Néologie, nouveaux modèles théoriques et NTIC

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L’adaptation morphologique des emprunts néologiques : en quoi est-elle
précieuse ?
Anna Anastassiadis-Syméonidis et Georgia Nikolaou
Langages / Volume 2011 / Issue 183 / September 2011, pp 119 - 132
DOI: 10.3917/lang.183.0119, Published online: 03 April 2013
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Anna Anastassiadis-Syméonidis et Georgia Nikolaou (2011). L’adaptation morphologique des emprunts néologiques : en
quoi est-elle précieuse ?. Langages, 2011, pp 119-132 doi:10.3917/lang.183.0119
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“LG_183” (Col. : RevueLangages) — 2011/11/15 — 3:00 — page 119 — #119
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Anna Anastassiadis-Syméonidis
Université Aristote de Thessaloniki (Grèce)
Georgia Nikolaou
Université Aristote de Thessaloniki (Grèce)
L’adaptation morphologique des emprunts
néologiques : en quoi est-elle précieuse ?
1. INTRODUCTION
Il est bien connu que les emprunts d’une langue (L1) à une autre (L2) s’adaptent
plus ou moins au système de la L1, au moins au niveau phonétique (Calabrese 2009). Par ailleurs, en ce qui concerne l’adaptation au niveau morphologique, on constate que l’adaptation est fonction aussi de la partie de discours
à laquelle appartient l’emprunt, par exemple les verbes s’adaptent de façon obligatoire au système flexionnel de la L1 (Anastassiadis-Syméonidis, 2005 : 112),
mais l’adaptation est facultative pour les substantifs et les adjectifs.
Mais comment les emprunts sont-ils réanalysés dans la L1 ? Il y aurait deux
scénarios (Calabrese, 2009 : 59) : soit ils sont générés par les bilingues quand ils
utilisent dans la L1 une unité linguistique d’une langue qu’ils connaissent, soit
ils sont produits par les locuteurs monolingues, qui les ont appris comme des
mots nouveaux. Selon les recherches récentes (Calabrese & Wetzels, 2009 : 5, 7-9),
cette adaptation des emprunts au système de la L1 a lieu pendant la perception,
i.e. quand le locuteur de la L1 perçoit et apprend les unités de la L2, bien que
les adaptations par nature prennent leur source au système linguistique abstrait.
Plus spécialement, les propriétés perçues de la L2 se structurent suivant les
catégories de la L1. Dans l’étude de l’adaptation des emprunts, perception et
production ne peuvent pas être séparées et doivent interagir en synergie.
Dans cet article, nous allons examiner, dans un premier temps, le système
d’assignation du genre et, dans un deuxième temps, le système d’insertion dans
les classes flexionnelles. Enfin, nous allons examiner le rapport entre l’adaptation
des emprunts et la dynamique du système de la L1.
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Notre hypothèse est que les structures morphologiques de la L1 où sont
intégrés les emprunts présentent des traits particuliers, tels que la prototypicité
(Kleiber 1990), la haute fréquence et la disponibilité (Corbin 1987) et constituent
la partie dynamique du système morphologique de la L1.
Nos données concernant l’assignation du genre sont puisées dans un corpus
de 1 700 unités néologiques qui ont été compilées pendant les années 2005-2010
selon des critères spécifiques (Anastassiadis-Syméonidis & Nikolaou, 2006 : 378).
Les sources de notre recherche ont été les journaux et les magazines à grand
tirage qui reflètent l’usage de la langue par le locuteur moyen. Les emprunts
constituent environ 19,5 % de notre corpus, i.e. 331 unités au total. Elles sont
toutes empruntées à l’anglo-américain et au français 1 . Les substantifs qui sont
examinés dans cette recherche apparaissent tous dans des contextes qui nous
permettent de leur attribuer une des trois valeurs du genre en grec moderne :
masculin, féminin ou neutre.
2. LES RÈGLES D’ATTRIBUTION DU GENRE
2
La question du genre des emprunts du grec moderne au français et à l’angloaméricain a déjà été examinée par A. Anastassiadis-Syméonidis (1990, 1994,
2005), qui a proposé l’application de quatre règles générales à l’attribution du
genre aux unités empruntées. Par ailleurs, l’attribution du genre dépend (a) des
catégories disponibles de la langue emprunteuse, (b) de facteurs sémantiques et
morphophonologiques du système de la langue emprunteuse et (c) des catégories disponibles de la langue prêteuse (1990 : 158 ; 2005 : 112).
