Première consultation d`oncogénétique de prédisposition au cancer

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Première consultation d`oncogénétique de prédisposition au cancer
Rev Francoph Psycho-Oncologie (2003) Numéro 1-2 : 43-48
© Springer-Verlag 2003
ONCOGÉNÉTIQUE
Première consultation d’oncogénétique de prédisposition au cancer du sein
et de l’ovaire : transmission de l’information et impact émotionnel
First consultation for women with a family history of breast or ovarian cancer:
conveying information and emotional impact
L. Schiaratura • V. Christophe • C. Adenis • J.-P. Peyrat • M. Reich • P.Vennin
Résumé : Dans cette étude exploratoire, des questionnaires
ont été remis, lors de leur première consultation, à 66 consultantes en oncogénétique, non atteintes de cancer, mais
répondant aux critères classiques de prédisposition héréditaire au cancer du sein et de l’ovaire. Un questionnaire a été
remis avant la consultation, un deuxième juste après et un
troisième envoyé par courrier une semaine après l’entretien.
Ces auto-questionnaires avaient pour but de préciser les
motifs de consultation, l’état émotionnel des consultantes, la
mémorisation à sept jours de l’information transmise lors de
la consultation et enfin la satisfaction à l’égard de l’équipe
médicale. L’analyse des réponses montre que les femmes
sont venues pour la majorité à la demande d’un médecin,
que la consultation n’a pas d’effet négatif sur l’état émotionnel des consultantes, ni juste après la consultation, ni à sept
jours. La mémorisation des informations apportées lors de la
consultation est correcte à sept jours, sauf pour les items
comportant un pourcentage. Enfin, les consultantes témoignent d’une grande satisfaction envers l’équipe médicale.
Ces résultats ne sont que le témoin d’un instantané dans
l’évolution des consultations d’oncogénétique et seront à
L. Schiaratura ()
V. Christophe
Université Charles de Gaulle Lille 3, UFR de psychologie, UPRES Temps,
Emotion et Cognition, Domaine universitaire du Pont de Bois.
BP 149, F-59653 Villeneuve d’Ascq Cedex, France
C. Adenis
J.-P. Peyrat
M. Reich
P. Vennin
Centre Oscar Lambret, 3, rue Frédéric Combemale, BP 307, F-59020 Lille
Cedex, France
Cette étude a été facilitée grâce à une subvention accordée par le Comité Nord
de la Ligue Contre le Cancer
suivre avec le développement des recherches de mutations et
les rendus de résultats individuels.
Mots-clés : Cancer du sein et de l’ovaire – Prédisposition
génétique – Information – Émotion
Abstract: In this exploratory study, self-administred questionnaires were filled by 66 outpatients in oncogenetic. These
women were free from cancer but fulfilled classical criteria
of hereditary predisposition for breast and ovarian cancer at
the first consultation. A questionnaire was given before
consultation, a second one just after and a third one was sent
by mail a week after the interview. These self-administered
questionnaires had different aims: find out the reasons for
consultation, specify the emotional status of these women,
the memorization of the information given at first consultation seven days after and the satisfaction concerning the
caregivers. Analysis of answers shows that a majority of
women were referred by their general practitioner, that the
consultation has no negative impact on their emotional status, neither after the consultation, nor at seven days. Retention of the information recalled at consultation is correct at
seven days, except for items containing a percentage. Lastly,
these women are very pleased with the medical team. These
results show only a glimpse of the evolution of genetics’
consultation, and have to be followed by the development of
mutation research and disclosure of individual results.
Keywords: Breast or ovarian cancer – Hereditary predisposition – Information – Emotion
Introduction
Au cours de ces dernières décennies, des progrès considérables ont été réalisés dans la connaissance des mécanismes
44
génétiques impliqués dans les cancers du sein héréditaires.
Ces recherches ont abouti à l’identification de gènes normaux (BRCA1, BRCA2, ...) qui exposent à un risque très élevé
de cancer du sein ou de l’ovaire lorsqu’ils présentent une
anomalie de structure. L’identification dans une famille
d’une mutation délétère peut amener à des modifications
radicales du risque individuel des apparentées indemnes de
cancer. Dans ces conditions, en effet, l’absence de la mutation
ramène à un risque cumulatif « standard » de cancer du sein
d’environ 10 %, alors que la mutation confère un risque
élevé, mais variable selon les populations, qui va de 56 % à
87 % à l’âge de 70 ans (Rebbeck, 1999).
