CHRÉTIEN DE TROYES Lancelot ou le Chevalier de la charrette
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CHRÉTIEN DE TROYES Lancelot ou le Chevalier de la charrette
MOYEN ÂGE Un roman de chevalerie CHRÉTIEN DE TROYES Lancelot ou le Chevalier de la charrette (2116) I. Pourquoi lire Lancelot ou le Chevalier de la charrette en cinquième ? Le programme du cycle central invite les professeurs à choisir une œuvre du Moyen Âge en classe de cinquième et les accompagnements des programmes proposent la lecture d’œuvres de Chrétien de Troyes. Lancelot ou le Chevalier de la charrette est un texte riche et diversifié dans son contenu, mêlant les récits de combats typiques des romans de chevalerie et les scènes caractéristiques de la littérature courtoise, susceptibles de plaire aux élèves. La lecture de cette œuvre permet en outre au professeur de poursuivre un objectif essentiel de la classe de cinquième : l’apprentissage des types de discours. La séquence que nous proposons est centrée autour de Lancelot : « personnage » au sens étymologique du terme, c’est-à-dire fonctionnel (et non pas au sens psychologique que le roman réaliste donnera à ce mot) ; ses caractéristiques physiques et psychologiques sont très sommaires dans le roman : la richesse du personnage central relève du schéma narratif. Lancelot est investi d’une double mission : délivrer la reine Guenièvre et, 62 UN ROMAN DE CHEVALERIE par voie de conséquence, les captifs du royaume de Logres ; par ailleurs, comme nous le verrons, il est à la fois destinateur et destinataire de cette entreprise. Lancelot apparaît comme « le plus noble et le plus beau » dans le chapitre du « Chevalier provocateur », parce que chacun de ses actes révèle chez lui des marques de bravoure, de droiture, de générosité, de fidélité. Il est toujours en quête d’aventures et existe surtout dans l’action, poussé par l’amour. Ce motif sera également largement développé dans cette séquence car il est au centre du roman courtois. Comment l’amour naît-il ? Comment s’exprime-t-il ? Comment l’adultère est-il vécu par les personnages ? Quelles en sont les conséquences pour les protagonistes et pour l’action elle-même ? Enfin, parallèlement à cette lecture de l’œuvre, nous nous intéresserons aux différents types de « discours » qui y sont inscrits (récits de combat, scènes de dialogue…). On mettra ainsi en lumière les caractéristiques principales de la narration, de la description et de l’argumentation, déjà abordées en classe de sixième. II. Tableau synoptique de la séquence Séances Supports S1 Paratexte. Introduction Objectifs Dominantes Activités Replacer l’œu- Lecture du texte Étude du paratexte. vre dans son et de l’image. contexte littéraire et expliciter le titre. S2 Extraits des cha- Montrer les ca- Lecture, lexique La rencontre pitres 3 (p. 39) ractéristiques de et grammaire du amoureuse et 4 (p. 44-46). la passion amou- discours. reuse. Lecture du passage étudié, repérage du champ lexical du coup de foudre. Étude du personnage de Lancelot. LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE S3 Étude du chapitre 5 Chapitre 5 dans Comprendre un Lecture et gramsa totalité (p. 51- chapitre dans sa maire du dis65). globalité ; repé- cours. rer les grands temps du récit. S4 Extrait du cha- Mettre en évi- Lecture. L’épreuve du pitre 6 (p. 65- dence les quaPont-de70). lités du héros. l’épée 63 Questionnaire de préparation. Corrigé du questionnaire et prolongements. Travail de lecture. S5 Les expansions du nom Extrait du chapitre 6, le même que celui de la séance précédente. Manuel de grammaire. Reconnaître, ana- Grammaire de la lyser et mani- phrase. puler les expansions du nom ; maîtriser les fonctions de l’adjectif qualificatif. Observation à partir du texte, synthèse et exercices d’application. S6 L’accord de l’adjectif qualificatif Extrait du chapitre 6, le même que celui des séances précédentes. Manuel de grammaire. Maîtriser la mor- Orthographe. phologie et les accords de l’adjectif qualificatif. Observation à partir du texte, synthèse et exercices d’application. Amener les Lexique. élèves à repérer les comparaisons d’un texte et à comprendre les notions de comparant et de comparé. Repérage des différentes comparaisons du texte, synthèse, exercices d’application. Prolongement : expression écrite. S7 Extrait du chaLes comparai- pitre 6. sons Manuel de grammaire. Évaluation Extrait du cha- Vérifier les ac- O r t h o g r a p h e pitre 12 (p. 126). quis des séances grammaticale et grammaire de la nos 5, 6 et 7. phrase. S8 Extrait du chaLe discours pitre 6 (p. 71argumentatif 74). de Baudemagus S9 Le thème du combat Étude comparée des chapitres 5 (p. 55-59) et 7 (p. 80-89). Repérer et comprendre l’agencement d’un texte argumentatif et ses fonctions. Lecture, grammaire du discours et grammaire de texte. Dictée préparée suivie de questions de grammaire. Recherche des différents arguments et des fonctions du discours. Mettre en évi- Lecture et lexi- Étude des comdence les carac- que. bats entre Lantéristiques des récelot et le chevacits de combats lier provocateur, et les grandes vapuis entre Lanleurs du combatcelot et Méléatant. gant. Étude de Repérage du la figure du champ lexical héros. des armes du Prolongements : chevalier. exposés, recherches au CDI. 64 UN ROMAN DE CHEVALERIE Évaluation Extrait de Per- Vérifier les ac- O r t h o g r a p h e Dictée sur le ceval ou le Conte quis de la séance lexicale. champ lexical du graal. n˚ 9. de l’armement du chevalier. S10 Le thème de l’amour courtois Chapitres 8, 9 et Favoriser la lec- Lecture. 