Les quatre règles proposées sont les suivantes : la règle du genre naturel,
la règle de l’analogie interlinguistique, la règle de l’analogie morphophonologique et la règle d’hyperonymie. Dans les mêmes travaux, A. AnastassiadisSyméonidis a aussi signalé que ces règles sont régies par la notion d’analogie,
qui est appliquée sur trois niveaux (2005 : 119) : (a) le niveau sémantique, (b) le
niveau morphophonologique et (c) le niveau interlinguistique.
De même, A. Anastassiadis-Syméonidis et G. Nikolaou (2010) en explorant
les emprunts néologiques du grec moderne au français et à l’anglo-américain,
ont montré que les règles déjà mentionnées sont encore en vigueur. Bien plus,
les règles proposées ont été formulées de façon hiérarchisée et suffisamment
précise, pour qu’il soit possible de prédire la valeur de genre qui sera attribuée à
un emprunt néologique.
1. Sauf deux dont la langue-source est l’italien et le portugais respectivement : Il s’agit des emprunts spoumante
(< italien) et fado (< portugais), qui sont des xénismes, des emprunts fortement liés à la culture de la langue
prêteuse.
2. Le GM est une langue où la catégorie de genre, inhérente au substantif, a conservé les trois valeurs héritées
de l’indo-européen : masculin, féminin et neutre.
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Adaptation morphologique des emprunts néologiques
2.1. La règle du genre naturel
Les substantifs [+animés] de cette catégorie, assimilés ou pas, acquièrent le genre
grammatical qui correspond au sexe de l’entité dont on parle, c’est-à-dire du
référent 3 , p. ex. κιoυρέιτ oρ [kur’eitor] < curator, λoύζερ [l’uzer] < looser, blogger,
columnist, frontman.
Quant aux noms épicènes, le sexe de leur référent va déterminer leur genre
grammatical (p. ex. runaway, stager) 4 . Parmi les substantifs [+animés] de notre
corpus, il y en a trois qui font exception à cette règle : γκόλντ εν µπόι (golden
boy), µπλακ µπόι (black boy) et golden girl. Selon A. Anastassiadis-Syméonidis
(1990 : 161), les locuteurs grecs assignent le genre neutre à ces unités en appliquant la règle d’hyperonymie : ils traduisent en L1 boy (= αγόρι, garçon) et girl
(= κoρίτ σι, fille), qui sont des substantifs neutres.
2.2. La règle de l’analogie interlinguistique
Les substantifs [–animés] vont acquérir en L1 la valeur de genre qu’ils ont en
L2 5 , si :
– le genre en L1 est marqué (pour le français, cf. Anastassiadis-Syméonidis,
2005 : 120)
– l’emprunt n’est pas codifié 6
– le locuteur est compétent dans les deux langues, L1 et L2, ce qui lui permettra
de reconnaître et conserver le genre de l’unité empruntée (AnastassiadisSyméonidis, 1990 : 162 ; 2005 : 115). Pour expliquer l’assignation du genre
dans ce cas, il faut prendre en compte le facteur sociolinguistique du bilinguisme du locuteur instruit. Dans notre échantillon, nous n’avons trouvé
aucune exception à cette règle : tous les exemples mentionnés infra sont des
unités [–codifiées] dont le genre est [+marqué] : βιρτ oυoζιτ έ < virtuosité,
µπρoυτ αλιτ έ < brutalité, ρεπετ ισιόν < répétition, ϕoυάρ < foire.
2.3. La règle de l’analogie morphophonologique
2.3.1. Le genre neutre
Si les conditions mentionnées supra ne sont pas réunies, une autre règle sera
appliquée. À un substantif [–assimilé] dont le genre est [–marqué] sera attribué
le genre neutre en GM (Anastassiadis-Syméonidis, 1990 : 161) : blook, emoticon,
premarketing, ringtone, woofer. Les seuls cas, dans notre corpus, où l’on puisse
avoir une valeur de genre autre que le neutre sont les emprunts switcher et rooter ;
3. Cf. Roché (1992).
4. Le cas des noms épicènes est aussi mentionné dans Ralli (2001 : 161) et Anastassiadis-Syméonidis
(2005 : 114).
5. Cette règle ne peut concerner que les cas où le genre constitue une catégorie grammaticale de la L2.
6. D’après Anastassiadis-Syméonidis (2005 : 115), « [...] l’accroissement du degré de codification de l’emprunt peut déclencher un changement du genre au profit du genre [–marqué], c’est-à-dire le neutre ».
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le genre masculin pouvant aussi leur être attribué 7 . À notre avis, l’attribution du
masculin est due au fait que les termes grecs équivalents sont du genre masculin :
µετ αγωγ έας et δρoµoλoγητ ής respectivement, par conséquent, on a l’application
de la règle d’hyperonymie (cf. § 2.4).
