L`Association de Prospective Rhénane
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L`Association de Prospective Rhénane
Cahiers de l'Association de Prospective Rhénane 2012-1 L'urbanisation de l'Alsace à l'aune du développement durable Sous la direction de Henri Nonn Raymond Woessner Association de Prospective Rhénane Université de Strasbourg Pôle Européen de gestion et d'Économie 61 avenue de la Forêt-Noire 67085 Strasbourg cedex www.apr-strasbourg.org En couverture : Jardins rotatifs, Wesserling, été 2008. Photo R. Woessner. Néothèque Éditions 2012 7 place d‟Austerlitz 67000 Strasbourg http://www.neotheque.com ISBN : 978-2-35525-314-0 ISSN : 1159-5124 L’Association de Prospective Rhénane Fondée en 1987, l’Association de Prospective Rhénane (APR) est un lieu privilégié d’échanges, de débats et de productions intellectuelles. Elle regroupe des chercheurs, des fonctionnaires territoriaux, des praticiens et experts divers ainsi que des jeunes diplômés qui mènent ensemble une réflexion prospective en analysant les développements économiques et sociaux, l’aménagement des territoires et les dynamiques régionales, urbaines et transfrontalières. Elle rassemble les acteurs du développement économique et social de l’espace du Rhin Supérieur, en partenariat avec les divers organismes compétents. Dans cette perspective, les experts regroupés par l’APR apportent leurs compétences et leur expérience afin de nourrir intellectuellement la plate-forme d’échanges et de débats qu’elle est devenue en Alsace. L'APR intègre le réseau des Pôles Régionaux d’Échanges sur le Développement et l’Aménagement des Territoires (PREDAT). La localisation du siège de l’APR au Pôle Européen de Gestion et d'Économie (PEGE) traduit ses liens privilégiés avec l’Université. Au cours des dernières années, l’APR a pris part activement au débat régional à travers une série de productions, de réflexions et d’animations, notamment les projets Alsace 2005, Économie Sociale et Solidaire, NTIC, Logistique, Socio-Démographie de la CUS ; Habitat, Mobilités, Économie en Alsace. L’APR organise, depuis 2004, des rencontres régulières sous la forme « petit-déjeuner » ou « stammtisch », rassemblant des acteurs locaux du développement économique et social. Ces derniers assistent ensemble à une présentation pour ensuite débattre sur le sujet traité. Une à deux fois par an sont organisés de grands événements comme des conférences ou symposiums. Enfin, l’APR participe en tant que co-organisateur à des manifestations entrant dans le cadre de sa mission de plate-forme d’échanges d'expérience et de savoir. Avertissement au lecteur Avec les textes et documents réunis dans le présent Cahier, l'Association de Prospective Rhénane ne prétend pas traiter de l'ensemble de la vaste question des rapports entre « urbanisation » – récente ou en cours – et « développement durable », même en se restreignant à un examen en seule Région Alsace. La constitution de l'ouvrage repose principalement sur le choix de rassembler des éléments ayant fait l'objet d'échanges : au sein de l'Association, dans des séances de « Stammtischs » ouverts tenues au long de l'année universitaire 20102011, ou sous forme de traitements statistiques, voire de simples lectures critiques d'ouvrages. En cela, ce Cahier s'inscrit dans la continuité de ceux publiés antérieurement par l'APR sur la périurbanisation en Alsace, ou apportant la matière d'un Colloque tenu à la MISHA en novembre 2010. Néanmoins, il a semblé judicieux d'y adjoindre quelques contributions sollicitées auprès d'autres chercheurs universitaires ou responsables d'études dans les instances publiques en région, engagés eux aussi dans une démarche similaire. La grande interrogation sur le « modèle de développement » (croissance – laquelle ? – ou décroissance – laquelle ?), n'est ainsi pas vraiment abordée. Pas plus que certaines thématiques : l'agriculture face à l'urbanisation (on préfèrerait disposer des produits du tout récent RGA de fin 2010) ; les modalités et impacts des activités de détente, loisirs et tourisme ; les caractères sociaux contemporains des aires transformées par l'urbanisation et les mobilités, par exemple. Tous les territoires n'ont pas non plus été analysés de manière systématique, car il aurait fallu que les échanges aient été plus fournis avec maints services : de l'État, des collectivités ou syndicats mixtes (cf. PNR, Scots, Pays), ou Associations. On aurait aussi pu se placer davantage dans l'optique « Rhin supérieur », ou envisager des comparaisons interrégionales... Mais, produire l'ouvrage tel quel, en son état d'avancement de la réflexion et de l'analyse, c'est à nos yeux déjà fort utile, surtout si il suscite des bases d'échanges nouvelles ou élargies et s'il constitue un « produit d'appel ». Plusieurs champs de prospective ne sont qu'amorcés : les densifications, les énergies, la cohésion sociale, la gouvernance... Ce n'est évidemment pas par désintérêt ! En fait, il fallait bien, en point de départ, un « état de la question », un tableau de la connaissance des avancées effectuées à propos des rapports urbanisation-développement durable comme de la perception des mutations en cours. Amélioré et nourri d'échanges avec les lecteurs, ce « stade 1 » aidera, souhaitons-le, à mieux s'engager ensuite dans les réflexions prospectives à entreprendre. Ami Lecteur, veuillez considérer le Cahier 2012-1 qui vous est présenté comme une « première pierre », non comme un édifice achevé ou abouti... Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les auteurs Bernard Aubry Statisticien INSEE – Alsace à la retraite. Françoise Buffet Adjointe au maire chargée du développement durable, Ville de Strasbourg. Pauline Costantzer Statisticienne, chargée de mission APR. Antoine Danet Etudiant en master Aménagement, chargé de mission APR. Aude Forget Conseillère spécialisée circuits courts et agriculture périurbaine, Chambre d‟agriculture, service gestion du territoire. Francis Fuchs Historien-géographe, Lycée Mermoz, Saint-Louis. Stéphane Heim Sociologue, Université de Technologie de BelfortMontbéliard. Claude Keiflin Journaliste, Les Dernières Nouvelles d'Alsace. Joseph Kleinpeter Directeur de l'Association pour la Surveillance et l'étude de la Pollution atmosphérique en Alsace (ASPA). Alexandra Monot Géographe, Université de Strasbourg. Sophie Mosser Docteur en urbanisme, chargée de mission à la DREAL Alsace Henri Nonn Géographe, Strasbourg. Florence Rudolf Sociologue, Université de Strasbourg. professeur honoraire, Université de Thi Dong Binh Tran Chercheur contractuel CNRS LIVE / Université de Strasbourg. Julia Timina Étudiante stagiaire, DREAL. Jean-Paul Villette Université de Strasbourg. Christiane Weber Directeur de recherche CNRS LIVE / Université de Strasbourg. Raymond Woessner Géographe, ENEC / Paris 4 Sorbonne. Patricia Zander Géographe, Université de Strasbourg. 6 Le problème posé par la périurbanisation n’est pas tant l’étalement urbain et le caractère insoutenable de la « ville » qu’il fait advenir ; c’est l’absence, ou la grande faiblesse, du projet territorial qui la déploie et la gouverne ici et là, ou, dit autrement, la défaite du politique qu’elle sous-entend. DATAR, Territoires 2040/2, décembre 2010 L’Alsace et le développement durable, rencontre entre un concept et un territoire Henri Nonn, Raymond Woessner Le développement durable est un concept apparu au sein des Nations Unies, notamment avec le rapport Brundlandt en 1987. Il a été largement repris et souvent appliqué aux différents champs de l‟aménagement ; ainsi, l‟agriculture comme la ville sont censées devenir durables. Il a parfois été galvaudé, sinon utilisé de manière démagogique, alors qu‟il repose sur des principes précis exigeant la définition préalable de protocoles rigoureux dans le but de parvenir à des réalisations concrètes. Le concept repose sur trois piliers en interaction, à savoir l‟économie, la société et le patrimoine : Le but que se fixe le développement économique est de connaître des activités profitables dans le contexte mondialisé. C‟est le gage d‟une amélioration progressive des conditions de vie de tout un chacun, à condition que l‟équité sociale soit une réalité. Mise en œuvre par les collectivités, l‟équité sociale consiste à rendre les services, marchands et non-marchands, accessibles à tous. Construite sur le socle des valeurs républicaines, la cohésion sociale fédère des groupes diversifiés susceptibles de générer une richesse culturelle et économique. Le patrimoine est considéré dans une perspective dynamique : la nature et l‟histoire nous lèguent un certain nombre d‟éléments que nous nous efforçons de transmettre aux générations futures en meilleure situation que nous ne les avons reçus de la part de nos ascendants. L’intérêt principal de l’approche fondée sur le développement durable est de se poser le problème de l’aménagement du territoire de manière systémique1. 1 On ne reviendra pas ici sur les aspects traités dans les Cahiers 2011, en particulier dans le n°2011-1, où sont notamment explicitées les mutations du modèle de développement économique régional et la spatialisation de l'urbanisation. Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Ainsi, Serge Antoine (in Environnement et aménagement du territoire, DATAR, sous la direction de J.P. de Gaudemar, 1996, Doc. fr., p. 35-39) considère que le développement durable est « plus qu'un concept », car son ambition est de « proposer un développement qui, dans la durée longue, ne déséquilibre ni les ressources – surtout non renouvelables – ni la survie du globe, ni les milieux, ni l'espace géographique... et qui prend en compte les données sociétales, les valeurs personnelles et collectives, l'emploi et la pauvreté ». Par-là, précise-t-il, « il prolonge et élargit le concept d'environnement (à saisir) en amont de toute stratégie ». C'est « en fait un système bouclé », non une somme de chapitres car les bouclages et interrelations y sont essentiels, tout comme les apports scientifiques. René Plasset (ibidem, p.21-28), place ce « processus » comme devant s'effectuer « sans déculturation », et dans la perspective de ne « pas compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ».Pour sa part, Olivier Godard souligne que si c'est un concept, il est « programmatique », affichant des « enjeux » plus qu'il n'ordonne une doctrine précise (in : Futuribles, 1996, p. 31). Au sein d‟un territoire, tous les éléments sont liés et l‟altération d‟un seul d‟entre eux aura des conséquences sur tous les autres ; en outre, le système est nécessairement ouvert à des influences extérieures. Par exemple, le système alsacien de transports doit permettre davantage d‟efficacité économique, il doit également être accessible à tous et il ne doit dégrader ni la qualité de la vie ni l‟environnement « naturel » ; et toute action – ou laisser-faire, puisque la circulation automobile augmente spontanément – a des répercussions sur l‟ensemble des critères géographiques. En amont de toute analyse, il faut songer à la subjectivité des représentations que chacun se fait à propos de l‟espace ou d‟un paysage. Nous avons tous une image de l'Alsace qui est modelée par nos pratiques, nos connaissances et nos expériences. Cette image varie fortement d‟une personne à l‟autre, en fonction par exemple de son âge, de sa profession et de son lieu de résidence... Il en découle une identité, tournée vers soi, et une image « de marque », tournée vers l‟extérieur. Face au champ de ces impressions, l‟appréhension des réalités objectives, mesurables et démontrées, peut venir conforter ou bien au contraire contredire ce qui apparaît pour une personne (ou un groupe de personnes) comme une vérité établie. Les paysages et l‟espace en général constituent le support visible des évolutions économiques et sociales. Ils sont l‟expression des valeurs culturelles. Ainsi posé, le développement durable ne fonctionne pas sur la perspective de la préservation des acquis. Il jette un regard positif sur l‟avenir dans le sens où il cherche à réaliser des compromis acceptables entre les contradictions des dynamiques de la croissance. Retenons donc que : Le développement durable n'est pas à restreindre à une politique de « l'environnement » naturel, de conservation des milieux et de la biodiversité telle que la souhaitent certains écologistes scientifiques, ou établie par des textes ou modalités de gestion publique (lois, règlements, arrêtés, directives, chartes ou plans) à différentes échelles de référence. 8 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Il ne se confond pas non plus avec « l'aménagement du territoire » (au moins dans la conception française qui lie aménagement et développement équilibré du ou des territoire(s) dans un souci de régulation des répartitions ou modifications du fait des mutations économiques et socio-démographiques). Le développement économique à intégrer n'est plus autant que par le passé calé sur les investissements productifs, l'exploitation des ressources, l'énergie, les infrastructures matérielles... comme sur les lois du marché. Il s'agit de se positionner sur une utilisation « raisonnée » des ressources naturelles et matérielles, soucieuse de leur renouvellement ; sur des circuits d'échange moins consommateurs d'énergies ; sur des éco-activités permises par la connaissance et l'innovation – bref, sur des voies alternatives (énergie, matériaux biodégradables, déchets, transport) – et de valoriser le « capital humain » pourvoyeur de « capital social ». Est-ce parce qu'elle fait partie du monde rhénan densément peuplé et urbanisé ? L‟Alsace figure parmi les régions françaises qui ont engagé le plus de démarches répondant aux propositions du rapport Brundtland, lequel n‟a été explicité et décliné en France, en articulant ses différentes facettes, que quelques années plus tard (cf. les ouvrages publiés par la Datar, éd. de l‟Aube, années 2000-2002, J. Theys, S. Wachter...). Certes, les considérations que ce rapport développe n‟ont pas pris d‟emblée dans la région la « philosophie, l‟éthique et la cohérence » qui le sous-tendent. Mais, un à un, ses axes y ont fait l‟objet d‟attention dès les années 1975-1980, avant qu‟on en arrive à sa formulation plus globale. On peut énoncer que l’Alsace présentait quelques « pré-dispositions » – au sens de dispositions déjà prises, et à celui d’état d’esprit – ; et que des démarches déjà concrétisées ont joué un rôle de « prédétermination ». En rappel, énonçons en quelques lignes, librement inspirées de J. Theys en 2002, le sens de l‟ambition : « Le développement durable est un type de développement qui permette de satisfaire les besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs ». En corollaire, cela suppose l‟existence de normes permettant d‟arbitrer, de gérer et d‟orienter. J. Theys constate en 2002 que « de telles normes n’existent pas encore, mais bien plutôt des pratiques sans théorie, ou des théories sans pratiques » : d‟où un concept « procédural » et accessoirement « une invitation ». Et l‟auteur de s‟interroger : « Est-ce la nouvelle utopie des politiques futures de l’aménagement du territoire » ? « Un oxymore » ? Le « seul pari qui vaille – mais des plus incertains» ? « Un point d’appui privilégié de réintégration dans l’aménagement… de quelques-unes de ses priorités fondatrices passées ? » (et, au fil du temps, reléguées au second plan, comme les préoccupations sociales ou les formes démocratiques de prises de décision). Or, l‟Alsace a précocement pris des engagements en matière de préservation de ses ressources naturelles, de développement équilibré, de cohérences territoriales et sociales, de sauvegarde de ses patrimoines, et elle a tenu à les préparer par des concertations (plus ou moins développées il est vrai) : lorsqu‟il 9 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 s‟est agi de formuler son « Schéma d‟armature urbaine » de 1966, son « Schéma d‟orientation et de développement de l‟Alsace » (EPR-OEDA, 1976), son « Projet Alsace 2005 », en 1992-1994. Ceci sans parler de quelques dossiers spécifiques, tels que le Massif vosgien, les Parcs naturels régionaux…, ou des dossiers plus techniques sur la nappe phréatique rhénane et la qualité des eaux superficielles, des eaux courantes et rivières, sur les gravières, sur la pollution atmosphérique, sur les trames vertes, les déchets, la protection des forêts ou zones humides, comme des paysages. Un peu d‟historique à ces propos va permettre de préciser « l‟état des lieux » précédant l‟émergence du concept de développement durable, et comment ce dernier va être pris en compte dans la décennie des années 2000. 10 Partie 1 – Angles d'analyse : élus, associations, données statistiques 1. Une vue chronologique des dispositions prises par les instances organisationnelles – Henri Nonn 1.1 Dans les années 1970-1990 Le schéma d’orientation et de développement de l’Alsace : 1976 Lorsqu‟il est élaboré, existent les SDAU pour les grandes agglomérations, issus de la loi de 1967, et le Schéma d‟armature urbaine de l‟Alsace défini en 1966. Le Schéma « Massif vosgien » est en chantier depuis 1973 ; il sera arrêté en 1977. La dynamique économique est alors forte (investissements, internationalisation des échanges, technologie en progrès, tertiarisation en développement, plein emploi et attractivité régionale positive). L‟agriculture « productiviste » l‟emporte, et le tourisme et les loisirs imprègnent les espaces ruraux. Ce qui conforte des démarches (cadrées dans un contexte national) de bonnes articulations à l‟Europe de l‟Ouest (infrastructures de transport, logistique, réseaux d‟entreprises), de développement industriel – y compris sur le Rhin –. Mais ce Schéma exprime nettement une attention portée au « capital Alsace » dans l‟économie en croissance, via la limitation de la consommation d‟espace, une coordination d‟action foncière, le souci des paysages (ruraux principalement), de l‟environnement… Il appelle à la réalisation d‟une « Charte régionale » en la matière (eau, air, déchets, gravières, ressources naturelles, espaces de nature et paysages) et à un urbanisme plus actif. De fait, le 7ème Plan (1976-1980) en région comporte des mesures de protection de la nappe phréatique ; le Schéma des gravières ; le zonage « Massif vosgien » ; la démarche « paysages » de l‟Institut « Qualité Alsace » ; le montage de « l‟IREPA » (recherches et essais sur les produits d‟Alsace respectueux de l‟environnement) ; une ébauche d‟une « trame verte » à l‟échelle du fossé rhénan ; un resserrement des zonages périurbains et un contrôle des emprises de loisirs. – Années 1990-1992 : la Charte de l’environnement du Bas-Rhin, les « États généraux » du Haut-Rhin De tels documents méritent signalement de par l‟importance des efforts de concertation entrepris. Dans cette Charte, le Conseil général du Bas-Rhin (sept. 1990) a réalisé là un Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 travail de mise en cohérence d‟acteurs, et de prise en compte des préoccupations de qualité de vie (conciliation entre développement économique, protection d‟espaces sensibles et cadres de vie locaux). Un Schéma départemental de protection et de gestion des espaces naturels de 1985 a servi de base. Et un Service dédié, créé en 1989, y est à l‟œuvre. En lien avec le Ministère de l‟Environnement, l‟Agence de Bassin « Rhin-Meuse », EDF, la Chambre d‟Agriculture et le Conservatoire des Sites alsaciens, ce travail met l‟accent sur la gestion des déchets et décharges, sur la gestion des cours d‟eau (SAGEECE), la protection des espaces naturels (ZNIEFF, biotopes, forêts riveraines du Rhin (5 réserves classées en 1990, 2000 ha) et sur la qualité des eaux superficielles (nappes, cours d‟eau = eau potable, eaux usées) ; sur les paysages aussi : au-delà de la question des gravières, il s‟agit des remembrements, des travaux routiers et des zones d‟activités, de l‟enfouissement de lignes EDF, et des fleurissements des villes et villages… Un Schéma des pistes cyclables a démarré depuis 1980 : à poursuivre – jusque dans le Bade voisin avec PAMINA –, de même que les efforts entrepris pour le traitement de déchets comme pour leur tri sélectif (38 déchetteries programmées) lancés dès 1982-1989. Il s‟agit en outre de maintenir les aides à l‟ASPA (qualité de l‟air) ou à l‟ARIENA (information et initiation à la nature). Ainsi, la Charte et ses engagements rassemblent un ensemble de démarches « environnementales » surtout techniques, en s‟efforçant d‟y apporter cohérence et durée. Non encore cependant mises en rapports avec les travaux entrepris dans le mode de développement économique, ni dans la « durabilité » sociale. Dans le Haut-Rhin, le Conseil général a, lui, mis sur pied des « États généraux » en 1990-1991, avec de larges consultations, en vue d‟un « Projet départemental de l’aménagement de l’espace et des paysages ». Y ont participé les élus, les services des collectivités, des acteurs économiques et consulaires, des associations et maints consultants et particuliers. Les axes majeurs en ont été : la compétitivité (attractivité, technologie, transport, sites d‟accueil des activités) ; les aménagements (urbanisme, SDAU et POS, lotissements, aires agricoles) ; les familles de paysages identifiés (patrimoine, souci de qualité des cadres de vie, valeur d‟image) ; la cohésion sociale (abordée en termes d‟équipements et de résorption de l‟exclusion) ; l‟environnement (mitage spatial, eaux, captages, forêts, vallées, versants et sommets vosgiens..). Sans doute là encore, ces dossiers sont « spécifiés » et plus juxtaposés qu‟interdépendants ; parfois connotés d‟éléments « passéistes » : l‟engagement de « respect de la tradition dans l‟organisation spatiale », la démarche patrimoniale « pour faire connaître les valeurs » et « l‟identité » du département…Du moins y établit-on des principes de régulation, liant aménagement, développement et milieux écologiques ou paysagers ; des hiérarchies d‟objectifs ou de structuration, des préoccupations de qualité à faire partager, etc., avec le souci de susciter de la cohérence et de remédier aux actions désordonnées de divers intervenants. – « Alsace 2005 » : Documents préparatoires (1991-1993) et Rapport final (1994) Par un travail prospectif (à 15 ans), et collectif, le Conseil Régional d‟Alsace a 12 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 bien intégré la nécessité d‟une réflexion de « durabilité » et d‟équilibre entre les volets économiques, sociaux, environnementaux et d‟aménagement régional. Il s‟est nourri de diverses contributions établissant « l‟état des lieux » et le « diagnostic », retravaillés en « ateliers » et synthétisés dans des « rapports », avant de dégager les lignes de force du devenir de l‟Alsace. Parmi les contributeurs initiaux auteurs de ces Documents de travail, figurent : les Services déconcentrés de l‟État en région ; les organes pilotant le PACT « Massif Vosgien » et les PNR ; les Chambres consulaires ; la DRAE ; les propres Services de la Région sériant plusieurs thématiques en « cellules » ; et maintes personnes de la société civile se partageant entre les Ateliers. Le lieu n‟est pas d‟en détailler tous les apports, mais de résumer ce qui apparaît comme avancées en termes de développement durable. Les contributions des Services de l‟État (en groupes de travail sous la houlette du Préfet et du Sesgare), ont fourni des tableaux de situation, des traits spécifiant l‟Alsace en France métropolitaine et quelques éléments comparatifs internationaux. Au sommaire : la démographie et les actifs potentiels ; les champs de l‟éducation et de la formation, et de la santé, sport et culture ; l‟emploi et le développement économique ; la protection et la gestion de l‟environnement ; le parc d‟habitat et le DSU ; les transports et la logistique ; l‟urbanisme et l‟aménagement. Sont mis en avant quelques points jusque-là assez peu considérés : les étrangers en Alsace ; les évolutions de la population active féminine ; les faiblesses de la formation professionnelle continue, trop marquée alors comme une « activité économique de service » et comme « service marchand » médiocrement apte à intégrer une stratégie globale de développement en termes de durabilité… Avec les acteurs économiques, ils énoncent dans l‟économie les horizons d‟incertitude et les traits de dépendance des investissements, les faiblesses de R et D industrielle et dans les PME, les mutations structurelles de l‟agriculture depuis 1970, les besoins de promotion des transports collectifs face à la généralisation de la voiture individuelle, les attentes en espaces voués à la logistique comme pour l‟axe Rhin-Rhône et les liaisons internationales nécessaires à la dynamique économique régionale. Le champ environnemental met en relief maintes initiatives : schéma des gravières de 1978 ; mise en œuvre de la loi de 1976 sur les installations classées ; création de l‟IFARE ; congrès tripartite de Bâle en 1991 ; Schéma régional d‟aménagement des eaux en cours d‟élaboration ; programme 1990-1996 de l‟Agence de bassin Rhin-Meuse ; bilan des protections végétales existantes – classement des forêts rhénanes en forêts de protection ; PNR des Vosges du Nord 1985, PNR des Ballons 1989, « Pact »-Massif vosgien 1989-1993 ; protection des hautes Vosges 1990 ; base de données ECOTHEK de la DRAE… En passant, notons les ouvertures au transfrontalier et à l'interrégional. La DRAE, précisément, a apporté le tableau des actions entreprises par ses services et par les collectivités dans les domaines de l‟eau, air, déchets, nuisances diverses, dépérissements forestiers (programme DEFORPA), protections de la nature… L‟accent y est mis sur la dynamisation des mesures relatives aux secteurs sensibles, aux zones humides et/ou inondables, comme sur la biodiversité 13 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 floristique et faunistique inégalement fragile ou modifiée par l‟agriculture, la périurbanisation, les emprises économiques, la fermeture et les césures des paysages et écosystèmes (boisements, habitat et POS « insuffisants », enclaves des zones de nature). En soulevant la question des conflits d‟usage ou de gestion, le souci exprimé est de dépasser la résolution des problèmes urgents pour aller vers une vision plus raisonnée et interactive. Les PNR ont pour leur part souligné les distorsions entre Plaine et piémont d‟une part et marges et Massif vosgien d‟autre part : en plaine, les métropolisations, les axes méridiens d‟échanges économiques, les densités et les équipements de santé, formation ou culture, les pressions majeures sur l‟espace, les altérations paysagères, par différences avec les contrées plus rurales et montagneuses qui la cernent. Des enjeux pèsent ainsi fortement sur les zones de contact (débouchés de vallées, piémonts). Le Massif vosgien y est jugé « préservé », encore que menacé par des initiatives anarchiques, souvent sans consultations des habitants locaux comme sans préoccupation environnementale ou de renouvellement des ressources en vue d‟ensemble. Le tourisme (lointain) et les loisirs de proximité – et les friches – appellent des surveillances, des sensibilisations et des sauvegardes patrimoniales (mais sans « muséographier »). La vision exposée dans le texte des PNR est donc bien calée dans le sens du développement durable, quoique focalisée sur les parties les moins peuplées de la région (encore que plus denses que dans maints territoires équivalents en métropole) et sur la qualité des espaces de vie de populations affectées par les migrations pendulaires ou par la distance aux services. Leur plaidoyer vise la cohérence entre les chartes des PNR, de développement local, des Départements et de la Région ainsi que les solidarités à établir aux différentes échelles. Les services de la Région ont en revanche travaillé de manière assez segmentée. Les uns, au plan de l‟aménagement, ont proposé un diagnostic calé sur le système urbain régional et les répartitions qui lui sont liées des services et équipements publics, sur les équilibres internes de développement (en s‟appuyant sur les dynamismes démographiques et les écarts d‟emploi ou de ressources des ménages, les polarités et les réseaux de circulation), et sur les orientations d‟urbanisme à promouvoir. D‟autres cellules de travail ont traité soit de l‟économie productive soit du domaine des grandes liaisons de transport, soit encore des conditions de vie sociale. Une équipe a enfin abordé l‟environnement : a) recension des programmes de recherche scientifique en la matière en cours en 1990-1992 (Piren-Eau-Alsace, programme DEFORPA sur les dépérissements forestiers, REKLIP sur le climat dans le fossé rhénan, création en Alsace en 1988 du 1er Institut « Eco-Conseil » en France, installation de l‟IFARE franco-allemand en 1990) ; b) évolution des démarches régionales contractualisées relatives aux nappes phréatiques, à la mesure de qualité des eaux courantes et des eaux du Rhin ; progrès des mesures de qualité de l‟air (ASPA, depuis 1971), des inventaires et traitements forestiers en renforcement des préservations des lieux et aires appelant des protections ; c) politique en œuvre sur les déchets ; d) intérêt des démarches concertées à l‟échelle du Rhin supérieur. 14 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 D‟autres documents de base ont émané des organismes consulaires, utiles pour chacun de leur domaine d‟intervention, et pour faire émerger des dynamiques de filières et de valorisation pour l‟économie. À des degrés divers, les liens des activités qu‟ils représentent avec la thématique de l‟environnement sont évoqués, ici pour demander davantage de concertation ou de coordinations, là pour inciter « l‟administration » ou les « niveaux de pouvoir » à la coopération en matière de développement ou d‟aménagement. Les Ateliers de travail tenus et mutualisés au Conseil Régional d'Alsace (CRA) en vue du Projet régional ont utilisé ces diverses contributions pour dégager des orientations dominantes. – Un recueil des rapports d‟ateliers a été diffusé en 1991 –. Le « contexte international » a été axé sur les niveaux de l‟économie (la globalisation, l‟Union européenne, le Rhin supérieur) comme des transports, et a retenu le cadre du Rhin supérieur comme pertinent en matière d‟aménagement et d‟environnement. L‟Atelier « Économie et Techniques » s‟est soucié des investissements porteurs, des réseaux de recherche et d‟innovation, des démarches « qualité » et d‟entreprenariat ; toutefois, le « modèle » de développement exogène » y reste prégnant et la place allouée aux dimensions sociales et environnementales encore modeste. Dans l‟examen des « modes de vie », on relève les attentions portées au vieillissement, aux populations étrangères, à l‟emploi féminin, et aux questions de santé (âges, couches sociales, comportements de vie et au travail), ainsi que d‟exclusion ou d‟entre-soi freinant les solidarités et affectant les dimensions culturelles traditionnelles. L‟Atelier « Institutions », qui suit de près les évolutions des structures et réglementations administratives et gestionnaires, de la décentralisation des compétences, est le seul à se rapprocher des facettes du développement durable, tant par l‟analyse que par des propositions de gouvernance. L'atelier « environnement » a nourri surtout les éléments relatifs aux écosystèmes, aux agrosystèmes, et aux différents champs d‟intervention technique ; dans sa contribution, qui se veut transversale (« tous sont acteurs »), il estime que des seuils d'insertion des exigences environnementales sont à imprimer dans l‟aménagement, dans les démarches de santé et de qualité de vie et dans le développement. Il invite à considérer les cadres spatiaux spécifiques des éléments naturels par-delà les cadres institutionnels. La même logique a été aussi portée par l‟Atelier « Espaces et territoires », surtout dans une convergence des politiques d‟équilibre intrarégional. Au total, l’esprit du développement durable, sans être oublié, est quelque peu dilué par ces approches dont les thèmes préétablis prolongent les démarches des temps antérieurs : où l‟environnement a déjà été pris en mains précédemment, mais liant gestions technique et stratégique, voire politique, dans un canevas resté assez peu transversal ; où les aspects sociaux de la durabilité demeurent insuffisamment marqués par rapport aux considérations économiques (les « cadres de vie » et la « qualité de vie » étant les plus considérés) ; où l‟économique ne s‟est pas encore ouvert à l‟économie résidentielle, à la formation autre que professionnelle, et reste orienté par des instances décisionnelles préoccupées par la compétitivité et la croissance des marchés. Le Rapport final « Alsace 2005 » (1994) tente de faire un pas de plus. Dans son 15 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 objectif de « la Route haute » : « concilier durablement le mieux-être qualitatif et le mieux-vivre économique » ; « construire un modèle dynamique de développement et de société respectueux de l’Homme et de la Nature » ; « préserver l’ensemble des ressources et les équilibres » ; « mettre la performance, l’équilibre, la cohésion sociale et l’environnement au cœur du développement ». Singulièrement en ciblant des objectifs qualitatifs, les voies de transfert intergénérationnel des valeurs et des critères dont s‟enorgueillit l‟Alsace, et en prônant plus de cohérence dans l‟action. Sa Troisième partie est dédiée à un « modèle de développement durable » qui tienne compte des caractères spécifiques alsaciens : ses densités, son espace mesuré, son mode dominant de socialisation communautaire, ses « équilibres » et ses « vocations ». Elle propose de construire l'avenir en fonction des maillages régionaux acquis, des contrats d‟objectifs déjà formulés, d‟une politique plus globale des questions environnementales et des cadres de vie, et des éléments positifs apportés par les démarches à l‟œuvre dans le Rhin supérieur. L'APR, comme l'OEDA en son temps, « structures » de réflexion, ont été aux avant-postes de ces dynamiques institutionnelles, pour participer aux infléchissements de ces paradigmes et pour pousser aux visions transversales. Collaborant avec la DRE-Alsace dans la planification stratégique, animant avec l'ADEUS des « cycles de conférences » avec débats publics, de 1989 à 1996, (v. Cahiers de l'APR, 20 numéros), elle a promu des échanges contributeurs de certaines interrelations. Ce bref « balayage » des productions diverses d‟instances en région, considérées en fonction de l‟émergence des démarches ou approches du développement durable, certes incomplet ou partiel, montre l’Alsace comme préoccupée « avant l’heure » des éléments que prône ce concept. Au moins sous plusieurs angles « techniques » des composants de l‟environnement parce que liés à la vie et à la gestion locale et régionale de territoires densément peuplés, actifs sur un espace compté, et soucieux de la préservation de leurs ressources. Au moins aussi sous les angles d‟une identité collective qui est une autre de ses richesses (socialité, valeurs, patrimoines). D‟où ce qui a été dénommé, en introduction, « une certaine prédétermination ». L’historique a cherché à souligner en quoi les démarches antérieures à la notion de Développement Durable ont perduré pendant deux décennies, avant que l’ensemble des orientations que cette notion recouvre ne soient conduites « de front ». 16 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Document 1 : L'Alsace, région de fortes densités 17 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 1.2 Depuis 1995 : quelques modifications de perspectives J. Theys a souligné les facteurs de changement de perspectives ayant coïncidé avec la diffusion des propositions en faveur du développement durable. Ont joué selon cet auteur : les réorientations des aides européennes (monnaie unique, Agenda 2000, critères de soutien, dérégulations) ; les gains en matière de NTIC, de technologies, de systèmes techniques intégrant mieux les services et l‟environnement ; l‟extension des perceptions multiformes de la globalisation ; la crise de l‟intégration sociale et les difficultés à maîtriser « l‟éclatement urbain » (disparition des frontières ville-campagne) ; des attitudes plus critiques par rapport au productivisme, aux risques et aux systèmes de pouvoir… L‟incertitude et les enjeux pour les générations futures reposent les questions de modèle de croissance, de modalités d‟utilisation « soutenable » de l‟espace (agriculture, conservation de la nature, politiques urbaines, risques), des aspects liés aux mobilités de toute sorte, de l‟individualisme et des réseaux choisis en matière sociétale… Des disjonctions se creusent « entre territoire de production, territoire vécu, territoire institutionnel, et territoire représenté »… au moment où « le territoire est investi de nouvelles vertus ou de valeurs symboliques » (en termes de) réseaux, cohésion, authenticité, sécurité, démocratie, patrimoine, emploi… (collectif : Repenser le territoire, Datar – éd. de l‟Aube, 2000, chap. 7). Ajoutons-y les interrogations sur l‟énergie (d‟aujourd‟hui et de demain). Plus particulièrement pour la France, des lois nouvelles d‟aménagement ont vu le jour (1995, loi Pasqua-Hoeffel ; 1999, lois Voynet et Chevènement ; 2000, loi SRU). Leurs incitations visent à renforcer l‟urbanisme et les orientations intercommunales, à promouvoir avec plus d‟interdépendance des Schémas de services collectifs – voire à les synthétiser dans des Schémas régionaux d‟aménagement et de développement (durables) –. La « planification territoriale stratégique » reprise par la DREAL en 1994-1995 et dans les années suivantes – notamment selon la loi SRU et les Scots que celle-ci suscite – fait aussi reprendre en prospective les voies de l‟aménagement régional. Les démarches en région, au regard de ces nouveaux cadrages Continuités et évolutions à la DIREN La Direction régionale de l'environnement poursuit bien sûr son action de proposition et de veille sur l'eau et sur la gestion des ressources naturelles. Pour l'eau, si utile à tous, c'est l'Alimentation en Eau Potable (AEP), l'assainissement, la qualité des nappes et cours d'eau, les usages (agricoles, industriels, transports fluviaux, hydroélectricité, loisirs..). La perte de qualité en 30 ans, les pressions sur cette ressource, renforcent ses suivis de gestion (analyses, débits, risques d'inondation – cf. PPR) et d'articulations aux écosystèmes et aux fonctionnements par bassins hydrographiques. Le SDAGE défini avec l'Agence Rhin-Meuse et la Région, le programme « Rhin vivant »(Life), les MAE, les directives européennes... en sont les outils. La gestion des ressources naturelles, pour la DIREN, ne se limite pas aux zones humides, aux espaces protégés, au freinage de l'artificialisation des terres, 18 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 mais déborde sur l'aménagement et sur le traitement des paysages (cf. ses positions énoncées dans « des Hommes et des Territoires » en 2003). Sur l'aménagement, à noter : a) son souci d'un respect des prescriptions d'urbanisme, d'un « tourisme rural adapté, respectueux des continuités écologiques », b) l'attention à porter aux « transitions périurbain- rural- naturel » (ceintures vertes, vergers et bosquets) comme aux liens entre écosystèmes et paysages, c) diverses incitations telles que : la diminution des intrants dans l'agriculture, la gestion des déplacements, la réduction des espaces fonctionnels « hybrides » par ex.. Sur les paysages, le constat des évolutions (pertes de cohérences, éclatements de noyaux villageois ou urbains, progrès des « fermetures » ou césures – reboisements, clôtures, constructions, ouvrages linéaires – et des banalisations d'extensions bâties, d'espaces cultivés comme d'entrées de ville, tendances consuméristes dans les besoins sociaux en espaces de loisirs), incite à prôner des analyses « globales » du paysage et des diagnostics partagés, à privilégier des continuités, et à traiter vraiment « les paysages du quotidien ». Ressort ainsi une extension des objectifs et des champs d'intervention, en direction notamment des divers niveaux de collectivités territoriales et des acteurs d'aménagement. La Région Alsace, par des travaux d‟ateliers lancés en 1997, s‟est momentanément engagée dans un Schéma régional, avant de préférer s‟en tenir à un Rapport d’orientation paru en 2002 (CRA). Dans ces étapes, même hors du Schéma de services « espaces naturels et ruraux », les interfaces « économie », « environnement » et « social » ont été explorés pour déboucher sur plusieurs objectifs « durables » repris dans le « Projet de l'exécutif régional 2004-2010 : une ambition globale, cinq défis » : a) Un développement équilibré du territoire régional, imposant une approche plus adaptée aux évolutions (métropolisation mieux maîtrisée, modulations selon les systèmes urbains propres au Bas-Rhin et au Haut-Rhin avec appuis aux villes moyennes animatrices de « pays » et foyers d‟intermédiations diverses ; politique de structuration des « bassins de vie ») ; veille attentive aux équilibres sociaux, territoriaux et naturels, et amélioration des cadres de vie. b) Un renforcement de la coopération régionale et transfrontalière (une « région européenne » dans l‟économie, les échanges et la culture). c) Une dynamique de projets de territoires, de formation et d‟insertion. d) Des choix de « développement soutenable » davantage endogène, économe de l‟espace, de la santé, de l‟énergie, coopératif dans les engagements environnementaux et patrimoniaux. e) Il y est affirmé que le développement durable doit dépasser la « traditionnelle action régionale de préservation et de valorisation d'un riche mais fragile patrimoine naturel et environnemental » pour aller vers une panoplie de politiques et de dispositifs ciblés mis en coordination. Il en résulte les nécessités suivantes : L'intégration plus poussée d'une composante environnementale dans les 19 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 champs où le CRA est maître d'ouvrage (transports, lycées, économies d'énergie, air, SAGE et contrat des nappe, déchets industriels spéciaux, planification) – avec « bilan » annuel. Un leadership dans les énergies renouvelables (aide du FEDER, lien avec le programme national Helios) et dans l'innovation, avec constitution d'une filière en la matière et coordination à l'échelle du Rhin supérieur. Une politique de labellisation des « éco-entreprises » régionales (environ 450 en 2004), associée aux plateformes technologiques alors en développement. Une reconquête des paysages et espaces naturels sensibles, via une « trame verte régionale » (voire transfrontalière), des espaces verts urbains comme proches des équipements, l'affirmation de la valeur biologique des écosystèmes ou de la biodiversité éco-certifiée des forêts (PNR notamment), ou encore la formation de paysagistes et l'éducation à l'environnement en centres d'initiation à la nature. Un soutien aux maîtrises foncières publiques (renouvellement urbain, Établissements Publics Fonciers, reprise de friches, SAFER...). La décentralisation a transféré aux Régions les réserves naturelles « classiques », puis les « réserves naturelles volontaires agréées » transformées en « réserves naturelles régionales » (loi du 27-2-02 dite de démocratie de proximité, et modification du Code de l'environnement). Une analyse en est donnée in M.