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L’Encéphale (2011) 37, 339—344 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP CLINIQUE Le mutisme hystérique Hysterical mutism J.-P. Schuster a,∗, S. Mouchabac b, Y. Le Strat c, F. Limosin a,c a Service universitaire de psychiatrie, hôpital Corentin-Celton, assistance publique—hôpitaux de Paris, université Paris Descartes, 4, Parvis-Corentin-Celton, 92130 Issy-les-Moulineaux, France b Département de psychiatrie et de psychologie médicale, CHU Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France c Inserm U894, centre de psychiatrie et neurosciences, hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris, France Reçu le 9 octobre 2009 ; accepté le 21 septembre 2010 Disponible sur Internet le 2 février 2011 MOTS CLÉS Mutisme ; Trouble de conversion ; Hystérie KEYWORDS Mutism; Conversion disorder; Hysteria ∗ Résumé Identifié de tout temps, le mutisme hystérique est rentré dans le champ médical sous l’impulsion de Jean-Martin Charcot. Depuis, même si ce trouble s’est imposé comme entité clinique, il reste peu connu. À travers la revue de la littérature, se dessine un trouble rare, environ 5 % des dysphonies fonctionnelles, et concernant principalement les femmes âgées de 30 à 40 ans. L’existence d’une comorbidité psychiatrique ne semble pas être la règle. L’histoire naturelle de ce trouble est peu connue, rendant délicate l’évaluation de l’efficacité des nombreuses thérapies proposées. Aujourd’hui, le terme de mutisme hystérique n’apparaît pas en tant qu’entité propre dans les classifications internationales. Repéré en tant que trouble médical et décrit par l’école de la Salpêtrière, ce trouble bruyant n’a soulevé que peu d’intérêt, rendant sa connaissance aujourd’hui imprécise. Sa prise en charge est particulièrement complexe. La médicalisation de cette affection reste toutefois difficile du fait de l’importance de la stigmatisation qui lui est associée, qui contribue au rejet plutôt qu’à la prise en charge des patients souffrant de mutisme. Afin de mieux comprendre ce trouble et d’améliorer la prise en charge des patients qui en souffrent, un regain d’intérêt paraît souhaitable. © L’Encéphale, Paris, 2010. Summary Background. — Conversion disorders comprise many clinical pictures, including hysterical mutism. Hysterical mutism has emerged as a clinical entity that remains difficult to diagnose, and whose treatment is poorly codified. Hysterical mutism is a disorder of the vocal function without changing the integrity of the body, resulting in loss of voice. Identified at all times, hysterical mutism entered the medical field in the late nineteenth century, under the direction of Jean-Martin Charcot (Salpêtrière School). Since then, although the disorder has emerged as a clinical entity, it remains little known. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Schuster). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2010. doi:10.1016/j.encep.2010.12.006 340 J.-P. Schuster et al. Method. — A systematic review of the literature. We performed electronic literatures search of relevant studies using Medline, SUDOC, and BIUM. Search terms used were mutism, functional aphonia, conversion disorder, hysteria. Results. — The epidemiology of hysterical mutism is difficult to assess. The first limitation is the lack of consensensual diagnostic criteria. An estimate of its frequency may be advanced through registries consultation of otolaryngology-head and neck surgery. Through a literature review, emerges a rare disorder, about 5% of functional dysphonia. The sex-ratio is in favour of women. Regarding age of onset of disorder, functional aphonia mainly concerns adults with an average around the age of 30—40 years. The onset of the disorder typically involves a sudden onset and a recent stressful event. The duration of the disorder is difficult to specify. It appears that this dysfunction is rapidly reversible and that the majority of patients are in remission of this disorder within three months. The recurrence of dysfunction seems to be frequent. The existence of psychiatric comorbidity did not appear to be the rule. The natural history of this disorder is not known making it tricky to evaluate the efficiency of therapeutic approaches. Conclusion. — Today the term hysterical mutism does not appear as an entity in either international classification. It belongs to the category of conversion disorder in the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV-TR). Identified as a medical entity described by the school of the Salpêtrière, this disorder has raised little interest. The medicalization of the condition remains difficult because of the importance of stigma associated with it, which contributes to the rejection rather than support of patients with mutism. To better understand this disorder and improve the care of patients who suffer, renewed interest is warranted. © L’Encéphale, Paris, 2010. « Tous les symptômes du mutisme hystérique, (. . .) symptomatologie si complexe et si spéciale à la fois. » J.