2.3.2. Adaptation à une classe flexionnelle
Dans les cas où les unités empruntées sont adaptées au système morphologique (flexionnel) du grec moderne, la valeur du genre de l’emprunt « sera en
accord avec la classe flexionnelle à laquelle appartient désormais le substantif »
(Anastassiadis-Syméonidis, 2005 : 116). Dans notre échantillon, il n’y a que sept
exemples : θεόρβη, f. < théorbe (fr.) ; µαρίµπα, f. < mariba (fr.) ; ρετ ρoσπεκτ ίβα, f.
< rétrospective (fr.) ; λoύπα, f. < loupe (fr.) ; µιλίτ σια, f. < milizia (it.) ; µπριγάδα, f.
< brigada (port.) ; µόρνα, f. < morna (ang.).
Toutes les unités mentionnées supra sont des emprunts dont la terminaison
ressemble ou correspond à celles des substantifs féminins du système grec, i.e. -α
et -η. De fait, l’assimilation de ces emprunts est beaucoup plus facile, même s’ils
sont d’un usage peu fréquent : cinq sur six sont [–codifiés].
2.3.3. Parallélisme entre L1 et L2
D’après A. Anastassiadis-Syméonidis (1990 : 167 ; 2005 : 117), un troisième
cas de la règle de l’analogie morphophonologique est celui où le locuteur établit un parallélisme entre les suffixes de la langue emprunteuse (L1) et ceux
de la langue prêteuse (L2), i.e. les substantifs français en -isme. Il n’y a qu’un
seul emprunt qui se présente dans nos données, puisque la grande majorité
des unités est constituée par des substantifs du vocabulaire technique anglais
qui ont des finales variées. Il s’agit de l’emprunt ρισίνη < ricine, où le locuteur
grec reconnaît l’élément -ine comme équivalent de -ίνη, qui, dans le vocabulaire de la chimie, signifie « substance » ou « type de combinaison chimique »
(Anastassiadis-Syméonidis, 1994 : 85).
2.4. La règle d’hyperonymie
Si les conditions de l’analogie morphophonologique ne sont pas réunies, alors
la règle d’hyperonymie sera appliquée, selon laquelle au substantif emprunté
sera attribué le genre de son hyperonyme en L1 (Anastassiadis-Syméonidis,
2005 : 118). Parfois, c’est le genre de l’équivalent en L1 qui joue ce rôle, p. ex. :
switcher, m. (§ 2.3.1) : rhythme section, n. (hyperonyme neutre) ; ελεκτ ρόνικα, f.
(< electronica, hyperonyme féminin : musique / µoυσική) ; στ ριτ αρτ , f. (< street
art, hyperonyme féminin : art / τ έχνη).
Puisque, dans certains cas, suivant le sens, on peut avoir plus d’un hyperonyme, il y a une fluctuation de genre selon l’hyperonyme que chaque locuteur
7. Le neutre est le genre par défaut pour les [–animés], puisque le masculin n’apparaît que sur 20 % des
emplois.
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choisit d’utiliser. Par exemple, pour les termes musicaux τ ριπ χoπ (< trip hop),
ϕανκ (< fank) et χιπ χoπ (< hip hop), l’hyperonyme peut être soit le substantif
µoυσική, f. « musique », donc l’emprunt sera féminin, soit le substantif τ ραγoύδι,
n. « chanson », donc à l’unité sera attribué le neutre.
2.5. Conclusion sur l’attribution du genre
Selon les résultats de notre recherche, les quatre règles proposées dans la bibliographie concernant l’attribution du genre aux emprunts du grec moderne continuent à être en vigueur, puisqu’elles sont appliquées dans la totalité des cas
examinés. Il existe toujours une analogie sémantique, lorsque le genre grammatical correspond au sexe du référent (règle du genre naturel) ou lorsqu’à l’unité
empruntée est attribué le genre de son hyperonyme en L1 (règle d’hyperonymie). Il y a aussi une analogie morphophonologique, quand la valeur du genre
dépend de facteurs morphophonologiques (adaptation aux classes flexionnelles,
parallélismes entre la L2 et la L1) et, enfin, il y a une analogie interlinguistique
entre les genres [+marqués] des deux langues en contact.