-P. Camproux-Duffrène et M. Durousseau (dir) : La protection de la nature 30ans après la loi du 10 juillet 1976, PUS (p. 135-156). Même sous surveillance de l'État pour les procédures et les définitions de compatibilité des activités, c'est au Conseil régional d'établir le classement et de définir ainsi des « espaces naturels d'intérêt régional ». Si dans ce projet le champ de la cohésion sociale et territoriale est un thème en soi, il se relie néanmoins au précédent par la politique régionale des transports collectifs et des alternatives à l'automobile (TER, cadencements, modernisation, équipements nouveaux, qualité de services aux usagers, intermodalité et coordination des divers AOT, sécurité). Et, depuis la loi sur les responsabilités locales, le CRA se fait plus présent dans les domaines du logement et des aides aux familles ou au handicap, des services aux populations... Les activités engagées par le CESA (aujourd'hui CESR d'Alsace) ont préparé plusieurs dossiers. En 2004, en commission « Qualité de la vie, environnement, solidarités », la thématique de « L’Alsace, territoire fragile ? » (gestion de l‟espace, cadre de vie, lien social) y a permis de promouvoir la richesse de contenu du concept de développement durable et de proposer une méthodologie tenant compte des entrées thématiques et des entrées spatiales à mobiliser, d‟une part, et des étapes et niveaux d‟articulation (études, diagnostics, projets et caractère opérationnel) à construire, d‟autre part. En 2009, une autre participation de cadrage et de méthodologie a été fournie par cette même instance sur « les services de proximité ». Les Conseils généraux, parallèlement, ont mis en chantier des démarches plus riches de participation de la société civile et de coopération entre instances publiques. On ne peut en séparer les préoccupations exprimées autour de la cohérence des 20 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 « bassins de vie » (territoires) ou des « cadres de vie ». Ainsi, dans le Bas-Rhin, un effort a été entrepris pour valider des « territoires » groupant des EPCI – cf : Portraits de territoires 2001-2003 –, soutenus ensuite dans leur dynamique par des « contrats de développement et d'aménagement » (depuis 2005). Pour rendre compte de ces démarches en concertation, prenons l'exemple du programme « des Hommes et des Territoires » lancé depuis 2003 dans le BasRhin (Réunion plénière et priorités d'action – 3-4 nov. 2003, « Livre bleu » groupant les contributions des concertations thématiques, oct. 2003) : sont « couverts » les champs du patrimoine, de l'environnement, de l'habitat, de l'économie, des déplacements et communications, des partenariats et « contrats territoriaux », en sus de la cohésion sociale déclinée par groupes d'âge. L'environnement ici considéré est pris au sens de préservation et valorisation des ressources et des milieux naturels en vue d'une saine gestion, avec trois axes majeurs : l'eau ; la maîtrise et la qualité des espaces, et la gestion des déchets ; tout territoire doit avoir un volet « environnement » dans ses analyses et projets. L'alimentation en eau potable (AEP) et l'assainissement, depuis 1997, figurent dans le contrat-cadre avec l'Agence de l'eau (Rhin-Meuse) ou SDEA. On y définit l'affectation du Fonds des adductions d'eau, la résorption des « points noirs » (contaminations diverses) et la protection des captages ainsi que la sécurisationentretien des réseaux d'AEP (mise aux normes, renforcement, renouvellement) afin de répondre aux besoins liés à l'urbanisation, à la santé et à la préservation des ressources. Un inventaire des réseaux a été entrepris en 2001-2002 (sécurisation, interconnexions, renouvellement des conduites, extensions), associé à une étude sur les documents d'urbanisme (PLU, SCOTs) et à un Observatoire départemental de l'eau. Pour l'assainissement, sont suivies les mesures de qualités des cours d'eau (RID) et dressé l'inventaire des réseaux d'assainissement (selon leur âge) comme des extensions nécessaires. Un Schéma d'élimination des déchets a été défini, qui englobe les sous-produits d'épuration et des boues. L'objectif est d'aboutir à un maillage en stations d'épuration, à un suivi des collectes, et d'étoffer les annexes sanitaires des PLU. Chaque contrat de territoire a désormais un volet « AEPassainissement ». Les cours d'eau sont traités dans le cadre des SAGEECE (schémas d'aménagement, gestion, entretien écologique) déclinés en SAGE selon la loi sur l'eau de 1992 : maintenir ou rétablir les champs d'expansion des crues et des espaces refuges pour la faune sauvage ; réhabiliter à des fins paysagères ou récréatives des bandes vertes entrant dans l'ossature des « trames vertes » régionales ; lutter contre les inondations et contre les éboulements de berges ; faciliter les mesures agri-environnementales et la maîtrise foncière au long de ces dernières (en partenariat avec la Chambre d'Agriculture) ; préserver au mieux les végétations naturelles et les zones de captage (et leurs abords). En matière de déchets, la réduction des décharges communales se poursuit (depuis 1980). Un Schéma d'implantation des déchetteries a été élaboré en 1989, 21 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 avec constitution d'Unités de traitement dont les années récentes portent les prolongements. Le Plan actuel sert de document de coordination et de groupement de moyens pour les intercommunalités gestionnaires ; il guide les efforts de tri sélectif. ème Pour les espaces naturels sensibles, le Département s'appuie sur le 2 Schéma produit à cet effet en 1997 (le premier = 1985). On y définit les lieux appelant des mesures de préemption, les soutiens aux mesures agri-environnementales (MAE, avec aides européennes et nationales) étendues aux associations foncières pastorales et à l'agriculture de montagne, et aux réhabilitations de vergers hautes tiges proposées par les EPCI. L'habitat est articulé à la fois à l'action sociale et à la maîtrise de l'urbanisation. En tant qu'acteur social, et face à la précarisation des ressources et des parcours résidentiels des habitants, le Département s'implique surtout dans la question du logement des plus défavorisés dont il établit le PDALPD (plan départemental) : via la délégation par l'État aux collectivités de crédits affectés au logement social (2005) ; à travers ses participations à OPUS 67 et à la SIBAR, au Fonds de solidarité pour le logement (FSL, 2005), à l'ADIL (information sur le logement) ; comme co-porteur de l'Observatoire de l'habitat animé par l'ADEUS ; en tant que responsable des catégories âgées ou / et handicapées de sa population... Autant de points qui l'incitent à œuvrer avec d'autres à la réduction des déséquilibres de production de l'habitat, des faiblesses du secteur locatif, du renchérissement des coûts du logement. Tout contrat de territoire a désormais un volet « habitat ». Cependant, les fondements spatiaux sont surtout ceux des intercommunalités (EPCI) quand les dynamiques sont plutôt calées sur la géographie de la périurbanisation et de la rurbanisation.... Dans le même temps, ses préoccupations en matière de déplacements, de paysages, de structuration du territoire, de développement économique, de consommation d'espace... s'imbriquent à sa mission de cohésion sociale. Les programmes d'OPAH, de OCM (ex-ORAC), de zones d'activités ou d'infrastructures (aux multiples acteurs) ont en effet des rapports aux dynamiques de peuplement et de mobilité. Par des moyens « indirects » comme les transports collectifs, les systèmes d'aides, des contractualisations avec les bourgs-centres ou les villes moyennes, le Département s'efforce de susciter des articulations d'actions plus « transversales » d'aménagement-développement. Plus « directement », il vient de mettre en place un Établissement public foncier (20072008) cherchant à maîtriser les étalements spatiaux. En matière de déplacements, transports et communications, la politique départementale – sans pour autant négliger l'insertion dans les réseaux plus amples qui sous-tendent l'économie régionale et les attractivités de l'Alsace comme ses rapports internationaux – vise la desserte fine du territoire. Sur ce maillage repose « l'équité territoriale » et les accès aux services. Mais on sait que l'accessibilité a favorisé périurbanisation et rurbanisation (des hommes et des activités), amplification des flux, etc. En fait, il y a là télescopage de contraintes et de démarche volontaire. Le 22 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Département a la charge des routes (Schémas de 2000 et de 2010 = hiérarchisation, niveaux de services, modernisation, déviations ou rocades d'évitement d'agglomérations hors infrastructures nationales, sécurité routière) ; il organise le réseau des bus interurbains. Avec la Région, il est partenaire du système des dessertes ferroviaires par TER et maintenant des « trams- trains » réalisés ou en cours de réalisation. Mais, dans le même temps, il s'engage dans les systèmes alternatifs ou complémentaires de transports collectifs locaux promus par des EPCI décrits ailleurs par J. Forthoffer (Cahiers de l'APR, n°2011-2), dans les « circulations douces » (Plan de pistes cyclables), dans l'autopartage, dans la mise en place de plans de déplacements d'entreprises, et il suit de près les PDU d'agglomérations. Il est soucieux des intégrations tarifaires et informatives en chantier à différentes échelles (régionale et Rhin supérieur y compris)... Bref, la dimension du développement durable s'instille dans sa démarche. Le Conseil général s'est en outre beaucoup investi dans les réseaux NTIC. Soulignant la qualité de Strasbourg et de l'Alsace au cœur des grands réseaux haut débit paneuropéens, complétés par ceux des Universités (Osiris, Renater) et Hôpitaux, il s'est associé à la Région pour le développement de la fibre optique (2004, desserte d'aires urbaines et de grandes zones d'activités) ; il a lui-même fait en sorte que 85% de ses habitants bénéficient de l'ADSL et d'accès à Internet. Dans quelle mesure agit-il, lorsqu'il aide au développement économique, s'implique-t-il à sa « durabilité » ? Depuis la décentralisation des années 19831985, avec la « Région chef de file », le « bras armé » en la matière du Département (l'ADIRA ) a d'abord maintenu la démarche d'un modèle « exogène » de développement (soucieux cependant de réduire les atteintes aux milieux fragiles) ; il a contribué aux constitutions de filières ou SPL favorables au développement local et aux circuits courts ; et il s'est inquiété des proliférations de zones d'activités communales. Ses engagements plus récents prennent mieux en compte maintenant le souci de réduction des espaces consommés à cette fin, en se concentrant sur les zones intercommunales et en promouvant quatre « plateformes départementales d'activités » où l'on veille à la qualité de l'environnement, des dessertes, de services connexes, et à la solidarité fiscale (encore des aspects insuffisants sur ces plans dans les réalisations intercommunales !). La dynamique de la connaissance (secteurs industriels émergents, « pépinières » ou « hôtels » d'entreprises, bâtiments-relais, incubateur « Bioparc », pôles d'excellence universitaires) a toute son attention, de même que les questions de formation et de qualification professionnelle. Si les impulsions y sont le fait d'autres instances, son implication vise à ce que les efforts embrassent tous ses « territoires » – estimant que, pour que la cohésion sociale se maintienne au regard des mutations économiques, ne doivent pas se créer trop de distorsions. Sauf à faire admettre la validité de cadrages point trop exigus en la matière... Il en va de même au plan de l'économie touristique, dont les acteurs multiples ou la liaison au « développement local » ont marqué les évolutions éclatées jusqu'à il y a peu. La gouvernance multi-niveaux et la prise en considération d'autres cadrages que ceux de l'intercommunalité deviennent des clés indispensables de positionnement du développement économique durable. 23 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Le(s) patrimoine(s) ont leur place en tant que valeur de transmission dans un développement durable, comme vecteur(s) d'éléments identitaires. En ce domaine, le Département est un porteur puissant. Celui du Bas-Rhin a défini là une politique volontariste depuis 1999, en phase avec l'Agenda 21. Laissons de côté ses compétences propres (archives, lecture publique, édifices des cultes, entretien et valorisation des ressources historiques), pour insister sur ce qu'il entreprend en faveur d'une identité culturelle collective : mise en réseaux des lieux d'Histoire, paysages, CAUE et architecture, actions éducatives et de sensibilisation, soutien aux écrits (alsatiques) et à l'audiovisuel (pôle image), au bilinguisme (dialecte et allemand) et à la culture scientifique et technique (le Vaisseau) ou générale (médiathèques). On en retiendra les axes patrimoniaux dominants : les « racines » de « l'alsacianité » et les paysages humanisés contributeurs à la fois des « cadres de vie » locaux et de l'identité régionale. Le lien y est aisé avec le volet « environnement » et « qualité de vie » (entretenue par les efforts inclus dans le SDEA, les SAGE, et pour le espaces sensibles préalablement signalés). Le Conseil général du Haut-Rhin témoigne des mêmes préoccupations. Au plan de l'environnement, il fait montre d'engagements identiques dans les domaines de l'eau, de l'assainissement ou des déchets ; il se signale en particulier par une forte implication dans les démarches de réalisation des plans de protection des inondations (PPRI pour les différents cours d'eau sur son territoire). Un précédent Cahier de l'APR (2011-2, contribution de B. Martin et al) en a fait état récemment. Bien entendu, il conduit également des politiques sur l'habitat, sur le développement économique ou sur les déplacements et communications, comme sur les patrimoines. Ainsi, un Conseil général est un intervenant incontournable de mise en pratique des contenus du développement durable. À condition qu'il surmonte un relatif compartimentage de gestion et d'anticipation, qu'il renforce le caractère « transversal » de ses politiques, qu'il se situe aussi dans les perspectives des nouvelles spatialités aujourd'hui issues de la périurbanisation (au sens large) et en symbiose avec le développement urbain durable... 24 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Le développement urbain durable, vu de la CUS Plusieurs ouvrages et colloques ont abordé ce sujet depuis le rapport Brundtland. Certains ont été cités dans notre production sur la périurbanisation en Alsace (v. Cahiers de l'APR, n°2011-1, et sa bibliographie), tels F. Ascher, Y. Chalas, Ph. Genestier et al,. D'autres émanent d'équipes travaillant autour de la DRAST du Ministère de l'Équipement et de J. Theys, ainsi que dans divers pays étrangers (Canada, USA, Allemagne, Grande Bretagne ou Italie surtout). Rappelons aussi Ph. Douste-Blazy et Ph. Richert : La ville à bout de souffle, 2000, Plon éd. On retiendra ici seulement, pour introduire la question, l'ouvrage collectif autour de R. Camagni et de M.-C. Gibelli : Développement urbain durable, quatre métropoles européennes, (Datar – éd Aube, 1997), avant de suivre les démarches de la CUS et de l'ADEUS. Document 2 : Trames verte et bleue de la Communauté Urbaine de Strasbourg Document CUS, démarche Eco-Cités, Strasbourg, métropole des Deux-Rives, 18 p., non-daté Ce travail se place dans une démarche systémique, en partant de la vocation propre des villes à permettre les interactions sociales. « La soutenabilité en milieu urbain est à lire en fonction du capital social (information, créativité, échange, culture) qui s'y développe » ; « le capital naturel ... devient alors un bien supérieur » pouvant à son tour fixer des activités nouvelles amorçant « les développements à suivre » (même si cette linéarité n'est pas assurée et si joueront les systèmes de valeurs des générations futures). Les polarités de la ville (marché et division du travail, échanges et flux) et les interactions sociales, les attractivités diverses lui confèrent son dynamisme : mais c'est « un processus basé sur l'apprentissage collectif » : celui, construit en un ensemble, des sous-systèmes social et culturel, patrimonial et physique (le bâti, la trame urbaine), économique, et environnemental. Maximiser leur intégration en un système complexe, et celle de leurs propres régulateurs est le « gage d'efficience, d'équité et d'écologie », car « la ville durable n'est pas une ville sans conflit, mais une ville qui sait les gérer ». Politiques publiques, aménagement des territorialités, technologies maîtrisées, et 25 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 comportements collectifs sont à mettre en synergie. Toutefois, il y a lieu de considérer les effets de taille urbaine, de seuils critiques (positifs ou négatifs), de prégnance des politiques nationales dans chaque soussystème, les capacités d'internalisation des coûts, les degrés d'affirmation des utilités sociales, ou de coopérations inter-institutionnelles ou inter-sectorielles. Comme les mises en œuvre effectives de mixité fonctionnelle et sociale... dans le succès du développement urbain durable – ce qu'illustre l'ouvrage avec ses quatre exemples. D'autres auteurs reprennent ce concept de manière plus ciblée : soit en privilégiant l'éco-développement, soit en s'inscrivant dans le « cycle de la ville », soit en s'attachant au génie urbain et à l'urbanisme, soit encore en étudiant des éléments spatiaux spécifiques (cœur, franges, entrées de villes, couronnes) ou des éléments sociaux. Peu pourtant se hasardent à des visions prospectives. En France, les dispositions de « Grenelle 1 et 2 » (art. 7) ont permis de proposer des plans d'action « Ville durable » avec l'aide de l'État dans le cadre de conventions (+ abondements via le « Grand Emprunt »). Quinze grands projets d'innovation urbaine ont vu le jour, dont celui de la « Métropole des Deux Rives » réalisé par Strasbourg. Les villes volontaires proposent là des programmes globaux d'innovations énergétiques, architecturales et sociales que l'État accompagne après aval du Haut Comité pour la ville durable. En cohérence avec les documents de planification à long terme (Scot) et à court terme (PLH, PLU, opérations de requalification ou renouvellement urbain), les objectifs visent l'adaptation au changement climatique, les économies d'énergie, la qualité des réseaux, celle de l'environnement comme des transports collectifs et des paysages, la prévention des risques, et surtout la proposition d'un nouveau modèle de développement urbain « durable et solidaire », « d'éco-cité » (2008). L'adhésion des forces économiques et sociales doit en souder la bonne gouvernance. À Strasbourg (Ville, CUS et Kehl), ce plan se décline en fonction des perspectives à 2030, épaulées par celles : a) De la planification urbaine (Scoters avec son PADD – projet d'aménagement et de développement durable – approuvé en 2006 et couvrant jusqu'à 2016, et les PLU établis en conformité avec ses prescriptions et coordonnés par un Document d'orientation communautaire ; 4ème PLH réalisé en 2009). b) De développement économique « Eco-2020 ». c) Des transports publics et déplacements à l'horizon 2025. d) D'un Plan Climat territorial. 26 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Document 3 : Le risque inondation 27 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Document 4 : Les milieux naturels remarquables 28 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les démarches d'« éco-quartiers » et d' « Atelier urbain » de débats sur la ville durable visent à piloter la concertation d'acteurs acceptant des référentiels de « durabilité », des chartes d'engagement et une « évaluation dynamique » au long des opérations. Ces dernières s'appuient sur les trames verte et bleue comme des transports collectifs, qui donnent une structuration d'ensemble, et qui sont déclinées en 24 projets-leviers répartis sur l'aire métropolitaine. (v. doc 5 page 35 et site CUS, doc. de 2009 et 2010). Les principes directeurs d'Eco-cité sont conformes aux idées attendues : a) Structurer un ensemble urbain ouvert sur ses environnements par les trames sus-citées et en étoffant une politique foncière associée à une politique des déplacements. b) Corriger une tendance forte à la spécialisation socio-démographique des territoires et promouvoir la mixité sociale. c) Renforcer les innovations (constructions, espaces publics, déplacements, éco-entreprises). d) Préserver la biodiversité (gestion écologique des espaces, projet de « parc naturel urbain », zones-tampons autour des sites de captage ou de lieux présentant des risques technologiques. e) Permettre l'essor de l'entreprenariat innovant dans les développements métropolitains et locaux, en consolidant la relation entre métropolité et économie régionale, d'une part, et organisation des bassins de vie intermédiaires (services, mixité fonctionnelle, courte distance) d'autre part, en s'appuyant sur l'économie de la connaissance, des secteurs porteurs, l'attractivité partagée, l'offre territoriale posée dans les SOZAC et SOZAH précédemment établis. f) Consolider la gouvernance par l'adhésion des acteurs et par un cadre de partenariat dans le cadre de « l'Eurodistrict ». L'intention ferme est de réfléchir selon ces objectifs à « un nouveau modèle de développement » calé sur un urbanisme renouvelé, l'économie et la maîtrise d'espace, la mobilité durable, comme sur les démarches alternatives de divers ordres et le respect de l'environnement. Sans surprise, l'examen plus détaillé des propositions promeut des avancées dans le traitement spatial et la conception urbaine (trames, formes, produits) ; la logique « urbaine » l'emporte, les dossiers-leviers se situant presque tous dans les parties constitutives de l'agglomération (cœur et première couronne) ; et c'est sous cet angle que sont abordées les thématiques relatives aux populations, au logement, aux flux urbains, aux territorialisations et aux modes de vie. Dans le cadre CUS prévalant, les éléments relatifs à des espaces de deuxième couronne sont modestes : il s'agit surtout des « portes » de l'agglomération (entrées Sud, Ouest, Nord), de secteurs à pôles d'activités (Entzheim, Kehl), et des rapports aux espaces agricoles ou « naturels » par le biais des trames verte et bleue ou du parc naturel urbain. Le « Grenelle », de par son objet, induit également les considérations sur le climat, les énergies, l'eau, les transports et déplacements, les innovations technologiques d'architecture et de construction, de communication (NTIC) ; encore que le lien avec le renforcement métropolitain soit assuré au travers de certains projets : Hôpital-Heyritz, presqu'île Malraux, Port du Rhin, Wacken. En prolongement, l'ADEUS vient de nourrir plusieurs séminaires et plateformes 29 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 de débats se rapportant à la ville de demain et au Plan Climat. Les séminaires « Demain, c'est tout de suite » embrassent les adaptations au changement climatique, les interactions entre territoires et modes de vie, les options en matière de fonctionnement et d'organisation dans une métropole « post-carbone » ou d'attractivité transfrontalière de Strasbourg (juin 2010). Antérieurement, avaient eu lieu des rencontres autour des « socles éco-systémiques », les tendances d'évolution sociale, les modes actifs des mobilités (2009-2010) – v. site ADEUS. De sorte que, malgré des interfaces encore peu exprimées, le développement urbain durable fait son chemin dans la métropole alsacienne, à l'instar d'autres cités françaises et européennes (cf. villes participantes aux « conférences européennes des villes durables » (de la Charte d'Aalborg de 1994 aux Journées de Dunkerque de mai 2010). Une autre présentation des démarches animées par le développement durable, au sein des Services de la CUS, est fournie plus loin, en Partie 3, par Alexandra Monot (v. 3e partie, 3e chapitre). 30 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Document 5 : Les 24 projets leviers de la CUS Document CUS, démarche Eco-Cités, Strasbourg, métropole des Deux-Rives, 18 p., non-daté 31 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 1.3 Les renforcements dans les années les plus récentes Dans la plupart des champs d'action qu'implique le développement durable, des ajouts ou consolidations imprègnent les politiques publiques. Souvent sous forme de mesures complémentaires, ou de coordinations de services. Cependant, il semble judicieux d'insister sur deux positionnements consolidés : la focalisation sur la thématique de la consommation d'espace, posée en termes d'enjeux fonciers d'une part, et le souci des perspectives à moyen et long termes qu'introduit la démarche du développement durable dans l'aménagement – développement d'autre part. Les enjeux fonciers et d'articulation des questions de périurbanisation On doit à diverses structures d'étude et de réflexion pré-opérationnelle en région des approfondissements, des évaluations et des possibilités d'échanges entre élus et société civile. Les travaux de l'APR (tomes 1 et 2) se sont nourris de leurs productions. C'est ainsi que l'ADEUS, l‟ADAUHR ou l‟AURM ont élaboré pour les collectivités territoriales des analyses en coopérations ou avec ouverture au public, lesquelles ont approfondi maintes thématiques : en 2007, sur « Les conflits d’usages, et territoires illustratifs des enjeux fonciers en Alsace », et sur les « Articulations des politiques sectorielles », sans parler de diagnostics concernant les Scots, les aires métropolitaines, et de « bilans » de l‟urbanisation des dernières décennies. Le lecteur intéressé peut bien entendu les consulter. Les démarches de mise en perspectives des années 2010-2011 Le Conseil Régional amplifie son implication dans plusieurs directions. La sauvegarde de la biodiversité de manière générale se développe plus avant, par maintes orientations complémentaires – telle la re-création de zones naturelles –, ou par l'attention portée aux vergers (existants ou à relancer). La « construction BBC » (bâtiments à basse consommation d'énergie) figure dans tous les programmes relatifs à l'habitat et aux lycées. Avec l'ASPA, est promue l'évaluation plus fine de la pollution de l'air en Alsace – notamment en ciblant la pollution « carbone » issue des entreprises –.Tous les plans de déplacements, des personnes et des marchandises, comportent un volet de développement durable. Enfin, sont mises en œuvre des « conventions d'objectifs » avec les agriculteurs. Le Conseil général du Bas-Rhin a repris en 2010 son « Agenda 21 » départemental – initialement lancé en décembre 2006 –, et établi une « version 0.2 » (ou de 2ème génération) en étoffant les volets relatifs au champ social et aux transports (cf. les « éco-routes »). Une « Charte du développement durable des zones d'activités » a été rédigée en 2010 et devient un document stratégique plus affirmé. Les résultats d'une « Enquête ménages –déplacements » d'envergure (5 500 ménages, comparaisons à ceux produits par les enquêtes antérieures de 1988 et 1997), qui a été conduite en coopération avec l'ASPA et la CUS, ont nourri plusieurs documents prévisionnels : Agenda 21, PHL et PLU, Scots, schémas de déplacements et PDU. Enfin, un nouveau « Schéma départemental des espaces naturels » a été adopté en 2010, posant une perspective à 2025. 32 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La CUS et l'ADEUS ont produit plusieurs dossiers. Ainsi, des diagnostics de pollution ont été élaborés pour différents sites comportant des entreprises polluantes. Une démarche à long terme concerne les zones d'activités économiques (ZAE), qui vise l'aménagement de leurs dessertes (notamment en transports collectifs), la basse consommation énergétique des bâtiments à y réaliser, les améliorations qualitatives des espaces contigus, l'étoffement sur place de services de proximité ou encore d'associations d'usagers ; un premier lot concerne les ZAE de Schiltigheim (EEE), d'Illkirch (P 2 I), d'Eschau et d'Entzheim (Nord-Aéroport) ; R. Nisand (pilote de l'action), à ce propos, estime qu'il faut « faire là de la haute couture urbanistique ». Une analyse approfondie de 2009 : « Quarante ans d'urbanisation de la CUS : Où ? Combien ?, Comment ? », a détecté les modalités évolutives de transformation des lieux et territoires par la dynamique de la périurbanisation, et éclairé les tendances les plus actuelles. Une orientation prospective de l'urbanisme durable vient logiquement s'y adosser. Avec les prescriptions du PLH validé en 2009, ces matériaux orientent la composition d'un « PLU communautaire » décidé en mai 2011 et celle d'un « Projet de territoire pour la CUS à l'horizon 2025 », que l'on rapprochera de la « feuille de route » de « Strasbourg Eco-2020 » élaborée en 2009. L'Adeus continue d'inviter périodiquement, dans ses Séminaires, à la réflexion prospective : « Demain, c'est tout de suite » : échanges sur les indicateurs d'alerte, vulnérabilités territoriales, impacts attendus des « coups partis », marges de manœuvre... Mais aussi échanges sur les nouveaux modes et rythmes de vie, sur les interactions entre territoires « vécus » et territoires « aménagés », ou sur les contradictions propres du développement durable, de la métropolisation, ou encore sur les modalités complexes des gouvernances métropolitaine, transfrontalière et rhénane de l'aire strasbourgeoise (en ex : des exposés comparatifs présentant Bâle, Fribourg en Brisgau, Karlsruhe et Francfort – v. site de l'Adeus). D'autres instances en région participent de ces orientations et réflexions. La CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin, par exemple, a négocié avec les transporteurs une « Charte CO 2 » ; elle a promu depuis 2010 une démarche dite de zones d'activités « éco-responsables ». Dans le Cahier 2011-2 de l'APR, il a été fait état des travaux partenariaux, inter-services, en matière d'analyse de l'urbanisation, conduits par un groupe « SIG-Urba » (Région, PNR, Chambre d'agriculture du Haut-Rhin, Adauhr, Adeus, et Dreal, Conseil général 67, laboratoire Image et Ville, Scot du piémont des Vosges, pôle régional d'archéologie). Ainsi se vérifient les réactivités des instances publiques à la problématique de la durabilité et de la soutenabilité toujours à promouvoir. Aux points de rencontres les plus évidents : l'urbanisation régionale et locale (habitats, activités, infrastructures et déplacements) en tant qu'expression des usages comme des enjeux posés et à maîtriser. 2. Les associations, acteurs amplement impliqués 33 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 – Henri Nonn On ne saurait s'en tenir, en retraçant l'état des lieux relatif aux engagements dans le développement durable, aux seules démarches initiées par les élus ou par leurs services, et à celles des organes publics d'étude. La région se singularise tout autant par la précocité et l'ampleur des rôles assumés par les Associations en la matière. 2.1. Les associations « s'occupant d'environnement », à partir de l'étude de C. Waldvogel (2011) Sur 40 ans, de 1965 à 2005, Carole Waldvogel a suivi le développement, la diversification et les transformations d'Associations alsaciennes préoccupées des enjeux de l'environnement en région. Le lieu n'est pas ici d'en suivre l'examen, ni les articulations à l'analyse ou à la méthodologie sociologique réalisée par l'auteur (voir les références dans sa bibliographie). Mais cet ouvrage aide à marquer l'importance des rôles que ces structures détiennent ici. Parmi les quelque 800 associations bas-rhinoises « qui ont à voir avec » l'environnement, une soixantaine y exercent des activités et y déploient un engagement : un nombre impressionnant, significatif d'une sensibilité comme d'un intérêt à des degrés divers vis à vis de la « nature » ou / et de « l'environnement ». Si certaines ont très impliquées, de longue date et sur des champs étendus (science, capacité d'expertise, gestion, organisation, pédagogie, participation militante...), d'autres sont nées de situations momentanées, de positions « défensives » ou critiques sur des volets spécifiques ; d'autres encore sont fonction des ressources naturelles qui les intéressent. Le panel est dès lors fort divers. Carole Waldvogel définit aussi des signalements (en fonction des « habitus » et des enjeux principaux) amenant à distinguer : celles qui sont plutôt « naturalistes » (proches des sciences de la vie et de la terre, des écosystèmes) ; celles, « fonctionnalistes » (proches des aménageurs et des gestionnaires, des activités humaines et des régulations de leurs effets) ; celles de « préleveurs en responsabilité », en charge de gestion et de régulation au regard des écosystèmes (chasse, pêche) ; celles dites « environ-nementalistes » exprimant leurs implications soit selon leurs représentations « esthétiques » de la nature, soit en fonction de leur « cadre de vie » ou de « qualité de vie » – menacés ou à améliorer –. L'auteur en a suivi les constitutions et évolutions suivant les mutations de contexte et de composition sociale, sur quelques exemples ; on s'en tiendra à ses trames principales. 