-M. Charcot [15]. Introduction Les troubles de conversion recouvrent de nombreux tableaux cliniques, dont le mutisme hystérique. Existant dans l’imaginaire populaire sous l’expression « avoir perdu sa langue », le mutisme hystérique s’est imposé comme entité clinique qui reste cependant difficile à diagnostiquer et dont le traitement est mal codifié. Le mutisme hystérique est une atteinte de la fonction phonatoire sans modification de l’intégrité organique, entraînant une disparition de la voix. La terminologie utilisée dans la littérature concernant les troubles de la voix non organique est restée imprécise pendant de nombreuses années, avec l’usage du terme aphonie psychogène ou fonctionnelle qualifiée de perte plus ou moins complète de la voix [19]. Le terme de mutisme ne souffre pas de cet imprécision, il est défini par l’absence de l’expression verbale, les centres du langage et ses organes d’expression étant indemnes de lésions. Ce mutisme peut s’inscrire dans le cadre d’un syndrome mélancolique, d’une confusion mentale, d’un syndrome délirant ou, classiquement, dans un syndrome de conversion [3]. Dans ce dernier cadre, le terme de mutisme fonctionnel ou hystérique semble plus approprié que le terme d’aphonie hystérique pour définir la disparition totale du langage oral sans participation organique. Il correspond au trouble fonctionnel psychogénique de la voix de type 1 selon la classification proposée par Baker et al. [5]. Historique Dans l’antiquité, les auteurs classiques rapportent des cas de recouvrements inattendus de l’usage de la parole préalablement perdue. La lecture de ces récits évoque la possibilité de cas de mutisme hystérique. Le plus célèbre est rapporté par Hérodote et concerne le fils de Crésus. Lors de la prise de Sardes par les armées de Cyrus victorieuses, un Perse allait tuer Crésus sans le reconnaître. Le fils muet du roi défait, à la vue du Perse qui se jetait sur son père, saisi d’effroi, s’écria alors : « Soldat, ne tue pas Crésus ! » Tels furent ses premiers mots ; et il conserva la faculté de parler le reste de sa vie [27]. Les exemples historiques se succèdent. Il est à noter que cette symptomatologie sans cause organique évidente s’est placée à la fin du Moyen Âge sous l’autorité du sacré et du mystérieux, tout à la fois signes de stigmates religieux ou de sorcellerie. C’est à la fin du XIXe siècle que le mutisme hystérique est étudié en tant que trouble médical, sous l’impulsion de Jean-Martin Charcot et l’école de la Salpêtrière. En 1886, Cartaz consigne des observations de mutisme et d’aphonie hystérique dans son mémoire Du mutisme hystérique cité par Biolet [10]. Ces troubles se différencient par leur fréquence, rare pour le premier et élevée pour la seconde, et par la possibilité d’émission sonore, celle-ci restant possible dans l’aphonie quoique effectuée de façon chuchotée. Un an plus tard, Bouchaud, médecin chef de l’asile de Lommelet près de Lille, à propos d’une observation [11] rappelle l’enseignement de Charcot en décrivant les caractéristiques essentielles du trouble le distinguant de l’aphasie motrice d’origine organique. Il replace notamment la symptomatologie dans le cadre de l’hystérie. Pour Bouchaud, « la perte de la parole est une manifestation assez fréquente de Le mutisme hystérique l’hystérie. Elle est signalée sous le nom de mutisme hystérique, (et) si l’affection hystérique se montre le plus souvent polymorphe, elle peut se trouver, en revanche, réduite à un seul élément symptomatique. Il en est ainsi du syndrome mutisme hystérique. Il se montre quelquefois parfaitement isolé, seul témoin de la maladie ». Dans une de ses Leçons, Charcot présente le cas d’un jeune patient de 21 ans, maçon, qui dans l’exercice de son métier est tombé d’un échafaudage de trois étages. Suite à ce traumatisme professionnel, ce patient est devenu « le héros de toute une Iliade de phénomènes hystériques » et en particulier un mutisme hystérique, défini par une aphasie motrice sans accompagnement d’agraphie [16]. En 1891, dans la droite ligne de l’enseignement du maître de la Salpêtrière, Biolet [10] soutient sa thèse pour le doctorat en médecine, intitulée Quelques considérations sur le