L’enjeu est donc de taille et pour y répondre, les consultations d’oncogénétique se sont fixé pour objectif d’informer
les consultant(e)s sur les prédispositions héréditaires au cancer en général et plus précisément au cancer du sein et/ou de
l’ovaire, sur les modes de transmission et, à partir de l’analyse de l’histoire familiale, sur les risques tumoraux encourus et les possibilités de dépistage et de prévention en cas de
résultat ultérieur positif, c’est-à-dire d’identification d’une
mutation délétère (Eisinger, 1999), mais aussi en cas de résultat ultérieur négatif. D’un point de vue psychologique, cette
première rencontre entre l’équipe médicale et la consultante
revêt une importance toute particulière car elle pourrait renforcer, chez cette dernière, l’incertitude, l’insécurité ou
l’anxiété générées par les antécédents de cancer. Or, les
conséquences psychologiques, émotionnelles et comportementales de la transmission de ces informations médicales
sont encore peu connues.
En se centrant sur la première consultation d’oncogénétique, la présente étude, qui revêt un caractère exploratoire,
poursuit différents objectifs.
Le premier est de mieux cerner, dans notre région, les
motifs qui amènent à consulter. Différentes études montrent
que l’attitude envers une consultation d’oncogénétique est
en général favorable chez les femmes à risque héréditaire,
atteintes ou non. La majorité d’entre elles se dit intéressée
par les informations médicales et accepterait une recherche
de mutation de BRCA1 (Chaliki, 1995 ; Lerman, 1994b ;
Lerman, 1995).
Le deuxième objectif est centré sur les conséquences
émotionnelles des informations reçues lors de la première
consultation. Les personnes qui consultent ont des histoires
diverses. Elles peuvent être ou non atteintes d’un cancer, porteuses ou non d’une mutation, avoir ou non un entourage
familial lourdement touché par le cancer du sein ou de
l’ovaire. Néanmoins, pour toutes, on devrait s’attendre qu’à
la peur du cancer s’ajoutent celle de la transmission aux descendants et celle de l’incertitude des décisions médicales à
prendre (Lehmann, 1996 ; Alby, 1998). D’autre part, les conséquences anticipées de la possibilité d’un test génétique positif devraient également affecter émotionnellement les
consultantes. Ainsi, une étude réalisée auprès de parentes de
patientes atteintes d’un cancer du sein montre qu’approximativement les trois-quarts d’entre elles penseraient être
angoissées après la consultation génétique, que le résultat de
la recherche de mutation soit positif ou négatif (Lerman,
1994a). Par ailleurs, la manière de communiquer les informations peut également avoir une influence. En effet, certains travaux montrent qu’une présentation « objective » de
données médicales favorise une attitude également plus
objective, moins chargée émotionnellement et affecte, par là,
les comportements mis en place pour faire face à la situation
de maladie ou de risque (Lazarus, 1984). Dans ce cadre, il
nous semblait donc essentiel de pouvoir mieux approcher
l’impact émotionnel de la première consultation, en tenant
compte des émotions ressenties avant et après celle-ci.
Troisièmement, l’étude vise à vérifier que les informations sont correctement retenues et associées à une estimation précise du risque encouru. Certains travaux montrent,
en effet, que la grande majorité des femmes ont une perception irréaliste de leur risque d’avoir un cancer (McEwen,
1989 ; Gagnon, 1996) et continuent à l’évaluer incorrectement
même s’il y a au moins un apparenté atteint d’un cancer du
sein ou de l’ovaire (Evans, 1993). Or, la perception du risque
est un facteur important car elle peut influencer la survie
lorsqu’elle est associée à un changement de comportement
(Razavi, 1998 ; Schiaratura, 2001). La précision des informations fournies lors de la première consultation d’oncogénétique devrait donc contribuer à une évaluation plus exacte
du risque de développer un cancer du sein ou de l’ovaire.
