La pre-production

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La pre-production
La pré-production – en classe
1. L’écriture de la séquence
> Le scénario
C’est l’histoire du film. Le texte, destiné à être filmé, décrit tout ce que l’on va voir et entendre :
les personnages, les dialogues, l’action, etc. et on y indique les lieux, effets (jour/nuit),… Un
scénario est divisé en plusieurs séquences, on dit qu’il est « séquencé » (cf. extrait du scénario
en fin de document).
> La séquence
Une séquence est une partie d’un film qui se situe dans le même endroit, où il y a une action
prédominante, un dialogue prédominant. Un changement de séquence s’opère avec un
changement d’espace physique, un changement de temps, ou encore lors d’un effet
dramaturgique (ex : rêve éveillé).
Une séquence est composée de plans. Un plan commence au moment où la caméra est allumée
et se termine lorsque la caméra s’éteint.
La séquence 2013
L’exercice proposé est l’écriture d’une seule et unique séquence et non un scénario en entier. Il
s’agit donc d’écrire une situation plutôt qu’une histoire avec un début et une fin.
Les éléments imposés :
> réalisation d’un plan séquence : Un plan-séquence est une séquence composée d’un seul et
unique plan, restitué tel qu’il a été filmé, sans aucun montage, plan de coupe ou fondu.
> les comédiens : Deux personnages, une femme, un homme, la quarantaine.
Un couple, deux collègues, deux collègues de même hiérarchie ou de hiérarchies différentes
(ouvrier cadre, salarié patron etc).
Deux qui travaillent, deux qui ne travaillent pas, un qui travaille l'autre pas, un qui peut embaucher
l'autre, l'autre qui peut licencier l'un...
Sans aller dans les rapports de force liés au salariat et au travail dans le sens étymologique du terme
(objet de torture), vous pouvez ouvrir aussi sur la transmission, lié au geste, au métier (cf Brodeuse).
Le thème est tellement vaste que vous devez induire une entrée thématique (aliénation au travail,
souffrance au travail, inégalité homme/femme, accomplissement par le travail) ou à travers une
référence (le film que vous allez voir avec la classe, une scène de théâtre, de roman ou de film à
adapter, ce qui peut vous donner un support également pour les dialogues qui peuvent être difficile
à écrire en classe entière dans la temporalité que vous avez).
> le lieu et le décor : Dans l'intime ou sur le lieu de travail (un bureau dans une usine, une grande
surface, un collège, une administration, un siège social de banque etc), deux pièces aménageables
dans le même univers (deux bureaux, une salle d'attente et un bureau) ou au contraire dans des
espaces temps différents (le bureau de l'entreprise et un salon).
Attention il nous sera impossible de faire vivre des espaces de travail spécifiques (usine, magasin et
grande surface, ferme, hôpital, salle de classe etc) mais par contre, nous pouvons avoir un espace
commun (bureau, salle d'attente etc) et faire vivre la spécificité de l'entreprise au son (son off)
> Piste bibliographique :
Sortie d'usine de Nicolas Bonneau (théâtre-conte)
La femme jetable de Ricardo Montserrat (théâtre)
L'usine de Magnus Dahlström (théâtre)
Débrayage de Rémi De Vos (théâtre)
L'Augmentation de Pérec (théâtre)
Une journée particulière – Festival Premiers Plans – 25e édition – 18-27 janvier 2013
Daewo de François Bon (récit/enquête)
Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, Journal de la consultation "Souffrance et
Travail" : 1997-2008 Marie Pezé
Exemples de plans séquences
Soy Cuba de Mikhail Kalatozov
Clips de Michel Gondry, en particulier Lucas with the lid off de Lucas et Protection de Massive Attack
A définir avec les élèves :
> Le type de film duquel est issue cette séquence
> L’ambiance, les références...
> Tournage en noir et blanc ou en couleur
> L’époque à laquelle l’action se déroule
> Les personnages :
→ lui : qui est-il, pourquoi est-il là...
→ elle : est-ce une femme réelle, un fantôme, une fée...
→ Se connaissent-ils ? Comment sont-ils habillés ? Maquillés ?
> Les dialogues : Ils ne sont pas obligatoire et doivent être assez courts.
Pistes de dialogues célèbres, par exemple
- Bertrand Blier dans « Un idiot à Paris »
http://www.wat.tv/video/bernard-blier-idiot-paris-1967-3nxzh_3guo1_.html
- Jean Poiret dans « Que les gros salaires lèvent le bras »
http://lockerz.com/u/20730192/decalz/8234129/que_les_gros_salaires_levent_le_doigt
Adaptation du roman de Jean-Marc Roberts, Les bêtes curieuses
Récapitulatif de cette première étape :
> réécrire la séquence en la détaillant
> faire une fiche descriptive pour chaque personnage
> faire une fiche descriptive du décor
> mettre les élèves d’accord entre eux, les faire adhérer à la même séquence.