mutisme hystérique. Celle-ci s’articule autour de vingtsix observations, vingt issues du mémoire de Cartaz, trois des leçons du mardi du Pr Charcot, et trois de l’expérience de l’auteur. Le tableau clinique du mutisme hystérique est ainsi décrit : « Dans la grande majorité des cas le mutisme hystérique débute brusquement. Il survient à la suite d’une grande frayeur, d’une émotion vive de nature quelconque, on le voit se produire parfois au sortir d’une attaque hystérique ; ou bien sans cause provocatrice apparente dans le cours de l’aphonie hystérique. La durée est extrêmement variable : tantôt de quelques heures, de quelques jours à peine, on l’a vu s’étendre à des mois, à des années même. La guérison est constante et la disparition du mutisme est le plus souvent aussi soudaine qu’en avait été l’apparition. Elle survient donc brusquement, et, comme devant, à la suite d’une vive émotion. Les récidives sont fréquentes. » [10]. Biolet, rapportant un postulat de Charcot, souligne que « si l’individu muet ne peut chuchoter, (. . .) c’est parce qu’il lui manque désormais la possibilité d’exécuter les mouvements propres, spécialisés, pour l’articulation des mots ; il est privé en d’autres termes des représentations motrices nécessaires pour la mise en jeu du mécanisme de la parole articulée » [10]. Il est à noter, qu’à cette même période en AutricheHongrie, Arthur Schnitzler, plus connu pour son œuvre littéraire, s’intéresse à ce trouble de la parole dans le service d’oto-rhino-laryngologie dirigé par son père à l’université de Vienne. Influencé par la lecture de Bernheim (traduite par Freud [7]), Schnitzler rapporte six cas d’aphonie hystérique traités par hypnose [36]. Il propose d’écarter le terme d’hystérie, trop stigmatisé, pour qualifier ce trouble de fonctionnel. Au début du XXe siècle, Janet, dans Les névroses [30], fixe le tableau clinique du mutisme hystérique. Il est décrit dans les symptômes de la névrose hystérique et plus particulièrement dans le troisième chapitre concernant les troubles du langage. Dans ce cadre, il est traité de façon liée aux agitations verbales hystériques, crises de « logorrhée dans lesquelles le sujet parle indéfiniment, à tort et à travers, de toute espèce de chose sans pouvoir s’arrêter ». Pour Janet, le mutisme hystérique survient chez des sujets hystériques avérés qui ont déjà présenté beaucoup de symptômes névrotiques, à la suite d’une grande émotion assez subite ou d’un somnambulisme, mais il peut aussi survenir chez des personnes sans antécédents particuliers notables. 341 À la phase d’état, le patient a une compréhension conservée sans altération intellectuelle. Il n’a pas l’« air hébété, il semble, au contraire, intelligent et vif ». Selon Janet, un fait caractéristique est que le patient ne semble pas essayer de répondre oralement aux questions : « Il ne fait pas ces efforts que fait un individu aphasique ou que fait tout simplement un étranger qui cherche à s’exprimer dans une langue qu’il connaît mal. Il n’a pas l’air de croire que l’on puisse répondre par la parole, il n’ouvre pas la bouche, ne fait entendre aucun son, il répond par écrit. En un mot, il n’y a pas là une parole imparfaite, il n’y a pas là de parole du tout et il semble même que ce malade n’a plus l’idée ni le désir de la parole. Le sujet semble avoir oublié cet usage qu’à tort ou à raison les hommes ont fait de leur bouche » [30]. Janet indique l’absence à peu près totale de phénomène paralytique. Il existe de petits troubles du mouvement localisés, qui ne rendent pas compte de la paralysie du langage. Dans un cadre dépassant la description clinique des phénomènes hystériques, Janet propose une théorisation de ces phénomènes. Pour lui, « [. . .] les choses se passent comme si la fonction du langage cessait d’être à la disposition de la conscience personnelle qui ne sait plus ni l’arrêter ni la provoquer. La fonction du langage subsiste, mais elle est simplement diminuée en ce sens qu’elle n’est plus consciente ni personnelle. (. . .) c’est une dissociation des fonctions » [30]. Données actuelles Si l’entité « mutisme hystérique » est reconnue depuis plus d’un siècle, peu d’études récentes s’y sont intéressées. L’épidémiologie du mutisme hystérique est difficile à évaluer. Une estimation de sa fréquence peut être avancée grâces aux registres de consultation d’otorhino-laryngologie. En 1969, Brodnitz indique que sur 2087 consultations, 1677 patients présentaient un trouble de la voix qui n’était pas en lien avec un handicap organique. Parmi ceux-ci, 74, soit 4,4 %, avaient une aphonie fonctionnelle totale [13]. Ces chiffres sont comparables à