Alors voilà, c`est l`histoire de Mme K. , 81 ans, enfin l`histoire de Mme

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Alors voilà, c`est l`histoire de Mme K. , 81 ans, enfin l`histoire de Mme
Alors voilà, c'est l'histoire de Mme K. , 81 ans, enfin l'histoire de Mme K. et d'un jeune
interne en médecine en premier semestre, moi.
Il s'agissait du lendemain de Noel.
Mme K consulte aux urgences avec son fils qui a appelé les pompiers.
Je prends en charge la patiente. La feuille d'intervention des pompiers rapporte une
histoire de ‘malaise'. Les antécédents préremplis dans le dossier informatique de l'hopital
disaient : arthroplastie totale de hanche droite. C'est tout. Bon... A 81 ans, je reste
sceptique.
Je vais donc la voir dans le box, me disant qu'elle pourrait m'éclairer un peu plus. Elle est
seule, son fils n'est pas encore arrivé. Elle semble calme et non algique. Elle ne sait pas
trop pourquoi elle est la. Je lui demande si elle a mal quelque part, elle me répond que
non. Elle ne souvient pas de ce qui s'est passé. Elle aurait « eu un lavement hier » à la
maison.
Je me demande si la patiente n'a pas une démence, ou du moins des troubles cognitifs,
tant elle semble « calme » et « ailleurs », et garde ca dans un coin de ma tête.
Je l'examine donc en faisant un examen général non orienté, chose non évidente et
probablement non souhaitable, croyant peu à l'histoire de malaise.
L'hémodynamique est stable et l'a toujours été. Elle a une tension a 150/ 96 ( voilà donc
une probable HTA non suivie, me dis je), la fréquence cardiaque est a 100 bpm et la Sa02
à 100% en AA.
L'examen cardiopulmonaire ne retrouve pas d'anomalie, les bruis du cœur sont réguliers.
L'abdomen est sensible dans l'ensemble surtout en hypogastre et en hypochondre G, il est
souple sans aucune défense ni contracture, les orifices herniaires sont libres et il y a des
bruits hydroaériques.
L'ECG s'inscrit en rythme sinusal et régulier, le PR est normal, les QRS sont fins, sans
trouble de la repolarisation ni anomalie du segment ST.
Je sors donc dubitatif, presque agacé du box, avec une histoire pour le moins peu claire,
et un examen clinique pauvre.
Je retourne dans le bureau médical et complète le dossier informatique, je vois une autre
patiente en attendant l'arrivée du fils, qui pourra m'éclairer.
Et il m'éclaire ! (Puisqu'il vit avec elle)
Maman ne marche plus trop, ne sort plus de l'appartement. Elle aurait présenté des
vomissements le samedi et le dimanche (nous sommes le jeudi), elle ne quitte plus le lit
depuis dimanche ( gloups la TVP...), SOS médecin passe la veille, diagnostique un
fécalome, et prescrit deux normacols sur deux jours : un fait la veille par une IDE qui n'a
rien donné, et un que le fils devait faire le jour même et qu'il n'a pas pu faire ce qui a
motivé l'appel de nos amis sapeurs pompiers. Le fils ne rapporte pas de plainte de douleur
abdominale spontanée, ni de nausée, elle a eu des gaz la veille et elle n'a pas vomit. Zou !
Adieu l'occlusion, je conclue le tout avec toucher rectal et hop, l'affaire est pliée, c'est un
fécalome. Je lance un bilan biologique et prescrit un lavement (m'attirant les foudres des
infirmières). Je note au passage une escarre de stade II du siège.
Premier lavement : rien.
Une heure après, je reçois les résultats du bilan biologique.
Aïe : une hypokaliémie a 2.6, tout le reste normal. Pas de syndrome inflammatoire. Pas
d'hyperleucocytose. Pas de dysnatrémie.
Je me jette sur l'ECG que j'avais déjà analysé pour être sur de ne pas passer à côté de
quelque chose. Rien. Ouf. Je prends l'avis de la gériatre de l'hopital sur l'ensemble du
dossier : pas d'hospitalisation nécessaire, recharge potassique, contrôle iono en ville,
movicol 10j puis forlax. Potassium richard 1g par heure pendant 4 heures + 2g de KCl
dans du sérum physiologique pour accélérer un peu la chose avant le contrôle potassique.
Ca traine, elle est arrivée à 11h, il est déjà 17h.
La nouvelle tombe : le contrôle n'est pas bon ; toujours bas a 2,7 .