34 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Des repères chronologiques majeurs. Les plus anciennes racines proviennent de la précocité des Sociétés Savantes ou naturalistes, (XIXème s.) animées par des universitaires et enseignants surtout, ayant le souci des patrimoines architecturaux, des sites, des espèces naturelles...Ou alors de l'organisation progressive de quelques « usagers » de la nature (chasse, pêche, Club Vosgien né en 1872...). La Loi de 1901 (et, en Alsace, le Droit local) a fourni leur statut de base. Le milieu du XXème s., avec quelques lois (chasse, 1941 – mais en Alsace, 1881) et surtout la constitution de fédérations nationales, conforte ces premières étapes. Quand, dans les années 1950-1960 naquit une fédération nationale des sociétés de protection de la nature, l'Association Philomatique d'Alsace-Lorraine (née en 1863) a servi d'appui à l'AFRPN ; celle-ci a défini avec le Dr H. Ulrich ses nouveaux statuts en 1965 (préalablement, sa vie avait été relancée par un Comité animé par le Pr. Maresquelle en 1945). L'appellation « Alsace Nature », elle, date de 1991. Les sociétés de loisirs en pleine nature (hors Club Vosgien), les chasseurs, ou les clubs de pêche, ne sont pas encore aussi structurées, leurs fédérations nationales s'établissant dans les années 1970-1980. Le développement économique des Trente Glorieuses induit plusieurs transformations répercutées sur les milieux de nature. L'agriculture productiviste et intensive prédomine : remembrements, mécanisation, intrants chimiques, spécialisations – maïs –, voire concentration des exploitations et abandons ou jachères, élevages hors sol. Si les aménagements du « Rhin sauvage » commencent au 19°S, c'est après 1945 que se développent le Grand Canal d'Alsace, les barrages hydroélectriques, la centrale nucléaire de Fessenheim, les raffineries autour de Strasbourg, les zones industrialo-portuaires rhénanes : cf. « l'affaire de Marckolsheim » en 1974. L'écosystème rhénan en subit maints dommages. Des infrastructures routières nouvelles (autoroutes, voies rapides, premiers contournements), des créations de zones d'activités en périphéries des villes, accompagnent le dynamisme économique régional et concernent maints autres milieux et paysages. La « civilisation des loisirs » suscite en outre diverses emprises de détente ou de tourisme. Et l'environnement ? Amorcée dans les années 1960, par la création des réserves naturelles (1957), des Parcs naturels nationaux (1960) et régionaux (Vosges du Nord, 1976), des « Agences de bassin » (hydrographique), la thématique devient politique et de gestion publique, avec la création du Ministère de l'Environnement en 1971 et la Loi de protection de la nature (1976) suivie d'autres (eau, air, déchets, risques). Mais l'aménagement reste une démarche centralisée et technicisée jusqu'aux lois de décentralisation et de contractualisation de 1983. Dès lors, prennent tout leur relief les initiatives régionales émanant d'Associations structurées dans certaines régions comme l'Alsace (v. aussi Bretagne, Sud-Ouest, région lyonnaise), qui, d'une part proposent leur « capital culturel » et une « éthique responsable » dans une coopération avec les administrations et élus, et d'autre part qui assument leurs engagements militants dans diverses actions conduites en propre. Quitte à devoir contester des choix publics d'aménagement (par des mobilisations et manifestations, des recours...) – 35 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 en particulier après 1968-1975, et avant même l'entrée en politique des mouvements écologistes. Depuis les années 1980, plusieurs contextes évoluent. La décentralisation et les transferts de compétences (retrait de l'État, niveaux locaux de décision), et la démocratie participative revendiquée, donnent à certaines Associations des opportunités de consultation et d'expertise. Dans le même temps, naît « l'écologie politique ». L'environnement recouvre des champs sans cesse élargis (et institutionnalisés comme technicisés), à des échelles variables d'appréhension (du local au global et inversement) ; et les cadrages législatifs et réglementaires sont accrus – lois nationales, directives européennes (Oiseaux ; Habitats, « Natura 2000 », Nitrates), « Agendas 21 », documents d'urbanisme, mise en œuvre d'études d'impacts... Le tout se trouve partiellement relancé en France par le « Grenelle de l'environnement » de 2007 et ses prolongements. Pour le Rhin supérieur, des positions transfrontalières se développent : concernant le Rhin (1996-2003, « Rhin 2020 et programme Life), le climat (étude « Reklip »), les trames vertes et les paysages, les transports collectifs... De quelques Associations en région – L'AFRPN ou Alsace Nature C'est depuis 1965 l'une des organisations les plus actives, sur de multiples secteurs, et proposant une vue systémique explicite associant « nature » et « environnement » en fonction des écosystèmes. Son implication concerne la sauvegarde de sites, l'éducation-initiation à la nature, les impacts du développement, en apportant un solide capital de connaissance des ressources comme d'expertise. D'abord « pédagogue » et « courtoise » (« des notables s'adressant à d'autres notables »), elle devient plus « incisive » et critique (à Marckolsheim en 1974 et depuis lors) sur le modèle de développement ou d'aménagement, et élargit ses interventions avec les problèmes d'énergie ou de transports par ex. La décentralisation conforte ses rôles de proposition ou d'intervention dans un sens d'intérêt général, devenant progressivement mieux reconnus dans la presse régionale. Son militantisme actif s'impose dans la période d'institutionnalisation de l'environnement, de généralisation de la communication et de juridiciarisation contemporaines. On lui doit : En 1976, la création du Conservatoire des Sites Alsaciens (CSA), le premier en France de nature associative : sauvegarde de lieux sensibles par acquisition ou location et prise en charge de leur gestion. En 2005, cela concerne 255 sites, mobilisant 15 emplois permanents ; il est affilié à la fédération française des Conservatoires qui compte 21 structures régionales. En 1977, la constitution de l'ARIENA pour l'initiation et l‟éducation à la nature (avec la Maison de la nature de Muttersholtz créée en 1974), 36 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 aujourd'hui fédératrice d'une trentaine d'associations et forte de 14 permanents ; elle propose des centres permanents (CPIE) ou d'initiation (CINE) et compte 42 personnes morales adhérentes. En 1978, l'AERU, l‟atelier d'écologie rurale et urbaine est promu par Antoine Waechter, servant de bureau d'étude d'impacts ; en 1986, c'est en outre la création de la SAVA pour la valorisation et la restauration douce des rivières – en liens avec la fédération de pêcheurs : une structure devenant autonome en 1989. En 2003, c'est la constitution, en partenariat, de la base de données ADONAT qui recense quelque 262 habitats, 580 espèces de plantes et 62 espèces d'animaux. L'Association a sa revue : Alsace Nature Infos, trimestrielle. N.B. : en 2003, Alsace Nature a précisé sa liste des « grands enjeux » environnementaux pour l'Alsace dans sa contribution au Livre Bleu de « Des Hommes et des Territoires » (p. 449-457), laquelle complète ce qu'en dit C. Waldvogel sur : la gestion de l'eau et des réserves comme des zones humides ou des trames vertes et bleues, l'agriculture plus durable, les paysages, la qualité de l'air, l'énergie, les rejets et déchets, les transports et les développements de l'économie et de la périurbanisation (résidentielle ou des zones d'activités).., au regard de la préservation du « capital Nature » de la région, de la biodiversité (suivi d'indicateurs, atlas), afin d'en concilier le maintien avec les différentes politiques publiques – v. aussi les exposés au Colloque de Colmar du 1-10-2010. Alsace Nature (reconnue d'utilité publique en 1994) entretient ainsi des rapports complexes avec les agriculteurs, les organisations de chasse (un moment partenaires), les milieux économiques et d'aménagement ou encore les collectivités publiques. Sa force (en 1999) : 2000 adhérents individuels, 104 associations fédérées, 224 bénévoles, des réseaux nombreux noués « verticalement et horizontalement ». – Des fédérations de gestion de la nature Pour la pêche et la protection des milieux aquatiques, la structure a ses origines en 1928 ; elle est affiliée à une union nationale, et à une autre du Grand Est ; ses statuts actuels datent de 1997 : elle comptait alors 30 000 membres individuels dans le Bas-Rhin, formant 113 associations membres. Les chasseurs, eux, se sont organisés en fédérations départementales dans les années 1978-1980. S'énonçant soucieux du respect des écosystèmes et « protecteurs-gestionnaires » responsables, ils ont eu un moment une proximité avec Alsace Nature ; mais l'écart s'est accru à mesure de l'extension « généraliste » et « systémiste » de cette dernière, quand pour eux prévalent un « savoir-faire pratiqué sur le terrain » et « l'obligation morale » de réguler les populations de gibier et de contrer les dégradations que celui-ci génère. 37 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Pour beaucoup, chasse ou pêche participent d'une initiation ou d'un apprentissage précoces mais restés centrés sur ces volets de la vie dans la nature. – Des Associations naturalistes à buts précis Certaines ont leur objet scientifique propre. En Alsace, bien sûr, il y a SOS Cigognes ; mais aussi, à titre d'exemples : l'Association SES-Alsace (Sauvegarde de la Faune Sauvage), des membres de la Ligue Protectrice des Oiseaux, le groupement ornithologique des Vosges du Nord, le groupement d'études et de protection des mammifères d'Alsace, le Fonds alsacien pour la restauration des biotopes... D'autres s'attachent à des territoires menacés : tels l'association RiedBruche pour le respect de l'environnement près de Strasbourg (ARBRES), celle du Pays de Niederbronn, ou le Comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin. – Les associations de « défense » de l'environnement ou du « cadre de vie » La plupart sont « réactives » à des problèmes surgis au fil du temps. Ainsi, le progrès du trafic à Entzheim, ou le projet de DHL d'utiliser sa plateforme (1996), ont fait naître l'UFNASE, union fédérale contre ces nuisances – 18 associations fédérées – et une autre structure à Lingolsheim et environs. Le projet de Grand Contournement de Strasbourg (GCO) lancé en 2003-2008 a suscité divers collectifs (dont « Le GCO, non merci »). De nombreuses petites entités se sont constituées sur des questions locales « de ce qui environne » : habitat, zones d'activités, infrastructures... Là, souvent, il s'agit de positions « anthropocentriques », sans forcément d'expérience naturaliste ni gestionnaire. Plus étoffées sont des associations « fonctionnalistes » préoccupées de transports ou de nuisances liées aux flux de circulation : telles ASTUS (transports urbains, région strasbourgeoise), des « 2 roues » (CADR), Centre anti-bruit du Bas-Rhin... Il est alors assez fréquent qu'aux objectifs de base soient ajoutées des considérations sur les paysages, la santé et le bien-être, les loisirs, les espaces publics. La centrale nucléaire de Fessenheim a, à elle seule, focalisé de son côté plusieurs structures : outre le Comité déjà cité, figurent : « Stop Fessenheim », « Halte au nucléaire-Alsace », ou « Alter-Alsace Énergies ». Publié le 17 novembre 2011, le rapport de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire leur apporte des arguments : Fessenheim combine deux vulnérabilités, le risque sismique et la crue de crue. Pour prolonger les indications de Carole Waldvogel, on signale que, par-delà les associations, de tels éléments entrent de plus en plus dans des démarches citoyennes de développement durable émanant de collectivités, d'agents de développement, de syndicats ou d'entreprises, amplifiées avec les thématiques de l'énergie (économies, solutions alternatives) et de qualité de vie. 38 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Document 6 : Strasbourg, projet de parc naturel urbain Une illustration de lien entre associations s‟occupant d‟environnement et politique de développement urbain durable à Strasbourg : un projet de Parc Naturel Urbain lancé en 2008 à la fois à l‟échelle de quartiers denses et de l‟ensemble aggloméré comme de ses trames vertes et bleues. Document : DNA. 2.2. Des Associations s'occupant d'aménagement (durable) et des dimensions sociales Dans le panorama qui vient d'être dressé, on ne peut se limiter aux seuls groupements axés sur les questions de l'écologie et de protection de l'environnement : les associations œuvrant dans le champ de l'aménagement se sont également préoccupées des équilibres dans les rapports hommes-nature, de réflexions sur des modèles de développement compatibles avec les volets « société », « patrimoine » et « durabilité » (ou « soutenabilité ») des projets, comme de propositions prospectives. Et multiples sont celles œuvrant à rendre « soutenables socialement » les évolutions modifiant les contextes de vie collective. Il y a lieu ainsi de signaler le rôle précoce des groupes de travail de « l'OEDAAlsace » dès les années 1970. Là, se nourrirent bien des pages du Schéma d'orientation élaboré par l'Établissement Public Régional (ancêtre du Conseil Régional d'Alsace) en 1976 ; là naquirent : la démarche de production d'un Atlas de l'Environnement réalisé par l'Université Louis Pasteur de Strasbourg en 1979 ; les premières discussions sur l'énergie, la biodiversité... Dès sa création en 1987, et parce que nombre de ses membres ont œuvré 39 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 avec l'OEDA, avec la DRE ou le Sesgare de la Préfecture, l'Association de Prospective Rhénane figure parmi les organismes consultés : elle a même été la « cheville ouvrière » du déroulement du « Projet Alsace 2005 » du Conseil régional – puis d'ateliers préparatoires du Schéma régional un moment envisagé durant les années 1995-1997. En liens avec le PUCA (Prédat), et la DRE, elle a conduit en 2008-2009 une animation sur les interdépendances des nouvelles géographies « de l'habitat, de l'économie et des mobilités », donnant lieu à un rapport (v. site APR). De même qu'avec la CUS et l'Adeus, en 2006-2007, elle a tenté de poser des termes de prospective pour la métropole alsacienne, adossés aux contraintes socio-démographiques, du foncier et des espaces à protéger posés en termes de durabilité (un travail aidé par les productions des services et de l'Adeus tels que le Scoters (2006), le 4ème PLH (2008), les « Sozac » et « Sozha » (schémas prévisionnels), les transferts d'activités (2005) précédant le dossier « Quarante ans d'urbanisation dans la CUS : Où ? Combien ? Comment ? » (2009). – v. également le site de l‟APR –. Plusieurs autres associations – aux configurations plus locales – se sont impliquées dans les réflexions préalables à la constitution des « Pays », voire à leurs Conseils de développement, ou encore dans les élaborations des « Scots », pour y représenter et exprimer les attentes de la société comme certaines préoccupations socio-écologiques et patrimoniales. Les PNR ont aussi autour de leurs instances, des collaborations d'associations locales. Ces quelques éléments, en guise de rappel, cherchent seulement à signaler une relative ouverture de maintes structures associatives agissant au sein de l'espace alsacien (et non abordées dans l'étude de Carole Waldvogel parce que ne « s'occupant » pas directement de la nature), à l'ambition de prendre en compte l'interdépendance et des solidarités des volets majeurs du développement durable. Un atout non négligeable pour le devenir de l'Alsace, semble-t-il... On ne saurait omettre, parallèlement, le rôle des structures de l'économie sociale et solidaire, comme des associations engagées sur le terrain de la cohésion sociale, dont on sait qu'elle est l'un des piliers du développement durable. Grande est la diversité des domaines « convoqués » : l'éducation et la formation, la prévention, l'insertion, l'animation, l'accompagnement social, le lien culturel... Les associations y œuvrent souvent en relais des instances publiques (en articulation avec elles ou aidées par elles), fréquemment adossées à des équipements ou structures permanentes de celles-ci. Ouvert est le spectre des engagements, allant de la socialité de voisinage ou des liens trans-générationnels aux organisations très étoffées et ramifiées. Certaines structures sont à l'échelle du quartier ou du voisinage, d'autres couvrant de plus vastes ensembles spatiaux ; il en est qui travaillent au quotidien, quand d'autres sont réactives à des « évènements » ou à des manifestations occasionnelles, et certaines réactives à des projets annoncés. D'aucunes œuvrent à des services ou aides aux personnes, à la santé, à l'ancrage par le sport ou par la culture, de sorte que tout tableau semble impossible à dresser brièvement. 40 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Et pourtant, il est nécessaire de faire valoir la contribution des structures associatives de ce domaine au regard de l'objectif d'adaptation aux mutations économiques et sociales, et donc de « soutenabilité », alors même que la médiatisation de leurs activités est généralement moins forte que celles des milieux économiques ou « écologistes ». Au total, l'Alsace est une terre fertile pour la vie associative, dense en entités « vivantes » et « pro-actives ». Dans le périodique du Conseil général 67 «Tout le Bas-Rhin » de mars-avril 1999, il est relevé que le secteur associatif et d'économie sociale et solidaire participe de manière non négligeable au volume des employeurs en région : à cette date, 2 400 établissements sur 46 300, avec 11 000 postes permanents d'emploi à temps complet et avec un équivalent de 72 000 postes si l'on inclut les stages et le travail à temps partiel ou saisonnier. Quelque 2 000 associations adhéraient à la Fédération Nationale du Bénévolat Associatif au même moment. En 2010, le Mouvement régional de défense du bénévolat et de la vie associative recense 650 structures adhérentes, totalisant 50 000 bénévoles...Un bilan significatif d'engagements qui mérite d'être signalé dans notre propos. Au hasard de lectures, de quelques mentions du rôle des associations Échappant au hasard, d'abord, il faut dire la richesse du site d'Alsace Nature, en documentation (non limitée aux champs de l'écologie et de la sauvegarde de l'environnement), pour qui souhaite recenser l'action associative – en région ou ailleurs –. Et signaler les indications détenues par les services des collectivités, ou par la Préfecture de Région ayant en charge l'économie sociale et solidaire. Et encore mentionner qu'une équipe de recherche des Sciences économiques de l'Université de Strasbourg se consacre à ce champ d'analyse (un Observatoire, des études ciblées – cf. : plusieurs Rapports depuis 2003). J'extrais maintenant, de lectures plus personnelles, et à titre d'exemples, quatre références contemporaines de travaux qui font place à ces actions associatives en Alsace dont il a été fait mention. L'aménagement est le thème central du livre de Gabriel Wackermann (1988) : Problématique de l'aménagement du territoire dans l'espace multinational du Rhin supérieur jusqu'en 1983. (doc. multigr. diffusé par l'UHA, Lab. rech. Intern. transports et échanges). On y trouve, notamment en 2° et 3° Parties, tout un chapitre consacré aux adhésions et résistances à l'évolution des démarches d'aménagement, ainsi qu'un autre traitant des relations entre acteurs sociaux face aux projets. Et maints développements y montrent comment se différencient les vues d'associations selon les sous-ensembles constitutifs du Rhin supérieur. 41 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Gérard Traband, lui, a ciblé l'Alsace du Nord transfrontalière, en 2008 : Effacer la frontière ? Soixante ans de coopération franco-allemande en Alsace du Nord (éd. Nuée Bleue). Il y est bien sûr question : des gravières ; des zones de loisirs ; des implantations d'établissements (industrie, commerce et magasins d'usines), d'équipements projetés – cf. en son temps l'idée de l'aéroport de Roeschwoog) ; de programmes de lotissements ou d'équipements touristiques ; du Parc rhénan Pamina... Autant de points sur lesquels des populations et des associations ont réagi – et ainsi « co-fabriqué » – l'actuel sous-ensemble du Nord de la région. Alain Howiller, en 1994, sensibilisait le lecteur de ses Mémoires de Midi : les mutations de l'Alsace (éd. Nuée Bleue) à l'importance des conditions socioculturelles d'émergence ou de contestation dans les fondements des solidarités ou des consensus sur lesquels on établissait le devenir régional : cités en particulier les projets de Roeschwoog, de Marckolsheim, Fessenheim et le « Synchrotron ». Enfin, citons l'article de Jean Wenker, paru dans la Revue d'Allemagne (2004, n°1), qui retrace les enjeux autour du Rhin, de ses aménagements, de sa restauration après l'accident de Sandoz (1986) et après les crues de 1993 et 1995, comme de sa renaissance écologique. Il y est rappelé combien les mobilisations associatives ont pris part à ces évolutions. On pourrait aisément faire d'autres signalements... Il semble en tout cas que les contributions émanant des associations en Alsace, réactives, critiques ou constructives, ont ajouté du sens à une démarche de développement durable, pour la rendre moins technicienne ou univoque, et plus acceptée dans le partage des enjeux. 3. Des chiffres pour tous – Bernard Aubry Depuis plusieurs années, les instituts nationaux de statistique mettent en ligne une partie de plus en plus significative de leur patrimoine statistique. Cette évolution se fait dans le cadre de l‟Union européenne, en l‟occurrence Eurostat, qui veille à ce que les outils de la connaissance soient progressivement mis au service de tous. Pour le citoyen qui participe par ses contributions sociales et fiscales à la collecte et à l‟élaboration des statistiques, opérations onéreuses pour être effectuées avec soin, cette gratuité des données d‟intérêt public est en quelque sorte un juste retour d‟investissement en faveur du contribuable. En France, la fourniture gratuite des données est une rupture avec une tradition qui voulait que la statistique fût un bien marchand dont la valeur, jugée importante, ne devait être cédée qu‟à des prix élevés, notamment aux entreprises. Ainsi donc, tout un chacun peut dès à présent, et pourra à l‟avenir plus encore, accéder librement à une quantité considérable d‟informations. Le problème que rencontrent déjà les utilisateurs du site de l‟Insee, surtout s‟ils ne sont pas rompus aux arcanes de la statistique, est de ne pas se perdre dans le dédale des sources, des nomenclatures et des définitions. 42 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Grosso modo, on peut distinguer trois types de données mises en ligne : 1 – Des indicateurs élaborés, tels des taux de chômage, de croissance (PIB). 2 – Des tableaux dits de contingence, c‟est-à dire des résultats de comptage qui croisent une ou plusieurs variables entre elles. Il s‟agit en fait des mêmes tableaux que l‟on consultait dans les fascicules diffusés après chaque recensement, mais cette fois dans un cadre de diffusion beaucoup plus étendu. 3 – Des fichiers de micro-données, des fichiers jusqu‟à présent réservés aux agents en place dans les institutions statistiques. Cet accès aux microdonnées est l‟une des conséquences directes du progrès technique dès lors que les capacités gigantesques de stockage des données ouvrent des perspectives considérables2. En effet, un tel fichier donne pour chaque unité statistique, une personne, un ménage, un établissement, un ensemble d‟informations individuelles, tout en respectant évidemment l‟anonymat des personnes. La base statistique de l’APR Du fait que les données mises en ligne sont considérables, l‟idée est venue d‟élaborer une base statistique simple destinée à fournir un corpus de données élémentaires disponibles au niveau communal, sachant que les utilisateurs, parce qu‟ils disposent eux-mêmes d‟un microordinateur et qu‟ils sont souvent en mesure de manier un logiciel de calcul tel que Excel, peuvent effectuer les regroupements qu‟ils souhaitent et exécuter des calculs élémentaires. Ainsi l‟enseignant pourra aider ses élèves à situer leur propre commune ou leur propre canton dans un environnement plus vaste, par exemple l‟ensemble des communes métropolitaines de même taille. Le fichier est extensible à volonté, de sorte que l‟on peut y adjoindre des séries portant sur d‟autres domaines que ceux couverts par l‟Insee : des chiffres sur le logement ou sur les élections par exemple. Le chercheur ou tout autre utilisateur peut, s‟il doit travailler sur des données communales, ou sur des territoires qui les regroupent, intégrer des données qui lui sont propres. Dans tous les cas, disposer de données de travail associées à des données de référence (structure par âge, par catégorie socio-professionnelle…) doit pouvoir aider à une meilleure compréhension des territoires, surtout si les séries comportent une dimension historique. Ceux des utilisateurs qui sont familiers de l‟analyse des données (en composante principale ou hiérarchique par exemple) pourront évidemment aller plus loin, à l‟instar de ce qui a été fait à l‟APR où les résultats électoraux des élections régionales de 2010 ont été croisés avec les données démographiques de référence (v. page 128). La seconde « valeur ajoutée » aux données mises en ligne consiste à fournir sur des thèmes spécifiques des fichiers de résultats présentés de façon standardisée, selon une nomenclature géographique à multiples niveaux. En effet pour différentes raisons notamment techniques, les fichiers de microdonnées mis 2 Les chercheurs peuvent accéder dès à présent à des bases de données issues des recensements réalisés dans plus de 60 pays (voir le site IPUMS). La France a intégré dans cette base les recensements de 1962 à 1999 (voir document rédigé pour l„ANR – B. Aubry – juin 2011). L‟Insee vient d‟intégrer dans cette base à vocation mondiale le recensement de 2006. 43 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 en ligne par l‟Insee ne peuvent être exploités que par des utilisateurs disposant de logiciels statistiques spécialisés et capables de traiter des fichiers volumineux comme ceux des recensements de la population. Par ailleurs, malgré leur souplesse apparente, ces fichiers interdisent toute obtention de résultats portant sur des ensembles géographiques quelconques. Le nombre de variables proposées donc, en conséquence, la palette des exploitations possibles, dépend du niveau géographique de la base utilisée. Actuellement l‟Insee propose trois bases principales couvrant l‟ensemble des individus/logements. Une base régionale comprend une richesse d‟informations structurelles appréciable mais qui par construction ne peuvent pas être déclinées géographiquement. Ainsi on ne peut obtenir de résultats selon les couronnes urbaines alors même que la population est assez nombreuse pour donner une signification aux chiffres. Il existe aussi une base cantonale qui contient un plus petit nombre de variables et une base communale de logement spécialisée. Une fusion adéquate de ces trois fichiers est certes possible ; mais outre qu‟elle est relativement difficile à mettre en œuvre, elle conduit à une légère perte d‟information en générant des incertitudes sur certaines catégories de population. Cette incertitude d‟ordre statistique ne peut nuire à la confidentialité des données, mais en revanche elle permet de disposer de résultats considérés comme fiables sur des ensembles géographiques quelconques, pour autant que ceux-ci sont de taille suffisamment grande. Cela relève en quelque sorte le seuil de diffusion, seuil au demeurant hautement symbolique puisque la qualité des résultats n‟est pas la même selon les variables. Un tel fichier confère aux fichiers la souplesse cherchée, mais son utilisation rationnelle exige un minimum de savoir-faire. Dans le cadre de la série d‟ouvrages réalisés par l‟APR sur le thème de la périurbanisation, on a composé des résultats relatifs à des ensembles de communes appartenant à des aires urbaines dans un découpage centré sur le pôle3. Mais le programme d‟appel va plus loin puisqu‟il sort automatiquement des tableaux de résultats non seulement pour les aires urbaines, mais aussi d‟autres composantes territoriales (départements, zones d‟emploi…). À chaque fois on dispose en sortie d‟un fichier de quelques milliers d‟enregistrements, donc facile à gérer comme base élémentaire sur Excel. À titre d‟exemple, on a isolé quelques modalités de variables portant l‟une sur la possession d‟une voiture, l‟autre sur le chauffage (mode de chauffage et combustible utilisé). La possession ou non d’un véhicule 3 Du fait que le système du nouveau recensement prévoit deux niveaux de collecte, à savoir les communes de plus de 10 000 habitants observées chaque année par sondage et les autres plus petites, observées à tour de rôle (rotation à périodicité de 5 ans), on admet que les zones constituées d‟une ou de plusieurs grandes communes forment des ensembles pour lesquels les résultats sont significatifs. Ainsi pour les communes-pôles. Il en est de même pour les deuxièmes couronnes composées de nombreuses petites communes et pour les premières couronnes si la population des grandes communes est bien supérieure à celle des petites communes. 44 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 De façon générale, la motorisation des ménages s‟accentue encore, du moins jusqu‟à l‟année 2008, année des derniers résultats disponibles. La proportion de logements sans voiture diminue d‟un dixième de points, à 19,3%. À l‟inverse la proportion des ménages multi-motorisés augmente. Le pourcentage de ceux qui disposent de deux voitures ou plus augmente de 0,47 point, à 33,6% de l‟ensemble. Tableau 1 : Fréquence de possession d‟un véhicule – Métropole 2006 et 2008 Nombre de voitures 0 1 2 3 et plus ensemble Dont 2 et + Pourcentage 2006 2008 19,5 19,3 47,4 47,1 28,5 28,9 4,6 4,7 100 33,2 100 33,6 Variations en points 07-06 08-07 08-06 -0,09 -0,08 -0,18 -0,17 -0,12 -0,29 0,21 0,16 0,37 0,06 0,04 0,10 0,27 0,20 0,47 Le graphique G-1, p. 49, donne l‟image de la fréquence comparée de nonpossession et de possession d‟au moins deux véhicules. On distingue cinq catégories d‟aires urbaines selon leur taille (définition 1999), à savoir, Paris, LyonMarseille-Lille, les aires de plus de 500 000 à 1 million d‟habitants (ce groupe inclut Strasbourg), celles de plus de 200 et celles de plus de 100 000 habitants. À titre de comparaison on fait apparaître les mêmes résultats pour les communes multipolarisées et les communes à dominante rurale (pour alléger les graphiques, on n‟a pas fait apparaître les aires urbaines de moins de 100 000 habitants). Pour chacune des aires urbaines, on distingue le centre, la première et la deuxième couronne. On dispose ainsi de quatre blocs comprenant chaque fois le pourcentage (resp. la variation de 2006 à 2008) de non-possession et de possession de deux véhicules ou plus. Il n‟y a pas de surprise majeure pour ce qui concerne les taux : plus l‟habitat est dispersé, plus les deux indicateurs (non possession ou possession de deux voitures ou plus) divergent. C‟est évidemment le cas pour la ville de Paris, le cas extrême. En périphérie où l‟habitat est plus dispersé, la proportion de ménages sans voiture se situe autour de 10%, un peu plus dans les communes à dominante rurale. Les graphiques de variation (G-3, p. 50) sont plus informatifs. La nonpossession de voiture augmente nettement pour l‟aire urbaine de Paris (tant au centre qu‟en première couronne) mais reste stable dans les centres-villes des aires urbaines de moins de 500 000 habitants. Plus la densité est faible et plus s‟accentue la probabilité d‟être motorisé. Le chauffage : tout électrique et fuel L‟impact écologique du chauffage des résidences est évidemment tributaire de l‟équipement et du combustible. Le tableau qui suit, à l‟instar du Tableau 1, présente les résultats pour l‟année 2008 ainsi que pour les deux évolutions annuelles. Il traduit la prédominance du gaz (39%), surtout en réseau (36,5%, en 45 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 hausse). L‟utilisation du fioul (16,3%) est en nette régression (-1,65 point en 2 ans), à l‟inverse de l‟électricité (30,2%) qui poursuit sa forte croissance (1,24%). À noter aussi la forte hausse du groupe « autres combustibles» (+0,50 point) dont on peut penser qu‟il correspond à une utilisation de plus en plus fréquente des énergies renouvelables. Tableau 2 : Chauffage de résidences principales : modes et combustibles (en %) année 2008, France métropolitaine combustible Chauffage central collectif individuel tout électrique autre Variations du taux de possession (en points) ensemble CC urbain 5,0 - - - 5,0 20062007 20072008 20062008 Gaz réseau 8,7 27,3 - 0,5 36,5 -0,08 -0,07 -0,14 Fioul 3,2 11,9 - 1,1 16,3 0,18 0,07 0,25 Electricité 0,8 1,6 25,9 1,4 30,2 -0,81 -0,85 -1,65 Gaz bouteille 0,2 1,9 - 0,3 2,4 0,61 0,63 1,24 Autre 0,4 1,6 - 7,6 9,6 -0,09 -0,10 -0,19 ensemble 18,8 44,9 25,9 10,7 100 0,19 0,31 0,50 Variations 06-07 07-08 06-08 - - - -0,26 -0,26 -0,52 -0,24 -0,35 -0,59 0,43 0,45 0,88 0,07 0,16 0,23 - Dans le cadre de cette étude qui porte sur la périurbanisation, on s„intéresse plus particulièrement à deux variables : le tout électrique et le chauffage au fioul (G-2). Dans les centres villes, le tout électrique a pris une place prépondérante, surtout à Paris où toutefois son emploi se stabilise. Il est également très présent dans les couronnes, surtout pour les aires urbaines les plus grandes, sans que l‟effet taille ne soit déterminant, contrairement au fioul que l‟on emploie d‟autant plus souvent que l‟habitat est dispersé. Le fuel et le tout électrique sont pratiquement à égalité en dehors des aires urbaines. Les variations annuelles (G4) sont très significatives. Le tout électrique augmente partout et à un rythme sensiblement égal. À noter toutefois le cas des centres-villes : le tout électrique diminue dans la commune de Paris, mais augmente dans les centres-villes au centre des autres aires urbaines, et cela en fonction inverse de la taille. Par ailleurs, l‟utilisation du fuel diminue partout, surtout là où la densité de la population est la plus faible. Pour aller plus loin Les résultats qui sont présentés voudraient surtout illustrer quelques–unes des possibilités offertes par la diffusion en ligne des résultats individuels des recensements. Leur intérêt est décuplé si on essaie de mettre en corrélation les résultats avec les grandes questions qui se posent aux décideurs. Ainsi s‟agissant 46 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 de l‟évolution du taux de possession des véhicules on pourrait rechercher les liens avec le vieillissement, avec les catégories socioprofessionnelles… On pourrait aussi, pour évaluer les résultats, relier les indicateurs aux politiques urbaines, aux décisions en matière d‟aménagement d‟échangeurs, de gares, etc.. Il faudrait également prendre en compte le marché du travail puisque les salariés sont amenés à changer souvent d‟emploi, ce qui se traduit par un allongement des déplacements quotidiens. S‟agissant du chauffage, il y aurait lieu de prendre en compte la localisation sur le territoire, puisque le climat n‟est pas le même au nord ou au sud, sur le littoral ou à l‟intérieur. On distinguerait également les logements selon leur statut, leur ancienneté ; on pourrait également tenter de mesurer les effets des incitations publiques. À propos de la diffusion des données L‟annualisation des enquêtes de recensement, une innovation récente, étend considérablement le champ des investigations. On voudrait cependant apporter quelques nuances. Tout d‟abord l‟ancienneté des chiffres rend encore insatisfaites les attentes des utilisateurs qui aimeraient en l‟occurrence pouvoir mesurer l‟impact du Grenelle de l‟environnement. Et pourtant on ne peut que saluer les avantages offerts par le nouveau système censitaire qui permet de fournir des résultats 3 ou 4 ans après la date de la collecte. En second lieu, il importe de souligner la fragilité des variations annuelles. Il convient toutefois de distinguer selon le type de variables. De toute évidence, les chiffres sur la possession d‟automobile ou sur le mode de chauffage ne sont pas a priori des variables fragiles et peuvent sans problème être comparés d‟une année à l‟autre à un niveau géographique assez fin. On devra être plus prudent avec les données sensibles (comme les immigrés) où des défauts de couverture sont localement toujours possibles (oublis ou doubles comptes dans la collecte), même si les nouvelles méthodes d‟observations sont plus sûres que par le passé La troisième remarque a trait à la question plus fondamentale de la mise à disposition des résultats. Disposer de fichiers-détails indépendants à trois niveaux (région, canton et commune) apparaît comme un choix assez « boiteux ». En effet tout un chacun qui sait programmer peut « bricoler » à sa façon, c‟est-à-dire sans forcément beaucoup de rigueur et sans respecter sinon les règles, du moins l‟esprit de la diffusion des données. Il est délicat de fixer un seuil minimal de population de diffusion : cela dépend de la nature des variables et des utilisations qui sont faites des chiffres. La solution n‟est-elle pas dans l‟amélioration significative du site de l‟Insee et de ses modes d‟appel, en se référant aux expériences déjà en cours à l‟étranger (dans les pays nordiques par exemple) ? Du fait qu‟il ne saurait être question pour des raisons de confidentialité de mettre en ligne des fichier-détails contenant l‟ensemble des variables dans leur plus grande richesse, il faudrait faire en sorte que les utilisateurs aient la possibilité de programmer des requêtes de tableaux. En l‟occurrence, le demandeur fixerait lui-même les champs et les variables qu‟il souhaiterait croiser. Bien entendu cette méthode devrait être assujettie à des 47 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 règles strictes en matière de mise à disposition des résultats quand les populations sont de faible taille. Pour les institutions ayant à traiter cette question, ce problème technique n‟est sans doute pas plus difficile à résoudre que d‟autres actuellement en débat qui concernent la prolifération des données personnelles engendrées par les nouvelles technologies. 48 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Annexe On propose quatre graphiques présentant quelques indicateurs en fonction de la taille des aires urbaines (situation en 2008 et variation 2006-2008) En abscisse, selon la taille de l’aire urbaine (cinq classes : Par (Paris) – LML (Lyon-LilleMarseille) – >500, >200, >100 (AU de plus de 500, 200, 100000 habitants), MPL (communes multipolarisées) CDR (communes à dominante rurale). Pour chaque bloc de deux graphiques : Gauche : pas de voiture , Droite : deux voitures ou plus 49 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 50 Partie 2 – Le développement économique4 Raymond Woessner Lorsqu'il est question de développement durable, le développement économique est en général peu évoqué, alors qu'il constitue pourtant l'un des trois piliers du concept. Dans la deuxième moitié du XX ème siècle, la généralisation de l'automobile et du camion a permis aux entreprises de se périurbaniser avec l'implantation de nombreux établissements au gré des opportunités foncières. La stratégie de croissance alsacienne reposait alors sur l'implantation d'établissements industriels à forte intensité de main-d‟œuvre. Il en est résulté des besoins fonciers importants, renforcés par la croissance des zones commerciales périphériques à partir des années 1970. Des facteurs qui n'étaient pas encore des raretés – l'énergie fossile, l'espace – ont été consommés sans autre forme de procès. L'apogée de cette forme d'économie a été atteint en 1997-19985. Aujourd'hui encore, selon diverses estimations, on peut estimer la consommation annuelle d'espace à 800 ha environ, dont la moitié pour les zones d'activités (cf. Les Cahiers de l'APR 2011-1). Il n'y a donc pas eu d'anticipation significative du système productif alsacien vers les problématiques économiques de la durabilité alors que les signaux s'accumulaient globalement en leur faveur (Rapport Brundtland en 1987, Programme de Lisbonne-Göteborg 2000-2001, concurrence des pays émergents et de l'Est européen pour les usines-tournevis...). Durant la décennie 2000, les performances économiques régionales se sont donc amoindries et les problèmes se sont accentués. Sans doute le processus d'épuisement arrive-t-il vers son terme : au prix de la disparition de 30 000 emplois industriels environ, la plupart des établissements fragiles ont été rayés de la carte. Significativement, la General Motors et Sony ont finalement renoncé à la vente que ces firmes avaient pourtant engagée de leurs établissements alsaciens en 20102011. L'Alsace est donc à la croisée des chemins. Comment son économie peut-elle rebondir ? On n'en verra pas tous les éléments, notamment événementiels (Strasbourg, capitale de Noël, marque déposée ; ou le Rallye d'Alsace depuis 2010, épreuve comptant pour le championnat du monde). Dans un premier chapitre, on s'intéressera à certaines émergences, un peu cachées dans les plis secrets du territoire alsacien. Dans un deuxième chapitre, on verra comment se construisent des jeux d'acteurs autour des émergences. 4 En toile de fond, références à Nonn, H et Héraud, J.A, (1995), Les économies industrielles en France de l'Est, tissus et réseaux en évolution, PUS. 5 Woessner R. (2007), L'Alsace, territoire(s) en mouvement, Colmar, Do Bentzinger. Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 1. Les territoires émergents dans l'économie L‟instabilité des implantations manufacturières est un phénomène aussi ancien que l‟industrie. En 1904 déjà, Paul Vidal de la Blache écrivait que « la question se pose donc ainsi. Comment peut-on dégager ce qui est permanent et solide, ce qui restera de ce qui est condamné à disparaître ou du moins à se transformer ? ». Dans sa Théorie de l’évolution économique parue en 1911, Joseph Schumpeter évoquait « la destruction créatrice » en tant que source de croissance économique. C'est dans cette voie que le programme européen de Lisbonne-Göteborg (20002001) s'est engagé, réussissant à déstabiliser l'industrie manufacturière de l‟Europe occidentale, mais sans parvenir à remplir ses objectifs en termes « d'économie de la connaissance ». En Alsace même, l'articulation entre le monde de la recherche et celui de l'entreprise reste insatisfaisante. On a pu déclarer que l'Université de Strasbourg reste « offshore » par rapport au tissu productif régional6. Dans un contexte de concurrence mondiale, les ressources spécifiques d'un territoire devraient l'amener à innover, à créer de nouveaux biens, services et process de production. Ainsi, pour Pierre Veltz, « la géographie des coûts et des stocks de facteurs cède la place à une géographie des organisations et de la qualité des institutions »7. Ce scénario a d'autant plus de chances d'émerger que le territoire pris en compte est celui d'une grande ville. Strasbourg apparaît un peu petite dans ce contexte ; mais si l'on considère le périurbain comme une ville distendue, les forces de l'Alsace apparaissent démultipliées. De fait, il faut appeler deux auteurs à la rescousse : Richard Florida évoque la nécessaire « épaisseur institutionnelle » pour les « régions apprenantes »8. Un jeu d'acteurs se noue alors autour des entreprises, de la recherche, des collectivités et des associations. Dans le cas de l'Alsace et de sa périurbanisation se pose alors un intéressant problème d'échelle géographique : faut-il raisonner en termes de région ou bien faut-il dissocier ce qui se passe en ville de ce qui se passe dans le périurbain ? En effet, Paul Krugman pose la problématique des forces centrifuges et centripètes9. Les forces centrifuges poussent à l'exurbanisation des entreprises comme des ménages, à la recherche de foncier disponible ou d'attraits subjectifs comme les aménités de la « campagne ». Les forces centripètes ramènent certains acteurs en ville, lorsqu'ils apprécient la proximité physique qui les rassemble. 6 Héraud J.- A., “Reinventing creativity in old Europe : A development scenario for cities within the Upper Rhine Valley cross-border area”, City, Culture and Society 2 (2011) pp. 6573. 7 Veltz P. (1992), Des lieux et des liens, le territoire français à l’heure de la mondialisation, Editions de l‟Aube. 8 Florida R. (1995), « Toward the learning region », Futures n°27, p. 527-536. 