Cousin, Victor ou la mémoire qui flanche

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Cousin, Victor ou la mémoire qui flanche
Textes rares
Cousin, Victor ou la mémoire qui flanche
Soucieux d'affirmer sa notoriété, Victor Cousin ne cesse, tout au long de sa vie, de rééditer ses publications
anciennes. Articles et cours, rassemblés sous forme de recueils qui donnent l'illusion du moderne avec de l'ancien. À
force de rééditions, les dates des évènements viennent à se brouiller, comme si parfois la mémoire du " Maître " venait à
flancher. D'où la confusion, entre le jeudi 7 et le mercredi 13 décembre 1815.
En paraphrasant les classiques, on a l'habitude de dire que ce que l'on sait le mieux, ce sont les commencements.
Et le commencement pour Victor Cousin, ne serait-ce pas le moment où pour la première fois il monte dans une chaire
de la Faculté des Lettres de Paris, pour prononcer son premier cours public ?
LE PREMIER COURS PUBLIC DU MERCREDI 13 DÉCEMBRE 1815.
Victor Cousin [1792-1867], qui vient tout juste d'avoir vingt-trois ans le 28 novembre, déjà maître de conférences à l'École
normale où il sert de répétiteur à ses élèves, prononce son premier cours public, en décembre 1815, comme "remplaçant
" de Pierre Paul Royer-Collard [1763-1845], dans sa chaire d'Histoire de la philosophie moderne à la Faculté des Lettres
de Paris.
DES ACCENTS LYRIQUES.
L'exorde, qui célèbre son " patron ", à savoir Pierre Paul Royer-Collard que Victor Cousin est chargé de suppléer,
débute par une longue période aux accents lyriques:
" Lorsque, appelé à faire paraître dans des fonctions plus élevées la mâle éloquence et cette vigueur de sens et de
dialectique qui marquaient son enseignement, l'homme illustre que vous avez tant de fois applaudi dans cette enceinte
daigna jeter les yeux sur moi pour le remplacer, l'honneur d'un pareil choix ne m'éblouit point sur ses périls, et, avant de
vous surprendre, Messieurs, il me fit trembler. Un tel devancier, un auditoire si éclairé, de si hautes matières
accablaient mon esprit, me décourageaient jusqu'au désespoir. Je me dois même cette justice de déclarer que jamais
je ne me fusse engagé dans une carrière effrayante pour ma faiblesse, si la même bienveillance qui me l'ouvrait ne
m'eût promis de m'y guider et de m'y soutenir. Cet appui me rassure un peu, je l'avoue ; j'espère qu'il pourra suppléer
aux forces qui me manquent : apportant peu du mien à cette chaire, j'y serai moins indigne de votre attention. Peut-être
même ceux qui ne dédaigneront pas de suivre un cours de philosophie fait par un jeune homme, trouveront-ils à ces
leçons quelque profit et quelque intérêt, si je parviens à leur transmettre les inspirations auxquelles j'aurai souvent
recours, sans trop les affaiblir, ou du moins sans les altérer. C'est là, Messieurs, toute mon ambition ".
UN TEXTE À IMPRIMER.
Sitôt le cours prononcé, et selon l'usage des enseignants de Faculté de l'époque, il donne immédiatement son texte à
éditer, et le texte de ce discours d'ouverture, paraît après impression, quelques jours après.
L'éditeur choisi est Delaunay, autrement dit Simon César Delaunay [1760-1847 ?] qui, avec d'autres éditeurs comme
Jean Nicolas Barba [1769-1846] ou Camille Ladvocat [1791-1854], est établi dans une des boutiques du Palais-Royal,
sises Galeries de Bois, bordant l'un des côtés des jardins du Palais-Royal, longtemps fameux par ses cafés, ses lieux de
rencontre et ses flâneries libertines.
Quant à l'imprimerie Fain, du nom de son propriétaire Armand Louis Jean Fain , où se compose et s'imprime le texte, elle
est établie rue Racine ; donc toute proche de la rue Saint-Jacques, autrement dit de l'École normale, du lycée Louis-leGrand et de la Faculté des Lettres. C'est cette proximité qui a permis, en partie, à l'imprimerie de Fain, devenue le
fournisseur officiel de l'Université impériale, d'imprimer la plupart des thèses de doctorat ès-lettres.