10. ture autonome, développer l’esprit de synthèse. S11 Regard sur le texte original Extrait du cha- Confronter deux Grammaire de Repérage des pitre 11. et états d’une même la phrase et similitudes des différences langue et en re- lexique. entre l’ancien marquer quelques français et le caractéristiques. français moderne. Évaluation Explication de texte Extrait du cha- Vérifier les ac- Lecture et gram- Questionnaire (texte, de compréhenpitre 12 (p. 127- quis des séances maire phrase et dis- sion. 128). précédentes. Mettre en évi- cours). dence les doutes et le désespoir de Lancelot. S12 Bilan de séquence : le schéma actantiel Le livre dans son Dresser un bilan Lecture. intégralité. de lecture et comprendre le sens de l’œuvre. Évaluation finale Évaluer les con- Expression naissances ac- écrite. quises pendant la séquence par la rédaction d’un récit complexe. Questionnaire, bilan et synthèse sur l’amour courtois. Prolongement : recherches au CDI. Élaboration du schéma actantiel de l’œuvre. Travail d’écriture qui insère plusieurs types de discours et un champ lexical défini, dans un récit de chevalerie. III. Déroulement de la séquence Séance n˚ 1 : introduction Objectifs → Replacer l’œuvre dans son contexte littéraire. → Expliciter le titre (qui peut paraître obscur notamment par l’emploi du terme de « charrette » dont le sens est bien précis au LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 65 Moyen Âge et peu coutumier des élèves de cinquième). Support → Paratexte. – On montrera que le titre contient à lui seul plusieurs informations sur le contenu même de l’œuvre : • Le nom du personnage principal, dont on brossera les caractéristiques principales. • L’objet symbolique de la charrette, dont l’importance est considérable dans le parcours de Lancelot (humiliation du chevalier, statut de paria de la société, objet révélateur d’une force morale…). On fera remarquer que Lancelot est désigné par une périphrase infamante, « chevalier de la charrette », dans la majeure partie du récit. En acceptant de monter sur la charrette, Lancelot s’est mis au rang des criminels. Il refuse de donner son nom dans nombre d’épisodes et reste longtemps anonyme. C’est la reine qui le prononce dans le chapitre 7, « Premier combat contre Méléagant ». Ce nom devient alors un signe de délivrance. – D’autres éléments du paratexte (la couverture – son illustration, le résumé sur la quatrième page… – et les illustrations du volume) confirmeront les points précédemment développés et permettront aussi de définir le genre auquel le texte appartient – le roman –, de le replacer dans son contexte littéraire : la littérature courtoise. Séance n˚ 2 : la rencontre amoureuse Objectifs → Mettre en évidence les caractéristiques premières de la passion amoureuse, en étudiant notamment le champ lexical du coup de foudre. 66 UN ROMAN DE CHEVALERIE → Faire le point sur les caractéristiques grammaticales de la narration. Support → Chapitres 3 : « Mais, alors qu’ils étaient appuyés sur le rebord de la fenêtre […] vous avez tort de vous haïr à ce point ! » (p. 39) et 4 : « Le chevalier de la charrette s’est enfoncé dans ses pensées […] se demande avec étonnement qui a bien pu le frapper » (p. 44-46). Cette séance sur la rencontre amoureuse est essentielle dans cette séquence, dans la mesure où elle indique aux élèves que Lancelot ou le Chevalier de la charrette n’est pas un roman de chevalerie comme La Chanson de Roland, mais un roman courtois. Si les récits de combats y ont toute leur place, ils y sont « supplantés » par l’amour, qui est au cœur des préoccupations (voir présentation, « La littérature courtoise »). L’extrait que nous proposons ici aux élèves permet en outre d’évoquer une des grandes caractéristiques de la passion amoureuse, le coup de foudre. On commencera par resituer l’extrait dans l’œuvre ; ensuite on étudiera les « composantes » du récit puis le motif du coup de foudre et enfin on évoquera brièvement les caractéristiques principales de la narration (rappel de la classe de sixième). Au cours de la séance seront donc développés trois axes de lecture : 1. Les « composantes » du récit ; 2. Le coup de foudre ; 3. Les caractéristiques grammaticales de la narration. • Les « composantes » du récit – Que s’est-il passé dans le premier chapitre ? À la cour du roi Arthur, Méléagant, un chevalier étranger, enlève la reine Guenièvre. Gauvain, neveu du roi, part à sa recherche, accompagné du chevalier Lancelot. LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 67 – Que se passe-t-il au début du chapitre 2 ? Gauvain et Lancelot trouvent l’hospitalité dans un château. – Qui est le maître des lieux ? « Une demoiselle fort élégamment vêtue et d’une beauté sans rivale dans la contrée. » – Expliquez le titre du chapitre. La jeune fille interdit à Lancelot de se coucher dans le lit qu’elle a préparé car il s’est déshonoré en montant sur la charrette : en dépit des avertissements de la demoiselle, Lancelot s’y endort mais le lit prend feu pendant la nuit. – Par quelle expression est désignée la reine ? Une dame d’une grande beauté. – Comment appelle-t-on cette figure de style ? Une périphrase. – Quelle est sa valeur ici ? Elle permet d’expliciter le transport à venir de Lancelot. => On montrera aux élèves que cette scène de rencontre s’appuie sur une inversion des codes traditionnels de la littérature amoureuse ; ici l’homme et la femme ont échangé leur place puisque c’est généralement la belle châtelaine qui se tient à sa fenêtre et qui voit passer le chevalier en contrebas. • Le coup de foudre – Montrez que Lancelot est sous l’emprise de la beauté de la reine. « Il se mit à la fixer intensément et comme en extase. » – Quelle est la première réaction de Lancelot après cette « apparition » de la reine ? Il veut mettre fin à ses jours : « Quand elle fut hors de sa vue, il voulut se laisser choir dans le vide. » – Comment expliquez-vous un tel geste ? La réponse nous est partiellement donnée par Gauvain : « Ne vous mettez pas pareille folie en tête. Vous avez tort de vous haïr à ce point ! » Gauvain évoque-t-il la « folie » consécutive 68 UN ROMAN DE CHEVALERIE à la passion qui dérègle les âmes et qui s’oppose à la raison ? Dans quel sens emploie-t-il le terme « haïr » ? Il fait certainement allusion au déshonneur que Lancelot s’est infligé en montant sur la charrette et justifie son geste par un sentiment de honte intolérable. Mais cette explication est insuffisante. Lancelot a banni tout amour de soi en acceptant l’humiliation de la charrette par devoir. Doté d’une grande force de caractère, il ne se laisserait pas aller ainsi au suicide. On peut supposer que, en voyant Guenièvre, il a réalisé qu’il ne pourrait jamais l’aimer. Les obstacles entre eux sont trop nombreux : elle est sa reine (obstacle social), il