ÿþM i c r o s o f t W o r d - L e _ l a b o _ 3 _ b r a s s e n s . d o c
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Numéro 3 du 15 janvier 2008 http://www.clionautes.org Brassens fait partie, avec Ferré, Brel et Trenet, des meilleurs chanteurs compositeurs interprètes de la chanson francophone. Les textes de Brassens ont été écrits entre les années 40 jusqu’à la toute fin des années 70. Il existe actuellement plus de 200 chansons enregistrées dont 12 albums publiés de 1953 à 1976 par Brassens lui-même. En 1985, son ami Jean Bertola enregistre les 17 dernières chansons que Brassens n'a pas eu le temps d'enregistrer. C'est parmi elles que se trouve Honte à qui peut chanter. Son style musical est caractérisé par un dépouillement apparent (même si l’écriture est loin d’être simpliste). Ses chansons ont donc musicalement bien vieilli ce qui rend leur passage en cours plus facile. Il en va tout autrement des textes. Brassens manie presque tous les niveaux de langue du français du précieux (quand il met en musique Corneille ou Lamartine) à l’ordurier («le petit fils d’Oedipe »). Son vocabulaire est très riche, il contient des mots rares, des tournures argotiques, des allusions et des jeux de mots littéraires raffinés. Une analyse en classe est donc nécessaire avant de pouvoir utiliser ces textes dans un cours d’histoire ou d’éducation civique. Brassens en Éducation Civique Si son engagement anarchiste n’est pas aussi revendiqué que celui de Ferré, ses positions anticléricales et antimilitaristes sont explicites dans plusieurs chansons (« La religieuse », «Les patriotes»). Dans le cadre d’un cours d’Éducation Civique, l’aptitude de Brassens à combiner des positions morales traditionnelles - son passéisme revendiqué (Le passéiste) pouvant parfois tutoyer le réactionnaire (Tempête dans un bénitier) - et des idées très libérales (au sens initial du terme) (contre la peine de mort dans La messe au pendu, contre les règlements de comptes suite à la libération dans La tondue, indulgence envers les voleurs des Stances à un cambrioleur ou des Quatre bacheliers, texte largement autobiographique) permettent de jouer sur plusieurs tableaux. Les thèmes dominants sont la difficulté qu’il y a à juger autrui (qu'il pousse à l’extrême dans Les deux oncles en renvoyant dos à dos collaborateurs et résistants) et celle qu’il y a s’engager (la vanité et l’inutilité des engagements extrémistes sont attaqués dans Mourir pour des idées). Il tient probablement cette dualité de ses parents : une mère napolitaine très catholique et un père anticlérical. Brassens en histoire Les chansons de Brassens sont souvent des portraits de petites gens ou des souvenirs personnels (Jeanne, La fille à cent sous, L’épave) et traitent rarement de la Grande Histoire dont il se moque parfois comme dans La Guerre de 14-18). La période explicitement la plus évoquée correspond à la jeunesse de l’artiste, à savoir la seconde guerre mondiale (Entre la rue Didot et la rue de Vanves, Tant qu’il y a des Pyrénées). Le texte analysé en détail cidessous est donc un exemple assez unique de par la présence de plusieurs notions historiques. Il est en outre assez représentatif des positions de Brassens en matière de morale. Une chanson : « Honte à qui peut chanter » Cette chanson paraît particulièrement adaptée à une utilisation en classe, car elle évoque une grande partie des événements qui ont été étudiés en classe de troisième, sur un des thèmes transversaux de ce programme : l’engagement citoyen. Le labo des Clionautes, n°3 du 15 janvier 2008 1 Le texte de la chanson Brassens répond ici au poème « A Némésis » d'Alphonse de Lamartine : « Honte à qui peut chanter pendant que chaque femme Sur le front de ses fils voit la mort ondoyer, […] » (Voir l'intégrale du texte sur http://poesie.webnet.fr/poemes/France/lamartin/60.html) et sa position est bien différente... Il a également chanté une partie de « Pensées des morts », du même auteur. (http://poesie.webnet.fr/poemes/France/lamartin/51.html). Certaines expressions du texte (soulignées, ici) nécessitent certainement une explication pour des élèves que vous trouverez sur le site des Clionautes (www.clionautes.org/html/brassens/ ). Alors que Lamartine dénonce ceux qui chantent quand que le malheur s’abat, Brassens ironise : puisque les malheurs sont permanents, quand chanterait-on ? Le texte dresse une liste d’événements dramatiques du XXème siècle et des chansons que leurs contemporains chantaient malgré l’adversité, comme l'avaient fait avant eux Gavroche sur une barricade de 1848 ou la Mimi Pinson d’Alfred de Musset. Refrain Honte à cet effronté qui peut chanter pendant Que Rome brûle, ell' brûl' tout l' temps... Honte à qui malgré tout fredonne des chansons A Gavroche, à Mimi Pinson. 1. En mil neuf cent trent'-sept que faisiez-vous mon cher ? J'avais la fleur de l'âge et la tête légère, Et l'Espagne flambait dans un grand feu grégeois. Je chantais, et j'étais pas le seul : "Y a d' la joie". 2. Et dans l'année quarante mon cher que faisiez-vous ? Les Teutons forçaient la frontière, et comme un fou, Et comm' tout un chacun, vers le sud, je fonçais, En chantant : "Tout ça, ça fait d'excellents Français". {Refrain} 3. A l'heure de Pétain, à l'heure de Laval, Que faisiez-vous mon cher en plein dans la rafale ? Je chantais, et les autres ne s'en privaient pas : "Bel ami", "Seule ce soir", "J'ai pleuré sur tes pas ". 4. Mon cher, un peu plus tard, que faisait votre glotte Quand en Asie ça tombait comme à Gravelotte ? Je chantais, il me semble, ainsi que tout un tas De gens : "Le déserteur", "Les croix", "Quand un soldat". {Refrain} 5. Que faisiez-vous mon cher au temps de l'Algérie, Quand Brel était vivant qu'il habitait Paris ? Je chantais, quoique désolé par ces combats : "La valse à mille temps" et "Ne me quitte pas". 6. Le feu de la ville éternelle est éternel. Si Dieu veut l'incendie, il veut les ritournelles. A qui fera-t-on croir' que le bon populo, Quand il chante quand même, est un parfait salaud ? 1. La guerre d’Espagne, n’a pas empêché les Français, dans l’euphorie du Front Populaire, de chanter cette chanson légère (même si la fin laisse entrevoir le retour à un réel désenchanté) de Trenet . 2. L’invasion de la France par l'Allemagne et les déplacements de population qui en découlent font partie de la jeunesse de Brassens qui a dû rejoindre Sète après le bombardement de l'usine de Billancourt où il travaille au printemps 1940. « Et tout ça » (1940), qui fut le grand succès de Maurice Chevalier pendant la drôle de guerre montre des soldats qui, même s'il ont le souci du devoir comme leurs ainés en 14/18, restent des civils dans l'âme. 3. Pour la période de l’occupation, des chansons sentimentales : « Bel Ami » (1939), chanson mi-sentimentale/mi-comique semble résolument hors sujet. Il faut se rappeller que le personnage principal du roman de Maupassant, Georges Duroy, est un arriviste qui se sert des femmes pour progresser dans le monde, sur fond de journalisme et de scandales politico financiers, on comprend qu'en 1939, le public ne pouvait pas ne pas rapprocher Bel Ami de l'affaire Stavisky et de la vague d'antiparlementarisme qui s'ensuivit. « Seule ce soir » (1941) est une chanson de l’attente. Mais de l'attente de qui ? D'un prisonnier ? Cela contredirait le vers « Dans ce coin par toi dédaigné ». En 1941, le STO n'existe pas encore. Ne pourrait-on pas penser qu'il s'agit plutôt de la Liberté ? « J'ai pleuré sur tes pas …» (1943) évoque le départ puis le retour. Un signe de l'espoir qui pointait après Stalingrad, sur une liberté en chemin ? 