Finalement, le contexte interpersonnel de la consultation
génétique est également à prendre en compte (Vennin, 1995).
La satisfaction du consultant dans sa relation au médecin ou
à l’équipe médicale pouvant influencer les décisions qui
seront prises ultérieurement par le consultant (Christophe,
2002).
Méthode
Sujets
Soixante-six consultantes ont participé à l’étude. Ces
femmes, âgées de 23 à 73 ans (M = 44, s.d. = 9.70), venaient
pour la première fois en consultation d’oncogénétique au
Centre Oscar Lambret de Lille. Elles répondent aux critères
classiques de risque héréditaire (trois cas de cancer du sein
dans la même branche ou deux cas si forme précoce ou bilatérale) et sont indemnes de tumeur. Aucune mutation personnelle ou familiale n’est connue.
Procédure
L’étude est composée de trois étapes différentes d’évaluation
par questionnaire : (a) avant, (b) immédiatement après, (c)
7 jours après la consultation. A leur arrivée au Centre Oscar
Lambret, les consultantes étaient invitées à répondre individuellement à un premier questionnaire dans la salle d’attente
de la consultation. Une deuxième mesure était effectuée
immédiatement après la consultation d’oncogénétique. Enfin,
les consultantes devaient remplir un troisième questionnaire
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adressé à leur domicile environ 7 jours après la consultation,
et le renvoyer directement par courrier à l’UFR de Psychologie de l’Université de Lille 3. Le caractère anonyme et confidentiel de leurs réponses était garanti. Les soixante-six
femmes ont répondu aux deux premiers questionnaires et
trente-trois (50 %) ont renvoyé le troisième questionnaire.
Questionnaires
Outre des informations générales (âge, situation familiale,
niveau d’études, situation professionnelle, département de
résidence), les questionnaires portaient sur : 1) les motifs de
la venue à la consultation d’oncogénétique ; 2) l’état émotionnel général et les émotions ressenties par les patientes
avant, immédiatement après et 7 jours après la consultation ;
3) la rétention, après un délai de 7 jours, de l’information
transmise lors de la consultation ; 4) la satisfaction à l’égard
de l’équipe médicale évaluée sur le questionnaire envoyé par
courrier une semaine après la consultation.
1) Motifs et raisons de la venue à la consultation d’oncogénétique
Avant la consultation, les sujets devaient préciser : (a) l’initiateur de la consultation (sur votre seule initiative - à la
demande de votre médecin - à la demande d’un membre de
votre famille - à la demande d’une autre personne) ; (b) les raisons qui les ont poussées à prendre rendez-vous au Centre
Oscar Lambret (uniquement parce qu’on me l’a demandé - je
souhaitais avoir des informations sur le risque de cancer du
sein - je voulais connaître les possibilités de dépistage précoce
du cancer du sein - je voulais avoir des informations sur l’existence de médicaments préventifs - je ne sais pas pourquoi je
suis venue à cette consultation). Chaque item était évalué sur
une échelle en 7 points où le chiffre 1 signifiait « pas du tout
d’accord » et le chiffre 7 « tout à fait d’accord », le chiffre 4
pouvant être considéré comme le point milieu de l’échelle.
2) État émotionnel
L’intensité du bouleversement, la déstabilisation, le bien-être,
la bonne humeur, le sentiment de calme ainsi que 9 émotions
de base (anxiété, stress, peur, tristesse, colère, surprise, joie,
honte et culpabilité) tirées du Differential Emotional Scale de
Izard, Dougherty, Bloxom, et al. (1974) ont été mesurés.
Chaque item était, ici aussi, mesuré sur une échelle en 7 points
de 1 = « pas du tout d’accord » à 7 = « tout à fait d’accord ».
3) Rétention de l’information transmise
Sept jours après la consultation, les participantes recevaient
un questionnaire qui comportait quatorze items visant à
estimer la mémorisation de l’information donnée par les
médecins (échelles à choix multiples en 3 ou 5 points).