J'en discute une nouvelle fois avec mon sénior et nous décidons de l'hospitaliser dans
l'unité d'UHCD pour la nuit, avec un nouveau contrôle demain.
Je conclue le dossier : hypokaliémie d'origine indéterminée + fécalome.
La nuit tombe sur l'hopital. Il est temps pour moi de rentrer.
Le contrôle du soir est a 4,2, la patiente a une hypertension a 180/100, traitée
ponctuellement par du loxen 20 par le médecin de garde.
***
Une nouvelle journée, je vaque a mes occupations, vogue de patient en patient, comme
d'habitude (les internes ne s'occupent pas de l'unité UHCD). Après un entretien
inhabituellement long dans un box, je sors et dans le bureau médical, trouve tout le monde
avec une tête déconfite :
« - Qu'est ce qu'il y a ?
- Il y eu un arrêt à côté.
- Ah bon ?? Mais pourquoi personne ne m'a appelé ?
- Bin je sais pas, t'étais ou ?
- Dans un box. Oh ! Pour une fois, j'aurais aimé le voir et faire un truc... C'était qui ?
Je regarde l'écran de l'ordinateur et il y a seulement deux patients aux portes. Ma patiente
d'hier et un jeune homme en attente d'hospitalisation en psychiatrie.
Je réalise.
« Non... Mais... Mais... Il s'est passé quoi? »
Que s'est il passé ? Mme K. s'est mise a vomir des selles et le temps que quelqu'un arrive,
elle était déjà en arrêt, sur une probable inhalation. Ils n'ont rien pu faire.
Mode de sortie : décès.
C'était selon ma chef, une occlusion. Son mot du matin dans le dossier notait pourtant un
abdomen souple, des « traces de selles liquides évoquant des fausses diarrhées sur
fécalome » et elle même n'a pas fait d'ASP. L'ASP... Zut !
Je refais tout le dossier en boucle dans ma tête : elle n'avait pas mal, son abdomen était
souple, elle avait eu des gaz. Ma première erreur médicale ? J'aurais du faire un ASP.
Pourtant je croyais que l'ASP ne servait plus a rien aux urgences... Ma chef enfonce le
clou : « On s'en fiche des reco, c'était nécessaire»
Je reste, blafard, devant l'ordinateur a feuilleté le dossier encore et encore, qu'ai je
manqué ? Je suis incapable de dire un mot. Une autre sénior me dit qu'elle a vu ce qui
s'était passé, la patiente n'aurait eu des émissions de selle qu'après le début du massage
cardiaque. Qui croire ? Veut elle seulement me rassurer ? Ca ne change rien. Je reste
persuadé de mon erreur. Je pars quelques instants des urgences, incapable de retenir
mes larmes.
Une symptomatologie trompeuse, toujours, de la personne âgée ? Une prise en charge
influencée par celle des autres ? Quelle place de l'ASP de nos jours aux urgences ? La
culpabilité de la part du soignant : pourquoi ? Jusqu'ou ?
Encore aujourd'hui, j'ai toujours l'impression d'avoir raté quelque chose dans la prise en
charge. Je me demande si avoir fait l'ASP aurait changé quelque chose. Aurions nous fait
un scanner le soir même ? Il me paraît normal d'éprouver une culpabilité importante,
surtout en tant que jeune interne. J'imagine que celle ci doit aussi être lié en partie à la
personnalité de chacun et qu'il n'y a pas de réponse adaptée à ce genre de situation. Je
me suis demandé si la culpabilité liée à l'erreur médicale, quelle soit avérée ou non, était
une composante intrinsèque, inévitable de notre métier, composante à laquelle nos études
ne nous prépare absolument pas. On pourrait rétorquer que le but de l'apprentissage est
justement d'éviter au maximum ces erreurs, que la personne qui détient le « savoir » est «
maître ». On m'a souvent répété lors de mes stages de deuxième cycle, que le but de
l'externat était d'apprendre aux étudiants à ne pas tuer les gens, et l'internat à les ‘sauver'.
Un médecin, aussi inexpérimenté soit il, doit il et peut il être infaillible ? Est il « normal » de
faire des erreurs malgré les outils et savoirs à notre disposition ? Est on forcément un «
mauvais médecin » si l'on fait des erreurs , ou est il justement nécessaire et souhaitable
de reconnaître ses limites ?
