CHRÉTIEN DE TROYES Lancelot ou le Chevalier de la charrette

Transcription

CHRÉTIEN DE TROYES Lancelot ou le Chevalier de la charrette
MOYEN ÂGE
Un roman de chevalerie
CHRÉTIEN DE TROYES
Lancelot
ou le Chevalier de la charrette
(2116)
I. Pourquoi lire Lancelot ou le Chevalier
de la charrette en cinquième ?
Le programme du cycle central invite les professeurs à
choisir une œuvre du Moyen Âge en classe de cinquième
et les accompagnements des programmes proposent la
lecture d’œuvres de Chrétien de Troyes. Lancelot ou le Chevalier de la charrette est un texte riche et diversifié dans son
contenu, mêlant les récits de combats typiques des
romans de chevalerie et les scènes caractéristiques de la
littérature courtoise, susceptibles de plaire aux élèves.
La lecture de cette œuvre permet en outre au professeur de poursuivre un objectif essentiel de la classe de
cinquième : l’apprentissage des types de discours.
La séquence que nous proposons est centrée autour
de Lancelot : « personnage » au sens étymologique du
terme, c’est-à-dire fonctionnel (et non pas au sens psychologique que le roman réaliste donnera à ce mot) ;
ses caractéristiques physiques et psychologiques sont très
sommaires dans le roman : la richesse du personnage
central relève du schéma narratif. Lancelot est investi
d’une double mission : délivrer la reine Guenièvre et,
62
UN ROMAN DE CHEVALERIE
par voie de conséquence, les captifs du royaume de
Logres ; par ailleurs, comme nous le verrons, il est à la
fois destinateur et destinataire de cette entreprise.
Lancelot apparaît comme « le plus noble et le plus
beau » dans le chapitre du « Chevalier provocateur »,
parce que chacun de ses actes révèle chez lui des
marques de bravoure, de droiture, de générosité, de
fidélité. Il est toujours en quête d’aventures et existe surtout dans l’action, poussé par l’amour.
Ce motif sera également largement développé dans
cette séquence car il est au centre du roman courtois.
Comment l’amour naît-il ? Comment s’exprime-t-il ?
Comment l’adultère est-il vécu par les personnages ?
Quelles en sont les conséquences pour les protagonistes
et pour l’action elle-même ?
Enfin, parallèlement à cette lecture de l’œuvre, nous
nous intéresserons aux différents types de « discours »
qui y sont inscrits (récits de combat, scènes de dialogue…). On mettra ainsi en lumière les caractéristiques principales de la narration, de la description et
de l’argumentation, déjà abordées en classe de
sixième.
II. Tableau synoptique de la séquence
Séances
Supports
S1
Paratexte.
Introduction
Objectifs
Dominantes
Activités
Replacer l’œu- Lecture du texte Étude du paratexte.
vre dans son et de l’image.
contexte littéraire et expliciter le titre.
S2
Extraits des cha- Montrer les ca- Lecture, lexique
La rencontre pitres 3 (p. 39) ractéristiques de et grammaire du
amoureuse et 4 (p. 44-46). la passion amou- discours.
reuse.
Lecture du passage étudié, repérage du champ
lexical du coup
de foudre. Étude
du personnage
de Lancelot.
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
S3
Étude du
chapitre 5
Chapitre 5 dans Comprendre un Lecture et gramsa totalité (p. 51- chapitre dans sa maire du dis65).
globalité ; repé- cours.
rer les grands
temps du récit.
S4
Extrait du cha- Mettre en évi- Lecture.
L’épreuve du pitre 6 (p. 65- dence les quaPont-de70).
lités du héros.
l’épée
63
Questionnaire
de préparation.
Corrigé du questionnaire et prolongements.
Travail de lecture.
S5
Les
expansions
du nom
Extrait du chapitre 6, le même
que celui de la
séance précédente.
Manuel
de
grammaire.
Reconnaître, ana- Grammaire de la
lyser et mani- phrase.
puler les expansions du nom ;
maîtriser les fonctions de l’adjectif
qualificatif.
Observation à
partir du texte,
synthèse et exercices d’application.
S6
L’accord
de l’adjectif
qualificatif
Extrait du chapitre 6, le même
que celui des
séances précédentes.
Manuel de grammaire.
Maîtriser la mor- Orthographe.
phologie et les
accords de l’adjectif qualificatif.
Observation à
partir du texte,
synthèse et exercices d’application.
Amener
les Lexique.
élèves à repérer
les comparaisons
d’un texte et à
comprendre les
notions de comparant et de
comparé.
Repérage des différentes comparaisons du texte,
synthèse, exercices d’application.
Prolongement :
expression écrite.
S7
Extrait du chaLes comparai- pitre 6.
sons
Manuel de grammaire.
Évaluation
Extrait du cha- Vérifier les ac- O r t h o g r a p h e
pitre 12 (p. 126). quis des séances grammaticale et
grammaire de la
nos 5, 6 et 7.
phrase.
S8
Extrait du chaLe discours pitre 6 (p. 71argumentatif 74).
de Baudemagus
S9
Le thème
du combat
Étude comparée
des chapitres 5
(p. 55-59) et 7
(p. 80-89).
Repérer et comprendre l’agencement
d’un
texte argumentatif et ses fonctions.
Lecture, grammaire du discours et grammaire de texte.
Dictée préparée
suivie de questions de grammaire.
Recherche des
différents arguments et des
fonctions du discours.
Mettre en évi- Lecture et lexi- Étude des comdence les carac- que.
bats entre Lantéristiques des récelot et le chevacits de combats
lier provocateur,
et les grandes vapuis entre Lanleurs du combatcelot et Méléatant.
gant. Étude de
Repérage
du
la figure du
champ lexical
héros.
des armes du
Prolongements :
chevalier.
exposés, recherches au CDI.
64
UN ROMAN DE CHEVALERIE
Évaluation
Extrait de Per- Vérifier les ac- O r t h o g r a p h e Dictée sur le
ceval ou le Conte quis de la séance lexicale.
champ lexical
du graal.
n˚ 9.
de l’armement
du chevalier.
S10
Le thème
de l’amour
courtois
Chapitres 8, 9 et Favoriser la lec- Lecture.
10.
ture autonome,
développer l’esprit de synthèse.
S11
Regard sur
le texte
original
Extrait du cha- Confronter deux Grammaire de Repérage des
pitre 11.
et
états d’une même la phrase et similitudes
des différences
langue et en re- lexique.
entre l’ancien
marquer quelques
français et le
caractéristiques.
français
moderne.
Évaluation
Explication
de texte
Extrait du cha- Vérifier les ac- Lecture et gram- Questionnaire
(texte, de compréhenpitre 12 (p. 127- quis des séances maire
phrase et dis- sion.