> rédiger une note d’intention
> Travailler sur l’image et le son hors champ
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2. Le découpage technique
Le découpage technique consiste tout d’abord à passer d’un scénario à un document qui donnera
une idée plus précise de la mise en scène adoptée.
Pour chaque séquence, le réalisateur doit signifier le type de plans qu’il imagine (plan américain,
gros plan, plan large,…), les différents axes ainsi que les mouvements de caméra (travelling,
panoramique, …). Il est également utile d’indiquer les sons présents pour chaque plan.
Pour cela, il doit réfléchir ce qu’il veut montrer au spectateur.
Le découpage technique peut également être accompagné d’un story-board* qui donnera une idée
encore plus précise de la forme visuelle du film à venir. Ce document qui doit être le plus précis
possible est avant tout l’affirmation du style du réalisateur, sa capacité à s’approprier le langage
cinématographique. C'est un outil de travail dont l'équipe de tournage se sert quotidiennement.
> Les valeurs de plans et cadrages
La valeur d’un plan correspond à la taille qu’occupe le sujet principal au sein de l’image. On
distingue traditionnellement six ou sept valeurs de plans différentes. Les définitions exactes de ces
plans peuvent varier mais l’idée générale reste la même.
Plan d’ensemble : C’est un plan informatif qui permet de situer le
lieu où se déroule l’action. On voit tout, l’environnement, les
personnages,…
Plan large (ou demi-ensemble) : on cadre le personnage en entier
des pieds à la tête. Le décor est réduit par rapport au plan
d'ensemble; souvent, les personnages sont groupés; ils sont plus
importants que le décor : ce plan situe ainsi les personnages dans
leur décor. Ce sont les personnages qui sont les plus importants.
Plan moyen : Il montre un ou plusieurs personnages dans leur
totalité. Cette valeur de plan permet de voir évoluer les
personnages et de juger leurs aspects physiques et leurs allures.
À partir de ce cadrage, l'action a plus d’importance que le décor : ce
plan est plutôt d'ordre narratif.
* un story-board est la représentation illustrée d'un film avant sa réalisation.
On y décrit l'ensemble des paramètres cinématographiques (cadrages, mouvements de caméra et de personnages,
raccords, etc.) avec la plus grande exactitude possible, afin de visualiser et planifier le tournage du film. Il est très pratique
car il améliore la circulation des informations entre les équipes de tournage, et constitue donc un outil de référence lors de
la production du film.
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Plan américain : Il cadre les personnages à hauteur des cuisses. Par
rapport au plan moyen, il montre le jeu d'un personnage sans pour
autant devoir combler l'espace par un décor ou un objet.
Plan rapproché : On se rapproche de plus en plus des personnages.
Il permet de plus s'intéresser au jeu du personnage, ses mimiques,
ses réactions. Ce cadrage est souvent utilisé pour les conversations.
Gros plan : peut montrer en détail un visage. Il a une grande capacité
de renseignement : il est donc en général fort court. Il a évidemment
une valeur dramatique et essentiellement psychologique : il capte
souvent une expression, un regard particulier.
Très gros plan : Il montre un détail des traits d'un personnage
particulier (une cicatrice, un oeil de verre...). Il est en général de
courte durée.
L'insert désigne un gros plan d'objet ou d'un détail : il sert à désigner un élément de l'action
susceptible de prendre une importance dans l’histoire.
Le champ : Il désigne la portion de l'espace visible à travers l'objectif
d'une caméra et limité par le cadre.
Le Hors-champ : Lorsqu'on tourne un plan, on dispose la caméra afin de filmer un espace pendant
une durée. Cet espace filmé est appelé le champ. C’est là où se déroule l’action.
Par opposition au champ existe un autre espace, celui que le spectateur ne voit pas et celui où il se
trouve : c'est le hors champ. Le hors champ est le lieu de nos suppositions de spectateur, de nos
interrogations, de notre imagination.
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Le Champ/Contre champ : Lorsqu'on filme deux personnages qui se parlent en se faisant face, et
que l'on voit alternativement l'un puis l'autre, on parle de champ-contre champ. Il s'agit donc d'une
option de point de vue sur la scène à filmer.
La Profondeur de champ : c’est la distance de net dans une image. Plus elle est grande, plus les
images lointaines seront nettes, et à l’inverse, peu de profondeur de champ donnera des images
lointaines floues.
> Les mouvements et placements de caméra
Plan fixe : la caméra ne bouge pas.
Panoramique (pano): C'est le balayage par la caméra d'un angle,
sans bouger l'appareil de place. Elle fait comme nous lorsque nous
tournons la tête. Elle se déplace autour de son axe : de gauche à
droite ou inversement.
Le pano montre le déplacement d'un personnage, fait découvrir le
hors champ. Le spectateur est en situation contemplative, il
observe.
Tilt : comme pour le panoramique, la caméra se déplace autour de son axe mais de haut en bas.
