Million Dollar Baby

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Million Dollar Baby
Million Dollar Baby (2004), Clint Eastwood. 2h 10min
Pour mener à bien une histoire, il est parfois aussi utile de recourir à l’utilisation d’une voixoff. Elle permet d’apporter des informations complémentaires aux images, sans pour autant
s’y substituer. Le plus souvent cette voix est celle d’un personnage qui raconte l’histoire que
vous voyez se dérouler sous vos yeux : le personnage vous la raconte alors au passé, dans un
temps un peu décalé par rapport au présent des images. Mais attention tout de même, les
scénaristes vous le diront, prévoir une voix-off ne doit pas suppléer à une mise en scène
inefficace voire inexistante et donner au spectateur les informations qui devraient passer par
des idées de mise en scène et des dialogues bien travaillés. Remarquez que la musique peut
également faire office de relais, mais pas exactement de la même manière qu’une voix-off.
Celle-ci peut transmettre les émotions des personnages, appuyer l’atmosphère d’une scène :
vous gagnez en subtilité ce que vous perdez alors en clarté d’informations, car les
informations transmises par les mots d’une voix-off sont moins sujets à des interprétations
divergentes qu’un ressenti musical. Entre l’un ou l’autre, ou encore l’un avec l’autre, tout ceci
fait partie de choix de mise en scène, celui de laisser plus ou moins libre cours à
l’interprétation du spectateur. Clint Eastwood joue de ces différentes possibilités dans Million
Dollar Baby. Lui-même compositeur de la musique du film, il a été aidé au scénario par le
scénariste et réalisateur Paul Haggis.
Nekochka : filmothèque du net
L’avis de Nekochka :
La voix-off est celle d’un témoin, Scrap, qui depuis son unique oeil valide, observe
l’évolution des liens entre la tenace Maggie et le têtu Frankie. Maggie est venue s’entraîner
dans le gymnase de Frankie, malgré son refus de l’entraîner. Nouvelle demande de Maggie,
nouveau refus de Frankie, mais au lieu d’être découragée, Maggie décrète : « alors autant
continuer », et de taper à nouveau dans le sac. Découvrant cette jeune femme d’une volonté
de fer, la voix-off vous apporte d’abord quelques informations sur les origines et le passé de
Maggie. Tandis qu’elle se bat de toute son énergie contre un sac, la voix-off vous dit : « Elle
venait du Missouri, des miséreux monts Ozark, près de Theodosia, au milieu de cèdres et de
chênes, entre nulle part et au revoir. Elle a grandi avec une certitude : elle valait rien ». Peu de
mots, mais efficaces. L’association des paroles off sur les images vous permet de ressentir
vraiment la détermination de Maggie, d’abord à l’entraînement, puis au restaurant où elle
gagne sa vie comme serveuse. Vous découvrez ses origines en même temps que vous
comprenez la fin et les moyens qu’elle se donne pour parvenir à son but. Quelques plans et
quelques phrases suffisent à vous faire connaître ce qui caractérise le plus fondamentalement
le personnage de Maggie : sa fureur de vivre.
Peu après, tandis que Maggie s’entraîne tard le soir dans le gymnase désert, de douces et
lentes notes de piano se posent sur les plans d’elle en plein effort : c’est en fait le regard de
Scrap qui l’observe à nouveau. En voix-off il vous confie alors que la magie de la boxe ce
sont peut-être ces « combats au-delà de l’endurance ». Quelques mots encore puis il se tait,
laissant seule la musique continuer. Vous pouvez alors vous laisser imprégner par tout ce que
peut signifier cette magie, avant qu’il ne reprenne pour souligner qu’elle est : « La magie de
tout risquer pour un rêve qu’on est seul à voir ». A l’écran, Maggie s’en retourne chez elle en
bus, déterminée à suivre la voie qu’elle s’est tracée.
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