Une certaine idée de l`Europe - Le blog de l`histoire

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Une certaine idée de l`Europe - Le blog de l`histoire
Une certaine idée de l'Europe. Les projets européens de la Collaboration par Mathieu Brocard A propos de Julien Prévotaux, Un européisme nazi. Le Groupe Collaboration et l'idéologie européenne dans la Seconde Guerre mondiale, Paris, François-­‐Xavier de Guibert, 2010, 273 pages. En 1940, "parier sur l'Europe allemande ne signifie pas épouser les thèses des idéologues nazis". Cette phrase, qui conclut l'ouvrage de J. Prévotaux, pose la question des motivations qui poussent, sous l'Occupation, certains Français partisans de l'idée européenne, à soutenir l'idée d'Europe sous domination allemande. Ces collaborateurs ne sont-­‐ils que les relais de la propagande nazie, qui prône une Europe unie afin de neutraliser les milieux pacifistes ; ou sont-­‐ils des partisans sincères de l'idée européenne, fidèles au projet de construction européenne, même sous contrôle nazi ? C'est en fait tout le problème de la fidélité à des idéaux pacifistes et européistes, des années 1920 aux années d'Occupation, qui est soulevé par l'ouvrage de J. Prévotaux. Peut-­‐
on encore se déclarer partisan de l'Europe lorsque celle-­‐ci se trouve unifiée par la botte totalitaire nazie ? L'auteur s'attache ainsi à décrire un mouvement européiste de la Collaboration, le Groupe Collaboration fondé dès septembre 1940 par Alphonse de Châteaubriant, et cherche à expliquer les motivations des membres de ce groupe, à analyser leur itinéraire intellectuel et politique. Mais l'ouvrage soulève également une autre interrogation, polémique à bien des égards : l'Union européenne actuelle ne s'est-­‐elle pas bâtie sur les fondations idéologiques, institutionnelles et économiques, qu'avaient proposées les européistes de la Collaboration ? J. Prévotaux constate que les travaux portant sur l'histoire de la construction européenne abordent généralement la période briandiste des années 1920, qui trouve son apogée dans le Plan d'Union fédérale européenne de 1929-­‐1930, puis se limitent aux projets européens de la Résistance dont la conséquence serait la création de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) puis de la CEE (Communauté Economique Européenne). Cette histoire, conçue comme une légende dorée, avec des "Pères fondateurs" assimilés à des prophètes, et une origine glorieuse (les "Etats-­‐Unis d'Europe" de V. Hugo), est selon l'auteur trop restrictive. Il nous pose la question : l'idée européenne est-­‐elle "une réaction démocratique et libertaire des pays d'Europe au délirant rêve impérial nazi" ? Il répond clairement par la négative : pendant la Seconde Guerre mondiale, les principaux projets européens ne viennent pas de la Résistance (surtout quand cette Résistance est communiste et donc prosoviétique), mais de la Collaboration. Il conclut ainsi : "l'Histoire des origines de la construction européenne [est donc] une histoire à refaire". 1
L'objectif de cet ouvrage est ainsi de réintégrer les penseurs de la Collaboration dans la genèse de l'idée européenne, de voir quelles sont les continuités entre les projets européistes des années 1920, ceux des années 1940, et les réalisations concrètes à partir des ĂŶŶĠĞƐ ϭϵϱϬ͙ En quoi le Groupe Collaboration a-­‐t-­‐il contribué à la création de l'Europe d'aujourd'hui ? Ce pourrait être la problématique de l'ouvrage de J. Prévotaux. I -­‐ Portrait de groupe : le Groupe Collaboration : C'est par une étude prosopographique, qui s'appuie largement sur le travail fondamental de Catherine Brice (Le Groupe Collaboration, 1940-­‐1944, mémoire de maîtrise, Paris I, 1978), que débute l'ouvrage de J. Prévotaux. Une étude, qui vise à montrer, par la description des membres du Groupe et de leur itinéraire avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, que le discours européiste de ces collaborateurs ne relève pas seulement de la