est un chevalier d’Arthur à qui il doit respect et fidélité (obstacle moral) et il s’est mis au rang des exclus de la société (autre obstacle social). Ce geste apparaît ainsi comme un renoncement à l’amour et comme le signe d’une passion dévorante et destructrice. – Montrez que Lancelot n’est pas maître de ses actes. « Comme un homme qu’Amour gouverne entièrement au point de le rendre sans force et sans défense. » – Quelles sont les conséquences du coup de foudre ? Lancelot est plongé dans ses pensées, au point de ne plus voir ni entendre ce qui se passe autour de lui. C’est un état de contemplation extatique qu’A. Le Chapelain appelle le stade de « cogitation immodérée » dans son Traité de l’amour courtois (Klincksieck, 2002). • Les caractéristiques grammaticales de la narration – On rappellera les caractéristiques de la narration dans le passage étudié : • Verbes d’action ; • temps employés ; • compléments circonstanciels de temps. – On demandera enfin aux élèves de délimiter les parties du texte qui sont au discours direct (observation de la ponctuation spécifique, des temps employés) et de montrer ce qu’apportent les interventions du gardien. LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 69 Séance n˚ 3 : étude du chapitre 5, « Le chevalier provocateur » Objectifs → Étudier un chapitre dans son ensemble pour vérifier l’aptitude des élèves à la compréhension globale d’un texte long. → Repérer les grands temps d’un récit. Support → Chapitre 5 (p. 51-65). Préalablement, les élèves auront relu la totalité du chapitre. En classe, on privilégiera la lecture de quelques passages clés comme ceux des combats. On pourra demander aux élèves de préparer la séance en répondant à un questionnaire destiné à vérifier leur compréhension du texte. La séance, elle, permettra sa correction. Avec ses élèves, le professeur résumera ensuite les grands temps du récit. • Questionnaire préparatoire : compréhension du chapitre – Par qui Lancelot est-il accompagné ? – Où va-t-il loger ? On rappellera ici que le château est un lieu de repos pour le chevalier errant, une étape obligée sur son parcours. – Montrez que Lancelot reçoit un bon accueil. – Comment expliquez-vous cela ? On mettra l’accent sur l’importance de l’hospitalité au Moyen Âge. – Dressez le portrait physique du chevalier provocateur. – Relevez les expressions qui donnent des renseignements sur le portrait de Lancelot. « On n’en verrait aucun d’aussi noble et d’aussi beau. » On expliquera ici l’emploi complexe de « noble ». Noblesse de naissance ou noblesse de cœur ? Quelles actions révèlent dans le roman la noblesse de cœur de Lancelot ? La beauté physique de Lancelot apparaît encore dans l’expression « il n’y avait aucune apparence qu’on pût oublier de le compter parmi les plus beaux et les plus vaillants chevaliers ». 70 UN ROMAN DE CHEVALERIE – Quels reproches le chevalier provocateur adresse-t-il à Lancelot ? – Que lui propose-t-il pour passer le Pont-de-l’épée ? – Cette proposition vous paraît-elle honnête ? – Pourquoi les deux chevaliers vont-ils combattre ? – En échange de quel affront Lancelot accepte-t-il d’accorder la grâce du chevalier provocateur ? – Pourquoi le chevalier vaincu ne peut-il accepter un tel marché ? On rappellera ici combien la charrette symbolise la honte suprême. – Pourquoi Lancelot décide-t-il finalement de reprendre le combat ? • Les grands temps du récit – Délimitez dans le chapitre le premier combat entre Lancelot et le chevalier provocateur. On envisagera le combat depuis sa préparation jusqu’à l’arrivée de la jeune fille. – Découpez ce passage en mettant en évidence les différents temps qui le composent. • La préparation du combat, la prise d’armes (« Avant même de se relever de la table […] que vous accordiez foi à mes propos »). • Le premier assaut, un combat à forces égales (« Celui qui avait lancé le défi […] dans un violent corps à corps sans merci »). • Pause narrative : focalisation sur les « spectateurs » et introspection de Lancelot (« Tout le monde était sorti du manoir […] avoir vaincu son opposant »). • Lancelot prend l’avantage, poussé par sa fureur (« Alors il l’assaille à coups redoublés […] il ne peut rien faire d’autre »). • Le chevalier vaincu demande à être épargné (« Et quand ce dernier entend son adversaire lui demander grâce […] en échange de votre pardon »). LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 71 – Relevez les verbes d’action du passage. – Quel est le temps dominant dans ce passage ? C’est le présent qui domine. – Quel est sa valeur ici ? Il s’agit du présent de narration qui apporte un effet de réel au combat. – Relevez les expressions (périphrases) qui désignent chacun des deux chevaliers depuis le début du chapitre jusqu’à l’arrivée de la jeune fille. À ce stade du récit, Lancelot n’est pas encore nommé ; quant à son adversaire, il n’existe qu’en tant qu’ennemi de Lancelot : c’est un personnage fonctionnel qui n’est présent que pour faire la part belle au héros du roman. Il est le représentant de l’opinion publique outrée par le « péché » qu’a commis Lancelot : « Pourquoi fut-il conduit sur une charrette ? Pour quel forfait, pour quel péché ? Cela lui sera toujours reproché. » Lancelot en combattant contre son ennemi combat contre une part de lui-même, contre celui qui est considéré par tous comme un être infâme. Lancelot celui auquel il s’adressait le chevalier de la charrette ( 5) chevalier son vainqueur ce dernier Le chevalier provocateur un chevalier plus orgueilleux qu’un taureau l’autre ( 2) celui qui avait lancé le défi opposant adversaire ( 2) le malheureux le vaincu ( 2) le chevalier celui-ci Lancelot et son adversaire désignés les deux chevaliers ensemble les deux combattants 72 UN ROMAN DE CHEVALERIE On fera remarquer que les deux protagonistes sont réunis sous le même terme (les « deux chevaliers » et les « deux combattants ») lors du premier assaut, quand les forces sont équivalentes. Les désignations prennent une forme spécifique pour mettre en évidence la position d’infériorité du vaincu tombé sous la coupe du vainqueur. => Le professeur pourra profiter de l’étude de ce chapitre pour faire identifier aux élèves les