128).
précédentes.
Mettre en évi- cours).
dence les doutes
et le désespoir
de Lancelot.
S12
Bilan de
séquence :
le schéma
actantiel
Le livre dans son Dresser un bilan Lecture.
intégralité.
de lecture et
comprendre le
sens de l’œuvre.
Évaluation
finale
Évaluer les con- Expression
naissances ac- écrite.
quises pendant
la séquence par
la rédaction d’un
récit complexe.
Questionnaire,
bilan et synthèse
sur l’amour courtois.
Prolongement :
recherches au
CDI.
Élaboration du
schéma actantiel
de l’œuvre.
Travail d’écriture qui insère
plusieurs types
de discours et
un champ lexical défini, dans
un récit de chevalerie.
III. Déroulement de la séquence
Séance n˚ 1 : introduction
Objectifs → Replacer l’œuvre dans son contexte littéraire.
→ Expliciter le titre (qui peut paraître obscur
notamment par l’emploi du terme de « charrette » dont le sens est bien précis au
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
65
Moyen Âge et peu coutumier des élèves de
cinquième).
Support → Paratexte.
– On montrera que le titre contient à lui seul plusieurs informations sur le contenu même de l’œuvre :
• Le nom du personnage principal, dont on brossera
les caractéristiques principales.
• L’objet symbolique de la charrette, dont l’importance est considérable dans le parcours de Lancelot
(humiliation du chevalier, statut de paria de la
société, objet révélateur d’une force morale…). On
fera remarquer que Lancelot est désigné par une
périphrase infamante, « chevalier de la charrette »,
dans la majeure partie du récit. En acceptant de
monter sur la charrette, Lancelot s’est mis au rang
des criminels. Il refuse de donner son nom dans
nombre d’épisodes et reste longtemps anonyme.
C’est la reine qui le prononce dans le chapitre 7,
« Premier combat contre Méléagant ». Ce nom
devient alors un signe de délivrance.
– D’autres éléments du paratexte (la couverture – son
illustration, le résumé sur la quatrième page… – et les
illustrations du volume) confirmeront les points précédemment développés et permettront aussi de définir le
genre auquel le texte appartient – le roman –, de le
replacer dans son contexte littéraire : la littérature courtoise.
Séance n˚ 2 : la rencontre amoureuse
Objectifs → Mettre en évidence les caractéristiques premières de la passion amoureuse, en étudiant notamment le champ lexical du coup
de foudre.
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UN ROMAN DE CHEVALERIE
→ Faire le point sur les caractéristiques grammaticales de la narration.
Support → Chapitres 3 : « Mais, alors qu’ils étaient
appuyés sur le rebord de la fenêtre […]
vous avez tort de vous haïr à ce point ! »
(p. 39) et 4 : « Le chevalier de la charrette
s’est enfoncé dans ses pensées […] se
demande avec étonnement qui a bien pu le
frapper » (p. 44-46).
Cette séance sur la rencontre amoureuse est essentielle
dans cette séquence, dans la mesure où elle indique aux
élèves que Lancelot ou le Chevalier de la charrette n’est pas un
roman de chevalerie comme La Chanson de Roland, mais
un roman courtois. Si les récits de combats y ont toute
leur place, ils y sont « supplantés » par l’amour, qui est au
cœur des préoccupations (voir présentation, « La littérature courtoise »). L’extrait que nous proposons ici aux
élèves permet en outre d’évoquer une des grandes caractéristiques de la passion amoureuse, le coup de foudre.
On commencera par resituer l’extrait dans l’œuvre ;
ensuite on étudiera les « composantes » du récit puis le
motif du coup de foudre et enfin on évoquera brièvement
les caractéristiques principales de la narration (rappel de
la classe de sixième).
Au cours de la séance seront donc développés trois
axes de lecture :
1. Les « composantes » du récit ;
2. Le coup de foudre ;
3. Les caractéristiques grammaticales de la narration.
• Les « composantes » du récit
– Que s’est-il passé dans le premier chapitre ?
À la cour du roi Arthur, Méléagant, un chevalier étranger,
enlève la reine Guenièvre. Gauvain, neveu du roi, part à sa
recherche, accompagné du chevalier Lancelot.
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
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– Que se passe-t-il au début du chapitre 2 ?
Gauvain et Lancelot trouvent l’hospitalité dans un château.
– Qui est le maître des lieux ?
« Une demoiselle fort élégamment vêtue et d’une beauté sans
rivale dans la contrée. »
– Expliquez le titre du chapitre.
La jeune fille interdit à Lancelot de se coucher dans le lit
qu’elle a préparé car il s’est déshonoré en montant sur la
charrette : en dépit des avertissements de la demoiselle, Lancelot s’y endort mais le lit prend feu pendant la nuit.
– Par quelle expression est désignée la reine ?
Une dame d’une grande beauté.
– Comment appelle-t-on cette figure de style ?
Une périphrase.
– Quelle est sa valeur ici ?
Elle permet d’expliciter le transport à venir de Lancelot.
=> On montrera aux élèves que cette scène de rencontre s’appuie sur une inversion des codes traditionnels de la littérature amoureuse ; ici l’homme et la
femme ont échangé leur place puisque c’est généralement la belle châtelaine qui se tient à sa fenêtre et qui
voit passer le chevalier en contrebas.
• Le coup de foudre
– Montrez que Lancelot est sous l’emprise de la beauté
de la reine.
« Il se mit à la fixer intensément et comme en extase. »
– Quelle est la première réaction de Lancelot après cette
« apparition » de la reine ?
Il veut mettre fin à ses jours : « Quand elle fut hors de sa vue,
il voulut se laisser choir dans le vide. »
– Comment expliquez-vous un tel geste ?
La réponse nous est partiellement donnée par Gauvain : « Ne
vous mettez pas pareille folie en tête. Vous avez tort de vous
haïr à ce point ! » Gauvain évoque-t-il la « folie » consécutive
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UN ROMAN DE CHEVALERIE
à la passion qui dérègle les âmes et qui s’oppose à la raison ?
Dans quel sens emploie-t-il le terme « haïr » ? Il fait certainement allusion au déshonneur que Lancelot s’est infligé en montant sur la charrette et justifie son geste par un sentiment de
honte intolérable. Mais cette explication est insuffisante. Lancelot a banni tout amour de soi en acceptant l’humiliation de
la charrette par devoir. Doté d’une grande force de caractère, il
ne se laisserait pas aller ainsi au suicide. On peut supposer
que, en voyant Guenièvre, il a réalisé qu’il ne pourrait jamais
l’aimer. Les obstacles entre eux sont trop nombreux : elle est sa
reine (obstacle social), il est un chevalier d’Arthur à qui il doit
respect et fidélité (obstacle moral) et il s’est mis au rang des
exclus de la société (autre obstacle social). Ce geste apparaît
ainsi comme un renoncement à l’amour et comme le signe d’une
passion dévorante et destructrice.