propagande, mais d'une conviction réelle, d'une foi sincère dans le projet d'union européenne. Le Groupe Collaboration naît en septembre 1940, avec le soutien direct de Fernand de Brinon, ambassadeur du régime de Vichy auprès du Haut Commandement allemand à Paris, et surtout d'Otto Abetz, ambassadeur d'Allemagne à Paris, et qui semble même être à l'origine de la création du Groupe. Le Groupe Collaboration est l'héritier direct du Comité franco-­‐allemand, dont le but, dans les années 1930, était de faire connaître en France l'"Allemagne réelle", c'est-­‐à-­‐dire sa situation économique et sociale, notamment les réussites du régime nazi, mais aussi la vie culturelle allemande. Il n'est donc pas étonnant de constater que le Groupe Collaboration rassemble une élite intellectuelle, issue des milieux littéraire (P. Benoît et A. Bonnard de l'Académie française, Drieu La Rochelle, sans oublier le président du Groupe, A. de Châteaubriant), artistique (le compositeur F. Schmitt), économique et juridique (le juriste L. Le Fur). J. Prévotaux rappelle que le Groupe Collaboration veut être à l'origine, un club "mondain" de réflexion sur l'Europe, et non un parti politique engagé dans la Collaboration. De fait, les activités que propose le Groupe paraissent très éloignées d'un quelconque activisme politique : conférences à succès (qui rassemblent quelques 200 000 auditeurs cumulés !), expositions (La France européenne au Grand Palais, prêté pour l'occasion par la Wehrmacht), échanges artistiques (le sculpteur nazi Arno Breker est reçu par le Groupe en mai 1942 ; Drieu La Rochelle et Bonnard comptent parmi les intellectuels qui se rendent en Allemagne en octobre 1941), échanges pour les Jeunes de l'Europe Nouvelle, section du Groupe destinée à la jeunesse. On peut noter aussi l'édition de revues à tirage confidentiel, à une exception cependant : le journal La Gerbe, fondé par A. de Châteaubriant, qui s'impose vite comme l'une des grandes publications de la Collaboration, notamment grâce à son orientation culturelle, riche de signatures prestigieuses : Drieu La Rochelle bien sûr, Giono, ŽĐƚĞĂƵ͕ŶŽƵŝůŚ͕DŽƌĂŶĚ͙ ƚ ƉŽƵƌƚĂŶƚ͙ J. Prévotaux note que le Groupe Collaboration évolue progressivement vers un collaborationnisme plus poussé, que l'auteur n'hésite pas à qualifier de "fascisme à la française". Selon lui, le Groupe Collaboration, s'il apporte un soutien indéfectible au Maréchal Pétain, se reconnaît assez peu dans la politique réactionnaire et nationaliste de "Révolution nationale". Aux valeurs antidémocratiques, antiparlementaristes, 2
anticommunistes portées habituellement par les collaborateurs s'ajoute ici la volonté de créer une Europe unie, dépassant les nations, éradiquant les nationalismes. Le Groupe en vient ainsi à soutenir l'entreprise de domination de l'Europe projetée par Hitler. Il encourage également la création du Front Révolutionnaire National de M. Déat à l'été 1942, y voyant le chef et le Parti uniques, dont la France a besoin pour s'intégrer pleinement dans l'"Europe Nouvelle". Marc Augier, le dirigeant des Jeunes de l'Europe Nouvelle, ancien socialiste, pacifiste et profondément européiste dans les années 1920, s'engage même dans la Légion des Volontaires Français (LVF) pour combattre l'"ennemi bolchevique" sur le Front de l'Est. Après le Débarquement de Normandie, le Groupe Collaboration déplore l'attentisme du régime de Vichy et demande une alliance militaire totale avec l'Allemagne. Ces exemples suffisent-­‐ils à conclure, de façon quelque peu péremptoire comme le fait l'auteur, qu'il existe un "fascisme à la française" que seuls quelques historiens étrangers (Z. Sternhell par exemple) auraient reconnu ? L'affirmation semble fragile : on ne peut certes nier l'enthousiasme de certains des membres du Groupe Collaboration pour l'"épopée" militaire nazie en Europe, mais comme le montre lui-­‐même l'auteur, la plupart des intellectuels du Groupe évoquent rarement les aspects politiques