Ainsi voit le jour, au début janvier 1816, une brochure de trente-trois pages, sous le titre complet : Discours/ prononcé/ à
l'ouverture du Cours/ de l'Histoire de la philosophie,/ le 13 décembre 1815 ;/ par M. V. Cousin,/ Professeur - suppléant à
la Faculté des Lettres, et Maître/ de Conférence à l'École Normale./
[À Paris : Chez Delaunay, Libraire, au Palais-Royal, Galerie de Bois, N° 243. In-8, 33 p., Janvier 1816].
L'impression du texte vient <De l'Imprimerie de Fain, rue de Racine, n°. 4, place de l'Odéon.>
UN TITRE CANONIQUE.
Le titre retenu par Victor Cousin est celui qui par tradition convient au contenu. Son maître Royer-Collard avait lui-même
édité en fin 1811 un Discours prononcé à l'ouverture du Cours de l'histoire de la philosophie, le 4 décembre 1811, par
M. Royer-Collard [Paris : impr. de Fain. In-4, 20 p., s. d.].
Et vingt-deux ans plus tard, Jean Philibert Damiron publiera lui aussi son Discours prononcé pour l'ouverture du cours
d'histoire de la philosophie [1838].
VOIR CETTE BROCHURE EN LIGNE.
Bien qu'aujourd'hui cette brochure soit assez rare et quasiment absente de toutes les grandes bibliothèques mondiales
[et même de la bibliothèque de l'École normale supérieure], on peut aisément accéder à l'image du texte de cette
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publication, par l'intermédiaire de Google books :
http://books.google.fr/books?id=hhgFAAAAQAAJ&pg=PA1&lpg=PA1&dq=Discours/+prononcé/+à+l'ouverture+du+Cours/
+de+l'Histoire+de+la+philosophie,/+le+13+décembre+1815+;/&source=bl&ots=t805y90Wb4&sig=s8bZmmlKPqzCm8YA
X3-OdyEbcnU&hl=fr&sa=X&ei=u9X6Tq3aLI_R8QOnysTJAQ&ved=0CCcQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false
L'exemplaire scanné vient de la Bibliothèque Bodléienne d'Oxford. Il a été dédicacé par Victor Cousin < À Monsieur
Schlegel de la part de l'auteur. V. Cousin >.
Sans qu'on sache par quel cheminement cette plaquette dédicacée à Paris se retrouve aujourd'hui dans une grande
bibliothèque anglaise, sinon qu'August Schlegel, qui voyageait en Angleterre vers 1805, avec Mme de Staël, y était à
nouveau en 1823 .
VICTOR COUSIN ET AUGUST WILHELM VON SCHLEGEL.
Ainsi l'exemplaire de cette brochure est-elle dédicacée à August Wilhelm von Schlegel.
On sait que Mme Germaine de Staël-Holstein [1766-1817], lors de son dernier séjour à Paris, où elle va mourir le 14 juillet
1817, avait loué au 6 de la rue Royale, à partir d'octobre 1816, un appartement où elle resta jusqu'au début 1817, et où
elle tenait salon. Victor Cousin y était reçu.
C'est là qu'il a l'occasion de rencontrer, dans l'hiver 1816-1817, August Wilhelm von Schlegel*[1767-1845], l'un des
théoriciens allemands du mouvement romantique, familier de Mme de Staël, dont il a été l'amant, dans les années
1804.
Victor Cousin en témoigne lui-même dans ses Souvenirs d'Allemagne, notes d'un journal de voyage [paru initialement
dans la livraison d'avril 1838, tome 6, de la Revue française, pages 215-238], alors qu'il évoque sa conversation avec
Friedrich Schlegel [1772-1829] : " En entendant parler ainsi M. Frédérik Schlegel à Francfort, je me souvins que l'hiver
précédent à Paris, dans la rue Royale, son frère Auguste Guillaume m'avait tenu exactement le même langage. Il
m'avait dit : Nul argument ne prouve Dieu. Kant a rendu un service immense [&hellip;] ".
L'EMPLACEMENT DU TEXTE DU DISCOURS.
Le < Discours prononcé à l'ouverture du Cours de l'Histoire de la philosophie, le 13 décembre 1815, par Victor Cousin >
se trouve aussi, toujours sous la forme d'une brochure de trente-trois pages, à la Bibliothèque Nationale de France.
Et même en deux exemplaires.
L'un des exemplaires est catalogué, avec l'indication de la date de la publication : 1816.
L'autre exemplaire est catalogué, sans l'indication de la date de la publication : d'où le classique [S. d.], autrement dit
sans date.