77 % des unités sont des substantifs [–assimilés], auxquels est attribuée la
valeur neutre en grec moderne (Fig. 1). Selon A. Anastassiadis-Syméonidis et
D. Chila-Markopoulou (2003 : 47), la valeur neutre du genre grec est la catégorie
la plus solide du système. Son statut est vérifié, tout d’abord, par le grand
nombre de néologismes empruntés qui sont intégrés dans cette catégorie, mais
aussi par le fait que le neutre constitue de loin la valeur la plus fréquente pour
les substantifs [–animés] (le genre par défaut).
attribution du genre
2%
1%
6%
11%
3%
77%
genre naturel
analogie interlinguistique
genre neutre
adaptation à une classe flexionnelle
parallélisme entre L1 et L2
hyperonymie
Figure 1 : Attribution du genre
Puisque les règles proposées supra sont applicables dans tous les cas, on peut
soutenir qu’il y a de la prédictibilité presque totale quant à l’attribution du genre
aux emprunts néologiques du grec moderne.
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3. L’ADAPTATION MORPHOLOGIQUE
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La structure morphologique d’une langue comme le GM comprend tant le
système flexionnel que le système constructionnel (dérivation, composition et
conversion) 9 . Cette structure ne devrait pas être envisagée de façon homogène et
plate, car, selon nous, il y a du relief, i.e. des structures centrales, intermédiaires
et périphériques, ainsi que des structures de fréquence et de disponibilité variées
(Anastassiadis-Syméonidis 2003). Y aurait-il une prédilection des emprunts néologiques à se conformer aux structures prototypiques, fréquentes et disponibles ?
Et si oui, pour quelle raison ?
3.1. Prototypicité des structures
Sur un continuum, on pourrait distinguer trois points remarquables/saillants 10 :
– La structure morphologique centrale (p. ex. du système nominal) : les substantifs masculins en -ς et pluriel en -ες 11 (ναύτ ης « marin », πατ έρας
« père ») ; les substantifs féminins en -α/-η 12 et pluriel en -ες (µητ έρα « mère »,
αδελϕή « sœur ») ; les substantifs neutres en -o/-ι 13 (βoυνό « montagne »,
τ ραπ έζι « table »).
Le -ς est promu comme l’index de masculinité, les -α/-η comme l’index de
féminité et les -o/-ι comme l’index de neutralité. Parmi les adjectifs, il ne faut
retenir que les adjectifs en -oς, -η, -o (accentué ou pas), p. ex. όµoρϕoς « joli »,
καλός « bon ». Enfin, du système verbal, on retiendra les verbes réguliers en
-ω (γράϕω « écrire ») 14 .
– La structure morphologique intermédiaire : les substantifs masculins
(γραµµατ έας « secrétaire », συγγεν ής « parent ») et les substantifs féminins
(σκέψη « pensée »), qui sont déclinés selon le modèle savant. La différence de
ces substantifs avec ceux de la classe précédente réside dans la formation du
pluriel (-ες dans le premier cas, -εις dans le second). On retiendra aussi les
substantifs masculins en -oς (αδελϕός « frère »), qui présentent une flexion
spéciale 15 . La catégorie intermédiaire comprend aussi des substantifs en
-ς, mais qui sont des féminins ou des neutres (άµµoς f. « sable », µέρoς 16 n.
8. Le GM, étant une langue flexionnelle, présente le matériel flexionnel lié aux classes flexionnelles, représenté
par des amalgames de morphèmes flexionnels, à la fin du mot.
9. Par la suite, nous allons nous occuper que du système flexionnel.
10. Le trait prototypique n’est pas donc une valeur absolue.
11. Fréquence de type : 13 000 substantifs enregistrés dans le Dictionnaire Inverse du GM (AnastassiadisSyméonidis 2002).
12. Fréquence de type : 33 000 substantifs enregistrés dans le Dictionnaire Inverse du GM (ibid.).
13. Fréquence de type : 20 000 substantifs enregistrés dans le Dictionnaire Inverse du GM (ibid.).
14. Par opposition à la classe des verbes en –° accentué.
15. Fréquence de type : 9 000 substantifs enregistrés dans le Dictionnaire Inverse du GM (ibid.).
16. Fréquence de type : il n’y en a que 200 substantifs enregistrés dans le Dictionnaire Inverse du GM (ibid.).
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« endroit »). Parmi les adjectifs, y sont inclus ceux qui se terminent en -ης
(masc. et fém.), -ες (neutre) (accentué ou pas), p. ex. διεθν ής « international »,
αήθης « incongru », ainsi que les participes de la voix active, moyenne
et passive au présent, à l’aoriste et au parfait, appartenant au système
savant (πρoαναϕερθείς « susmentionné », επιτ ευχθείς 17 , etc. Enfin, parmi
les verbes, nous y classons les verbes en -° (accentué), p. ex. γελ° « rire »
(Anastassiadis-Syméonidis & Voga à par.).