du nazisme, et ne s'intéressent essentiellement qu'à sa dimension économique et sociale ʹ le national-­‐socialisme est perçu comme le "véritable" socialisme. Des "fascistes à la française" ? Ce n'est pas la description que dresse l'auteur de certaines personnalités du Groupe Collaboration. Certes, le président du Groupe, Alphonse de Châteaubriant semble fasciné par le nazisme ʹ allant jusqu'à voir en Hitler, un nouveau Dieu ʹ et encourage la fondation d'un parti unique antibolchevique, en France. Mais que dire des autres membres, pacifistes et européistes de longue date; dont les réflexions sur l'Europe se limitent à des projets économiques et juridiques ? La question mise en lumière par cet ouvrage semble plutôt être celle de la fidélité à ses idéaux quelles que soient les circonstances : comment expliquer ainsi l'itinéraire de J. Montigny, député radical-­‐socialiste, partisan du Plan Briand d'Union fédérale européenne en 1930, membre du Comité Mayrisch de réconciliation franco-­‐allemande dans les années 1920, collaborateur de journaux européistes comme Notre Temps ou L'Europe Nouvelle de Louise Weiss, et qui s'engage avec ferveur dans le Groupe Collaboration sous l'Occupation, en croyant voir son rêve d'Europe unifiée enfin réalisé ? Les membres du Groupe Collaboration sont en effet quelquefois opportunistes, à l'image d'A. Bonnard qui est un néophyte de l'idée européenne, mais la grande majorité semble sincère dans son engagement, même s'ils sont instrumentalisés par la propagande habile d'Otto Abetz. Le cas des conférenciers allemands est également intéressant : ne sont-­‐
ils que les fers de lance du discours officiel nazi, ou croient-­‐ils réellement à l'idée européenne ? E. Achenbach, proche d'O. Abetz, semble appartenir au second groupe : il est élu député européen en 1974 ʹ et contraint de démissionner quand son passé est rendu public. 3
II -­‐ Quels projets pour l'Europe ? "L'Europe sera fédérée ou sera cosaque". C'est avec justesse que J. Prévotaux cite cette phrase de Napoléon, reprise par les milieux de la Collaboration pour légitimer l'antibolchevisme. L'auteur ose même la comparaison : le rejet actuel de l'entrée de la Turquie dans l'Europe n'est-­‐il pas le reflet de la méfiance traditionnelle des Européens pour l'Orient, pour l'Asie ? L'opposition à la Russie ʹ curieusement, la peur de l'URSS communiste n'est pas évoquée dans l'ouvrage ʹ pose la question des contours de l'Europe à bâtir : selon les projets du Groupe, celle-­‐ci ne comprendra ni la Russie communiste, ni les Etats-­‐Unis capitalistes, ni le Royaume-­‐Uni impérialiste et atlantiste. Les intellectuels du Groupe Collaboration cherchent également à définir une "identité européenne". L'"Europe Nouvelle" serait selon eux, l'héritière de la Chrétienté médiévale ʹ c'est notamment le point de vue de Drieu La Rochelle ʹ, mais également de l'Empire de Charlemagne, ce qui permet d'installer l'Allemagne, et peut-­‐être même le couple franco-­‐ĂůůĞŵĂŶĚ͕ ĂƵ ĐƈƵƌ ĚĞ ůĂ ĐŽŶƐƚƌƵĐƚŝŽŶ ĚĞ
l'Europe ʹ le Groupe Collaboration organise ainsi une commémoration pour déplorer le traité de Verdun de 843, qui aboutit au partage de l'Empire carolingien et donc au morcellement de l'Europe ! J. Prévotaux évoque aussi une unité "sanguine" de l'Europe, un concept malheureusement pas développé par l'auteur : s'agit-­‐il d'une définition raciale de l'Europe, telle que pourraient l'avoir pensée les nazis ? Le grand mérite de J. Prévotaux, s'appuyant ici sur l'ouvrage de Bernard Bruneteau ("L'Europe Nouvelle" de Hitler, une illusion des intellectuels de Vichy, Monaco, Ed. du Rocher, 2003) est de rappeler le sérieux et la pertinence des projets économiques et juridiques élaborés par les "techniciens" (sic) du Groupe Collaboration. Les membres du Groupe sont divisés sur les institutions européennes à mettre en place : tandis qu'un écrivain fasciné par l'idéologie nazie comme Drieu La Rochelle rêve d'un Reich européen dominé par l'Allemagne, un