9 Krugman P. (1998), « The role of geography in development », Conférence annuelle de la Banque mondiale pour le développement économique, Washington, 35 p. 52 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Dans ces conditions, où peut se situer l'avenir de l''industrie alsacienne ? Parmi les régions françaises, l'Alsace se situe à un rang intéressant en termes de capacités d'innovation : alors qu'elle n'est que 13ème par son PIB régional, elle est 5e pour les demandes de brevets européens, 9 ème pour les publications, 10ème pour la dépense intérieure de recherche et de développement (DIRD), 10 ème pour le ème ème nombre annuel de doctorants, 11 pour les dépenses de R&D civiles, 13 pour le nombre d'ingénieurs diplômés. Transports-biens d'équipement et chimiepharmacie viennent en tête10. C'est pourquoi les problématiques de création et de transfert de technologies vont jouer un rôle crucial, à condition de pouvoir disposer des réseaux susceptibles de le faire. Quels que soient les efforts prodigués et les souhaits des acteurs, l'émergence d'un cluster ne va pas de soi. Ainsi, les années 2000 ont été relativement décevantes dans le domaine des nouvelles technologies de l'information. « L’Alsace se situait vers la fin des années 90 parmi les régions les plus en pointe dans le domaine des télécommunications et des services en ligne. Elle n’a pas tiré pleinement parti des opportunités de développement et de créations d’emplois dans ces nouvelles activités. Des régions, parties de plus loin, comme l’Aquitaine, affichent désormais des performances comparables, voire supérieures » écrit la 11 Préfecture en 2011 . Selon elle, les entreprises de la filière numérique alsacienne ne représentent que 1,7% des emplois nationaux dans les activités « Information et communication », 1,9% dans les services de télécommunications, 1,7% dans les services informatiques et services d‟information, 1,5% dans les activités de contenus (édition, audiovisuel et diffusion), 2,2% dans les industries créatives. Si l‟Alsace compte quelques PME numériques de taille moyenne, comme Schaeffer productique, en pointe dans leur domaine, elle manque d‟entreprises de premier rang capables d‟avoir un effet d‟entraînement. L‟Alsace ne compte, par exemple, que deux éditeurs de logiciels, Divalto et Dynasys, parmi les 100 premiers en France. Toutefois, dans sa conclusion, le rapport présente la capacité à coopérer comme un point fort pour l'Alsace ; antiphrase ou réalité ? Mesurer la capacité d'un réseau à susciter une dynamique constitue un exercice complexe et délicat. On s'intéressera ici à la territorialisation des réseaux, c'est-àdire à la capacité du périurbain à entrer dans le jeu tel qu'il se décide d'abord dans les villes. Le tableau présentant le Pôle Matériaux et Nanosciences soutenu par l'Agence Régionale de l'Innovation Alsace (ARI), elle-même basée à Illkirch, montre bien que les centres de la recherche publique se localisent en un nombre très limité de lieux urbains ou de première couronne (Tableau 1). Seuls Haguenau (plate-forme technologique pour l'usinage à grande vitesse), Obernai (idem, hydraulique), Saverne (idem, plasturgie), Nambsheim (transfert de technologie, matières fertilisantes organiques), Rouffach (neurosciences) et Saint-Louis (métrologie) apportent des ressources pour l'innovation ; et on connaît les déboires du Biopôle de Colmar, où l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) a bien des soucis avec les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), d'abord 10 Rapport de l'Observatoire des Sciences et des Techniques (2010), Indicateur de sciences et de de Technologie, Paris Economica, 587 p. 11 Étude diagnostic et perspectives des services TIC en Alsace (2011), Préfecture de la Région Alsace, 56 p. 53 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 avec le maïs dans les années 1990 puis avec la vigne dans les années 2000. Il faut bien sûr dépasser le cadre de la recherche publique pour entrer dans les établissements privés qui s'adonnent à la R&D. On peut tenter de les localiser en s'intéressant aux Pôles de compétitivité et aux grappes de la DATAR, qui sont deux programmes nationaux de plus en plus présents en Alsace. Tableau 3 : Le pôle Matériaux et Nanosciences Alsace ISIS – UMR 7006 INSERM UMR 977 LISS - INSA Institut Charles Sadron UPR 22 – CNRS INESS – UMR 7163 IPCMS – UMR 7504 LIPHT LISS INSA LMSPC CRITT Matériaux CETIM CERMAT ENCSMU – UMR 7015 DPG IS2M CNRS 7228 ENSISA – LPMT UMR 7189 Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires Biomatériaux, ingénierie tissulaire Laboratoire d'ingénierie des surfaces de Strasbourg Chimie et physique des matériaux Institut d'électronique des solides et des systèmes Institut de physique et de chimie des matériaux de Strasbourg Laboratoire d'ingénierie des polymères pour les hautes technologies Laboratoire des matériaux, des surfaces et des procédés pour la catalyse Transferts de technologie verre, céramique, polymères, matériaux de construction... Essais et anlayses industrielles Chimie organique, bio-organique et macromoléculaire Département de photochimie générale Institut de science des matériaux de Mulhouse Physique et mécanique textile Strasbourg Strasbourg Strasbourg StrasbourgCronenbourg StrasbourgCronenbourg StrasbourgCronenbourg StrasbourgCronenbourg StrasbourgCronenbourg Schiltigheim Mulhouse Mulhouse Mulhouse Mulhouse Mulhouse 1.1 Les Pôles de Compétitivité En 2004, la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale (DATAR)12 avait lancé un appel à candidatures pour la création de Pôles de compétitivité. Selon ses propres termes, « un Pôle de compétitivité se définit comme la combinaison, sur un espace géographique donné, d’entreprises, de centres de formation et d’unités de recherche publique ou privée, engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets innovants. Les projets présentés doivent répondre à quatre exigences majeures : être créateurs de richesses nouvelles à forte valeur ajoutée et d’emploi qualifié ; 12 Alors Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale. 54 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 pouvoir se positionner sur des marchés mondiaux caractérisés par un fort potentiel de croissance ; se fonder sur des partenariats approfondis entre les acteurs, se traduisant par un mode de gouvernance structuré et de qualité ; définir les objectifs et les moyens d’une stratégie efficace de développement. Les Pôles de compétitivité peuvent prendre des formes juridiques très diverses, association loi 1901, groupement d’intérêt économique (GIE), groupement d’intérêt scientifique (GIS), pour inscrire leur vocation de projets de développement économique réunissant entreprises, laboratoires et centres de formation ». Dès 2005, l'Alsace a obtenu la création de trois Pôles de compétitivité : un Pôle mondial, « Innovations thérapeutiques », et deux Pôles interrégionaux, « Véhicule du Futur » avec la Franche-Comté, et « Fibres Naturelles » avec la Lorraine. Un quatrième Pôle, « Alsace Energievie », a été labellisé en 2010 « dans le secteur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables en Alsace » (http://pole.energivie.eu/a-propos). Figure 1 : Innovation dans l'industrie des transports terrestres 55 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Exprimés en nombre d'établissements, les centres d'innovation du Pôle Véhicule du Futur se situent plutôt en ville, à Strasbourg, Mulhouse, Colmar et Haguenau, mais le monde périurbain est loin d'être démuni (Figure 1). L'Alsace rassemble de nombreux sous-traitants de rang 1 (environ une trentaine) et de rang 2 (environ 65) qui sont confrontés à des besoins permanents d'innovation. Ayant des besoins fonciers importants pour leurs activités manufacturières, ces soustraitants sont implantés aussi bien en première couronne des villes que n'importe où ailleurs dans le territoire alsacien. Pour le Pôle, tout l'enjeu consiste à faire monter en puissance les fonctions d'innovation. Les sous-traitants de rang 1 et 2 sont en première ligne : à eux de remporter des contrats chez les assembliers, qu'il s'agisse de Peugeot-Citroën à Mulhouse-Sausheim et à Sochaux, ou d'Alstom à Belfort et à Reichshoffen, ou encore auprès d'assembliers extra-régionaux. Le Pôle Véhicule du futur, une association comme Perfo-Est et les grandes collectivités (la Région Alsace, la CUS...) cherchent ainsi à susciter des dynamiques. L'une des questions majeures qui se pose est de savoir s'il y a seulement une juxtaposition d'établissements dans certaines petites régions (autour de Haguenau, Saverne, Molsheim, Colmar, Mulhouse-Vosges) ou si des grappes de proximité pourraient y être décelées ; dans ce cas, un fort potentiel de croissance serait présent. Il devrait alors être renforcé à la manière des Systèmes Locaux d'Innovation (SLI) en y accentuant les possibilités de transferts de technologies. À ce propos, le « modèle de Stuttgart » ne devrait pas laisser indifférent. Le territoire du Bade-Wurtemberg est en effet maillé par des fondations où s'associent les entreprises, les collectivités et le Land. De petites villes, voire des bourgs, reçoivent ainsi des établissements de la fondation Steinbeis, prompts à structurer de fait des micro-territoires. Alors que le Pôle Véhicule du Futur s'enracine dans une histoire industrielle qui remonte aux années 198013, le Pôle Energievie est le fruit récent d'une volonté d'appropriation des logiques de clusters. Il concerne l'Alsace et la Lorraine, où les établissements participants se rassemblent principalement en Moselle (Figure 2). Les fonctions de commandement de Strasbourg y apparaissent avec évidence, alors que les autres grandes villes (Metz, Mulhouse) en apparaissent singulièrement dépourvues. En contradiction avec l'image usuelle que l'on se fait de l'Alsace centrale, la carte montre au contraire que l'industrie s'y affirme, aussi bien dans de grands établissements que de petits, et avec une diversité intéressante des activités. Les vides concernent l'Outre-Forêt, le Sundgau, la Hardt, les vallées vosgiennes. Les environs de Strasbourg sont plutôt agroalimentaires, le Sud-Alsace est davantage dans la chimie. Au total, on voit une métropole et des territoires productifs. 13 R. Woessner (2000), Mythe et réalité de l’espace Rhin-Rhône, La dynamique industrielle comme facteur de recomposition territoriale, Presses Universitaires Franc-Comtoises, Besançon, 360 p. 56 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 2 : Le Pôle Energievie en Alsace et en Moselle 1.2 Les grappes de la DATAR À partir d'octobre 2009, la DATAR a lancé le dispositif national des grappes d'entreprises. Il s'agit de soutenir des clusters, c'est-à-dire de réseaux constitués de Petites et Moyennes Entreprises (PME) et de Très Petites Entreprises (TPE), regroupées sur un même territoire, appartenant plus ou moins à une même filière, et animées par une stratégie commune que la mise en réseau permettra d'affirmer. Dans l'esprit de la DATAR, les grappes sont souvent complémentaires des Pôles de Compétitivité. Elles se partagent une enveloppe nationale de 24 millions d'euros en deux ans. En 2009 ont été labellisés le Pôle « Aménagement de la Maison » et le Pôle « Image » d'Alsace. En 2011 s'y ajoutent l'ARIA Alsace (Association régionale des Industries Alimentaires), Rhénatic (technologies de l'information et de la communication) et le Pôle textile Alsace (porté par son réseau Club innovation textile d'Alsace). Le Pôle « Maison » entend fédérer ses adhérents dans le but d'améliorer l'efficacité énergétique des logements. S'agit-il d'une opération réussie de green washing, puisque le pôle compte de nombreuses entreprises qui semblent a priori 57 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 éloignées de cette problématique ? L'avenir le dira... La Figure 3 montre que le Pôle est nettement déconnecté de l'univers urbain ; son site internet signale une seule coopération technologique avec l'institut franco-allemand Eifer de Karlsruhe porté par EDF et le Karlsruher Institut für Technologie (KIT). Le Pôle permet de distinguer plusieurs territoires périurbains. Autour de Strasbourg, les entreprises sont nombreuses et diversifiées, adossées à de solides traditions (comme les verreries d'art et de luxe international de Wingen-sur-Moder, ou encore le microdistrict de Soufflenheim pour les poteries), actives dans l'industrie de production (cuisines, électroménager) ou déjà présentes dans les nouvelles vagues que le Grenelle de l'Environnement s'était engagées à soutenir. Cet univers déborde jusque sur l'Alsace bossue et sur l'Alsace moyenne. Le HautRhin se résume presque à l'axe Thur – Mulhouse – Saint-Louis, avec des activités qui tournent autour du textile et de la literie, et qu'on pourrait dans leur ensemble qualifier de survivantes du « modèle mulhousien » à la recherche de nouvelles technologies. À Rixheim, les papiers peints de haute-de-gamme Zuber incarnent l'esprit du last standing man qui résiste grâce à sa niche de marché historique. L'établissement le plus prospère en termes d'emplois (160 postes en 2009) se situe au fond du Sundgau et il fabrique de la literie pour le compte d'un industriel de Malmö (Suède). Figure 3 : État des lieux lors de la création du Pôle Maison 58 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 4 : Le Pôle Image L'Alsace est bien dotée en matière de fibres optiques. Strasbourg est un carrefour européen pour les réseaux est-ouest et nord-sud ; et le Conseil général du Haut-Rhin avait fait poser des fibres dès la fin des années 1990. À présent, le Pôle « Image » est « un réseau d'entreprises, de chercheurs et de centres de formations spécialisées dans les domaines de l'image : audiovisuel, multimedia, imagerie scientifique et industrielle, réseaux, etc. » qui regroupe « environ 480 entreprises ou acteurs de la filière image qui emploie plus de 4000 personnes » (http://iconoval.fr) (Figure 4). Conformément à l'idée que l'innovation est d'abord urbaine, 55% des établissements du Pôle Image se concentrent d'abord à Strasbourg (38%), dans la ville-centre comme dans la première couronne (17%). S'agit-il d'une figure krugmanienne, avec des forces centripètes vitales pour un réseau naissant fondé sur des échanges importants par des personnes localisées au quotidien dans un petit périmètre ? En tout cas, la vie urbaine strasbourgeoise semble indispensable à l'éclosion de ce milieu entrepreneurial. Néanmoins, 45% 59 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 des établissements s'éparpillent dans le périurbain alsacien, parfois au-delà comme à Phalsbourg où l'on trouve un designer. Une illustration des possibilités du télétravail ? 1.3 Présomption de créativité La créativité peut se comprendre selon un champ plus ou moins étendu. Suivons les travaux du BETA14 : il y a tout d'abord « la créativité productive [comme] production de connaissances qui acquiert une efficacité instrumentale immédiate » ; et aussi « la créativité individuelle encadrée ou non par les institutions » ; enfin, « la créativité institutionnelle, [...] notion abstraite qui désigne la capacité globale d'une région à un moment donné d'organiser le système territorial en adaptant ses ressources et ses initiatives aux opportunités offertes par l'environnement économique régional, national et international ». La mesure d'un tel phénomène ressemble à une gageure tant les aspects qualitatifs et réticulaires occupent une place importante. Toutefois la Figure 5, qui propose une synthèse des éléments cartographiques précédents, postule que les établissements qui comptent parmi les pôles et les grappes souhaitent renforcer ou s'inscrire dans des stratégies innovatrices. Il leur faut alors être créatives. À priori, un petit biais statistique altère l'intérêt de la figure, puisque, en filigrane, on retrouve peu ou prou la taille démographique des communes alsaciennes. Mais, à y regarder de près, les écarts sont tout de même importants. L'agglomération strasbourgeoise est écrasante par son importance – encore qu'en son sein, des communes de la première couronne n'existent quasiment pas, notamment au nord – ; et dans la commune centre elle-même, une analyse des quartiers montrerait également de profonds déséquilibres. Dans le périurbain alsacien en général, la créativité ne semble pas apprécier les petites communes. Mais de petites villes ou des bourgs tirent leur épingle du jeu. Trois secteurs se différencient nettement : Autour de Strasbourg, on observe un effondrement de la créativité une fois sorti de l'agglomération. Puis les petites villes, connectées par des radiales routières et ferroviaires sur Strasbourg, dessinent une sorte d'arc de cercle particulièrement marqué sur le piémont des Vosges, avec des extensions vers Haguenau et Erstein. Voit-on là l'émergence d'un croissant fertile, d'une ville à la campagne connectée sur la gare centrale de Strasbourg en un quart d'heure / une demi-heure ? Les différents éléments du croissant sont-ils connectés entre eux ? Ou bien Strasbourg est-il le nœud créatif du système ? Une étude lourde serait nécessaire pour en comprendre le fonctionnement. 14 Kahn R., Olivier-Utard F. « Une approche culturelle de l'économie alsacienne », in : Muller E., Héraud J.- A., Gosselin F. (dir.) (2010), Regards croisés sur la culture d'innovation et la créativité en Alsace, Presses Universitaires de Strasbourg, 254 p., cf. p. 19. 60 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Autour de Mulhouse, on retrouve peu ou prou la carte de la première vague d'industrialisation des années 1850-190015. Dévasté par la crise des industries manufacturières depuis les années 1960 déjà, ce territoire recèle encore bien des ressources le long d'un axe Saint-Louis – Mulhouse – entrée des vallées vosgiennes, avec des prolongements vers l'ex-Bassin potassique et le Rhin. L'Alsace moyenne apparaît moins riche. Néanmoins, un polygone ColmarLièpvre-Sélestat-Marckolsheim constitue une amorce de région créative. Mais il s'agit très probablement d'une juxtaposition aléatoire d'éléments et non d'un territoire animé par de fortes relations internes ; c'est en tout cas ce que l'état de la gouvernance locale laisse présumer. Figure 5 : Présomption de créativité Ces sous-régions devraient logiquement attirer une population jeune et entreprenante, désireuse de modes de vie urbains, de lieux de résidence et de mobilités dans l'esprit de la durabilité. Assistons-nous à un début de fracturation du périurbain alsacien entre de nouvelles entités prospères et d'autres éléments davantage réduits à un rôle de dortoir, voire de relégation (cf. aussi le chapitre 2.2 à propos des comportements électoraux) ? 15 Mercier J.-L. (2007), Documents pour l’étude de la stabilité, instabilité d’un système historico-géographique : l’industrie à Mulhouse 1746-1902, Conférence ULP/SGC, 2 juillet 2007, 40 p. 61 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 2. Jeux d'acteurs, modèles et conflits On sait que l'innovation n'est pas (plus ?) linéaire, depuis le laboratoire vers l'usine et enfin vers le marché. Ces éléments sont en interaction permanente avec de nombreux effets de rétroaction. En amont, les évolutions sociales dans les représentations comme dans les vécus génèrent de nouveaux besoins, entraînant ainsi un besoin d'innovation et même de créativité pour qui sait sentir les évolutions. Dans ce contexte, que peut-il survenir de particulier dans le monde périurbain ? 2.1 La périurbanisation comme enjeu social : vers l’émergence de nouvelles dynamiques conflictuelles ? – Stéphane Heim L‟émergence de tout enjeu social s‟inscrit dans une dynamique de négociations entre différents acteurs « en jeu ». Son institutionnalisation est le résultat d‟arrangements prenant la forme de règles et de normes qui fixent les limites de l‟espace de négociation16. Il en va ainsi d‟une réflexion ayant trait à la périurbanisation, comme objet de transactions sur un territoire. Nous verrons que le phénomène périurbain demeure encore mal perçu, mais qu‟il est source de nombreuses tensions connexes. Il est confronté à d‟autres enjeux adjacents, entre autres l‟industrialisation des territoires et la mobilité qui font figure de questions jouissant d‟une visibilité plus large dans le champ social. Pour saisir la portée des débats autour de l‟émergence de la périurbanisation comme enjeu social, la présente réflexion s‟attache à une analyse sociologique de sa dynamique conflictuelle et une illustration du système d‟acteurs sur le territoire Sud Alsace/Nord Franche-Comté. Pour ce faire, nous revenons dans un premier temps sur les éléments d‟une réflexion sociologique liée aux dynamiques conflictuelles. Nous verrons en quoi un enjeu a valeur de force mobilisatrice apte à insuffler de nouvelles dynamiques sociales. Ensuite, la question des enjeux connexes à la périurbanisation sera examinée. Nous ferons apparaître la visibilité nouvelle de ce dernier au regard des débats récents quant à la territorialisation. Enfin, nous proposerons une analyse des acteurs en présence sur le territoire Sud Alsace/Nord Franche-Comté. Sont alors inventoriés les acteurs de la mobilité et de l‟industrialisation sur ce territoire : le constructeur automobile PSA PeugeotCitroën, le Pôle de compétitivité Véhicule du Futur, les entreprises sous-traitantes du secteur automobile et les élus locaux. Au final, nous pourrons saisir les dynamiques en œuvre sur ce territoire et prendre la mesure de la portée des échanges liés au phénomène périurbain. 16 L‟approche institutionnaliste de Douglass North est ici particulièrement éclairante, en cela qu‟il définit l‟institution comme les règles du jeu en cours entre différents acteurs. Elles structurent l‟espace des interactions de manière plus ou moins contraignante. « Perçues comme contraintes humaines qui structurent les interactions politiques, économiques et sociales, les institutions selon North (1991, p. 97) consistent en des règles formelles telles que les constitutions, les lois et les droits de propriétés et des éléments informels comme les "sanctions, tabous, habitudes, traditions et codes de conduite".» (Nee, 2005, p. 51). 62 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Changement et dynamiques conflictuelles Le changement, thème récurrent en sociologie, fait l‟objet d‟approches diverses et variées, au rang desquelles la dynamique conflictuelle est une grille de lecture pertinente. Nous préférons ici l‟usage de la notion de dynamique conflictuelle à celle de conflit. Elle permet de rendre compte de manière plus juste de l‟évolution des négociations entre différents acteurs engagés dans une transaction sociale. Cette évolution traverse plusieurs phases – émergence et matérialisation d‟un enjeu, cristallisation des acteurs autour de cet enjeu, remise en cause de l‟ordre précédent, antagonismes et échanges en vue du dépassement (ou non) de cet ordre, nouvel ordonnancement (ou non) –, chacune déterminant l‟apparition et la forme de l‟étape lui succédant. Ainsi, toute dynamique conflictuelle n‟aboutit pas de manière systématique à un conflit ouvert, lequel ne donne à penser, quant à lui, que l‟antagonisme, le désaccord et les rivalités et conduit ainsi à limiter son regard aux dynamiques propres à l‟éclatement des conflits. Or, la structure sociale est continuellement traversée de formes d‟antagonismes, d‟échanges sociaux plus ou moins latents et conflictuels, mais dont une grande partie d‟entre eux ne se cristallisent pas en combat ouvert, demeurant ainsi des tensions dont la résolution prend la forme de nouvelles conventions ou de nouveaux compromis sociaux. D‟autre part, le conflit est trop vite associé à une force destructrice du lien social. Pourtant, il en va tout autrement lorsqu‟on cherche à saisir la genèse de ces tensions et leur fonction dans la structuration des rapports sociaux et de l‟unité sociale17. Dans les rapports sociaux, tels qu‟ils sont développés dans des courants associés aux travaux de Marx, on associe la structure sociale et la dynamique sociale, qui sont le résultat de clivages et d‟antagonismes. La société ne peut être pensée autrement que comme résultant de ces antagonismes, ou, dit autrement, comme la somme de ses rapports sociaux et de leurs rencontres 18. On peut s‟interroger quant à la nature des clivages principalement liés selon Marx aux rapports de production et à la répartition des richesses, mais leur fonction sociale mise au jour, notamment dans le livre I du Capital, est fondamentale. De la même manière, Georg Simmel parle de fonction socialisante du conflit pour caractériser les regroupements nés d‟intérêts communs 19. L‟unité sociale est traversée et 17 Les rapports sociaux renvoient à une approche de type marxiste alors que l‟unité sociale fait écho aux études de Georg Simmel. Les deux courants se rejoignent sur un point fondamental ; la nature conflictuelle des rapports ou des relations sociales est un principe générateur de la structure sociale et de son unité. 18 Les rapports sociaux évoluent dans le temps autour d‟enjeux. Selon Marx, le premier enjeu se cristallise autour de la répartition des richesses et l‟usage de la force de travail. C‟est ainsi que les sociétés industrielles sont le lieu de clivages forts entre classes prolétariennes, détentrices de leur seule force de travail, et classes bourgeoises, détentrices des capitaux et moyens de production. La société industrielle s‟érige alors autour de ces antagonismes de classes. 19 « Le conflit a une signification sociologique, puisqu’il suscite ou modifie des communautés d’intérêt, des regroupements en unités, des organisations : voilà un principe qui n’a jamais été contesté. […] La contradiction et le conflit non seulement précèdent cette unité [l‟unité est pour Simmel, « l’accord et la cohésion d’éléments sociaux, par opposition à leur disjonction, leur exclusion, leurs dissonances ; mais une unité, c’est aussi la synthèse globale des personnes, des énergies et des formes dans un groupe, la totalité finale de 63 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 constituée des éléments d‟accord mais aussi des éléments de divergence. Le regard doit alors porter sur les dynamiques en œuvre dans les interactions sociales. Ce rapide rappel de l‟intérêt d‟une analyse sociologique des dynamiques conflictuelles nous invite à explorer deux dimensions en vue de la compréhension du phénomène périurbain comme enjeu social. D‟abord, il ne faut pas occulter la force socialisatrice des dynamiques conflictuelles ; ensuite, afin de saisir l‟impact d‟un échange sur la structure sociale, l‟analyse doit porter sur les interactions ou rapports liés à un enjeu. Le phénomène périurbain, une tension multiforme Au regard de ces développements, nous examinons la périurbanisation comme une tension multiforme articulant plusieurs rapports sociaux, et non comme un enjeu clairement formulé et homogène. La question consiste alors à se demander si le phénomène périurbain revêt – ou peut revêtir – un caractère conflictuel suffisamment marqué pour faire émerger de nouveaux arrangements sociaux. Dit autrement, est-ce que la périurbanisation est une tension visible dans l‟espace social, articulant des enjeux clairement formulés et des acteurs définis ? Si, de prime abord, nous pourrions penser que la périurbanisation ne fait intervenir que les seuls habitants et entreprises cherchant à s‟agglomérer sur de nouveaux territoires intermédiaires entre les zones rurales et urbaines, elle est bien plus complexe que cela et rassemble bien d‟autres acteurs et dimensions dont nous allons rendre compte ici. À l‟heure actuelle, elle ne mobilise pas une tension, mais une somme de conflictualités avec une pluralité d‟intérêts. Ces derniers se cristallisent dans des questions liées à l‟aménagement des territoires, aux modes de vie et de mobilité, aux représentations de l‟espace et à l‟industrialisation (l‟allocation des ressources productives et économiques sur un territoire). En cela, la périurbanisation est un nœud de tensions capable de faire émerger de nouveaux arrangements institutionnels. La territorialisation et l‟industrialisation sont imbriqués à ces questionnements, en incorporant d‟autres dimensions. Depuis le Rapport d'information au Sénat ayant trait à l‟impact des délocalisations de Jean Arthuis en 1993 20, la délocalisation fait figure de problématique économique et sociale et de gageure politique. Elle jouit d‟une très large visibilité, alors même que sa mesure et sa celles-ci, dans laquelle sont comprises ces relations unitaires au sens étroit aussi bien que les relations dualistes. »], mais « ils sont aussi à l’œuvre à chaque instant de sa vie ; de même, il ne devrait pas y avoir d’unité sociale dans laquelle les mouvements convergents des éléments ne soient aussi inextricablement mêlés à des mouvements divergents. » (Simmel, 1999 [1908], pp. 265-266). 20 Rapport d'information sur l'incidence économique et fiscale des délocalisations hors du territoire national des activités industrielles et de service, Rapport d'information n°337 (19921993) de M. Jean Arthuis, fait au nom de la Commission des finances, déposé le 4 juin 1993. 64 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 définition posent problème21. Elle introduit et induit de nombreuses questions liées à l‟avenir des territoires industrialisés dans nos régions françaises mais aussi au mode de développement capitaliste souhaité – se résumant souvent au débat entre politiques protectionnistes et libre-échangisme. La question de l‟avenir des territoires trouve ainsi un fort écho dans le champ politique. Plus récemment (depuis le printemps 2010), une mission sénatoriale commune d‟information sur la désindustrialisation des territoires22 se penche sur les thématiques ayant trait à l‟industrialisation. Après une année d‟investigations, elle a remis son premier rapport en avril 2011, dans lequel l‟une des dix-sept propositions consiste à « renforcer la promotion du site France ». Lors d‟un déplacement d‟une délégation de cette mission en Alsace et Franche-Comté en novembre 2010, Pierre Moscovici, président de Pays de Montbéliard Agglomération, a rappelé les enjeux liés à la mutation de la filière automobile : « Les solutions nouvelles comme les véhicules propres, les moteurs hybrides, les centrales de mobilité, font appel à des technologies innovantes et à une modification en profondeur de la filière automobile. Aujourd’hui, les emplois situés à l’amont de la filière talonnent les emplois de production. Il est ainsi impératif d’accompagner cette mutation afin de garantir la pérennité de cette industrie et surtout les emplois qui s’y attachent. » Pierre Moscovici, Déplacements en Alsace et Franche-Comté, 18 nov. 2010, Table ronde sur la filière automobile et entreprises diversifiées, Pays de Montbéliard Agglomération, p. 6. La thématique du territoire et de son aménagement articule une diversité d‟objets plus larges tels que l‟emploi, la création de richesses sur le sol français, les politiques d‟innovation, ou encore la concurrence internationale. La périurbanisation est intrinsèquement liée à ces dimensions de l‟aménagement du territoire, à la fois anciennes et nouvelles. Quels territoires souhaitons-nous occuper et développer ? Comment allouer les ressources et les dispositifs d‟aide des politiques d‟aménagement du territoire ? Quel est le rôle des entreprises quant à l‟aménagement du territoire ? Le phénomène périurbain se niche dans ces questionnements. Un second enjeu connexe est lié à la mobilité 23. S‟implanter sur de nouveaux territoires implique un certain rapport à l‟espace. La logique d‟urbanisation a 21 Au sens le plus strict de l‟INSEE, « les délocalisations sont détectées lorsque l‟emploi diminue ou disparaît au sein d‟un établissement et que les importations du groupe détenant l‟établissement touché augmentent pour le type de biens auparavant produits en France ». C‟est une « substitution d‟une production étrangère à une production domestique pour satisfaire une même demande. ». INSEE dossiers – Délocalisations et réductions d’effectifs dans l’industrie française. Les écueils de la mesure de ce phénomène ont notamment été relevés par Fontagné, L. et Lorenzi, J.H., Désindustrialisation, Délocalisations, Paris, La Documentation française (Les Rapports du Conseil d‟Analyse économique, n° 55), 2005. 22 Le site de cette mission : http://www.senat.fr/commission/missions/desindustrialisation/ 23 La mobilité (qui appelle également à des réflexions ayant trait à l‟immatérialité) est 65 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 conduit à l‟émergence de concepts tels que la proximité, l‟agglomération et la concentration, alors même qu‟il semblerait que la périurbanisation invite à repenser les territoires en écho à des notions de distance et de diversification. Apparaissent ainsi de nouveaux questionnements ayant trait aux distances entre le lieu de travail et lieu de résidence, aux politiques de transports publics, à la mobilité sociale et la distribution de la population sur le territoire (les nouveaux modes de déplacement structurent de plus en plus le choix de résidence), et aux populations ayant accès à ces nouvelles formes de mobilité. Les comportements individuels et les politiques collectives sont ici en pleine effervescence. Si la périurbanisation semble être une question unidimensionnelle autour de la rupture avec le principe d‟urbanisation tel que nous l‟avons connu ces soixante dernières années, il n‟en est rien. Il est au contraire complexe et multidimensionnel, nœud de nombreuses tensions et d‟acteurs dont les positions sont l‟objet de dynamiques conflictuelles diffuses. Une illustration : le territoire Sud Alsace/Nord Franche-Comté Le territoire Sud Alsace/Nord Franche-Comté est un terrain d‟étude propice à l‟examen de ces dynamiques pour plusieurs raisons. Couvert par trois grandes entreprises (PSA Peugeot-Citroën, Alstom et General Electric) et ayant connu une ère d‟industrialisation très forte au XIXème siècle24, la périurbanisation prend des accents d‟enjeu fort. À titre d‟illustration, deux études de l‟INSEE Alsace et de Franche-Comté en 2009 apportent des éléments de compréhension non négligeables quant à la périurbanisation et quant au lien entre lieu de travail et lieu de résidence. Elles mesurent l‟inscription territoriale et le poids des établissements de PSA Peugeot-Citroën à Sochaux et Mulhouse en termes d‟emplois directs, indirects et induits sur les bassins de population du Nord Franche-Comté et Sud Alsace25. Les enseignements de ces études sont multiples, mais nous rappellent d‟abord combien les territoires intermédiaires entre les zones urbaines et rurales sont impactés par l‟activité des deux sites d‟assemblage. En effet, selon l‟étude de l‟INSEE Franche-Comté, fin 2007, 39% de la population globale liée à PSA Sochaux se retrouve dans onze communes, soit une forte concentration autour du 26 lieu de travail . Pour le site de Mulhouse, les mesures de l‟INSEE soulignent que chargée de valeurs positives et négatives. Les défenseurs de la mobilité prônent une forme de libéralisme – du droit à la mobilité –, tandis que ses détracteurs y voient une forme de rupture avec les solidarités sociales locales. Mais il est avéré aujourd‟hui que la mobilité, sous toutes ses formes (spatiales, intergénérationnelles, sociales, etc.), est devenue un enjeu central pour nos sociétés contemporaines. 24 Mulhouse est considérée comme la Manchester française ou la « Ville aux cent e cheminées », en référence à sa rapide industrialisation au XIX siècle. 25 Le périmètre d‟étude retenu fin 2007 pour l‟impact de Sochaux concerne 410 communes (dans lesquelles plus de 2% de la population est « liée » à PSA), soit 58 800 personnes (les emplois et leurs familles) ; Insee-Franche-Comté, 2009 : « L'influence de PSA-Sochaux se concentre dans le Nord Franche-Comté », L’essentiel, n° 113, mai 2009. Pour le site de Mulhouse, 876 communes regroupant 1 200 000 habitants, soit un effet global de PSA sur 45 000 personnes ; Insee-Alsace, 2009 , « PSA Peugeot-Citroën Mulhouse : une emprise territoriale marquante », Chiffres pour l’Alsace, n° 2, mars 2009. 26 En ce qui concerne Sochaux, l‟étude révèle que l‟impact concerne surtout « une forte 66 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 quatorze communes aux alentours de Mulhouse concentrent l‟essentiel de l‟emploi lié à PSA et plus de la moitié des salariés de PSA résident à moins de 10 km de l‟établissement. Ces chiffres rappellent les liens étroits entre industrialisation, mobilité et périurbanisation. Sur ce territoire, outre ces grandes entreprises, d‟autres acteurs sont à prendre en compte (les petites et moyennes entreprises, le Pôle de compétitivité Véhicule du Futur et les élus locaux). Leurs enjeux propres liés à l‟industrialisation et la mobilité ne sont pas forcément convergents et donnent corps à une dynamique conflictuelle qu‟il faut examiner de manière plus approfondie. Pour ce qui est de la territorialisation, un accord se dégage quant à l‟importance du secteur manufacturier. Les grandes firmes, jouissant d‟une position géographique et logistique « centrale » en Europe, privilégient la poursuite d‟une politique industrielle locale. Le Pôle de compétitivité Véhicule du Futur se donne pour objectif premier de créer des synergies entre les industriels locaux et les centres de recherche publics autour de projets innovants. Chaque année, lors de son colloque Mobilis, industriels, chercheurs et décideurs politiques sont invités à intervenir autour de thématiques ayant trait à l‟avenir de la mobilité. En 2010, le thème retenu « Mobilité urbaine, entre évolution et révolution », a permis de rassembler différents ateliers et tables rondes durant lesquelles il fut question notamment de toutes les infrastructures liées aux nouvelles modalités de transport. Quant aux collectivités locales, elles prennent acte des enjeux en termes d‟emploi pour les territoires. En 2009, l‟Association des Collectivités Sites d‟Industrie Automobile est créée sous la présidence de Pierre Moscovici. Elle regroupe quatorze communes dont plusieurs sur le territoire Alsace Franche-Comté, des 27 intercommunalités, des Départements et des Régions . L‟objectif de l‟association, tel qu‟il est exposé dans un communiqué de presse28, prend très largement en compte l‟enchevêtrement des nouvelles mobilités, de l‟avenir de l‟industrie automobile et de leur impact sur l‟emploi. Réunis lors des Premières rencontres des territoires automobiles à Montbéliard en décembre 2010, les élus locaux se proportion de petites communes puisque 83% d‟entre elles ont moins de 1 000 habitants. […] La „zone d‟emploi‟ de Montbéliard concentre, à elle seule, les trois quarts de la population et 88% des salariés (au lieu de travail) liés à l‟établissement sochalien », Insee-Franche-Comté, 2009, pp. 1-2. 27 Les communes : Belfort, Bruay-la-Buissière, Chartres-de-Bretagne, Cléon, Douai, Flinssur-Seine, Grand-Charmont, Hordain, Mulhouse, Poissy, Ruitz, Sandouville, Sausheim, Sochaux ; les intercommunalités : Artois Communauté, Communauté d‟Agglomération de Belfort, Communauté de Communes de l‟Ile Napoléon, Le Mans Métropole, Communauté d‟Agglomération du Pays de Montbéliard, Rennes-Métropole ; les départements : Conseil Général du Doubs, Conseil Général d‟Ille-et-Vilaine, Conseil Général du Nord, Conseil Général du Territoire de Belfort ; les régions : Conseil Régional d‟Alsace, Conseil Régional de Franche-Comté, Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais, Conseil Régional des Pays de Loire, Conseil Régional de Bretagne. 28 « Face à l‟ampleur de la crise qui touche le secteur, cette association est née d‟un constat : la nécessité de s‟unir, de coopérer et d‟échanger pour anticiper l‟évolution de l‟automobile, l‟évolution des mobilités qui ont un impact sur les territoires, sur l‟organisation industrielle, sur les besoins de formation, sur les capacités des collectivités à créer un environnement favorable au développement de l‟industrie. » (Dossier de Presse, ACSIA, Création de l‟Association des Collectivités Sites d‟Industrie Automobile, janvier 2010, p. 1). 