– La structure morphologique périphérique, qui comprend des « irrégularités », des « idiosyncrasies », qui sont acquises par mémorisation, p. ex. parmi
les substantifs neutres (µηδ έν « zéro », ϕων ήεν « voyelle », ήπαρ « foie »,
όϕελoς « profit », σ έβας « respect », oξύ « acide », δόρυ « lance »). Parmi les
adjectifs, on retiendra πoλύς-πoλλή-πoλύ « beaucoup de ». Parmi les verbes,
on retrouve les verbes irréguliers (είµαι « être », έχω « avoir », βλέπω « voir »,
ϕεύγω « partir », µπαίνω « entrer », βγαίνω « sortir », etc.).
Or, où va-t-on puiser les renseignements nécessaires pour faire le départ entre les
structures prototypiques, intermédiaires et périphériques 18 ? Le système d’acquisition développé par l’enfant, le système d’interlangue lors de l’apprentissage
d’une langue seconde, les variantes libres, « les erreurs » que font la plupart des
locuteurs natifs pourraient révéler des informations précieuses sur les structures
prototypiques d’un système linguistique. De même, les règles de construction
des sigles et des acronymes (NATOðκός « de l’OTAN ») et les règles d’application
du marqueur de classe 19 (Corbin 1987) – (κλoτ σ-ιά « coup de pied », λυγαριά
« osier ».
À ces sources d’information concernant le système prototypique, nous ajoutons les règles d’adaptation des emprunts néologiques (σπόνσoρ-ας < sponsor ;
µoντ έλ-α < modèle), car plus une structure s’applique par défaut lors de l’adaptation des emprunts néologiques plus elle est prototypique. Plus spécialement,
pour s’adapter, le substantif à référent mâle sponsor doit s’intégrer dans la classe
des masculins et prendre une voyelle plus la consonne -ς (cf. §3.1.1). La voyelle
n’aurait pas pu être -o, puisqu’alors il ferait partie d’une structure intermédiaire
et non prototypique. De même, le mot modèle 20 , substantif à référent femelle,
doit s’intégrer dans la classe des féminins, en prenant la forme µoντ έλ-α.
Mais la notion de prototypicité ne suffit pas à elle seule pour une description
pertinente du système morphologique de la L1. Il faut aussi prendre en compte
les concepts de fréquence et de disponibilité.
17. Par exemple, dans oι επιτ ευχθέντ ες στ όχoι « les objectifs obtenus ».
18. Cf. Kilani-Schoch (1988 : 97), citant Mayerthaler (1981) & Dressler et al. (1987).
19. Terme qui a remplacé le terme « intégrateur paradigmatique ».
20. Le mot de la L2 modèle « mannequin » a donné en GM l’emprunt µoντ έλo « modèle » de genre neutre.
Ce qui est néologique c’est l’application de la règle du genre naturel, qui a transformé la forme du mot en
µoντ έλα, substantif féminin.
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3.2. Fréquence des structures
Tout d’abord, en morphologie aussi 21 , il faut distinguer la token frequency, qui est
la fréquence d’emploi, résultant du dénombrement des unités linguistiques dans
un texte jugé représentatif, de la type frequency, qui concerne la fréquence des
structures langagières et qui réfère au nombre des unités linguistiques différentes
auxquelles s’applique une structure (Bybee, 2007 : 9, 269).
La fréquence d’emploi des formes linguistiques est liée au fait que leur
répétition renforce les représentations mémorielles et les rend plus accessibles.
Ce fait explique aussi pourquoi, d’une part, des formes fréquentes peuvent être
rebelles au changement linguistique par analogie et rester irrégulières et, de
l’autre, les paradigmes de basse fréquence tendent à se régulariser avant les
paradigmes de haute fréquence (Bybee, op. cit. : 10, 207).
Selon J. Bybee (2007 : 14, 275), la fréquence de type est une propriété des
structures et un facteur majeur déterminant leur degré de productivité 22 . Par
ailleurs, plus une structure s’applique à un nombre élevé d’unités différentes,
plus elle aura la tendance à s’appliquer à des unités nouvelles.
La notion de fréquence de type est différente de celle de prototypicité. Une
structure prototypique est fréquente, mais une structure fréquente n’est pas
nécessairement une structure prototypique. Par exemple, il n’est pas dû au
hasard que les verbes les plus fréquents (fréquence d’emploi) sont d’un point
de vue morphologique des verbes « irréguliers » (cf. §3.1.3), i.e. dont le mode de
flexion est imprédictible, aussi bien en grec qu’en d’autres langues (cf. les verbes
έχω « avoir », είµαι « être », βλέπω « voir »). Selon J. Poitou (1988 : 141-142),
il n’y a pas « de lien de nécessité entre fréquence et irrégularité » et J. Bybee
(2007 : 23), en réexaminant, sous la lumière des théories récentes de changement
linguistique, la relation entre fréquence et changement morphophonologique,
soutient que les unités fréquentes (fréquence d’emploi) sont très résistantes au
changement par analogie, qui est conceptuellement motivé. Par contre, la classe
régulière a de loin la plus haute fréquence de type (Bybee, op. cit. : 167) 23 .