4) Satisfaction à l’égard de l’équipe médicale
Onze items évaluaient la satisfaction ressentie par les consultantes : 1 item général de satisfaction (je suis satisfaite de ma
relation avec l’équipe médicale) ; 3 items sur la clarté de l’information transmise (le médecin m’a donné des informa-
tions précises ; le médecin m’a expliqué la situation clairement ; j’ai besoin d’informations complémentaires) ; 3 items
relatifs à la disponibilité du médecin lors de l’entretien (j’ai
posé toutes les questions que je voulais ; j’ai eu une réponse à
toutes les questions que j’ai posées ; je me suis sentie
écoutée) ; 2 items sur la mise en confiance (j’ai toute
confiance en l’équipe médicale ; je me suis sentie en
sécurité) ; et enfin 1 item sur le soutien reçu ou nécessaire (le
médecin m’a aidée à accepter la situation).
Résultats
Motifs à la consultation d’oncogénétique
L’analyse de la répartition des effectifs selon les différentes
catégories montre que les participantes sont venues, en
majorité, à la consultation d’oncogénétique à la demande de
leur médecin (39 personnes soit 60 % des cas). Seules
19 femmes ont pris personnellement l’initiative de se rendre
à la consultation (29 %), et 8 femmes suite à la demande d’un
membre de leur famille (12 %).
Ces femmes se sont rendues à la consultation d’oncogénétique pour différentes raisons (Tableau 1). Elles souhaitent
ainsi y recevoir de plus amples informations sur les risques
de développer un cancer du sein (M = 6.52), sur les possibilités de dépistage précoce (M = 6.62), mais aussi sur l’existence de médicaments préventifs (M = 5.84).
Impact émotionnel immédiat
et à moyen terme de la consultation
L’impact de la consultation d’oncogénétique sur l’état émotionnel des patientes a été évalué au moyen d’Anovas en
mesures répétées (1 X 3) où le facteur intrasujet distinguait
les trois moments de réponse au questionnaire émotionnel
(avant, immédiatement après, et 7 jours après la consultation). Cette comparaison a été effectuée sur les 33 femmes
qui ont répondu à chacun de ces trois moments.
Tableau 1 : Moyennes des items relatifs aux raisons invoquées par les sujets
de leur venue à la consultation d’oncogénétique
Items
– Uniquement parce qu’on me l’a demandé
– Je souhaitais avoir des informations sur le risque
de cancer du sein
– Je voulais connaître les possibilités de dépistage précoce
du cancer du sein
– Je voulais avoir des informations sur l’existence
de médicaments préventifs
– Je ne sais pas pourquoi je suis venue à cette consultation
Moyennes
4.03+
6.52+
6.62+
5.84+
1.75+
Note. + différence significative avec la moyenne théorique de l’échelle
M = 4, t-Student, p < .05
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Globalement, la consultation d’oncogénétique n’a pas
d’effet négatif sur l’état émotionnel général (Tableau 2). En
effet, à aucun moment, les femmes ne déclarent avoir été
bouleversées par la situation. Elles rapportent même un état
de bien-être, une bonne humeur et un état de calme important avant comme après la consultation. De plus, si elles
Tableau 2 : État émotionnel général des patientes avant, après et 7 jours
après la consultation d’oncogénétique (N = 33)
État émotionnel général des patientes1
Avant
Après
7 jours après F(1,64)
la consultation la consultation la consultation
Bouleversement
1.61
(1.30)
1.85
(1.46)
1.67
(1.29)
0.44
Déstabilisation
2.81a
(2.20)
1.91b
(1.42)
1.79b
(1.63)
5.03*
Bien-être
4.84
(2.06)
5.42
(1.64)
5.15
(1.82)
1.61
Bonne humeur
4.94
(1.92)
5.45
(1.52)
5.66
(1.72)
1.91
Calme
4.73
(2.11)
5.33
(1.99)
5.61
(1.87)
2.10
Note. * p < .01.
a, b : les moyennes ayant un indice différent sont significativement différentes à p<.05.
1
Toutes les moyennes se différencient de la moyenne théorique de l’échelle
M = t-Student, p < .05.