4. Brassens évoque les guerres de décolonisation. « Le déserteur », célèbre chanson de Boris Vian longtemps interdite de diffusion, est sortie l'année de Diên Biên Phù et du début de la guerre d'Algérie. Elle deviendra le symbole du pacifisme. « Quand un soldat », de Nathan Korb, résistant dont les parents ont vécu les persécutions nazies et également ami de Montand, est aussi une chanson antimilitariste. 5. Brassens avoue ici avoir chanté les succès de Brel, plutôt que de s’engager dans le combat contre la guerre d’Algérie. Malgré le thème des conflits qui sert de fil rouge à « Honte à qui peut chanter », aucune de ces chansons n'est réellement une chanson patriotique. Connaissant l'anarchisme hédoniste et l'antimilitarisme de Brassens cela semble normal. Mais jamais il ne cherche à convaincre : le « bon peuple » a le choix d'agir ou de ne pas agir et Brassens affirme le droit de vivre paisiblement en marge des événements. Le labo des Clionautes, n°3 du 15 janvier 2008 2 Quelques idées pour un questionnement : 1er couplet : 1937 - La Guerre d'Espagne : Quel conflit est évoqué dans ce couplet ? Dates ? Forces en présence ? Qui intervient dans le conflit ? Connaissez-vous une oeuvre picturale qui pourrait illustrer l'expression « Et l'Espagne flambait dans un grand feu grégeois » ? (Guernica de Pablo Picasso). Quelle est l'issue de ce conflit ? 2è couplet : 1940 - La défaite et l'exode : Quel événement est évoqué dans ce couplet ? Dates ? Par quel événement s'achève-t-il ? Quelle conséquence de cet événement est évoquée par l'expression « vers le sud je fonçais » ? 3è couplet : 1940/1945 – l'occupation : Comment appelle-t-on la période évoquée par l'expression « à l'heure de Pétain, à l'heure de Laval » ? Qui sont Pétain et Laval et que représentent-ils ? Quels événements sont évoqués par l'expression « la rafale » ? (Les exécutions de résistants et d'otages par les nazis). 4è couplet : Les années 50 - La décolonisation en Asie : Que se passe-t-il en Asie pour que Brassens puisse dire que « ça tombait comme à Gravelotte » ? Pouvez-vous citer quelques uns de ces conflits ? Quelle conférence internationale vient clôturer cette période de conflits ? 5è couplet : La Guerre d'Algérie : Qu'est ce que Brassens appelle le temps de l'Algérie ? dates ? Quelles forces s'y opposaient ? Par quel événement s'achève-t-il ? 6è couplet : Que faire face aux conflits ? : Quelle est l'opinion de Brassens sur ceux qui ne se sont pas engagés dans les conflits du XXè siècle qu'il évoque dans sa chanson ? (Il se garde bien de les juger !) Autres activités possibles : Création d'un nouveau couplet à propos d'un conflit plus récent (Yougoslavie, Irak par exemple...), Réalisation d'une carte et/ou d'une chronologie pour situer les conflits évoqués. En musique, étudier l'évolution des styles musicaux de la chanson française sur cette période. Expression écrite : Partagez vous l'idée développée ici par Georges Brassens ? Le thème de la chanson engagée à travers les chansons en temps de guerre. Par exemple, étude détaillée du Déserteur de Boris Vian. Place dans les programmes La chanson « Honte à qui peut chanter » (1985) chanson particulièrement riche, permet en troisième de réviser la quasi-totalité du programme d'histoire. Elle peut aussi s'inscrire dans un travail sur la question de la résistance et de la collaboration, ou