interventions du narrateur : « J’aimerais beaucoup que vous accordiez foi à mes propos » ; « Et pour ne rien oublier, j’ajouterai que le chevalier… » ; « je tiens à le dire ». Ces interventions manifestent l’implication du narrateur dans le récit et son souci d’exprimer les faits avec exactitude, comme pour donner du crédit à l’histoire ; elles tentent ainsi de faire passer la fiction pour une réalité. L’emploi du présent de narration confirme la recherche d’une impression de réel. Séance n˚ 4 : l’épreuve du Pont-de-l’épée Objectif → Montrer que le discours descriptif met en valeur l’héroïsme de Lancelot. Support → Extrait du chapitre 6, du début jusqu’à « on ne pouvait imaginer une tour plus impressionnante » (p. 65-70). On pourra demander aux élèves, afin de préparer la séance : – de lire le texte proposé et de le découper en parties pour mettre en évidence le schéma narratif suivant : • situation initiale (arrivée de Lancelot et de ses compagnons, description du pont) ; • élément modificateur (« La vue de l’eau, du pont et des lions les met dans un tel effroi qu’ils en tremblent de peur ») ; • supplications des compagnons ; LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 73 • exploit de Lancelot ; • situation finale (« Quand ils ont vu qu’il a réussi à traverser […] imaginer une tour plus impressionnante ») ; – de relever les caractéristiques du pont et le champ lexical de la souffrance du chevalier. Ce texte est intéressant car il met en valeur la vaillance de Lancelot qui prend alors pleinement son statut de héros dans une épreuve qui s’apparente à un parcours initiatique et car il permet l’étude des composantes du discours descriptif, envisagé dans les séances futures. Cette séance peut se dérouler selon le plan d’étude suivant : 1. L’épreuve du chevalier ; 2. Les qualités du héros ; 3. Le Pont ; • L’épreuve du chevalier – En quoi le Pont-de-l’épée représente-t-il un triple danger pour celui qui tente de le franchir ? Il est fait d’une épée tranchante, il est protégé à son extrémité par deux lions ou deux léopards, et nul ne pourrait réchapper aux « flots tumultueux » qui coulent au-dessous. – Comment les compagnons de Lancelot réagissent-ils à ces dangers ? – Relevez les mots qui montrent que ce pont est terrible. – Que cherchent à faire les compagnons de Lancelot ? Ils tentent de le dissuader de le traverser. – Par quels arguments essaient-ils de le convaincre ? On insistera sur la valeur des comparaisons utilisées et sur le vocabulaire choisi. – Comment le chevalier réagit-il face à un tel discours ? Il rit. – Comment expliquez-vous cette réaction ? Il n’a pas peur d’affronter les dangers encourus. 74 UN ROMAN DE CHEVALERIE – Pourquoi se sent-il si sûr de lui ? Il se sent protégé par Dieu. – Qu’est-ce qui l’aide également à supporter cette épreuve ? C’est l’amour qui est ici personnifié. – Pourquoi Lancelot ne voit-il plus les lions ? – Quel moyen utilise-t-il pour vérifier qu’il s’agit bien d’un enchantement ? • Les qualités du héros – Relevez le champ lexical de la souffrance. – Comment Lancelot réagit-il à la douleur ? – Qu’est-ce que cela révèle ? – À quel personnage célèbre peut-on comparer Lancelot ici ? Jésus-Christ. – Comment peut-on qualifier l’épreuve du chevalier ? On montrera qu’elle fait partie du parcours initiatique du chevalier et tend à faire de lui un véritable héros. Il s’agit d’une épreuve physique qui permet au courage de s’illustrer : vaillance et maîtrise de soi sont ainsi mises en évidence dans cet épisode. • Le Pont Le Pont-de-l’épée est un lieu imaginaire et symbolique. Il correspond à une étape initiatique que le chevalier doit franchir, mais il est aussi le pont qui sépare deux mondes. Les aventures de Lancelot se déroulent dans deux royaumes : celui du roi Arthur, le royaume de Logres, et celui du roi Baudemagus, le royaume de Gorre, situé de façon imprécise aux confins du royaume d’Arthur et connu sous le nom de « pays d’où nul ne revient jamais ». Ce dernier royaume symbolise ainsi le royaume de l’au-delà et l’on ne peut y accéder qu’après avoir subi un certain nombre d’épreuves parmi les- LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 75 quelles le Pont-de-l’épée. Cet endroit est en outre marqué par la féerie puisque le château du roi Baudemagus est protégé par un enchantement : la présence illusoire de deux lions. Le rapprochement avec le monde des Enfers, gardé par le chien Cerbère, dans la mythologie grecque, semble ici inévitable et sera l’occasion pour le professeur de vérifier les acquis de sixième. Il pourra en outre donner lieu à une recherche des élèves sur les différents fleuves imaginaires de la mythologie. Séance n˚ 5 : les expansions du nom Objectifs → Reconnaître, analyser et manipuler les expansions du nom. → Maîtriser les fonctions de l’adjectif qualificatif. Support → Extrait du chapitre 6, le même que celui de la séance précédente. Observation du fait de langue dans l’extrait suivie d’une synthèse et d’exercices d’application. Séance n˚ 6 : l’accord de l’adjectif qualificatif Objectif → Maîtriser la morphologie et les accords de l’adjectif qualificatif. Support → Extrait du chapitre 6, le même que celui des séances précédentes. Observation du fait de langue dans l’extrait suivie d’une synthèse et d’exercices d’application. 