– Montrez que Lancelot n’est pas maître de ses actes.
« Comme un homme qu’Amour gouverne entièrement au
point de le rendre sans force et sans défense. »
– Quelles sont les conséquences du coup de foudre ?
Lancelot est plongé dans ses pensées, au point de ne plus voir
ni entendre ce qui se passe autour de lui. C’est un état de
contemplation extatique qu’A. Le Chapelain appelle le stade
de « cogitation immodérée » dans son Traité de l’amour
courtois (Klincksieck, 2002).
• Les caractéristiques grammaticales de la narration
– On rappellera les caractéristiques de la narration
dans le passage étudié :
• Verbes d’action ;
• temps employés ;
• compléments circonstanciels de temps.
– On demandera enfin aux élèves de délimiter les
parties du texte qui sont au discours direct (observation
de la ponctuation spécifique, des temps employés) et de
montrer ce qu’apportent les interventions du gardien.
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
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Séance n˚ 3 : étude du chapitre 5, « Le chevalier provocateur »
Objectifs → Étudier un chapitre dans son ensemble pour
vérifier l’aptitude des élèves à la compréhension globale d’un texte long.
→ Repérer les grands temps d’un récit.
Support → Chapitre 5 (p. 51-65).
Préalablement, les élèves auront relu la totalité du chapitre. En classe, on privilégiera la lecture de quelques passages clés comme ceux des combats. On pourra demander
aux élèves de préparer la séance en répondant à un questionnaire destiné à vérifier leur compréhension du texte.
La séance, elle, permettra sa correction. Avec ses élèves, le
professeur résumera ensuite les grands temps du récit.
• Questionnaire préparatoire :
compréhension du chapitre
– Par qui Lancelot est-il accompagné ?
– Où va-t-il loger ?
On rappellera ici que le château est un lieu de repos pour le
chevalier errant, une étape obligée sur son parcours.
– Montrez que Lancelot reçoit un bon accueil.
– Comment expliquez-vous cela ?
On mettra l’accent sur l’importance de l’hospitalité au Moyen
Âge.
– Dressez le portrait physique du chevalier provocateur.
– Relevez les expressions qui donnent des renseignements sur le portrait de Lancelot.
« On n’en verrait aucun d’aussi noble et d’aussi beau. » On
expliquera ici l’emploi complexe de « noble ». Noblesse de
naissance ou noblesse de cœur ? Quelles actions révèlent dans
le roman la noblesse de cœur de Lancelot ?
La beauté physique de Lancelot apparaît encore dans l’expression « il n’y avait aucune apparence qu’on pût oublier de le
compter parmi les plus beaux et les plus vaillants chevaliers ».
70
UN ROMAN DE CHEVALERIE
– Quels reproches le chevalier provocateur adresse-t-il à
Lancelot ?
– Que lui propose-t-il pour passer le Pont-de-l’épée ?
– Cette proposition vous paraît-elle honnête ?
– Pourquoi les deux chevaliers vont-ils combattre ?
– En échange de quel affront Lancelot accepte-t-il
d’accorder la grâce du chevalier provocateur ?
– Pourquoi le chevalier vaincu ne peut-il accepter un tel
marché ?
On rappellera ici combien la charrette symbolise la honte
suprême.
– Pourquoi Lancelot décide-t-il finalement de reprendre
le combat ?
• Les grands temps du récit
– Délimitez dans le chapitre le premier combat entre
Lancelot et le chevalier provocateur.
On envisagera le combat depuis sa préparation jusqu’à
l’arrivée de la jeune fille.
– Découpez ce passage en mettant en évidence les différents temps qui le composent.
• La préparation du combat, la prise d’armes (« Avant
même de se relever de la table […] que vous accordiez foi à
mes propos »).
• Le premier assaut, un combat à forces égales (« Celui qui
avait lancé le défi […] dans un violent corps à corps sans
merci »).
• Pause narrative : focalisation sur les « spectateurs » et
introspection de Lancelot (« Tout le monde était sorti du
manoir […] avoir vaincu son opposant »).
• Lancelot prend l’avantage, poussé par sa fureur (« Alors
il l’assaille à coups redoublés […] il ne peut rien faire
d’autre »).
• Le chevalier vaincu demande à être épargné (« Et quand
ce dernier entend son adversaire lui demander grâce […]
en échange de votre pardon »).
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
71
– Relevez les verbes d’action du passage.
– Quel est le temps dominant dans ce passage ?
C’est le présent qui domine.
– Quel est sa valeur ici ?
Il s’agit du présent de narration qui apporte un effet de réel
au combat.
– Relevez les expressions (périphrases) qui désignent
chacun des deux chevaliers depuis le début du chapitre jusqu’à l’arrivée de la jeune fille.
À ce stade du récit, Lancelot n’est pas encore nommé ; quant
à son adversaire, il n’existe qu’en tant qu’ennemi de Lancelot : c’est un personnage fonctionnel qui n’est présent que
pour faire la part belle au héros du roman. Il est le représentant de l’opinion publique outrée par le « péché » qu’a
commis Lancelot : « Pourquoi fut-il conduit sur une charrette ? Pour quel forfait, pour quel péché ? Cela lui sera toujours reproché. » Lancelot en combattant contre son ennemi
combat contre une part de lui-même, contre celui qui est
considéré par tous comme un être infâme.
Lancelot
celui auquel il s’adressait
le chevalier de la charrette ( 5)
chevalier
son vainqueur
ce dernier
Le chevalier provocateur
un chevalier plus orgueilleux qu’un
taureau
l’autre ( 2)
celui qui avait lancé le défi
opposant
adversaire ( 2)
le malheureux
le vaincu ( 2)
le chevalier
celui-ci
Lancelot et son adversaire désignés les deux chevaliers
ensemble
les deux combattants
72
UN ROMAN DE CHEVALERIE
On fera remarquer que les deux protagonistes sont réunis sous
le même terme (les « deux chevaliers » et les « deux combattants ») lors du premier assaut, quand les forces sont équivalentes. Les désignations prennent une forme spécifique pour
mettre en évidence la position d’infériorité du vaincu tombé
sous la coupe du vainqueur.
=> Le professeur pourra profiter de l’étude de ce chapitre pour faire identifier aux élèves les interventions du
narrateur :
« J’aimerais beaucoup que vous accordiez foi à mes propos » ;
« Et pour ne rien oublier, j’ajouterai que le chevalier… » ;
« je tiens à le dire ».
