’une terminologie scientifique) concourent à
situer l’échange sur le registre de la confidence.
Nombre de dossiers appartiennent au registre de la révélation identitaire
(« Identité sexuelle… qui suis-je ? »), voire de l’accession à soi-même (« Et
si tu décidais de régler ce problème. Histoire d’être toi-même… mais en
mieux ? »). De même, les tests de personnalité répondent à une fonction de
dévoilement (« Dis-moi comment tu réagis… je te dirai qui tu es ! »).
L’identité y est présentée comme un territoire à découvrir, voire à conquérir
(devenir soi-même est le terme d’une quête). Le magazine, qui prétend
détenir la vérité de la jeune lectrice, apparaît comme son principal adjuvant
au cours de ce cheminement.
Deviens ce qui te plaît : Jeune et Jolie ou la transformation de soi
Place et formes du discours psychologique :
Le discours à dimension psychologique est moins abondant dans Jeune et
Jolie, mais il y est surtout moins aisément repérable et beaucoup plus confus.
Aucune rubrique ne propose d’échange direct avec un psychologue.
Le seul espace de dialogue, « Chère Julie », se rapproche davantage
d’un « courrier du cœur » et apporte des réponses de bon sens aux
préoccupations amoureuses des jeunes lectrices (« Je viens de me faire
larguer », « Ma copine est amoureuse de mon Jules »). Selon les numéros,
le magazine décline différentes rubriques estampillées « psy »
(« Psy friends », « Psy girl », « Psy couple », etc), mais cet intitulé ne garantit
ni la teneur psychologique du discours, ni le recours aux compétences
d’un spécialiste. A contrario, il peut arriver qu’une rubrique échappant à
cette appellation bénéficie du concours d’un spécialiste, telle que « Love
attitude » (« Jalousie, passion, dépendance. C’est ça l’amour ? » avec le
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psychiatre et psychanalyste Samuel Lepastier). Les dernières pages du
mensuel, intitulées « J&J coach », sont composées de mini fiches conseils
(mode, forme, beauté, loisirs, droits, etc), dont une fiche « psy » survolant
les éventuelles difficultés rencontrées par l’adolescente dans sa famille, sa
vie sociale ou scolaire. Enfin un certain nombre de tests prétendent, de
façon ludique, renseigner la lectrice sur les secrets de sa personnalité
(« Savez-vous tenir vos promesses ? »), voire de son identité (Supplément
détachable : « Qui êtes-vous ? 24 tests pour mieux vous connaître »).
Contenu du discours :
La plupart des rubriques intitulées « Psy » se bornent à énumérer les cas de
figure auxquels la lectrice peut être confrontée dans une situation type
(« Avec Jules, les amies, la famille… Jouer les indifférentes, c’est risqué ? »),
puis à lui en signaler les avantages et les inconvénients. Face aux divers
comportements ou réactions envisagés, l’opinion de la rédactrice (« L’avis
de J&J ») remplace ici « L’avis du psy » de Girls !. Le magazine encourage
également l’adolescente à suivre des modèles attractifs (« Cultivées, sexy,
lookées… Celles qui font plus que leur âge »), en les valorisant à ses yeux
(« Ce qu’il y a de bon à prendre »), et en lui suggérant les moyens de s’y
conformer (« Comment les imiter ? »).
Moins qu’une fonction d’étayage psychologique, le mensuel développe une
fonction de « coaching ». Ce rôle est d’ailleurs revendiqué dans le titre de
nombreuses rubriques (« Psy coach », « Love coach », « Fun coach ») et le
contenu des fiches « Psy » (« Coach lycée », « Coach parents »). Loin de la
posture du thérapeute, le magazine adopte celle de l’entraîneur, du
« pro », qui doit permettre à la lectrice non de se découvrir mais de se
modeler et de se transformer pour atteindre une image idéale qu’elle s’est
forgée ou qu’elle veut donner d’elle-même (« Etes-vous une nana qui fait
fantasmer les garçons ? »). Au lieu de l'encourager à s’accepter telle qu’elle
est, le magazine incite l’adolescente à s’identifier à des modèles superficiels
(« Top canon, top classe. Les secrets des people les plus sexy »), à se
conformer à l’intransigeance des critères esthétiques et comportementaux
socialement valorisés (« Plans love/sexe : tout ce que vous allez oser »),
quitte à se plier aux exigences de son éventuel partenaire (« Avez-vous le
corps de ses envies ? »).
Cultive ce que tu es : Phosphore ou l’affirmation de soi
Place et formes du discours psychologique :
À la différence des deux magazines précédents, Phosphore ne comporte
aucune rubrique explicitement désignée comme relevant du domaine de la
psychologie. En revanche, les enquêtes ou dossiers de société, qui croisent
les angles d’approche et les points de vue peuvent faire appel, sans qu’elle
soit exclusive, à une interprétation psychologique du sujet. Au même titre que
celui des autres spécialistes sollicités, le discours du psychologue renvoie à
un discours expert, capable d’éclairer, de rendre intelligible un aspect
spécifique de la question traitée. Ainsi dans le numéro de janvier 2007,
l’enquête consacrée aux sectes (« Sectes : comment elles vous piègent ») fait
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Les discours « psy » dans la presse ado
alterner le commentaire des acteurs (victimes, membres d’associations
présentes sur le terrain) et l’analyse théorique de spécialistes issus de
disciplines diverses (psychologue clinicienne, historien des religions).
C’est dans la rubrique « Et moi », organisée autour de l’expérience et de la
parole des jeunes, que le recours au discours psychologique est le plus
abondant, à travers les commentaires de spécialistes tels que psychiatres,
psychologues, pédopsychiatres ou cliniciens.
Contenu du discours :
« Dis-moi comment tu (te) conduis, je te dirai qui tu es » titre une enquête sur
les jeunes et le permis de conduire, décryptant, à l’aide d’un sociologue,
d’un ethnologue et d’un psychologue le sens des comportements au volant,
mais aussi le symbolisme du permis de conduire comme « passage rituel à
l’âge adulte ». Intitulée « Les mots pour le dire », la rubrique « Et moi » de
mars 2007 insiste sur l’importance de la verbalisation des émotions et
difficultés tenues secrètes (« C’est le principe du sac à dos, explique MarieCatherine Chikh, psychologue à Fil Santé Jeunes. Si on se mure dans le
silence avec ses problèmes, on porte un sac de plus en plus lourd. Quand
on en parle, c’est comme si, symboliquement, l’autre nous aidait à porter
ce sac à dos… qui devient alors plus léger. ») Sur le thème du « droit à
l’erreur », la rubrique « Et moi » d’avril 2007 apporte aux questions des
lecteurs (« Pourquoi fait-on des erreurs ? », « Comment rendre ses erreurs
constructives ? ») des réponses qui vont dans le sens de l’acceptation (« Pour
comprendre ses erreurs, il faut d’abord réussir à se les pardonner »,
rappelle la psychologue Isabelle Filliozat) et de l’élaboration de son identité.
(« L’erreur est utile à notre construction, explique la psychologue
Emmanuelle Yanni-Plantevin. Elle fait partie d’un processus de recherche,
de tentative, d’essai. »)
Ici le discours psychologique ne s’inscrit pas dans le registre de la
confidence, encore moins du « coaching », mais dans celui de
l’explicitation et de la production de sens : il retrouve pleinement sa
fonction première, celle de mettre en lumière les mécanismes de la vie
psychique et des comportements humains. Les représentations véhiculées
sont celles de l’affirmation de soi (« Enfin, j’ai osé »), de l’indulgence
envers soi-même (« Les bonnes raisons de se tromper »), l’adolescent étant
invité à cultiver son identité plutôt qu’à tenter de se métamorphoser de
façon toute puissante.
Si dans ces trois magazines l’objet des discours à connotation
psychologique consiste à répondre à la quête identitaire de l’adolescent,
les réponses qu’ils lui offrent et les représentations qu’ils lui renvoient de luimême divergent de façon radicale : à la promesse d’un dévoilement
magique affichée par Girls ! et à l’illusion d’une recréation démiurgique de
soi-même véhiculée par Jeune et Jolie, s’oppose l’invitation de Phosphore
au déploiement bienveillant et rationnel de son identité.
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Le Dossier «Les ados ont la parole»
Meryem Daoudi Témoignage
Meryem Daoudi est bibliothécaire-adjointe à la médiathèque de
l’Institut français de Meknès (Maroc) depuis 1989, où elle est
responsable du secteur jeunesse et adolescent. Passionnée d’art
dramatique, cette ancienne comédienne, animatrice d’ateliers de
théâtre, a lancé dès 1992 un club de lecture auquel participe une
quarantaine de jeunes de 10 à 23 ans, filles et garçons. Au sein de ce
club, une petite troupe s’est constituée, qui propose chaque année une
mise en scène, du « défilé de livres » en 1994 à un Roméo et Juliette
revisité en mars 2007, dans le cadre du Printemps des poètes.
Le club de lecture se réunit quant à lui chaque semaine. Meryem Daoudi
s’est donné pour objectif de « rapprocher les enfants des livres ». Lorsqu’ils
présentent les ouvrages qu’ils ont lus, elle les incite fortement à parler
d’eux-mêmes, de leurs émotions, à se comparer aux personnages… Une
grande complicité et une confiance mutuelle se sont ainsi instaurées entre
la jeune femme et le groupe d’adolescents. Leurs rendez-vous sont vite
devenus indispensables aux jeunes, qui trouvaient là l’occasion d’évoquer
leur quotidien et leurs questionnements d’adolescents : la religion, le deuil,
les relations filles/garçons, le terrorisme… Meryem Daoudi a perçu leur
besoin d’expression et d’écoute. Elle a compris qu’elle ne pourrait pas
répondre à toutes leurs interrogations. Elle leur a donc proposé
d’organiser des débats et d’inviter des professionnels de l’adolescence,
plus qualifiés qu’elle. C’est ainsi qu’ont été initiées les journées « Les ados
ont la parole », en 2006. Les membres du club de lecture ont défini quatre
thématiques : la citoyenneté, le sida, le rôle des associations, ainsi qu’une
journée de parole libre sur l’adolescence intitulée « Parlons-en ». Meryem
Daoudi a choisi les intervenants.
Ces journées, qui se sont tenues en octobre 2006 durant le Ramadan, ont
remporté un vif succès, ce qui a surpris tout le monde. Les jeunes s’étaient
en effet massivement abstenus lors des dernières élections communales.
Près de 80 adolescents ont participé à chacune des trois premières
rencontres. Ils étaient plus de 400 à assister à la dernière table ronde,
manifestant ainsi leur besoin et leur volonté d’échanges. Les débats furent
parfois houleux, ils ont révélé le malaise d’une génération qui ne parvient
pas à trouver sa place dans la société marocaine. Les jeunes ont dit se
sentir marginalisés et rejetés. Hors du cadre scolaire ou familial, la parole
a donc été libre et parfois violente.
Meryem Daoudi avait convié pour la dernière rencontre une mère de
famille, un psychologue, un philosophe, un relaxologue ainsi qu’un
médiathécaire. Ces adultes ont été destabilisés par la mise en cause
Lecture Jeune - juin 2007
Propos recueillis
par Hélène Sagnet
Meryem Daoudi
Bibliothécaire-adjointe
Responsable du secteur
jeunesse et adolescent
Médiathèque de l’Institut
français de Meknès.
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« Les ados ont la parole »
Médiathèque de l’Institut
français de Meknès.
Ferhat Hachad
BP 337
50000 Meknès
Maroc
[email protected]
1 Non Lieu, 2006
directe dont ils ont fait l’objet dans un premier temps, mais l’échange s’est
instauré ensuite. Les thèmes abordés ont été variés : l’injustice et
l’exclusion, la religion, les rapports garçons/filles, les inégalités
quotidiennes, dans le cadre scolaire surtout, la politique et la perte de
confiance dans le système, etc. Des thèmes plus personnels ont également
émergé tels que la maltraitance ou la sexualité, l’incompréhension et le
manque d’écoute général dont ces jeunes disent souffrir.
Lorsqu’on lui demande s’il revient à son établissement d’organiser ce type
de débat, Meryem Daoudi avoue qu’elle a entendu de nombreux
reproches, notamment celui selon lequel « la bibliothèque n’est pas un
cabinet de consultation psychologique ». Elle ne renoncera pas pour
autant à son projet. Si les jeunes viennent vers elle à la médiathèque,
estime-t-elle, il faut qu’elle les écoute : « La bibliothèque est le reflet de la
société pour eux. Ils doivent trouver ici des réponses, dans les ouvrages
mais aussi auprès des personnes présentes. C’est grâce à cette parole et
à cette confiance que nous deviendrons de bons passeurs de livres ».
La jeune femme estime par ailleurs que ces rencontres ont modifié l’image
de la médiathèque auprès de certains jeunes. Beaucoup d’entre eux se
sont inscrits dans la foulée. Mais la fréquentation par ce public ne pose
pas réellement de problème ici : les moins de 25 ans représentent plus de
85 % des usagers des médiathèques des Instituts français au Maroc. Elles
constituent pour eux des lieux de rencontre et de vie culturelle, qui font
défaut à Meknès comme ailleurs, même si l’Etat semble ébaucher une
politique visible en direction de la jeunesse (ouverture de centres culturels,
incitation à l’action associative…).
Le réseau a donc engagé une réflexion spécifique autour de l’accueil des
adolescents, très demandeurs, mais parfois trop présents et en conflit avec
les autres générations d’usagers. Plusieurs médiathèques ont, comme à
Meknès, créé des espaces et une programmation spécifiques pour
répondre aux besoins de ce public dynamique. Un programme de
formation des équipes a également été initié. Meryem Daoudi quant à elle
poursuit les réunions du club de lecture. Elle invite ponctuellement une
personnalité pour discuter avec les adolescents, comme par exemple
l’écrivain El Driss, plus connu par les jeunes pour son rôle dans une série
télévisée française que pour son roman Vivre à l’arrache1, sur
l’immigration clandestine du Maroc vers la France. Lors du dernier comité,
qui s’est tenu en avril 2007, elle a proposé aux enfants de reporter la
présentation des livres et d’évoquer les attentats qui venaient d’avoir lieu
à Casablanca.
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La banalisation du
Le Dossier « psy »
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Jean-Claude Rouchy Tribune
Notre société est envahie de toutes parts par des interprétations
psychologisantes de la réalité sociale. Est-ce une nouvelle idéologie, un
phénomène passager ou un état récurrent apparaissant à certains
moments de notre histoire et dans certaines conditions ?
L'effondrement des idéaux politiques, le développement d'une
politique libérale de marché, le déclin de valeurs humaines et de
solidarité provoquent un repli sur des valeurs individualistes. La
réussite sociale régit les rapports humains et laisse le champ libre à des
attentes touchant de plus en plus à la vie privée, à la vie intime et
même au corps.
On constate cette poussée individualiste dès le collège avec l’orientation
dans des filières différentes. La France est le seul pays d’Europe où les
classes sont recomposées au fil de sélections successives, incitant les élèves
à intégrer très tôt le dogme du « chacun pour soi ». Dans les autres pays,
en Espagne et en Italie notamment, les élèves font leurs études dans le
même groupe-classe de la 6e à la terminale.
Ces valeurs individualistes contribuent à l’avènement d’un « tout
psychologique » et nous incitent à nous réaliser dans la recherche
individuelle du bonheur, du plaisir, de l’accomplissement de soi. L’intérêt
narcissique pour la chose psychologique peut produire le meilleur,
notamment au plan culturel, et le pire au plan commercial et de la publicité :
« Parce que je le vaux bien !».
L’exploitation ambiguë de ces capacités essentielles à notre équilibre et à
notre recherche de bien-être a envahi notre univers. Les domaines
concernés sont multiples et foisonnants : les médias surtout, qui s'en font
l'écho, l'amplifient, le légitiment et le banalisent, tant dans le choix des
thèmes que dans la façon de les traiter.
Dans les années 1970, le « Psy-show » télévisuel du psychanalyste lacanien
Serge Leclerc avait déjà surpris au-delà des cercles spécialisés. Les
émissions de Françoise Dolto étaient mieux acceptées, car elle évitait de
traiter les problèmes de manière personnelle et s’en servait pour donner une
information universelle sans la banaliser pour autant. De même, Mireille
Dumas fait preuve de compétence dans la conduite des entretiens, même
si elle « spectacularise » des histoires intimes. En revanche, certains
psychanalystes se donnent en spectacle chaque semaine dans des
émissions de variété, sans oublier les reality-shows qui nous rendent
complices d’un voyeurisme pervers, avec des séquences affligeantes de
pseudo-entretiens psychologiques.
La presse de son côté, notamment féminine, se situe dans le même registre.
On y trouve des tests « psychologiques » sans valeur scientifique, dont les
Lecture Jeune - juin 2007
Jean-Claude Rouchy,
est psychologue clinicien,
psychanalyste et analyste
didacticien de groupe.
Il est également rédacteur en
chef de la Revue de
psychothérapie psychanalytique
de groupe (Erès) et de la revue
Connexions (Erès) publiée
par l’ARIP (Association pour
la recherche et l’intervention
psychosociologique).
Il a présidé la Fédération des
associations de psychothérapies
psychanalytiques de groupe
et préside actuellement
l’association européenne
Transition - Analyse de groupe
et d'institution.
Publications
La double rencontre :
toxicomanie et Sida,
Erès, 1996
Le Groupe, espace analytique.
Clinique et théorie,
Erès, 1998 (Transition)
La psychanalyse avec Nicolas
Abraham et Maria Torok,
Erès, 2001 (Transition)
Institution et changement.
Processus psychique et organisation, en collaboration avec
Monique Soula Desroche,
Erès, 2004 (Transition)
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La banalisation du « psy »
« Chacun a sa vie
psychique,
c’est pourquoi chacun
se tient pour
un psychologue. »
Sigmund Freud
(1926)
résultats, exprimés dans un langage simpliste, éliminent toute dimension
sociale, économique et politique. Un mensuel a même pris pour titre
Psychologies et propose en couverture une personnalité du spectacle.
Enquêtes, débats, portraits, courrier des lecteurs… : toutes ses rubriques
tendent vers la quête de l’équilibre et du bonheur, sans oublier le cahier
sexo. Il n’est pas le seul. La majorité des magazines féminins comporte
aujourd’hui une rubrique « psy », où les conseils des spécialistes abondent,
de la vie du couple à l’éducation des enfants.
Au-delà de cette profusion, qui répond à une attente du public, on constate
un appauvrissement de la représentation de la réalité sociale et
institutionnelle, mais aussi une perversion des rapports de causalité. Les
individus deviennent responsables des événements qu'ils subissent. La
personne mise au chômage doit en chercher l’origine dans ses propres
difficultés. Ce qui est vrai pour certains devient une explication généralisée
à tous, dans la dénégation de facteurs structurels et économiques, financiers
et géopolitiques.
Quant aux « psychothérapies nouvelles », importées pour la plupart de la
côte ouest des Etats-Unis il y a quarante ans (bioénergie, gestalt, analyse
transactionnelle…), elles privilégient la catharsis par l'expression individuelle
des émotions en groupe. Contrairement à la psychanalyse, elles ne visent
pas un changement de la structure psychique du sujet mais une adaptation
évolutionniste de celui-ci à son environnement social, sans que les valeurs qui
le fondent soient interrogées. Cette centration sur l’individu ouvre la voie à
certaines sectes pour le recrutement de nouveaux adeptes et comme moyen
de manipulation, en utilisant la fragilité psychologique des personnes.
Il en est parfois de même au sein de certaines sociétés, où l’objectif n'est plus
celui d'un changement structurel, mais d'une adaptation des professionnels
à leur fonction. Le développement du « coaching » fait ainsi porter à
l’individu la responsabilité des difficultés et des conflits de la structure dans
une dénégation de la dynamique des groupes, des contraintes sociales.
