Un ange doit venir
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Un ange doit venir
Dans la première partie du XXe siècle, dans un village retiré de l’Ariège, la Vierge Marie apparut durant toute la vie d’une jeune fille aînée, orpheline de mère et en charge de ses frères et sœurs. Cette jeune fille n’avait guère plus de 16 ans. Elle était issue d’un milieu miséreux, sans éducation et méprisée de sa communauté. La saint Vierge l’enseignera, la guidera afin qu’elle assume dans l’espérance cette charge écrasante. Se confiant à son curé, il ne la crut pas et l’humilia… Dans les années 1990, sur une colline d’immondices aux Philippines, la Mère de Dieu apparut à un pauvre, âgé de 14-16 ans et entreprit de l’éduquer… Ces deux évènements illustrent quelque part la parole de Jésus et sa parabole au sujet des ouvriers de la dernière heure et son affirmation d’être venu pour les malades et non pour les biens portants. C’est à l’intention de tous nos frères et sœurs parmi les plus pauvres, les plus délaissés, au seuil de la célébration de la Résurrection de Jésus-Christ, que je publie cette fiction dialoguée de mon ami Louis Frigoule qui a inséré un poème de François Villon. (P-C. Aubrit Saint Pol) Un ange doit venir !... Par Louis Frigoule - « En voilà, une drôle d’affaire ! - Une jeune fille inconnue, habitant un village peu connu, contrainte de prendre pour mari choisi par l’Esprit Saint, un certain Joseph, inconnu du monde des vedettes ! - Une jeune fille consacrée au Temple dès son premier jour, dès le sein de sa mère Anne ! Eh bien quelle affaire est-ce là ? - Aucun scénariste n’aurait pu inventer cette fiction ! - Mais de quoi parlons-nous ? - D’un mystère ! D’un mystère dans un mystère qui est Dieu. Et ce n’est pas le 1er avril ! - Il paraîtrait que cette Marie aurait été annoncée un peu après qu’Adam et Ève aient refusé l’alliance avec leur Créateur. - Je ne te dis pas le bazar ! - Et ça mes enfants, bin ce n’est pas une farce ! - Ah bon ! Elle a pris son temps pour venir à nous ! - Mais c’est qui au fait ? Une nouvelle étoile d’un radio-crochet ! - D’une émission télé ! - Oui, mais on les connaît toutes et dans « The Voice » on n’a jamais entendu parler d’une Marie de Nazareth. - Elle chante bien ? - Elle est rockeuse ? - Est-elle bien roulée, des robes avantageuses ? - Elle porte du cuir ! Et elle s’en sniffe un derrière son micro ? - Non, même pas. - Ah bon ! - Pourquoi est-elle connue ? - Elle a été Mère tout simplement. - La mienne de maman est mère, elle n’est pas connue pour autant ! Même qu’elle a avorté quatre fois, ça ne l’a pas rendue célèbre ! - Mais pourquoi elle plus que ma mère ? - Parce qu’Elle a aimé tellement Dieu qu’elle a offert son unique enfant à la Justice divine ? - Ah bien ça ! quelle idée étrange ! - Dis, t’a pas de nouvelles de Lady Gaga ? - Elle a fini par le boulotter son manteau de viande, il était casher à ce qu’il paraît ! - Mais au fait cette Marie, Elle fait quoi dans la vie ? - Elle aime ! Et elle t’aime ! - Pourquoi elle m’aimerait ? Je n’ai pas couché avec elle ! - Elle t’aime depuis ton baptême. - Oh ! il doit y avoir erreur ! - Ma marraine, elle faisait le trottoir et elle est morte du sida ; ça ne doit pas être le genre ! - Non, Elle n’a jamais connu d’homme. - Mais Elle a eu un enfant, tu viens de nous le dire ! - C’est un conte ! Pas d’homme pas d’enfant, du moins pas à son époque. Il n’y avait pas de procréation médicalement assistée ! - Moi, si ma meuf venait à attendre un enfant qui n’est pas de moi, je lui en collerai quelques-unes… - Ce Jésus, c’est celui que dessine Polo, mon pote ? Il dit qu’il est obsédé par son regard ! Il se sent aimé qu’il dit ! - Bon, aujourd’hui on revient bredouille de Pôle-emplois et des intérims, suis-nous. - Tu nous parleras de cette Marie ! - On t’emmène dans notre squat. On aime bien des gars comme toi ! Le délire, ça nous connaît ! - On se réchauffera au tour d’un poêle, d’une bonne bière et peutêtre d’un joint ! - On appelle ça : « le goûter d’Hollande ! » sans fromage. - Eh les mecs ! On a un délire ! - Il s’appelle, ce délire ? - François Villon, du Marais. - Connais pas ! quel marais ? - De tous les marais ! - Tu cultives ? - Oui, les mots. - Ce sont des légumes, des fruits, de l’herbe ? jamais entendu parler. - Toinon, fais