76 UN ROMAN DE CHEVALERIE Séance n˚ 7 : les comparaisons Objectifs → Repérer les différentes formes de comparaisons d’un texte. → Comprendre les notions de comparant et de comparé. → Remarquer la valeur de la comparaison dans une description. Support → Extrait du chapitre 6, le même que celui des séances précédentes. Les élèves devront relever les différentes comparaisons du texte et tenter d’expliquer leur valeur ou leur signification dans la description. L’observation du fait de langue sera suivie d’une synthèse écrite précisant notamment les notions de « comparé », de « comparant » et d’« outils de comparaison ». On proposera ensuite des exercices d’application tirés du manuel de grammaire. Enfin, afin de consolider les acquis, on pourra envisager un prolongement à cette séance : l’écriture d’un texte descriptif dont la consigne précisera la présence obligatoire d’expansions du nom et de comparaisons. Évaluation : dictée (orthographe grammaticale)/questions Objectif → Vérifier les acquis des séances nos 5 et 6. Support → Extrait du chapitre 12, « La demoiselle s’approche de la tour jusqu’à la toucher […] d’une voix faible et rauque » (p. 126). Dictée de l’extrait. Questions de grammaire en rapport avec les séances nos 5 et 6 : on pourra notamment demander aux élèves de relever les différentes expansions du nom du texte et de donner la fonction de quelques adjectifs qualificatifs et participes passés adjectivaux. LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 77 Séance n˚ 8 : le discours argumentatif Objectif → Repérer et comprendre l’agencement d’un texte argumentatif et ses fonctions. Support → Extrait du chapitre 6, « Écoutez donc en quels termes le roi essaya d’endoctriner son fils […] car dès maintenant je prends son parti » (p. 71-74). Baudemagus tente en vain de convaincre Méléagant d’apprécier Lancelot à sa juste valeur, de chercher son amitié et essaie de lui épargner un combat perdu d’avance en l’incitant à libérer Guenièvre. C’est sans compter sur le caractère obtus de son fils : celui-ci refuse d’entendre les paroles de son père, qui multiplie en vain les arguments. On demandera aux élèves dans un premier temps de repérer les différents arguments utilisés par le roi, puis de comprendre les enjeux de ses propos et enfin d’expliciter les raisons de l’échec de Baudemagus. Ce dernier n’est-il pas assez convaincant ? Son locuteur est-il trop amer, gouverné par une trop grande « folie » pour pouvoir entendre un raisonnement, quel qu’il soit ? Cette séance se déroulera donc selon les trois axes suivants : 1. L’organisation de l’argumentation ; 2. Les fonctions du discours argumentatif ; 3. La portée du discours : échec et aporie. • L’organisation de l’argumentation Baudemagus utilise plusieurs arguments de nature différente pour persuader son fils. – Il présente Lancelot comme un être d’exception qui mérite la considération, l’admiration de tout un chacun (« le plus grand exploit qu’on n’ait jamais pu 78 UN ROMAN DE CHEVALERIE imaginer » ; « cette extraordinaire prouesse » ; « l’exploit de parvenir jusqu’ici »). – Face à une telle force, tout combat contre Lancelot semble voué à l’échec : « Tu ne gagneras rien à te quereller avec lui ; bien au contraire tu pourrais y perdre beaucoup » ; « Il n’aura personne d’autre à redouter ». – Le roi poursuit son argumentation et indique à son fils le comportement à adopter : Méléagant doit faire preuve de « courtoisie » envers Lancelot. Il prône ainsi une attitude raisonnable : « Fais-toi considérer comme un homme sage et courtois » ; « Envoie-lui la reine avant même de le rencontrer. Honore-le dans ta terre en lui donnant avant même qu’il ne te l’ait demandé ce qu’il est venu y chercher » ; « Évite qu’on te juge obstiné, insensé ou orgueilleux » ; « Tu ferais preuve de courtoisie en renonçant à cet entêtement ». Il met encore l’accent sur les devoirs qu’un bon chevalier doit accomplir, en employant à deux reprises le verbe « devoir » et en utilisant l’impératif : « Honore-le » ; « Tu dois lui offrir ta compagnie car le prud’homme doit attirer le prud’homme et lui témoigner des marques d’honneur et d’estime ». Il poursuit en expliquant qu’une telle attitude est profitable à Méléagant non seulement parce qu’il remplirait ainsi son devoir, mais aussi parce qu’il en tirerait une gratification personnelle : « L’honneur en rejaillira sur toi. » – Ces arguments n’ont pas l’effet escompté car Méléagant semble piqué au vif : Baudemagus change alors de stratégie et ménage la susceptibilité de son fils : il utilise pour cela le procédé paradoxal du retournement de situation, en posant son fils comme maître du jeu ; il cherche à le persuader qu’il peut avoir l’avantage sur son adversaire en acceptant de libérer Guenièvre et en évitant de participer à la gloire de Lancelot : « Tu sais bien que ce chevalier sera tout désemparé s’il n’a pas à t’arracher la reine les armes à la main » ; « Aussi agirais- LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 79 tu astucieusement en lui ravissant le bénéfice d’un combat ». Le ton se fait plus doux, car le roi prend conscience qu’il ne doit pas affronter son fils pour arriver à ses fins mais plutôt lui donner des conseils, ceux qu’un père prodigue à son fils : les expressions « Je te conseille » ; « Tu sais bien que… » ; « Il est préférable » sont beaucoup moins directives que l’emploi du verbe « devoir ». – Pourtant Baudemagus adopte rapidement un ton plus virulent, moralisateur, qui rompt avec la stratégie précédemment mise en place. Quelle en est la raison ? Le roi s’impatiente-t-il de ne pas trouver crédit auprès de Méléagant ? Se laisse-t-il aller à ses pulsions de père outré par l’attitude irraisonnée de son fils ? Quoi qu’il en soit, Baudemagus ne veut pas cautionner la bêtise de celui-ci (« Cela me chagrine de te voir te comporter aussi bêtement ») et prend très clairement le parti de Lancelot (« je lui accorde une totale sauvegarde » ; « Il sera protégé à l’encontre de quiconque excepté évidemment de toi »). On peut comprendre la jalousie d’un fils qui voit son propre père préférer un autre que lui. L’expression suivante est dans ce sens édifiante : « Jamais je n’ai commis la moindre déloyauté, la moindre trahison ou la moindre bassesse et ce n’est pas maintenant que j’en commettrai une dans ton intérêt ou dans celui d’autrui. » • Les fonctions du discours argumentatif Le narrateur explique lui-même la fonction du discours argumentatif de Baudemagus dans l’expression : « Écoutez donc en quels termes le roi essaya d’endoctriner son fils. » Cette phrase traduit l’ancien français « S’orroiz comant tient a escole li rois son fil qu’il aparole ». Le nom « escole » signifie « remontrance », « conseil » et le verbe « escoler » a le sens d’« enseigner » puis d’« endoctriner », « séduire ». Les fonctions de l’argumentation sont donc de persuader et de convaincre un locuteur. Mais 80 UN ROMAN DE CHEVALERIE les différentes acceptions des termes originaux mettent en évidence l’idée de conseil et celle de séduction, qui sont effectivement des moyens que