Beaucoup de consultants en entreprise ont abandonné tout travail de groupe
au profit de conseils individualisés.
Tout serait donc plus ou moins « psy » dans un univers où les ravages du réel
social et économique sont bien présents. La médiatisation des « psys » n’a
sans doute jamais atteint une telle ampleur. Qu’on en juge par la place qu’ils
occupent dans les médias, de l’astrologie à Loft Story. Psychologisation du
social et hyperprésence des « psys » : ces deux phénomènes stigmatisent
notre société marquée par la culture du narcissisme.
Un des paradoxes créés par cette situation n'est-il pas que ce soient des
psychologues, des psychiatres, des psychosociologues, des psychanalystes
qui soient amenés à désigner cette « psychologisation du social » ? Le
symptôme en serait l'appellation banalisée de « psy », qui vide de sens la
spécificité des pratiques, des dispositifs et de leurs cadres institutionnels.
Peut-on ainsi parler d'une psychologisation sans psychologues, ou d'une
société à la fois psychologisée et désubjectivée ?
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Parcours de lecture
Livres accroche
Littératures
Bandes Dessinées
Documentaires
pages 32 à 39
page 40
page 41
Et après
Littératures
Bandes Dessinées
Documentaires
pages 42 à 51
pages 52 à 54
page 55
Lecteurs confirmés
Littératures
Bandes Dessinées
Documentaires
Ouvrages de référence
pages 56 à 66
page 67
page 68
pages 69 à 70
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Parcours de lecture
Livres accroche Littératures
1I
Catherine Anne
L'école des loisirs, 2007
(Théâtre)
96 p.
6,50 €
978-2-211-08688-2
Genre
Théâtre
Adaptation
Mots clés
Amour
Cette adaptation très libre du conte d’Andersen, en seize courtes scènes,
se déroule tour à tour sur terre et au fond de la mer. La petite sirène, qui
rêve d'aller voir au-dessus de l'eau, obtient l'autorisation de quitter le
royaume le jour de ses quinze ans. Lors d'une tempête déclenchée par
son père pour la faire revenir, elle sauve un jeune prince du naufrage.
Pour le suivre sur terre, elle demande à la sorcière de lui donner des
jambes en échange de sa voix. Le prince, un moment séduit, l'oublie et
se marie avec une princesse. Dans cette version, « Petite sirène » ne meurt
pas, sa grand-mère lui offre des ailes semblables à celles des sirènes du
« temps jadis ».
Dans sa préface, Catherine Anne explique les thèmes qu'elle souhaitait
explorer dans sa pièce, écrite en partie en vers libres : la quête d'un
ailleurs, la douleur d'aimer sans retour, la violence incontrôlée... C'est un
texte sensible et évocateur, dans un style actuel, au ton souvent gai et
incongru. Il a été joué au Théâtre de l'Est Parisien en 2006.
■ Gilberte Mantoux
2I
Silvana Gandolfi
Trad. de l'italien
par Faustina Fiore
Panama, 2007
175 p.
13 €
978-2-7557-0169-2
Genre
Conte
Humour
Mots clés
Jeunesse
Népal
Une petite sirène
Le baume du dragon
Andrew, le narrateur, ne supporte plus sa femme, une mégère qui le
houspille sans arrêt. Au cours d'un voyage à Katmandou, il lui fausse
compagnie. Lors de cette escapade, il rencontre un vieillard qui lui confie
une mixture destinée à sa petite fille, la Kumari, petite déesse vivante de
dix ans. Mais Andrew ne peut résister à l'envie de manger l'intégralité
du baume. Il se met alors à rajeunir de jour en jour, à sa grande joie tout
d'abord, puis à sa grande frayeur. Quant à la Kumari, en l'absence du
baume magique, elle vieillit inéluctablement, ce qui pourrait lui faire
perdre son statut honorifique. Les deux protagonistes s'allient alors pour
stopper le processus et entreprennent un voyage parsemé d'embûches à
destination d'un lac au bord de l'Himalaya. Ce périple népalais se
conclut par un double mariage, preuve que la force de l'amour est plus
puissante que la vieillesse et la mort…
Comme toujours, Silvana Gandolfi fait preuve ici d'une imagination
débridée, servie par une écriture allègre et agrémentée d'un humour
burlesque jubilatoire. Un excellent livre accroche !
■ Gilberte Mantoux
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3 I Les terribles aventures
du futur capitaine Crochet
James Matthew B. vient d’intégrer le fameux collège d'Eton, où est éduquée
l'aristocratie anglaise. Fils d'un Lord qui ne l'a pas reconnu, il est vite
considéré comme un gêneur. En compagnie de son seul véritable ami, Roger
l'enjoué, il s'oppose aux coutumes de l’établissement. Sa vie bascule lors de
la rencontre annuelle du Jeu du Mur. Il fait la connaissance d’Ananova, la
fille d'un sultan, dont il tombe éperdument amoureux. Pour elle, il n'a plus
qu'un objectif : trouver l'île de ses rêves, le Pays de Nulle Part.
James V. Hart nous conte ici la jeunesse d'un méchant mondialement
connu, le capitaine Crochet, jusqu'au moment où lui sera donné ce
surnom. Le pari était risqué, il l’a réussi. Il imagine un personnage hors
du commun, doté d'un physique inquiétant et d'un fort caractère qui le
rendent antipathique à ses aînés. Le lecteur en revanche s'attache à cet
adolescent que la vie n'a pas favorisé. Il se dégage enfin de ce livre une
ambiance très noire correspondant parfaitement à l'antihéros présenté.
■ Sébastien Féranec
James V. Hart
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Alice Marchand
Flammarion, 2006
343 p.
13 €
978-2-0816-3470-1
Genre
Roman d'aventure
Mots clés
Adolescence
Pouvoir
Amour
4 I Stravaganza :
La cité des étoiles, T.2
Ce second volet de Stravaganza conduit Georgia, adolescente mal dans
sa peau vivant à Londres au XXIe siècle, à « stravaganter » c’est-à-dire à
rejoindre dans son sommeil un univers parallèle, par le biais d’une petite
statuette représentant un cheval ailé. Georgia est projetée dans une cité
de Talie au XVIe siècle, Remora, sur laquelle règne la famille des Chimici.
Nous sommes à la veille d’une course de chevaux qui oppose les douze
circonscriptions de la ville. La jeune fille découvre ainsi qu’elle est un
« stravagante » : son pouvoir lui permet de voyager d’un monde à l’autre
et de jouer un rôle incontournable dans les affaires de la cité.
Rappelons que la série fonctionne sur le principe de l’uchronie : un
événement modifie le cours de l’Histoire, en l’occurence Remus a vaincu
Romulus, l’Italie est rebaptisée Talie, Belleza ressemble à Venise et
Remora fait référence à Sienne, organisatrice de la course du Palio. La
reconstruction historique est parfaite, l’univers savamment maîtrisé, mais
pour suivre l’intrigue, qui repose sur les luttes de pouvoir entre les familles
de Remora – les Chimici – et de Belleza – la Duchessa –, il est préférable
d’avoir lu La cité des masques dont on retrouve ici tous les personnages.
Georgia est une héroïne un peu falote et moins bien campée que Lucien,
le héros du tome précédent. On regrette également que les beaux
personnages féminins de La cité des masques soient ici secondaires.
Mais l’aventure reste prenante.
■ Hélène Sagnet
Lecture Jeune - juin 2007
Mary Hoffman
Trad. de l’anglais
par Jean Esch
Pocket jeunesse, 2006
392 p.
15,50 €
978-2-266-15914-3
Genre
Science-fiction
Mots clés
Mondes parallèles
Italie
XVIe siècle
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Livres accroche
La série Stravaganza se poursuivra avec La cité des fleurs en septembre
2007 et en 2008 avec La cité des secrets, où l’on retrouvera les
personnages connus de Lucien et d’Ariana ainsi que de nouveaux
protagonistes. ndlr
5 I La légende arménienne
de David de Sassoun
Jean V. Guréghian
Albin Michel, 2006
183 p.
12 €
978-2-226-17203-3
Genre
Mythes et légendes
Mots clés
Arménie
Mythe fondateur de la culture arménienne, l'épopée populaire de David
de Sassoun s'est transmise oralement jusqu'au XIXe siècle. Elle restitue la
lutte du peuple arménien contre les envahisseurs arabes et égyptiens à
partir du VIIe siècle. Ici, la saga se compose de quatre parties qui mettent
en scène des héros de père en fils. David est l'un d'eux, personnage haut
en couleurs qui incarne l'espérance d'un peuple tout entier. Il est d'ailleurs
le favori des Arméniens. Cette épopée est passionnante car tous les
ingrédients du conte y sont représentés : batailles, mariages, épreuves,
démesure sont au rendez-vous page après page. Le récit s'accompagne
judicieusement d'une carte de l'Arménie, de l'arbre généalogique des
héros ainsi que de pages documentaires sur l'histoire et la culture
arméniennes. Ce petit complément se révèle fort utile pour un lecteur qui
découvre avec plaisir, en plus de la légende, un pan historique et
géopolitique de ce pays mis à l'honneur en France en 2007 dans le
cadre de l'année de l'Arménie.
■ Brigitte de Bergh
6 I Odyssée :
Le sortilège des ombres, T.3
Michel Honaker
Flammarion, 2007
390 p.
12 €
978-2-0816-3484-8
Genre
Mythes et légendes
Mots clés
Ulysse
Télémaque
Après dix ans de combats stériles, Ulysse découvre enfin le moyen de
prendre la ville de Troie. Mais les Grecs ravagent la cité et provoquent
la colère de Poséidon, qui les condamne à errer sur les océans, tandis
qu’à Ithaque, Pénélope et Télémaque affrontent les prétendants au trône.
Ulysse et ses compagnons luttent désespérément contre leur destinée et
combattent les adorateurs des Titans, la sorcière Circé, les sirènes...
Télémaque, de son côté, tente de conjurer la prophétie selon laquelle il
mourra lors de sa première nuit d'amour.
Michel Honaker poursuit avec Le sortilège des ombres la réécriture de
L'Odyssée d'Homère, entamée avec La malédiction des pierres noires et
Les naufragés de Poséidon. Il réussit à rendre la lecture de ce récit
légendaire plus aisée et l'histoire plus moderne, en alternant notamment
les points de vue d’Ulysse et de Télémaque, qui occupe ici une place
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Littératures
essentielle. Au-delà des portraits d’Ulysse, héros jouet des dieux, et de
son fils Télémaque, on appréciera ceux des dieux eux-mêmes, Zeus,
Poséidon et Apollon, tous très humains dans leurs attitudes. La majeure
partie de ce volume est consacrée au passage d'Ulysse chez la sorcière
Circé, l'un des plus réussis de cette épopée.
■ Sébastien Féranec
7 I Treize petites enveloppes bleues
Qui n’a jamais rêvé de partir à l’aventure muni d’un unique sac à dos et
d’une carte de crédit ? Ginny, 16 ans, relève le défi que lui propose sa
tante Peg dans son testament : treize enveloppes lui indiquent les
destinations où se rendre. A chaque escale elle devra accomplir une
mission. Elle se rend à Londres demander à un certain Richard ce qu’il a
vendu à la reine d’Angleterre, à Rome pour inviter un jeune homme à
manger un gâteau… A chaque étape, la jeune fille découvre un aspect
de la personnalité de sa tante, mûrit au contact des personnes qui
croisent son chemin, et découvre les différents modes de vie européens.
Il ne s’agit pas d’un voyage paisible, mais d’un véritable marathon qui
nous emporte dans sept pays en l’espace de trois semaines. Ne dit-on
pas que « les voyages forment la jeunesse » ? Ce proverbe prend ici toute
sa mesure. Un bon livre accroche.
■ Emmanuelle Jair
Maureen Johnson
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Julie Lopez
Gallimard jeunesse, 2007
344 p.
13 €
978-2-07-057467-4
Genre
Roman initiatique
Mots clés
Voyage
8 I Mauvais rêve
Simon, quinze ans, a le don de sculpter les rêves et commence à
travailler pour un institut qui vend du rêve sur mesure. Lorsque l’entreprise
est rachetée par un homme d’affaires italien, le jeune homme découvre
que son travail, qui lui permet de réussir socialement et d’accéder à la
célébrité, peut aussi influer sur le cours des choses.
Dans un style simple, avec une intrigue linéaire et captivante, Christian
Léourier évoque ici les dangers d’une société où l’individu serait contrôlé
jusque dans ses loisirs. Le héros adolescent se laisse dans un premier
temps séduire par l’argent et le vedettariat, mais une amie réveille sa
vigilance. Mauvais rêve trouve sa juste place dans la collection « Autres
mondes » de Mango, qui souvent dénonce les dérives et les
manipulations du pouvoir liées aux nouvelles technologies. Un livre
passionnant.
■ Laurence Guillaume
Lecture Jeune - juin 2007
Christian Léourier
Mango, 2006
(Autres mondes)
191 p.
9€
978-2-7404-2081-2
Genre
Science-fiction
Mots clés
Manipulation
Rêve
Pouvoir
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Livres accroche
9 I Sous le vent de la liberté :
Lumières d’Amérique, T.1
Chasseurs et proies, T.2
Les temps cruels, T.3
Christian Léourier
Bayard jeunesse,
2005-2006,
407 p., 405 p., 475 p.
11,90 €
978-2-7470-1082-5
978-2-7470-1128-3
978-2-7470-1127-5
Genre
Roman historique
Roman d’aventure
Mots clés
Esclavage
Marine
Révolution
En 1780, à la mort de son père, Jean de Kervadec est dépouillé de son
héritage par son oncle. La vente de la propriété familiale à un négociant
ne peut être annulée. Notre héros s’engage alors dans la Royale, est
enrôlé de force dans l’armée anglaise pendant la guerre d’indépendance,
se retrouve au Canada et vit pendant deux ans dans une tribu indienne.
Dans le deuxième tome, il retrouve celle qu’il aime mariée à son frère.
Désespéré, il reprend la mer, ignorant que le navire participe au trafic
du « bois d’ébène ». Capturé par des pirates, il gagne la confiance de
leur chef et, devenu capitaine, découvre l’Asie. Le troisième volume débute
en 1791. A Saint-Domingue, Jean rencontre Toussaint Louverture à la tête
d’une révolte pour l’abolition de l’esclavage. De retour à Paris sous la
Révolution, il se trouve mêlé à l’assaut des Tuileries, aux massacres de
septembre 1792 et à la mort du roi Louis XVI. Il décide alors de quitter la
France avec femme et enfants pour une nouvelle vie.
Dans ce récit historique mouvementé et passionnant, bien mené et très
pédagogique, la petite histoire rejoint la grande. Le lecteur découvre
l’ordre social sous la monarchie, l’esclavage et la traite des Noirs, le
massacre des tribus indiennes en Amérique… Ce roman a également le
mérite d’apprendre au lecteur à ouvrir les yeux et les oreilles pour écouter
et respecter l’autre.
■ Agnès Donon
10 I Faire et défaire
Mathis
Thierry Magnier, 2007
(Nouvelles)
178 p.
9,50 €
978-2-84420-545-2
Genre
Nouvelles
Mots clés
Relation père/fils
Monde ouvrier
Adolescence
En dix nouvelles, Mathis esquisse ici le portrait d’un adolescent comme
les autres, fan de science-fiction et de foot, mais qui n’hésite pas à donner
un coup de main à son père maçon le samedi. Démolir une cheminée,
installer une salle de bain, monter un mur brique après brique : la tâche
est rude mais gratifiante. D’un chantier à l’autre, Thomas découvre le
plaisir du travail bien fait et le sens du service, mais surtout son père sous
un autre jour : un homme qui inspire le respect, exigeant avec lui-même
comme avec son fils, patient, généreux, attentionné avec les personnes
âgées. Il expérimente également le monde des adultes et ses petits
travers, un vieil homme qui boit en cachette de sa femme, un bûcheron
qui détourne du bois coupé, et se sent de plus en plus décalé par rapport
à ses copains de lycée. Ce recueil de nouvelles d’inspiration
autobiographique dépeint avec réalisme et authenticité le monde des
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Littératures
travailleurs manuels : le poids des parpaings sur les épaules, la poussière
sur les visages, la brûlure des paumes de main, tout sonne juste, y
compris les dialogues bourrus. C’est surtout un beau témoignage
d’amour d’un fils pour son père, d’une pudeur rare. ■ Anne Lanchon
Nouvelle collection : Faire et défaire paraît chez Thierry Magnier dans
la collection « Nouvelles » dirigée par Mikaël Ollivier, qui souhaite
réhabiliter le genre de la nouvelle et attirer les lecteurs qu’impressionnent
les gros pavés. Tous les registres y sont représentés, du polar à la SF en
passant par le roman intimiste ou fantastique. Trois autres titres sont parus
dans cette collection : Scènes de crime, de Brigitte Aubert, Avec la
langue, d’Adam Bagdasarian et La revanche de l’ombre rouge, de Jean
Molla. ndlr
11 I
Sorcier ! :
Menteurs, charlatans et soudards, T.1
Le Frélampier, T.2
Le premier temps du chaos, T.3
A 16 ans, Finn, fils présumé du grand sorcier Miricaï, rejoint l’école des
sorciers de Lur. Il y ânonne des incantations incompréhensibles et, de
peur qu’on découvre qu’il est un usurpateur, prend la fuite, ignorant que
les magiciens de Lur comptaient sur lui pour leur apprendre le langage
des sorciers dont ils ont perdu l'usage. Des frères guerriers se lancent à
ses trousses. Pour leur échapper, Finn, malin, se fait passer pour un maître
sorcier hors pair. Mais à T’Noor, un autre sorcier, Larix Vibur, veut aussi
mettre la main sur lui… Siki-Siki, la fille du baron de T’Noor, le protège
et lui révèle la dernière prophétie du grand devin : il est le « frélampier ».
Il doit vivre pour générer le chaos, d’où naîtra un nouveau monde. Elle
l’aide à fuir. À Hibbah, chez Sambuc le despote, Finn révèle que les
sorciers n’ont aucun pouvoir. Le dictateur décide alors d’envahir les
contrées voisines. Commence le temps du chaos… Pourchassé par les
notables de toutes les régions où il est passé, Finn file vers les forêts
septentrionales où, dit-on, vivent d’épouvantables dragons. Il n’y
rencontre qu’un peuple dominé par le mage Marceldupon, qui prétend
dialoguer avec les dieux.
Moka dévoie ici les clichés et les motifs du genre de la « fantasy ». Finn
n’a rien d’un preux chevalier. Ingénieux et impertinent, il est aussi
roublard et souvent antipathique. L’univers moyenâgeux dans lequel il
évolue est d’une grande complexité, peuplé de rites et de noms étranges,
mais s’écarte peu à peu de son obscurantisme initial. D’ailleurs, si la
magie est omniprésente dans le récit, elle n’existe que dans la croyance
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Moka
L’école des loisirs,
2006-2007 (Neuf)
205 p., 224 p., 196 p.
9,80 €, 10 €, 9,50 €
978-2-211-08322-6
978-2-211-08472-9
978-2-211-08644-8
Genre
Fantasy
Humour
Mots clés
Magie
Initiation
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populaire. Elle est en revanche un formidable levier de l’ordre politique.
Outre une quête initiatique originale, c’est en définitive un monde
archaïque aux prémices de sa Révolution que dépeint Moka. Elle
parvient également grâce à une intrigue complexe, pleine de
rebondissements et à un humour fin, qui joue sur les mots, les noms, les
références et la dérision, à faire de cette série un divertissement jubilatoire
pour de bons lecteurs.
■ Cécile Burgard
12 I
Hélène Montardre
Rageot, 2007
331 p.