67 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 sont accordés autour d‟un enjeu, la réhabilitation du « site France ». Ces trois acteurs – grandes entreprises, pôle de compétitivité et élus locaux – semblent tendre vers un objectif commun d‟accompagnement de l‟évolution et des mutations de la production automobile du territoire Alsace Franche-Comté. Les intérêts peuvent tout de même diverger quant aux voies de développement poursuivies, ce que nous pouvons observer lorsqu‟il est question de mobilité. Les enjeux liés à la mobilité, seconde dimension connexe à la périurbanisation, semblent bien plus complexes. L‟avènement de nouvelles formes de mobilité spatiale est le terreau de ces échanges et négociations. Le Pôle de compétitivité a récemment réorienté sa politique, suite à l‟évaluation gouvernementale, pour donner corps à des innovations liées à la mobilité de manière plus large que le seul véhicule électrique (avec l‟accent mis sur les innovations relatives aux services et infrastructures de la mobilité)29. L‟objet automobile est dilué dans les services de mobilité. Cela conduit à une réflexion quant à la position des constructeurs dans la chaîne de mobilité et de production automobile. Selon Bernard Jullien, directeur du GERPISA (Groupement d‟Études et de Recherches Permanent sur l‟Industrie et les Salariés de l‟Automobile), la place actuelle de suprématie des constructeurs dans la chaîne de production automobile est l‟enjeu premier de la « seconde révolution automobile ». Quant aux petites et moyennes entreprises, l‟adaptation aux nouveaux défis de la production et des services de mobilité et la capacité à s‟insérer de diverses manières dans des projets de recherche labellisés par le pôle, en profitant des mesures de soutien financier ou en termes de formation, sont de véritables défis. Les rapprochements inter-organisationnels et l‟émergence de nouveaux projets favorisés par le pôle de compétitivité sont alors la clé de la reconversion. Les élus locaux, quant à eux, portent la voix des territoires (locaux) et leur position dans ces échanges et débats faisant intervenir l‟État, l‟Europe, les grandes entreprises, les PMI et les pôles de compétitivité. C‟est dans ce jeu d‟acteurs que se niche la périurbanisation en France (et à plus forte raison les territoires de la production automobile tels que le Sud Alsace/Nord Franche-Comté), prise dans différentes logiques ou intérêts et dans la superposition des enjeux – industrialisation, innovation, formation, emploi, mobilité, etc. Cet examen sociologique de la périurbanisation comme enjeu local et social nous rappelle combien le phénomène est multiforme. Le système d‟action (pour reprendre les termes de Michel Crozier et Erhard Friedberg) naissant est en fait un enchevêtrement de différents enjeux. La périurbanisation est aujourd‟hui 29 En vue de sa labellisation, chaque pôle est évalué par un Comité interministériel d‟aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT). La première vague d‟évaluation a eu lieu en 2008 et a conduit à cette réorientation stratégique du Pôle Véhicule du Futur. Cinq nouveaux domaines d‟activité stratégique ont été élaborés (Services de mobilité ; Infrastructures et communication ; Énergie et propulsion ; Conception, matériaux et cycles de vie ; Véhicules innovants), en sus de l‟incorporation de PerfoEST (association créée à l‟origine, en 1997, pour promouvoir l‟excellence industrielle dans le secteur automobile en Alsace Franche-Comté) pour renforcer le déploiement des innovations sur l‟ensemble du territoire. 68 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 intrinsèquement liée aux tensions qui se cristallisent autour de la mobilité et de l‟industrialisation. Le cas du territoire Sud Alsace/Nord Franche-Comté est, à ce titre, exemplaire. Il rassemble de nombreux acteurs qui sont tous liés aux évolutions futures de l‟industrie automobile. Bassin d‟emploi pour les grandes et petites entreprises de ce secteur, il est confronté de plus en plus à la mise en réseau et à son désenclavement avec d‟autres territoires limitrophes et plus lointains en France et en Europe. Les tensions sous-jacentes à ces changements rappellent combien le phénomène périurbain est conditionné par des enjeux connexes qui sont définis eux-mêmes par la position des grandes et petites entreprises, du Pôle de compétitivité Véhicule du Futur et des élus locaux, mais également par les lieux d‟expression et de rencontre. Les espaces d‟échange circonscrits à la périurbanisation ne semblent pas émerger au niveau inter ou supra communal (le SCOT, Schéma de Cohérence Territoriale). Cela signifie-t-il pour autant qu‟elle est niée comme dynamique conflictuelle impactant de nouvelles évolutions institutionnelles ? Plutôt que d‟être une véritable dynamique conflictuelle, la périurbanisation est plutôt pour l‟heure une tension latente dont les lieux d‟expression sont intimement liés aux évolutions de la mobilité et de l‟aménagement du territoire. L‟enjeu premier est bien celui de la mobilité et de la confrontation de deux valeurs associées à celle-ci : il s‟agit de la mobilité comme droit individuel, avec l‟attachement à la liberté de circuler et le difficile renoncement au modèle de la voiture individuelle, d'une part, et de la mobilité comme ressource collective qui tendrait à faire triompher la préoccupation environnementale sur toute autre valeur (comme le droit à la mobilité justement) d'autre part. On devine le profond conflit qui pourrait émerger de la confrontation de ces deux valeurs, laquelle se situe au cœur des problématiques liées à la périurbanisation. 69 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Bibliographie ACSIA, Dossier de Presse, Création de l’Association des Collectivités Sites d’Industrie Automobile, janvier 2010. Arthuis, Jean, Rapport d'information sur l'incidence économique et fiscale des délocalisations hors du territoire national des activités industrielles et de service, Rapport d'information du Sénat n° 337 (1992-1993), fait au nom de la Commission des finances, 1993. (http://www.senat.fr/rap/r92-337/r92-337.html) Aubert, Patrick et Sillart, Patrick, « Délocalisations et réductions d‟effectifs dans l‟industrie française », In INSEE, L’économie française – Comptes et dossiers, Édition 2005-2006, pp. 57-89. (http://www.insee.fr/fr/publications-etservices/sommaire.asp?codesage=ECOFRA05) Chatillon, Alain, Réindustrialisons nos territoires, rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, Rapport d'information du Sénat n° 403 (2010-2011), 2011. (http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-403-1-notice.html). Crozier, Michel et Friedberg, Erhard, L’acteur et le système. Les contraintes de l’action collective, Paris, Éditions du Seuil, 1977. Fontagné, Lionel et Lorenzi, Jean-Hervé, Désindustrialisation, Délocalisations, Paris, La Documentation française (Les Rapports du Conseil d‟Analyse économique, n° 55), 2005. Insee-Alsace, Chiffres pour l'Alsace, n° 2, 2009, « PSA Peugeot-Citroën Mulhouse : une entreprise territoriale marquante » (mars). Insee-Franche-Comté : « L‟influence de PSA Sochaux se concentre dans le « Nord Franche-Comté », L’essentiel, n° 113, mai 2009. Jullien, Bernard, « La seconde révolution automobile et ses contours », Sociétal, 2010, Vol. 70, n° 4, pp. 54-61. Marx, Karl, Le Capital. Livre I, Paris, Éditions Gallimard, 1963 (1867). Nee, Victor, « The New Institutionalisms in Economics and Sociology », in Smelser, Neil J et Swedberg, Richard (dir.),1995,The Handbook of Economic Sociology, Princeton and Oxford, Princeton University Press, pp. 49-74. Simmel, Georg, Sociologie. Études sur les formes de la socialisation, Paris, Presses Universitaires de France, 1999 (1908). 70 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 2.2 L'agriculture sur le territoire de la CUS – Françoise Buffet, Aude Forget À l'initiative de la Chambre d'Agriculture d'Alsace et de la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS), une étude a été menée pour connaître le visage de l'agriculture présente sur le territoire de la CUS. Ainsi, 33% du territoire de la CUS sont dédiés à l'espace agricole avec environ 200 exploitations. Cependant, ces agriculteurs sont essentiellement des pluri-actifs (45% contre 1/3 dans l'ensemble du département). Les terres sont utilisées essentiellement pour du maïs et très peu pour de la vigne, ce qui a pour conséquence d'imposer des surfaces de cultures plus grandes : pour un revenu correct, il faut 3 à 4 ha de terre en maraîchage bio contre 60 ha de terre dédiés au maïs. L'élevage est rare dans la CUS car il demande un investissement temporel plus important et donc, pour des pluri-actifs, rend complexe la gestion des deux activités. De plus, la cohabitation entre les élevages et le milieu urbain est complexe (bruit, odeur, etc.). Cette cohabitation l'est également pour les autres formes d'agricultures à cause des problèmes de circulation des engins agricoles et de vols (de fruits par exemple). De même, l'extension de la ville provoque une diminution des surfaces agricoles et une augmentation du prix de celles-ci, freinant l'agriculture urbaine. Enfin, le territoire de la CUS étant frontalier, il existe une distorsion de concurrence économique et sociale entre la France, l'Allemagne et la Suisse. La ville offre en parallèle de nombreux avantages. Les institutions compensent le faible taux d'agriculteurs propriétaires en possédant une partie importante des terres (20%) et en ayant la capacité de développer cette propriété. En effet, la CUS et la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) ont la possibilité de préempter des terrains agricoles. Cette démarche nécessite une politique d'acquisition des terres. Elle permet une maîtrise du foncier agricole urbain, une valorisation de celui-ci, et d'influencer les prix du foncier. Car, seules des agricultures prestigieuses telle la viticulture peuvent lutter contre la flambée des prix liée à la pression foncière. De plus, la forte densité de population liée à l'urbain permet aux agriculteurs de diversifier leurs débouchés : ainsi, ils ne sont plus dépendants des centrales d'achat et peuvent vendre directement, en circuits courts, sur les marchés ou à la ferme ; les circuits courts se définissant par au maximum un intermédiaire entre le producteur et le consommateur. La CUS et la Chambre d'Agriculture souhaitent soutenir ces agriculteurs urbains à travers une réflexion globale se traduisant par le développement d'une politique volontariste agricole urbaine suivant 4 axes : L'agriculture, une force économique pour la CUS : Le but est de changer la vision des espaces non construits dans la ville et dédiés à l'agriculture. L'agriculture ne vient plus remplir les vides mais s'impose. Il est donc nécessaire de limiter la consommation foncière de la ville et de maintenir les exploitations existantes en gérant un foncier coûteux et en aidant à l'installation de jeunes. Vers une agriculture saine et nourricière : 71 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 L'objectif de cet axe est de passer à 7% de culture bio en Alsace (contre 1,3% actuellement) et de diversifier les cultures afin de développer une agriculture nourricière permettant au territoire de la CUS de gagner en indépendance alimentaire. Développer les circuits-courts : Renforcer les circuits-courts permet de faciliter la mutation des cultures actuelles vers des cultures nourricières en assurant les débouchés et en valorisant le travail de l'agriculteur. Ainsi, le but est d'augmenter les débouchés urbains avec des systèmes de revente locale (épiceries de quartier, etc.) et d'utiliser les commandes publiques comme leviers. De même, la réorganisation des marchés et la réouverture du marché-gare aux producteurs locaux, permettraient d'augmenter les débouchés. Rapprocher les citadins des agriculteurs : Afin de faciliter l'intégration de l'agriculture au sein de la ville, il est nécessaire de sensibiliser les citadins à ce milieu oublié. Ainsi, de nombreuses manifestations sont prévues et il est envisagé l'installation de vergers en pied d'immeuble et de faire évoluer une partie de la "nature-décor" actuellement présente en ville vers une "nature-nourricière". Le problème du foncier reste le problème dominant pour l'agriculture urbaine. D'une part, la sanctuarisation des terres au sein de documents d'urbanisme se traduirait par une diminution des surfaces constructibles, et donc une fuite vers la 3ème et 4ème couronnes des constructions renforçant l'étalement urbain, et donc consommant un autre espace agricole tout en augmentant les besoins en réseaux et en zones d'activités qui sont les plus forts consommateurs d'espace. Cette échappée des constructions montre le risque conséquent à un travail sur une échelle trop petite. De plus, les documents d'urbanisme imposent un zonage strict qui doit être assoupli par des compléments d'informations et de pratiques non zonées. Ainsi, l'un des objectifs du PLU de la CUS est de développer la biodiversité ; il permet donc de travailler en transversal sur l'ensemble des zonages. Le foncier pose aussi le problème de la qualité du sol. Or, en milieu urbain, la pollution des sols peut être importante et les cultures hors-sols sont actuellement peu rentables ou trop extrêmes vu les capacités d'évolution du territoire. Pour ce qui est de la réaction des acteurs, un effort de communication et d'intégration des personnes sur l'ensemble du processus a été fait. Il permet aux acteurs agricoles de donner leur avis et de découvrir l'intérêt économique et foncier de la démarche ; et, aux différentes élus, de développer une vision globale commune. L'étape suivante consiste à permettre à l'habitant de s'approprier les espaces agricoles et naturels. N.B. : Signalons la parution, en septembre 2011, des premiers résultats régionaux du recensement agricole de 2010 : voir le site draaf.alsace.agriculture.gouv.fr/ 72 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 2.3 Périurbanisation et planification territoriale en Allemagne – Antoine Danet Le terme « périurbanisation » appartient au lexique géographique français et peine à trouver un équivalent exact dans la langue allemande. Afin de savoir comment nos voisins traitent et gèrent le phénomène de périurbanisation à travers leur politique d‟aménagement, il faut en premier lieu se demander quelle réalité se cache derrière les termes connexes utilisés en Allemagne pour désigner ce processus. Grâce au concept de « référentiel » de Pierre Muller30, nous allons voir que les mots retenus pour désigner une réalité spatiale orientent le sens qui lui est donné dans les politiques publiques. Ainsi la conception allemande de la périurbanisation éclaire les dispositifs publics de planification territoriale et de consommation foncière outre-Rhin, et nous ouvre de nouvelles perspectives sur la transformation des territoires urbains, périurbains et ruraux. La périurbanisation dans la langue allemande : le riche concept de Surburbanisierung La notion de Suburbanisierung est la plus proche de celle de périurbanisation, sans pour autant lui correspondre terme à terme. Le mot date de la première moitié du XXème siècle et provient du terme anglais suburban. Il désigne le phénomène de « transfert de la dynamique de croissance de la ville-centre vers sa périphérie »31. Il s‟agit d‟un processus et non de la simple description d‟une organisation spatiale à laquelle renvoie plus souvent « suburbain » en français, désignant les banlieues, les faubourgs. Cette notion s‟est progressivement enrichie. Elle recouvre aujourd‟hui des réalités diverses comme les migrations pendulaires et leurs conséquences, ou encore l‟idée d‟une discontinuité du bâti entre urbain et périurbain et le problème de la consommation d‟espace, ce qui en fait l‟équivalent du phénomène de périurbanisation dans la langue allemande. Dans le champ géographique allemand, la Suburbanisierung se conçoit, au même titre que la périurbanisation, comme un phénomène multifactoriel, dû aussi bien aux déplacements de l‟activité économique qu‟aux parcours résidentiels. Desurbanisierung désigne quant à lui la disparition progressive de la ville et de toute centralité, alors que Suburbanisierung implique la persistance d‟une relation centre-périphérie. Diversité des réalités et variétés des mots Le phénomène de sortie des fonctions de la ville-centre vers sa périphérie a pris des formes très diverses et ne se laisse plus résumer par le seul terme de Suburbanisierung. Cette notion a été l‟objet de nombreux travaux depuis les années 1970 et elle se trouve au cœur de la question du devenir de la ville. Le concept de Suburbanisierung s‟inscrit à ce titre dans une logique diachronique : 30 in Hassentufel P. (2008), Sociologie politique : l’action publique, Armand Colin, Paris, p.107. 31 Handwörterbuch der Raumordnung, Akademie für Raumforschung und Landesplanung, 1995. 73 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 est-ce la Reurbanisierung, renouveau de la concentration et de la densification en un pôle central qui va lui succéder ? Ou plutôt une phase de Desurbanisierung, dilatation complète de la forme urbaine et disparition achevée de toute centralité ? Dans les années 2000, le concept de Zwischenstadt de T. Siverts32 marque la rupture avec une conception purement négative du périurbain. Il acte la difficulté à nommer les nouvelles formes urbaines que la périurbanisation a fait émerger. Il postule la disparition progressive du critère de discontinuité du bâti pour identifier le périurbain. Dans le contexte allemand, la contiguïté croissante de l‟urbain et du périurbain et l‟homogénéisation croissante de ces deux espaces sont des réalités très prégnantes ; et la recherche d‟une nouvelle dénomination correspond à la présence de nouveaux objets, de nouvelles réalités spatiales. De même, la mesure statistique de la périurbanisation se trouve confrontée à cette remise en cause de la segmentation urbain / périurbain / rural. Le graphique suivant traduit la volonté de proposer un découpage plus fin des différents espaces urbanisés, suivant leur densité et leur distance à l‟unité urbaine centrale. Dans la littérature géographique allemande, la crise du modèle urbain / périurbain / rural a succédé à celle du couple traditionnel urbain / rural. Pour la répartition des emplois et de la population, cette classification tente de distinguer les unités urbaines centrales (leur cœur et leur couronne extérieure), les espaces intermédiaires – Zwischenraum – (denses ou peu denses), et les espaces périphériques (denses ou peu denses). Le périurbain se retrouve ici éclaté entre différentes catégories. 32 Siverts T. (2004), Entre-ville : une lecture de la Zwischenstadt, trad. de l'allemand par Jean- Marc Deluze et Joël Vincent. 74 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Document 7 : Modèle de classification des espaces urbanisés en Allemagne 33 33 Reife, Stagnation oder Wende? Perspektiven zur Suburbanisierung, Post-Suburbia und Zwischenstadt : ein Überblick zum Stand der Forschung, Joachim Burdack und Markus Hesse, Leipzig 2006. 75 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Une tendance émergente : la fin de la périurbanisation ? Si l‟on s‟intéresse aux dynamiques de peuplement à l‟œuvre en Allemagne depuis la réunification, plusieurs tendances sont à noter. Dans les « nouveaux Länder », un fort mouvement de départ des centres urbains a marqué les années 1990. Les Länder de l‟ex-Allemagne de l‟ouest ont connu eux aussi un important afflux de population au début des années 1990 qui est venu conforter le mouvement global de périurbanisation, comme on le voit ci-dessous pour le Baden-Wurtemberg avec une croissance de la population plus forte dans les « communes périphériques » (Umlandgemeinden) que dans les centres (Mittelzentren). Mais ce mouvement se ralentit depuis les années 2000. Et on assiste, dans le cas du Bade-Wurtemberg à un nivellement de la croissance de la population entre les centres et les périphéries, ce qui fait envisager la possible « fin de la périurbanisation »34. La ville de Stuttgart illustre bien cette tendance : la villecentre gagne à nouveau des habitants depuis 2000 et la forte croissance des communes périphériques se ralentit35. Il faut prendre en compte le fait que cette égalisation des dynamiques de croissance de population se produit dans un contexte global de vieillissement de la population et de faible croissance démographique. Document 8 : Évolution de la croissance démographique dans le BadenWürttemberg36 34 Brachat-Schwarz, W (2004) Das Ende der Suburbanisierung?, Statistisches Monatsheft Baden-Württemberg 4/2004. 35 Ibid. 36 Statistisches Monatsheft Baden-Württemberg 4/2004. 76 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La perception du phénomène de périurbanisation occupe une place centrale dans la construction des politiques de planification territoriale. Dans l‟approche cognitive des politiques publiques, un dispositif d‟action publique peut se comprendre par le « référentiel », c'est-à-dire le cadre de pensée qui préside à son élaboration. Chez Pierre Muller, un référentiel d‟action publique se caractérise par « la domination de valeurs et de normes élaborées et portées par les acteurs principaux des politiques publiques »37. La planification territoriale se construit selon ce que les acteurs porteurs de ces politiques perçoivent et admettent comme vrai dans les dynamiques spatiales, et notamment dans le processus de périurbanisation. Le système allemand de planification territoriale Pour comprendre les liens entre perception de la périurbanisation et politique de planification, il faut aussi s‟intéresser aux questions institutionnelles et dessiner à grands traits le système de planification territoriale allemand. Les instruments de la planification territoriale sont essentiellement en possession des Länder, qui sont les principaux acteurs de cette politique. L‟usage poussé des politiques d‟aménagement par l‟État central du troisième Reich a conduit à l‟abandon de la ème planification territoriale au niveau fédéral dans la seconde partie du XX siècle : le Bund se limite à la formulation de grandes orientations, qui reprennent souvent les préconisations de l‟U.E. et qui visent au développement des grandes métropoles de niveau européen. Les documents planificateurs majeurs sont le Landesentwicklungsplan (LEP), pour le Land, et le Regionalplan, à l‟échelle infrarégionale des Regionalverbände, institutions correspondant à un territoire d‟aménagement. Le Regionalplan doit être compatible avec le LEP. On retrouve à l‟échelle communale le Flächennutzungplan, équivalent du PLU. Le système de planification est régi par le Gegenstromprinzip 38 : chaque document est élaboré en concertation avec les échelles inférieures et supérieures. Les documents de planification allemands se distinguent également par leur couverture entière du territoire et leur coïncidence avec les frontières administratives qui subdivisent un Land. Les Regionalverbände correspondent le plus souvent au Regierungsbezirk, échelon déconcentré du Land, ce qui donne plus de poids aux documents qu‟ils produisent. Autre élément caractéristique, ces documents sont obligatoires et ne relèvent pas de l‟initiative des communes et communautés de communes, à l‟inverse des Scots. LEP et Regionalpläne bénéficient également d‟une légitimité démocratique, étant votés par des assemblées directement élues. De manière générale, les documents planificateurs sont réalisés par des structures importantes qui assurent un suivi efficace des dispositions planificatrices : les regroupements de communes des années 1960 et 1970 lors de la Gemeindereform ont considérablement réduit le nombre de communes de moins de 5 000 habitants. Ainsi la quasi-totalité des communes réalisent elles-mêmes leur Flächennutzungsplan. À titre de comparaison, le Bas37 in Hassentufel, op. cit. Notion qui se traduirait littéralement par « principe de contrecourant », mais qui désigne bien un double mouvement dans la construction mutuelle des documents règlementaires : de l‟échelle inférieure vers la supérieure, et réciproquement. 38 77 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Rhin compte 8 Schémas de Cohérence territoriale alors le Baden-Württemberg ne totalise que 12 Regionpläne pour une superficie huit fois supérieure. Par conséquent, l‟organisation de la planification territoriale allemande crée des modes d‟action nettement distincts du cadre français. Document 9 : Pyramide institutionnelle de la planification territoriale en Allemagne39 L’approche cognitive de la planification territoriale : perception de la périurbanisation et action publique Au-delà de l‟aspect institutionnel, le système de planification est traversé par des idées et des représentations dominantes qui donnent le sens de l‟action publique et en dessinent les contours. Les politiques d‟aménagement allemandes ont été dominées dans les années 1960-1970 par une logique d‟équipement : la planification devait apporter sa contribution à la construction de grandes infrastructures partout sur le territoire. Les considérations environnementales ont émergé dans les années 1980 et se sont affirmées comme principes directeurs de l‟aménagement dans les années 1990. Enfin, le référentiel actuel se construit 39 Présentation de M. Trinnemeier (Metropol Region Rhein-Neckar), « La planification territoriale dans le Rhin supérieur », séminaire de la Conférence Franco-germano-suisse du Rhin supérieur, 4 avril 2010. 78 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 autour du principe de concurrence entre territoires et oriente l‟action publique vers la recherche permanente d‟attractivité économique. Si l‟on s‟intéresse plus particulièrement au cas de la planification infrarégionale à travers le Regionalplan et à la question de la périurbanisation, on peut clairement observer à l‟œuvre la double fonction du référentiel : « le décodage du réel, lié(e) au travail d’interprétation des phénomènes observés à partir de cadres cognitifs, et le recodage, permettant de construire des modèles normatifs d’action concrète ». L‟étalement urbain, un des effets corollaires du processus de périurbanisation, est bien perçu comme un problème public et figure en tête des priorités de la majorité des Landesentwicklungspläne. L‟action publique use alors d‟outils spécifiques pour y faire face, comme c‟est par exemple le cas pour l‟encadrement historiquement assez strict de l‟urbanisme commercial : un statut est attribué à chaque unité urbaine selon sa population et la possibilité d‟accueil de surfaces commerciales est directement limitée par ce statut. Le phénomène de périurbanisation, pour sa part, n'est pas interprété de façon univoque comme un problème public, et les modèles d‟action dominants de la planification territoriale ne s‟organisent pas autour de cette question. Comme nous l‟avons évoqué à travers l‟histoire de la notion et sa postérité dans celle de « Zwischenstadt », la « Suburbanisierung » ne connaît pas la connotation négative qui peut souvent être affectée à la périurbanisation en France. Cela a notamment pour conséquence la relative relégation du contrôle de la répartition des activités et des populations dans la hiérarchie des principes directeurs de l‟affectation des sols, au profit du développement économique et de l‟attractivité. Le classement qu‟établit dans ses objectifs par exemple la « Metropol-Region Rhein-Neckar, 40 Regionalverband » à l‟intersection de trois Länder , symbolise la domination du marketing territorial comme cadre normatif de l‟action publique : l‟attractivité économique occupe le premier rang devant la gestion des ressources naturelles et l‟équilibre des territoires, et dicte donc fortement les choix d‟affectation des sols. L‟innovation et la recherche de la croissance sont présentées comme les tâches « modernes » qui incombent à ces instances planificatrices. La perception de la périurbanisation implique des politiques de planification territoriale spécifiques. L‟exemple allemand illustre la nécessité de consacrer la périurbanisation comme un problème public, c'est-à-dire non pas comme un phénomène négatif à endiguer par tous les moyens, mais comme un processus social et spatial qui doit être un objet direct de l‟action publique. 40 Baden-Württemberg, Rheinland-Pfalz et Hessen. 79 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 3. Activités et emploi dans les territoires transformés par l'urbanisation – Henri Nonn Il était tentant d'intituler une telle analyse sous l'appellation : « économie résidentielle ». Mais cela reviendrait à privilégier le seul aspect de réorganisation ou développement lié à « l'économie domestique » induite par les changements spatiaux de l'habitat (individus et ménages), alors que les modifications économiques affectent tout un « complexe territorial ». L'urbanisation vient s'inscrire sur des entités déjà dotées d'activités soit exploitant leurs ressources locales, soit implantées en fonction d'autres bases et pourvoyeuses d'emploi selon leur propre logique. En se diffusant, la périurbanisation résidentielle sollicite, bien entendu, des adjonctions d'activités et d'emploi répondant aux besoins et aspirations des populations – les unes relevant de la sphère privée (marchande), les autres de la sphère publique – ; et il peut arriver que la densification de peuplement des périphéries devienne un facteur attractif pour des activités autres que domestiques. En outre, l'urbanisation comporte une composante d'exurbanisation d'activités intra-urbaines trop à l'étroit et profitant de la dilatation des agglomérations pour gagner des sites plus conformes à leurs besoins ou à leur expansion propre ; maintes collectivités, ou maints opérateurs fonciers ou immobiliers, proposent à cet effet des « zones d'activités » ou des reprises de friches à distance des villes, afin de faciliter ces mouvements ou de susciter la venue de nouveaux emplois. S'opère ainsi un « mixte » de modifications : tantôt concernant des activités dites de « la base économique », tantôt d'entreprises relevant du « développement local », voire de ce qu'on appelle parfois « l'économie présentielle » (nourrie du passage, du tourisme ou loisirs, ou d'équipements spécialisés fixant momentanément de nouveaux clients ou usagers), tantôt encore de « l'économie domestique », privée ou publique. Autant de notions à expliciter pour aller plus avant. L'ensemble se répercute en termes d'emploi, et donc de salaires pour les ménages, de ressources fiscales pour les collectivités... Mais les consommations finales localisées des individus et ménages incluent aussi, en fonction des structures d'âge, de taux d'emploi ou de CSP, les pensions et retraites, les indemnités, les apports de la redistribution (nationale) des prestations sociales ou de diverses aides locales, comme encore d'autres conditions de ressources d'ordre patrimonial (propriété, placements,...ou endettements) – cf. Davezies, 2000. 80 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 3.1 Points de vue généraux Autour des concepts Dans l'économie marchande, il est courant de distinguer les activités de la base économique (ou « basiques ») et les activités « domestiques ». Les activités basiques sont celles qui développent leur capacité à « vendre à l'extérieur » de leur territoire d'implantation ; elles s'inscrivent dans des circuits ouverts (régionaux, nationaux, internationaux), prédominant sur les clientèles locales – cependant, certaines entreprises locales peuvent en bénéficier (sous et co-traitance, services opérationnels aux entreprises...) –. Leur « état de santé » détermine souvent largement le niveau d'emploi territorial. Les producteurs de biens ou services à marchés locaux constituent le « secteur domestique », dont le niveau d'affaires dépend de l'ensemble des ressources commercialisables des ménages, fonction aussi des mobilités de ces derniers ou des facilités de déplacements, d'évasion... Le concept de « base économique » (O. Hoyt, 1933) avait été initialement conçu en termes de « revenus économiques » du capital engagé : rentabilité, valeur ajoutée... et de salaires distribués à la main-d‟œuvre ; mais très tôt, faute de moyens d'analyse précis, il n'est appréhendé qu'en termes d'emploi (volume, catégories, fluctuations). Les activités basiques sont vues comme les « moteurs du développement », à la fois général et national, et des stimulateurs de l'économie locale. On a parfois même établi des « coefficients d'induction » de l'emploi basique sur l'emploi domestique. D'où les efforts des acteurs régionaux et locaux pour les attirer et bénéficier de leur dynamisme et de leurs retombées – cf. : infrastructures, zones d'activités, allocations de primes ou exonérations... –. Le secteur domestique marchand, lui, voit son dynamisme relever des consommations finales des habitants en biens et services, lesquelles se modulent par les densités de peuplement, les ressources des ménages (pouvoir d'achat et mobilités), les comportements ou modes de vie plus ou moins « urbains » ; s'y ajoutent les consommations de non résidants, venus temporairement recourir aux offres locales – c'est l'économie présentielle : tourisme, détente-loisirs, études, séjours en établissements spécialisés... pour laquelle jouent fortement les aménités de lieux, ou des adossements à certains équipements ou patrimoines. L'économie non marchande, celle liée à la « sphère publique », peut participer indirectement aux progrès des entreprises marchandes par les appuis procurés en infrastructures et équipements, en qualité de gestion des hommes et des territoires, en animation, en accueil de l'habitat et des entreprises. Mais elle compte fortement aussi dans les emplois (+ retraites ou pensions, aides) qui s'y rattachent. Pour autant, on doit considérer que les appareils administratifs structurent les espaces à différentes échelles : la Nation, la région, telle ou telle sous-région, tel ou tel « bassin de vie » ou localité. Certains grands équipements interviennent à plusieurs niveaux simultanément : un CHU, une Université, un TGV... concourt à la fois à des armatures « emboîtées », quand d'autres équipements sont davantage destinés à des espaces de plus ou moins grande 81 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 proximité (lycée, collège par ex). Il est difficile de sérier, parmi les agents des fonctions publiques, ceux que l'on pourrait rapprocher du « basique » et du « domestique », sans parler des rôles « d'intermédiation » entre eux, quand on ne connait pas les affectations ou missions dévolues à ces personnels. Aussi, certains économistes, tel Philippe Aydalot, considèrent tout l'emploi public comme « basique » ; mais d'autres plaident pour une identification plus fine au sein des grands corps : d'État, des collectivités, de la fonction hospitalière, de la culture, par ex, ou selon qu'il s'agit de services aux personnes ou aux entreprises. Une lecture des propositions de L. Davezies par J.-F. Dumont et L. Chalard (2010) fait de l'économie résidentielle une « base économique » du développement des territoires. Ceux-ci, par-delà les facteurs locaux de production de valeur ajoutée créée localement, misent sur la captation de différentes sources de revenus « exogènes », soit fournis par les entreprises, soit générés par les emplois publics et par les apports de « résidants non recensés ». Cette lecture pose le développement comme ne reposant pas sur le seul « développement endogène », mais suivant une logique de croissance exogène en attirant des résidents, des allocations, des entreprises, des flux touristiques, etc., en s'appuyant sur des acquis : en équipements, en temps libre, en mobilité, et sur les besoins de consommation : c'est ainsi une modalité d'attractivité de territoire qui est le moteur du développement. En fait, cette position introduit alors une approche plus fine des différences entre territoires, inégalement actifs ou passifs vis à vis d'une telle logique, inégalement dotés d'atouts spécifiques pour capter l'habitat ou les activités, et néglige les « bilans négatifs » reportés sur les budgets des ménages ou des collectivités ayant à gérer les mutations des peuplements comme des consommations d'espace ; elle a en outre pour inconvénients : de mêler « l'économie résidentielle » et « l'économie présentielle » ; de gommer les changements intervenant dans les structures sociales et économiques territorialisées dont on suppose la convergence en matière de dynamique d'attractivité ; de présupposer une certaine permanence d'efficacité en longue durée, qu'on ne saurait garantir. En complément, il reste à rappeler combien demeure difficile le partage entre « basique » et « domestique » : beaucoup de secteurs d'activités sont « mixtes » : dans la construction (bureaux, équipements, habitat), dans la distribution commerciale (grossistes et détaillants), dans les services opérationnels (bureautique-domotique, informatique, nettoyage) la banque-assurance, les transports de personnes, la restauration ou l'accueil... Au total, les économies locales sont le plus souvent un assemblage variablement dosé de contributions « basiques » et « non basiques », marchandes et non marchandes, pourvoyeuses de « ressources » (entreprises, ménages, collectivités) inégalement exprimées par l'emploi local (cf. migrants pendulaires et migrants frontaliers) et par des facteurs spécifiques : attractifs (aménités, équipements) ou centrifuges (évasions, réseaux externes). Tous ces éléments étant, en outre, non figés dans le temps, et soumis à des mutations récentes ou en cours non négligeables. 82 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les modifications actuelles de rapports aux territoires Les mondes de l'entreprise ont enregistré ces dernières années bien des évolutions structurelles. Les systèmes de production agricole (au sens large), l'artisanat local de production – hors domaines artistiques –, les systèmes de distribution finale en proximité de biens et services aux habitants..., ont été remodelés. Dans les activités « basiques », la conquête des marchés s'opère par la technologie, l'innovation, la productivité et les transformations organisationnelles ; avec des répercussions sur les volumes, les qualifications ou compétences des salariés (cf. statuts, % de cadres ou professions intermédiaires...) ; avec des changements survenant dans les critères de localisation, dans les externalisations et nouveaux rapports industrie/tertiaire, dans les implications inégalement territorialisées des filières, des clusters ou pôles de compétitivité, comme dans le registre des délocalisation totale ou partielle. Les anciens « bassins de main-d‟œuvre » dessinés par les recrutements locaux sont remodelés. Les assiettes autrefois surtout industrielles sont transformées par la progression tertiaire ainsi que par les mobilités professionnelles et géographiques ; et l'emploi public, sensiblement étoffé, compte de plus en plus. Le revenu entrepreneurial issu de la valeur ajoutée ainsi qu'une part du revenu du capital sont en grande partie exportés des territoires de petite taille non résidentiels, comme une fraction (variable) des rémunérations (L. Davezies, 2000). Dans les revenus des ménages au niveau national, notait cet auteur, – sur l'année 1996 –, 22% émanaient des salaires publics ; 23% venaient des pensions et retraites et 25% des autres prestations sociales. Dans nombre de régions, les salaires privés étaient inférieurs à la somme des salaires publics et des prestations sociales : en exceptions en parts inverses : l'Ile-de-France et l'Alsace. L'évolution de l'emploi entre les années 1975 et 1990, observe-t-il, donne un solde de 1,3 million de postes ; mais avec + 1,5 million d'emplois publics, et - 0,3 million d'emplois privés. Des fonds publics ont pourtant induit ou soutenu nombre d'emplois privés au service des ménages ; le secteur domestique marchand (grossi de + 600 000 créations nettes d'emploi), devient ainsi un élément « porteur » assez généralisé du développement. L'économie présentielle issue des loisirs et du tourisme apporte un appoint (étoffé par les gains sociaux en temps libre) quand le territoire s'y prête ; cependant, les mobilités, inversement, y facilitent plus ou moins les « évasions de consommation ». Enfin, la dynamique sociale intervient selon plusieurs facettes. L'expansion résidentielle impacte divers domaines d'activités : les services aux particuliers (selon les densités, les âges, les niveaux de ressources) ; les commerces (selon les budgets voués à la consommation et aux déplacements) ; la construction et les activités immobilières... Les progrès de l'emploi féminin, de l'encadrement (au sens large) dans les entreprises ou les services publics, représentent des facteurs généraux de mutations des ressources de foyers et des éléments de sensibles différenciations (métropolisation, niveaux de grands équipements, diversification des emplois, par exemple) ; et les modes de vie ont gagné en « temps libre ». 