Tableau 3 : Émotions ressenties par les patientes avant, après et 7 jours après
la consultation d’oncogénétique (N = 33)
Émotions ressenties
Avant
Après
7 jours après
la consultation la consultation la consultationF(1,64)
Anxiété
3.50a
(2.30)
2.24b+
(1.75)
2.45b+
(1.75)
7.91**
Stress
3.81a
(2.28)
2.30b+
(1.33)
2.75b+
(1.84)
8.67**
Peur
2.78a+
(1.99)
1.79b+
(1.465)
1.94b+
(1.54)
5.07*
Tristesse
2.25+
(1.60)
1.67+
(1.41)
2.03+
(1.69)
1.41
Colère
1.21+
(0.70)
1.00+
(0.00)
1.45+
(1.52)
1.79
Surprise
2.56+
(2.13)
1.79+
(1.27)
1.94+
(1.66)
2.94
Joie
3.27a+
(1.91)
3.61a
(2.19)
4.51b
(2.27)
5.64*
Honte
1.18+
(1.04)
1.00+
(0.00)
1.18+
(1.04)
0.49
Culpabilité
1.31+
(1.24)
1.12+
(0.70)-
1.15+
(062)
0.81
Note. * p < .01; ** p < .001.
a,b: les moyennes ayant un indice différent sont significativement différentes à p<.05.
+ différence significative avec la moyenne théorique de l’échelle M = 4 (tStudent, p < .05)
disent, de manière générale, ne pas avoir été déstabilisées,
elles le sont encore moins après la consultation (M = 1.91)
qu’avant (M = 2.81) et cet effet persiste sept jours après la
consultation (M = 1.79), F (2, 64= 5.03, p <.01).
Les données reprises au tableau 3 montrent que la situation de consultation ne génère pas d’émotions négatives.
Quoiqu’en général, les par ticipantes ne se disent ni
anxieuses, ni stressées ou effrayées, elles le sont encore significativement moins après la consultation (respectivement
pour l’anxiété, M = 2.24, le stress, M = 2.30 et la peur,
M = 1.79) qu’avant leur entretien avec le médecin (respectivement, M = 3.50, M = 3.81 et M = 2.78) et cet effet est toujours présent sept jours après la consultation (respectivement, M = 2.45, M = 2.75 et M = 1.94). De plus, une semaine
après la consultation les participantes rapportent significativement plus de joie (M = 4.51) que juste avant (M = 3.27) ou
immédiatement après celle-ci (M = 3.61).
Tableau 4 : Nombre et pourcentage de « bonnes réponses » en ordre décroissant aux questions posées à 7 jours. La « bonne réponse » est indiquée en
gras, suivent le nombre de personnes qui ont donné cette réponse et le pourcentage par rapport aux personnes qui ont répondu.
1. Si une anomalie d’un gène de prédisposition au cancer est découvert
dans une famille, une simple prise de sang permet de vérifier si une
personne apparentée la possède aussi ou non. (Vrai : 29-88 %)
2. Les hommes ont très rarement un cancer du sein, mais ils peuvent
transmettre un gène anormal qui exposent les femmes à un risque du
cancer du sein. (Vrai : 29-88 %)
3. Une femme qui n’a pas d’anomalie d’un gène de prédisposition au
cancer du sein peut quand même avoir un cancer du sein. (Vrai : 2781 %)
4. Nous possédons tous le gène BRCA1. (Vrai : 25-76 %)
5. Il existe actuellement un médicament qui réduit le risque du cancer
du sein. (Faux : 25-76 %)
6. Dans certaines familles, il existe un risque héréditaire de cancer de
l’ovaire, souvent associé à un risque de cancer du sein. (Vrai : 2164 %)
7. Le nombre de femmes qui développe un cancer du sein au cours de sa
vie est de : 1/100 - 1/50 - 1/20 - 1/14 - ne sais pas (20-61 %).
8. La mammographie est un examen de dépistage du cancer du sein
efficace à partir de l’âge de : 20 ans - 30 ans - 40 ans - 50 ans - ne sais
pas (18-55 %).
9. La transmission d’une génération à l’autre d’une anomalie sur le
gène BRCA1 de prédisposition au cancer du sein: 100 % - 50 % - que
par les femmes - aléatoire - ne sais pas (17-52 %).
10. Il n’y a pas de prédisposition génétique aux cancers en général. (Vrai :
13-40 %)
11. Quand une femme a une prédisposition héréditaire, le risque qu’elle
puisse développer un cancer du sein au cours de sa vie est de : 5 % 7 % - 40 % - 90 % - ne sais pas (12-36 %).