15 €
978-2-7002-3271-2
Genre
Roman d’aventure
Science-fiction
Mots clés
Environnement
Réchauffement climatique
Depuis la disparition de ses parents, Flavia habite avec son grand-père
près d’une dune que menace l’océan. Persuadé que son avenir est de
l’autre côté de l’Atlantique, son grand-père l’oblige à partir
clandestinement pour New York où les réfugiés ne sont pas bienvenus.
Elle y rencontre des scientifiques européens qui rassemblent des données
pour protéger les hommes de la montée des eaux, mais également Chris,
un jeune Américain dont elle tombe amoureuse. Ce voyage est l’occasion
pour Flavia de faire des choix, de mûrir, de sortir du cocon tissé par son
grand-père et de s’ouvrir au monde. Les oiseaux, signes de la montée des
eaux, en représentent le fil conducteur. L’héroïne se découvre un lien avec
eux qui devrait se préciser dans les tomes suivants.
Dans une société à peine futuriste, marquée par le réchauffement
climatique, les adolescents s’interrogent et s’engagent pour construire leur
avenir. D’une façon un peu simpliste peut-être, l’auteur dépeint une
société américaine renfermée sur elle-même et des Européens qui ne
parviennent pas à s’entendre. Mais les jeunes lecteurs pourront y trouver
matière à réflexion citoyenne.
■ Laurence Guillaume
13 I
Kenneth Oppel
Trad. de l’anglais (Canada)
par Danièle Laruelle
Bayard jeunesse, 2004-2006
(Estampille)
497 p., 518 p.
13,90 €
978-2-7470-1420-7
978-2-7470-2114-9
La prophétie des oiseaux :
Océania, T.1
Fils du ciel
Brise-ciel
Les héros de Kenneth Oppel semblent particulièrement à l’aise dans les
airs. Avec la trilogie Silverwing, Sunwing et Firewing, le lecteur suivait
avec délices les tribulations de chauve-souris. Il est convié avec ces deux
ouvrages à voyager à bord de dirigeables en compagnie de Matt Cruse,
garçon de cabine puis stagiaire à bord d’aérostats, et de son amie Kate
de Vries, fille de milliardaire, intrépide chercheuse d’animaux mystérieux.
Leurs aventures les mènent dans le premier tome sur une île à la recherche
d’un énigmatique spécimen animal, et dans le second en quête de
l’épave d’un engin volant mythique et de son trésor. Les péripéties se
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Littératures
succèdent à un rythme qui ne laisse pas de répit au lecteur. Les dialogues
sont vifs et enlevés, les caractères tranchés sans être caricaturaux. Les
deux héros, téméraires et opiniâtres, mûrissent au fil du temps et
éprouvent les affres des premiers émois amoureux. Ils évoluent dans un
univers « steampunk » très original, où l’on croise d’incroyables
machines, où les aérostats remplacent les avions avec un naturel
surprenant et où l’appât du gain déchaîne les passions. Ce roman
d’aventure qui croise paradoxalement les influences de Jules Verne et de
Miyazaki (Le château dans le ciel) déroule une intrigue chronologique,
claire. Rédigé sous forme de carnet de voyages à la première personne
par le jeune Matt, il emportera aisément l’adhésion des jeunes lecteurs.
Un livre palpitant et inventif, que demander de plus pour les vacances ?
■ Marie-Françoise Brihaye
14 I
Genre
Roman d’aventure
Science-fiction
Mots clés
Aviation
Le violoniste
Gabrielle Vincent, artiste humaniste, a laissé à la postérité ses
magnifiques albums. Le violoniste est une merveille de sensibilité et de
sobriété grâce, entre autres, à ce trait de fusain si signifiant.
Un homme, seul, joue du violon accompagné par le regard d’un jeune
garçon, au travers d’une vitre. Les regards nous parlent à nous lecteurs
mais ne se croisent pas encore. L’homme, nous l’apprenons au fil de
l’album, est un artiste raté aux yeux de son père, qui régulièrement lui
signifie par courrier sa petitesse. Il n’est qu’un petit prof de musique,
comme il dit. L’enfant, que l’adulte finit par découvrir, s’ouvre peu à peu
à la musique et le violoniste se redresse en faisant fi de la vindicte
paternelle. Choix de vie, vocation musicale et destinée, partage et
transmission sont les thèmes magnifiquement portés par la main de
Gabrielle Vincent. Ils devraient faire écho aux questionnements juvéniles.
L’élégance, la souplesse et la précision des expressions et des traits
donnent vie à ces personnages en quête de bonheur, d’amour et de
reconnaissance. Nous sommes bouleversés. ■ Michelle Charbonnier
Lecture Jeune - juin 2007
Gabrielle Vincent
Rue du monde, 2006
120 p.
26 €
978-2-91556-968-1
Genre
Album
Mots clés
Musique
Relation père/fils
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Parcours de lecture
Livres accroche BD
15 I
Tsugumi Ohba
Ill. de Takeshi Obata
Trad. du japonais
par Myloo Anhmet
Dargaud, 2007 (Dark Kana)
197 p.
5,95 €
978-2-5050-0032-8
978-2-5050-0042-5
978-2-5050-0079-2
Genre
Shonen manga
Thriller
Mots clés
Mort
Bien/Mal
Ryûk, un dieu de la Mort, laisse tomber sur terre son death note (cahier
de la Mort). Il suffit d'y noter le nom d'une personne pour qu'elle décède
d'une crise cardiaque. Le carnet est ramassé par Light Yagama, un jeune
lycéen talentueux, qui va s'en servir pour établir un monde idéal : il veut
jouer le rôle de Dieu en tuant tous les criminels. Devant cette vague de
décès incompréhensibles, Interpol fait appel à un adolescent surnommé L,
capable de résoudre toutes les affaires. Commence alors un incroyable
face-à-face.
Death note est la nouvelle série phare au Japon. Elle ne compte que
douze volumes. On retrouve avec un grand plaisir le dessin de Takeshi
Obata après son dernier succès Hikaru no go. Tout l'intérêt de ce manga
réside dans le duel entre les deux personnages principaux, d'un côté
Light, le héros assassin et de l'autre L, le détective à l'air dépressif.
L'intrigue est très bien menée, les rebondissements se multiplient. Le
lecteur découvre peu à peu les subtilités d'utilisation du death note, au
même rythme que le héros. Sans aucun doute, le manga événement de
ce début d'année !
■ Sébastien Féranec
16 I
Tomo Taketomi
Trad. du japonais
par Thibaud Desbief
Dargaud, 2006 (Big Kana)
7,35 €
978-2-50500-011-5
978-2-50500-012-3
Genre
Shonen manga
Mots clés
Famille
Violence
Aïkido
Death note : T.1, T.2 et T.3
Evil Heart : T.1 et T.2
Umeo Masaki, le héros de ce nouveau manga, est un jeune garçon plein
de violence. Il n’est pas le seul. Sa mère est en prison pour avoir
poignardé son fils aîné qui la battait. Umeo et sa sœur vivent désormais
seuls dans la maison familiale.
Voilà un manga dont le propos va à coup sûr parler au public
adolescent. Umeo ne veut pas hériter de cette brutalité familiale, mais se
sent lui-même impulsif et violent. Torturé par sa nature et celle de son frère,
il tente avec difficulté de trouver sa voie. Pourquoi pas celle de l’aïkido ?
Il doit pour cela accepter que la force physique ne résout pas tout, et que
le pardon est preuve de sagesse. L’apprentissage sera dur, long mais
salutaire. Le trait, moins figé que dans certains mangas, donne une forte
personnalité au dessin. Les visages des héros sont tout en mouvements et
chargés d’émotions. De belles âmes viennent épauler Umeo perdu dans
sa colère. Malgré des scènes de bagarres relativement violentes, le
message positif fera réfléchir les lecteurs. Un très bon shonen émouvant,
subtil, et prometteur.
■ Sonia Seddiki
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Parcours de lecture
Livres accroche Documentaires
17 I
Familles à la loupe : une histoire
des parents et des enfants
Claire d’Harcourt pointe son regard sur les personnages des tableaux et
photos qui composent ce documentaire et les fait témoigner à la première
personne. L’histoire des mœurs et coutumes liées à l’éducation des
enfants devient passionnante dans ce livre ludique et attrayant :
couverture cartonnée, couleurs vives, grand format. L’ouvrage se
découpe en quatre grandes périodes, chacune s’appuyant sur des scènes
familiales rencontrées dans les œuvres de l’époque, de l’Antiquité à nos
jours. À l’issue de la lecture, un questionnaire fait appel à la mémoire du
lecteur en reprenant les éléments isolés des pages précédentes. Le lexique
enfin apporte des informations sur les tableaux présentés. Un regret
persiste : l’auteur achève son périple dans les années 50, sans chercher
dans l’art contemporain les traces de notre façon de vivre la famille
aujourd’hui.
■ Elise Hoël
18 I
Claire d’Harcourt
Seuil, 2006 (Le Funambule)
61 p.
23 €
978-2-02-089310-X
Mots clés
Famille
Histoire
Relation enfant/parent
Soleil, histoire à deux voix
Connaissance scientifique et imagination ne s’opposent pas toujours, mais
peuvent se compléter avec bonheur. Pour le démontrer, une expérience fut
réalisée de 1975 à 1977 dans un collège de la banlieue parisienne
auprès de 80 élèves, animée par l’astrophysicien Hubert Reeves, Jacques
Véry, un professeur d’arts plastiques, et Eliane Lemierre-Dauphin,
professeur de lettres. Après avoir écouté les propos d’Hubert Reeves sur
l’univers et notre système solaire, les collégiens étaient invités à laisser libre
cours à leur imagination par la peinture ou la poésie. Le livre inspiré par
cette expérience se présente comme un très bel album. L’exposé
scientifique est rédigé sous forme de questions-réponses dans un langage
très simple. Il est illustré d’excellentes photographies astronomiques de la
NASA, la plupart en pleine page : c’est tout l’intérêt de cette nouvelle
édition. Il alterne avec les œuvres des collégiens – tableaux et poèmes –,
elles aussi présentées en pleine page. Une brève bibliographie et une liste
d’adresses utiles achèvent l’ouvrage.
Ce livre est d’un accès facile pour les jeunes lecteurs, mais du strict point
de vue documentaire, un peu superficiel. Il manque également cruellement
d’un index. En réalité, il incite à rêver plus qu’il n’informe. ■ Jean Ratier
Lecture Jeune - juin 2007
Hubert Reeves,
Jacques Véry et
Eliane Lemierre-Dauphin
Seuil, 2006
126 p.
18 €
978-2-02-090676-7
Nouvelle édition, mise à jour
et remaquettée
(1ère édition, La Noria,1976,
2e édition, La Nacelle 1977)
Mots clés
Astronomie
Planète
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Parcours de lecture
Et après Littératures
19 I
Shaïne Cassim
Thierry Magnier, 2006
175 p.
8€
978-2-84420-488-0
Genre
Roman intimiste
Mots clés
Amour
Famille
Romy et sa grande sœur Ava vivent à l'aise dans leur grande maison,
alors que leur mère s'étiole à ne rien faire depuis le départ de leur père.
Romy est en hypokhâgne, Ava tient la boutique de décoration familiale.
Accompagnée de Ferdinand, son meilleur ami amoureux d'elle, Romy
cherche un sens à sa vie. Elle déclare son amour à Athanaël Delphus, le
proviseur du lycée.
Ecrit à la première personne, ce roman empli de sentiments colorés,
parfois ambigus, dépeint avec justesse les questionnements de jeunes
adultes issues d’un milieu un peu « bobo ». Certes, cet environnement
n’est pas celui de tout le monde, mais les sentiments ici décrits toucheront
les lectrices. L’évocation des tissus, qui utilise magistralement toute la
palette du registre lexical (couleurs, toucher…) apporte une sérénité à ce
roman un peu hors du temps.
■ Laurence Guillaume
20 I
Fabrice Colin
Hachette jeunesse, 2006
310 p.
12 €
978-2-01-200902-6
Genre
Roman d'aventure
Fantastique
Mots clés
Japon
XIXe siècle
Deux sœurs en décembre
Le réveil des dieux
Nous sommes en 1888. Le jeune Errol Steel, pensionnaire au collège
Sugarawa de Tokyo, apprend que son père, diplomate, vient d’être
arrêté pour trahison vis-à-vis de l'Empereur. Alors qu'il tente de lui porter
secours, il rencontre Tosho Daigongen, l'âme de Tokyo, qui lui révèle qu'il
peut sauver la ville d’un futur cataclysme. Errol se trouve face à un terrible
dilemme : doit-il privilégier son père ou les dix millions d’habitants de la
capitale ?
Ce roman est une grande réussite, car Colin décrit parfaitement le
contexte historique et culturel de l’époque. En 1876, les Britanniques ont
en effet profité d'un tremblement de terre pour accaparer tous les
pouvoirs au Japon. Dans Le réveil des dieux, des groupuscules tentent de
lutter contre l’envahisseur occidental en multipliant les attentats. S’y
ajoutent la chute d'une météorite et la découverte d'un nouveau métal,
l'Antélium. Les personnages secondaires ont tous une personnalité et une
histoire très riches, avec une mention particulière pour les frères ennemis,
le sorcier Ikaru et le funambule Ookajiro. Tous ces éléments tissent une
toile complexe où le jeune héros tente de réussir une mission, qui semble
trop lourde pour lui.
■ Sébastien Féranec
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21 I
Rien dire
A l’occasion d’un stage de préparation au bac, Brahim, issu d’une
famille d'origine maghrébine qui apparaît comme un modèle
d’intégration, doit « se raconter » devant les autres, en donnant libre
cours à ses pensées. Il a le sentiment de n’avoir rien à dire. Pourtant, au
fil des pages, le jeune homme livre ses sentiments sans retenue : il
exprime son attirance pour l’Allemagne depuis le départ de son oncle
pour ce pays, son goût pour la pâtisserie dont il veut faire un métier, son
affection pour sa grand-mère, son angoisse d’avoir un trou à ses
chaussettes… Peu à peu, le lecteur devine que ces pensées expriment un
vide plus profond, une absence.
Le temps pour une bougie de se consumer, Brahim nous dit tout de sa vie
d’adolescent, de ses doutes, de ses inquiétudes. Il s’agit d’un récit intime,
mais les préoccupations du narrateur toucheront les jeunes lecteurs par
leur caractère universel.
■ Laurence Guillaume
Nouvelle collection : Actes Sud junior lance en mars 2007 la collection
« D’une seule voix » dirigée par Jeanne Benameur et Claire David, « des
textes à murmurer à l’oreille d’un ami, à hurler devant son miroir, à
partager avec soi et le monde ». Outre Rien dire, sont parus à ce jour
Kaïna-Marseille (voir notice n° 34), Le Ramadan de la parole, de Jeanne
Benameur et Quand les trains passent…, de Malin Lindroth. Ce dernier
a fait débat. ndlr
22 I
Bernard Friot
Actes Sud junior, 2007
(D’une seule voix)
94 p.
7,80 €
978-2-7427-695-6
Genre
Monologue
Mots clés
Père
Immigration
Adolescence
Choses qui font peur
Au XIe siècle, une dame de la cour impériale japonnaise, Sei Shônagon,
écrit le soir dans le silence de sa chambre, saisissant « au courant du
pinceau » toutes les images, les idées et les réflexions parfois répétitives
ou contradictoires qui s’offrent à son esprit. Ces « notes de chevet »
constituent le premier sôshi, genre intime et libre qui propose au lecteur
des listes de « choses ». Choses qui font battre le cœur, dont on n’a
aucun regret, qui frappent de stupeur, qui émeuvent profondément, que
l’on a grande hâte de voir ou d’entendre, choses qui font peur.
Troublant et mystérieux, l’album de Bruno Gibert et Pierre Mornet se
présente d’abord comme un texte seul, à la mise en page déroutante :
sur fond brun, les mots s’inscrivent en blanc et vermillon, énumérant les
frayeurs enfantines. Une sensation dans la bouche - celle de la dent qui
bouge toute seule, va partir - réveille les terreurs enfouies : peur de
l’ombre, peur de disparaître, frissons délicieux de l’imagination, peur de
vivre, peur de grandir. La dernière phrase revient au point de départ,
cette dent qui bouge et apparaît désormais comme le signe rassurant de
la vie qui continue.
Mais cette voix, à qui appartient-elle ? Est-ce celle de la petite fille qui, sur
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Bruno Gibert
Ill. de Pierre Mornet
Autrement, 2006
48 p.
14,50 €
978-2-7467-0745-4
Genre
Sôshi (énumération
poétique au Japon)
Album
Mots clés
Enfance
Phobie
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Et après
la couverture, repousse d’invisibles peurs ? Ce n’est qu’en dépliant les
rabats secrets de l’album qu’on retrouve l’enfant dans les étranges et
magnifiques tableaux de Pierre Mornet. Nouvelle Alice vêtue de rouge,
la minuscule fillette s’échappe d’un œil ouvert. Au pays des cauchemars,
elle grandit près d’une mère sévère, fuit les oiseaux, sombre dans l’eau
parmi les poissons, se dédouble parfois. Chaque planche répète des
éléments de la précédente jusqu’à la dernière image : autour de la jeune
fille endormie figurent tous les objets finalement inoffensifs qui ont généré
ses craintes : un oiseau, des poissons rouges, et même le livre Choses qui
font peur, abandonné sur le lit. Un voyage sensuel et intime dans nos
peurs secrètes.
■ Charlotte Plat
23 I
Pierre Grimbert
Octobre, 2006
(Croix des Fées)
267 p.
18 €
978-2-915621-15-2
Genre
Fantasy
Humour
Roman d'aventure
Le prophétionnel :
La théorie du bouclier, T.1
Etre son propre éditeur donne à Pierre Grimbert une liberté certaine. Il la
prend avec cet ouvrage de fantasy humoristique, marquant une rupture
avec ses précédents cycles de facture classique. Ulser de Brise-Camail vit
dans une période de paix où il est impossible d’envisager de combattre
contre des forces du mal, en sommeil, et d’obtenir la main de sa dulcinée,
courtisée par un tueur de dragons autoproclamé… Heureusement, notre
héros découvre qu’il est un « prophétionnel » : un personnage capable
de rendre caduques les prophéties. Il fallait le trouver ! L’amour aidant,
Ulser se lance, contre l'avis de tous, dans l’accomplissement d’une
prophétie, treize ans à l’avance !
Pierre Grimbert s’amuse au fil du récit à tourner en dérision les clichés et
ressorts classiques d’un récit d’héroic fantasy. Il anime ici une galerie de
personnages, antihéros cocasses (un chevalier benêt et peureux, une
amazone efficace mais fort naïve, un voleur pas doué…) et leur donne
à vivre une quête mouvementée mais drôle. Ce livre de lecture facile fait
passer un bon moment et s’apprécie d’autant mieux qu’on en saisit le
second degré. L'auteur parodie sans méchanceté ni vulgarité un genre
qu’il maîtrise parfaitement. Peut-être compte-t-il suivre les voies ouvertes
par Terry Pratchett ?
■ Marie-Françoise Brihaye
Réseau de lecture : ce livre évoque l’humour parodique et burlesque de
Monty Python sacré Graal de Terry Gilliam et Terry Jones.
24 I
Le voyage de Mosca
Que peut une jeune orpheline, fille d’un penseur engagé dans une
bataille perdue pour la liberté d’expression, sinon fuir ? Fuir l’ennui d’un
village rongé d’humidité en compagnie de la fidèle oie Sarrasin. Héroïne
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Littératures
picaresque lancée à 12 ans sur les routes d’une campagne vaguement
anglaise, capable de survivre dans les pires circonstances, Mosca se
méfie de tout ce qui peut entraver sa liberté. Elle fait cependant équipe
avec un compagnon de hasard, Eponyme Clent, « vieux matou gras et
coquet… de longues griffes et pas de crocs ». Elle est surtout prête à
risquer sa vie pour des idées. Rocambolesques, pleines de suspense, les
aventures s’enchaînent comme les lettres de l’alphabet jusqu’au chapitre
« U Comme Urgence », dans lequel Mosca résout toutes les énigmes.