83 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Dans ces conditions, on rapproche volontiers la notion d'économie résidentielle de celle, en évolution, de « territoires de consommation ». Ainsi, les campagnes ont connu l'exode rural des années 1950-1980 puis les ondes de l'urbanisation desserrée ; mais parallèlement en même temps des déficits d'emploi féminin, des départs de jeunes pour les études, voire pour la vie professionnelle. En Alsace, il est en outre des territoires assez spécifiques : ceux qui tirent parti d'emplois frontaliers par ex. ; les piémonts des Vosges aussi, (à la fois espaces d'aménités et d'accueil de diverses industries de la base, de résidents – et donc d'activités domestiques –, de flux touristiques...) ; ou encore des territoires de « marge(s) » (Ritma, 2001). S'en démarquent des aires métropolitaines – encore que différentes sur Strasbourg et sur Bâle –. Et en même temps, ces différents traits dessinent des territoires chevauchants : par effets des densités et proximités de lieux centraux – et donc d'équipements (certaines redondances) ; du maillage en transports aidant aux mobilités et ouvrant des choix multiples de fréquentation... Saisir à quelles échelles ? Outre le niveau régional, permettant d'évaluer les parts de « l'endogène » et de « l'exogène » dans les dynamiques économiques ainsi que des traits de spécialisation ou de diversification, les « zones d'emploi » constituent des cadres significatifs d'équilibre ou de différenciation territoriales. Rappelons que leur individualisation s'établit à partir des migrations pendulaires de travail majoritairement polarisés localement, même si l'emploi s'y répartit éventuellement sur plusieurs lieux proches. Il faut alors observer que ce sont principalement les « activités basiques » qui en fournissent les clés de lecture majeures (changements dans la nature des emplois, évolutions des branches ou effets induits). Sont ainsi dégagés des profils, dépendant des spécialités ou des degrés de concentration des entreprises, d'ancrages locaux ou d'ouverture aux grands marchés, et expliquant des modalités de liaison à des activités tertiaires (services aux entreprises, commerce de gros ou fonctions d'intermédiation, logistique voire transports par ex.). Ces profils peuvent ressortir comme plus accentués qu'au niveau régional, et donner des tonalités locales sur le marché du travail et de l'emploi plus manifestement réactives. Ainsi, voit-on dominer dans la zone d'emploi de Molsheim-Schirmeck les industries mécaniques et celles des composants électriques et électroniques ; dans celle de Mulhouse la production automobile ; dans celle de St-Louis/Bâle la chimiepharmacie... comme ont pesé longtemps les travaux du textile dans les vallées vosgiennes. Cependant, les zones d'emploi sont assez peu signifiantes pour diverses activités ayant d'autres appuis que la présence de main-d‟œuvre polarisée « localement » : les fonctions métropolitaines pour les activités financières ou de conseil aux entreprises, la recherche liée aux universités, par exemple ; la qualité des carrefours pour le commerce de gros ou les transports ; des atouts « sitologiques » pour le tourisme ou pour la logistique ; les critères de centralité pour les formes du commerce de détail... Bref, diverses combinaisons sont susceptibles de s'épauler... En revanche, il apparaît utile de considérer une autre 84 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 échelle territoriale pour une bonne part des « sphères » d'administration ou de l'économie dite résidentielle : celle des « bassins de vie » tels que définis par l'Insee dans les années 1980-1990. Leurs fondements : les jeux des centralités locales, des échanges économiques et sociaux de services, d'une dynamique liée aux caractères socio-démographiques comme aux modes de vie en appelant de plus en plus de consommation de services par les ménages (v. Cahiers de l'APR, 2011-1, 3ème Partie). Mais on sait que leur pertinence est contrebattue par les développements pris par les mobilités, par les ondes de la périurbanisation – laquelle réduit la proportion de tels bassins pouvant être considérés comme « autonomes » ou « partagés » au profit de bassins « dépendants » (v. pour la région, Chiffres pour l'Alsace, n°35, 2006). Que la consolidation des intercommunalités de base revendique aussi sa propre logique pour les remplacer. Que par ailleurs la pratique de chacun de « vivre et s'inscrire » au quotidien – ou presque – dans plusieurs niveaux spatiaux d'organisation des services et équipements tend à effacer la validité de tels cadrages. Il importe donc de garder à l'esprit les diversités de situations et de porosité induits par les modifications comportementales récentes ou en cours... 85 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Document 10 : Les revenus des ménages par commune Revenus des foyers fiscaux A ve c 3 % d e s re ve n u s m é tro p o lita in s im p o s a b le s, l'A lsa ce o cc u p e le 2 e ra n g d e s ré g io n s p o u r le re ve n u p a r fo ye r fis ca l. To u te fo is, c e re v e n u co n n a ît u n e p ro g re ssio n p lu s te n u e d e p u is 2 0 0 1 , la ré g io n se cla ssa n t a u 1 0e ra n g d e s é v o lu tio n s. C e n ive a u d e rich e ss e e n co re é le vé n e d o it p a s m a s q u e r le s fo rte s d isp a rité s a u s e in d u te rrito ire a lsa cie n , d o n t le s p é rip h é rie s le s p lu s é lo ig n é e s d e s g ra n d e s ville s e t ce rta in s q u a rtie rs u rb a in s se s itu e n t e n d e çà d e la m o ye n n e n a tio n a le . N ord P as-de-C alais H aute N orm andie B asse N orm andie P icardie Ile de F rance L orraine A lsace C ham pagne A rdenne B retagne P ays de la L oire C entre B ourgogne F ranche C om té P oitou C harentes L im ousin A uvergne R hône - A lpes A quitaine L anguedoc - M idi - P yrénées P rovence - A lpes C ôte d'A zur R oussillon C orse 0 R even u m oyen im p osab le p ar foyer fiscal en 2004 A lsace F rance : : 17 467 € 16 588 € 46 039 20 000 18 000 60 120 180 km P op u lation d es u n ités u rb ain es en 1999 427 245 234 445 86 50 10 2 832 000 478 057 17 000 16 000 0 10 15 000 2 0 km 8 1 67 L ib er té • É g a lit é • F r a te r n ité L ‘espace alsacien et le contexte national 86 D épartem ent Z o ne d’em ploi S ources : D G I 2005 — IN S E E 1999 F onds de cartes : © IG N - G E O F L A - 2001 C artes réalisées avec le logiciel P hilcarto : http://perso.club-internet.fr/philgeo 6 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 3.2 Points de vue centrés sur l'Alsace et ses territoires Il n'est pas question de dresser ici un tableau des évolutions économiques régionales pour elles-mêmes ; mais plutôt de sérier de plus près les changements opérés selon les caractérisations ci-dessus présentées de manière générale : comment jouent les mutations des activités basiques, des sphères d'économie résidentielle et d'administration, voire présentielle, dans les dynamiques territoriales infra-régionales ? Comment l'urbanisation en diffusion modifie-t-elle les situations locales en une ou deux décennies, et avec quelles perspectives ? Partons d'un exemple : les mutations économiques sur le territoire du « Pays Bruche-Mossig-Piémont » Le secteur du piémont vosgien à une vingtaine de kilomètres à l'Ouest de Strasbourg, et le Val de Bruche qui y débouche en plaine constituent une « zone d'emploi » à la fois sous influence de la métropolisation strasbourgeoise et dotée de bases de développement autonome ; à la fois animée par des activités basiques (dynamiques), résidentielles (renforcées par la périurbanisation), et présentielles (grâce à un fort potentiel d'attractivité pour le tourisme et les loisirs). Chaque segment connait des évolutions récentes avec effets directs et indirects, et induisant des interrogations au plan du développement durable. La zone d'emploi, en termes de population, est passée de 76 000 habitants en 1962 à près de 100 000 en 1990 et à plus de 117 000 en 2010. L'emploi au lieu de travail a crû de 30 500 en 1982 à 47 230 en 2010, pendant que les résidences principales, au nombre de 30 630 en 1982, devenaient 40 730 en 1999 et approcheraient, voire dépasseraient les 43 300 en 2007. Ce qui entraîne un accroissement sensible d'actifs au lieu de résidence (37 150 en 1982, 55 500 en 2010), de femmes actives (+ 26% dans la décennie 1990, soit la progression en pourcentages la plus forte de la région), et une multiplication considérable des flux pendulaires internes et externes : 21 000 sortants en 2006, et 14 000 entrants. Sans parler d'efforts entrepris en équipements et services publics. L'industrie y est particulièrement présente. Elle a connu une forte relance de son tissu ancien grâce à des investissements extérieurs tournés vers les grands marchés et les hautes technologies. Au point de proposer 34% des emplois présents (mécanique, composants électriques et électroniques, industries agroalimentaires, bois et dérivés en fixant les deux tiers). Il s'agit donc d'activités « basiques », fixant 57% des actifs de l'industrie et où 17% des établissements recensés dépassent les 200 salariés ; où nombre de PME de 20-50 salariés (19% des salariés industriels) leur sont liées par la soustraitance : cas de bien des firmes « familiales » – soit 30% des unités aujourd'hui. En termes de gouvernance, désormais 57% des entreprises industrielles relèvent de sièges nationaux (27%) et internationaux (30%) pilotant 80% des emplois du secteur secondaire local. Les clientèles des PME de la mécanique se trouvent auprès des firmes de grands groupes, celles des IAA sont à 93% dans les chaînes de grande distribution ; pour les filières de composants électriques-électroniques 87 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 ou du bois et dérivés, les marchés sont surtout spécifiques et externes. Par les ventes, on voit ainsi que 52% des effectifs travaillent pour une chalandise internationale, 33% pour un marché national, et 11% dans une configuration transfrontalière : 8% seulement sont liés à l'économie locale ou régionale. Même si, parmi les salariés de l'industrie, figurent des « tertiaires » : (commerciaux, études-méthodes et R&D, ou logisticiens), il est clair que maintes unités de « services aux entreprises » sont animés par ce tissu productif : transports, conseil, services opérationnels, ou grossistes interindustriels. Le volume de leurs emplois a beaucoup progressé depuis les années 1960-1970. Enfin on observera que les activités basiques fournissent le salaire de 60% des actifs résidents de la zone détenant un emploi, pendant que 42% des postes en dépendant sont tenus par des migrants quotidiens venant des zones d'emploi voisines (dont celle de Strasbourg, principalement). La zone d'emploi a enregistré, de par ce renouvellement industriel mais aussi de par son attractivité locale (villes et équipements + zones d'activités, dessertes améliorées, aménités de sites et de paysages) et de par sa démographie propre, un important accroissement de peuplement. Le Pays de Sainte-Odile (Obernai) a doublé sa population entre 1962 et 1999 ; le canton de Rosheim a crû de 11 120 hab. en 1975 à 13 525 en 1990 et à 16 950 en 2006 ; celui de Molsheim de 28 230 à 33.100 puis à 40 057 aux mêmes dates. Une bonne part revient aux soldes migratoires. Si, entre 1968 et 1975, les soldes naturels l'emportaient encore, ce n'est plus le cas depuis cette date jusqu'en 1999 : avec 50-60% de provenance du Bas-Rhin (dont l'agglomération de Strasbourg, notamment), 4-5% du Haut-Rhin, et le reste d'autres régions ou de l'étranger, augmentés des « retours au pays » à la retraite. Dans ces soldes migratoires, on relève en particulier les arrivées des tranches d'âge 25-35 ans, alors qu'un déficit marque les 15-24 ans. En 1999, le recensement notait que 40% des habitants des communes de Bischoffsheim, Niedernai ou Mollkirch n'y résidaient pas en 1990, comme 37% de ceux d'Obernai. Les cantons ici considérés ont encore gagné, entre 1999 et 2006, quelque 5 000 habitants (plus de 1 300 dans le canton de Rosheim, 2 560 dans celui de Molsheim, et près de 1 000 dans celui d'Obernai). Parallèlement, ces modifications imprègnent les compositions sociales : prévalence des ménages de moins de 40 ans, souvent avec des enfants d'âge scolaire, avec augmentation des CSP « cadres » ou « professions intermédiaires », des diplômés, des personnes mobiles... Et une demande résidentielle accentuée sur la résidence en immeubles collectifs, en location. Le revenu moyen par foyer fiscal est assez nettement supérieur à la moyenne départementale (en 2000, 17 000 euros, contre 16 000) et la proportion de foyers non imposés plus faible qu'ailleurs. Sur la zone d'emploi en 2006, on dénombre en effet la présence résidentielle, selon la CSP de la personne de référence, de plus de 14 960 habitants rattachés aux « cadres et professions intellectuelles supérieures » (13,1%) et de 20 880 aux « professions intermédiaires » (18,2%), aux côtés de près de 10 000 dans les foyers d' « employés » (8,7%) et de 31 575 dans ceux d'« ouvriers » (27,6%) comme de moins de 1 500 auprès « d'agriculteurs exploitants ». On notera par 88 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 ailleurs le niveau atteint par les familles dont le chef est « retraité » : une population de 26 400, soit 23,1%). De telles mutations dans le peuplement, ainsi que la diminution de la taille des ménages (de 3,3 à 2,7 entre 1968 et 1999, voir Insee-Syndicat mixte du Pays, 2004), suscitent de forts mouvements de la construction. Les résidences achevées entre 1975 et 1981 ont été au nombre de 5 730, entre 1982 et 1998 de 5 850, entre 1990 et 1999 de 6 192, et entre 2000 et 2006. Les EPCI du piémont voient s'y accroître la part des logements en immeubles collectifs : déjà 41% en 1999 sur Obernai (Pays de Sainte-Odile) et 20% dans le canton de Rosheim, 32% dans celui de Molsheim. Dans ces sous-ensembles, les logements en immeubles sont à 45-52% occupés par des ménages venus depuis 1990. D'où une activité dans la construction qui offre dans la zone d'emploi plus de 6 915 postes de travail (c'était 1 825 en 1979). En matière d'économie résidentielle, diverses rubriques ont pris de l'ampleur. Le commerce de détail qui en 1989 ne comptait que moins de 4 000 postes de travail avoisine les 4 500 en 1997 et les 5 660 en 2006 (dont 5 320 salariés). L'accroissement des services aux particuliers (santé, action sociale, éducation, services domestiques) progressent de 1 500 environ à 2 000, puis à 3 170 en 2006 aux mêmes dates. La « sphère publique » locale (administration et services non marchands) s'est tout autant étoffée dans ces dernières décennies : environ 3 800 en 1982, 6 030 en 1990, et maintenant plus de 7 000. Mais plusieurs équipements visent une fréquentation dépassant l'aire de la zone d'emploi, tels le Dôme à Mutzig, la Chartreuse à Molsheim ou l'Espace Athic à Obernai. NB : des ambitions du même ordre se lisent dans les réalisations récentes ou en projet dans le domaine sportif, dans le champ commercial et des loisirs. Un complément substantiel de l'économie locale repose sur les fréquentations touristiques ou de loisirs qui alimentent une économie présentielle difficile à distinguer des activités liées aux populations résidentes. Sinon, partiellement, par les emplois de l'hôtellerie-cafés-restaurants : ceux-ci offraient du travail à 1 180 salariés en 1988, et à 1 540 en 1997 ; leurs effectifs sont de l'ordre de 1 810 en 2009 (17% d'augmentation sur l'année 2000). Car la zone d'emploi est bénéficiaire de plusieurs avantages. Elle est dans l'aire de détente des habitants de l'agglomération strasbourgeoise (cf. le Champ du Feu, en toutes saisons ; le Val de Bruche et les coteaux sous-vosgiens, ou les forêts du massif pour les promenades) ; les résidences secondaires de citadins ont une place non négligeable : ce sont 4-5% des habitats dans les cantons de Molsheim et d'Obernai, mais plus de 9% dans celui de Rosheim, et 13% dans le canton de Schirmeck – on atteint plus de 30% dans celui de Saales. Le territoire est concerné par des « routes » attractives : Route des Vins, Route Romane, et Route de la Mémoire, avec le Mémorial d'Alsace-Moselle et le camp du Struthof (dont Centre européen du résistant déporté). Elle détient aussi des équipements d'hébergement de toutes catégories : VVF, campings, hôtellerie de bon niveau (avec une démarche récente d'hôtels de luxe), gîtes ruraux et chambres d'hôtes ; avec la 89 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 restauration et les animations et fêtes saisonnières, la zone comporte là un gisement de près de 14% des emplois (environ 10,5% d'emplois salariés pour 1 000 hab.), dans la moyenne de ce qui caractérise la « zone Vignoble » définie par l'Insee (v. Chiffres pour l'Alsace, n° 19, 2004). L'économie présentielle s'établit complémentairement sur le tourisme urbain de ses villes au cachet médiéval ou moderne, sur le tourisme muséal (le Fort de Mutzig, la Manufacture d'armes blanches de Klingenthal...), sur les équipements à large rayonnement : scolaire (cf. cité scolaire et CFA à Molsheim, lycée agricole d'Obernai) ou culturel (le Mont Sainte-Odile, les réalisations déjà citées, projets de centres de congrès), ou encore sur les progrès de quête de santé – bien-être cherchés auprès des lieux de nature (Schirmeck, Hohwald, par ex.). Tous ces éléments contribuent à faire fonctionner le « Pays », en dehors de ses ressources propres, comme un bassin-relais lors des grandes manifestations promues par la métropole régionale ou les instances alsaciennes et européennes sises à Strasbourg. Economie et périurbanisation dans l'optique du développement durable Les analyses existantes en la matière se placent surtout dans les cadres des Scots et des documents d'urbanisme intercommunaux ou communaux. Les vues sont dès lors inégalement ciblées : le Scot du « Piémont des Vosges », qui couvre les cantons de Rosheim, Obernai et Barr, s'attache aux aspects de dynamique économique, urbaine et périurbaine modifiant un « linéaire » sous-vosgien fortement viticole. Celui de « l'agglomération de Molsheim » parait davantage organisé sur une aire urbaine polynucléaire, tandis que se trouve à part le Val de Bruche ayant ses questionnements propres : d'emploi, de revitalisation de peuplement, de sauvegarde de paysages ouverts et d'implication dans le tourisme de nature. Les deux premiers ont en commun les problématiques fortes de pression foncière et de consommation d'espace, de mixité fonctionnelle et de traitements urbains, de mixité sociale, de mobilités (internes et externes) en liens avec les systèmes de transports existants ou programmés,... à des degrés plus marqués qu'en vallée de la Bruche davantage soucieuse des maintiens ou renouvellements de l'emploi, de gestion de la nature et du tourisme diffus. Mais l'ensemble se retrouve sur les questions d'environnement et de paysages, comme de préservation des ressources naturelles (forêts, eaux, biodiversité, risques, trame verte). Le PADD du Scot du Piémont des Vosges (35 communes, 4 EPCI) souligne les incidences d'un passage envisagé de 53 000 habitants en 1999 à quelque 70 000 à l'horizon 2025, alors que le parc d'habitat a déjà progressé deux fois plus vite que la population entre 1975 et 1999 et qu'un doublement des surfaces urbanisées (habitat, économie, équipements) a été opéré entre 1950 et 2000. Il doit aussi intégrer les améliorations d'infrastructures de transport : la VRPV achevée en 1999, et peut-être la réalisation prévue d'un GCO de Strasbourg à son aval, et la mise en fonction d'un tram-train qui, au-delà de Molsheim, ira bientôt jusqu'à Barr (un autre rameau pénétrant en Val de Bruche). Enfin, la dynamique économique pose la question des problèmes de formation et d'adaptation des emplois et des qualifications – au long de la vie active – dans l'industrie et les services pour les 90 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 entreprises comme pour des peuplements en évolution. Les études entreprises font envisager un besoin, d'ici 2025, de 500 ha pour « l'urbanisation » (50% pour l'habitat, 38% pour les activités, et 12% pour les équipements) : tout en sauvegardant le vignoble AOC et les espaces agricoles. Avec un foncier rare et très cher, ce qui impose de gros efforts de rationalisation qualitative et quantitative (pour la résidence, il faut compter entre 25 et 35 000 euros l'are aux alentours d'Obernai). Il faut aussi, corrélativement aux évolutions démographiques, s'efforcer de garder localement les jeunes et les ménages jeunes, ouvrir les offres locatives, intégrer les effets du vieillissement (les 60 ans et plus vont connaître des effectifs doublés en 25 ans) et de la diminution de la taille des ménages... La cohésion territoriale et sociale y est traitée : a) par le souci d'une armature des équipements et services, du village et du bourg-centre (proximité), au « bipôle » Molsheim-Obernai comme niveau de ville moyenne ; b) par les efforts de complémentarité d'équipements (crèches et périscolaire, culture, sport, santé, loisirs) ; c) par une politique de recomposition urbaine : relance de traitement des cœurs urbains (OPAH, ORAC, mutations du bâti) densification de l'existant, et constitution de « quartiers-gares » dotés de mixité fonctionnelle ; d) par le renforcement des parcs de logements sociaux, des accueils de personnes âgées dépendantes ou en structures pour courts et moyens séjours... Les perspectives économiques du PADD, par-delà les 18 000 emplois de 1999 et avec le souci de maintenir l'actuel ratio entre emplois/actifs à l'horizon 2025 – compte tenu de la progression démographique estimée pour cette date –, visent à l'accueil de 3 700 nouveaux postes de travail ; d'où une réservation de quelque 200 ha, en aires contrôlées, maîtrisées et mises aux normes du développement durable. Ceci en vue également de restreindre la tendance d'évolution du Pays en « secteur dortoir » (freiner les déplacements domicile – travail parallèlement), comme de préserver les espaces de production agricole. À propos de l'agriculture – viticulture, une dynamique de respect des qualités environnementales est encouragée. Cependant, il y a lieu de considérer tout autant les changements structurels et les incertitudes de marchés des entreprises pourvoyeuses des activités basiques. Dans le cadre cette fois de la zone d'emploi, la Maison de l'emploi, de la formation et de l'entreprise de Molsheim (MEFE) relève que le taux de chômage évolue : de 4% début 2001, il s'est porté à 5,5% fin 2005, puis de 4,6% fin 2006 à 5,6% début 2011. L'industrie, qui a perdu 1 200 postes de travail entre 1999 et 2002, connait encore des érosions d'effectifs (170 licenciements économiques en 2005 par ex). L'incertitude pour l'avenir tient sans doute moins au caractère « exogène » dominant de gouvernance des entreprises qu'aux moyens de faire évoluer les postes « classiques » de production (ici, environ 50%) vers des compétences plus en phase avec les technologies et les innovations ou les nouveaux marchés dans les concurrences élargies. La « durabilité économique » inclut en conséquence 91 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 une forte dimension de formation (initiale et au long de la vie). Pour le secteur du tourisme et des loisirs, apparaît nécessaire une « gouvernance » moins parcellisée, comme serait indispensable une organisation stratégique coordonnée, et plus en phase avec les « évènements » métropolitains strasbourgeois. Les qualités environnementales constituent un patrimoine riche à sauvegarder et transmettre, un enjeu de premier ordre, une exigence à respecter. Une démarche paysagère globale est nécessaire : maintenir la mixité des espaces agricoles (vignes, vergers, prés et cultures) et forestiers ; protéger les biotopes spécifiques et la biodiversité ; assurer la qualité des eaux (sources et nappes) par le contrôle des effluents et polluants ou rejets ; établir en continu la surveillance vis à vis des risques naturels (inondations, coulées de boue) et industriels... v. étude préalable Ecolor, 2003 et schémas suscités en région ; inclure les paysages urbains, car ils sont un patrimoine remarquable d'art et d'histoire, ainsi que les extensions d'habitat, pour lesquels des formes et des densifications écartant autant que faire se peut la banalisation répétitive, ou encore les zones d'activités à « paysager » là aussi – comme on a su le faire au long de la VRPV –. Les déplacements constituent un autre champ d'investissement en développement durable : d'où des programmes de circulations douces, de dessertes par rail (gares, rabattements et transports collectifs locaux ou à la demande, intermodalité permise par les cadencements et par le stationnement). Le fret ferroviaire mérite également une approche renouvelée, compte tenu de la forte présence de grands établissements comme de la promotion désormais hiérarchisée des zones d'activités. Bref, le cas exposé (trop brièvement, voire lacunairement) du Pays « BrucheMossig-Piémont » fait concrètement ressentir le besoin de conjuguer les imbrications de différents fondements du développement économique examiné à l'échelle de territoires sous-régionaux. Où le zonage «institutionnel » (EPCI, Scot), les zonages d'étude (emploi, tourisme...) et le zonage né des modalités de l'urbanisation (aires urbaines, communes multipolarisées ou espaces à dominante rurale) s'interpénètrent et doivent se compléter, tant dans les « états des lieux » que dans une approche prospective. Vues économiques sur les autres territoires (hors grandes agglomérations) Un éclairage a été apporté sur les aspects du territoire lié au grand établissement de Peugeot-Mulhouse et à son aire de captation d'emploi, par S. Heim dans les pages précédentes. Le n°2 de Chiffres pour l'Alsace de mars 2009, est à en rapprocher. Assez unique en région, ce cas est spécifique et de ce fait non inclus ici. On met à part aussi les aires soudées aux grandes agglomérations régionales, dont les forces se conjuguent selon une « logique urbaine » nourrie de forte centralité et de fonctions supérieures, et fournissant désormais bien davantage d'emplois que les entreprises industrielles. Encore que ces dernières aient précocement (deuxième moitié du XIXème siècle) induit le peuplement et la vie économique initiale des banlieues (premières couronnes), avant les progrès des activités tertiaires contemporaines. Les aspects s'y rapportant ont nourri l'essentiel de la Partie 2 des Cahiers de l'APR n°2011-1, à laquelle le lecteur est prié de se 92 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 reporter. Les autres territoires de l'espace alsacien peuvent être considérés selon les plusieurs zonages qui viennent d'être signalés. Sont ici retenus ceux des zones d'emploi et des aires d'urbanisation définies en 1999 par l'Insee. Les activités « basiques » ressortent bien du découpage en zones d'emploi, puisque celui-ci est fondé sur des flux de travail dominants. La dynamique industrielle y joue un rôle majeur, entraînant d'autres activités dépendantes, de logistique, de gros interindustriel ou de services aux entreprises par exemple. Tableau 4 : Le poids de l'industrie dans les zones d'emploi alsaciennes Zones Emplois industriels % d'emplois Id., dépendants Evolution des salariés URSSAF Chômage, d'emploi 1999 2003 industriels de l'étranger 2009/2008 2010/2009 taux 2010 Alsace 181478 153800 8,8 Wissembourg 6415 6496 43 64 -3 -0,8 7,3 Haguenau16668 16966 33 55 -4 2,5 7,8 Niederbronn Saverne10803 10792 34 30 à 50 -2,5 2,5 7,2 Sarre-Union Molsheim28923 27521 37 30 à 50 -4,7 2,2 6,2 Schirmeck Sélestat-Ste9798 10140 30 30 à 50 -2,2 0,4 7,9 Marie-aux-Mines Colmar18597 18679 25 67 -3,2 0 8,1 Neuf-Brisach Guebwiller 5807 5928 31 ? -4,2 1,5 7,4 Thann-Cernay 8468 7886 35 52 -2,4 0,4 8,7 Altkirch 3762 3597 26 <30 -4,2 -0,9 7,2 Saint-Louis 5366 5797 31 75 -2,3 1,7 7,1 Strasbourg 37945 35943 14 39 -2,4 0,8 9,8 Mulhouse 28923 27721 25 <30 -3,3 0,3 11,5 Services à la production* 1998 82390 905 2008 69144 963 3524 3745 2503 2395 3735 3277 2575 2742 7839 6742 1000 1323 896 1818 40556 15715 1485 1736 846 1918 32202 11094 * Effectifs dans les services liés aux entreprises. Services à la production, 1998. Services aux entreprises, 2008 (actifs au lieu de travail) Sources : Insee-Alsace : document de travail « spécialisations et concentration de l'emploi en Alsace », avril 2005, et recensement 2008 (exploitation complémentaire). Statistiques URSSAF parues in DNA du 9 avril 2010 et du 21 mai 2011 ; chômage : DNA du 8 avril 2010. Comme on le voit, les territoires alsaciens, sauf à Strasbourg et Mulhouse, sont tributaires à hauteur de plus de 30% et plus des emplois industriels, complétés de services liés. Et dans une situation marquée de sensibles dépendances de sièges extérieurs à la région (le tableau ne prend pas en compte les sièges franciliens, lyonnais ou autres de l'économie nationale). La crise économique toute récente (2008) s'est partout répercutée sur l'ensemble des emplois salariés marchands (Urssaf), combinée aux restructurations de branches engagées ces dernières décennies. Les résistances inégales dépendent en fait des spécialisations et degrés de concentration industrielle des différents territoires. Ici ou là, interviennent quelques autres éléments : travail frontalier, participation à des pôles de compétitivité ou clusters dont les réseaux ont leur propre géométrie, ou à des actions plus locales de développement (labellisées ou non). Pourtant, les économies locales sont de plus en plus dépendantes des processus actuels d'urbanisation. Les zones d'emploi ne conviennent que médiocrement pour saisir les évolutions des activités tertiaires marchandes, où prévalent soit les niveaux de centralité urbaine, de desserte en transports, soit les calages suivant les rôles administratifs (commerce, services supérieurs aux entreprises par ex), soit encore des avantages de site (tourisme, ou logistique exploitant des carrefours, la voie d'eau, des espaces disponibles). Quant aux 93 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 commerces et services de proximité aux particuliers, leurs traits devraient dépendre surtout des densités, des modifications géographiques de la résidence (avec leurs caractères socio-démographiques et de revenus des ménages), de composition des soldes migratoires, et marquées par les mouvements de la construction... bref, des marquages de l'urbanisation contemporaine. Tableau 5 : Aperçus sur les ventilations d'activités selon le zonage en aires urbaines Population 2006 densités/km² Couples avec enfants, 1999 en % de l'Alsace 2006 Logements 1999-2005 ordinaires id., % Emploi total, 2007 nombre % Commerce détail hors automobile Commerce automobile Commerce 1999-2006 Services associatifs Services à la personne Autres activités domestiques Action sociale Administrations Services aux particuliers 1999-2006 % dans l'emploi total ZAU, Zonage en Aires Urbaines Communes Alsace Pôles 1ères couronnes 2e couronnes multipolarisées 1845466 33,9 24,1 18,5 6,8 219,2 368 à 1160 110 à 175 75,8 100 28,5 21,9 21 7,9 100 27,7 21,1 28,1 7,1 10296 2359 2190 2648 2402 100 22,9 21,3 25,7 24 665466 318891 154521 77992 38064 100 47,9 23,2 11,7 5,7 50354 45,3 29,3 11,2 4,7 11430 35,7 37,3 13,6 4,1 14,2 10,9 à 14,7 14,7 à 20,5 14,4 à 20,5 12,3 7961 60,9 18,6 6,8 9,5 6340 50,3 21,3 11,9 12,5 1296 37,6 48,8 10,2 2,7 17939 52,2 21,3 8,2 17,2 60759 70,7 11,6 6,6 7,8 0,4 -1,8 à +0,1 -1,9 à +0,2 0,7 7,1 6à9 6,3 à 8,2 7,8 Espaces à dominante rurale 19,4 111,5 21,5 22,3 693 6,2 75996 11,4 9,3 9,3 10,4 4,2 4,2 0,7 7,2 3,3 0,2 7,5 C'est pourquoi il a été tenté de mettre en regards ces nouvelles donnes en fonction du zonage en aires urbaines, ce qu'esquisse le Tableau 5. On y joint les services opérationnels destinés aux entreprises, pour tenir compte des desserrements, transferts ou créations guidés par les besoins ou avantages d'exurbanisation, de réalisation de zones concertées d'activités de plus en plus externes aux agglomérations, ainsi que les volumes d'emploi des services non marchands. Cependant, il faut garder présent à l'esprit divers éléments venant contrecarrer une « logique suiviste » : les mobilités des individus et ménages ainsi que leurs choix de fréquentation dans une région riche en villes (atouts modulés par les revenus ou les CSP) ; les persistances de liens d'habitudes ou de fidélité), et encore les traits soumis aux mutations des modes de vie – qui font bouger les intensités de recours aux services, les champs de dépenses commercialisables, ou amènent à conjuguer les divers horizons de notre multi-appartenance territoriale –. Un tel tableau n'est qu'une esquisse. Du moins tente-t-il d'attirer l'attention sur une autre approche de répartition d'activités que l'on suppose liées au processus d'urbanisation, aux évolutions socio-démographiques et au mouvement de la construction résidentielle en périphéries ou vers l'espace rural qui accompagnent ce processus. 94 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Toutefois, signalons plusieurs précautions à prendre pour interpréter les données chiffrées : Les regroupements spatiaux proposés comportent des ambiguïtés. Les modifications relatives aux aspects socio-démographiques dans les pôles d'agglomérations n'ont pas de réelle unité, car modulées par les tailles de ces centres – entre grandes villes et villes moyennes ou petites –. De même, la périurbanisation en couronnes, autour de noyaux de moins de 20 000 âmes, ne porte que sur de petits nombres de communes, des effectifs et des aires modestes, par contrastes avec les expansions observables autour des grands centres urbains (là, de ce fait, sont mentionnées plutôt des « fourchettes » ayant une valeur indicative). Le calage majeur sur l'évolution entre 1999 et 2006 ou 2007 est insuffisamment significatif des évolutions. On sait que la périurbanisation en premières couronnes a été amorcée bien avant les années 1960 pour constituer les Unité urbaines majeures ; les deuxièmes couronnes, pour cellesci, lancées dans la période 1960-1970, arrivent maintenant en fin de cycle de soldes migratoires positifs. En revanche, le dynamisme résidentiel (comme économique) des couronnes de villes moyennes et petites demeure sensible. Pour suivre des rubriques d'emploi ciblant les particuliers et les personnes, on manque par ailleurs de détails relatifs aux périodes antérieures au fichier CLAP de l'Insee qui date de 2004 (et dépend des adaptations de nomenclature). Les définitions catégorielles CLAP d'activités posent quelques problèmes de contenu. Les services aux particuliers, malgré leur dénomination qui paraît répondre aux clientèles locales, englobent l'hôtellerie-restauration et divers hébergements comme les agences de voyages souvent influencés par les loisirs et le tourisme (une part de l'économie présentielle), voire certaines activités culturelles dont le niveau dépend des niveaux de centralités comme de gestion-animation des territoires. Il en va de même pour les emplois des administrations (en adaptations). D'où l'approximation de fait des chiffres obtenus par les pôles urbains dans le tableau 5. Le commerce de détail, en éventails à la fois plus riches et plus denses en grandes agglomérations, recouvre d'autres significations qu'en deuxièmes couronnes ou en zone d'urbanisation plus externes. Ajoutons que les données Urssaf ne donnent que les effectifs salariés, ce qui pose problème dans le petit commerce, l'artisanat et les services aux personnes, notamment. Et que certaines rubriques sont très « globales » : santé (médecine libérale, paramédical, ou hôpitaux et maisons de soins), transports (du taxi à la SNCF)... Les indications de structures d'âge ou de ménage sont associées au tableau pour attirer l'attention sur certains besoins spécifiques, tels les crèches ou encadrements périscolaires pour les couples avec enfants, ou les soins et équipements destinés aux personnes âgées. Et les comparaisons selon les ventilations par familles d'espaces d'urbanisation (population, densité, logement, d'une part, effectifs d'emplois dans les services s'occupant du peuplement d'autre part) entendent faire état des décalages de degrés de présence selon les lieux. D'une autre manière, cela éclaire les obligations imposées aux habitants 95 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 « externes » de mobilité pour fréquenter l'offre des agglomérations plus ou moins proches, ou de s'impliquer dans l'économie pilotée par le numérique et internet... Dans l'attente de pouvoir mieux exploiter les données du fichier « Clap » de l'Insee dans la configuration du zonage en aires urbaines, précisant les contenus des « sphères » résidentielles et administratives, le présent texte reste provisoire. Du moins espère-t-on que la démarche ici exposée soit validée, et ultérieurement complétée. 96 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Références bibliographiques Agence d'urbanisme de Bordeaux-métropole-Aquitaine, 2009 : Magazine de l'habitat, n°4, « Mix'Cité » CESR-Aquitaine, 2007 : Économie productive, économie résidentielle, économie publique, dynamismes comparés des 3 sphères. Chambre de Commerce et d'Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin, 2011 : Panorama économique des zones d'emploi du Bas-Rhin (les Observatoires économiques des CCI d'Alsace) Cordobes, S, 2008 : « La dynamique des territoires en France » Futuribles, n° 347, p.25-33 Davezies, L, 2000 : « Le développement local hors mondialisation », in : èmes 3 entretiens de la Caisse des Dépôts : Comment améliorer la performance économique des territoires ? Soc. des acteurs publics, p.4968 id, 2008 : La République et ses territoires, la circulation invisible des richesses, Seuil Dumont, G F et Chalard, L, 2010 : « L'attractivité des territoires, théories et réalités », in Population et Avenir, n° 697, mars-avril, p.14-16 Hoyt, H, 1933 : in Aydalot, Ph, 1986 : Économie régionale et urbaine, Economica Insee-Alsace : Chiffres pour l'Alsace, n°s 19-2004 et 35-2006 Id., 2003 : Les services marchands en Alsace Id., 2005 : Spécialisation et Concentration de l'emploi en Alsace, document de travail Insee-Aquitaine, n° 141, 2006 : L'économie résidentielle fournit les deux tiers des emplois du littoral, Id., n°175, 2008 : Économie résidentielle ou productive : le choix des territoires MEFE de Molsheim (Maison de l'emploi, de la formation et de l'entreprise), 2011 : Gestion territoriale des emplois et des compétences (filières industrielles), Pays Bruche-Mossig-Piémont. Nonn, H, 2008 : L'Alsace et ses territoires, PUS. RITMA, 2001 : Regards croisés sur les territoires de marge(s), PUS, collection MSHS n°27 Syndicat mixte Piémont des Vosges 2002 : Charte du Pays BrucheMossig-Piémont ; Id., 2004 : Le piémont des Vosges, étude complémentaire au diagnostic territorial ; Id., 2004 : PADD = Projet d'aménagement et de développement durable du Scot du Piémont des Vosges, doc de travail. 97 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Document 11 : Les attractions dominantes A t t r a c t io n p r in c ip a le d e s a c t if s a y a n t u n e m p lo i d a n s u n e a u t r e c o m m u n e d e F r a n c e , e n A lle m a g n e e t e n S u is s e P a r t d e s a c t if s t r a v a illa n t d a n s u n e a u t r e com m unes en % 5 0 % e t p lu s 40 à 50% 30 à 40% 20 à 30% m o in s d e 2 0 % C o m m u n e s a y a n t p lu s d e 5 0 0 e m p lo is e n 1 9 9 9 ( a u lie u d e t r a v a il) 151 437 62 780 39 717 10 371 5 145 2 000 500 Z o n e d 'e m p lo i D é p a rte m e n t 0 10 20 km S o u rc e : IN S E E - R e n c e n s e m e n t d e la p o p u la tio n d e 1 9 9 9 F o n d d e c a r te : © IG N - G E O F L A - 2 0 0 1 C a r te r é a lis é e a v e c le lo g ic ie l P h ilc a r to : h ttp ://p e r s o .c lu b - in te r n e t.fr /p h ilg e o Z o n a g e s d a n s l'e s p a c e a ls a c ie n 98 Partie 3 – L'équité sociale Rebondissons sur les deux précédents Cahiers de l'APR et sur les travaux de la DATAR41 : la croissance périurbaine s'inscrit dans des scénarios qu'il n'est pas facile d'appréhender, tant les contradictions sont nombreuses. Ainsi écrivent M. Vanier et E. Roux (2008, cf. p. 7) : « De la périurbanisation, on entend dire tout et son contraire. Que le processus est, pour l’essentiel, désormais derrière nous, ou qu’il se poursuit de plus en plus en profondeur dans les territoires. Qu’il équivaut à une sorte d’urbanisation généralisée, ou qu’il représente une nouvelle ère de la vie des campagnes. Qu’il n’est qu’une dégénérescence, à corriger, de la vieille relation villes-campagnes, ou qu’il signale un dépassement de cette relation. Qu’il étale et dédensifie l’urbain, ou qu’il fabrique de nouvelles polarités périphériques. Qu’il signifie une société de plus en plus ségrégée, par l’inégale mobilité, ou qu’il est à l’image de la diversité sociale toute entière. Qu’il est majoritairement subi, ou fondamentalement choisi. Qu’il cache la richesse loin des villes, ou qu’il en expulse les ménages les plus fragiles. Qu’il est le triomphe de l’individualisme, ou qu’il stimule des autonomies communautaires. Qu’il alimente la catastrophe environnementale, ou qu’il invente une écologie de la petite échelle. Qu’il met en échec la solidarité des bassins de vie, ou qu’il en structure de nouvelles. Qu’il n’est pas durable, mais qu’il va durer ». Au risque de simplifier le monde réel par excès, il est possible de proposer des scénarios fondateurs de la croissance périurbaine (Tableau 6). Conformément au monde des Trente Glorieuses prompt à standardiser les espaces, les paysages, les représentations et les comportements, le « périurbain dortoir » s'est imposé à la manière du mode de vie américain, avec voitures et maisons individuelles. Les classes moyennes gagnent alors en importance dans la société. Ce scénario continue d'ailleurs à produire ses effets avec la poursuite de l'installation de populations rurbaines, soucieuses de trouver un peu d'espace et de « nature » aux portes, voire loin des villes. L'emploi et les services restent concentrés dans les agglomérations ou à leur proximité immédiate ; les réseaux routiers organisent le drainage en profondeur de l'espace rural avec un accroissement des distances parcourues et un étalement urbain de plus en plus prononcé. L'intégration des nouveaux venus n'est pas toujours facile ; on voit cohabiter les autochtones et les néo-ruraux, mais coexistent-ils vraiment ? D'un point de vue politique, les intercommunalités sont défensives par rapport à celle de la ville-centre ; le périurbain veut bien profiter de ses services mais il n'entend pas les payer. 