Cela s'explique car cet autre exemplaire, sous la cote 4-R PIECE- 1065, est reliée avec un ensemble d'une quarantaine
d'autres textes disparates, sous la cote 4-R PIECE- de 1061 à 1100.
Mais il est marqué sans date, parce que dans son recueil collectif, la couverture de la brochure a été enlevée. Au
catalogage on note ce que l'on voit, et dans ce cas précis on ne voit pas de date, ni de nom d'éditeur ; seulement en
dernière page le nom de l'imprimeur : impr. de Fain.
UNE AUTRE DÉDICACE.
Mais ce second exemplaire présente un intérêt. Il porte une dédicace autographe de Victor Cousin, à l'encre noire, de
son écriture nerveuse et légèrement tendue vers l'avant : " L'ouvrage offert à Monsieur Duchemin et à son intéressant
élève. V. Cousin >.
Mais qui sont ce Monsieur Duchemin, et son intéressant élève ? Pour l'instant pas de réponse à ces questions.
LA BIBLIOTHÈQUE VICTOR COUSIN.
En 1835, Victor Cousin est expressément nommé, par arrêté ministériel, en date du lundi 14 septembre, directeur de
l'École normale, où il succède à Joseph Daniel Guigniaut [1794-1876], qui a occupé ce poste depuis octobre 1830 [après
en avoir été le directeur des études de 1829 à 1830].
Victor Cousin quitte alors la rue Madame où il avait son domicile, et s'établit définitivement à la Sorbonne, y demeurant
par autorisation spéciale après sa retraite, le 7 mai 1852, jusqu'à sa mort en janvier 1867.
Il y installe sa bibliothèque, dont les seize mille volumes, les manuscrits, les incunables et les estampes constitueront
ultérieurement le premier fonds de la Bibliothèque Victor Cousin.
Le < Discours prononcé à l'ouverture du Cours de l'Histoire de la philosophie, le 13 décembre 1815, par Victor Cousin >
se trouve bien dans l'actuelle Bibliothèque Victor Cousin, accessible dans la salle de réserve de la Bibliothèque interuniversitaire centrale de Paris-Sorbonne, avec la cote VC 15613.
LES DIFFÉRENTES RÉÉDITIONS DU DISCOURS PRONONCÉ À L'OUVERTURE.
Le texte du < Discours prononcé à l'ouverture du Cours de l'Histoire de la philosophie, le 13 décembre 1815, par Victor
Cousin > n'est pas réédité à part, en tant que tel.
Mais, il est republié plusieurs fois en tête d'autres ouvrages :
En 1841. Dans le Cours d'histoire de la philosophie moderne pendant les années 1816 et 1817 par M. V. Cousin. Publié
avec son autorisation d'après les meilleures rédactions de ce cours.
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En 1846. Dans la seconde édition des Premiers essais de philosophie, par M. V. Cousin ; et dans ses rééditions
ultérieures.
1841. LE COURS D'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE MODERNE.
Le texte du < Discours > est repris dans le Cours d'histoire de la philosophie moderne pendant les années 1816 et 1817
par M. V. Cousin. Publié avec son autorisation d'après les meilleures rédactions de ce cours.
[Paris : Librairie de Ladrange. Quai des Augustins, 19. In-8, VII-548 p., 1841].
Comprend : Avertissement de l'éditeur. I-VII
Le Discours prononcé à l'ouverture du cours [&hellip;]. Pages 1-29.
Le Programme du cours d'histoire de la philosophie moderne donné à l'Ecole normale, pendant l'année 1815-16. Pages
31-36.
L'intitulé des titres des leçons I, II, III, Décomposition de la question générale du moi dans toutes ses parties.
L'intitulé des titres des leçons IV et V, Revue générale des théories que présente l'histoire de la philosophie moderne
sur la question du moi.
L'intitulé de la VIIIème leçon. Locke.
La neuvième leçon : système de Locke. Théorie des idées destructive de toute réalité. Système de Berkeley.
1846. PREMIERS ESSAIS DE PHILOSOPHIE.
De la même façon, le texte du < Discours > est repris, quelques années plus tard dans les Premiers essais de
philosophie, réédités cette fois directement par Victor Cousin, vraisemblablement peu satisfait de l'édition du Cours
d'histoire de la philosophie moderne de 1841, faite à partir de notes d'étudiants.
[En réalité cette édition de 1846 est la première à porter le titre de Premiers essais de philosophie. Mais Victor Cousin la
désigne comme seconde édition, compte tenu de l'édition de 1841 consacrée aux cours de 1816 et 1817].