Ce roman, qui est en réalité un conte, soulève des questions capitales
dont le siècle des lumières a largement débattu. Comment les idées
subversives peuvent-elles mettre en péril la religion et l’autorité ? En quoi
réside le danger des livres, « capables d’incendier les châteaux de l’âme
et de changer la couleur du ciel » : dans les idées qu’ils véhiculent ou la
pensée des lecteurs qu’ils mettent en mouvement ?
Ce livre devrait séduire des adolescents : héros résolument optimistes,
méchants éliminés, combats, complots, luttes aussi impitoyables que
celles des gangs… Et derrière tout cela une réflexion sur les enjeux des
écrits, sur le lien indissoluble entre liberté de conscience et liberté
d’expression.
■ Nicole Wells
Autre avis : Ce roman extrêmement riche emporte l’adhésion tant l’auteur
a apporté un soin particulier au moindre détail. L’histoire est à la fois
complexe et clairement expliquée. Les personnages ne sont pas de
simples marionnettes s’agitant devant un décor, mais des acteurs
impliqués malgré eux dans la marche du Royaume divisé. La religion des
Biens-Aimés y tient une place importante ainsi que les guildes
professionnelles (Papetiers, Serruriers, Oiseleurs, Bateliers…) et le
Parlement, censé élire celui qui est destiné à monter sur le trône. Cette
réflexion sur le pouvoir, la tolérance, la liberté d’expression peut se lire
aussi comme un récit picaresque. L’intrépide héroïne, aussi roublarde
qu’intelligente, entraîne le lecteur dans sa course au gré de bons mots et
d’une rage de vivre communicative. Malgré misère, pluie et complots, on
rit beaucoup en lisant ce livre qui emprunte au conte philosophique sa
force de dénonciation. Une belle réussite.
■ Sandrine Brugot-Maillard
25 I
45
Frances Hardinge
Trad. de l'anglais
par Philippe Giraudon
Gallimard Jeunesse, 2006
425 p.
16,50 €
978-2-07-057485-7
Genre
Roman d'aventure
Conte
Mots clés
Liberté d'expression
Religion
La théorie de la relativité
Depuis quelques semaines, Dylan vit dans la rue. Sa mère l’a jeté dehors
et depuis il essaie de survivre à la faim et au froid, dans la crasse. Il
découvre un monde hostile, peuplé d'êtres interlopes, qui possède ses
propres lois et où la drogue et la prostitution règnent en maîtres.
L’ambiance de ce récit évoque L’herbe bleue ainsi que Junk, de Melvin
Burgess (voir LJ n°87), où l’on côtoie des adolescents à la rue, livrés à eux
même et surtout à la drogue. Sauf qu’ici, le personnage principal reste à
Lecture Jeune - juin 2007
Barbara Haworth-Attard
Trad. de l'anglais (Canada)
par Jean Esch
Thierry Magnier, 2007
287 p.
10,50 €
978-2-84420-519-4
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Et après
Mots clés
Drogue
Désespoir
Exclusion
la marge de cet univers qui tente de l’engloutir. Son regard singulier et
sa résistance au monde qui l’entoure en font une personnalité touchante.
Un livre qui se dévore et n’épargne pas son lecteur, en montrant de façon
crue les difficultés que rencontrent les SDF.
■ Juliette Buzelin
26 I
Lian Hearn
Trad. de l'anglais
par Philippe Giraudon
Gallimard, 2007
622 p.
23 €
978-2-07-057903-7
Genre
Epopée
Mots clés
Japon
Vu le succès de la trilogie originale (voir LJ n°107,108,113), on
pouvait craindre une suite purement commerciale. Il n'en est rien. Nous
retrouvons ici avec un grand plaisir Takéo, devenu seigneur des Trois
Pays, aux côtés de son épouse Kaedo. Il a eu la chance d'avoir trois
filles : Shigeko l'aînée, puis des jumelles Maya et Miki. Mais ce
bonheur est assombri par l'arrivée d'un émissaire de l'empereur des
Huit Îles et de son général, qui lui demande de se démettre. Par
ailleurs, le rebelle Akio élève Hisao, le fils caché de Takéo, dans la
haine de celui-ci. La prophétie, qui annonce que Takéo sera tué par son
fils, est en marche...
Tous les éléments qui ont fait le succès des trois premiers tomes sont à
nouveau réunis : les amours impossibles, les trahisons, les complots, les
batailles épiques, les secrets dissimulés, les morts héroïques... L'intrigue
est toujours aussi complexe, le nombre de personnages secondaires
impressionnant et tous jouent un rôle qui s'avère déterminant au final.
Ce quatrième tome conclut avec brio la série du Clan des Otori.
■ Sébastien Féranec
Le Vol du héron a obtenu en mai le prix Imaginales 2007 dans la
catégorie « œuvre pour la jeunesse ». ndlr
27 I
Suzanne Lebeau
Théâtrales jeunesse,
2006
80 p.
7€
978-2-84260-233-1
Genre
Théâtre
Mots clés
Handicap
Rébellion
Le clan des Otori :
Le vol du héron, T.4
Petit Pierre
La pièce est inspirée de l’histoire véridique de Pierre Avezard (19091992), handicapé de naissance. A partir de matériaux recyclés, Pierre
crée un manège actionné par un mécanisme improbable, et attire dans
son village une foule de visiteurs. Suzanne Lebeau s’empare de cette vie
exemplaire, « Rien qu’une légende, dis-tu ? Tu ne veux que des faits ? Les
faits sont périssables, crois-moi, seule la légende reste… ». Parce qu’il ne
peut travailler, penser comme les autres, « Petit Pierre » pose des
questions qui dérangent et y répond à sa manière : d’où naît le plaisir ?
Qu’est-ce que l’intelligence ? Pendant ce temps le monde tourne,
l’exploitation de l’homme par l’homme fait rage, d’une guerre à l’autre,
de krach boursier en crise politique. Le manège de Petit Pierre rend visible
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Littératures
celui du monde et en démontre la futilité.
La pièce est aussi improbable que le manège. Trois personnages
racontent une vie, et à l’arrière-plan les soubresauts d’un siècle. La
narration est prise en charge par deux conteuses. Petit Pierre est à peine
entrevu tandis que les objets qu’il construit envahissent l’espace de la
scène. Le texte est néanmoins très théâtral. Les conteuses renouent avec
la tradition du théâtre grec et telles un chœur antique, chantent les
souffrances humaines. Elles dialoguent entre elles, interpellent les
personnages, font surgir des ombres qui disparaissent aussitôt. Le
langage, d’une simplicité épique, célèbre la grandeur et la misère de
l’homme. Poétique, incantatoire, il accompagne le rythme d’une
respiration emportée par les larmes ou l’indignation. « Ils arrêtent sans se
poser de questions, emprisonnent, déportent, hommes, femmes et
enfants, par rues, par quartiers, par villes… Parce que le nez ne leur plaît
pas, parce que les cheveux sont noirs, que le sourire est ironique ou le
regard étonné. » Ce texte va à l’essentiel. Dans la lignée du Petit Prince,
il s’adresse à tous publics et offre en spectacle un héros qui trouve en lui
la force de résister à l’ordre collectif, machine à broyer tous ceux qui sont
différents. Il faudrait le mettre en réseau avec le reste de l’œuvre de
Suzanne Lebeau pour découvrir la richesse et la dignité d’un théâtre
destiné à la jeunesse.
■ Nicole Wells
28 I
Les larmes noires
Dans une forme qui emprunte au théâtre - liste des protagonistes,
didascalies… - Les larmes noires donne la parole à douze personnages.
Chacun d’eux raconte la façon dont il a vécu, en 1859 en Géorgie, la
plus grande vente aux esclaves organisée jusqu’alors, celle de la
plantation Butler. Maîtres, esclaves, acheteurs, cet événement marquera
leur vie à tout jamais.
Le récit se construit autour de la figure d’Emma, jeune esclave vendue ce
jour-là malgré l’attachement que lui portent les enfants de la famille Butler.
Il alterne les dialogues des protagonistes de l’époque et des interludes,
paroles de ceux qui ont vieilli et se souviennent.
La galerie de personnages donne un rythme singulier à l’ouvrage. Elle
permet surtout une lecture très riche des faits, même si dans sa diversité
elle n’évite pas quelques portraits attendus. Peu importe, c’est bien
l’émotion qui émane de ce récit tragique et cruel. Le destin d’hommes et
de femmes dignes, courageux, en colère, nous touche infiniment et nous
rappelle la violence de l’histoire américaine. L’auteur, qui s’est s’inspiré
de faits réels, a travaillé à partir de documents historiques. Il reproduit ici
la liste originale de la vente : « Numéro 347 - Tom, vingt-deux ans ;
champ de coton. Vendu 1260 dollars »…
■ Hélène Sagnet
Lecture Jeune - juin 2007
Julius Lester
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Raphaële Eschenbrenner
Hachette jeunesse, 2007
(Black Moon)
140 p.
12 €
978-2-0120-1337-7
Genre
Roman historique
Mots clés
Esclavage
Racisme
Etats-Unis
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Et après
29 I
Carrie Mac
Trad. de l'anglais (Canada)
par Dominique Piat
Actes Sud junior, 2007
351 p.
13,80 €
978-2-7427-6360-3
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Adolescence
Violence
Amitié
Zoé, lycéenne de seize ans, vient d'arriver avec sa mère, lunatique et
irresponsable, et sa petite sœur dans une petite ville de l'ouest du
Canada. Très vite elle est happée par une bande dirigée par Beck,
véritable tyran, cruelle et perverse. Leur souffre-douleur est April,
surnommée « Dog » à cause de son amour pour son chien et parce qu'on
la traite comme tel. Il faudra du temps et du courage à Zoé pour se
révolter, alors qu'elle s'est crue forte en supportant d'être marquée au fer
rouge pour faire partie de cette bande infernale. Quand April est laissée
mourante sous les coups et les brûlures et que son chien est tué, Zoé se
décide enfin à appeler la police.
Ce récit angoissant jusqu'au bout fait très bien apparaître les ressorts
d'une bande : soumission à un chef, bêtise, cruauté et lâcheté (celle des
membres du groupe comme celle de ceux qu'elle menace). Les adultes
ne sont pas ménagés non plus : religiosité bébête, morale hypocrite, refus
d'affronter la vérité, égoïsme. Ni Zoé ni ses amis, ni les parents ni les
professeurs ne sont tout à fait coupables ou innocents. Un roman parfois
insupportable, mais allégé par l'amitié, l'intelligence, l'humour de Zoé et
des trois garçons qui lui viennent en aide, l'affection des petits frère et
sœur, la volonté de s'en sortir. Voilà une œuvre complexe et forte qui fait
réfléchir et prend les adolescents au sérieux.
■ Gilberte Mantoux
Réseau de lecture : sur le même thème, on pourra recommander Sa
Majesté des mouches, de William Golding (Gallimard jeunesse, coll.
Folio Junior, voir LJ n°95), Petit comique deviendra grand, de Jonas
Gardell (Gaïa, voir LJ n°105) et Faire le mort de Stefan Casta (Thierry
Magnier, voir LJ n°112). ndlr
30 I
Joyce Carol Oates
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Diane Ménard
Gallimard, 2007 (Scripto)
222 p.
9€
978-2-07-057468-1
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Homosexualité
Injustice
Rumeur
La bande de Beck
Sexy
Pour : Au lycée, il arrive souvent à Darren de sentir des regards
appuyés se poser sur lui et d’en être gêné, surtout depuis qu’il s’est
aperçu que son corps ne laissait pas les hommes indifférents. Séduisant,
l’adolescent n’est pourtant pas très épanoui. Loin de vivre en héros les
compétitions de natation où il excelle, il se sent seul, y compris dans sa
famille. Le jour où Mr Tracy, son professeur de littérature, le ramène chez
lui en voiture, Darren éprouve un malaise face aux encouragements et à
l’intérêt manifestés par l’enseignant. Lorsqu’une rumeur commence à
sourdre, Darren ne fera aucun geste pour s’y opposer. Dès lors, la
mécanique du soupçon se déroule comme une tragédie grecque,
transformant un professeur compétent et exigeant en bouc émissaire.
Dans les esprits échauffés, l’amalgame se fait entre pédophilie et
homosexualité. Victime de la haine générale pour s’être montré différent
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Littératures
et sincère, l’enseignant se suicide.
A la suite logique de Zarbie les yeux verts et Nulle et grande gueule (voir
LJ n°105 et 112), Joyce Carol Oates décrit l’ambiance machiste et bienpensante du milieu sportif et des lycées aux Etats-Unis. Après le drame
commencent les interrogatoires tendancieux de la police…Véritable
machine à créer des coupables, comme le dénonçait Robert Cormier
dans ses romans, l’arsenal judiciaire est en route, implacable. Le récit
alterne le « je » des réflexions de Darren et la voix d’un narrateur externe,
distancié. Une fin bien menée permet au jeune héros de racheter sa
conduite passive et de rendre un dernier hommage à la victime de la
haine collective. Ce roman fort, qui dénonce la vindicte populaire, se lit
d’un trait.
■ Cécile Robin-Lapeyre
Contre : Ce roman fait écho au précédent Zarbie les yeux verts.
Amérique contemporaine à peine stéréotypée, personnages crédibles,
situation tout à fait envisageable… On éprouve pourtant, comme pour
ce dernier une sensation de déjà vu : tous les ingrédients y sont, mais
peut être y en a-t-il trop, justement ! Joyce Carol Oates nous mène là où
elle le désire certes, mais sans grande inventivité.
■ Michelle Charbonnier
31 I
Point de côté
Depuis que son frère jumeau est mort, Pierre survit. L’unique solution qu’il
envisage pour s’en sortir, c’est le suicide. Il l’a même programmé. En
attendant, chaque instant est douloureux, amer de solitude, entre deux
parents noyés dans le chagrin et des « copains » de terminale ambigus,
cruels ou insignifiants. Alors, Pierre écrit dans son journal ou se masturbe,
lorsqu’il ne parvient plus à résister à son corps trop gras, qu’il déteste. Pour
lui régler son compte, il commence à courir, des heures entières, dans le
vague espoir de mourir d’inanition et d’épuisement. Il s’affame, maigrit,
sans imaginer qu’il pourrait commencer à plaire et se découvrir un
embryon de goût pour la vie. Il aimera alors un peu Geneviève, beaucoup
le violon et passionnément Raphaël. Ce dernier lui fera prendre
conscience que l’anorexie peut le tuer, et lui ôte son envie de mourir.
Pour ce premier roman, écrit sous forme de journal intime, Anne Percin
écrit un texte abouti, d’une rare justesse. Les thèmes récurrents, violents –
le désir de mort, les pulsions de vie, la difficulté à se construire une
identité –, sont abordés de manière frontale, sans fausse pudeur et sans
lyrisme. Les motifs textuels enchevêtrés du corps et du cœur qui étouffent
sont autant d’échos à la confusion du narrateur adolescent. Le ton, aigre
et drôle à la fois, le style, oral et percutant, consolident avec finesse la
chair d’un personnage éminemment attachant, qui ignore encore que sa
rage de mourir cache une rage d’aimer et de vivre.
La scène pivot du roman, dans laquelle le narrateur perçoit pour la
première fois de manière négative son corps décharné, est certes un peu
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Anne Percin
Thierry Magnier, 2006
148 p.
8€
978-2-84420-486-4
Genre
Journal
Mots clés
Adolescence
Homosexualité
Résilience
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Et après
maladroite, trop scénarisée : le parallèle entre la culpabilité de Pierre,
survivant, et celle d’un rescapé de la Shoah, est alors trop appuyé. Mais
ce défaut reste mineur en regard d’un texte sans compromis et finalement
plein d’espoir.
■ Cécile Burgard
32 I
Hélène Vignal
Le Rouergue, 2007 (doAdo)
122 p.
7,50 €
978-2-8415-6797-3
Mots clés
Amitié
Deuil
Adolescence
Yvan meurt à dix-huit ans dans un accident de moto. Claire et lui ont
grandi autrefois comme frère et sœur. Aujourd’hui elle est seule pour
surmonter ce deuil, d’autant plus seule qu’elle ne le voyait plus depuis la
séparation de leurs parents. « Il ne me parlait plus depuis six ans. Il me
manquait depuis six ans. Il était déjà absent ». Face à la douleur de cette
double perte, leur enfance définitivement perdue, une adolescence qu’ils
ne construiront pas ensemble, Claire cherche à retrouver l’empreinte
d’Yvan, quelque chose qui atteste « qu’il a existé ». L’adolescente ne peut
rien espérer du côté de ses parents ni de ceux d’Yvan, responsables selon
elle de leur éloignement. Elle convoque alors les souvenirs et les sensations
de leur enfance commune puis rencontre Christophe, un ami d’Yvan,
quelqu’un « qui le reconnaît enfin ».
Une nouvelle fois, Hélène Vignal trouve le ton juste et dresse un portrait
émouvant d’adolescent. La voix de Claire, sa souffrance à être et sa
difficulté à sortir de l’enfance, son rejet du monde des adultes ont une
tonalité sincère. L’auteur propose un texte tout en sensibilité, même si la
langue semble parfois un peu trop ornée.
■ Hélène Sagnet
33 I
Scott Westerfeld
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Guillaume Fournier
Milan, 2007 (Macadam)
332 p.
9,50 €
978-2-7459-2610-4
Genre
Horreur
Mots clés
Vampire
New York
Bière grenadine
V-Virus
Cal doit retrouver et neutraliser Sarah, l’une de ses ex-petites amies, qui
souffre d’une étrange maladie. Sarah est en effet devenue à son contact
un peep, une sorte de vampire qui contamine les autres par le biais de
relations sexuelles. Lui est porteur sain de la maladie et n’en développe
que des aspects positifs : force physique et hypersensibilité. Il a rejoint
une puissante organisation secrète, qui depuis des millénaires « gère »
la question des peeps. Mais Sarah semble être un vampire d’un genre
nouveau et l’enquête menée par le jeune homme révèle des enjeux
terribles.
Dans un New York contemporain, Scott Westerfeld revisite de façon
incroyable le mythe du vampire. Il en propose une version scientifique
loin de toute magie : celle du parasite indispensable au bon équilibre
alimentaire de la planète. Il nous livre d’ailleurs dans chaque chapitre
pair des exemples réels – vraiment dégoûtants – de parasites et conclut
par une postface « Comment éviter les parasites ». Evidemment nous y
croyons et le récit fonctionne formidablement : impossible de stopper sa
lecture ! Cela tient également à d’autres ingrédients : un personnage
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Littératures
d’adolescent très attachant – banalement obsédé sexuel et contraint à
l’abstinence – un humour noir décapant même dans les pires moments,
un style efficace – phrases courtes, dialogues vifs, connivence avec le
lecteur… – ainsi qu’une atmosphère singulière. Un ouvrage génialement
effrayant et un auteur à suivre !
■ Hélène Sagnet
Autre avis : V-Virus est le quatrième roman de Scott Westerfeld traduit en
français. Il est certain que cet auteur va devenir incontournable. Son style
attrape le lecteur dès la première ligne pour ne plus le lâcher. Son héros
Cal, baratineur, obsédé sexuel mais contraint au célibat, met sa
logorrhée au service de la parasitologie : un chapitre sur deux est
consacré à la description hilarante des trématodes, toxoplasmes,
wolbachia et autres hôtes indésirables du corps humain ou animal. Nous
sommes cernés par les parasites, c’est épouvantable, drôle et écœurant.
Westerfeld dépoussière et modernise nos idées reçues sur les vampires
pour en faire des cannibales et des bêtes traquées. Il leur ajoute quelques
caractéristiques intéressantes, comme d’abominer ce qu’ils ont jadis
adoré, ce qui humanise ces vampires new-yorkais terriblement crédibles.