de l'engagement du citoyen, en histoire ou en éducation civique. Place dans le Socle Commun des Connaissances et des Compétences ( Pilier 5 : la Culture Humaniste) Histoire/géographie: - Les divisions de la société française dans les années trente, le Front populaire - Le régime de Vichy, le rôle de la France Libre et de la Résistance - La guerre d'Algérie - L’évolution de l’organisation du monde après la Seconde Guerre mondiale (bipolarisation, décolonisation et émergence du Tiers Monde, effondrement du communisme) Domaine littéraire - Etudier des textes et œuvres littéraires pour en construire le sens, les situer dans l'histoire. - Formuler sur ses lectures une opinion écrite ou orale. - Produire un texte dans la continuité des œuvres lues. Domaine artistique Situer une œuvre dans le contexte historique et culturel. Mettre en relation à la lecture, à l'observation ou à l'écoute les œuvres principales étudiées. Le labo des Clionautes, n°3 du 15 janvier 2008 3 Autres chansons engagées de Brassens. La mauvaise réputation (1952) La mauvaise herbe (1954) La guerre (1957) La guerre de 14-18 (1962) La tondue (1964) Les deux oncles (1964) La ballade des gens qui sont nés quelque part (1972) Mourir pour des idées (1972) Les patriotes (1976) Tant qu'il y a des Pyrénées (1985) Quant les cons sont braves (1985) Entre la rue Didot et la rue de Vanves (1985) La légion d'honneur (1985) Les châteaux de sables (1985) Du fait d'un vocabulaire souvent compliqué et parfois ordurier, certaines de ces chansons ne sont pas utilisables, du moins intégralement, en classe ! Sur le Web Paroles et musiques - Le Hall de la chanson réalisé par le Centre national du patrimoine de la chanson, des variétés et des musiques actuelles. http://www.lehall.com/ Propose extraits sonores, notices sur les chansons, biographies, ... - Le site Jalons de l'INA : http://www.ina.fr/archivespourtous/?vue=fresque_int eractive - Le portail de la musique de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Musique - Le petit dictionnaire de la chanson française : http://www.chansonfrancaise.net/ Musique et Histoire - Les Chansons sous l'occupation : http://www.lehall.com/galerie/occupation/ - Du Temps des cerises aux Feuilles mortes, un site consacré à la chanson française de la fin du Second Empire aux années cinquante : http://www.chanson.udenap.org/ - L'histoire de France en chansons : http://bmarcore.club.fr/mil/index.htm Lire… Loïc Rochard, Brassens par Brassens, 2005. ISBN : 2-74910-405-X Isabelle Doré-Rivé, Chantons sous l'occupation, Somogy 2004. ISBN :2-85056720-5 N'ayant pas trouvé leur place dans l'espace réduit de ces pages, nous vous invitons à consulter les compléments à cet article sur le site des Clionautes. Vous y trouverez une étude lexicologique du texte de « Honte à qui peut chanter », des liens vers les textes des différentes chansons évoquées par Brassens, ainsi que des liens vers des enregistrements (complets ou en extraits) de ces chansons. Source : Flick'r George Brassens - Un site d'analyse collaborative des textes de Brassens : http://www.analysebrassens.com/ - Comme son nom l'indique : http://www.lesamisdegeorges.com/ - Un site personnel sur l'utilisation de la chanson en cours de Français : http://www.elores.com/chanson/ Les auteurs Le_Labo, revue bimestrielle des Clionautes Caroline Tambareau enseigne en collège dans l'académie de Rouen. Fred Jouneau enseigne à l'Université de Lille.. Le labo des Clionautes, n°3 du 15 janvier 2008 Directrice de publication : Caroline JouneauSion Rédacteur en chef : Jean-Pierre Meyniac Adhérer à l’association : http://www.clionautes.org/spip.php?article493 4