Travelling (trav) : Le travelling accompagne le déplacement du
personnage. Son objectif peut être de suivre un sujet, de s'en
rapprocher ou de s'en éloigner. Les types de travellings les plus
répandus sont le travelling latéral (sur le côté), le travelling avant ou
arrière et le travelling haut ou bas.
*
Nb : le zoom n'est pas un mouvement au sens propre : la caméra ne bouge pas, seules certaines
lentilles de l'objectif se déplacent pour créer l'impression d'un rapprochement ou d'un éloignement
du sujet filmé.
Plongée/contre plongée
La plongée est une vue sur le personnage avec la caméra placée plus
haut que lui (la caméra plonge donc vers le personnage). Elle donne au
spectateur une impression de domination, de grandeur.
La contre-plongée est le cadrage inverse : la caméra est placée plus
bas que le personnage qu’elle filme. Donne au spectateur l’impression
d’être minuscule, d’être soumis.
→ Ouvrage conseillé : Jérémy Vineyard, José Cruz, Les plans au cinéma, Editions Eyrolles (disponible aux bureaux du
Festival)
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> Le son
Le son peut se penser comme l’image. Le son « hors champ », en dehors du cadre, fait vivre ce que
l’on ne voit pas…
Dans le cadre de l’atelier, on ne demandera pas aux élèves de préparer de la musique, le travail sera
centré sur les bruitages. Il n’est donc pas nécessaire de chercher des sons dans les banques de
données, mais il est tout à fait envisageable d’apporter des accessoires pour créer les bruitages.
> La lumière
Que ce soit à la prise de vue ou pour la projection d'un film, c'est la lumière qui donne à voir l'image.
Sans lumière, pas d'image. C'est aussi elle qui donne du sens à l'image par la façon dont elle éclaire
le sujet et l'ambiance émotionnelle qu'elle crée. Les peintres, les photographes, et à leur suite les
cinéastes, ont exploré toutes les distorsions que l'on pouvait faire subir à la lumière pour travailler
cette émotion.
"Faire la lumière au cinéma", c'est participer au déroulement de l'histoire, en maîtrisant les émotions
qu'elle produit. Pour construire la lumière d'une scène, le directeur de la photographie fait appel à
ses connaissances techniques, son observation du réel et sa culture esthétique, ses références à la
peinture, à la photographie, à la littérature, voire à la musique, au langage, à l'architecture...
→ Ouvrage : Le guide pratique de l’éclairage, Editions Dujarric
Récapitulatif de cette deuxième étape :
- faire le découpage de la séquence (en plan séquence)
- penser les placements de caméra
- imaginer des bruitages
- penser les indications de lumière
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Extrait du scénario de « Je m’appelle Victor » écrit par Guy Jacques et Emmanuel List
Séquence 1 / Int. Jour. Pièce principale de la maison de Basile
La pièce construite en contrebas, baigne dans trente centimètres d’eau.
On devine, aux différentes marques horizontales qui ont fait moisir le papier peint recouvrant
les murs, que la maison n’en est pas à sa première inondation.
De nombreuses cages abritant tout un tas d’oiseaux bruyants (perroquets, mainates, etc.) sont
posées un peu partout sur les meubles et sur des trépieds, ainsi que plusieurs aquariums de
tailles différentes.
Des plantes exotiques disséminées dans tous les coins, finissent de donner à cet intérieur,
l’aspect étrange d’une jungle tropicale qui aurait envahi une banale maison de province.
LUCE, une femme d’une soixantaine d’années, est assise à une table recouverte d’une toile cirée,
au centre de la pièce. Chaussée de bottes en caoutchouc, les pieds dans l’eau, elle épluche des
pommes de terre.
La porte s’ouvre. YVETTE, la fille de LUCE, apparait en haut du petit escalier intérieur qui donne
accès à la pièce.
YVETTE :
Salut, tout le monde !
(regardant la pièce inondée)
Papa a encore inondé la maison !
LUCE :
Il s’est endormi sur son robinet…
YVETTE :
Ma parole il le fais exprès ! à chaque fois que je viens il me fait le coup…
(descendant les marches)
T’es toute seule ? où ils sont les autres ?
(posant son sac à main et le sac en plastique sur la table)
…Je vais pas rester pour le déjeuner… j’aurai pas le temps…
LUCE :
Oh ben j’ai fait du gigot !
YVETTE :
Ecoute, c’est mon premier Dimanche depuis trois semaines !... j’ai plein de trucs à
faire ! si tu voyais chez moi, y en a partout…
LUCE traverse la pièce pour aller jeter ses épluchures dans la poubvelle. Puis elle prend une grosse
éponge pour nettoyer la table.
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LUCE :
Toi alors… ça fait une semaine que je dis à Basile que tu viens déjeuner Dimanche et
tu restes pas ?
(…)
Séquence 2 / Ext. Jour. Sur la route
BASILE marche d’un bon pas sur le bord de la route, tirant une carriole. Une voiture se rapproche
de lui et se met à rouler au pas à sa hauteur.
YVETTE est au volant, elle baisse sa vitre.
(…)
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