Ces interventions manifestent l’implication du narrateur
dans le récit et son souci d’exprimer les faits avec exactitude,
comme pour donner du crédit à l’histoire ; elles tentent ainsi
de faire passer la fiction pour une réalité. L’emploi du présent
de narration confirme la recherche d’une impression de réel.
Séance n˚ 4 : l’épreuve du Pont-de-l’épée
Objectif → Montrer que le discours descriptif met en
valeur l’héroïsme de Lancelot.
Support → Extrait du chapitre 6, du début jusqu’à « on
ne pouvait imaginer une tour plus
impressionnante » (p. 65-70).
On pourra demander aux élèves, afin de préparer la
séance :
– de lire le texte proposé et de le découper en parties
pour mettre en évidence le schéma narratif suivant :
• situation initiale (arrivée de Lancelot et de ses compagnons, description du pont) ;
• élément modificateur (« La vue de l’eau, du pont et des
lions les met dans un tel effroi qu’ils en tremblent de
peur ») ;
• supplications des compagnons ;
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
73
• exploit de Lancelot ;
• situation finale (« Quand ils ont vu qu’il a réussi à traverser […] imaginer une tour plus impressionnante ») ;
– de relever les caractéristiques du pont et le champ
lexical de la souffrance du chevalier.
Ce texte est intéressant car il met en valeur la
vaillance de Lancelot qui prend alors pleinement son
statut de héros dans une épreuve qui s’apparente à un
parcours initiatique et car il permet l’étude des composantes du discours descriptif, envisagé dans les séances
futures.
Cette séance peut se dérouler selon le plan d’étude
suivant :
1. L’épreuve du chevalier ;
2. Les qualités du héros ;
3. Le Pont ;
• L’épreuve du chevalier
– En quoi le Pont-de-l’épée représente-t-il un triple
danger pour celui qui tente de le franchir ?
Il est fait d’une épée tranchante, il est protégé à son extrémité
par deux lions ou deux léopards, et nul ne pourrait réchapper
aux « flots tumultueux » qui coulent au-dessous.
– Comment les compagnons de Lancelot réagissent-ils à
ces dangers ?
– Relevez les mots qui montrent que ce pont est terrible.
– Que cherchent à faire les compagnons de Lancelot ?
Ils tentent de le dissuader de le traverser.
– Par quels arguments essaient-ils de le convaincre ?
On insistera sur la valeur des comparaisons utilisées et sur le
vocabulaire choisi.
– Comment le chevalier réagit-il face à un tel discours ?
Il rit.
– Comment expliquez-vous cette réaction ?
Il n’a pas peur d’affronter les dangers encourus.
74
UN ROMAN DE CHEVALERIE
– Pourquoi se sent-il si sûr de lui ?
Il se sent protégé par Dieu.
– Qu’est-ce qui l’aide également à supporter cette
épreuve ?
C’est l’amour qui est ici personnifié.
– Pourquoi Lancelot ne voit-il plus les lions ?
– Quel moyen utilise-t-il pour vérifier qu’il s’agit bien
d’un enchantement ?
• Les qualités du héros
– Relevez le champ lexical de la souffrance.
– Comment Lancelot réagit-il à la douleur ?
– Qu’est-ce que cela révèle ?
– À quel personnage célèbre peut-on comparer Lancelot ici ?
Jésus-Christ.
– Comment peut-on qualifier l’épreuve du chevalier ?
On montrera qu’elle fait partie du parcours initiatique du
chevalier et tend à faire de lui un véritable héros. Il s’agit
d’une épreuve physique qui permet au courage de s’illustrer :
vaillance et maîtrise de soi sont ainsi mises en évidence dans
cet épisode.
• Le Pont
Le Pont-de-l’épée est un lieu imaginaire et symbolique.
Il correspond à une étape initiatique que le chevalier
doit franchir, mais il est aussi le pont qui sépare deux
mondes. Les aventures de Lancelot se déroulent dans
deux royaumes : celui du roi Arthur, le royaume de
Logres, et celui du roi Baudemagus, le royaume de
Gorre, situé de façon imprécise aux confins du royaume
d’Arthur et connu sous le nom de « pays d’où nul ne
revient jamais ». Ce dernier royaume symbolise ainsi le
royaume de l’au-delà et l’on ne peut y accéder qu’après
avoir subi un certain nombre d’épreuves parmi les-
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
75
quelles le Pont-de-l’épée. Cet endroit est en outre
marqué par la féerie puisque le château du roi Baudemagus est protégé par un enchantement : la présence
illusoire de deux lions. Le rapprochement avec le
monde des Enfers, gardé par le chien Cerbère, dans la
mythologie grecque, semble ici inévitable et sera l’occasion pour le professeur de vérifier les acquis de sixième.
Il pourra en outre donner lieu à une recherche des
élèves sur les différents fleuves imaginaires de la mythologie.
Séance n˚ 5 : les expansions du nom
Objectifs → Reconnaître, analyser et manipuler les
expansions du nom.
→ Maîtriser les fonctions de l’adjectif qualificatif.
Support → Extrait du chapitre 6, le même que celui de
la séance précédente.
Observation du fait de langue dans l’extrait suivie
d’une synthèse et d’exercices d’application.
Séance n˚ 6 : l’accord de l’adjectif qualificatif
Objectif → Maîtriser la morphologie et les accords de
l’adjectif qualificatif.
Support → Extrait du chapitre 6, le même que celui des
séances précédentes.
Observation du fait de langue dans l’extrait suivie
d’une synthèse et d’exercices d’application.
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UN ROMAN DE CHEVALERIE
Séance n˚ 7 : les comparaisons
Objectifs → Repérer les différentes formes de comparaisons d’un texte.
→ Comprendre les notions de comparant et
de comparé.
→ Remarquer la valeur de la comparaison dans
une description.
Support → Extrait du chapitre 6, le même que celui des
séances précédentes.
Les élèves devront relever les différentes comparaisons du texte et tenter d’expliquer leur valeur ou leur
signification dans la description.
L’observation du fait de langue sera suivie d’une synthèse
écrite précisant notamment les notions de « comparé », de
« comparant » et d’« outils de comparaison ».
On proposera ensuite des exercices d’application
tirés du manuel de grammaire.
Enfin, afin de consolider les acquis, on pourra envisager un prolongement à cette séance : l’écriture d’un
texte descriptif dont la consigne précisera la présence
obligatoire d’expansions du nom et de comparaisons.
Évaluation : dictée (orthographe grammaticale)/questions
Objectif → Vérifier les acquis des séances nos 5 et 6.