juriste comme L. Le Fur envisage la création d'une véritable fédération européenne, comprenant des institutions supranationales. L. Le Fur reconnaît cependant que ce modèle ne peut être mis en place que si l'Allemagne "se déradicalise" et accepte de renoncer à sa position hégémonique. Les économistes du Groupe, comme F. Delaisi, planifient également un "Grand Marché" européen, fondé sur une division plus ou moins aboutie, des activités ʹ F. Delaisi s'insurge toutefois contre le projet d'autres membres, de ne faire de la France qu'un pays exclusivement agricole. Le Groupe envisage aussi de créer une monnaie unique européenne (vraisemblablement, le Reichsmark). Les économistes du Groupe Collaboration se rallient sans peine au concept de "Grossraum" (grand espace économique) développé dès les années 1920 en Allemagne, et visant à un contrôle économique de l'Europe de l'Est. Mais le concept est modifié par les collaborateurs : afin de réintroduire la France dans la direction économique de l'Europe, J. Montigny par exemple, évoque la création d'une "Eurafrique". Tandis que l'Allemagne contrôlerait économiquement l'Europe de l'Est, la France assurerait, pour le compte de l'Europe, l'exploitation du continent africain. J. Prévotaux parle ainsi d'une volonté d'assurer un "Lebensraum" (espace vital) européen, grâce à l'action de deux Etats moteurs : l'Allemagne et la France. Il est dommage que la notion même de "Lebensraum" ne soit pas 4
davantage analysée par l'auteur, qui semble y voir un synonyme d'espace économique, sans lien avec l'idéologie raciale nazie. C'est bien une "Troisième voie", celle du "véritable" socialisme, que cherchent à ouvrir les intellectuels du Groupe Collaboration. Une "Troisième voie" qui serait distincte du communisme soviétique, qui prône la lutte des classes, et du capitalisme nationaliste, vu comme la cause de la crise des années 1930. A bien des égards, l'Europe telle qu'elle est pensée à partir des années 1950 est l'héritière de cette conception, affirme J. Prévotaux. En effet, on constate que les principaux inspirateurs de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) sont, sous l'Occupation, assez proches du Groupe Collaboration. L'auteur cite M. Lagrange, fonctionnaire du régime de Vichy, ayant travaillé sur la question du statut des Juifs, ou surtout P. Reuter, professeur à l'école d'administration du régime de Vichy à Uriage, qui rejoint ensuite la Résistance et inspire directement J. Monnet dans la conception de la CECA. C'est un des mérites de l'ouvrage de J. Prévotaux de montrer la continuité entre les projets européistes des années 1920, les réflexions de la Collaboration, et les fondements de la CECA puis de la CEE. Demeure une question pour les membres du Groupe Collaboration : comment bâtir cette fédération européenne ? Nombreux sont ceux qui ont cru à la voie démocratique des années 1920. Mais, face à la mise en place d'un traité de Versailles jugé trop dur à l'égard de l'Allemagne et trop nationaliste, face à l'échec du projet de sécurité collective de la SDN, en laquelle certains espéraient, face surtout aux replis nationalistes après la crise de 1929, ils sont convaincus que l'Europe ne se fera désormais que si elle est imposée par la force. Le juriste L. Le Fur tente de justifier ce recours en évoquant le grand projet européen de Napoléon, imposé par la "Grande Armée" pour "le bien des peuples d'Europe" ʹ et anéanti, déjà, par la Russie et l'Angleterre ! L. Le Fur rappelle aussi que l'Etat moderne ne s'est construit que lorsque le roi a réussi à imposer son autorité aux seigneurs locaux. Le titre du premier numéro de La Gerbe est ainsi révélateur : "La Force crée le droit". J. Prévotaux a raison de souligner que l'Europe pensée par J. Monnet tire une de ses origines dans les projets de la Collaboration et, qu'à ce titre, elle n'est pas, par essence, démocratique ʹ J. Monnet semble assez méfiant par rapport au parlementarisme. Peut-­‐on en conclure