11. Parmi les cancers héréditaires du sein, le gène BRCA1 est responsable
des cancers du sein dans: 5 % - 7 % - 40 % - 90% - ne sais pas (1236 %).
13. Quand une femme présente une anomalie du gène BRCA1, le risque
qu’elle développe un cancer du sein avant l’âge de 50 ans est de : 5 % 7 % - 40 % (7-21 %) - 90 % - ne sais pas.
14. Le risque héréditaire du cancer du sein est connu depuis longtemps.
(Vrai : 7-21 %)
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Tableau 5 : Moyennes des items relatifs à la satisfaction ressentie à l’égard de
l’équipe médicale lors de la consultation
Items
Moyennes
Satisfaction
– Je suis satisfaite de ma relation avec l’équipe médicale
6.53+
Clarté de l’information transmise
– Le médecin m’a donné des informations précises
– Le médecin m’a expliqué la situation clairement
– J’ai besoin d’informations complémentaires
6.69+
6.77+
3.09+
Disponibilité du médecin lors de l’entretien
– J’ai posé toutes les questions que je voulais
6.69+
– J’ai eu une réponse à toutes les questions que j’ai posées 6.79+
– Je me suis sentie écoutée
6.89+
Mise en confiance
– J’ai toute confiance en l’équipe médicale
– Je me suis sentie en sécurité
6.68+
6.53+
Soutien
– Le médecin m’a aidée à accepter la situation
5.91+
Note. + différence significative avec la moyenne théorique de l’échelle
M=4
(t-Student, p < .05)
Rétention de l’information transmise lors de la consultation
L’analyse des résultats révèle, qu’en général, les informations
transmises sont correctement retenues par les consultantes
(tableau 4). En effet, plus de la moitié des personnes répondent correctement à 9 questions sur les 14. Il est à noter que
les questions 11, 12 et 13 dans lesquelles intervient un pourcentage paraissent plus difficiles à percevoir puisque aucune
d’entre elles n’obtient plus d’un tiers de bonnes réponses, le
taux de réponses correctes variant de seulement 21 à 36 %.
Ce qui se traduit par une évaluation erronée du risque héréditaire lié au gène BRCA1 et à la possibilité de développer
effectivement un cancer du sein. De plus, seules 40 % des
femmes savent qu’il n’ y a pas de prédisposition aux cancers
en général (question 10) et 21 % que le risque héréditaire est
connu depuis longtemps (question 14).
Satisfaction à l’égard de l’équipe médicale
Les données du tableau 5 montrent que les consultantes se
déclarent satisfaites de leur relation avec l’équipe médicale.
Les informations formulées lors de la consultation sont
considérées comme claires, précises et suffisantes. Le médecin est perçu comme disponible et à l’écoute. Il aide les
patientes à accepter la situation et celles-ci éprouvent un
sentiment de sécurité et de confiance envers l’équipe médicale.
Discussion
La majorité des consultantes est venue à la demande d’un
médecin, et essentiellement pour s’informer sur le risque de
cancer du sein et les possibilités de dépistage et de prévention. Ces femmes viennent chercher une information spécifique qui pourrait les concerner directement. Ceci conforte
notre habitude de réserver le plus possible à la consultation
d’oncogénétique les patientes réellement à risque de cancer
du sein, en orientant vers des consultations plus traditionnelles les personnes qui souhaitent un dépistage dans le
cadre général. Ceci confirme aussi l’idée que les motivations
de ces femmes sont déterminées par une préoccupation de
leur risque individuel (Isaacs, 1996), tout en soulignant leur
connaissance approximative du cancer héréditaire comme le
montre l’attente d’informations sur des médicaments préventifs.
La consultation d’oncogénétique n’a pas d’impact négatif
sur l’état émotionnel des consultantes, du moins à court
terme. Les femmes qui viennent consulter sont conscientes
du risque de cancer du sein dans la famille, elles viennent
chercher des explications qui vont rationaliser leur risque
personnel. Elles connaissent le risque auquel elles sont
confrontées, il est théorique et paraît sans doute lointain.