Support → Extrait du chapitre 12, « La demoiselle s’approche de la tour jusqu’à la toucher […]
d’une voix faible et rauque » (p. 126).
Dictée de l’extrait. Questions de grammaire en rapport
avec les séances nos 5 et 6 : on pourra notamment demander aux élèves de relever les différentes expansions du
nom du texte et de donner la fonction de quelques adjectifs qualificatifs et participes passés adjectivaux.
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
77
Séance n˚ 8 : le discours argumentatif
Objectif → Repérer et comprendre l’agencement d’un
texte argumentatif et ses fonctions.
Support → Extrait du chapitre 6, « Écoutez donc en
quels termes le roi essaya d’endoctriner son
fils […] car dès maintenant je prends son
parti » (p. 71-74).
Baudemagus tente en vain de convaincre Méléagant
d’apprécier Lancelot à sa juste valeur, de chercher son
amitié et essaie de lui épargner un combat perdu
d’avance en l’incitant à libérer Guenièvre. C’est sans
compter sur le caractère obtus de son fils : celui-ci refuse
d’entendre les paroles de son père, qui multiplie en vain
les arguments.
On demandera aux élèves dans un premier temps de
repérer les différents arguments utilisés par le roi, puis
de comprendre les enjeux de ses propos et enfin d’expliciter les raisons de l’échec de Baudemagus. Ce dernier
n’est-il pas assez convaincant ? Son locuteur est-il trop
amer, gouverné par une trop grande « folie » pour pouvoir entendre un raisonnement, quel qu’il soit ?
Cette séance se déroulera donc selon les trois axes
suivants :
1. L’organisation de l’argumentation ;
2. Les fonctions du discours argumentatif ;
3. La portée du discours : échec et aporie.
• L’organisation de l’argumentation
Baudemagus utilise plusieurs arguments de nature
différente pour persuader son fils.
– Il présente Lancelot comme un être d’exception
qui mérite la considération, l’admiration de tout un
chacun (« le plus grand exploit qu’on n’ait jamais pu
78
UN ROMAN DE CHEVALERIE
imaginer » ; « cette extraordinaire prouesse » ; « l’exploit
de parvenir jusqu’ici »).
– Face à une telle force, tout combat contre Lancelot
semble voué à l’échec : « Tu ne gagneras rien à te quereller avec lui ; bien au contraire tu pourrais y perdre
beaucoup » ; « Il n’aura personne d’autre à redouter ».
– Le roi poursuit son argumentation et indique à son
fils le comportement à adopter : Méléagant doit faire
preuve de « courtoisie » envers Lancelot. Il prône ainsi
une attitude raisonnable : « Fais-toi considérer comme
un homme sage et courtois » ; « Envoie-lui la reine avant
même de le rencontrer. Honore-le dans ta terre en lui
donnant avant même qu’il ne te l’ait demandé ce qu’il
est venu y chercher » ; « Évite qu’on te juge obstiné,
insensé ou orgueilleux » ; « Tu ferais preuve de courtoisie en renonçant à cet entêtement ». Il met encore
l’accent sur les devoirs qu’un bon chevalier doit accomplir, en employant à deux reprises le verbe « devoir » et
en utilisant l’impératif : « Honore-le » ; « Tu dois lui
offrir ta compagnie car le prud’homme doit attirer le
prud’homme et lui témoigner des marques d’honneur
et d’estime ». Il poursuit en expliquant qu’une telle attitude est profitable à Méléagant non seulement parce
qu’il remplirait ainsi son devoir, mais aussi parce qu’il en
tirerait une gratification personnelle : « L’honneur en
rejaillira sur toi. »
– Ces arguments n’ont pas l’effet escompté car Méléagant semble piqué au vif : Baudemagus change alors de
stratégie et ménage la susceptibilité de son fils : il utilise
pour cela le procédé paradoxal du retournement de
situation, en posant son fils comme maître du jeu ; il
cherche à le persuader qu’il peut avoir l’avantage sur
son adversaire en acceptant de libérer Guenièvre et en
évitant de participer à la gloire de Lancelot : « Tu sais
bien que ce chevalier sera tout désemparé s’il n’a pas à
t’arracher la reine les armes à la main » ; « Aussi agirais-
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
79
tu astucieusement en lui ravissant le bénéfice d’un
combat ». Le ton se fait plus doux, car le roi prend conscience qu’il ne doit pas affronter son fils pour arriver à
ses fins mais plutôt lui donner des conseils, ceux qu’un
père prodigue à son fils : les expressions « Je te conseille » ;
« Tu sais bien que… » ; « Il est préférable » sont beaucoup moins directives que l’emploi du verbe « devoir ».
– Pourtant Baudemagus adopte rapidement un ton
plus virulent, moralisateur, qui rompt avec la stratégie
précédemment mise en place. Quelle en est la raison ?
Le roi s’impatiente-t-il de ne pas trouver crédit auprès
de Méléagant ? Se laisse-t-il aller à ses pulsions de père
outré par l’attitude irraisonnée de son fils ? Quoi qu’il
en soit, Baudemagus ne veut pas cautionner la bêtise de
celui-ci (« Cela me chagrine de te voir te comporter
aussi bêtement ») et prend très clairement le parti de
Lancelot (« je lui accorde une totale sauvegarde » ; « Il
sera protégé à l’encontre de quiconque excepté évidemment de toi »). On peut comprendre la jalousie d’un fils
qui voit son propre père préférer un autre que lui.
L’expression suivante est dans ce sens édifiante :
« Jamais je n’ai commis la moindre déloyauté, la
moindre trahison ou la moindre bassesse et ce n’est pas
maintenant que j’en commettrai une dans ton intérêt
ou dans celui d’autrui. »
• Les fonctions du discours argumentatif
Le narrateur explique lui-même la fonction du discours argumentatif de Baudemagus dans l’expression :
« Écoutez donc en quels termes le roi essaya d’endoctriner
son fils. » Cette phrase traduit l’ancien français « S’orroiz
comant tient a escole li rois son fil qu’il aparole ». Le nom
« escole » signifie « remontrance », « conseil » et le verbe
« escoler » a le sens d’« enseigner » puis d’« endoctriner », « séduire ». Les fonctions de l’argumentation sont
donc de persuader et de convaincre un locuteur. Mais
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UN ROMAN DE CHEVALERIE
les différentes acceptions des termes originaux mettent
en évidence l’idée de conseil et celle de séduction, qui
sont effectivement des moyens que Baudemagus utilise
pour convaincre son fils de changer d’avis et d’opter
pour une attitude plus raisonnable que la résistance
dont il fait continuellement preuve.
On rappellera lors de cette séance les différentes
valeurs de l’impératif (conseil, exhortation, ordre…),
afin de mettre en évidence la finalité sous-jacente du discours argumentatif.