Ce volume en date de 1846, est réédité à plusieurs reprises. En 1855. Paris : Librairie nouvelle. In-18, XX-350 p. [pages
2-23] ; en 1862. Paris : Librairie nouvelle. In-18, XX-350 p. [pages 21-44] ; en 1873. Paris : Didier. In-18, 418 p. [6ème
édition revue et augmentée, pages 21-44].
ON PASSE DU MERCREDI 13 DÉCEMBRE AU JEUDI 7 DÉCEMBRE.
Ainsi, le Discours prononcé à l'ouverture du cours de décembre 1815 est placé en tête du Cours d'histoire de la
philosophie moderne pendant les années 1816 et 1817 par M. V. Cousin, publié vingt-cinq ans plus tard, en 1841.
Mais cette fois, comme le signale aussi Pierre F. Daled dans son ouvrage Le Matérialisme occulté et la genèse du
sensualisme [Paris : Vrin, 2005], la date indiquée n'est plus le 13 décembre mais le 7 décembre !
Dans l'Avertissement également, il est écrit expressément : " C'est le 7 décembre 1815, en qualité de suppléant de M.
Royer-Collard, que M. Cousin commença, à la Faculté des lettres, cet enseignement qui, poursuivi avec un zèle infatigable
et un succès toujours croissant jusqu'à la fin de l'année 1820, interrompu pendant huit années de disgrâce et de
persécution, repris en 1828, sous le ministère réparateur de M. de Martignac, et continué jusqu'en 1830, éleva
successivement l'opposition commencée par M. Royer-Collard contre la doctrine de Locke et de Condillac, à la hauteur
d'une grande réforme philosophique ".
Il en est de même dans les Premiers essais de philosophie, publiés en 1846.
La situation est d'autant plus piquante que l'erreur ne vient pas d'un copiste peu instruit ou indifférent au texte qu'il
produit. C'est Victor Cousin lui-même qui est le signataire de ces textes qui le concernent directement. À moins que, trop
occupé par ses fonctions officielles, ce ne soit un de ses secrétaires de l'époque qui ait commis quelque étourderie. En
effet, en1840, c'est Ernest Bersot [1816-1880] qui est son secrétaire, tandis que Cousin, pour quelques mois, de mars à
octobre, est ministre de l'Instruction publique dans le second gouvernement Thiers.
LES APPROXIMATIONS DES BIOGRAPHES.
À partir de là, la plupart des biographes retiennent, comme date où est prononcé le premier < Discours >, la date du 7
décembre. Tout se passe comme si, plus on s'éloigne de l'évènement, plus le 7 décembre est retenu, au détriment de
la date du 13 décembre ; d'autant qu'il est de plus en plus difficile de mettre la main sur la brochure d'une trentaine de
pages éditée au lendemain même du Discours d'ouverture, et qu'on se contente d'une des rééditions beaucoup plus
tardives de 1841 ou de 1846.
Paul Janet, dans son Victor Cousin et son &oelig;uvre [Paris : Calmann Lévy. 1885], déclare seulement : " C'est
seulement en 1815, qu'appelé par Royer-Collard à la suppléance de la Faculté des lettres, il entra dans l'enseignement
philosophique. Il avait vingt-trois ans ".
Jules Simon, dans son Victor Cousin [Paris : Hachette. 1887], dit que " Royer-Collard le choisit pour son suppléant en
1815 [13 novembre 1815] ", mais il s'agit de la date de l'arrêté par lequel Pierre Paul Royer-Collard est autorisé à se
faire remplacer dans ses fonctions d'enseignant par M. Cousin.
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Pour le reste, Jules Simon signale bien les leçons de la première année [1815-1816] " qui roulèrent presque
exclusivement sur la philosophie écossaise", mais sans fournir d'indication sur la date du Discours inaugural.
C'est Jules Barthélemy Saint-Hilaire, dans son M. Victor Cousin, sa vie et sa correspondance [Paris : Hachette ; Alcan.
Trois volumes. 1895] qui s'aventure à fournir quelques précisions.
D'abord, il fait accéder Victor Cousin à la chaire d'Histoire de la philosophie moderne en 1816, et non en 1815 : " Grâce à
M. Royer-Collard, M. V. Cousin, à la fin 1816, put monter sur la scène qu'il ne cessa de remplir durant un demi-siècle,
instruisant et charmant tous les esprits qui s'intéressent aux problèmes mystérieux des destinées humaine et à la
délicate culture des lettres ".