Baudemagus utilise pour convaincre son fils de changer d’avis et d’opter pour une attitude plus raisonnable que la résistance dont il fait continuellement preuve. On rappellera lors de cette séance les différentes valeurs de l’impératif (conseil, exhortation, ordre…), afin de mettre en évidence la finalité sous-jacente du discours argumentatif. • La portée du discours : échec et aporie Nous avons vu que le roi change de procédé de persuasion quand il s’aperçoit que son fils n’est pas réceptif à ses propos : « J’en prends Dieu à témoin, je préférerais être contraint de devenir son vassal plutôt que de lui rendre la reine ! » Les paroles de Méléagant sont véhémentes, comme le confirme la ponctuation : il n’apprécie pas que son père vante tant les mérites de Lancelot à ses dépens et la jalousie parle d’elle-même. Enfin, il refuse tous les conseils de son père : « Vous pouvez donc dire tout ce que vous voulez mais votre discours me laisse indifférent. » Et Baudemagus conclut : « Alors je ne dirai rien de plus. Maintenant fais ce que tu veux. » Ce renoncement à la parole et à l’échange est une manifestation criante de l’échec de l’argumentation. Les arguments du roi étaient pourtant nombreux et divers et auraient pu toucher la sensibilité de son fils. Mais la colère, la « rage » de Méléagant sont telles qu’il ne laisse pas prise aux mots : seule l’action compte. On pourra montrer aux élèves que la « folie » de Méléagant aboutit à un autre échec de la rhétorique à la fin du chapitre 11, « La dernière perfidie de Méléagant » : une fois de plus, son père ne peut le convaincre et l’emportement des deux protagonistes est à son paroxysme : « […] ton cœur est par trop fermé à toute LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 81 pitié et tu es entièrement dominé par une folie furieuse. C’est pourquoi je n’éprouve pour toi que mépris et c’est ce qui te perdra » ; « Fils, je peux bien te faire la morale, mais à quoi cela sert-il ? Tout ce que l’on peut dire à un fou a bien peu d’effet » ; « Êtes-vous en train de rêver ou de délirer tout éveillé pour dire que je suis fou quand je vous raconte ce qui fait ma vie ? Je pensais être venu à vous comme à mon père et à mon seigneur mais il ne me semble guère qu’il en soit ainsi car vous m’insultez plus vilainement qu’à mon avis vous n’en avez le droit ». Séance n˚ 9 : le thème du combat Objectifs → Étudier le vocabulaire de l’armement du chevalier au Moyen Âge. → Mettre en parallèle deux récits de combat pour faire ressortir les caractéristiques spécifiques du roman courtois. → Repérer la figure du héros : comment se distingue-t-il de ses adversaires ? Support → Étude comparée des extraits des chapitres 5, « Avant même de se relever de la table […] en échange de votre pardon » (p. 55-59) et 7, « Le combat aura donc lieu au pied du donjon […] en profite pour le frapper autant qu’il le peut » (p. 80-89). Le corpus de textes choisi est conséquent et nécessite une lecture préalable des élèves. On pourra leur demander de répondre à un questionnaire, à la maison ou en classe, qui suivra le plan suivant : 1. Les préparatifs du combat (champ lexical de l’armement du chevalier) ; 2. Le déroulement du combat ; 3. Les qualités du combattant et la mise en valeur de Lancelot. 82 UN ROMAN DE CHEVALERIE Le professeur, lors de la correction, en profitera pour apporter des compléments utiles à la compréhension de l’œuvre. Cette séance pourra donner lieu à un prolongement autour de l’armement du chevalier au Moyen Âge, sous la forme d’exposés personnels ou de recherches au CDI. • Les préparatifs du combat – De quoi se compose l’armement des chevaliers ? – Quelles sont les fonctions de chacune des armes ? – Montrez que cet armement met systématiquement Lancelot en valeur. • Le déroulement du combat – Où les combats ont-ils lieu ? – En présence de qui ? On montrera que le combat est considéré comme un véritable spectacle (rapprochement à faire avec les combats de gladiateurs dans l’Antiquité). – Relevez les termes qui mettent en évidence la violence des combats. – Relevez les ellipses narratives dans le récit de chacun des combats. – Quelle en est l’utilité pour le lecteur ? • Les qualités du combattant et la mise en valeur de Lancelot – Montrez que Lancelot fait acte de bravoure. – Qu’est-ce qui, lors des deux combats, lui donne une force prodigieuse ? Pendant le premier combat, les forces de Lancelot sont redoublées lorsqu’il pense avoir fait preuve de lâcheté devant les « spectateurs » ; pendant le combat contre Méléagant, après l’intervention de la reine Guenièvre qui appelle Lancelot par son nom, ce dernier éprouve encore un sentiment de lâcheté qui lui inspire une fureur guerrière. LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 83 – Quelles sont les autres qualités de Lancelot confronté à l’ennemi ? – En quoi est-il supérieur à ses adversaires ? Méléagant est arrogant, excessif et provocateur : il incarne la démesure et la folie. C’est un fourbe et un menteur qui n’hésite pas à faire preuve de traîtrise au combat. Lancelot, quant à lui, est présenté comme un chevalier idéal, plein de générosité quand il accorde la grâce à ses ennemis. Il agit sans aucune volonté de nuire à quiconque, ne provoque jamais les combats, contrairement à ses adversaires. C’est son calme et sa maîtrise de soi qui lui permettent de prendre l’avantage. Le chevalier provocateur, comme Méléagant, se retrouve sous la coupe de Lancelot parce qu’il pèche par excès. Ce n’est donc pas tant par sa force physique naturelle que notre héros l’emporte sur ses ennemis (les forces demeurent longtemps égales dans chacun des combats) que par sa grandeur d’âme, sa « noblesse », qui lui insuffle une fureur sans pareille. Évaluation en classe : dictée (orthographe lexicale) Objectif → Vérifier les acquis de la séance n˚ 9 (vocabulaire de l’armement du chevalier). Dictée extraite de Perceval ou le Conte du graal de Chrétien de Troyes (chapitre 8 dans l’édition GF-Flammarion, « Étonnants Classiques », 2001). « Le jeune homme en eut alors assez. Il mit la lance en arrêt, et ils s’élancèrent l’un contre l’autre sans se défier ni s’adresser la parole. Chacun disposait d’une lance en