Ce roman vivifiant (un comble pour un livre sur les morts vivants !) donne
envie de lire et de rire jaune en même temps. A recommander à tous
ceux qui s’ennuient en lisant.
■ Sandrine Brugot-Maillard
34 I
Kaïna-Marseille
« Aujourd’hui est un jour premier. Aujourd’hui est un jour où je prends la
parole. Aujourd’hui j’ai entre mes mains ta paix, grand-mère. Kaïna. Ou
ton exil ». Kaïna, la grand-mère, a voulu « faire destin » pour sa petitefille Mamata. Elle a parlé de départ, de devenir une femme libre et lui a
demandé de prendre la parole. Alors, dans un monologue qui se lit d’un
souffle, la jeune fille raconte : l’autocar qui la conduit à la capitale, les
« bordelleries » qu’il faut faire pour obtenir de faux-papiers, le départ
pour la France. A Marseille, malgré la violence et la trahison de son
cousin, Mamata devenue Isabelle Ternier « continue », pour l’enfant dans
son ventre « qui vit déjà une vie de femme libre sans amertume ».
Kaïna-Marseille est un ouvrage d’une grande force. Ces thèmes – la fin
de l’enfance, l’identité de femme, la liberté et surtout la puissance de la
parole – donnent une densité étonnante au récit. La langue et le rythme,
superbes, nous transportent. La voix, juste, sereine et encore dans une
forme d’urgence, est bouleversante. Une lecture intense et un destin qui,
sans nul doute, toucheront les lecteurs adolescents.
■ Hélène Sagnet
Ce texte a été mis en scène par Anne Morel Van Hyfte de la compagnie
Sans Titre, à Poitiers, en mars 2004. ndlr
Lecture Jeune - juin 2007
Catherine Zambon
Actes Sud junior, 2007
(D’une seule voix)
64 p.
7,80 €
978-2-7427-6688-8
Genre
Monologue
Mots clés
Afrique
Liberté
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Parcours de lecture
Et après BD
35 I
Miriam Katin
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Vincent Bernière
Seuil, 2006
136 p.
21 €
978-2-02-085064-8
Genre
Autobiographie
Roman graphique
Mots clés
Hongrie
Antisémitisme
Seconde Guerre mondiale
Budapest, 1944 - 1945. Miriam, une fillette juive de trois ans, et sa mère
fuient les persécutions nazies, tandis que le père a été enrôlé dans l’armée
hongroise. Dans leur exode, elles sont accueillies par des paysans
compréhensifs. La mère se prête à tous les sacrifices pour sauver leurs vies.
Elle subit ainsi une relation avec un officier allemand venu se ravitailler à
la ferme. Scène difficilement supportable, car l’enfant attribue la tristesse
de sa mère au départ du soldat, alors que le lecteur omniscient interprète
l’ellipse du récit.
Ce roman graphique est illustré au crayon noir, mais la couleur souligne
parfois des moments clés, ainsi le rouge du drapeau nazi déferlant sur la
page. Le découpage est simple mais signifiant : l’étendard rouge
communiste remplace le précédent… Le récit fonctionne souvent sur des
contrastes : une page aux couleurs pastels représente Miriam adulte, mère
d’un petit garçon jouant à cache-cache. En face, un crayonné sombre,
hachuré, évoque Miriam enfant qui se cache avec sa mère… La narration
alterne moments de tendresse et tragiques. Le dessin rappelle davantage
la douceur des illustrations enfantines d’Ethel et Ernest de Raymond Briggs,
que la noirceur du Maus de Spiegelman, proche pourtant par le traitement
du sujet, qui juxtapose passé et présent. C’est une grande réussite dans le
genre de la bande dessinée autobiographique, l’œuvre majeure d’une
artiste qui a travaillé pour les studios Disney. Saluons aussi un remarquable
travail éditorial pour cet ouvrage au format carré, couverture en tissu noir
usé, comme un album de souvenirs : il se clôt sur une photo de 1946, ainsi
que sur les lettres envoyées du front par le père. Le texte ne présente
aucune diffficulté de lecture et peut être proposé dans le cadre du
programme de 3e sur l’autobiographie.
■ Cécile Robin-Lapeyre
36 I
R. Kikuo Johnson
Trad. de l’anglais
(Etats-Unis)
par Vincent Bernière
Seuil, 2007
144 p.
15 €
978-2-02-089139-5
Seules contre tous
Lignes de fuite
Loren vit seul avec son père sur une île de l’archipel d’Hawaï. Ce dernier,
chirurgien-dentiste, travaille sans relâche afin d’assurer leur train de vie
depuis qu’ils ont quitté Boston pour cette maison idéale, au cœur d’un
environnement protégé. Livré à lui-même, désœuvré, l’adolescent
jusqu’alors studieux se laisse influencer par son meilleur ami et se met à
fréquenter des junkies. Comment concilier la poursuite de ses études, qui
deviennent de plus en plus difficiles, les premiers émois amoureux et la
consommation de drogues ? Loren découvre le sexe, l’alcool et se trouve
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malgré lui mêlé à un trafic d’amphétamines.
Cette évocation d’un passage difficile vers l’âge adulte se traduit par des
images contrastées à l’encre noire. Si Hawaï offre une nature
paradisiaque, les réalités sociales sont les mêmes que sur le continent
américain. Les illustrations froides, voire dramatiques de Kikuo Johnson
prouvent des qualités étonnantes de graphiste. Ses cadrages sont
également très photogéniques pour un premier album. Quant à son site
personnel (wwww.seabread.com), il vaut le détour !
■ Cécile Robin-Lapeyre
37 I
Roman graphique
Mots clés
Adolescence
NonNonBâ
NonNonBâ est une grand-mère particulière : superstitieuse et mystique,
elle initie son petit-fils Shigeru au monde des petits esprits (« yokaï ») qui
peuplent le quotidien sans que l’on s’en aperçoive. Ce garçon à
l’imagination débordante doit gérer toutes ses rencontres spirituelles mais
aussi les joutes guerrières qu’il vit au quotidien en tant que chef de
bande. Les histoires de fantômes envahissent parfois son univers, au point
de prendre le pas sur la réalité.
Récit autobiographique, NonNonBâ nous touche par sa tendresse. Cette
grand-mère superstitieuse, qui souhaite entretenir les meilleures relations
avec les « yokaï », mais aussi avec son petit-fils, est dessinée de manière
originale : ses yeux démesurés - pour mieux voir les esprits peut-être - nous
frappent, et le trait n’est pas toujours esthétique. Mais la force de ce
manga consiste à restituer tout l’univers de croyance de la vieille dame
(Japon animiste des années 30) et toute la naïveté et l’incrédulité du
garçon, en les faisant vivre ensemble. C’est touchant, drôle et cela
nécessite un bon souffle de lecteur (l’album fait 424 pages). Mais les
amateurs du genre n’en manquent pas !
■ Michelle Charbonnier
NonNonBâ a obtenu en janvier 2007 le prix du meilleur album de
bande dessinée au Festival d’Angoulême. ndlr
38 I
Genre
Shigeru Mizuki
Trad. du japonais
par Patrick Honnoré
et Yukari Maeda
Cornélius, 2006 (Pierre)
424 p.
29 €
978-2-91549-225-5
Genre
Manga
Mots clés
Japon
Enfance
Animisme
Le peuple des endormis :
T.1 et T.2
XVIIe siècle. Jean, jeune homme soumis à sa mère et à son précepteur,
tous deux obsédés par l’enfer (ce qui ne les empêche pas d’avoir une
liaison !), réussit à leur échapper grâce à ses talents de dessinateur et à
son père. Taxidermiste passionné, ce dernier poursuit une étrange quête
personnelle : trouver le mystère du parfait empaillage qui résiste au
temps. A la mort de son père, Jean décide d'accompagner en Afrique
l’un de ses clients, le marquis de Dunan, pour y chercher des animaux
exotiques. Arrivé au Sénégal, le Marquis, inconscient, hâbleur et
Lecture Jeune - juin 2007
Frédéric Richaud
Ill. de Didier Tronchet
Dupuis, 2006 (Aire Libre)
55 p.
13,50 €
978-2-8001-3824-6
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Et après
Mots clés
Afrique
Taxidermie
XVIIe siècle
cavaleur se heurte à la cruauté du gouverneur. Il est vrai qu’il s’est fort
occupé de sa femme et de sa fille !
Poursuite, combats sanglants, découverte du secret recherché par son
père, retour à la cour de Versailles : voilà un récit mouvementé et aux
odeurs fortes, pétri d’ironie et de dérision. Une œuvre truculente et
cocasse, servi par un trait proche de la caricature. Les couleurs violentes,
contrastées et angoissantes soutiennent avec force et efficacité ce récit
épique. Du bel ouvrage.
■ Agnès Donon
39 I Beck, T.1 à T.16
Harold Sakuishi
Trad. et adapt. du japonais
par Yuko K. et Olivier Vachey
Delcourt, 2004-2007 (Akata)
200 p.
7,25 €, 7,50 € et 8,50 €
978-2-8478-9451-9
Genre
Shonen manga
Mots clés
Musique
Si vous n’avez pas encore lu ou acheté la série Beck, dépêchez-vous !
C’est LA série du moment. Yukio, Koyuki pour les intimes, est un introverti
et un maladroit de 14 ans. Son quotidien est assez banal jusqu’au jour
où il sauve la vie d’un chien à l’allure étrange. Le propriétaire de Beck (le
chien sauvé), un guitariste charismatique, l’invite à un concert de rock
pour le remercier. De fil en aiguille, une amitié se tisse et Koyuki découvre
la musique et la guitare.
Cette série épatante qui parle de musique gagne en intensité au fur et à
mesure des tomes sans que la lassitude s’installe. Au contraire, l’attachement
aux personnages s’accroît et leur passion s’avère communicative. Loin des
clichés, Harold Sakuishi décrit avec justesse l’univers musical : répétitions,
concerts, sacrifices et surtout business, avec un réalisme qui n’a rien
d’idyllique. Le scénario manque peut-être un peu d’originalité, le trait reste
classique, mais la force de cette série réside dans l’art de mener une histoire
et de créer des personnages consistants et très attachants. ■ Sonia Seddiki
40 I Demain les oiseaux
Osamu Tezuka
Trad. et adapt. du japonais
par Patrick Honnoré
Delcourt, 2006 (Akata)
326 p.
8,50 €
978-2-7560-0672-6
Genre
Seinen manga
Science-fiction
L’espèce humaine est menacée. L’intelligence de tous les oiseaux de la
planète se développe grâce à une substance venue de l’espace. Nos chers
petits « titis » prennent conscience de leur condition et décident de se révolter.
Demain les oiseaux s’inscrit parfaitement dans la tradition des œuvres
fatalistes d’Osamu Tezuka. Il réussit avec finesse, mais non sans ironie, une
critique de notre société et surtout de notre soif de pouvoir. Ecrit dans les
années 70, ce recueil de nouvelles dépeint une société pas si éloignée de
la nôtre. De nombreuses références littéraires et cinématographiques
viennent en dynamiser la lecture. Parmi elles, Les oiseaux de Hitchcock bien
sûr, ainsi que le roman de Stephan Wul, OMS en série. D’autres
références à Shakespeare (Le roi Lear, Roméo et Juliette) viennent
renforcer le caractère universel de ce manga. Comme toujours, Tezuka
ne ménage pas son propos : là résident sa force et son talent.
Encore une œuvre à savourer, qui incite à en découvrir d’autres. Une
belle réussite !
■ Sonia Seddiki
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Parcours de lecture
Et après Documentaires
41 I
Pourquoi les Japonais ont les
yeux bridés
L’auteur, une mangaka japonaise qui réside en Italie, nous dévoile sa vision
du Japon, des coutumes japonaises et surtout de l’univers du manga. Sous
une forme plutôt ludique, parsemée çà et là de dessins comiques, Keiko
Ichiguchi séduit par un sujet dans l’air du temps. L’ouvrage se décline
en plusieurs chapitres clairement identifiables permettant une lecture
« zapping ». Le lecteur glane les informations au gré des chapitres, se
divertit avec des anecdotes, et se construit sa propre idée du Japon, du
manga, des otaku, etc. Keiko reste franche sur le métier de mangaka,
même s’il semble qu’elle règle parfois des comptes avec son ancien éditeur
japonais. Ce livre propose, avec une approche ludique, un début de
réflexion critique à des lecteurs fans de mangas ou tout simplement
curieux de comprendre ce phénomène qui dure. Petit bémol : l’éditeur a
souhaité – à tort, me semble-t-il – conserver l’aspect « jetable » du manga
en imprimant cet essai sur le même papier, au détriment d’une mise en
page esthétique et moins austère.
■ Sonia Seddiki
42 I
Keiko Ichiguchi
Trad. de l’italien
par Claudia Migliaccio
Kana, 2007 (Kiko)
176 p.
8,50 €
978-2-505-00038-9
Genre
Essai
Mots clés
Japon
Manga
L’obésité, le mal du siècle
« Les essentiels » avaient déjà publié un livre consacré aux troubles du
comportement alimentaire, Anorexie, boulimie et autres troubles du
comportement alimentaire écrit par Daniel Rigaud. Ce dernier complète
ici sa réflexion sur l’obésité, sujet souvent évoqué dans les médias mais
délicat à traiter. Il en affine la définition, cerne les mécanismes de la
dépense énergétique du corps humain, évoque les complications
médicales possibles et le rôle de la génétique dans cette maladie. Il ne
se contente pas de citer des données scientifiques, mais les complète par
celles que peuvent fournir les sciences humaines. Il se demande alors si
la société ne fabrique pas l’obésité par l’incitation publicitaire à
consommer des produits peu équilibrés, par le développement incontrôlé
d’un marché du surpoids et par la discrimination dont ces malades sont
l’objet, qui les enferme dans leur solitude et leur sédentarité. Il aborde
enfin la question de la prévention chez les plus jeunes et celle, plus
délicate encore, des limites de la perte de poids. Une synthèse honnête
sur un sujet douloureux.
■ Marie-Françoise Brihaye
Lecture Jeune - juin 2007
Daniel Rigaud
Milan, 2007 (Les essentiels)
63 p.
5,50 €
978-2-7459-2266-3
Mots clés
Obésité
Régime alimentaire
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Parcours de lecture
Lecteurs confirmés Littératures
43 I
Ayerdahl
Au diable Vauvert, 2006
(1ère édition Fleuve noir, 1992)
245 p.
17,50 €
978-2-84626-117-3
Genre
Science-fiction
Mots clés
Afrique
Terrorisme
Demain, une oasis
Ce livre paru en 1992, réédité récemment Au diable Vauvert avec une
très belle couverture, a reçu en 1993 le Grand prix de l’imaginaire, un
prix parmi les nombreux décernés à cet auteur. Ce dernier a toujours
revendiqué son engagement politique en refusant de sacrifier son travail
de romancier. Dans cette optique, la science-fiction lui offre un
magnifique terrain d’expérimentation.
A la fin du XXIe siècle ou un peu plus tard, dans un monde occidental
lancé dans la colonisation spatiale de planètes comme Mars, un médecin
employé dans un office international de statistiques se fait kidnapper et
maltraiter par les membres d’un groupe terroriste humanitaire qui le
transporte quelque part dans le désert de la zone subsaharienne. Il est
mis brutalement au travail dans des camps de réfugiés accueillant des
êtres agonisants, ravagés par les maladies, la faim, la soif. Après bien
des conflits, il réussit à s’enfuir et au gré de nombreuses péripéties se
heurte à la violence d’Etat déléguée à des barbouzes et à celle de ses
« ex-compagnons » terroristes. Ce personnage anonyme, surnommé
l’Interne par ses kidnappeurs, raconte lui-même ses aventures complexes
en trois temps, rapporte le vif débat qu’il mène constamment sur le thème
« la fin justifie-t-elle les moyens ? », tout en étayant soigneusement sa
thèse : les situations extrêmes de misère et de détresse (celle,
emblématique, de ces pays africains désertiques de la zone
subsaharienne) ne peuvent justifier le terrorisme humanitaire. Son monde
si proche du nôtre dans le temps, l’est aussi par ses problématiques :
désertification, dérèglement climatique, pillage des ressources naturelles
des pays africains, abandon par les ONG, libéralisme sauvage...
Ayerdahl a écrit un livre de révolte, provocateur, coup de poing, dans
une langue simple mais travaillée, une contre-utopie qui bouscule le
lecteur et conserve, quinze ans après sa première parution, toute sa
force. Il met à l’œuvre dans un petit coin d’Afrique une communauté
autarcique qui tente d’échapper à la loi du marché et du plus fort,
expérimente une solution au service des plus démunis. C’est le côté
combatif de cet écrivain qui de toute façon ne laisse pas indifférent, y
compris des novices en SF. Gageons que ce livre deviendra un classique
du genre !
■ Marie-Françoise Brihaye
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44 I
Les virus de l’ombre
Neo Dommartin, jeune lycéen, vit des jours tranquilles entre ses amis fidèles
Fred et Soraya (dont il est amoureux) et ses parents. A la suite d’une angine
et de symptômes persistants, Neo apprend par son médecin de famille
qu’il est porteur d’un virus inconnu et mortel. Il doit promettre de garder
secret cette découverte et surtout ne pas s’approcher de ses congénères.
De nombreux courriels mystérieux et inquiétants, qui s’inspirent tous du
registre poétique de la mort, envahissent son ordinateur. Néo réalise alors
qu’un autre virus, informatique celui-là, s’en prend à lui.
Le décor planté, nous voilà embarqués dans une aventure qui ne nous
laisse respirer que lorsque la fin arrive ! Par le biais d’un scénario très
maîtrisé et d’un enchaînement de situations très subtil, d’une écriture riche
et agréable, avec des dialogues bien menés, l’auteur donne à lire un vrai
récit de suspense, avec une fin ouverte. Les personnages, au caractère
finement analysé, nous semblent très proches, très justes. Un excellent
roman, à saluer et à faire découvrir à des lecteurs amateurs du genre mais
aussi aux autres. Un grand plaisir de lecture ! ■ Michelle Charbonnier
Nouvel éditeur : Les virus de l’ombre paraît chez un nouvel éditeur, Le
Navire en pleine ville, qui s’est donné pour objectif de « tirer les jeunes
lecteurs vers le haut », sans « sous-estimer leur intelligence et leur capacité
à s’attacher à la complexité et à la subtilité ». Il édite à ce jour trois
collections : « Sous le vent », qui publie des romans d’aventure inédits
(voir aussi notice n° 57) « Sous le vent-classiques » qui propose des
rééditions (Pelot, Frémion, Andrevon…) et « Avis de tempête » des essais
en sciences sociales et humaines. Pour en savoir plus, lire notre rencontre
avec l’éditrice Hélène Ramdani, p.4. ndlr
45 I
Hicham Charif
Le Navire en pleine ville,
2006 (Sous le vent)
301 p.
13,50 €
978-2-916517-07-3
Genre
Roman policier
Science-fiction
Mots clés
Amour
Amitié
Informatique
Winkie
À peine trente centimètres, l’allure pitoyable d’un jouet ayant fait son temps,
la tenue bariolée des condamnés, tel apparaît l’ours en peluche Winkie
épinglé en première de couverture. Ballotté de mains en mains d’enfants
plus ou moins bienveillants, puis abandonné sur une étagère, Winkie
décide un jour de prendre la clé des champs et de goûter à la liberté. C’est
compter sans l’efficacité du FBI, qui rapidement retrouve sa trace et le
propulse ennemi public numéro 1 ! Arrêtée puis jugée pour terrorisme, la
peluche, lamentablement défendue par l’avocat Unwin (dont le patronyme
annonce la défaite), est la nouvelle victime de l’intolérance et du fanatisme.