Elles repartent manifestement satisfaites de l’information
qui leur a été donnée. Sans doute ne faut-il pas s’attendre à
un profond bouleversement dans l’immense majorité des
cas. Ceci est d’ailleurs conforme aux données de la littérature
où l’état émotionnel demeure inchangé (Watson, 1999) ou
même s’améliore après la consultation (Julian-Reynier,
1999). N’oublions pas cependant qu’il s’agit de la première
consultation d’oncogénétique, l’information transmise est
très générale, il n’est pas encore question de présence d’une
mutation dans la famille, ni de résultat personnel de présence ou d’absence de mutation délétère. Les problèmes
majeurs ne sont qu’entrevus. De fait, ces personnes ne sont
pas confrontées à un résultat positif signant définitivement
des risques majeurs de cancer du sein, ni confrontées directement aux possibilités de la chirurgie prophylactique, pas
encore confrontées non plus à l’angoisse de la transmission
possible de ce risque à la descendance. Elles sont encore loin
des problèmes difficiles des explications et de la transmission de l’information aux apparentées en cas de découverte
d’une mutation délétère. Nous commençons seulement à
mesurer les effets émotionnels induits par ces situations.
La formulation des informations s’avère être un élément
essentiel à prendre en considération. En effet, si, en général,
les consultantes semblent avoir mémorisé correctement l’information, dans cette étude préliminaire, les plus mauvais
scores concernent les pourcentages de risque. Conformément à la littérature (Gigerenzer, 1995 ; van der Pligt, 1996),
les indications en pourcentage induisent un nombre élevé
d’erreurs de compréhension et de mémorisation puisque le
taux de réponses correctes varie de seulement 21 à 36 %. Il
semble donc difficile de « faire passer » des risques et des
chiffres. En effet, il n’est pas aisé de faire percevoir au cours
d’une seule consultation, même longue (une heure, une
heure et demie), la signification d’un risque futur traduit
dans un seul chiffre donné en pourcentage et censé représenter l’estimation d’une probabilité. Difficile aussi de gar-
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der en mémoire un chiffre qui est complètement abstrait
pour un individu isolé. Il y a un travail important et dont
l’essentiel reste à faire, de présentation des données de telle
sorte qu’elles puissent être comprises par des femmes qui
prendront éventuellement des décisions importantes, irréversibles et lourdes de conséquences (chirurgie prophylactique) à partir de ces informations. Nous avons maintenant
besoin de techniques adaptées pour améliorer la communication de telles informations (Croyle, 1999). De plus, nous
savons à quel point l’information est labile. Nous-mêmes
avions, à l’époque, chiffré le risque de cancer du sein à
1 femme sur 14, alors que nous disons maintenant 1 sur 10.
Nous avions estimé aussi le risque cumulatif de cancer du
sein à 90 %, ce chiffre a été revu à la baisse depuis.
En tout état de cause, les consultantes se considèrent
extrêmement satisfaites de l’information qui leur a été fournie. Le fait que le questionnaire soit tout à fait anonyme et
que les enveloppes aient été affranchies et adressées à l’université de Lille 3, c’est à dire à un lieu différent de celui de la
consultation et à une personne inconnue de la consultante,
nous fait penser que cette satisfaction est réelle.
L’ensemble de ces résultats est cohérent. Contrairement à
certaines publications (Hallowell, 1997), nos consultantes
paraissent savoir ce qu’elles viennent chercher et sont satisfaites de repartir, si ce n’est avec des réponses, au moins avec
des explications. Ces résultats viennent compléter ceux de
l’étude de l’Institut Curie (Blandy, 1998) dans laquelle l’enquête était du même genre, mais près des trois-quarts des
consultantes étaient atteintes de cancer, ce qui rend les comparaisons difficiles.
Nous sommes bien conscients des limites de ce genre
d’enquête qui ne nous donne qu’un instantané d’une situation à un moment donné et à un endroit précis. Ces informations nous seront cependant utiles pour juger des évolutions
qui ne manqueront pas de se produire.
Remerciements
Nous tenons à remercier les consultantes du Centre Oscar
Lambret qui ont accepté de participer à cette étude, ainsi que
Valérie Delage qui a organisé et suivi administrativement le
déroulement pratique de l’étude.
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