frêne au fer tranchant et à la hampe robuste et maniable. Les chevaux étaient rapides et les chevaliers puissants. Ils se haïssaient à mort. Ils se frappèrent si fort que craquaient les bois de leurs écus qui se brisèrent en même temps que les lances, et qu’ils se jetèrent l’un l’autre à terre. Mais ils eurent tôt fait de se remettre en selle et de se précipiter l’un contre l’autre, sans paroles 84 UN ROMAN DE CHEVALERIE inutiles, plus férocement que deux sangliers. Ils se frappèrent sur leurs boucliers et sur leurs hauberts aux fines mailles de toute la force de leurs chevaux. Emportés par la colère et la rage, de toute la puissance de leurs bras, ils firent voler les morceaux et les éclats de leurs deux lances. » On donnera aux élèves l’orthographe de « frêne » et de « hampe ». Séance n˚ 10 : le thème de l’amour courtois Objectifs → Favoriser la lecture autonome. → Développer l’esprit de synthèse. Support → Chapitres 8, 9 et 10, centrés autour de l’amour de Lancelot et de Guenièvre. Les élèves auront lu chez eux les trois chapitres et répondu au questionnaire suivant qui sera corrigé en début de séance. La suite de celle-ci s’apparentera à un exercice de synthèse, dans la mesure où les élèves, à partir de leur lecture, auront à préciser les grandes caractéristiques de l’amour courtois. En prolongement de cette séance, on pourra demander aux élèves d’effectuer une recherche sur les amours contrariées dans la littérature. • Questionnaire préparatoire – Quelle est la première réaction de la reine quand elle voit apparaître Lancelot ? Elle « prit un air courroucé, baissa la tête et ne dit pas un mot ». – Comment Lancelot réagit-il à une telle froideur ? Il est comme « foudroyé » mais ne lui demande aucune explication et préfère s’en aller. – Pourquoi le sénéchal Keu est-il furieux ? Il lui reproche d’avoir réussi là où il avait échoué. LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 85 – Pourquoi Lancelot part-il ? Il part à la recherche de Gauvain. – Pourquoi est-il fait prisonnier ? Parce qu’il est désarmé. – Quelle rumeur circule à son sujet ? On dit qu’il s’est fait tuer. – Comment la reine réagit-elle à cette nouvelle ? Justifiez votre réponse en relevant des expressions significatives tirées du texte. Elle est désespérée, au point de vouloir perdre la vie. Elle se confesse et se repent de ses fautes. – Qu’est-ce que cette attitude révèle sur ses sentiments pour Lancelot ? Elle montre qu’elle est éperdument amoureuse de lui. – Pourquoi Lancelot décide-t-il de mourir ? Parce que « le bruit de la mort de celle qui était sa dame et sa tendre amie [lui] parvi[e]nt ». – Par qui est-il sauvé ? Par ses compagnons de route. – Comment la reine accueille-t-elle Lancelot à son retour au château ? Justifiez votre réponse en relevant des expressions significatives tirées du texte. Elle l’accueille avec une grande joie. – Quelle raison la reine donne-t-elle à Lancelot pour justifier sa froideur passée ? Elle lui reproche d’avoir hésité un temps à monter sur la charrette d’infamie : « Vous y êtes monté de bien mauvaise grâce puisque vous avez attendu deux pas ! C’est là la seule raison pour laquelle j’ai refusé de vous adresser la parole et de vous regarder. » On montrera aux élèves que cette justification fait écho au chapitre 2 : « Le chevalier a alors une courte hésitation avant de sauter dans la charrette : à peine le temps qu’elle avance de deux pas. C’est pour son malheur qu’il ne bondit pas sur-lechamp et qu’il en a honte car il le regrettera fort ! Mais Raison qui s’oppose à Amour lui ordonne de se retenir de 86 UN ROMAN DE CHEVALERIE monter ; elle le sermonne et lui enseigne à ne rien faire dont il pourrait avoir honte ou qu’il pourrait se reprocher. » – Comment Lancelot réussit-il à rejoindre Guenièvre dans sa chambre ? En écartant les barreaux de sa fenêtre. – Pourquoi les deux amants doivent-ils se faire très discrets et silencieux ? Parce que le sénéchal Keu dort près d’eux. – Quelle erreur fatale Lancelot a-t-il commise ? Il a laissé des traces de sang sur les draps de Guenièvre. • L’amour de Lancelot pour la reine/ caractéristiques de l’amour courtois 1. Le conflit intérieur ou le combat des sentiments – La froideur de Guenièvre, révélatrice de ses sentiments refoulés. – Le comportement de la reine : une épreuve psychologique ; soumission du « fin amant » (« parfait amant » courtois). – Le désespoir de Lancelot. 2. L’amour contrarié – Les obstacles à l’amour, l’importance des contingences extérieures dans la révélation des sentiments des deux amants : distance entre Guenièvre (la reine) et Lancelot (le chevalier errant) ; rumeurs sur la disparition de l’être aimé ; barreaux de la fenêtre ; présence de Keu. – Guenièvre prend conscience de son amour : tristesse et désespoir. – La mort comme manifestation de l’amour. 3. Le bonheur des amants – Le dialogue courtois (« mots très tendres », « lui rendit son salut avec la même douceur », « leur conversation fut aussi pure que remplie d’agrément »…). LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 87 – Le champ lexical de la joie et du bonheur (« grande extase », « joies », « au comble du bonheur et du plaisir »…). – L’expression des sentiments (« adoration muette », « amour profond », « lui l’adore »…). Séance n˚ 11 : regard sur le texte original Objectifs → Confronter un texte en ancien français et sa traduction moderne. → Dégager quelques caractéristiques des différents états d’une même langue. Support → Étude comparée d’un extrait du chapitre intitulé « La dernière perfidie de Méléagant » en ancien français et dans sa traduction. Cette séance repose sur un extrait original tiré de la version du texte présentée par l’édition GF-Flammarion, qui s’appuie sur le manuscrit C, dit « manuscrit Guiot ». On permettra aux élèves d’établir un certain nombre de rapprochements entre l’ancien français et la traduction (terminaisons verbales, morphologie des pronoms personnels puis des adjectifs possessifs et démonstratifs, termes vieillis encore en usage (« céans »), termes inchangés (« baron », « bataille », « faille », « portent », « an »…) ; on mettra aussi l’accent sur les différences (place des mots dans la