L’américain Clifford Chase signe ici une fable burlesque contre
l’administration Bush et sa politique dans la guerre contre le terrorisme.
L’écriture est dense, l’intrigue construite en flash-backs : cette fiction exige
une aisance de lecture et une certaine connaissance du sujet pour en saisir
l’aspect totalement déjanté.
■ Elise Hoël
Lecture Jeune - juin 2007
Clifford Chase
Trad. de l'anglais (Etats-Unis)
par Jean-Baptiste Dupin
10/18, 2007
317 p.
13 €
978-2-264-04421-1
Genre
Parodie
Humour
Mots clés
Etats-Unis
Injustice
Politique
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Lecteurs confirmés
46 I
Sylvain Estibal
Photos de
Yannick Vigouroux
Thierry Magnier, 2007
(Photo roman)
86 p.
13 €
978-2-84420-524-7
Genre
Photo roman
Mots clés
Immigration
Exil
Afrique
Un naufrage aux abords des côtes espagnoles. Six clandestins ont
survécu. Parmi eux une femme, blanche, européenne. Que fait-elle là ?
Quelques mois plus tôt, Evancia a recueilli Ousmane. Ensemble, ils ont
vécu sur l’île de Hierro. Mais il n’y avait aucun avenir sur cette île pour
lui, il a voulu repartir, plus au nord. Son embarcation de fortune a
sombré. Evancia entreprend le voyage d’Ousmane en sens inverse, elle
se rend dans ce village qu’il a voulu fuir, Chinguetti. Tous ceux qu’elle
rencontre lui demandent pourquoi elle est venue. Le voyage est une façon
pour elle de mieux connaître Ousmane. De mieux connaître tous ceux
qui, clandestins et désespérés, doivent quitter leur pays.
Naufragée est un ouvrage bouleversant dont la lecture touche infiniment.
Sa construction crée un parallèle en alternant les chapitres entre l’Europe
et l’Afrique, pour les faire se rejoindre : « Elle songe à ces jeunes qui
disent : « Là-bas au pays il n’y a pas d’avenir ». Et pour elle ? Peut-être
n’y a-t-il pas d’avenir non plus pour elle, dans son propre pays, sur cette
île de rocaille, égarée au milieu des brumes et des courants ? » C’est ce
que semblent dire les photographies en noir et blanc, floues, de lieux
abandonnés et figés. Mais les images prises par Ousmane sur l’île sont
le lien : « Dans ces photos au moins, elle pouvait poser son regard dans
le sien. Elle pouvait voir le monde à travers lui. Il lui semblait qu’elle
pouvait ainsi mieux le connaître, grâce à ces instants fugaces, moins
d’une petite seconde volée à son histoire ». Une histoire, celle de l’exil,
et une écriture, dense et pudique, qui la raconte de bien belle façon. Un
cheminement et des questionnements qui devraient émouvoir les jeunes
lecteurs.
■ Hélène Sagnet
Réseau de lecture : On pourra lire sur cette même thématique Eldorado
de Laurent Gaudé (Actes Sud, 2006) ou Le ventre de l’Atlantique de
Fatou Diome (Le livre de poche, 2005). ndlr
Nouvelle collection : Thierry Magnier lance en janvier 2007 la collection
« Photo roman » dirigée par Jeanne Benameur, écrivain, et Francis Jolly,
photographe. Le concept : « Une série de photographies dont il ignore
tout est confiée à un écrivain. Il s’aventure alors dans l’écriture d’un
roman où ces photographies croiseront la vie du héros pour la
transformer ». Autres titres parus dans cette collection : Derrière le rideau
de pluie, de Guillaume Le Touze et Michel Séméniako (Voir notice n°49),
et Les Giètes, de Fabrice Vigne et Anne Rehbinder. ndlr
47 I
Daniel Kehlmann
Trad. de l’allemand
par Juliette Aubert
Naufragée
Les arpenteurs du monde
Qui sont les arpenteurs du monde ? Alexandre von Humboldt et CarlFriedrich Gauss, celui-ci mathématicien, celui-là naturaliste, tous deux
passionnés de recherche scientifique : observer, compter, décrire,
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déterminer les causes, mesurer le monde, découvrir les grandes
structures, telles sont les activités qui les font vivre. Daniel Kehlmann
s’intéresse alternativement à l’un ou à l’autre, et nous conte leur vie avec
humour, de leur jeunesse à leur grand âge. Le lecteur s’amuse au récit
des aventures de l’infatigable Alexandre entre Orénoque et Andes,
durant lesquelles il cartographie à tour de bras et mesure tout ce qu’il
rencontre, des insectes aux volcans, aussi attentif à la vie des indigènes
qu’indifférent à la sienne et à celle de ses compagnons. Gauss, à
l’inverse, ne quittera jamais l’Allemagne et difficilement sa petite ville. Ce
mathématicien génial (de nombreuses lois portent son nom) et inventeur
d’instruments est un misanthrope doublé d’un grognon. L’auteur nous les
montre indifférents aux honneurs autant qu’à l’argent, toujours en avance
sur leur temps, il les imagine amers de ne pas connaître les progrès futurs
(aviation, électricité) qu’ils pressentent, conscients que leurs rêves ne sont
pas des chimères mais des points de départ.
Comme eux l’auteur marche à grands pas, sautant les années, esquivant
les raisonnements ardus, privilégiant les anecdotes qui confrontent nos
deux « cosinus » à un monde figé et rétrograde. L’image qu’il donne
d’eux est parfois ubuesque, mais toujours chaleureuse. On aimerait que
le lecteur subisse la contagion de cette curiosité aventureuse…
■ Michelle Brillatz
Actes Sud, 2006
299 p.
21 €
978-2-7427-6545-4
Genre
Roman historique
Mots clés
Exploration
XVIIIe siècle
Lecture croisée
Q
48 I Le rêve du village des Ding
Dans le village des Ding, comme dans les autres villages de la plaine du
Henan, en Chine centrale, les habitants s'enrichissent en vendant leur
sang collecté par l'Etat. Certains à un rythme effréné. Les malades se
multiplient, le village se dépeuple, la mort devient si banale que les
habitants ne pensent plus qu'à leur cercueil. Le remords ronge le vieux
Ding dont le fils s'est enrichi en collectant le sang et dont le petit-fils, qui
est le narrateur de cette histoire, meurt empoisonné à l'âge de douze ans.
Ce récit atroce prend ainsi la dimension d'une tragédie grecque
intemporelle. Cela ne l'empêche pas d'être rempli d'humanité grâce à la
bonté, la sagesse et la compréhension du grand-père pour ces êtres
ignorants et résignés, qui ne comprennent que tardivement la nature de
cette épidémie. Tout au long de cette lecture, on souffre avec l'auteur qui
exprime en postface son désespoir et son « amour de la vie ». Les thèmes
du sida et de la Chine encourageront les adolescents à lire ce roman
déroutant.
■ Gilberte Mantoux
Autre avis : Outre le sujet très fort de l’ouvrage, le style de son auteur nous
interpelle. D’une grande poésie, avec un registre lexical très riche lorsqu’il
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Yan Lianke
Trad. du chinois
par Claude Payen
Philippe Picquier, 2007
329 p.
20 €
978-2-87730-916-5
Genre
Roman social
Mots clés
Chine
Relation père/fils
Sida
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écrit sur la mort, la désolation des paysages, les couleurs (le rouge en
particulier), le jeune narrateur nous parle du ciel et apporte au récit une note
tendre et plus légère. Quel livre choc et quel pari d’écrire sur ce scandale
qui fit les gros titres de la presse il n’y a pas si longtemps mais que nos
consciences ont évacué depuis. Ce livre est bien évidemment interdit en
Chine, même si l’auteur a pondéré ses propos. La thématique et la manière
de l’écrire le rendent accessible à des adolescents. D’autres titres récents
peuvent les éclairer sur les réalités contemporaines de la Chine, tels que
Chinoises ou Funérailles célestes, deux romans de Xinran chez
le même éditeur (2005).
■ Michelle Charbonnier
Autre avis : Yan Lianke brosse ici un tableau réaliste et bouleversant des
ravages du sang contaminé dans sa province du Henan, et de la dualité
d’une Chine déchirée entre aspiration matérialiste et poids des traditions.
Il donne la parole à un enfant, victime innocente de la cupidité des
hommes. L’enfant témoigne depuis l’au-delà des vilenies commises
notamment par son père, le « patron du sang », dont l’avidité va
crescendo au fil du roman. L’exacerbation des mauvais côtés de l’homme
en situation d’épidémie fait penser à L’aveuglement, du Prix Nobel José
Saramago (Seuil, 1997). Au milieu de ces hommes, chez qui les mauvais
penchants prennent le dessus, se dresse la figure du grand-père, âme
noble et droite, qui lutte entre son amour paternel et l’intérêt général. Ce
personnage extraordinaire, la voix du narrateur, les rêves qui ponctuent
le récit et la très belle écriture atténuent la noirceur de ce drame et laissent
le lecteur ému mais serein.
■ Florence Renouard
49 I Derrière le rideau de pluie
Guillaume Le Touze
Photos de
Michel Séméniako
Thierry Magnier, 2007
(Photo roman)
96 p.
13 €
978-2-84420-523-0
Genre
Photo roman
Mots clés
Adolescence
Art
Photographie
Achille mène une « existence sans histoire, voire heureuse » en compagnie
de sa mère, discrète, plongée dans ses traductions, occupée à choisir le bon
mot. Son quotidien frise l’ennui et la solitude jusqu’au jour où, surpris par la
pluie, il pénètre dans une galerie d’art. Aux murs sont exposées des
photographies de paysages nocturnes que traversent des personnages aux
allures de fantômes. Avec cette découverte s’annonce la promesse de
nouvelles rencontres, d’une nouvelle vie.
Ce roman est écrit à deux mains, l’une accrochée au stylo, l’autre à
l’appareil-photo. Deux styles d’écriture artistique qui se combinent
habilement. Les photographies de Michel Séméniako ne sont pas de simples
illustrations, mais s’intègrent au récit en tant que sujet. Quant à Guillaume Le
Touze, il nous offre une belle réflexion sur l’art, et la manière dont il influence
nos vies. La nouvelle collection des éditions Thierry Magnier, servie par des
textes sensibles, offre une voie d’accès originale à l’art photographique.
■ Elise Hoël
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50 I Aqua TM
Résumer un livre comme Aqua TM tient de la gageure, mais évoquer sa
thématique principale reste possible. Un satellite appartenant à une
multinationale implantée aux Etats-Unis détecte une immense nappe
phréatique sous un lac desséché du Burkina-Faso, pays à la population
décimée par la sécheresse. Alertée par un hacker, la présidente du pays se
bat avec acharnement pour obtenir la propriété de cette eau, aidée par
une ONG qui lui envoie un camion avec du matériel de forage. Le véhicule
traverse une Europe ravagée par les catastrophes climatiques et la violence,
et une Afrique qui se meurt, pendant que les capitalistes américains
fourbissent leurs armes pour réduire à néant les prétentions de ces
misérables Africains.
On ne s’ennuie jamais à la lecture de cet épais roman de plus de 700
pages, avec ses trois axes narratifs répartis sur trois continents (Afrique,
Europe, Amérique du Nord) et ses nombreux personnages finement
caractérisés. Ce livre épais, mais divisé en courts chapitres nerveux, à
l’intrigue bien construite et aux fréquents rebondissements, brasse des
thèmes familiers aux lecteurs de science-fiction : le réchauffement climatique,
le pillage des pays pauvres par les multinationales, l’explosion des
inégalités, la montée des violences, l’influence croissante des sectes et du
fanatisme religieux... Très bien documenté mais aucunement pédant, ce
thriller politique se déroule en 2030. La Chine s’impose face aux Etats-Unis
affaiblis par les guerres et face à une Europe luttant pour sa survie, dans
un contexte écologique de raréfaction de l’eau sur la planète. Il se teinte de
fantastique et de touches plus sentimentales avec une idylle en fin de livre.
Cette somme à l’écriture fluide, poétique par moments, mérite largement le
prix Bob Morane 2007 qu’elle vient de recevoir. Même si elle semble
pessimiste sur l’avenir de l’homme, elle ne peut laisser indifférent celui qui
accepte de s’y plonger !
■ Marie-Françoise Brihaye
Réseau de lecture : A rapprocher de Demain une oasis de Ayerdahl (notice
n°43) et Les derniers hommes de Pierre Bordage (J’ai lu, 2005). ndlr
Jean-Marc Ligny
L’Atalante, 2006
(La dentelle du cygne)
730 p.
24 €
978-2-84172-350-8
Genre
Science-fiction
Mots clés
Environnement
51 I Sinbad Le Marin
Voilà un livre illustré de calligraphies d’Hassan Massoudy qui a toutes les
chances d’être feuilleté comme un livre d’art, le texte relégué dans
l’ombre. Les figures qui accompagnent le récit de trois voyages de
Sinbad tirés des Mille et Une Nuits ne sont pas inspirées par le conte,
mais nées de la contemplation d’un jardin zen à Kyoto. La confrontation
de la calligraphie traditionnelle avec l'art figuratif tire l’œuvre du
calligraphe vers une abstraction pleine d’émotions. Le lecteur qui ignore
la langue arabe se laisse porter de page en page par la danse des
lettres-images. Trois voiles verticales, grises et noires, pointent vers le ciel
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Hassan Massoudy
Alternatives, 2006
95 p.
22 €
978-2-86227-488-7
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Genre
Album
Conte
Mots clés
Calligraphie
Orient
et flottent sur des eaux calmes et vertes. Un coup de vent et tout change,
les minarets d’une ville orientale aux toits d’or barrent la page. Les figures
semblent surgies du texte arabe que double la traduction française.
Les trois récits entrent en résonance avec ces calligraphies. Sinbad,
« comme le calligraphe, a quitté Bagdad pour des contrées inconnues »
et fait preuve d’un besoin irrépressible d’aller toujours plus loin. Le désir
de vivre chevillé au corps, il possède la curiosité et la ruse d’un voyageur
infatigable. Confiant dans les hommes en dépit de leurs trahisons, ouvert
à toutes les cultures dans les pires situations, il partage et accumule des
richesses sans s’y attacher. Derrière l’anecdote du conte se dévoile la
puissance du mythe de l’intelligence humaine ouverte au monde et aux
autres, la certitude que la sagesse se conquiert et qu’elle est la plus belle
victoire de l’homme.
La richesse et la difficulté de ce livre résident peut-être dans ce croisement
entre des calligraphies nées de la rencontre d’un ailleurs lointain, le
Japon, et d’un texte qui ne parle que d’ailleurs et de rencontres. Le texte
des Mille et Une Nuits en arabe, venu des profondeurs du temps,
pratique un subtil mélange de sagesse et d’esprit d’aventure. La
traduction française de Galland datant du XVIIIe siècle est soucieuse de
faire se rencontrer deux civilisations. L’œuvre du peintre, née du désir de
trouver un équivalent pictural à la perfection d’un jardin, évoque
l’harmonie surgissant de la différence. On a envie de lire, et d’aider à
lire ce livre pour l’épaisseur et la complexité de sa texture.
■ Nicole Wells
52 I Le cycle de Chalion :
La chasse sacrée, T.3
Loïs McMaster Bujold
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Mélanie Fazi
Bragelonne, 2006
367 p.
22 €
978-2-915549-91-1
Genre
Fantasy
Mots clés
Chamanisme
Possession
Le cycle de Chalion s’enrichit d’un troisième volume attendu avec
beaucoup de curiosité après les prestigieux prix Nebula et Hugo
décernés au second, Le paladin des âmes (Bragelonne, 2004). L’auteur
a renouvelé le cadre, la Sylve, isolée à l’extrême sud du royaume de
Chalion, et les personnages. Les dieux quant à eux ont les mêmes
comportements à l’égard des hommes, toujours aussi difficiles à
comprendre et interpréter. Un lourd climat d’intrigues et de complots pèse
sur une cour tétanisée par la longue agonie du roi, le problème de la
succession au trône et l’assassinat de son fils cadet. La meurtrière de ce
dernier est rapatriée à la cour sous l’escorte d’un jeune prince torturé tout
comme elle par la présence en eux d’un esprit animal, vécu comme une
souillure. Machinations à la cour et périlleux voyages initiatiques se
succèdent dans une atmosphère d’angoisse. La belle stature d’un
personnage féminin au caractère bien trempé mais tourmentée, le poids
de malédictions transmises mais mal comprises, sorte de fatalité pouvant
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Littératures
conduire à la folie, l’ombre obsédante de fantômes errants font aussi le
lien avec Le paladin des âmes. Le roman tire son originalité d’un arrièreplan de chamanisme très maîtrisé, qui suppose des échanges entre
esprits animaux et humains. Il peut être lu indépendamment des deux
premiers volumes du cycle. Agréablement écrit, d’une grande finesse
psychologique, efficace dans le rythme des péripéties, il séduira un
public adolescent et adulte amateur de fantasy tragique.
■ Marie-Françoise Brihaye
53 I La ballade de l'impossible
Toru Watanabe replonge dix-huit ans en arrière lorsqu’il entend à
l’aéroport de Hamburg la chanson des Beatles Norwegian wood.
Emergent alors des souvenirs de jeunesse, parmi lesquels son premier
véritable amour.
La lecture de ce roman est un véritable choc, une rencontre. Dès les
premières lignes, le temps semble suspendu. Ce livre se lit comme une
expérience hypnotique aux côtés de Toru Watanabe, adolescent en
pleine construction. L’écriture fluide, sensuelle et poétique déroule un beau
portrait qui sonne d’autant plus juste que les références musicales
abondent. Loin des clichés, ce roman d’apprentissage dépeint l’univers
de la jeunesse japonaise des années 60 : liberté sexuelle, pudeur, amour
de la vie, difficulté à composer avec l’autre… autant de thèmes
universels. Une lecture magique dont le chant perdure longtemps après
la fermeture du livre.
■ Sonia Seddiki
Haruki Murakami
Trad. du japonais par
Rose-Marie Makino-Fayolle
Belfond, 2007
(1ère édition Seuil, 1994)
396 p.
20,50 €
978-2-7144-4352-4
Genre
Roman initiatique
Mots clés
Adolescence
Relation fille/garçon
Sexualité
54 I Toutes ces vies qu’on abandonne
Annecy, 1918. La guerre est officiellement terminée, pourtant les blessés
continuent d’arriver à l’hôpital Saint-Joseph dans le service du docteur
Tournier. Meurtris physiquement et surtout psychologiquement, ces
« gueules cassées » sont entre les mains de l’aliéniste et de Claire, novice
et infirmière bénévole. Arrive alors un homme jeune sans identité, prostré,
muet, qui semble entièrement absorbé par son monde intérieur.
L’infirmière et le médecin vont mettre tout en œuvre pour démêler
l’inconscient du patient et ramener ce dernier à la vie.
Ce premier roman de Virginie Ollagnier, saisissant, nous permet de
découvrir les prémices de la psychanalyse clinique par le biais du
docteur Tournier. Figure masculine et peut-être paternelle, il constitue pour
Claire un modèle qu’elle respecte mais n’hésite pas à malmener ou à
faire rire, pour le sortir du chagrin consécutif au suicide de sa fille. Ils
forment un étrange et efficace duo : elle, toute dans l’empathie et la
sensibilité, la légèreté, l’écoute (de ce qui ne se dit pas, surtout), hésite de
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Virginie Ollagnier
Liana Levi, 2007
(Littérature Française)
280 p.
18 €
978-2-86746-432-4
Genre
Roman initiatique
Mots clés
Première Guerre mondiale
Psychanalyse
Vocation
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plus en plus sur son choix de vie, réalisant qu’elle suit la voie tracée par
sa mère. Et lui, bel humaniste tout en rudesse, générosité et souffrance,
lutte pour faire avancer ses théories et ses expériences, à la manière de
ses pairs Freud et Jung.