41 Aubry B., Nonn H. et Woessner R. (2011), La périurbanisation en Alsace : étapes de réflexion et d'analyse, Les Cahiers de l'Association de Prospective Rhénane 2011-1, 209 p. Actes du colloque de la MISHA (2011), Périurbanisation, durabilité et créativité, Les Cahiers de l'Association de Prospective Rhénane 2011-2, 169 p. Vanier M., Roux E. (2008), La périurbanisation, problématique et perspectives, Paris DIACT La Documentation française, 88 p. DATAR (2010) « Prospective périurbaine et autres fabriques de territoires », Territoires 2040 n°2. Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tableau 6 : Du dortoir périurbain des Trente Glorieuses au fractionnement sociospatial Paysage Dortoir Habitat Entreprises Mitage, Maison Peu de services dégradation individuelle domestiques. ZA nombreuses, dispersées. Grosses ZA en entrée de ville Paysage Habitat Mobilités Gouvernance Automobile Intercommunalités de la «campagne» contre celle de la « ville » Entreprises Mobilités Gouvernance Conflits Refuge Insularité allant BBC et jusqu'à la HQE communauté fermée Télétravail à domicile, services à la personne Automobiles Sécession « propres » et chères, TER Relégation Mitage du rural Prêt à profond taux 0 Entreprises polluantes Automobiles Vote (vieux protestataire diesels) Naturalisme Sauvegarde, Expansion Agriculture sanctuarisation bloquée bio, et renaturation produits AOC, tourisme raisonné Douces : véloroutes, GR, voie d'eau Parcs, réserves naturelles, ZNIEFF, SRADT, associations Riches versus pauvres - Défenseurs de la nature contre les autres À présent, ce scénario unitaire tend à se fractionner en trois tendances aux frontières parfois fragiles. Dans un système où la redistribution est en panne, les classes moyennes s'appauvrissent alors qu'émerge une poignée de riches. Ceuxci jouent la carte du « périurbain refuge ». Des îles de prospérité émergent alors dans une mer ballotée par les effets de la mondialisation. Le phénomène a sans doute été amorcé par les villages d'artistes ou encore les résidences secondaires du type Perche, Luberon... Historiquement, en Europe, on peut évoquer les villas palladiennes des riches Vénitiens, ou encore la campagne anglaise avec le gentleman farmer des Cotswolds... Toujours est-il que des lieux choisis pour leurs qualités esthétiques passéistes deviennent des « entre-soi », à moins que des promoteurs ne se lancent dans la construction de communautés fermées, notamment pour des retraités aisés. L'argent est là, on peut donc réhabiliter, construire et vivre dans une « ambiance Grenelle » et une bonne conscience écologique affirmée. On s'établira sans doute non loin des lieux intermodaux, voire des carrefours d'importance européenne évoqués par la DATAR dans Territoires 2040 n°2. La sécession d'avec la société est radicale sauf lorsqu'il s'agit de recruter des employés ou d'utiliser des services à la personne, du reste avec l'aide de niches fiscales. Il y a du refuge dans la relégation : on fuit la ville, ses prix élevés, son manque d'espace, son insécurité. Mais le rêve de l'accession à la propriété individuelle tourne au cauchemar pour les petits revenus. La « maison à 100 000 euros » existe dans les territoires marginaux, très loin des villes. Lestés de prêts à taux 100 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 zéro et de prêts complémentaires, l'équilibre financier des ménages est à la merci d'incidents ou d'accidents divers comme la perte d'emploi, le divorce, le coût croissant de l'énergie. L'ambiance générale est fortement carbonée avec de vieilles voitures qui parcourent des kilométrages considérables, des entreprises polluantes (agriculture et élevage productivistes, stockage ou traitement de déchets...). La situation n'est pas vraiment conflictuelle : elle apparaît sans espoir là où règne la débrouillardise, voire la marginalité. Le naturalisme envisage la possibilité d'un monde réversible en voulant revenir à la « nature » ou plus exactement à une image de nature idéalisée qui n'a jamais existé. Il s'agit donc de militer et de lutter contre la modernité économique, le productivisme, l'industrie et l'automobile. La gouvernance joue un rôle central ; il s'agit d'imposer de fortes contraintes au territoire afin de contrôler sinon de bloquer sa croissance. C'est donc une cascade multiscalaire qui est convoquée, depuis les sites classés au patrimoine de l'UNESCO jusqu'aux lieux défendus par une association locale, en passant par les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux, la gestion participative (comme les Conservatoires des Sites). Une structure concentrique dessine le territoire concerné, avec un noyau dur sanctuarisé et des cercles concentriques de moins en moins réglementés. Les entreprises relèvent du monde du bio et du raisonné ainsi que des produits AOC qui créent une forte identité locale. Ainsi va la société périurbaine en se fracturant progressivement. Elle se délite, ce qui génère des conflits, mais aussi de l'indifférence envers les populations oubliées dans des poches éloignées et méconnues. 1. Discriminations socio-spatiales en Alsace : données socioéconomiques réparties selon le zonage Insee en aires urbaines, ou rapportées aux agglomérations de moins de 50 000 habitants – Henri Nonn, Pauline Costantzer L'information statistique que l'APR a rassemblée dans une base statistique nourrie par l'Insee (populations, ménages, emplois) et par les services de l'Équipement (logements, construction) permet de repérer comment les processus de périurbanisation et de rurbanisation changent les modalités structurelles alsaciennes dans le registre socio-démographique. Ici ne sont pris en compte que quelques indicateurs jugés socialement significatifs, surtout saisis entre 1999 et 2006 (seuls quelques traits seront inscrits dans une plus longue durée (à/c 1968, à partir du fichier Saphir). La démarche a été entreprise de faire ressortir les observations selon une ventilation géographique calée sur le zonage en aires urbaines, sur la base des cadrages de 1999 faute de mise à jour officialisée depuis. On peut ainsi spécifier : les villes-centres de ZAU (17) ; les communes de premières couronnes (au total 71) ; puis celles de deuxièmes couronnes (329) ; le lot des communes multipolarisées (146) et enfin les espaces à dominante rurale (341). En 101 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 complément, quelques notations viennent caractériser les unités urbaines modestes de la région, ventilées selon leur taille depuis les « moins de 5 000 habitants » jusqu'à celles « de 20 à 50 000 hab. ». Il s'agit de voir, au prisme de la périurbanisation et de la rurbanisation, quelles évolutions marquent les sociétés résidentes contemporaines (ménages, diplômes et CSP, rapports résidence-emploi, logement...). Une présentation statistique plus proche du contenu de la Partie 2 (économie) montre en outre certains aspects relatifs aux « emplois au lieu de travail ». Figure 6 : Le zonage INSEE en 1999 102 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 1.1 Traits démographiques et sociaux (voir les tableaux et graphes en annexes) Composition démographique Les couples avec enfants La dynamique de répartition entre 1999 et 2006 est, comme partout, affectée par la contraction générale des ménages avec enfants comme par celle des ménages en couples ; ce qu'il y a lieu de combiner avec les mouvements de construction et d'accession à la propriété. L'érosion en nombre de ces ménages est de 5% entre ces deux dates, soit de 9 000 en Alsace entière. Les changements résidentiels liés à l'urbanisation font ressortir que, pour moitié, la réduction se constate dans les villes-centres de ZAU – lesquels en ont perdu 4 550. Là se trouvent 49% des diminutions alsaciennes, et ce malgré la réalisation dans ces grandes villes-centres de quelque 18 680 logements en résidences principales. Un constat de stagnation-régression en nombre, au-delà des villes-centres, marque les couronnes. En parts relatives, les 1ères couronnes (en solde, -3 877 entre 1999 et 2006) ne fixent plus que 31% de couples avec enfants (contre 37% en 1999), car s'y poursuivent les migrations vers le périurbain. La quasi-stabilité lue en 2èmes couronnes tient au fait que jouent là aussi désormais des soldes migratoires déficitaires ; la prévalence du taux le plus élevé de ménages de couples avec enfants qu'elles détenaient en 1999 a disparu en 2006 (41%) – solde de -28 – : les voici rattrapées sur ce plan par les espaces à dominante rurale (40%). Pourtant, les 2èmes couronnes ont accueilli 16 000 résidences nouvelles. Les familles avec enfants restent relativement stables en nombres absolus (-680 cas entre 1999 et 2006) dans les communes multipolarisées, qui, étant moins affectées par les mutations des structures de ménages, enregistrent par ailleurs une modeste progression des résidences. Le même quasi maintien en nombre de couples avec enfants (-102) dans les espaces à dominante rurale exprime une combinaison de rurbanisation (flux entrants) et de « desserrement » des familles plus anciennement établies ; il faut y mettre en regard le fait que ces espaces ont fixé 21,7% des résidences principales réalisées entre 1999 et 2006. N.B. Les résidences principales nouvelles (68 640 en Alsace entière) ont pris place pour 45,2% dans les couronnes et pour 26,7% plus à distance des villes-centres, plus d'un quart (27,2%) restant dans le cadre urbain. Les familles monoparentales dont le chef de ménage est une femme Les instabilités dans les couples ajoutées aux accidents de la vie font se multiplier de nos jours de telles situations, très souvent aussi économiquement fragilisantes. Ces ménages spécifiques ont augmenté en nombre, sur l'Alsace entière, de quelque 6 647 cas en 7 ans (de 44 642 en 1999 à 51 289 en 2006). Cela représente 6,9% des ménages actuellement. Hors des villes-centres de ZAU où cette situation s'est amplifiée de 2 525 cas, les périphéries et espaces ruraux connaissent une progression de 4 122 familles de ce type. 103 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La proportion moyenne de 6,9% des ménages en est un peu supérieure en 1ères couronnes, avec 7% des familles ; là, ces situations y ont progressé de 1 556 unités. En revanche, les 2èmes couronnes se situent à un niveau de 5% (+ 1 186 cas), les couples constitués avec enfants restant prévalents. Par contre, d'un niveau réduit en communes multipolarisées en 1999 (6%), on passe à 6,4% en 2006 (+ 439), ce qui approche désormais les proportions des 1 ères couronnes (7%) qui connaissent les plus sensibles précarités. Seuls les espaces à dominante rurale sont peu affectés globalement (5,4-5,5% dans la proportion des ménages), malgré une progression de 940 situations familiales de ce type. Dans les progressions entre 1999 et 2006, les villes-centres de ZAU fixent 38% ères des nouvelles occurrences de telles structures familiales, les 1 couronnes èmes 23,4%, contre 17,8% en 2 couronnes, 6,6% en communes multipolarisées et 14,4% en espaces à dominante rurale ; ceux-ci au demeurant sont de moins en moins exempts de ce trait de précarité. Figure 7 : Les familles monoparentales Les personnes seules de 65 ans et plus Dans l'Alsace entière, on note un vieillissement « isolé » en augmentation : le taux correspondant passe de 5,9% à 6,5% entre 1999 et 2006, soit + 10 290 104 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 personnes âgées vivant seules. À distance des villes, cela concerne aujourd'hui plus de 61 000 personnes. Les 1ères couronnes, déjà affectées par le vieillissement auparavant (taux de 1999 = 5,8%), en fixent en 2006 3 240 de plus, portant leur taux à 6,9% (elles dépassent la moyenne régionale). La progression y dépasse en nombres absolus celle des villes-centres de ZAU (+ 2 713). Plus de 17 800 personnes de 65 ans et plus et vivant seules y habitent. Cependant, en taux, la présence des personnes seules âgées s'accuse et se marque surtout en communes multipolarisées : déjà 7,4% en 1999 et 7,9% en 2006 : un isolement à distance des villes jusqu'ici insuffisamment perçu. Les espaces à dominante rurale, qui connaissaient moins de telles situations en 1999 (en deçà de la moyenne de l'Alsace), restent avec cet avantage en 2006 (taux glissant néanmoins de 5,3% à 5,8%). Les 2èmes couronnes, plus peuplées de ménages constitués d'âge adulte et avec enfants, se singularisent par leur faible taux de personnes âgées seules : 5% en 2006 (4,4% en 1999) quoique grossi de 2 020 unités en 7 ans. Le quart des augmentations recensées se fixe sur les villes-centres de ZAU, 31% en 1ères couronnes, pour un quart hors des couronnes périurbaines monocentrées. Le « rurbain » détient désormais plus de 25% des seniors isolés, quand les ville-centres ont un taux qui s'amoindrit – faiblement, il est vrai –. Les inactifs retraités En progrès numériques récents, de 6 000 personnes environ à l'échelle régionale, cette population spécifique avoisine en 2006 les 90 000 en Alsace. Les grandes villes-centres n'enregistrent que des soldes presque inexistants (car il y a flux dans différents sens) ; en valeur relative, leur part de localisation résidentielle passe même de 28,2% en 1999 à 27,2% en 2006. De même les gains fixés par les premières couronnes sont modestes (+ 1430) et la part détenue reste stable (23,8%). La majeure partie des gains résidentiels de retraités est fixée par les deuxièmes couronnes (+ 2 620 entre 1999 et 2006, soit 43,5% du total supplémentaire), et par les espaces à dominante rurale (+ 1 086, soit 18% des progrès d'effectifs). Où jouent à la fois le vieillissement des peuplements présents avant la périurbanisation-rurbanisation et le maintien sur place des personnes adultes des années 1960-1970 venus dans les premiers lotissements. On a là, sans préjuger des niveaux de ressources de ces populations, une indication utile pour des considérations sur la santé et les soins, sur les mobilités, voire sur les comportements électoraux... Les tranches d'âge de 15 à 64 ans : la base des populations actives potentielles Entre 1999 et 2006, le volume de ces tranches d'âge s'est accru de 50 800 personnes, la population totale régionale augmentant, elle, de 81 760 âmes. Les 105 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 prolongements récents de la périurbanisation et de la rurbanisation résidentielle perdurent-ils ? Quand les villes-centres de ZAU, qui comptent en part régionale environ 33,7% (1999) – 32,9% (2006) de ces catégories d'âge, il ne leur revient que le quart des augmentations relevées – est-ce un ralentissement des effectifs étudiants ou jeunes en formation ? Ou encore un départ plus prononcé des jeunes retraités ? Les « 2èmes couronnes », fixant 18% des tranches d'âge 15-64 ans en 1999, et 18,6% en 2006, ont en revanche capté davantage (29% des gains), faisant part égale avec les espaces à dominante rurale (28,4%) quand leur niveau de localisation en région de ces « actifs potentiels » est de 18,4% en 1999 et 19,2% en 2006. Pour un taux très voisin d'importance, les premières couronnes n'ont recueilli que la moitié de tels appoints. On sait que leur poids est amoindri par les migrations résidentielles prolongées de ménages constitués et qu'elles n'ont pas la même attractivité que la grande ville sur les tranches les plus jeunes ici considérées. Les communes multipolarisées sont, de leur côté, peu évolutives en la matière : une stabilité autour de 6,5-6,6% de l'ensemble des actifs résidents alsaciens ou des « actifs potentiels » que constituent les tranches d'âge considérées. Notations « sociales » Des changements résidentiels pour les cadres supérieurs ? À priori, les cadres supérieurs résident surtout en villes-centres, ou par èmes recherche d'espace résidentiel ou d'aménités, en 2 couronnes. Ces tendances se poursuivent-elles entre 1999 et 2006 ? Dans le développement de cette CSP, la période a enregistré un gain de 25 234 personnes actives à la résidence. Les villes-centres de ZAU de la région ont attiré (en termes de solde) 6 334 personnes de ce surplus ; ce qui fait passer leur part dans le total « cadres sup » alsacien de 42,9% à 53%. Ces cadres constituaient 14,9% des actifs occupés èmes résidents en 1999 à 18,4% en 2006. L'ensemble des 2 couronnes en ont fixé + 7 215 dans les 7 ans considérés, soit davantage que les villes-centres. En 1999, les cadres supérieurs représentaient 10,4% des actifs de ce niveau dans notre zonage ; c'est devenu en 2006 près de 14%. On y trouve une proportion des actifs cadres régionaux qui, de 18% en 1999, passe à 20,6% en 2006. En premières couronnes, les actifs occupés résidents « cadres » étaient 19 507. Avec un gain groupé de 5 200 unités, on atteint 24 700 en 2006 ; mais ce progrès en nombres absolus est inférieur à celui des villes-centres, et inférieur aussi à celui des deuxièmes couronnes ; leur taux de présence dans la population active occupée locale ne progresse que de 11,9% (1999) à 13,1% (2006). Dans les répartitions des gains, un cinquième y trouve place, contre 28,2% en deuxièmes couronnes et 25% en villes-centres de ZAU. Le « rurbain » multipolarisé n'accroit guère son importance en cadres supérieurs occupés résidents (taux de 6,5 passant à 7,3%). Par contre, l'accueil se 106 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 renforce dans les espaces à dominante rurale. Ceux-ci en ont gagné 5 820 en 7 ans, et le taux parmi les actifs occupés locaux passe de 11,8% à 14,6%. Désormais, 23% des cadres supplémentaires recensés y résident, soit davantage qu'en premières couronnes. Les niveaux de diplômes En pré-supposés, l'évolution de l'emploi – avec ses mutations technologiques, organisationnelles ou gestionnaires et autres – et les quêtes personnelles de meilleure formation, induisent une augmentation des qualifications par des diplômes supérieurs au baccalauréat. La concentration des « emplois supérieurs » dans les grandes agglomérations pourrait en conduire les répartitions résidentielles évaluées aux dates de recensement et les évolutions ainsi saisies ; mais tout autant pourraient jouer les aspirations résidentielles au bénéfice des périphéries ou aires d'aménités extérieures aux villes. Qu'en est-il réellement ? Les données établissent d'abord une notable augmentation des personnes détenant des diplômes de bac + 2 ou supérieurs entre 1999 et 2006 à l'échelle de l'Alsace : le progrès est de + 74 412 cas, soit 36,4% d'accroissement sur 1999 (278 788 en 2006), signalant un relèvement des formations permettant d'accéder aux niveaux 3, 2 et 1 de formation-qualification. En 1999, les villes-centres de ZAU en domiciliaient près de 86 500 : les voici en 2006 quelque 101 000 (gains de + 21 540, soit + 24,9%). Si l'on y ajoute les banlieues proches ou premières couronnes, soit 62 000 en 2006 (avec + 15 380 sur 1999, ou gains de 33%), les grandes unités urbaines regroupent 65,1% en 1999 et 58,5% en 2006 des détenteurs de ces niveaux de formation. La légère érosion en valeur relative constatée incite à supposer une poursuite des migrations résidentielles externes aux agglomérations. Dans la distribution spatiale des gains alsaciens, ces agglomérations en retiennent environ 49% à 50%. L'autre moitié des progrès se fixe soit dans les deuxièmes couronnes des grandes villes, soit dans le « rurbain » des communes multipolarisées ou des espaces à dominante rurale. Plus précisément, les personnes ayant ces niveaux de diplômes se chiffraient en 1999 en 2èmes couronnes à 34 700, passant à 52 600 en 2006 : numériquement, ce sont 17 880 cas de plus (+ 51,2%). Et celles résidant en espaces à dominante rurale augmentent en nombres de 27 720 en 1999 à 43 150 en 2006 : soit un progrès de 15 430 unités (+ 34% en 7 ans). Or leur population d'ensemble ne croît que de + 0,3 point dans le même temps. Ainsi, avec les communes multipolarisées, le « rurbain » en vient à localiser près de 57 000 diplômés « supérieurs », à fixer le quart des progrès comptabilisés sur l'Alsace entière, et donc à proposer une répartition mieux diffusée sur tout le territoire régional des qualifications des niveaux de formation 3 à 1. Les habitants de « niveau bac » sont eux aussi en progression en Alsace : nous sommes dans une région où la proportion de bacheliers sur une génération se développe constamment depuis les années 1975, et surtout 2000. En 2007, selon les chiffres académiques, ce taux est de 66%. On retient notamment l'importance de l'accès par l'apprentissage (un trait régional spécifique), la bonne tenue des 107 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 bacs « professionnels » et « technologiques », les taux élevés de réussite aux examens dans l'académie (encore qu'avec des écarts restant sensibles selon les CSP des parents)... Quoiqu'il en soit, la période 1999-2006 se marque par une augmentation de 27% des personnes accédant au niveau 4 de formation (de 146 130 à 185 668 = + 39 538). L'examen des répartitions selon le zonage en aires urbaines aux dates de référence et dans les gains constatés par la statistique montre que : – Dans les villes centres de ZAU, résident 32% des habitants de niveau bac, tant en 2006 qu'en 1999 : soit une stabilité relative quant à leur poids régional, malgré un gain de 11 000 cas en 7 ans. De même, dans les premières couronnes, se maintient un taux d'importance relative de 23% (+ 8 200). Ainsi, les unités urbaines principales gardent la localisation de 55% (en fait, - 1 point) des personnes ayant ce niveau de formation. – Les territoires périurbains plus externes (deuxièmes couronnes) constituent des lieux de résidence pour des personnes de niveau bac dans une proportion de 19,3% en 1999 et de 19,5% en 2006 (gains de 8 100 unités). Mais les progrès les plus notables concernent les espaces à dominante rurale ou multipolarisés : ensemble + 12 140 personnes accédant à ce niveau 4 de formation ; le « rurbain » fixe environ un quart des habitants alsaciens de cette catégorie et localise près du tiers des gains évalués entre 1999 et 2006. Chômage et temps partiel mesurés à la résidence Une lecture sommaire des populations « actives » au lieu de résidence donne une indication sur l'intérêt d'un examen selon le zonage en aires urbaines de l'Insee avant de voir comment s'y inscrit le chômage des hommes et des femmes. Deux indicateurs, mis ici en tableau comparatif, aident à cerner les situations en 1999 et 2006. Le premier saisit les « actifs potentiels », évalués par les tranches d'âge de 15 à 64 ans (incluant donc les étudiants, des inactifs divers, des préretraités…) ; le second donne les « actifs résidents », chômeurs, travailleurs à temps partiel, ou frontaliers y compris. Soit deux approches aux significations distinctes, et avec des écarts sensibles de répartitions comme d'évolutions. 108 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tableau 7 : Actifs potentiels de 15 à 64 ans et actifs « réels » Alsace villes-centres ZAU 1ères couronnes 2èmes couronnes c. multipolarisées esp. à domin. rurale 1999 1158293 404995 250003 209593 76317 217385 15-64 ans 2006 1209099 417842 256855 224315 78258 231829 gains 50806 12847 6852 14722 1941 14444 actifs résidents 1999 2006 821031 885902 276754 291654 178967 188927 153742 170457 54277 58541 157158 176323 gains 64871 14900 1960 16715 4264 19165 Les villes centres de ZAU fixent, on le voit, toujours près de 35% des actifs potentiels définis par les tranches d'âge actif. Cependant, leur part dans la localisation des accroissements de tels effectifs ne se situe qu'autour de 25% : ralentissement des flux étudiants, ou attractivité atténuée des emplois les plus urbains, peut-être. Les premières couronnes, fixant quelque 21-22% des 15-64 ans alsaciens, sont très peu concernées par les augmentations d'actifs résidents potentiels ou réels (dynamisme de l'emploi affaibli). Les principaux progrès en effectifs des tranches d'âge concernées vont aux deuxièmes couronnes, et aux territoires « rurbains », et il en va de même si l'on se réfère aux actifs résidents. Ceux-ci, quoique accrus dans les villes-centres de ZAU, stagnent en valeurs relatives autour de 33% du total régional, et ne retiennent que 23% des accroissements régionaux en 7 ans ; les mêmes traits valent pour les premières couronnes stabilisées sur quelque 21% des actifs résidents alsaciens et ne s'attribuant que 15,3% des progrès de leurs effectifs. Pendant ce temps, les positions des deuxièmes couronnes d'une part (leur part passant de 18,7 à 19,2%), et des espaces à dominante rurale d'autre part (de 19,1 à 19,9%) se renforcent. Ces deux familles spatiales captent respectivement 26% et 29,5% des progrès dans les nombres d'actifs résidents. La tendance est donc à un glissement des populations en âge d'être actifs, ou recensés comme tels : les unités urbaines voient leur poids relatif se réduire au profit des deuxièmes couronnes d'agglomérations et des contrées rurbaines. Mais il n'en va pas de même en termes d'emplois détenus. Entre 1999 et 2006, le solde d'emplois supplémentaires est de 56 674 pour l'ensemble de l'Alsace ; or les villes-centres de ZAU en proposent 49% et fixent 58% au moins des progrès (la dynamique tertiaire sans doute). Les premières couronnes en localisent moins de 20% et n'en « grapillent » que + 3% (contraction des postes dans les industries, diffusion de tertiaire en agglomération) ; les deuxièmes couronnes sont en deçà en total d'emploi offert (<12%), mais progressent en s'adjugeant 22% des gains récemment obtenus (économie résidentielle, transferts hors agglomérations de certaines activités). Une dynamique voisine se lit dans les espaces à dominante rurale qui maintenant comptent 13% des emplois régionaux et fixent 14,2% des gains alsaciens récents (diversification économique, services aux personnes et aux entreprises, loisirs et tourisme). Au total, les distorsions spatiales entre lieux de résidence et lieux de travail tendent à s'accroître. 109 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Vu en solde sur les 7 ans intercensitaires récents, le chômage s'inscrit inégalement dans les géographies résidentielles ici considérées, et concerne davantage les femmes que les hommes : sur l'augmentation totale alsacienne de près de 20 000 situations recensées, 52,3% affectent l'emploi féminin. Tableau 8 : Le chômage selon les aires résidentielles Alsace villes centres de ZAU premières couronnes deuxièmes couronnes com multipolarisées 1999 32808 17451 Hommes 2006 41963 21282 Ecarts 9155 3831 1999 38312 17450 Femmes 2006 48946 21106 Ecarts 10034 3656 6697 3241 1661 8635 4406 2226 1938 1165 565 7964 4416 2547 10281 5545 3065 2117 1129 518 3758 5414 1656 5935 7549 1604 esp à dominante rurale Que lit-on ? Dans les villes majeures, peu d'écarts entre hommes et femmes en 1999, mais une aggravation du chômage féminin dans les années 2000 ; une situation fragilisée de tous en premières et deuxièmes couronnes, pénalisant une fois encore davantage les femmes actives (rappelons toutefois que les premières couronnes fixent 21% des tranches d'âge actif, d'où un rapport du chômage à ce « stock » de 7,4% en 2006 ; en 2èmes couronnes, avec 18,5% des 15-64 ans, le taux se situe à 4,4%). Le déséquilibre hommes- femmes au chômage s'accentue en communes multipolarisées (faute d'emplois proches ouverts ?). En espaces à dominante rurale, qui en volumes d'actifs potentiels dépassent les deuxièmes couronnes dès avant 1999, les difficultés d'emploi féminin, déjà plus accentuées en 1999, semblent plus progresser que se réduire malgré les observations favorables de répartition des soldes d'emplois au lieu de travail dans les 7 années considérées. À défaut de disposer des indications sur les actifs à temps partiel au lieu de résidence, ce que montrent celles connues au lieu de travail (en région, 109 740 en 1999 et 119 871 en 2006) font ressortir : une part de 52-53 % localisée dans les grandes villes- centres, lesquelles groupent encore 38% des situations nouvelles de ce type d'emploi ; quelque 18% proposés en premières couronnes – avec 24% de fixation des cas supplémentaires. Au-delà, l'emploi à temps partiel est moins présent, sans forte augmentation en 7 ans, et ne localisant que le tiers des nouveaux emplois de ce type mis sur le marché entre 1999 et 2006. Souvent plus subies que choisies, ces conditions de travail, en termes d'indication sociale, signaleraient davantage les agglomérations que les autres espaces régionaux ; toutefois, on ignore combien de « pendlers » résidant dans ces derniers y sont assujettis. 1.2 Quelques traits relatifs à l'habitat L'expansion résidentielle de ces dernières décennies en région change-t-elle de caractères ? De manière uniforme ou diversifiée selon les familles d'espaces identifiées selon le zonage en aires urbaines? 110 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Deux séries statistiques, nourries des éléments fournis par la DREAL à partir de ses fichiers, aident à répondre à ces questions. Une première donne le volume global de résidences principales édifiées en logements ordinaires (des ménages, hors logements étudiants, foyers...), en individualisant les « logements individuels » (maisons individuelles), les « logements groupés » (soit réalisés en permis groupé, pouvant associer des constructions en bandes ou de petits collectifs), et les « logements collectifs » (c.à.d. produits en immeubles collectifs). Ceci peut être suivi de 1979 à 2008. NB : un ratio peut ainsi être calculé comme indicateur du taux de réalisation en maison individuelle longtemps donnée comme le « modèle » d'habitat préféré des Alsaciens. Une seconde analyse, limitée à la période 1999-2006, cerne quelques autres modalités de l'habitat. Les évolutions dans le mouvement de la construction résidentielle a) Un démenti aux idées reçues : la sensible diminution de la production des maisons individuelles. Dans l'ensemble de l'Alsace, un suivi des valeurs moyennes annuelles indique une contraction notable dans la construction de la maison individuelle depuis 1979. Il s'en réalisait quelque 5 115 en moyenne annuelle entre 1979 et 1981, déjà seulement 4 100 – 4 200 entre 1990 et 1998 et jusqu'en 2005 ; le volume est ramené à 3 864 en 2006-2008. En taux, on passe de 56,9% en maison individuelle dans l'ensemble de la construction des logements ordinaires en 1979-1981 à 49,5% entre 1982 et 1989, autour de 41% de 1990 à 2005, pour arriver au taux le plus récent (2006-2008) de 33,5%. v. tableau 9, p. 111 et graphes p. 247. Tableau 9 : Mouvement de la construction, évolutions moyennes annuelles dans la construction résidentielle sur l'ensemble de l'Alsace Type de construction maison individuelle en permis (+/- mixte) en immeubles collectifs TOTAL 1979-81 1982-89 1990-98 1999-2005 2006-08 5115 42344393 3864 4234 3864 898 513 377 2970 3961 5394 5520 6856 8983 8867 9876 10296 11541 taux de maisons indiv iduelles 56,9 49,5 41,6 41,1 33,5 Traits géographiques: taux de maisons dans la construction (par famille d'espaces) unité urbaines > 200 000h 23,3 21,3 13,6 14,4 8,9 unités urbaines 50-200 000h 41,2 28,5 25,7 19,9 10,4 communes multipolarisées 81,7 81,9 67,4 61,1 52,1 espaces à dominante rurale 77,4 70,6 68,1 60,2 63 La place des familles d'espaces dans cette production de maisons individuelles (en %) en villes-centres 8,6 10,1 7,8 7 5,5 en premières couronnes 16 20,3 16,1 13,9 11,4 en deuxièmes couronnes 32,8 32,9 37,2 34,5 34,8 en communes multipolarisées 9,9 8,2 8,1 9,8 10,7 en espaces à dominante rurale 32,7 28,5 30,8 34,6 37,6 4105 Quelques commentaires 111 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 a) La maison individuelle n'est plus, on le voit, majoritaire à l'échelle régionale depuis les années 1980. Sa place demeure cependant le mode dominant hors des agglomérations principales ou moyennes dans le « rurbain » et dans les deuxièmes couronnes : à 70-80% jusqu'en 1989, et entre 60% et 80% entre 1990 et 1998, pour ne plus représenter que 50%-63% depuis lors. En unités urbaines, elle compte pour moins du quart des réalisations, tôt dans les plus grandes, et depuis les années 1980 plus généralement au-delà de cette date, pour se réduire à 10% environ aujourd'hui. Les formes « groupées » n'ont qu'une prise limitée en Alsace dans le développement de la construction : c'est moins de 10% vers 1979-1981, de 4% entre 1982 et 1998, et seulement encore 7% actuellement. En revanche, la réalisation des logements en immeubles collectifs gagne hors des agglomérations, jusqu'à constituer 25 à 40% dans les périphéries et dans les milieux ruraux, avec notamment des parts majoritaires dans les bourgs et petites villes. b) Le parc de résidences principales s'est accru pour l'Alsace entière de 68 640 logements entre 1999 et 2006. On sait que plusieurs raisons contribuent aux productions de logements : les migrations résidentielles ; les incitations à l'accession à la propriété ou à l'investissement immobilier ; les évolutions structurelles des ménages ; le besoin de remplacement de logements anciens... Ces aspects jouent différemment selon les territoires. Les villes-centres ont ainsi gagné, dans la période considérée, quelque 18 680 résidences principales ; 14 440 autres ont pris place dans les premières couronnes ; les deuxièmes couronnes ont augmenté de 16 600 nouveaux logements : en tout, les couronnes centrées sur les villes-pôles de ZAU ont dépassé en volumes de construction les cœurs urbains. Le « rurbain » en communes multipolarisées (+ 4 000) et en espaces à dominante rurale (+ 14.915) a gagné l'équivalent des villes-centres, et le rural davantage que les 2èmes couronnes. c) Quelques aspects de la dynamique récente (1999-2006) Les grands logements, de 5 pièces ou plus n'ont que peu progressé dans les villes-centres de ZAU (ensemble, + 4 000) où leur taux de présence n'est que de 19,4% du total de leurs 272 080 logements en 2006. Les 1 ères couronnes en ont fixé 6 160, le taux dans le parc restant voisin de 39%. Les gains les plus sensibles en grands logements se situent dans les 2èmes couronnes, qui en ont acquis près de 12 000 ; ils viennent composer 62,5% de leur parc total (lequel avoisine les 112 000 logements), ainsi que dans les espaces à dominante rurale grossis eux aussi de plus de 12 200 unités de grande taille : le taux de leur présence est de l'ordre de 58,6% désormais ; les communes multipolarisées quant à elles s'approchent de cette proportion, avec un progrès de + 3 points. Le logement locatif est en nette augmentation. Plus de 21 000 résidences principales sont ainsi fournies entre 1999 et 2006. Les villes-centres de ZAU en retiennent le tiers (+ 7 314) ; les premières couronnes 16%. Mais les deuxièmes couronnes en fixent quasi autant que les premières, de même que les espaces à dominante rurale. Témoignage d'un élément nouveau et lié à un besoin apparemment plus intense et plus diffus à la fois, venant atténuer la production 112 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 traditionnelle destinée à la propriété ; il semble devoir être mis en rapport avec les mobilités désormais accusées dans les parcours de vie. Les parcs actuels sont composés maintenant de 20% environ de logements locatifs hors des unités urbaines, où le locatif en appartement est important depuis longtemps. 1.3 Les actifs selon les zonages en aires urbaines On peut effectuer plusieurs lectures : les « actifs potentiels », représentés par la population des 15-64 ans au lieu de résidence les actifs totaux (ensemble, au lieu de résidence) les actifs occupés (au lieu de résidence) les femmes actives salariées (au lieu de résidence) les emplois totaux (ensemble) au lieu de travail, + les emplois de cadres supérieurs (id) et des professions intermédiaires (id) les emplois à temps partiel au lieu de travail. Quelques rappels sur la géographie des actifs à la résidence : Compte tenu de la poursuite des études, des mises en pré-retraite et des retraites prises avant 65 ans, ou encore aux « accidents de la vie », le volume des « actifs potentiels » dépasse celui des « actifs ensemble » à la résidence : en Alsace entière ; à cette échelle, s'opère un passage de 1 158 293 à 1 209 100 entre 1999 et 2006 (gain de 50 806 personnes). 