Plus une structure est fréquente 24 , plus elle est inscrite profondément dans
notre mémoire. Par conséquent, elle est disponible plus facilement et plus rapidement, alors que sa modification coûte plus, même si elle a lieu au moyen de
la régulation analogique. Sa force quantitative n’est pas sans relation avec la
prototypicité et la disponibilité des structures.
21. Cf. Poitou (1984 : 61), Bybee (2007).
22. Nous utiliserons, par la suite, le terme de disponibilité en accord avec la distinction de Corbin (cf. § 3.3).
23. Il est question des verbes en anglais.
24. La fréquence non plus n’est pas une valeur absolue.
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Où va-t-on puiser les renseignements nécessaires en ce qui concerne les
structures fréquentes ? Plus un corpus est grand et représentatif, plus il fournit
des renseignements précieux sur les structures fréquentes.
3.3. Disponibilité des structures
La disponibilité (Corbin 1987) 25 est la possibilité d’un élément – p. ex. un préfixe – de construire de nouveaux mots non attestés, de façon à combler les
lacunes du vocabulaire attesté. La disponibilité, qui n’est pas une valeur absolue,
a trait à la possibilité qui est donnée aux locuteurs d’avoir à leur disposition l’ensemble des mots construits et leurs emplois réguliers permis par l’application
d’une Règle de Construction de Mots/Lexèmes. Elle est de nature linguistique et
se fonde sur la compétence linguistique. Les processus disponibles sont ceux qui
permettent de construire des mots dans le respect des contraintes linguistiques,
qui, toutefois, ne sont pas attestés et dont l’absence peut, à ce titre, être considérée comme une lacune due au hasard. Les processus non disponibles sont ceux
qui ne décrivent que des mots construits attestés. Et, selon J. Bybee (2007 : 189),
les degrés de productivité sont hautement corrélés avec la fréquence de type
d’une structure.
Si nous appliquons le concept de disponibilité à la flexion, un morphème
flexionnel serait disponible s’il est utilisé pour la flexion d’un néologisme de
forme 26 ou d’un emprunt néologique. En GM, nous avons observé que les classes
flexionnelles disponibles présentent un taux de syncrétisme élevé : l’accusatif, le
génitif et le vocatif singulier ainsi que le nominatif, l’accusatif et le vocatif pluriel
pour les masculins en -ς et pluriel en -ες ; le nominatif, l’accusatif et le vocatif
singulier et pluriel pour les féminins en -α/-η et pluriel en -ες et tous les neutres.
Bien que la disponibilité soit en relation étroite avec la fréquence de type,
il faut distinguer les deux concepts 27 , car une construction peut être fréquente
sans être disponible et, selon J. Bybee (2007 : 168, 174), la fréquence de type
est centrale à la détermination de la productivité, contrairement aux formes de
haute fréquence d’emploi, qui ne contribuent pas à la productivité des structures.
Par exemple, en ce qui concerne la flexion verbale, la structure en -°, bien que
de haute fréquence, n’est plus disponible (αγαπ° « aimer ») 28 . Le fait qu’un
grand nombre de verbes peut avoir comme second élément -πoι° « -iser/-ifier »
n’est pas sans incidence sur la répartition quantitative des deux classes verbales
25. La plupart des chercheurs parlent de productivité (Poitou 1988). À la suite de Corbin, nous distinguons la
disponibilité de la productivité.
26. Par opposition à un néologisme sémantique.
27. Ce qui détermine la productivité c’est la fréquence de type des unités linguistiques dans lesquelles apparaît,
par exemple, un suffixe et non pas la fréquence de type du suffixe (recherche d’autres chercheurs citée par
Bybee, 2007 : 15).
28. Dans cette classe, les néologismes sont le produit de construction au moyen du formant –πoι°
« –iser/–ifier ».
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du GM, mais cela ne concerne pas la disponibilité, puisque le flexif -° n’est
pas étendu à des néologismes. Le fait qu’à tous les suffixes constructeurs de
verbes s’applique le flexif -ω est, pour nous, un argument en faveur de la non
disponibilité de -°.