L’opiniâtreté de Claire à sortir le malade de son mutisme et à le révéler à
lui-même, son inventivité pour les soins à lui prodiguer sont extrêmement
bien traitées, et servies par une belle plume. L’écriture est touchante, forte,
elle va au plus près des tensions des personnages et de leur vérité
profonde. L’auteur nous fait partager les hésitations et les choix d’adulte
de son héroïne. Personnalité juvénile riche - parce que l’époque et le
contexte ont forgé des caractères hors du commun -, Claire illumine ce
récit. Son accomplissement nous ravit tout comme le retour à la vie du
patient. Un magnifique texte à conseiller !
■ Michelle Charbonnier
Réseau de lecture : sur le même thème on recommandera le très beau
roman de Ian McEwan, Expiation (Folio, 2005) ainsi que La chambre
des officiers de Marc Dugain (Pocket, 2000), adapté au cinéma par
François Dupeyron. ndlr
55 I Comme tous les après-midi
Zoyâ Pirzâd
Trad. du persan
par Christophe Balaÿ
Zulma, 2007
112 p.
16,50 €
978-2-84304-391-8
Genre
Nouvelles
Mots clés
Condition féminine
Iran
Zoyâ Pirzâd nous invite à entrer dans le quotidien familial de femmes
iraniennes. Que nous dit ce quotidien ? Qu’il existe des analogies dans
les univers féminins du monde entier, des pratiques, des réflexions, des
touches sensibles qui régulent la vie familiale, la douce et hypnotique
routine. En Iran comme ici ou ailleurs, que fait-on dans sa cuisine,
comment et de quoi y rêve-t-on ? Que cuisine-t-on à ses proches ?
Ces dix-huit nouvelles brèves nous font vivre au rythme lent de ces femmes
recluses. L’écriture épurée, juste et pourtant sensible nous émeut,
l’empathie que nous développons à l’égard de ces sœurs proches mais
lointaines nous interroge sur notre féminité. Qui sont ces femmes dans
leur parcours de vie, qui sommes-nous dans le nôtre ? Le temps est
primordial dans ce recueil, il scande de manière étouffée les étapes de
la vie : de l’adolescente à la jeune femme, de l’épouse à la grand-mère,
qu’est-ce qui fait la qualité d’une existence ? L’air de rien, ces jolis textes
sobres révèlent des identités : celles d’un pays, de femmes, de vies.
Comme tous les après-midi, premier livre de l’auteur traduit en français,
est un véritable plaisir de lecture. Adolescents et jeunes adultes y
trouveront un art de vivre et une certaine leçon de bonheur. On pourrait
même imaginer une lecture à voix haute pour donner à entendre la
sensualité de la langue.
■ Michelle Charbonnier
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Littératures
56 I France, récit d'une enfance
Issue d’une famille de harkis en Algérie, Zahia Rahmani nous livre ici son
enfance et son adolescence dans le monde rural des années 60 en
France. Bannie de son pays d’origine en raison des convictions politiques
de son père, c’est une enfant solitaire, rejetée par le racisme ordinaire de
la campagne, différente de sa fratrie, en violent conflit avec son père à
l’adolescence. Sa mère, illettrée mais riche de la culture orale kabyle,
éveille très tôt son appétit de culture. Elle lui donne la fierté de son
histoire, lui transmet son enfance riche de contes et de fables et lui ôte la
« honte » de son identité berbère.
Aujourd’hui passionnée d’art et de littérature, Zahia Rahmani revendique
une image de « l’autre », qui n’est pas celle que lui renvoyait alors la
société française. Hymne d’amour à la mère, son récit vibre aussi de
l’amour des livres, particulièrement de la découverte des romans
américains qui influencèrent sa vocation. Son écriture minimaliste – peu
d’adjectifs et de descriptions – se met au service d’un texte dense
d’émotions et de souvenirs, qui se prête parfaitement à une lecture à
haute voix. Récit centré sur la construction de soi, le livre devrait toucher
le public lycéen.
■ Cécile Robin-Lapeyre
Autre avis : Zahia Rahmani n’offre pas à son lecteur un banal recueil de
souvenirs – son refus des conventions l’en empêcherait – mais l’évocation
d’une construction de soi très douloureuse, un bel éloge d’une mère
atypique et un hommage à la littérature et à l’art, chemin vers une forme
de liberté et de vérité. La jeune Zahia, âgée de 12 ans, clame :
« Moi je refuse de me plier ». Très isolée, elle se construit d’abord dans
une violente révolte contre la rigidité de son père (un harki en grande
souffrance), contre les croyances qu’il impose, les traditions familiales,
voire même contre sa fratrie, contre le milieu rural de l’Oise des années
60 où les gens vivent dans un « coma » insupportable, loin de la culture
et de la vraie vie, contre le racisme d’une société française qui la tient
pour une Algérienne « barbare ». Zahia Rahmani nous livre ici un texte
inclassable, rageur, poignant, construit non pas sur une linéarité
rationnelle et chronologique mais au gré d’images, de flashs, d’émotions
qui s’entrelacent savamment. Sa curiosité insatiable, sa révolte contre les
mascarades de la vie, son désir de liberté sans compromis, sa profonde
humanité et sa qualité d’écriture ne peuvent que bouleverser des lecteurs
lycéens exigeants eux aussi dans leurs choix.
■ Marie-Françoise Brihaye
Lecture Jeune - juin 2007
Zahia Rahmani
Sabine Weispieser, 2006
162 p.
16 €
978-2-84805-045-4
Genre
Autobiographie
Mots clés
Guerre d’Algérie
Harkis
Relation mère/fille
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Lecteurs confirmés
57 I L'Escalier du Diable
Elisabeth E. Richardson
Trad. de l’anglais
par Hélène Kédros
Le Navire en pleine ville,
2007 (Sous le vent)
262 p.
13,50 €
978-2-916517-09-X
Genre
Thriller
Fantastique
Mots clés
Peur
Deuil
Quête initiatique
Bryan habite une petite ville américaine confite dans le conformisme. Sous
ses airs d’adolescent ordinaire, il porte le poids de la douleur familiale,
de la peur et du secret. Il est le seul à savoir pourquoi son frère Adam a
disparu, cinq ans auparavant. Dans une clairière, Adam a découvert
l’Escalier du Diable et, par bravade, a entonné la comptine effrayante qui
s’y rapporte. L’Homme Noir l’a englouti. Bryan a tout vu, n’a rien pu faire
et personne ne l’a cru. Depuis, il est dévoré par le remords et la peur. Il sait
que l’Homme Noir le guette, tapi dans l’ombre des jardins, et découvre
que d’autres enfants ont disparu dans l’indifférence générale. Par chance,
sa route croise celle de Jake et de Smokey. Ensemble, ils organisent la
résistance et s’attaquent à leurs peurs les plus profondes.
L’Escalier du Diable est le premier roman traduit en français d’E. E.
Richardson, jeune auteure spécialisée dans la littérature fantastique.
L’atmosphère étouffante de la petite ville provinciale, très bien rendue,
renforce celle du huis clos familial et la dérive silencieuse de deux parents
anéantis par la mort de leur fils, qui font semblant de vivre, de parler,
d’oublier. L’étrange et l’angoisse s’immiscent insidieusement dans cet
environnement léthargique et faussement chaleureux. Le rythme du récit,
découpé en courts chapitres, est soutenu et s’accélère tant et plus. L’intrigue
s’achève sur l’affrontement nécessaire du héros avec ses peurs d’enfant,
la mort de son frère qu’il doit enfin accepter, la vie qu’il faut prendre à bras
le corps. Ce roman à suspense s’enrichit donc d’une quête initiatique :
celle d’un enfant qui, pour devenir un homme, doit apprivoiser ses peurs,
accepter la mort et conquérir sa liberté. Une belle réussite.
■ Cécile Burgard
Autre avis : Ce roman haletant se dévore en frissonnant. Dans leur quête
pour résoudre le mystère de l’Homme Noir, les enfants se trouvent
confrontés à leurs pires cauchemars : créatures monstrueuses, squelettes,
sang, trou noir... Ils sont les héros de cette histoire où les adultes semblent
complètement apathiques. Bryan, narrateur omniscient, nous fait
partager sa peur dans les scènes d’action et nous émeut par la tristesse
de son quotidien. La conclusion à la fois morbide et pleine d’humanité
est parfaitement agencée. Elle laisse un lecteur chancelant, mais ravi
d’avoir découvert un auteur de qualité.
■ Anabel Jouineau
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Parcours de lecture
Lecteurs confirmés BD
58 I Abdallahi :
Dans l’intimité des terres, T.1
Traversée d’un désert, T.2
Abdallahi est l’histoire de René Caillié, explorateur français et premier
occidental à pénétrer vivant dans la cité mythique de Tombouctou en
1828. Pour parvenir à ses fins, il se fait passer pour un musulman,
Abdallahi l’Égyptien, le « serviteur de Dieu », et parcourt non sans mal
(maladie, folie) 4500 kilomètres à pied !
Christophe Dabitch et Jean-Denis Pendanx s’inspirent librement du journal
de René Caillié. Ils cherchent à rendre compte de la complexité du
personnage et de la relation ambiguë qu’il entretient avec l’Afrique. Ils
donnent aussi une importance particulière à son guide, un jeune Noir du
nom d’Arafanba, dont la fin tragique permet de comprendre les motifs qui
l’animent. Car ce récit, empreint de lyrisme, est aussi celui d’une belle amitié.
L’album est réalisé en couleurs directes, dans une veine impressionniste. Il
évoque la peinture orientaliste avec ses tonalités chaudes et ses couleurs
flamboyantes. Saluons plus encore les textes et les dialogues, d’une maturité
rare. Une réflexion subtile, profonde, sur des thèmes d’actualité : le désir,
la religion, le mensonge, le rapport à soi et à l’autre, le choc des cultures.
■ Éric Peltier
Christophe Dabitch
Ill. de Jean-Denis
Pendanx
Futuropolis, 2006
86 p. et 96 p.
15 € et 16,50 €
978-2-75480-013-1
978-2-75480-070-0
Mots clés
Afrique
Exploration
Islam
59 I Les vents de la colère
Ce manga, publié au Japon en 1970, doit être resitué dans son contexte
historique. Nous sommes en pleine guerre froide et le Japon représente
un avant-poste américain de la plus grande importance contre la Chine
communiste. Gen, un jeune étudiant, enquête sur une mystérieuse
maladie qui a décimé tout un village et dont l’affaire a été trop
rapidement classée.
S’inspirant de faits réels, cet album dénonce l’autoritarisme du pouvoir
en place. Il a causé de nombreux ennuis à son auteur, qui s’est ensuite
reconverti dans le manga comique. La mise en page, très dynamique, et
le dessin, dans la veine de Tezuka, rendent bien compte de la dureté du
scénario. Ce manga ne peut laisser insensible. Il montre que ce genre
n’est pas uniquement commercial, mais peut être aussi utilisé comme un
outil de contestation d’une rare violence.
■ Juliette Buzelin
Lecture Jeune - juin 2007
Tatsuhiko Yamagami
Trad. et adapt. du japonais
par Jacques Lalloz
et Patrick Honnoré
Delcourt, 2006 (Fumetsu)
283 p. et 264 p.
8,50 €
978-2-7560-0367-0
978-2-7560-0368-9
Genre
Manga
Mots clés
Japon
Dictature
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68
Parcours de lecture
Lecteurs confirmés Documentaires
60 I
Jacques Bouzerand
Michalon, 2006 (A propos)
64 p.
10 €
978-2-84186-334-4
Mots clés
Art contemporain
Art conceptuel
Couleur
Nouvelle collection de livres d’art pour tous publics, « A propos » offre
une maquette très agréable, d’un format supérieur au format de poche.
A l’occasion de la rétrospective récente du Centre Pompidou sur Yves
Klein, Jacques Bouzerand, journaliste et critique d’art, a rédigé un
ouvrage concis qui permet d’entrer dans l’univers de l’artiste et de
découvrir l’art conceptuel. Le parcours, clairement énoncé, suit les étapes
marquantes de la vie de l’artiste. En regard de celle-ci, une chronologie
confronte les événements culturels, politiques, économiques et sociaux.
Né d’un couple d’artistes, Yves Klein a grandi dans le sud de la France.
Deux axes orientent son œuvre : le judo où il vise l’excellence, et
l’ésotérisme qu’il a découvert avec les Rose-Croix. La recherche sur les
couleurs - les monochromes - devient dès les années 50 le leitmotiv de
sa peinture. Une mort prématurée interrompt son œuvre d’ « alchimiste »
de l’art. Dans le domaine difficile de l’art contemporain, ce livre d’une
grande clarté, certainement ciblé vers les lycéens et les étudiants en arts
plastiques, sera accessible aux néophytes. Une bibliographie complète
l’ouvrage, enrichi également de textes du peintre.
■ Cécile Robin-Lapeyre
61 I
Bertrand Imbert
Claude Lorius
Gallimard, 2006
(Découvertes)
1ère édition 1987
159 p.
14 €
978-2-07-076332-0
Mots clés
Expédition scientifique
Pôles
Changement climatique
Yves Klein, au-delà du bleu
Le grand défi des pôles
Vingt ans après sa première édition, Gallimard publie à l’occasion de
l’année polaire internationale une version remaniée de l’ouvrage Le grand
défi des pôles. Au premier auteur, Bertrand Imbert, s’est joint Claude
Lorius, glaciologue souvent primé, grand spécialiste des archives
glaciaires, qui lui aussi a hiverné à plusieurs reprises en Antarctique.
L’histoire héroïque et fréquemment tragique des expéditions de découverte
et d’exploration est toujours longuement relatée. La nouveauté réside dans
l’examen, un peu succinct, de l’apport considérable des expéditions
scientifiques récentes au point de vue climatologique. L’analyse de la glace
des pôles permet de lire l’histoire du climat terrestre et des gaz de
l’atmosphère, et d’apporter des éclairages sur le réchauffement climatique
actuel. Une remarquable sélection de sites Internet permet au lecteur
d’approfondir à son gré sa curiosité en ce domaine. Voilà donc un
ouvrage de qualité pour aborder l’histoire de l’exploration d’un territoire
apparemment périphérique, et pourtant au cœur des décisions d’avenir
de l’être humain.
■ Marie-Françoise Brihaye
Lecture Jeune - juin 2007
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Parcours de lecture
Ouvrages de référence
62 I A la découverte de cent et une pièces
Répertoire critique du théâtre
contemporain pour la jeunesse
Ce précieux répertoire vient combler un manque flagrant au moment où
le théâtre contemporain pour la jeunesse, sorti de la confidence ou du
militantisme des pionniers, désormais servi par de grands auteurs, est
reconnu et présent à la fois dans les pratiques scolaires et les
programmations des scènes nationales.
Marie Bernanoce, formatrice en IUFM et universitaire, a toujours lié sa
passion du théâtre contemporain à son goût pour la pédagogie. Elle
s’adresse ici surtout aux enseignants et aux partenaires de l’école, dans
un ouvrage qui se révèle une mine d’informations et le premier du genre.
L’avant-propos justifie la démarche adoptée par souci de clarté :
l’ouvrage contient une centaine de fiches critiques précises, approfondies
et classées par ordre alphabétique d’auteur. Toutes suivent la même
structure : présentation de l’auteur et de son œuvre, analyse de la pièce
illustrée par quelques extraits et, dans une dernière partie plus
contestable, proposition d’activités pédagogiques. Un court entretien
avec l’auteur complète parfois la fiche. Un glossaire, divers index très
pratiques et une bibliographie facilitent et enrichissent l’utilisation de ce
répertoire.
Voici donc un panorama intéressant de l’écriture théâtrale
contemporaine, qui rend hommage aux aînés (Grumberg, Jouanneau)
comme à la génération montante (Melquiot, Py), aux pièces françaises,
francophones (celle du Québecois Bouchard) comme aux traductions du
théâtre étranger (Fosse, Liscano). Dans ce large corpus, revendiqué
comme subjectif, on peut certes regretter quelques absences, notamment
celle de Joël Pommerat. Par ailleurs, la perspective de Marie Bernanoce,
qui appréhende le texte théâtral comme objet de lecture, d’étude, de
rêverie autour des mots et de la scène, sans jamais se référer à
d’éventuelles représentations, surprend. Elle étonne d’autant plus que
nombre d’auteurs cités sont aussi metteurs en scène ou comédiens, et que
certaines mises en scène ont fait date dans l’histoire du théâtre
contemporain. Il n’en reste pas moins que cet ouvrage demeure un outil
précieux pour tous ceux qui veulent explorer ce répertoire nouveau et
parfois méconnu
■ Charlotte Plat
Lecture Jeune - juin 2007
Marie Bernanoce
CRDP académie de Grenoble éditions Théâtrales, 2006
540 p.
23 €
978-2-84260-224-2
Genre
Répertoire
Mots clés
Théâtre
Littérature de jeunesse
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Ouvrages de référence
63 I
Thierry Groensteen
Éditions de l’An 2,
2006 (Essais)
206 p.
19,50 €
978-2-84856-078-9
Genre
Essai
Mots clés
Bande dessinée
Un objet culturel non identifié
Quelle est la place de la bande dessinée dans le paysage culturel
français d’aujourd’hui ? A-t-elle enfin acquis ses lettres de noblesse,
comme le laissent supposer son succès commercial et médiatique ? Rien
n’est moins sûr. C’est du moins l’avis de Thierry Groensteen, l’une des
grandes figures du milieu, tour à tour animateur des revues Les Cahiers
de la bande dessinée et Neuvième art, directeur du musée de la bande
dessinée d’Angoulême, éditeur et auteur d’ouvrages remarquables sur le
domaine.
La bande dessinée, « objet culturel non identifié », souffrirait de cinq
handicaps symboliques : alliance contre nature du texte et de l’image,
infantilisme, lien avec la caricature, indifférence à l’art contemporain,
défauts physiques constitutifs. Premiers coupables : les éditeurs et les
auteurs complices. En quête, pour la plupart, d’une rentabilité immédiate,
ils réduisent l’album à une marchandise dénuée d’ambitions esthétiques.
D’où la priorité donnée aux séries et aux genres thématiques,
généralement à destination du seul lectorat mâle, et une incapacité à
envisager des formats autres que standards. Les éditeurs ne témoignent
aucun intérêt pour l’histoire de ce médium, pourtant riche de tout un
patrimoine. Quelques pages bien senties égratignent au passage les
bédéphobes amateurs de produits dérivés.
Groensteen s’attaque particulièrement à deux phénomènes dont on
connaît le triomphe commercial : la fantasy et le manga, ici assimilés
à une « culture du divertissement », et donc incapables de « nous éclairer
sur la condition humaine ou sur le monde réel qu’il nous échoit
d’affronter ». C’est la partie la plus contestable du livre, du fait sans doute
d’une vision quelque peu dogmatique (bande dessinée = art). L’auteur, il
est vrai, fait partie de ces bédéphiles militants et critiques savants, dont il
retrace ici l’histoire avec force détails, tout en regrettant le déficit
médiatique dont pâtirait aujourd’hui la critique BD. Deux chapitres sont
aussi consacrés aux actions menées par l’État en vue de réhabiliter la
bande dessinée, et aux expositions la présentant comme un art à part
entière.
Voilà donc un ouvrage passionnant quoique partial et donc polémique,
inévitablement, dont il faut louer la qualité de la documentation,
l’intelligence et la clarté du propos.
■ Eric Peltier
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En savoir plus
Formations
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Informations
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En savoir plus
Formations Lecture Jeunesse Programme
Deuxième semestre 2007
Nos stages et journées d’études se déroulent à Paris avec des dates prédéterminées. Ils sont également
proposés sur site à la demande des bibliothèques municipales, bibliothèques départementales de prêt,
IUFM, associations… Programmes détaillés : www.lecturejeunesse.com
Stages : Savoirs de base
Conduite de projets
● Les mangas
niveau « repères »
● Travailler en partenariat
avec l'Education nationale
Problématique
Q
●
P
La France est le second pays lecteur de mangas après
le Japon. Les jeunes se sont emparés de ces livres dont
les héros et valeurs, étonnamment, leur ressemblent.