phrase) ; on expliquera enfin l’étymologie de quelques mots français comme « aujourd’hui ». Cette étude pourra faire l’objet d’une mise au point sur les différentes natures des mots. 88 « Sire rois », fet Meleaganz « Lanceloz me dist que ceanz le troveroie je sanz faille, ne je ne doi ceste bataille semondre s’an vostre cort non. Je vuel que trestuit cist baron qui ci sont m’an portent tesmoing, que d’ui en un an l’en semoing par les covanz que nos feïmes la ou la bataille anpreïsmes. » UN ROMAN DE CHEVALERIE Sire roi, répliqua Méléagant, Lancelot m’avait assuré qu’à coup sûr je le trouverais ici et je ne peux l’assigner à ce combat nulle part ailleurs qu’en votre cour. Je veux que tous ces barons qui sont ici m’en soient témoins : en vertu des accords que nous avons conclus lorsque nous avons décidé ce combat, je le somme de me tenir sa promesse dans un an à compter d’aujourd’hui. Afin de faciliter la compréhension des élèves, on leur proposera le petit lexique suivant, réalisé à partir de la consultation du Dictionnaire de l’ancien français de Greimas (Larousse) : LEXIQUE Anpreïsmes : 1re pers. du pluriel du passé simple (nous décidâmes). Covanz : accords, marchés. Semoing : 1re pers. du singulier du verbe semondre au présent de l’indicatif. Semondre : inviter, convoquer, assigner. Tesmoing : témoignage. Trestoz, trestuit : tout, tous. Ui : aujourd’hui. Évaluation : explication de texte Objectifs → Vérifier les acquis des séances précédentes. → Mettre en évidence les doutes et le désespoir de Lancelot. Support → Extrait du chapitre 12, « Ah ! Fortune, comme ta roue a vilainement pour moi ! […] tout le mal qu’il a pu » (p. 127-128). Lancelot dresse une sorte de bilan des épreuves qu’il a endurées. Cela permet aux élèves d’expliciter tous les événements auxquels le chevalier fait continuellement 89 LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE allusion et donc au professeur de vérifier leur connaissance de l’histoire. On essaiera de rendre sensible la tonalité dominante de ce monologue intérieur, caractérisé par les plaintes et le désespoir de Lancelot, notamment par l’étude du champ lexical de la plainte et par celle de la ponctuation. Pour guider les élèves, on leur demandera de répondre à des questions de compréhension. Séance n˚ 12 : bilan de séquence, le schéma actantiel Objectif → Dresser un bilan de lecture et comprendre le sens de l’œuvre. • Le schéma actanciel Cette séance permet d’aborder le roman sous un angle nouveau pour des élèves de cinquième : le schéma actantiel. Il s’agit de percevoir les caractéristiques de la trame narrative et de la psychologie du héros. On indiquera que la quête de Lancelot est double et on aidera les élèves à reconstituer les schémas suivants : Adjuvants Héros Quête 1 Opposants Arthur, Gauvain, Keu, Lancelot. Délivrer la reine Le gardien du gué, MéBaudemagus, les comGuenièvre. léagant, le nain, le chepagnons de route de valier provocateur. Lancelot. Adjuvants Amour, Guenièvre. Héros Quête 2 Opposants Lancelot. Conquérir l’amour Arthur (par son statut de Guenièvre. d’époux), Méléagant, Keu, Guenièvre (au début). On demandera aux élèves de rappeler tous les obstacles que Lancelot a dû affronter pour parvenir à ses fins et on leur montrera en quoi ces épreuves physiques et psychologiques constituent un parcours initiatique. 90 UN ROMAN DE CHEVALERIE • Évaluation finale On pourra proposer le sujet suivant : Après avoir été enlevé par les hommes de Méléagant, qui le garde prisonnier, Lancelot réussit à s’échapper pour participer à un grand tournoi, auquel assiste Guenièvre, et en sort vainqueur. Racontez cet épisode en alternant dans votre récit des parties narratives et des parties descriptives, et en y insérant éventuellement un court dialogue. Vous tâcherez de mettre en valeur le champ lexical de l’armement du chevalier, ainsi que les qualités du héros de chevalerie. On s’attachera notamment aux critères d’évaluation suivants : – Les codes sont bien respectés (majuscules, ponctuation…). – Récit, discours et description alternent. – L’élève a enrichi sa partie descriptive d’expansions du nom et de comparaisons. – Les accords noms-adjectifs sont bien réalisés. – Les temps sont bien choisis et convenablement conjugués. – Le vocabulaire de l’armement est varié et correctement orthographié. – Les caractéristiques du héros sont suffisamment développées et sont en adéquation avec ce que nous savons de Lancelot (cohérence). – Le récit imaginé est cohérent et constitue une unité complète (il a un début et une fin). LANCELOT OU LE CHEVALIER DE LA CHARRETTE 91 IV. Orientations bibliographiques A. Éditions de Lancelot ou le Chevalier de la charrette Lancelot ou le Chevalier de la charrette, édition bilingue de JeanClaude Aubailly, GF-Flammarion, 1991. Lancelot ou le Chevalier de la charrette, édition bilingue de A. Foulet et Karl D. Uitti, Classiques Garnier, 1689. Œuvres complètes de Chrétien de Troyes, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1994. B. Ouvrages généraux G. COHEN, Un grand romancier d’amour et d’aventure au XIIe siècle : Chrétien de Troyes et son œuvre, Boivin, 1931 ; nouvelle édition, 1948. J. FLORI, Chevaliers et chevalerie au Moyen Âge, Hachette, 1998. J. FRAPPIER, Chrétien de Troyes, l’homme et l’œuvre, Hatier, 1957 ; nouvelle édition, 1968. J. MARKALE, Lancelot et la chevalerie arthurienne, Imago, 1985. J. RIBARD, Le Chevalier de la charrette : essai d’interprétation symbolique, Nizet, 1972. C. Études sur Lancelot ou le Chevalier de la charrette P. G. BELTRAMI, Chrétien, l’amour, l’adultère : remarques sur le Chevalier de la charrette, BBSIA, n˚ 36, 1984, p. 284. D. C. FOWLER, « L’amour dans le Lancelot de Chrétien », Romania, n˚ 91, 1970, p. 378-391. PH. MÉNARD, Le Temps et la durée dans les romans de Chrétien de Troyes, Le Moyen Âge, t. LXXIII, 1967, p. 375-401. A. MICHA, « Sur les sources de la charrette », Romania, n˚ 71, 1950, p. 345-358. J. RYCHNER « Le sujet et la signification du Chevalier de la charrette », Vox Romanica, n˚ 27 1968, p. 50-76. –, « Le Prologue du Chevalier de la charrette et l’interprétation du roman », Mélanges offerts à Rita Lejeune, Duculot, 1969. Hervé-François FOURNIER.