• La portée du discours : échec et aporie
Nous avons vu que le roi change de procédé de persuasion quand il s’aperçoit que son fils n’est pas réceptif
à ses propos : « J’en prends Dieu à témoin, je préférerais
être contraint de devenir son vassal plutôt que de lui
rendre la reine ! » Les paroles de Méléagant sont véhémentes, comme le confirme la ponctuation : il n’apprécie pas que son père vante tant les mérites de Lancelot à
ses dépens et la jalousie parle d’elle-même. Enfin, il
refuse tous les conseils de son père : « Vous pouvez donc
dire tout ce que vous voulez mais votre discours me
laisse indifférent. » Et Baudemagus conclut : « Alors je
ne dirai rien de plus. Maintenant fais ce que tu veux. »
Ce renoncement à la parole et à l’échange est une manifestation criante de l’échec de l’argumentation. Les
arguments du roi étaient pourtant nombreux et divers
et auraient pu toucher la sensibilité de son fils. Mais la
colère, la « rage » de Méléagant sont telles qu’il ne laisse
pas prise aux mots : seule l’action compte.
On pourra montrer aux élèves que la « folie » de
Méléagant aboutit à un autre échec de la rhétorique à la
fin du chapitre 11, « La dernière perfidie de Méléagant » : une fois de plus, son père ne peut le convaincre
et l’emportement des deux protagonistes est à son
paroxysme : « […] ton cœur est par trop fermé à toute
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
81
pitié et tu es entièrement dominé par une folie furieuse.
C’est pourquoi je n’éprouve pour toi que mépris et c’est
ce qui te perdra » ; « Fils, je peux bien te faire la morale,
mais à quoi cela sert-il ? Tout ce que l’on peut dire à un
fou a bien peu d’effet » ; « Êtes-vous en train de rêver ou
de délirer tout éveillé pour dire que je suis fou quand je
vous raconte ce qui fait ma vie ? Je pensais être venu à
vous comme à mon père et à mon seigneur mais il ne me
semble guère qu’il en soit ainsi car vous m’insultez plus
vilainement qu’à mon avis vous n’en avez le droit ».
Séance n˚ 9 : le thème du combat
Objectifs → Étudier le vocabulaire de l’armement du
chevalier au Moyen Âge.
→ Mettre en parallèle deux récits de combat
pour faire ressortir les caractéristiques spécifiques du roman courtois.
→ Repérer la figure du héros : comment se
distingue-t-il de ses adversaires ?
Support → Étude comparée des extraits des
chapitres 5, « Avant même de se relever de
la table […] en échange de votre pardon »
(p. 55-59) et 7, « Le combat aura donc lieu
au pied du donjon […] en profite pour le
frapper autant qu’il le peut » (p. 80-89).
Le corpus de textes choisi est conséquent et nécessite
une lecture préalable des élèves. On pourra leur demander de répondre à un questionnaire, à la maison ou en
classe, qui suivra le plan suivant :
1. Les préparatifs du combat (champ lexical de
l’armement du chevalier) ;
2. Le déroulement du combat ;
3. Les qualités du combattant et la mise en valeur de
Lancelot.
82
UN ROMAN DE CHEVALERIE
Le professeur, lors de la correction, en profitera pour
apporter des compléments utiles à la compréhension de
l’œuvre. Cette séance pourra donner lieu à un prolongement autour de l’armement du chevalier au Moyen Âge,
sous la forme d’exposés personnels ou de recherches au
CDI.
• Les préparatifs du combat
– De quoi se compose l’armement des chevaliers ?
– Quelles sont les fonctions de chacune des armes ?
– Montrez que cet armement met systématiquement
Lancelot en valeur.
• Le déroulement du combat
– Où les combats ont-ils lieu ?
– En présence de qui ?
On montrera que le combat est considéré comme un véritable
spectacle (rapprochement à faire avec les combats de gladiateurs dans l’Antiquité).
– Relevez les termes qui mettent en évidence la violence
des combats.
– Relevez les ellipses narratives dans le récit de chacun
des combats.
– Quelle en est l’utilité pour le lecteur ?
• Les qualités du combattant
et la mise en valeur de Lancelot
– Montrez que Lancelot fait acte de bravoure.
– Qu’est-ce qui, lors des deux combats, lui donne une
force prodigieuse ?
Pendant le premier combat, les forces de Lancelot sont redoublées lorsqu’il pense avoir fait preuve de lâcheté devant les
« spectateurs » ; pendant le combat contre Méléagant, après
l’intervention de la reine Guenièvre qui appelle Lancelot par
son nom, ce dernier éprouve encore un sentiment de lâcheté
qui lui inspire une fureur guerrière.
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
83
– Quelles sont les autres qualités de Lancelot confronté
à l’ennemi ?
– En quoi est-il supérieur à ses adversaires ?
Méléagant est arrogant, excessif et provocateur : il incarne la
démesure et la folie. C’est un fourbe et un menteur qui n’hésite
pas à faire preuve de traîtrise au combat. Lancelot, quant à
lui, est présenté comme un chevalier idéal, plein de générosité
quand il accorde la grâce à ses ennemis. Il agit sans aucune
volonté de nuire à quiconque, ne provoque jamais les combats, contrairement à ses adversaires. C’est son calme et sa
maîtrise de soi qui lui permettent de prendre l’avantage. Le
chevalier provocateur, comme Méléagant, se retrouve sous la
coupe de Lancelot parce qu’il pèche par excès. Ce n’est donc
pas tant par sa force physique naturelle que notre héros
l’emporte sur ses ennemis (les forces demeurent longtemps
égales dans chacun des combats) que par sa grandeur d’âme,
sa « noblesse », qui lui insuffle une fureur sans pareille.
Évaluation en classe : dictée (orthographe lexicale)
Objectif → Vérifier les acquis de la séance n˚ 9 (vocabulaire de l’armement du chevalier).
Dictée extraite de Perceval ou le Conte du graal de Chrétien de Troyes (chapitre 8 dans l’édition GF-Flammarion, « Étonnants Classiques », 2001).
« Le jeune homme en eut alors assez. Il mit la lance
en arrêt, et ils s’élancèrent l’un contre l’autre sans se
défier ni s’adresser la parole. Chacun disposait d’une
lance en frêne au fer tranchant et à la hampe robuste et
maniable. Les chevaux étaient rapides et les chevaliers
puissants. Ils se haïssaient à mort. Ils se frappèrent si fort
que craquaient les bois de leurs écus qui se brisèrent en
même temps que les lances, et qu’ils se jetèrent l’un
l’autre à terre. Mais ils eurent tôt fait de se remettre en
selle et de se précipiter l’un contre l’autre, sans paroles
84
UN ROMAN DE CHEVALERIE
inutiles, plus férocement que deux sangliers. Ils se
frappèrent sur leurs boucliers et sur leurs hauberts aux
fines mailles de toute la force de leurs chevaux.