pour autant, comme le fait l'auteur, que l'Union européenne d'aujourd'hui, est restée non démocratique ? L'ouvrage de J. Prévotaux réintègre avec justesse la Collaboration dans l'histoire de la construction européenne, et montre que celle-­‐ci doit être pensée en terme de continuité idéologique des années 1920 jusqu'aujourd'hui. Mais il explique également l'itinéraire singulier qui pousse des pacifistes, européistes, souvent de gauche, à rejoindre un mouvement collaborationniste, sans avoir le sentiment de trahir leurs idéaux, bien au contraire. C'est peut-­‐être parce qu'il aborde ces deux vastes thèmes de l'histoire de la construction européenne et de la Collaboration, que le plan retenu par l'auteur n'est pas toujours clair, oscillant souvent entre une monographie du Groupe Collaboration, et un essai, volontiers polémique, sur l'évolution de l'Union européenne. On peut s'interroger davantage encore sur la pertinence de certaines comparaisons rapides entre les projets 5
européens du Groupe Collaboration, et les réalisations de l'Europe d'aujourd'hui : dénonçant l'"idéologie" du fédéralisme, J. Prévotaux milite clairement pour une "Europe des nations", et pour le maintien d'un certain souverainisme national. Le fédéralisme vanté par H. Kohl dans les années 1990 est-­‐il ainsi forcément illégitime, au motif que l'idée avait été développée par les milieux collaborateurs ? Affirmer le rôle néfaste, actuellement, de la monnaie unique, et l'absurdité d'une intégration européenne plus poussée, relève-­‐t-­‐il toujours d'un ouvrage historique, portant sur les projets européens de la Collaboration ? Est-­‐
il également pertinent de comparer le caractère antidémocratique de l'Europe imaginée par le Groupe Collaboration, avec l'Union européenne actuelle, jugée antidémocratique par l'auteur après la ratification par voie parlementaire du traité constitutionnel européen de 2005 ? Au-­‐delà de certaines limites concernant la forme de l'ouvrage ʹ des fautes d'orthographe récurrentes (les "Français" et les "Allemands" sans majuscules), des répétitions multiples (l'expression "clercs du Groupe Collaboration" pour en désigner les membres, revient une à deux fois par page) ʹ, certains points auraient mérité d'être davantage analysés par l'auteur. J. Prévotaux affirme ainsi, d'un ton catégorique, l'existence en France d'un "fascisme à la française", une notion écartée trop facilement selon lui, par les historiens français, et uniquement étudiée par les historiens étrangers. Peut-­‐on rappeler tout de même sur ce sujet les travaux fondamentaux de R. Rémond, Les Droites en France (Paris, Aubier, 1954 pour la première édition) puis de P. Milza, Fascisme en France, passé et présent (Paris, Flammarion, 1987) et M. Winock, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France (Paris, Seuil, 1990), des ouvrages qui, d'ailleurs, ne nient pas forcément l'apparition de groupuscules fascistes en France ? Outre le fait qu'il ne définit pas lui-­‐même le concept de "fascisme à la française", l'auteur évacue totalement de son ouvrage la dimension raciale de l'idéologie nazie. Il eût été intéressant de voir comment les européistes du Groupe Collaboration envisageaient le "Lebensraum" français en Afrique. Souscrivaient-­‐ils aux projets raciaux d'Hitler ? En d'autres termes, ces "techniciens" de l'Europe envisageaient-­‐ils, eux aussi, une extermination de masse ? L'ouvrage de J. Prévotaux, s'il laisse certaines interrogations en suspens, propose néanmoins une réflexion stimulante, à la fois sur la genèse de l'idée européenne, et sur un mouvement intellectuel de la Collaboration, une réflexion intéressante qui aurait dû ĐĞƉĞŶĚĂŶƚĠǀŝƚĞƌůĞƐĠĐƵĞŝůƐĚĞůĂƉŽůĠŵŝƋƵĞ͙ Mathieu Brocard est agrégé d'histoire et enseigne actuellement au lycée Claude Gellée d'Epinal. Il mène des recherches sur l'histoire des relations franco-­‐allemandes dans l'entre-­‐
deux-­‐guerres. ‹/H%ORJGHO¶KLVWRLUHKWWSEORJSDVVLRQ-histoire.net)
Août 2010 6