De même, d’après le corpus de néologismes, le morphème flexionnel -oς pour
la formation de substantifs masculins n’est plus disponible, bien que dans le
Dictionnaire Inverse du GM (Anastassiadis-Syméonidis 2002) soient enregistrés
9 000 substantifs en -oς 29 . Il en est ainsi pour le morphème flexionnel -oς qui sert
à former des substantifs neutres : parmi ces substantifs, il y en a qui font partie
du vocabulaire de base du GM tel que µέρoς « endroit ». Pourtant, il n’y a en tout
que 200 enregistrés dans le Dictionnaire Inverse du GM, et cette classe flexionnelle
ne reçoit plus de nouveaux membres. De même, pour le morphème flexionnel
-oς qui sert à former des substantifs féminins (Anastassiadis-Syméonidis & ChilaMarkopoulou, 2003 : 44) : parmi ces substantifs, il y en a 19 qui sont d’un
emploi très rare, 49 d’un emploi [+savant] 30 , et, enfin, des substantifs [+savants]
convertis, qui, eux, appartiennent à une liste ouverte. Cette classe flexionnelle
non seulement ne reçoit plus de nouveaux effectifs, mais elle en perd, par le
changement en genre ou la dérivation. En fait, en synchronie, certains de ces
substantifs féminins développent parallèlement une forme de genre masculin
(ψ ήϕoς f. et m. 31 « vote ») (Anastassiadis-Syméonidis & Mitsiaki à par.).
Où va-t-on puiser les renseignements nécessaires concernant les structures
disponibles ? Observons désormais le mouvement néologique aussi bien indigène que d’emprunt.
4. NÉOLOGIE D’EMPRUNT ET DYNAMIQUE DU SYSTÈME DE LA L1
Cet article se propose d’examiner l’adaptation des emprunts néologiques sous
différents éclairages, dans le but d’apporter des éléments de réponse à la question
de la relation entre l’adaptation des emprunts néologiques, d’une part, et la
dynamique du système de la L1 de l’autre.
Il est intéressant de noter que les locuteurs ne se comportent pas de la même
manière envers les deux cas d’adaptation. L’attribution de genre est obligatoire
pour tout emprunt néologique substantival, puisqu’il s’agit d’une catégorie inhérente au substantif, tandis que l’insertion dans une classe flexionnelle est facultative pour les substantifs, puisque la majorité des emprunts néologiques substantivaux restent indéclinables. Par contre, les verbes sont, sans exception, intégrés
29. Par contre, le morphème flexionnel –oς est disponible (le flexif par excellence) pour la formation d’adjectifs.
Les seuls substantifs néologiques en –oς sont soit d’adjectifs convertis, soit des composés dont le second
élément préexiste.
30. Il y a aussi 67 substantifs dérivés ou composés des 49.
31. Malgré les pressions normatives puissantes qui ralentissent le processus avant tout à l’écrit.
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dans la classe prototypique en -ω, puisqu’en GM, langue pro-drop, l’information concernant le temps et la personne est donnée par la finale (γκoυγκλάρω
« naviguer dans le Google », κλικάρω « cliquer »).
Deux facteurs peuvent expliquer ce côté conservateur de la flexion substantivale : le fait que les emprunts sont générés par des auteurs plus ou moins
bilingues, puisqu’il s’agit d’unités massivement empruntées à l’anglais, et qu’ils
sont puisés dans un corpus écrit. Dans ce cas-là, l’information concernant les cas
et le nombre est une affaire des déterminants et de la syntaxe. Toutefois, nous
avons observé que les emprunts intégrés dans les classes prototypiques du système flexionnel du GM sont, d’une part, les substantifs empruntés [+codifiés] –
p ex. µπλoγκ, n. « blog » / pluriel µπλόγκια, ντ ι βι ντ ι, n. « DVD » / pluriel
ντ ιβιντ ιά 32 –, et, de l’autre, ceux dont la finale ressemble, du point de vue
phonétique, à une finale du système flexionnel du GM – p. ex. λoύπα f. « film
« film muet de contenu pornographique », µόρνα f. « chanson mélancolique » –,
qui s’intègrent dans la classe prototypique des féminins en -α.
Notre recherche, limitée à des aspects linguistiques 33 , a révélé que l’attribution du genre à un emprunt ou son intégration à une classe flexionnelle obéit
à des contraintes impliquées par le système de L1 et, plus spécialement, par
ses structures prototypiques, fréquentes et disponibles. Ces structures voient
leur champ d’application s’étendre, par l’accroissement de leurs effectifs parmi
lesquels il y a les néologismes d’emprunts. Ces emprunts suivent les tendances
fortes du système de genre du GM, p. ex. la finale en -ς est un index de masculinité, bien qu’il y ait des substantifs féminins et neutres en -ς, et rejoignent
les classes flexionnelles les plus importantes, où règne le syncrétisme tant au
singulier qu’au pluriel. Le développement quantitatif de la classe d’une valeur
de genre ou d’une classe flexionnelle au profit d’une autre par des emprunts
néologiques peut servir d’indice de l’orientation de la dynamique du système
morphologique de L1.