Comment mieux appréhender la qualité littéraire et
graphique de ces ouvrages ? Comment se repérer
dans les courants et les genres pour prendre une place
de conseil auprès des jeunes ?
Problématique
Dates : 19-20-21 septembre 2007
Dates : 3-4-5 octobre 2007
● Les romans à l'adolescence
niveau « approfondissements »
● L'accueil des adolescents
en bibliothèque
●
Problématique
Problématique
P
L’adolescence est un moment de passage à prendre
en compte et à accompagner. La fréquentation
des bibliothèques par ce public constitue
une problématique singulière. Comment considérer
ses besoins pour en améliorer l’accueil et répondre
à ses attentes ?
L
L
d
é
d
s
Dates : 10-11-12 octobre 2007
D
Peut-on envisager de créer des passerelles pour
accompagner les adolescents dans la construction de
leurs parcours de lecture ? Comment susciter les
passages d’une littérature de « jeunesse » à une
littérature adulte ?
Les univers de création des auteurs dits « mixtes »
constituent-ils un trait d’union ?
Dates : 26-27-28 septembre 2007
La richesse d’un partenariat entre l’Ecole et la
bibliothèque est-elle encore à démontrer ?
Si les projets se multiplient, les embûches restent
nombreuses. La clé du succès ne se situe-t-elle pas
dans une meilleure connaissance des enjeux
et réalités de chacun ?
L
le
e
e
Q
c
D
● Les mangas
niveau « approfondissements »
●
Problématique
P
On s’est interrogé sur l’incroyable succès du manga
auprès des jeunes lecteurs en France. La bonne
compréhension de cette littérature et sa médiation
passent par une meilleure connaissance de la culture
japonaise. Il s’agira également d’observer les
pratiques et sociabilités nouvelles qui se sont créées
autour de ce phénomène.
Dates : 19-20-21 décembre 2007
Lecture Jeune - juin 2007
N
r
e
q
Q
D
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Inscriptions
Chantal Viotte
Tél. : 01-44-72-81-50 - [email protected]
Renseignements pédagogiques
Hélène Sagnet - Michelle Charbonnier
Tél. : 01-44-72-81-52
Tarifs des stages
Tarifs de la journée d’étude
405 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
305 € TTC (Prise en charge personnelle)
60 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
30 € TTC (Prise en charge personnelle)
Journée d’étude
Questions de société
● Cultures adolescentes
En partenariat avec La Joie par les livres
● Les pratiques culturelles
des adolescents : la musique
Problématique
La musique est la pratique culturelle la plus partagée par
les adolescents. L'écoute musicale est quotidienne. Elle
est un fort vecteur de construction de l'identité des jeunes
et des sociabilités singulières s'organisent autour d'elle.
Quelles sont les formes de cet engouement ? En quoi
constitue-t-il une entrée dans la culture ?
Cette journée propose d’interroger les pratiques
culturelles des 15-20 ans : en quoi sont-elles
si différentes des pratiques des adultes ?
Sont-elles uniquement le fait d’une classe d’âge
ou annoncent-elles des mutations plus profondes
et plus durables ?
Dates : 21-22-23 novembre 2007
Coordination pédagogique :
Nic Diament (directrice, La Joie par les livres)
et Hélène Sagnet (directrice, Lecture Jeunesse)
● La chaîne du livre :
littérature et enjeux marchands
Date : 13 novembre 2007
Problématique
Le marché du livre connaît de profonds bouleversements.
Les bibliothécaires, acteurs de la chaîne du livre
dans leurs pratiques quotidiennes, participent à son
économie. Comment mieux appréhender cette
dimension économique et juridique ? Comment
sensibiliser les jeunes lecteurs à ces enjeux ?
Dates : 5-6-7 décembre 2007
● Jeunes en situation d'exclusion
et lecture
Problématique
Nombre de jeunes, du fait de leur histoire personnelle,
restent éloignés du livre et du plaisir de lire. Quels
enjeux particuliers peut revêtir la lecture pour eux ? Avec
quels partenaires travailler en direction de ces publics ?
Quels ouvrages leur proposer ?
Dates : 12-13-14 décembre 2007
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En savoir plus
Informations
Festivals et salons
Prix
• Le 10e Festival du livre et de la BD de La Fouillade
(12) aura lieu le week-end du 21-22 juillet. Une
vingtaine d’auteurs seront présents, parmi lesquels
Jean-Paul Tiberi et Sandrine Revel. Au programme :
dédicaces, rencontres, conférences et forums de
discussion. Entrée gratuite.
Contact : [email protected]
• Le Prix Sorcières 2007 a couronné en mars 2007
Tobie Lolness de Timothée de Fombelle (Gallimard
jeunesse) dans la catégorie « romans 9-12 ans » et Je
mourrai pas gibier de Guillaume Guéraud (Rouergue)
dans la catégorie «romans adolescents ».
• Le 12e Prix des collégiens de la ville de Vannes a été
attribué en mars 2007 au roman de Marie Bertherat La
fille au pinceau d’or (Bayard jeunesse).
Convention
Revues
• La Convention de la BD et des arts graphiques de
Roubaix (59) rend hommage à Hugo Pratt les 1er, 2
et 3 juin à la Condition publique. Au programme :
expositions, conférences-débats en présence d’une
soixantaine d’auteurs, parmi lesquels Youssef Daoudi et
Rodolphe. Un espace formation est consacré aux écoles
d’arts graphiques. Contact: [email protected]
Colloques
• Le livre et la lecture à l'ère du numérique : tel est le
thème du colloque organisé par le CRILJ avec la
Maison des sciences de l'homme de Paris-Nord,
l'université de Paris VIII et Paris XIII les 23 et 24 juin.
4 rue de la Croix-Faron, Plaine St Denis.
Contact : [email protected]
• L’université d'été de l'image pour la jeunesse a
choisi pour thème cette année « Hors cadre(s) ». Au
programme : conférences, tables rondes, ateliers pour
réfléchir et échanger autour d'images singulières. Les
28 et 29 juin, à l’Institut international Charles Perrault,
14, avenue de l'Europe, 95604 Eaubonne cedex 04
Contact : [email protected]
Expositions
• « Les voyages imaginaires de François Place ».
Jusqu’au 30 juin 2007, la bibliothèque multimédia
de Valenciennes (59) propose une exposition ludique
et bigarrée évoquant l’Atlas des géographes
d’Orbae. Entrée libre.
Site : www.valenciennes.fr
• « La Palette Terre ». Jusqu’au 7 novembre 2007,
le Centre de l’illustration de Moulins-sur-Allier (03)
expose des illustrations de Martin Jarrie. Entrée : 5 €.
Site : www.centre-illustration.fr
• Le numéro de juin (n° 49) de la revue Citrouille
propose un dossier sur « Le sport et la littérature de
jeunesse ».
Site : www.citrouille.net
• La revue Inter CDI n°208 (juillet-août) publie un
numéro spécial sur « Les nouvelles pratiques de lecture ».
Site : www.intercdi-cedis.org
• En juin-juillet, la revue Lire au Collège n° 77
s’intéresse au « Retour de l'Antiquité et du péplum dans
la littérature jeunesse ».
Sélection
• La Médiathèque José Gabanis de Toulouse a publié sa
sélection jeunesse 2006. Gratuit.
Contact : [email protected]
Actes
• Le CPLJ-93 publiera en septembre 2007 les actes du
colloque « La littérature jeunesse, une littérature de son
temps ? », qui s’est tenu les 6 février, 15, 29 et 30 mars
2007. Prix : 17 € jusqu'au 1er août 2007 (frais
d'expédition inclus), 23 € ensuite (hors frais
d’expédition).
Site : www.salon-livre-presse-jeunesse.net
Divers
• La BNF organise une soirée exceptionnelle le 8 juin
de 19h à 23h pour faire découvrir la littérature urbaine,
dans le cadre de la manifestation « La rue est à nous…
tous! ». Bibliothèque François-Mitterrand, quai FrançoisMauriac, 75013 Paris. Entrée libre.
Site : www.bnf.fr
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Index
Auteurs
p. 76
Titres
p. 77
Genres et mots clés
p. 78
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76
Index Auteurs
A
notice
B
notice
Anne, Catherine
Ayerdahl
Bernanoce, Marie
Bouzerand, Jacques
C
Cassim, Shaïne
Charif, Hicham
Chase, Clifford
Colin, Fabrice
1
43
62
60
notice
19
44
45
20
Moka
Montardre, Hélène
Mornet, Pierre
Murakami, Haruki
11
12
22
53
O
notice
P
notice
Oates, Joyce Carol
Obata, Takeshi
Ohba, Tsugumi
Ollagnier, Virginie
Oppel, Kenneth
30
15
15
54
13
D
notice
Pendanx, Jean-Denis
Percin, Anne
Pirzâd, Zoyâ
E
notice
R
notice
F
notice
G
notice
S
notice
T
notice
V
notice
W
notice
Y
notice
Z
notice
Dabitch, Christophe
Estibal, Sylvain
Friot, Bernard
Gandolfi, Silvana
Gibert, Bruno
Grimbert, Pierre
Groensteen, Thierry
Guréghian, Jean V.
H
Harcourt, Claire (d’)
Hardinge, Frances
Hart, James V.
Haworth-Attard, Barbara
Hearn, Lian
Hoffman, Mary
Honaker, Michel
I
Ichiguchi, Keiko
Imbert, Bertrand
58
46
21
2
22
23
63
5
notice
17
24
3
25
26
4
6
notice
41
61
J
notice
K
notice
L
notice
Johnson, Maureen
Katin, Miriam
Kehlmann, Daniel
Kikuo Johnson, R.
7
35
47
36
Lebeau, Suzanne
Lemierre-Dauphin, Eliane
Léourier, Christian
Lester, Julius
Le Touze, Guillaume
Lianke, Yan
Ligny, Jean-Marc
Lorius, Claude
27
18
8, 9
28
49
48
50
61
M
notice
Mac, Carrie
McMaster Bujold, Loïs
Massoudy, Hassan
Mathis
Mizuki, Shigeru
Rahmani, Zahia
Reeves, Hubert
Richardson, Elizabeth E.
Richaud, Frédéric
Rigaud, Daniel
Sakuishi, Harold
Séméniako, Michel
Taketomi, Tomo
Tezuka, Osamu
Tronchet, Didier
Véry, Jacques
Vignal, Hélène
Vigouroux, Yannick
Vincent, Gabrielle
Westerfeld, Scott
Yamagami, Tatsuhiko
Zambon, Catherine
58
31
55
56
18
57
38
42
39
49
16
40
38
18
32
46
14
33
59
34
29
52
51
10
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77
Index Titres
A
Abdallahi, T.1 et T.2
A la découverte de cent
et une pièces
Aqua TM
Arpenteurs du monde (Les)
B
Ballade de l’impossible (La)
Bande de Beck (La)
Baume du dragon (Le)
Beck, T.1 à T.16
Bière grenadine
Brise-ciel
notice
58
62
50
47
notice
53
29
2
39
32
13
C
notice
D
notice
Choses qui font peur
Clan des Otori (Le), T.4
Comme tous les après-midi
Cycle de Chalion (Le), T.3
Death note, T.1, T.2 et T.3
Demain les oiseaux
Demain, une oasis
Derrière le rideau de pluie
Deux sœurs en décembre
22
26
55
52
15
40
43
49
19
P
notice
R
notice
S
notice
Petit Pierre
27
Petite sirène (Une)
1
Peuple des endormis (Le), T.1 et T.2 38
Point de côté
31
Pourquoi les japonais ont les yeux bridés
41
Prophétie des oiseaux (La), T.1
12
Prophétionnel (Le), T.1
23
Rêve du village des Ding (Le)
Réveil des Dieux (Le)
Rien dire
Seules contre tous
Sexy
Sinbad le Marin
Soleil, histoire à deux voix
Sorcier !, T.1, T.2 et T.3
Sous le vent de la liberté,
T1, T.2 et T.3
Stravaganza, T.2
T
48
20
21
35
30
51
18
11
9
4
notice
E
notice
Terribles aventures du futur
capitaine Crochet (Les)
Théorie de la relativité (La)
Toutes ces vies qu’on abandonne
Treize petites enveloppes bleues
F
notice
V
notice
G
notice
W
notice
K
notice
Y
notice
L
notice
Escalier du diable (L’)
Evil Heart, T.1 et T.2
57
16
Faire et défaire
10
Familles à la loupe : une histoire de
parents et d’enfants
17
France, récit d’une enfance
56
Fils du ciel
13
Grand défi des pôles (Le)
Kaïna-Marseille
Larmes noires (Les)
Légende arménienne
de David de Sassoun (La)
Lignes de fuite
61
34
N
notice
O
notice
Obésité, le mal du siècle (L’)
Objet culturel non identifié (Un)
Odyssée, T.3
Yves Klein, au-delà du bleu
45
60
5
36
notice
Naufragée
NonNonBâ
Winkie
59
14
44
24
33
28
M
Mauvais rêve
Vents de la colère (Les)
Violoniste (Le)
Virus de l’ombre (Les)
Voyage de Mosca (Le)
V-Virus
3
25
54
7
8
46
37
42
63
6
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78
Index Genres et mots clés
Genres
A
Adaptation
Album
Autobiographie
C
Epopée
Essai
F
Fantastique
Fantasy
H
Horreur
Humour
J
26
41, 63
notice
20, 57
11, 23, 52
notice
33
2, 11, 23, 45
31
M
Manga
Monologue
Mythes et légendes
N
Nouvelles
P
Parodie
Photo roman
R
Répertoire
Roman d’aventure
graphique
historique
initiatique
intimiste
policier
psychologique
social
S
Science-fiction
Seinen manga
Shonen manga
Sôshi
Théâtre
Thriller
notice
notice
Journal
T
1
14, 22, 51
35, 56
2, 24, 51
E
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
Roman
notice
notice
Conte
M
Mots clés
notice
37, 59
21, 34
5, 6
notice
10, 55
notice
45
46, 49
notice
62
3, 9, 12, 13,
20, 23, 24
35, 36
9, 28, 47
7, 53, 54
19
44
29, 30
25, 48
notice
4, 8, 12, 13,
40, 43, 44, 50
40
15, 16, 39
22
notice
1, 27
15, 57
A
notice
Adolescence
3, 10, 21, 29,
31, 32, 36, 49, 53
Afrique
34, 38, 43, 46, 58
Aïkido
16
Amitié
29, 32, 44
Amour
1, 3, 19, 44
Animisme
37
Antisémitisme
35
Arménie
5
Art
49
Art conceptuel
60
Art contemporain
60
Astronomie
18
Aviation
13
B
notice
C
notice
D
notice
Bande dessinée
Bien/Mal
63
15
Calligraphie
Chamanisme
Changement climatique
Chine
Condition féminine
Couleur
51
52
61
48
55
60
Désespoir
Deuil
Dictature
Drogue
25
32, 57
59
25
Enfance
Environnement
Esclavage
Etats-Unis
Exclusion
Exil
Expédition scientifique
Exploration
22,
12,
9,
28,
E
F
notice
37
50
28
45
25
46
61
47, 58
notice
Famille
16, 17, 19
G
notice
Guerre d’Algérie
56
H
notice
Handicap
Harkis
Histoire
Homosexualité
Hongrie
27
56
17
30, 31
35
Immigration
Informatique
Initiation
Injustice
Iran
Islam
Italie
21, 46
44
11
30, 45
55
58
4
I
J
Japon
Jeunesse
L
notice
notice
20, 26, 37, 41, 59
2
Liberté
Liberté d’expression
Littérature de jeunesse
notice
34
24
62
Lecture Jeune - juin 2007
Magie
Manga
Manipulation
Marine
Monde ouvrier
Mondes parallèles
Mort
Musique
N
Népal
New York
notice
11
41
8
9
10
4
15
14, 39
notice
2
33
O
notice
P
notice
Obésité
Orient
Père
Peur
Phobie
Photographie
Planète
Pôles
Politique
Possession
Pouvoir
Première Guerre mondiale
Psychanalyse
Q
Quête initiatique
R
Racisme
Rébellion
Réchauffement climatique
Régime alimentaire
Relation enfant/parent
Relation fille/garçon
Relation mère/fille
Relation père/fils
Religion
Résilience
Rêve
Révolution
Rumeurs
S
Seconde Guerre mondiale
Sexualité
Sida
42
51
21
57
22
49
18
61
45
52
3, 8
54
54
notice
57
notice
28
27
12
42
17
53
56
10, 14, 48
24
31
8
9
30
notice
35
53
48
T
notice
U
notice
V
notice
Taxidermie
Télémaque
Terrorisme
Théâtre
Ulysse
Vampire
Violence
Vocation
Voyage
X
XVIe siècle
XVIIe siècle
XVIIIe siècle
XIXe siècle
38
6
43
62
6
33
16, 29
54
7
notice
4
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Ours
Lecture Jeune
190, rue du Faubourg Saint-Denis - 75010 Paris
Tél. : 01 44 72 81 50 - Fax : 01 44 72 05 47
Courriel : [email protected]
Directrice de publication
Hélène Sagnet (81-52)
Rédactrice en chef
Anne Lanchon (81-53)
Chargée de formation
Michelle Charbonnier (81-51)
Administration
Chantal Viotte (81-50)
Comité de rédaction
Françoise Ballanger, Patrick Borione, Madeleine Couet-Butlen, Annick LorantJolly, Bernadette Seibel, Véronique Soulé, Jean-Claude Utard, Anne Zali
Conception et réalisation
[email protected]
Ont collaboré à ce numéro
Brigitte de Bergh, Marie-Françoise Brihaye, Michelle Brillatz,
Sandrine Brugot-Maillard, Cécile Burgard, Juliette Buzelin, Michelle Charbonnier,
Christelle Crumière, Daniel Delbrassine, Agnès Donon, Sébastien Féranec,
Laurence Guillaume, Elise Hoël, Emmanuelle Jair, Anabel Jouineau,
Anne Lanchon, Gilberte Mantoux, Amélie Mondésir, Eric Peltier, Charlotte Plat,
Jean Ratier, Cécile Robin-Lapeyre, Jean-Claude Rouchy, Hélène Sagnet,
Sonia Seddiki, Jean-Marc Talpin, Nicole Wells, Maryon Wable-Ramos
Impression
L’ARTESIENNE - Dépôt légal : juin 2007
Tél. : 03 21 72 78 90
I.S.S.N. 1163-4987
C.P.P.P. n° 1107G79329
Revue éditée par l’association Lecture Jeunesse
Association de loi 1901 déclarée le 4 janvier 1974
Agréée par le Secrétariat d’Etat Jeunesse et Sport le 27/01/1977 – N° 94.155
Cette revue est publiée avec le concours de la Mairie de Paris,
du Centre national du livre et de la Direction du livre et de la lecture (Ministère de
la culture)
Lecture Jeune - juin 2007
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Abonnement
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Bulletin
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2007 - Abonnement pour 4 numéros
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Autres pays et DOM TOM : 44 €
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Pour les organismes, facture en ….. exemplaires
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du 2nd semestre 2007 :
Les mangas, niveau « repères »
Les mangas, niveau « approfondissements »
Les romans à l’adolescence, niveau « approfondissements »
Travailler en partenariat avec l’Education nationale
L’accueil des adolescents en bibliothèque
Les pratiques culturelles des adolescents : la musique
La chaîne du livre : littérature et enjeux marchands
Jeunes en situation d’exclusion et lecture
Ainsi que la journée d’étude
Cultures adolescentes
(en partenariat avec La Joie par les livres)
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