Emportés par la colère et la rage, de toute la puissance
de leurs bras, ils firent voler les morceaux et les éclats de
leurs deux lances. »
On donnera aux élèves l’orthographe de « frêne » et
de « hampe ».
Séance n˚ 10 : le thème de l’amour courtois
Objectifs → Favoriser la lecture autonome.
→ Développer l’esprit de synthèse.
Support → Chapitres 8, 9 et 10, centrés autour de
l’amour de Lancelot et de Guenièvre.
Les élèves auront lu chez eux les trois chapitres et
répondu au questionnaire suivant qui sera corrigé en
début de séance. La suite de celle-ci s’apparentera à un
exercice de synthèse, dans la mesure où les élèves, à
partir de leur lecture, auront à préciser les grandes
caractéristiques de l’amour courtois.
En prolongement de cette séance, on pourra
demander aux élèves d’effectuer une recherche sur les
amours contrariées dans la littérature.
• Questionnaire préparatoire
– Quelle est la première réaction de la reine quand elle
voit apparaître Lancelot ?
Elle « prit un air courroucé, baissa la tête et ne dit pas un
mot ».
– Comment Lancelot réagit-il à une telle froideur ?
Il est comme « foudroyé » mais ne lui demande aucune explication et préfère s’en aller.
– Pourquoi le sénéchal Keu est-il furieux ?
Il lui reproche d’avoir réussi là où il avait échoué.
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
85
– Pourquoi Lancelot part-il ?
Il part à la recherche de Gauvain.
– Pourquoi est-il fait prisonnier ?
Parce qu’il est désarmé.
– Quelle rumeur circule à son sujet ?
On dit qu’il s’est fait tuer.
– Comment la reine réagit-elle à cette nouvelle ? Justifiez
votre réponse en relevant des expressions significatives tirées du texte.
Elle est désespérée, au point de vouloir perdre la vie. Elle se
confesse et se repent de ses fautes.
– Qu’est-ce que cette attitude révèle sur ses sentiments
pour Lancelot ?
Elle montre qu’elle est éperdument amoureuse de lui.
– Pourquoi Lancelot décide-t-il de mourir ?
Parce que « le bruit de la mort de celle qui était sa dame et sa
tendre amie [lui] parvi[e]nt ».
– Par qui est-il sauvé ?
Par ses compagnons de route.
– Comment la reine accueille-t-elle Lancelot à son
retour au château ? Justifiez votre réponse en relevant
des expressions significatives tirées du texte.
Elle l’accueille avec une grande joie.
– Quelle raison la reine donne-t-elle à Lancelot pour justifier sa froideur passée ?
Elle lui reproche d’avoir hésité un temps à monter sur la charrette d’infamie : « Vous y êtes monté de bien mauvaise grâce
puisque vous avez attendu deux pas ! C’est là la seule raison
pour laquelle j’ai refusé de vous adresser la parole et de vous
regarder. »
On montrera aux élèves que cette justification fait écho au
chapitre 2 : « Le chevalier a alors une courte hésitation avant
de sauter dans la charrette : à peine le temps qu’elle avance de
deux pas. C’est pour son malheur qu’il ne bondit pas sur-lechamp et qu’il en a honte car il le regrettera fort ! Mais
Raison qui s’oppose à Amour lui ordonne de se retenir de
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UN ROMAN DE CHEVALERIE
monter ; elle le sermonne et lui enseigne à ne rien faire dont il
pourrait avoir honte ou qu’il pourrait se reprocher. »
– Comment Lancelot réussit-il à rejoindre Guenièvre
dans sa chambre ?
En écartant les barreaux de sa fenêtre.
– Pourquoi les deux amants doivent-ils se faire très discrets et silencieux ?
Parce que le sénéchal Keu dort près d’eux.
– Quelle erreur fatale Lancelot a-t-il commise ?
Il a laissé des traces de sang sur les draps de Guenièvre.
• L’amour de Lancelot pour la reine/
caractéristiques de l’amour courtois
1. Le conflit intérieur ou le combat des sentiments
– La froideur de Guenièvre, révélatrice de ses sentiments refoulés.
– Le comportement de la reine : une épreuve psychologique ; soumission du « fin amant » (« parfait amant »
courtois).
– Le désespoir de Lancelot.
2. L’amour contrarié
– Les obstacles à l’amour, l’importance des contingences extérieures dans la révélation des sentiments
des deux amants : distance entre Guenièvre (la reine)
et Lancelot (le chevalier errant) ; rumeurs sur la disparition de l’être aimé ; barreaux de la fenêtre ; présence de Keu.
– Guenièvre prend conscience de son amour : tristesse et désespoir.
– La mort comme manifestation de l’amour.
3. Le bonheur des amants
– Le dialogue courtois (« mots très tendres », « lui
rendit son salut avec la même douceur », « leur conversation fut aussi pure que remplie d’agrément »…).
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
87
– Le champ lexical de la joie et du bonheur (« grande
extase », « joies », « au comble du bonheur et du
plaisir »…).
– L’expression des sentiments (« adoration muette »,
« amour profond », « lui l’adore »…).
Séance n˚ 11 : regard sur le texte original
Objectifs → Confronter un texte en ancien français et sa
traduction moderne.
→ Dégager quelques caractéristiques des différents états d’une même langue.
Support → Étude comparée d’un extrait du chapitre
intitulé « La dernière perfidie de Méléagant »
en ancien français et dans sa traduction.
Cette séance repose sur un extrait original tiré de la
version du texte présentée par l’édition GF-Flammarion,
qui s’appuie sur le manuscrit C, dit « manuscrit Guiot ».
On permettra aux élèves d’établir un certain nombre
de rapprochements entre l’ancien français et la traduction (terminaisons verbales, morphologie des pronoms
personnels puis des adjectifs possessifs et démonstratifs,
termes vieillis encore en usage (« céans »), termes
inchangés (« baron », « bataille », « faille », « portent »,
« an »…) ; on mettra aussi l’accent sur les différences
(place des mots dans la phrase) ; on expliquera enfin
l’étymologie de quelques mots français comme « aujourd’hui ».
Cette étude pourra faire l’objet d’une mise au point
sur les différentes natures des mots.
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« Sire rois », fet Meleaganz
« Lanceloz me dist que ceanz
le troveroie je sanz faille,
ne je ne doi ceste bataille
semondre s’an vostre cort non.