Y aurait-il une relation entre les structures prototypiques, fréquentes et disponibles avec le concept de régularité ? D’après ce qui vient d’être exposé, les
structures prototypiques sont par définition des structures régulières. De même,
les structures régulières sont des structures disponibles, qui, pour cette raison,
s’appliquent aux néologismes, mais il y aurait une étude à faire pour arriver à la
conclusion de savoir si une structure disponible est par définition une structure
régulière. Enfin, la régularité n’est pas une propriété définitoire d’une structure fréquente, puisqu’une structure fréquente peut être régulière ou pas. Et,
selon J. Bybee (2007 : 189), la productivité et la régularité sont indépendantes et
peut-être des propriétés de structures différentes.
32. Ces deux substantifs présentent aussi une forme indéclinable, mais la forme fléchie appartient au registre
familier.
33. Pourtant, le facteur sociolinguistique du bilinguisme du locuteur est pris en compte à l’assignation du
genre au cas (§ 2.2).
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Néologie, nouveaux modèles théoriques et NTIC
Notre recherche s’est limitée à examiner les structures prototypiques, fréquentes et disponibles mises à l’œuvre pendant l’adaptation des emprunts néologiques 34 , mais il se peut que la totalité de ces structures ne soient pas mises
à l’œuvre pendant le processus d’adaptation. Toutefois, il est à noter que ces
structures ne sont pas spécifiques à l’adaptation des emprunts, mais qu’elles
sont d’une portée bien plus générale.
Les résultats de notre recherche, à part leur intérêt pour la description linguistique, ont des implications à la didactique d’une langue. L’enseignant du
GM doit connaître de façon explicite non seulement les règles du système morphologique du GM, mais aussi ses structures prototypiques, disponibles et de
haute fréquence, qui doivent être enseignées prioritairement.
5. CONCLUSION
Les différents angles d’étude de l’adaptation morphologique des emprunts
néologiques proposés ont permis l’émergence de nouvelles problématiques en
ce qui concerne la description du système morphologique d’une langue et avant
tout sa dynamique.
Aux sources d’informations précieuses sur les structures prototypiques d’une
langue (§ 3.1.3), nous avons ajouté les règles d’adaptation morphologique des
emprunts néologiques en L1. De même, les grands corpus représentatifs sont
précieux, dans la mesure où ils fournissent des renseignements importants sur les
structures fréquentes. Enfin, les renseignements nécessaires en ce qui concerne
les structures disponibles vont être puisés dans le mouvement néologique aussi
bien indigène que d’emprunt.
Notre recherche a permis d’observer que les emprunts néologiques sont massivement attirés par la puissance de la force d’attraction de certaines valeurs de
genre et de classes flexionnelles de la L1, qui sont représentatives des structures
prototypiques, fréquentes et disponibles du GM. Sous cet éclairage, la morphologie du GM est, pour une très large part, remarquablement régulière, malgré
l’existence de formes qui résistent à l’attraction des structures ci-dessus.
Outre le fait que l’adaptation des emprunts contribue à la régularisation du
système linguistique de la L1, les langues étant des systèmes homéostatiques,
l’adaptation des emprunts constitue une fenêtre qui permet l’étude du système
morphologique de la L1 au moyen de l’observation des processus morphologiques en action. Bien plus, l’orientation de cette adaptation fournit un nombre
considérable d’informations précieuses sur la dynamique du système morphologique de la L1 en synchronie.
34. Toutefois, il y a des contre-exemples : les substantifs en –és empruntés au turc ont créé une classe
flexionnelle à eux à partir du XVe s. (µπερντ ές « paravent » < turc perdé). C’est dans cette classe qu’ont été
intégrés par la suite à partir du XIXe s. les emprunts du GM au français (GM καναπ ές < fr. canapé).
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Adaptation morphologique des emprunts néologiques
À un niveau d’analyse plus général, qui prendrait en compte non seulement les emprunts néologiques, mais l’ensemble du vocabulaire, on pourrait
rechercher, d’une part, les forces motrices à l’œuvre et, de l’autre, les implications morphologiques que les structures prototypiques, fréquentes et disponibles
apportent au système de la L1. Tels pourraient être la contrainte de la distinction
en nombre, mais aussi le syncrétisme entre certains cas, comme le nominatif et
l’accusatif. Toutefois, il serait aussi intéressant d’examiner pourquoi, bien que
les langues soient des systèmes homéostatiques, les formes rebelles, solidement
ancrées dans le système, se maintiennent.
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