pas chier ! Arrête ton jacques ! - Quoi Paulo, ton Jésus t’a souri ? - Il pourrait te sourire en ce moment ! - Raconte ton délire François, ce sera ton loyer pour la nuit. - Eh, les gars ! Je viens de rencontrer Voilette Joséphine, elle m’a dit qu’un ange venait chez nous ! - Eh bin ! cette fois elle a fait fort avec l’eau bénite ! - Arrête ! son regard était loin. Elle avait plus de rides et elle souriait comme quand elle a dit à Paulo qu’il serait un jour curé ! - Bon, y-a-pu qu’à attendre ! - Raconte François ! - Les mots que tu cultives, qu’est-ce ? - De la poésie ! - Ça nous botte ! Car entre nous, il n’y a que des manuels ! - On n’a pas dépassé le bac de la 3e. - Cette Marie de Nazareth qui est-ce ? - On en connaît bien quelques Marie, mais ce n’est pas le genre de ta Marie. - Et t’as l’air d’y tenir ! - Si vous voulez bien, je vais vous réciter un poème ! - C’est une attrape ! - Si c’est toi qui l’as écrit, on veut bien ! - J’en suis l’auteur. - On t’écoute ! - « Ballade pour prier Notre Dame »1 : Poème de François Villon, restitué à partir des travaux d’Ouattara Gouche. F. Villon est né à Paris en 1431 ; à partir de 1463, suite à une risque à Paris qui lui valut d’être condamné à être pendu –jugement cassé en appel – il disparaît. On ignore tout de sa fin de vie. 1 « Dame du ciel, régente terrienne, Impératrice des infernaux marais, Recevez-moi, votre humble chrétienne, Que je sois compté entre vos élus, Bien que rien ne vaut de moi. Les biens de vous, ma dame et ma maîtresse, Sont beaucoup plus grands que moi pécheresse, Sans lesquels une âme ne peut mériter Ni avoir les cieux. J’en suis menteuse ; En cette foi, je veux vivre et mourir. A votre fils dites que je sienne ; De lui soient mes péchés lavés ; Pardonnez-moi comme à l’Égyptienne, Ou comme au prêtre Téophilus, Lequel par vous fut quitte et pardonné Bien qu’il eût au diable fait promesse. Préservez-moi de faire jamais cela, Vierge, toujours vierge, Le sacrement qu’on célèbre à la messe ; En cette foi, je veux vivre et mourir. Femme je suis pauvrette et ancienne Qui rien ne sais ; ni lire non plus. A l’église vois, dont je suis paroissienne, Paradis peint, où sont harpes et luths Et un enfer où damnés sont bouillis ; L’un me fait peur, l’autre et joie et liesse. La joie vous me faites, haute Déesse, A qui pécheurs doivent tous recourir, Comblés de foi, sans faim ni paresse : En cette foi, je veux vivre et mourir. Vous portâtes, digne Vierge, princesse, Jésus régnant, qui n’a ni fin ni ne cesse Le Tout-Puissant, prenant notre faiblesse, Laissa les cieux et vint nous secourir, Offrir à mort sa très chère jeunesse ; Notre-Seigneur, tel est tel ma foi En cette foi, je veux vivre et mourir. » - Eh ! Polo, tu pleures ! - Elle doit être très belle cette Marie ! - Pourquoi est-elle si près de Dieu ? - Elle Lui a tout donné et Dieu l’a comblée. - Tu crois qu’Elle peut nous aimer, nous des zonards ? - Car qui peut vouloir de nous ? - Nous sommes des marginaux ! - Nous sommes des délinquants, à ce qu’il semble ! - Son amour pour vous est plus grand encore, Elle vous veut à sa cour céleste. - Mais nous, sauf Polo, on a fait de la prison, on fume, on boit. - Personne ne nous regarde ! - Personne ne nous veut ! - Pas même nos parents ! - On n’a pas de maison, on est sans amour ! - Et on n’a pas de plaque de cuivre ! - On est rien ! - Si, Marie vous regarde, et elle compte sur vous. - Tu nous as vus ! quand les flics nous arrêtent, c’est à peine s’ils nous regardent ! - Tu penses qu’Elle nous regarde ! - Qu’est-ce qui le prouve ? - Moi, au milieu de vous ! Tous s’entre-regardent. Ils se tournent vers leur visiteur qui n’est plus là ! - Les mecs, c’est décidé on va aller voir Voilette Joséphine, il n’y a qu’elle qui nous aime. Elle saura ce qu’il faut faire. - On va suivre le catéchisme ! - On va retourner à l’école ! - Avant, on se fait une promesse ! On ne se sépare pas, on marche ensemble avec Marie. - OK mecs ! Et Polo sera notre curé. - Un ange viendra vous visiter ! c’est Voilette Joséphine qui avait raison ! - Aller, on va cogner à sa porte ! - T’as vu l’heure ! - Ce n’est pas grave ! Car si ce qu’on vient de vivre est du ciel, elle nous attend. - Vous savez qu’on ne sait pas où on va ! - Ce n’est pas grave puisqu’il paraît qu’on rencontrera l’amour… »