Ensuite, quelques lignes plus loin, se référant aux Premiers Essais, [édition de 1855, p. 5] : " Quand le maître [RoyerCollard] tenait ce langage, il était tout simple que le suppléant s'en fît l'écho. M. Cousin, dans son Discours inaugural, le
7 décembre 1815 parle aussi de <l'enfance de la philosophie > ".
COUSIN, LE DICTIONNAIRE DE BIOGRAPHIE FRANÇAISE ET LE 13 NOVEMBRE.
Une longue notice, par ailleurs joliment rédigée, est consacrée à Victor Cousin, dans le volume de 1961, du monumental
Dictionnaire de biographie française initié par Jules Balteau, Marius Barroux, Michel Prévost [Paris : Letouzey et Ané].
Certes le lien unissant Victor Cousin et Pierre Paul Royer-Collard est clairement indiqué, mais la société de philosophie
spiritualiste, incontestablement constituée par Maine de Biran, est attribuée à Royer-Collard : " Désirant faire pièce à la
Société d'Auteuil, où se réunissait les idéologues, ce janséniste [Royer-Collard] avait créé une société de
philosophie spiritualiste, à base de christianisme évangélique. V. Cousin y fréquentait avec de Gérando, Ampère,
Fauriel. C'est à lui que Royer-Collard confia, en 1815, l'interim de son enseignement à la Faculté. [&hellip;] Royer-Collard
devant enseigner une philosophie, n'en ayant point qui lui fut propre, mais répugnant au sensualisme condillacien, repris
par les idéologues et suspect de matérialisme, avait découvert Reid, Stewart et la philosophie écossaise. C'est animé
du même esprit que V. Cousin, dans cette chaire où Royer-Collard ne devait plus remonter, inaugurait son cours le 13
novembre 1815. Il n'avait pas tout à fait vingt-trois ans ".
On voit comment se glisse l'erreur : le 13 novembre n'est pas inventé. C'est même une date excellente, qui ne saurait
en tant que telle être fausse. Pourtant, elle ne correspond pas au premier cours de Victor Cousin, mais très exactement à
la date de l'arrêté qui autorise Royer-Collard à se faire remplacer.
DE LA DÉDICACE PRIVÉE À LA DÉDICACE PUBLIQUE.
Toujours est-il qu'on voit s'esquisser avec cette première dédicace privée à August Schlegel, ce mouvement de Victor
Cousin qui consiste à distribuer généreusement ses publications.
Il ne s'agit plus, dans les temps nouveaux qui s'annoncent, de s'arrêter au moment solitaire de la production
intellectuelle, ou même au temps public du cours ou de la conférence ; il faut participer soi-même à la distribution, il faut
faire commerce de ses oeuvres.
Victor Cousin a compris qu'il faut veiller à ce que chaque pièce de ses publications soit largement diffusée auprès de
gens qui comptent. Personnalités qui seront sûrement charmées du lien établi par la dédicace et qui iront dire ici ou là
l'excellence de son auteur, non pas tant à partir de l'&oelig;uvre elle-même peut-être simplement parcourue en surface,
mais plutôt à partir l'entregent indéniablement fascinant de sa conversation.
Et lorsque Victor Cousin deviendra célèbre dans le milieu fermé des gens de lettres, il passera de la dédicace privée à
la dédicace publique.
Le premier volume de sa traduction en latin des textes grecs de Proclus est dédié à Pierre Claude Bernard Guéroult*
[1744-1821], l'ancien directeur de l'École normale ; le deuxième volume est dédié à Charles Loyson*[1791-1819], ancien
élève de l'École normale [promotion 1811], qui vient de mourir en juin 1819 ; le troisième volume est dédié à Christian
August Brandis* [1790-1867], professeur de philosophie à l'Université de Bonn.
Et plus encore pour l'édition de Platon, où certaines dédicaces prennent leur envol vers de hautes personnalités
étrangères . Le premier volume est dédié à Auguste Viguier*[1793-1867], qui a aidé Victor Cousin dans son travail ; le
deuxième volume est dédié au poète italien Alessandro Manzoni [1785-1873] ; le troisième volume est dédié à Georg
Wilhelm Friedrich Hegel [1770-1831] alors professeur à Berlin ; le quatrième volume est dédié au comte Sanctorre de
Santa Rosa [1783-1824] ; le cinquième volume du Platon est dédié à Claude* Fauriel [1772-1844] ; enfin le septième
volume est dédié à J. G. Farcy [1800-1830].
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