Je vuel que trestuit cist baron
qui ci sont m’an portent tesmoing,
que d’ui en un an l’en semoing
par les covanz que nos feïmes
la ou la bataille anpreïsmes. »
UN ROMAN DE CHEVALERIE
Sire roi, répliqua Méléagant, Lancelot
m’avait assuré qu’à coup sûr je le trouverais ici et je ne peux l’assigner à ce
combat nulle part ailleurs qu’en votre
cour. Je veux que tous ces barons qui
sont ici m’en soient témoins : en vertu
des accords que nous avons conclus
lorsque nous avons décidé ce combat,
je le somme de me tenir sa promesse
dans un an à compter d’aujourd’hui.
Afin de faciliter la compréhension des élèves, on leur
proposera le petit lexique suivant, réalisé à partir de la
consultation du Dictionnaire de l’ancien français de
Greimas (Larousse) :
LEXIQUE
Anpreïsmes : 1re pers. du pluriel du passé simple (nous décidâmes).
Covanz : accords, marchés.
Semoing : 1re pers. du singulier du verbe semondre au présent de
l’indicatif.
Semondre : inviter, convoquer, assigner.
Tesmoing : témoignage.
Trestoz, trestuit : tout, tous.
Ui : aujourd’hui.
Évaluation : explication de texte
Objectifs → Vérifier les acquis des séances précédentes.
→ Mettre en évidence les doutes et le
désespoir de Lancelot.
Support → Extrait du chapitre 12, « Ah ! Fortune,
comme ta roue a vilainement pour moi !
[…] tout le mal qu’il a pu » (p. 127-128).
Lancelot dresse une sorte de bilan des épreuves qu’il
a endurées. Cela permet aux élèves d’expliciter tous les
événements auxquels le chevalier fait continuellement
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LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
allusion et donc au professeur de vérifier leur connaissance de l’histoire.
On essaiera de rendre sensible la tonalité dominante
de ce monologue intérieur, caractérisé par les plaintes et
le désespoir de Lancelot, notamment par l’étude du
champ lexical de la plainte et par celle de la ponctuation. Pour guider les élèves, on leur demandera de
répondre à des questions de compréhension.
Séance n˚ 12 : bilan de séquence, le schéma actantiel
Objectif → Dresser un bilan de lecture et comprendre
le sens de l’œuvre.
• Le schéma actanciel
Cette séance permet d’aborder le roman sous un
angle nouveau pour des élèves de cinquième : le schéma
actantiel. Il s’agit de percevoir les caractéristiques de la
trame narrative et de la psychologie du héros. On indiquera que la quête de Lancelot est double et on aidera
les élèves à reconstituer les schémas suivants :
Adjuvants
Héros
Quête 1
Opposants
Arthur, Gauvain, Keu, Lancelot. Délivrer la reine Le gardien du gué, MéBaudemagus, les comGuenièvre.
léagant, le nain, le chepagnons de route de
valier provocateur.
Lancelot.
Adjuvants
Amour, Guenièvre.
Héros
Quête 2
Opposants
Lancelot. Conquérir l’amour Arthur (par son statut
de Guenièvre.
d’époux), Méléagant,
Keu, Guenièvre (au
début).
On demandera aux élèves de rappeler tous les obstacles que Lancelot a dû affronter pour parvenir à ses
fins et on leur montrera en quoi ces épreuves physiques
et psychologiques constituent un parcours initiatique.
90
UN ROMAN DE CHEVALERIE
• Évaluation finale
On pourra proposer le sujet suivant :
Après avoir été enlevé par les hommes de Méléagant,
qui le garde prisonnier, Lancelot réussit à s’échapper
pour participer à un grand tournoi, auquel assiste
Guenièvre, et en sort vainqueur. Racontez cet épisode
en alternant dans votre récit des parties narratives et des
parties descriptives, et en y insérant éventuellement un
court dialogue. Vous tâcherez de mettre en valeur le
champ lexical de l’armement du chevalier, ainsi que les
qualités du héros de chevalerie.
On s’attachera notamment aux critères d’évaluation
suivants :
– Les codes sont bien respectés (majuscules, ponctuation…).
– Récit, discours et description alternent.
– L’élève a enrichi sa partie descriptive d’expansions
du nom et de comparaisons.
– Les accords noms-adjectifs sont bien réalisés.
– Les temps sont bien choisis et convenablement
conjugués.
– Le vocabulaire de l’armement est varié et correctement orthographié.
– Les caractéristiques du héros sont suffisamment
développées et sont en adéquation avec ce que nous
savons de Lancelot (cohérence).
– Le récit imaginé est cohérent et constitue une unité
complète (il a un début et une fin).
LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE
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IV. Orientations bibliographiques
A. Éditions de Lancelot ou le Chevalier de la charrette
Lancelot ou le Chevalier de la charrette, édition bilingue de JeanClaude Aubailly, GF-Flammarion, 1991.
Lancelot ou le Chevalier de la charrette, édition bilingue de
A. Foulet et Karl D. Uitti, Classiques Garnier, 1689.
Œuvres complètes de Chrétien de Troyes, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1994.
B. Ouvrages généraux
G. COHEN, Un grand romancier d’amour et d’aventure au XIIe siècle :
Chrétien de Troyes et son œuvre, Boivin, 1931 ; nouvelle édition, 1948.
J. FLORI, Chevaliers et chevalerie au Moyen Âge, Hachette, 1998.
J. FRAPPIER, Chrétien de Troyes, l’homme et l’œuvre, Hatier, 1957 ;
nouvelle édition, 1968.
J. MARKALE, Lancelot et la chevalerie arthurienne, Imago, 1985.
J. RIBARD, Le Chevalier de la charrette : essai d’interprétation symbolique, Nizet, 1972.
C. Études sur Lancelot ou le Chevalier de la charrette
P. G. BELTRAMI, Chrétien, l’amour, l’adultère : remarques sur le Chevalier de la charrette, BBSIA, n˚ 36, 1984, p. 284.
D. C. FOWLER, « L’amour dans le Lancelot de Chrétien »,
Romania, n˚ 91, 1970, p. 378-391.
PH. MÉNARD, Le Temps et la durée dans les romans de Chrétien
de Troyes, Le Moyen Âge, t. LXXIII, 1967, p. 375-401.
A. MICHA, « Sur les sources de la charrette », Romania, n˚ 71,
1950, p. 345-358.
J. RYCHNER « Le sujet et la signification du Chevalier de la
charrette », Vox Romanica, n˚ 27 1968, p. 50-76.
–, « Le Prologue du Chevalier de la charrette et l’interprétation
du roman », Mélanges offerts à Rita Lejeune, Duculot, 1969.
Hervé-François FOURNIER.