En analysant le cas, je pense m'être laissé influencer par le diagnostic du médecin de
SOS. Je ne cherche pas à me trouver une excuse car je pense avoir assumé ma part de
responsabilité. Toute fois, sans diagnostic de fécalome déjà établi, je pense que mon
chemin de réflexion diagnostic aurait pu être différent. Mais cela veut il dire que l'on ne
peut pas avoir confiance en ses pairs et qu'il ne faut compter que sur soi même ? Faut il
réexaminer chaque patient, reprendre un interrogatoire complet? Cela remet possiblement
en cause l'apprentissage seul au lit du patient, de l'externe et de l'interne ; les médecins
seniors doivent ils passé derrière les étudiants pour chaque patient ? Il ne me paraît pas
raisonnable d'aller aussi loin dans la remise en question, mais je ne peux nier que
dorénavant, je me méfie des diagnostics déjà établis par d'autres, notamment pour les
patients adressés aux urgences.
La place de l'ASP a été précisé par la HAS dans un rendu de 2009 : l'ASP reste indiqué
chez certaines personnes âgées en cas de constipation avec douleurs, n'est pas indiqué
dans la suspicion d'occlusion grêlique ou colique.
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Suite réévalutation RSCA :
Conduite à tenir devant une douleur abdominale :
Si on reprend la conduite diagnostic d'une douleur abdominale :
Il faut dans un premier temps distingué une douleur abdominal aigue d'une douleur
abdominale chronique. Il faut prendre en compte le terrain du patient ( cardiovasculaire,
diabétique, vieux, jeune fille/homme, atcd psy, anxiété etc.). L'examen clinique est
primordial, d'autant plus en cabinet ou les examens complémentaires ne sont pas
accessibles comme à l'hopital.
Devant des douleurs abdominales aigues :
- avec ou sans fièvre depuis quand ?
- ou exactement ?
- signes associés ( nausées, vomissements, diarrhée, constipation, hémorragie digestive
par hématémèse ou méléna, ictère, distension abdominal etc.)
- terrain
- facteurs déclenchant ou aggravant ?
- Hémodynamique, défense, contracture (abdomen chirurgical ? +++), signes associés
importants, perturbation hydro électrolytiques etc.
On peut/doit également orienter d'emblée vers un diagnostic en fonction du terrain : GEU
chez la jeune femme, occlusion chez la personne agée, ischémie digestive chez le
cardio/vasculaire/diabétique, infection du liquide d'ascite chez un patient cirrhotique, APLV
chez le nourisson etc.◊On se pose la question des critères de gravité : y a t'il des critères
de
gravité
?
On peut également réduire les diagnostics en fonction de la localisation de la douleur :
hépatite, cholecystite, angiocholite, pancréatite aigue en hypochondre droit ; UGD
pancréatite en épigastre ; appendicite, torsion d'annexe en fosse illiaque droite ; GEU
salpyngyte dans les fosses illiaques ; diverticulite en fosse illiaque gauche etc.
Concretement en cabinet, le diagnostic d'une douleur abdominal fait appel a une
sémiologie précise, bien caractérisée mais toujours difficile devant le nombre important de
présentation atypique et le manque d'examen complémentaire accessible rapidement. Il
convient de différer autant que possible devant une douleur abdominale non chirurgicale,
sans critère de gravité. Cependant, le recours a un service d'urgence est nécessaire en
cas de doute.
Indications de l’ASP :
Pour rappel, les indications de l'ASP sont très limités depuis la mise a jour des
recommandations de 2009 de l'HAS. Le TDM et l'échographie sont en première place
dans la plupart des stratégies diagnostics :
- Dans les pathologies digestives : l'ASP n'est plus qu'indiqué dans les cholites aigues
graves chez les patients porteurs d'une maladie de Crohn, pour rechercher une
cholectasie ; et dans l'exploration d'ingestion de corps étranger.
- En gynécologie, l'ASP n'a pas d'indication
- En urologie, l'ASP est indiqué en première intention dans le suivi des coliques
néphrétiques ou le suivi périopératoire d'une lithiase. L'ASP est aussi indiqué en deuxième
intention dans l'exploration des insuffisances rénales et des pyélonéphrites si les cavités
pyélocaliciennes sont dilatées à l'échographie. L'ASP n'a plus d'indication dans la
suspicion de colique néphrétique, de cystite ou d'hématurie.
Axes développés :
- Premier recours : conduite à tenir devant une douleur abdominale
- Santé communautaire : place de l’ASP et réduction des indications
Bibliographie :
http://www-sante.ujfgrenoble.fr/SANTE/corpus/disciplines/hepgastro/pathurg/hp3/leconhp3.htm
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/200902/fiche_radio_asp_urogy_web.pdf
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/200902/fiche_radio_asp_patho_dig_web.pdf
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