ceux avancés par Le Huche et Yana. Dans un rapport de la Société française de phoniatrie en 1974, ils indiquent que les aphonies concernent 5 % de l’ensemble des cas de dysphonies dysfonctionnelles [32]. Parmi les 109 patients présentant un trouble fonctionnel de la voix répertorié entre 1977 et 1981 dans un centre spécialisé du Middlesex Hospital à Londres, neuf présentaient une aphonie totale [39]. Le mutisme hystérique reste rare, ainsi House et al. ne rapportent aucun cas parmi 71 patients présentant un trouble fonctionnel de la voix [28]. Le sex-ratio est en faveur d’une prédominance féminine de l’aphonie fonctionnelle (Tableau 1). Il existe cependant des exceptions notables à cette prédominance : lors des conflits armés, le mutisme fonctionnel semble être relativement fréquent parmi les soldats ayant vécu d’importants traumatismes [23]. Ainsi, pendant le premier conflit mondial, Carl Otto Von Eicken avait créé une section spéciale à Berlin pour porter soins aux soldats présentant une aphonie psychogène. Head note que durant ce conflit les troubles de la parole étaient parmi les accidents hystériques les plus fréquents, 342 Tableau 1 J.-P. Schuster et al. Sex-ratio de l’aphonie fonctionnelle. Étude Année Barton [6] Cornut [18] Aronson et al. [4] Brodnitz [13] Bridger et al. [12] Gerritsma [22] Gunther et al. [24] Tsunoda et al. [38] White et al. [39] Shen [37] House et al. [28] 1960 1965 1966 1969 1983 1991 1996 1996 1997 1998 1987 Nombre de sujets inclus Proportion de femmes (%) 20 25 27 62 109 82 49 10 19 27 71 100 88 88 80,6 68 91,5 93,9 90 95 96,3 86 et que parfois ces patients présentaient un mutisme [26]. Concernant l’âge de survenue des troubles, l’aphonie fonctionnelle concerne essentiellement l’adulte entre 20 et 50 ans, avec une moyenne autour de l’âge de 40 ans [12,13,32,40], ou de 30 ans selon les études [18,22,37,38]. Bridger et al. [12] rapportent le cas d’un patient âgé de 79 ans. Il s’agit à notre connaissance du patient le plus âgé parmi les études concernant les aphonies fonctionnelles. Harris et al. [25] publient un article s’intéressant spécifiquement à une population pédiatrique, le plus jeune patient étant âgé de six ans. Froese et al. [21] publient en 1987 une revue de la littérature ne retrouvant qu’une douzaine de cas de dysphonie psychogène survenant avant l’âge de 16 ans. L’apparition du trouble associe classiquement un début brutal et un événement récent stressant [2]. L’existence d’un facteur déclenchant anxiogène est en effet le plus souvent retrouvée mais ne semble pas systématique. Ainsi, Bathia et al. n’identifient pas de cause dans 20 % des cas [8]. Les facteurs déclenchants les plus fréquents sont les périodes de stress en relation avec un examen, les conflits familiaux et les deuils [8]. Un événement traumatique n’est rapporté dans l’anamnèse des troubles sur une période de un an, que dans 23 % des cas dans l’étude de House et Andrews [29]. La durée des troubles est difficile à préciser. Il semble que ce trouble fonctionnel soit rapidement réversible et que la majorité des patients présente une rémission des troubles en moins de trois mois [12,25,37]. Les modes de reprise de la fonction langagière sont variables : progressif, brutal, ou progressif puis brutal [25]. La reprise ad integrum du langage oral est la règle générale [12]. La récurrence du trouble fonctionnel semble fréquente. Toutefois, peu d’études ont évalué ce risque. Günther et al. ont mis en place un suivi prospectif de 40 femmes sur une période de cinq ans [24]. Vingt et une de ces patientes ont présenté une récidive du trouble sur cette période, soit une prévalence de 52 %. La durée moyenne de ces récurrences était de 17 jours. Les patientes qui ont présenté des rechutes du trouble fonctionnel se différentiaient significativement des patientes avec un unique épisode par des scores plus élevés sur l’échelle d’anxiété-trait de Spielberger et par l’existence de problèmes dans le domaine de la vie privée plus fréquents. Elles présentaient un plus grand respect des normes sociales, traduisant une plus faible assertivité. House et Andrews indiquent, parmi leur échantillon étudié, que l’épisode évalué est une récurrence pour 27 % des patients [28], et dans la série de patients recrutés par Shen, 33 % des patients sont traités pour une récidive [37]. Gerritsma observe, au sein d’une population de 82 patients, que les patients ont présenté entre deux et trois épisodes similaires dans le passé [22]. Peu de données concernent les comorbidités psychiatriques du mutisme hystérique. Willinger et al. évaluent 61 sujets présentant une dysphonie fonctionnelle [40]. Dans cette population, plus d’un tiers des patients présentent un trouble de l’humeur et 20 % souffrent d’un trouble anxieux. Toutefois, pour House et al. la majorité des patients ne présente pas de diagnostic psychiatrique [28]. Ainsi, parmi 71 patients présentant une dysphonie fonctionnelle, 48 n’ont présenté aucun trouble psychiatrique le mois précédant le trouble, tandis que 11 avaient un trouble thymique, et 11 un trouble anxieux [28]. Butcher confirme ce résultat, et n’observe pas de troubles psychiatriques graves parmi les patients inclus dans son étude. Toutefois, les patients présentaient des niveaux considérables de stress et une difficulté marquée à exprimer leurs sentiments [14]. Dans le même registre, Kinzl et al. indiquent que 36 % des patients présentent des traits alexithymiques, et 18 % une structure de personnalité histrionique [31]. Gerritsma indique que, parmi les 82 patients de son étude, trois présentent une personnalité histrionique [22]. Aronson et al. [4] évaluent 27 patients présentant une aphonie psychogène à l’aide du Minnesota Multiphasic Personality Inventory : huit évaluations indiquent des traits histrioniques. Millar et al. [34] comparent des patients présentant des dysphonies organiques et fonctionnelles, ces deux populations se différencient uniquement sur les scores de la dimension extraversion du questionnaire de personnalité d’Eysenck, elles sont semblables sur l’ensemble des autres évaluations concernant les troubles thymiques et anxieux. On constate, à la lumière des recherches concernant l’étude des personnalités chez les patients présentant un trouble de conversion mutique, le faible lien entre personnalité histrionique et mutisme hystérique [20]. De nombreux thérapeutes ont proposé des techniques pour accélérer la guérison. On peut noter une variabilité Le mutisme hystérique importante des thérapies : de la suffocation à l’hypnose [33], de l’acupuncture [37] à la technique du karaoké [38], et de la faradisation endolaryngée [9] à l’injection intracarotidienne [1] ou encore à la « thérapie prokalétique » [35]. Cette dernière est une psychothérapie basée sur un lien fort entre le patient et le thérapeute, permettant à ce dernier de placer le patient dans une situation inconfortable de défi (prokalesis en grec) par rapport aux interprétations possibles de son symptôme. Il est également à noter un cas de guérison attribuée à la stimulation magnétique transcranienne [17]. L’absence de données sur l’évolution naturelle du trouble et le caractère non contrôlé de l’évaluation des thérapies proposées invitent à une grande prudence quant à la validation des effets thérapeutiques des techniques proposées. Concernant les traitements, Charcot notait avec un certain recul : « Quant au traitement il ne saurait être que psychique. La suggestion des malades, la démonstration qu’ils peuvent, qu’ils doivent parler, toutes les ressources enfin de l’influence morale seront mises en jeu mais le plus souvent le mutisme cesse brusquement à un moment où l’on s’y attend le moins » [15]. Conclusion Aujourd’hui, le terme de mutisme hystérique n’apparaît pas en tant qu’entité propre dans les classifications internationales. Il fait partie de la catégorie « trouble de conversion » dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, quatrième édition, texte révisé (DSM-IV-TR). Repéré en tant que trouble médical et décrit par l’École de la Salpêtrière, ce trouble bruyant n’a soulevé que peu d’intérêt rendant sa connaissance aujourd’hui imprécise. Sa prise en charge est particulièrement complexe. La médicalisation de cette affection reste toutefois difficile du fait de l’importance de la stigmatisation qui lui est associée, qui contribue au rejet plutôt qu’à la prise en charge des patients souffrant de mutisme. Conflit d’intérêt Aucun conflit d’intérêt. Références [1] Adeloye A. Hysterical deaf-mutism in a Nigerian soldier. Lancet 1972;2(7788):1200—1. [2] Akhtar S, Buckman J. The differential diagnosis of mutism: a review and a report of three unusual cases. Dis Nerv Syst 1977;38(7):558—63. [3] Altshuler LL, Cummings JL, Mills MJ. Mutism: review, differential diagnosis, and report of 22 cases. Am J Psychiatry 1986;143(11):1409—14. [4] Aronson AE, Peterson Jr HW, Litin EM. Psychiatric symptomatology in functional dysphonia and aphonia. J Speech Hear Disord 1966;31(2):115—27. [5] Baker J, Ben-Tovim D, Butcher A. Development of a modified diagnostic classification system for voice disorders with interrater reliability study. Logoped Phoniatr Vocol 2007;32:99—112. [6] Barton RT. 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