28% du progrès recensé (+ 14 444) se trouvent dans les espaces à dominante rurale ; c'est l'équivalent des augmentations totalisées sur les 2èmes couronnes (+14 720). Une dynamique contraire s'opère dans les Unités urbaines : les villes-centres de ZAU ensemble ont certes les plus gros effectifs (total de plus de 450 000), mais sont perdantes entre 1999 et 2006 de – 32 150 personnes, quand les 1ères couronnes en gagnent 21 500. Il faudrait voir la part de la stabilisation- diminution du nombre de jeunes en études ou en formation et celle des modalités de fin d'activité pour les classes de 50-64 ans. L'ensemble des actifs résidents recensés aux deux dates, pour les raisons dites ci-dessus, se situe à 821 000, devenus 885 900 (+ 64 990 entre 1999 et 2006). Les glissements se répartissent différemment de ce qui précède. Les villes-centres de ZAU en collectent 14 770 de plus, et leur part en Alsace régresse de 33,7% à 32,9%. Les gains urbains sont inférieurs à ceux de 2èmes couronnes (+ 16 715) et à ceux des espaces à dominante rurale (+ 19 165). Les 64 870 Alsaciens actifs résidents de plus sont ainsi distribués à 22,8% sur les villes-centres, 14,4% dans les 1ères couronnes, 25,8% en 2èmes couronnes, 6,6% en communes multipolarisées et 30,1% en contrées à dominantes rurales. Les évolutions relatives aux « actifs occupés » On a défalqué des chiffres précédents les chômeurs et actifs sans emploi au lieu de résidence – ce qui en revanche inclut les frontaliers –. Cela groupe en 1999 quelque 748 100 personnes, et, en 2006, 796 240 (accroissement de 48 140 113 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 personnes). Du fait des études, ou de la précarité, les villes-centres de ZAU perdent environ 11 290 personnes ayant un emploi entre nos deux dates ; les voici ne groupant plus que 28,9% du total alsacien (32,2% en 1999). Les premières et deuxièmes couronnes par contre sont bénéficiaires de plus de 39 000 actifs occupés nouveaux. Jouent là sans doute des mouvements résidentiels et des processus de desserrements d'activités comme d'étoffement d'économie résidentielle. Les espaces à dominante rurale tiennent une bonne place dans ces mutations résidentielles d'actifs. Grâce à un gain de 16 600 actifs supplémentaires, ils en arrivent à fixer en 2006 20,6% des actifs occupés alsaciens (contre 19,7% en 1999) ; en revanche, les communes multipolarisées n'ont que des progrès limités et une part de localisation stagnante. Les actifs au lieu de travail Pour l'Alsace entière, les recensements de 1999 et 2006 font état d'une augmentation de 56 674 unités. Si, hors des villes-centres de ZAU, on note peu de progrès sur l'ensemble des premières couronnes (1 700) ou dans les communes multipolarisées, les gains substantiels se situent en deuxièmes couronnes (plus de 12 440) et en espaces à dominante rurale. Pour l'agriculture, les effectifs restent érodés au-delà des unités urbaines déjà affectées de longue date ; les 2èmes couronnes, elles, totalisent près de 500 pertes d'emploi, les communes multipolarisées plus de 210 et les espaces à dominante rurale près de 300. Rapportées toutefois aux nombres de communes composantes, les pertes seraient comprises entre 1 et 2 par localité. Les cadres supérieurs au lieu de travail Il est intéressant de comparer les indications d'évolution entre données se référant au lieu de travail et celles calées sur le lieu de résidence. En emploi au lieu de travail, le gain sur l'ensemble alsacien et de l'ordre de + 22 350 personnes, soit inférieur à l'observation au lieu de résidence des actifs occupés de cette catégorie (+ 56 674). Les ventilations spatialisées signalent des écarts méritant examen. Ces indications soulignent la prééminence des villes-centres de ZAU dans les progrès des effectifs d'emploi : la tertiarisation se marque ainsi de plus en plus nettement. En % de gains, les emplois au lieu de travail y augmentent deux fois plus fortement qu'au lieu de résidence. Dans les couronnes, on distingue : a) dans les plus proches, un taux de progrès en emplois au lieu de travail légèrement supérieur à celui compté au lieu de résidence – sans doute est-ce en partie une dilatation des emplois centraux, quand y faiblit l'emploi industriel et quand le solde migratoire est devenu négatif – ; b) dans les 2èmes couronnes, le taux d'emploi mesuré au lieu de résidence n'entraîne pas en même proportion la progression de celui des actifs au lieu de travail (taux de 2 fois supérieur) : on peut évoquer la poursuite de l'attraction du tertiaire urbain ; le prolongement de la migration 114 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 périphérique résidentielle des ménages constitués comptant 1 ou 2 actifs... et un déficit de constitution de l'économie résidentielle. Les espaces plus « rurbains » (CMP et EDR) ne fixent que 13% des actifs au lieu de travail supplémentaires entre 1999 et 2006, contre 26% des progrès en actifs au lieu de résidence : on peut évoquer les mêmes raisons. Les évolutions de l'activité féminine Comparons ainsi les deux éléments du Tableau 9 : le nombre des salariées au lieu de travail a augmenté de 39 290 unités entre 1999 et 2006, avec une répartition assez distincte des lieux de résidence. Si en nombre les villes-centres de ZAU restent attractives, leur part en région s'érode quelque peu tout en restant « majoritaire ». On peut supposer un prolongement des desserrements sur les couronnes (qui gagnent près de 16 000 emplois féminins – on songe aux surfaces commerciales et aux progrès d'économie résidentielle notamment –) ; au-delà, le « rurbain » à dominante rurale ne connait que peu d'augmentation, surtout en communes multipolarisées. Le chômage des femmes actives Il s'accuse ces dernières années dans les premières couronnes (+ 2 117 entre 1999 et 2006) où sont présentes 21% du total alsacien de telles situations de difficultés. En deuxièmes couronnes et en communes multipolarisées additionnées, le chômage féminin s'est grossi de 1 647 cas. Un volume quasi équivalent est relevé dans les espaces à dominante rurale. En pourcentages de répartition, les proportions sont relativement stables entre nos deux dates : 45,5 ou 45,7% dans les villes-centres de ZAU prises ensemble, et 20,8% dans leurs premières couronnes. Les Unités urbaines fixent toujours les plus gros contingents, aggravés de près de 7 000 cas. Si l'on compare avec le chômage salarié masculin, on observe que celui-ci a progressé « seulement » de 5 770 cas dans les Unités urbaines, soit un peu moins que pour les femmes salariées ; en revanche, les écarts entre hommes et femmes en 2èmes couronnes, en communes multipolarisées, et en espaces à dominante rurale sont très faibles en valeur absolue. Pour les hommes, la distribution des aggravations est plus amplement répartie (même si cela recouvre des causes assez différentes). Le salariat à temps partiel C'est souvent un mode de travail plus fréquent parmi les femmes actives que parmi les hommes actifs. Il s'agit là aussi d'un indicateur d'aggravation de la précarité matérielle des ménages où le temps partiel est davantage subi que choisi. À l'échelle de l'Alsace entière, entre 1999 et 2006, ces conditions se sont accrues de 10 130 cas (de 109 740 à 119 870). En 1999, les villes-centres de ZAU focalisaient 62 450 emplois salariés à temps partiel, et les premières couronnes 19 640 : ainsi, les Unités urbaines comptaient 115 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 pour 71,3% des situations d'emploi de ce type en région. En 2006, les voici totalisant 84 530 « temps partiels » (+ 3 868), mais ramenées à 70,5% du total alsacien. Car le « temps partiel » au lieu de travail est devenu plus nettement présent au-delà des Unités urbaines ; à la fois dans les deuxièmes couronnes (12 825 cas en 2006, en augmentation de 1 617 unités depuis 1999) et dans les espaces à dominante rurale (15 325 cas, + 1 517 depuis 1999). Respectivement, les deuxièmes couronnes et les espaces à dominante rurale localisent 16% et 17% de ces types d'emploi. 1.4 Dynamique des Unités Urbaines (U.U.) comprises entre < 5 000 h et 50 000 h. Bourgs, petites villes et villes moyennes ont en Alsace une place remarquable, à la fois dans le peuplement, dans l'emploi et dans l'animation locale. Avec le temps, nombreux sont ces foyers qui ont bourgeonné au point de former des unités urbaines (reconnues comme telles par l'Insee = 1 ou plusieurs communes contiguës). En 2006, ces entités, mises ensemble, fixent quelque 528 435 habitants, soit 29,1% de la population régionale, ainsi que 30,7% des emplois alsaciens. Leur attractivité ne se ralentit pas, puisque leur offre d'emploi de 1999 était de 29,9% et que c'est vers elles que sont allés 40,5% des soldes positifs de postes de travail constatés entre 1999 et 2006 (les autres progrès se partagent entre les U.U des grandes villes – surtout – et les localités hors unités urbaines de la région. Cependant, on peut supposer que des nuances interviennent en fonction de seuils démographiques ; c'est pourquoi on a individualisé 4 sous-ensembles : 1) les U.U < 5 000 h – 91 cas – ; 2) de 5-10 000 h, (31 localités) ; 3) de 10-20 000 h (47 unités) ; et 4) de 20-50 000 h. (22 unités). Pour les comparaisons entre groupes, quelques indicateurs sont utilisés : les évolutions de population et de soldes migratoires (suivies entre 1962 et 2006) ; les emplois au lieu de travail – avec individualisation des emplois tertiaires, des services aux particuliers ou aux entreprises – dans la période 1999-2006 ; la part des emplois dans l'administration en 2007 (seule année disponible) ; et l'évaluation 1999-2006 des catégories de cadres supérieurs et professions intermédiaires au lieu de travail. Quelques notations de différenciation : Les comportements tenus dans les évolutions démographiques ont joué inégalement dans le temps. Aux tailles les plus modestes, en moyennes annuelles, les U.U ont progressé fortement entre 1962 et 1982 (pic entre 1968 et 1975), puis connu une relance depuis 1990 consolidée entre 1999 et 2006. Les soldes migratoires y ont surtout joué un grand rôle entre 1968 et 1975 – moindrement jusqu'en 1982 –, et à nouveau depuis les années 1990 et surtout 1999. Aux tailles supérieures, la croissance démographique, forte au début (1962-1968), se prolonge jusqu'en 1975 principalement sur celles de plus de 10 000 âmes ; le « creux » de 1975-1990 y est davantage marqué partout, et la reprise postérieure se marque principalement aux niveaux 10-20 000 hab. Les soldes migratoires très positifs de début de séquence interviennent sur 1968-1975 essentiellement, et 116 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 rejouent un rôle sensible depuis 1990, voire 1999, pour les U.U ayant entre 5 et 20 000 hab. En revanche, entre 20 et 50 000 hab., des soldes négatifs ou à peine perceptibles sont observables depuis 1975 (voir graphiques p. 254-255). On soupçonne, en explications, une croissance forte partout par solde naturel entre 1954 et 1968, relayé par des flux issus des campagnes et par un développement économique local jusqu'en 1975-1980 ; des difficultés de l'emploi sont ensuite survenues, qu'ont contrebattues des améliorations de centralité locale (décentralisation, progrès des services), des rattrapages fonctionnels ou de diversification économique, et une participation aux processus de périurbanisationrurbanisation de provenance à la fois locale et sous-régionale. Pour les fonctions économiques, le zoom est limité à la période 1999-2006. La strate la plus modeste des U.U. de moins de 5 000 âmes localise aujourd'hui 11,2% des habitants de l'Alsace : 203 970 habitants ; avec 76 460 emplois au lieu de travail (LT), elle entre pour 10,3% des emplois régionaux : une proportion modeste, mais en cours de renforcement : + 7 940 entre 1999 et 2006. Dans ce progrès récent, on note une augmentation totalisée de 8 035 emplois tertiaires, corrigeant les fléchissements de l'emploi artisanal ou industriel comme agricole. Là donc, s'exprime un rattrapage en matière de services, visible moins sur l'administration (1,6 emploi pour 100 hab.) que dans les progrès dans les services aux personnes ou aux entreprises. Même si ne s'y établissent que 7,5% des cadres de la région, les augmentations de postes de ce type au LT, et de ceux de professions intermédiaires, montrent une certaine vitalité économique retrouvée et mieux positionnée qu'autrefois. Le lot des U.U. de 5-10 000 hab. abrite 5,3% des habitants alsaciens et une proportion, assez voisine, de 5,6% des emplois régionaux ; là aussi, avec des gains récents de postes de travail (+ 4 510), où l'amélioration du niveau des emplois tertiaires est substantielle (+ 3 210) ; il semble que ce soit le signe d'une validation de leur rôle de centres des petits bassins de vie, de pôles locaux d'intercommunalité de base. En encadrement, leur rang demeure modeste (4,3%), notamment par rapport aux professions intermédiaires présentes (5,5% du total alsacien). Le plus fort renforcement concerne les U.U de 10 à 20 000 âmes. En 2006, ce sous-ensemble compte 133 660 habitants, soit 7,4% des résidents alsaciens. Mais on y trouve 9,4% des emplois LT. (contre 8,9% en 1999). Les 47 unités qui composent ce groupe ont fixé 40% des gains en postes de travail réalisés sur l'ensemble des UU analysées : le bénéfice 1999-2006 y est de près de 9 000. Si des pertes ont eu lieu dans les activités industrielles et artisanales, les augmentations en actifs tertiaires LT dépassent les 8 270, dont 1 900 dans les services aux particuliers et 1 290 dans ceux tournés vers les entreprises. On note en même temps que les emplois de cadres supérieurs y ont nettement augmenté (de 5 748 à 8 608 entre 1999 et 2006, taux de près de 50%, contre 39% pour les UU <5 000 h., et 33% pour celles de 5-10 000 âmes), de même que ceux de professions intermédiaires (+ 2 940, taux de gain = 22,4% contre 23,3 et 20,2%). Toutes ces petites agglomérations constituent de notables polarités et consolident 117 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 leur centralité depuis une dizaine d'années. Le groupe des UU de 20 à 50 000 hab. n'offre pas autant de transformations. En part de population régionale, il ne totalise que moins de 100 000 âmes ; les emplois y sont plutôt stables, autour de 40.000 (+ 1 230 sur l'ensemble de ces 22 villes entre 1999 et 2006, et + 2 070 dans les métiers tertiaires). La proportion des cadres et des professions intermédiaires ne dépasse pas celle désormais atteinte par le groupe des U.U de 10 - 20 000 âmes, qui ont également rejoint leur niveau d'emplois d'administration par habitant. L'interprétation que l'on peut avancer est que les mutations de leurs fonctions avaient eu lieu dès avant 1999, à la différence des unités plus petites : centralité confirmée, animation soutenue dans leur zone d'influence, implantations d'établissements en voisinage... NB : les agglomérations de Colmar ou de Haguenau dépassaient déjà les 50 000 âmes en 1999. Les diffusions externes d'activités ou de résidences y concernent aussi des deuxièmes couronnes, comme également à Saint-Louis, Guebwiller ou Sélestat. À travers ces notations, ressortent plusieurs éléments : a) une diffusion plus ample des activités publiques et privées de l'économie résidentielle, adossée aux divers niveaux d'agglomérations ; b) compte tenu des proximités fréquentes entre villes, la distribution des activités économiques, y compris de niveau cadre ou profession intermédiaire, peut profiter à plusieurs niveaux urbains ; c) il faut se garder toutefois de trop généraliser l'analyse par groupes d'U.U, tant les profils d'activités hérités sont hétérogènes : certaines sont « tertiaires » de longue date, d'autres, « industrielles » ont eu à effectuer des rattrapages...et toutes n'ont pas les mêmes facilités de dessertes... ; il en est aussi qui évoluent au sein de couronnes de grandes aires urbaines tandis que d'autres ont leur sort lié à l'évolution des campagnes. 118 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tableau 10 : Les cadres supérieurs, lieux de travail et de résidence Gains par zones Alsace entière villes-centres de ZAU 1ères couronnes 2èmes couronnes communes multipolarisées espaces à dom.rurale Au lieu % localisés Au lieu de travail des gains de résidence 22350 25234 11144 49,9 6334 5029 22,5 5197 3237 14,5 7215 748 3,3 667 2192 9,8 5821 % localis. des gains 25,1 20,6 28,6 3 23,1 Ces indications soulignent la prééminence des villes-centres Tableau 11 : Emploi tertiaire et villes-centres Total empl Emploi % tert/ Total empl Emploi % tert/ 1999 tertiaire tot. 2006 tertiaire tot UU < 5000 5-10 000 10-20 000 20-50 000 Alsace 68517 36861 61106 39147 687767 35202 23768 35 15 23393 461167 51,4 64,5 57,6 59,8 67 76459 43237 41375 26977 70071 43429 40273 25463 744441 523916 56,5 65,2 62 63,2 70 Tableau 12 : Ventilation des évolutions dans les services aux entreprises et aux particuliers 1999-2006 (LT) Catégories Empl. serv. entreprises Empl. serv. Particuliers Administration d'UU 1999 2006 1999 2006 2007 < 5 000 5453 6487 4060 4568 3362 5-10 000 2861 3297 2424 2726 2365 10-20 000 5475 6764 3749 563 4064 20-50 000 4083 4169 2357 2544 2817 Il reste que la préoccupation de saisir les places détenues par les strates inférieures de l'armature urbaine régionale est justifiée : ne serait-ce que dans des travaux comparatifs interrégionaux : l'Alsace ne peut faire abstraction de cette spécificité historique et géographique qui la singularise. À travers ce dossier, se lisent des aspects intervenant dans son modèle spatial de développement, dans les conditions d'un passage d'une métropolisation centrée vers une métropolité régionale, dans les regards à porter aux mutations tant des « économies de production » que dans les « économies résidentielles » , voire « présentielles », et à relier aux changements nourris de « l'économie numérique » à l'œuvre aujourd'hui. 119 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 2. Vers des fractures L‟idée qu‟il puisse exister une fracture sociale est particulièrement douloureuse en Alsace et dans le monde rhénan. Au cours de l‟histoire, on a toujours cherché des compromis entre le monde du travail et celui du capital ; la négociation, voire le consensus, sont inscrits dans les mentalités ; et le parti communiste, qui revendiquait la lutte des classes, n‟a jamais pesé lourd dans la vie politique alsacienne, d‟autant moins que beaucoup d‟ouvriers étaient aussi des paysans. Mais à présent les digues locales cèdent devant la globalisation des mentalités. Le « modèle d‟Amsterdam », où les différentes populations vivent ensemble, est en repli devant le « modèle de Johannesburg » avec des communautés fermées de riches (usuellement blancs) et des quartiers populaires faits de « matchboxes », de boîtes d‟allumettes pour personnes en général de couleur (mais non exclusivement). En filigrane se pose la question des classes moyennes et de leur déclin. Ainsi, quels sont les signes, voire les faits avérés, annonciateurs d'une rupture peut-être définitive dans l'histoire de la société alsacienne, au moment même où sa langue est en train de quasiment disparaître ? Seules les parties centrales des villes semblent préservées de cette évolution ; elles sont le creuset du multiculturalisme, un brin intellectuel à Strasbourg et franchement populaire à Mulhouse ; mais les clivages réapparaissent selon les quartiers, voire les îlots. Les premières couronnes avaient connu une forte expansion durant les Trente Glorieuses ; elles abritent de l'habitat collectif déjà ancien et peu attractif, avec des populations en difficulté. Ce sont les secondes couronnes et leur au-delà qui connaissent les dynamiques les plus fortes, avec l'émergence de périphéries aisées heureuses, mais aussi d'espaces de relégation. Le tout est brassé, redistribué et rendu confus par les flux. Les migrations de travail au quotidien ne cessent de s'allonger et de se disperser ; les écoles privées, qui sont devenues un lieu par excellence de la reproduction sociale des élites, ont des bassins de recrutement de grande envergure. Les comportements électoraux dessinent progressivement une carte de la ségrégation socio-spatiale... 120 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 2.1 Radioscopie des fractures scolaires alsaciennes – Francis Fuchs, Raymond Woessner L‟Académie de Strasbourg est une petite académie puisqu‟elle n‟est composée que de deux départements. Mais cela n‟empêche pas le développement en son sein de véritables fractures scolaires, ce qui traduit l'évolution des composantes sociales dans les différents points du territoire. L‟excellence des performances scolaires est donc loin d‟être une réalité partagée sur le territoire alsacien. Certains lieux académiques sont manifestement en cours de ghetthoïsation, soit parce qu'ils tendent à rassembler des populations uniquement aisées, soit au contraire parce qu'ils deviennent des espaces de relégation où l'école, qui devrait être le levier de l'ascenseur social, ne parvient plus à remplir sa mission. Au niveau national, le débat sur la fracture scolaire a déjà été entamé. À propos des Zones d‟Éducation Prioritaires (ZEP), Éric Maurin a observé que le fait de classer un établissement scolaire en ZEP conduit à un effet d‟évitement du quartier par des familles de classes moyennes ou supérieures, ce qui renforce la ghettoïsation à long terme ; mieux vaudrait, selon lui, ne pas territorialiser l‟aide mais l‟affecter aux seuls élèves en difficulté, d‟autant plus qu‟on trouve en zone ZEP également des ménages sans problèmes sociaux alors que de nombreux ménages en difficulté résident à 42 l‟extérieur des périmètres aidés . Des fractures qui persistent et qui s’aggravent La confrontation d‟un certain nombre de données sociales comme l‟origine socio-professionnelle des publics scolaires (l‟indicateur statistique utilisé est celui du pourcentage d‟élèves issus de la catégorie « ouvriers et sans emploi ») et un certain nombre d‟indicateurs scolaires (comme le pourcentage d‟élèves orientés vers les secondes générales et technologiques et la « valeur ajoutée » pour les résultats au baccalauréat) permet de dégager deux sortes de fractures. La première fracture est géographique. Il y a depuis de nombreuses années une différence presque structurelle entre le Bas-Rhin et le Haut-Rhin et plus précisément sur la limite septentrionale du Bassin potassique. Le caractère plus « ouvrier » de cette partie du Haut-Rhin, qui englobe à la fois l‟ancien bassin potassique, l‟agglomération mulhousienne, les vallées de la Thur et de la Doller et les zones frontalières méridionales, s‟explique à la fois par l‟ancien héritage industriel et par la zone de recrutement des travailleurs frontaliers. Les difficultés chroniques de ces différents bassins d‟emplois rejaillissent d‟une certaine manière sur les difficultés scolaires de bon nombre d‟élèves de collèges et de lycées. La deuxième fracture est culturelle et se lit dans le contraste brutal entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat. Les collèges et lycées privés (environ 13,5% des publics scolaires) se caractérisent avant tout par un faible pourcentage de CSP défavorisées (plus de 12 points d‟écart avec le public), par une très forte proportion d‟élèves orientés vers les secondes générales et technologiques et par une plus forte valeur ajoutée pour le bac. Les pesanteurs 42 Maurin E. (2004), Le ghetto français, Paris Seuil, 96 p. 121 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 sociologiques déterminent en grande partie les parcours scolaires. D‟autres (l‟école de Bourdieu en particulier) l‟ont démontré dans les années 1960. En 2011, les clivages sont toujours aussi marqués ! Cette première analyse doit cependant être affinée. Tableau 13 : Deux lignes de fractures Public (1) Collèges Privé (2) Lycées Collèges CSP déf.(3) vers 2GT(4) CSP déf. VA (5) 44,2 % 60,3 % 27,0 % + 0,59 Haut-Rhin 49,7 % 59,2 % 33,0 % Académie 46,5 % 59,9 % 29,4 % Bas-Rhin Bac CSP déf. Lycées vers 2GT CSP déf. 7,8 % 82,2 % 16,1 % - 1,04 21,0 % 68,3 % 17,0 % - 0,37 15,3 % 74,4 % 16,50% Source : Indicateurs pour le Pilotage des Établissements du Second degré (MEN, 2009) pour les CSP et l‟orientation. Site de « L‟Express » pour la VA Bac. Remarques : (1) 108.138 élèves dans 141 collèges (85 dans le Bas-Rhin et 56 dans le Haut-Rhin) et 45 lycées (25 dans le Bas-Rhin et 20 dans le Haut-Rhin). (2) 16.919 élèves dans 20 collèges (9 dans le Bas-Rhin et 11 dans le Haut-Rhin) et 13 lycées (7 dans le Bas-Rhin et 6 dans le Haut-Rhin). (3) Catégories socio-professionnelles défavorisées (essentiellement ouvriers dans les indicateurs) (4) Pourcentage des élèves de troisième orientés vers les secondes générales et technologiques. Le reste est orienté vers les secondes professionnelles ou l‟apprentissage. (5) Valeur ajoutée bac : il s‟agit de la différence entre le taux de réussite attendu au bac du lycée en question par rapport à la moyenne académique. La moyenne a été calculée sur la période 2000-2009. Un moteur à six vitesses Quand on croise les données sociologiques (CSP défavorisées) et les données scolaires (orientation après la troisième pour les collèges et valeur ajoutée au bac pour les lycées), on est en présence d‟un moteur scolaire à 6 vitesses. Ce sont les deux catégories extrêmes qui sont les plus frappantes. La 1 ère catégorie, qui représente environ 20 % des effectifs, se caractérise à la fois par un public scolaire sociologiquement très favorisé et par des pratiques « élitistes ».Les établissements privés sont particulièrement représentés. Les établissements publics sont implantés soit dans les centres bourgeois (Pontonniers, Bartholdi…) ou dans certaines villes moyennes alsaciennes (Obernai, Thann…). La dernière catégorie (environ 9 % des publics scolarisés) est à l‟opposé. Les publics scolarisés sont très majoritairement des enfants des catégories sociales défavorisées et l‟école n‟arrive plus à leur assurer les mêmes chances de réussite scolaire. Le contraste est particulièrement violent dans la ville de Mulhouse où s‟opposent deux systèmes 122 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 scolaires : l‟élitisme pour les établissements privés, la relégation pour presque tous les établissements publics. Entre les deux extrêmes se trouve un peloton d‟ailleurs lui-même scindé en deux grandes catégories de poids équivalent (les catégories 4 et 5). Tableau 14 : Six catégories d‟établissements scolaires Collèges Orientation vers Secondes générales et technologiques > 69 % Lycées CSP Valeur défavorisées ajoutée Bac Kléber / Str, Vendenheim, Espalanade / Str, Pfulgriesheim, Truchtersheim, Foch / Str, Freppel / Obernai, V.Hugo / Colmar, Parc / Illkirch, Souffelweyersheim Pontonniers / Str, Freppel / Obernai, Bartholdi / Colmar, Dumas / Illkirch, Ribeauvillé, Meck / Molsheim, Schuré / Barr, Scheurer-Kestner / Thann Gymnase Sturm, Aquiba, StEtienne / Str. Collège Episcopal / Zillisheim, Séminaire Jeunes / Walbourg,Don Bosco / Landser, Jeanne d‟Arc / Mulhouse, StePhilomène / Haguenau, Doctrine Chrétienne / Strasbourg CSP défavorisées Catégorie 1 Public Privé Catégorie 2 Public Privé Catégorie 3 Public Privé Catégorie 4 Public Privé <30 % Berge, Aquiba, St-Etienne, ND de Sion, Divine Providence /Str, Ste-Ursule / Riedisheim, Jeanne d‟Arc / Mulhouse, Don Bosco / Landser,St-Jean / Colmar, Champagnat / Issenheim Assomption,StAndré / Colmar, Missions / Haguenau, JeanXXIII / Mulhouse <30 % < 59 % < 30 % >2 < 30 % <0 Brumath, Meck / Molsheim, Gerstheim, Fustel / Str, Kirschleger / Munster, Rouffach Couffignal, M.Curie / Str, Kastler / Guebwiller, Camille Sée / Colmar, Deck / Guebwiller, Le Corbusier / Illkirch St-Joseph / Rouffach, Ste-Marie / St-Joseph de Cluny/Mulhouse Ribeauvillé <30 % > 59 < 69 Achenheim, Eschau, Rosheim, Mundolsheim, Eckbolsheim, Marlenheim, Illfurth, Bugatti / Molsheim, Fustel / Str, Geispolsheim Séminaire Jeunes / Walbourg, Missions / Blotzheim > 30 % > 59 % La Wantzenau, Robertsau/Str, Kaysersberg, Riedisheim, Barr, Fortschwihr, Habsheim, Ribeauvillé, Orbey, Wintzenheim, Poincaré/Saverne, Dambach, Roseaux/Illkirch, Châtenois, Pasteur/Str, Weiss/Str, Ingersheim, Kingersheim, Schweighouse, Vauban/Str, Soultz, Lutterbach, Sources/Saverne, Fessenheim, Hégenheim, Foch/Haguenau, Galilée/Lingolsheim, Ottmarsheim, Wissembourg, Europe/Obernai, Buhl, La Walck, Cernay, Hirsingue, M.Alexandre / Lingolsheim, Walch/Thann, Marckolsheim, Pagnol / Wittenheim, Sarre-Union, A.Franck/Illzach, Diemeringen, Erasme/Str, Schickelé/St-Louis St-Joseph/Matzenheim 123 < 30 % >0<2 Kléber / Str, Yourcenar / Erstein, M.Bloch / Bischheim, Leclerc/Saverne, Schwilgué/Sél Ste Clotilde / Strasbourg > 30 % >0 Haut-Barr / Saverne, Marchal / Molsheim, Koeberlé / Sélestat, Henner / Altkirch, Storck / Guebwiller, Zeller / Bouxwiller, Eiffel / Cernay, Heinrich / Haguenau, Bugatti / Illzach, Stanislas / Wissembourg, Maurois / Bischwiller, Zurcher/ Wittelsheim Sonnenberg/Carspach Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Catégorie 5 Public Privé Catégorie 6 Public Privé > 30 % < 59 % Wasselonne, Hochfelden, Hoerdt, Sierentz, Heiligenstein, Burnhaupt, Brunstatt, Villé, Munster, Dannemarie, Erstein, Rhinau, Masevaux, Ostwald, Altkirch, Mentel/Sélestat, Ensisheim, Pfastatt, Monnet/Str, Marmoutier, Schirmeck, Bouxwiller, Rixheim, Benfeld, Faesch/Thann, Sundhouse, Ried / Bischheim, Wingen, Mertzwiller, Ferrette, Ingwiller, Kléber/Haguenau, St-Amarin, Drusenheim, Village-Neuf, La Broque, Leclerc / Schiltigheim, Woerth, Volgelsheim, Niederbronn, Beatus Rhenanus / Sélestat, Lauterbourg, Seppois, Soufflenheim, Berlioz / Colmar, Soultz-sous-Forêt , Guebwiller, Péguy / Wittelsheim, J.Verne / Illzach, Saut du Lièvre / Bischwiller, Drulingen, Rouget de Lisle / Schiltigheim, Reichshoffen, JoliotCurie / Wittenheim ,Seltz, Bel Air / Mulhouse, Pfeffel / Colmar, Kennedy / Mulhouse > 30 % > 45 % <0 M.Rudloff/Str, L.Weiss/Ste-Marieaux-Mines, Montaigne/Mulhouse, B.Pascal/Colmar, Pasteur/Str., Mermoz/St-Louis, Imbert/SarreUnion, Lavoisier/Mulhouse, Cassin/Strasbourg < 49 % Lamartine / Bischheim, Twinger / Str, Maurois / Bischwiller,Truffaut, Stockfeld, S.Germain, Solignac, Lezay-Marnésia / Str, Villon, Wolf, Bourtzwiller, St-Exupéry, J.Macé / Mulhouse, H.Arp/Str, Molière / Colmar - > 45 % < -3 Lambert, L.Armand, A.Schweitzer/Mulhouse, J.Monnet/Str - Remarque : les établissements sont classés dans chaque catégorie par ordre croissant des catégories socio-professionnelles défavorisées. Les mentions des collèges et lycées basrhinois et haut-rhinois peuvent par conséquent se mélanger. 124 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Quels remèdes pour réduire les fractures ? Cette question est fondamentale pour l‟avenir du modèle scolaire alsacien. Si la prise de conscience date des années 1980, les politiques scolaires récentes et certains projets ne brillent pas par leur ambition. Pour réduire les fractures scolaires, elles utilisent plutôt la «thérapie du sparadrap ». Notre ministre tente, avec la complaisance de certains, d‟élargir le réseau des (E)CLAIR qui offrent le moins à ceux qui en auraient besoin le plus. En ressortant le projet poussiéreux de « l‟école fondamentale » on revient au XXème siècle. En imposant sans concertation et sans moyens la « contre-réforme » des lycées, on pérennise et aggrave les fractures. En favorisant systématiquement les établissements privés (la dotation des établissements privés a été encore augmentée de plus de 7 % en 2011), la majorité alsacienne renforce encore davantage les fractures. C‟est un tout autre projet qu'il faudrait promouvoir pour sortir de l‟impasse. Dès la maternelle il faudrait scolariser le plus tôt possible les enfants des milieux les plus défavorisés. L‟académie de Strasbourg détient – faut-il le rappeler – le peu enviable record de la sous-scolarisation des 2 ans. C‟est une véritable synergie qu‟il faut promouvoir par une véritable politique de la ville dans les quartiers défavorisés des trois grandes agglomérations alsaciennes. Ce sont enfin les trois voies (générale, technologique et professionnelle) qu‟il faut consolider dans les lycées. L‟exemple des performances remarquables accomplies jusqu‟à présent en particulier par les lycées polyvalents industriels (Marchal/Molsheim, Haut-Barr/Saverne…) est la meilleure preuve que, « les yeux grands ouverts sur le réel », on peut faire le pari de l‟intelligence et de la diversité ! 125 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 8 : Différenciations entre collèges 126 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 9 : Différenciations entre lycées 127 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 2.2 Les élections régionales 2010 – Article DNA de Claude Keiflin, dimanche 7 novembre 2010 (ref. TE 02, pages régionales) Dis-moi si tu habites au cœur de la ville ou en deuxième périphérie, et je te dirai comment tu votes. Ou alors dis-moi comment tu as voté et je te dirai où tu résides. C'est en gros le périlleux exercice auquel se livrent les spécialistes des statistiques depuis les élections régionales. Les conclusions politiques ne sont pas évidentes à tirer. L'Association de prospective rhénane organisait l'autre soir au Pôle européen de gestion et d'économie à Strasbourg une rencontre sur le thème : « Les élections régionales de 2010 en Alsace : vers de nouvelles significations sociales et spatiales ? ». Une affiche alléchante pour une conclusion plus mitigée, car il n'est pas simple de réduire les complexes motivations ou impulsions de vote des individus à une feuille de calcul Excel. Bernard Aubry, ancien de l'INSEE, a travaillé sur les variables urbaines du vote. Il retient le découpage de l'Alsace selon les « polarisations », les pôles étant l'ensemble des villes centres, la population qui vit au cœur des onze aires urbaines, soit environ 620 000 habitants en Alsace ; les premières couronnes (par exemple 19 communes autour de Strasbourg : Schiltigheim, Bischheim, Illkirch, Ostwald...) comptent environ 400 000 habitants ; les deuxièmes couronnes communes périurbaines pouvant aller jusqu'à 50 km du cœur de pôle, représentent environ 230 000 habitants. Présence d'enfants d'immigrés et vote d'extrême-droite ne sont pas liés L'analyse des votes en fonction des polarisations donne des résultats évidents pour certains, surprenants pour d'autres. La différence de participation est importante : on vote beaucoup moins dans les pôles qu'en périphéries. La répartition des réserves de voix entre les deux tours (nouveaux votants, centristes éliminés du 2ème tour, écologistes qui n'avaient plus de tête de liste) montre que Richert a progressé beaucoup plus en périphérie qu'au centre alors que pour Bigot, c'est l'inverse. En revanche, il n'y a pas de lien évident entre la présence des enfants d'immigrés en âge de voter et les scores de l'extrême-droite. Près de la moitié des enfants d'immigrés habitent au centre alors que le vote d'extrême-droite est surtout le fait des périphéries. Jean-Paul Villette, de l'université de Strasbourg, spécialiste des statistiques exploratoires, a classé les communes alsaciennes (hors Strasbourg, Mulhouse et Colmar) qui avaient des caractéristiques de vote identiques en quatre clusters. 465 communes ont voté un peu plus écolo et UMP que la moyenne. 256 communes ont donné à Richert un score beaucoup plus élevé que la moyenne régionale. 65 communes se sont un peu plus abstenues que la moyenne et 114 communes ont donné une nette préférence à la liste Bigot et au Front de gauche. 128 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Qu'est devenu le « peuple » ? Raymond Woessner a traduit ces quatre clusters en carte et Richard Kleinschmager a été invité à en tirer, ex abrupto, les enseignements politiques. Philippe Richert, remarque le politologue, a réussi une mobilisation intense là où il est déjà très fort, en Alsace du Nord et dans le vieux fief gaulliste du Sundgau. La carte de la gauche recouvre celle du vieux tissu industriel, la vallée de la Bruche, les secteurs de Reichshoffen, Niederbronn, le Bassin Potassique. Figure 10 : Les élections régionales de 2010 par commune Les néoruraux se ruralisent dans leur comportement électoral « Les centres des grandes villes ont subi un phénomène de « gentrification », autrement dit, les bobos ont pris la place des ouvriers. Les classes moyennes inférieures ont été prises dans le processus de périurbanisation lointaine, ce qui est peut-être pénalisant en termes de transports, de difficultés à trouver du travail sur place. Ces gens qui votaient à gauche tant qu'ils habitaient en ville se 129 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 retrouvent plus facilement dans le vote FN. C'est cohérent avec la remarque sur les enfants d'immigrés ; plus on s'éloigne des centres villes, moins il y en a et pourtant on constate dans ces zones périurbaines lointaines un fort taux de vote FN » analyse Richard Kleinschmager. On n'a malheureusement pas la même lisibilité de la périurbanisation que de la « banlieue ». « Qu'est devenu le peuple ? On a l'impression qu'il s'est dissous dans la périurbanisation et qu'il a perdu ses repères. On constate en tout cas dans cette périurbanisation une appétence pour la droite plus que pour la gauche », dit encore Richard Kleinschmager. Selon Raymond Woessner, « les néoruraux se ruralisent dans leur comportement électoral. On peut se demander si la société n'est pas en train de se casser en deux, avec un périurbain de gens heureux, prospères et conservateurs, et d'autres territoires périurbains qui décrochent, par exemple dans le Haut-Rhin industriel traditionnel. Cette fracture ne risque-t-elle pas de s'aggraver à l'avenir ? ». 2.3 Voisinage et périurbanisation – Bernard Aubry43 Hormis aux États-Unis et en Europe du nord la question de la mesure de la composition du voisinage n‟a été abordée que récemment en France où, pourtant, la mixité sociale est devenue aujourd‟hui une préoccupation lancinante, d‟autant que les principes républicains s‟accommodent mal de l‟idée de ségrégation sociale. Certes une distribution parfaitement uniforme de la population n‟est pas un objectif réaliste, ne serait-ce que pour des raisons économiques. Ainsi, autrefois, il y avait dans les villes des rues réservées à certaines corporations ainsi que des quartiers peuplés de population réparties selon le rang social ou l‟appartenance religieuse. Après la guerre, avec l‟augmentation passive – entrée dans la vie adulte des enfants du baby-boom, migrations issues des campagnes et de l‟étranger – de la population et l‟immigration, cette dernière s‟est trouvée concentrée dans certains quartiers des villes et de leur périphérie. Éventuellement on a même assisté à une véritable ségrégation de certaines catégories de population, les plus pauvres, souvent des étrangers, parfois parqués dans des bidonvilles. Quand le statisticien cherche à quantifier les phénomènes sociaux, il se doit de préciser d‟abord les concepts qu‟il va utiliser. En l‟occurrence, on peut énoncer d‟emblée deux notions bien distinctes. Celle de concentration et celle d‟entre-soi. La notion de concentration renvoie aux différences dans les proportions d‟un groupe d‟un territoire à l‟autre. Ainsi quand dans un pays on dénombre par exemple 10% de la population appartenant à un groupe social, on constatera une 43 Cette étude s‟appuie sur une communication présentée au colloque de l‟Association Internationale de Langue Française (AIDELF – Québec 2008), http://www.erudit.org/livre/aidelf/2008/001535co.pdf. On trouvera également en ligne deux présentations faites par Michèle Tribalat sur cette question de la mixité/ségrégation : audition le 4 novembre 2010 auprès des membres de la délégation sénatoriale à la prospective présidée par Fabienne Keller (http://videos.senat.fr/video/videos/2011/video7471.html) et présentation au CAMS (Centre d‟Analyse et de Mathématique Sociales – EHESS, le 15 novembre 2010, http://cams.ehess.fr/docannexe.php?id=1010. 130 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 concentration variable selon les territoires : 5% dans telle ville, 12% dans telle autre, etc. La notion d’entre-soi renvoie plutôt à la propension des personnes d‟un groupe donné à vivre ou non les uns à côté des autres. Dans le cas extrême, l‟entre-soi conduit à la séparation complète des populations, comme si un mur symbolique partageait une ville. Les indicateurs de l‟entre-soi sont a priori indépendants de ceux de la concentration. Ainsi dans une ville où un groupe donné est fortement représenté (concentration élevée) on peut imaginer deux cas extrêmes : le cas de mixité complète et le cas de ségrégation complète. Mais, même si les membres d‟un groupe très nombreux ont un voisinage correspondant exactement à leur proportion dans la ville (mixité complète), leur voisinage peut ressembler à celui observé dans une ville où ils sont bien moins nombreux mais fortement ségrégués. À cette notion d‟entre-soi on peut ajouter celle connexe d‟exposition à un groupe, par exemple la proportion des voisins des personnes d‟origine algérienne qui sont voisins de personnes d‟origine française. Une analyse statistique approfondie conduit à la création de nombreux indicateurs élémentaires correspondant chacun à l‟attraction/répulsion des différentes composantes de la population. On en vient alors à chercher à résumer l‟intensité des phénomènes étudiés par un seul indicateur synthétique de voisinage, un indicateur d‟écart à la mixité sociale complète, qui, comme toujours en la matière, se révèle parfois réducteur, mais qui seul permet de donner une vision d‟ensemble (voir encadré en annexe). Ces indicateurs ont été élaborés à partir du fichier SAPHIR (Système d‟Analyse de la Population par l‟Historique des Recensements) et portent sur les enfants âgés de 0-17 ans44. L‟objet de l‟ouvrage étant de proposer une meilleure connaissance des phénomènes liés à la périurbanisation, nous avons donc opéré certains choix en matière de définition des territoires. L‟aire urbaine composée à l‟issue du recensement de 1999 est la référence. On a retenu sept aires urbaines parmi les plus importantes, des aires dont la population totale oscille entre 450 000 et un million d‟habitants. On exclut donc les quatre plus grandes aires urbaines (Paris, Lyon, Marseille et Lille) qui mériteraient sans doute des analyses spécifiques ainsi que quelques autres (dont Nice, Toulon, Douai-Lens), des aires urbaines dont la morphologie et les fonctions sont jugées trop différentes de la moyenne des autres unités étudiées. Au sein de ces unités géographiques, on distingue trois niveaux géographiques, le centre, la première et la seconde couronne tels qu‟utilisés habituellement dans les travaux portant sur l‟étalement urbain. Les autres choix sont tributaires des informations et des nomenclatures fournie par le système statistique. 44 Il est possible de construire une variable « origine » seulement pour cette tranche d‟âges en exploitant les bulletins des parents collectés dans la famille lors des recensements ou des enquêtes annuelles. 131 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Un indicateur d’entre-soi Les variables de base sont les origines, comprenant au maximum quatorze modalités et les catégories socioprofessionnelles en huit postes. L‟unité statistique est l‟enfant de moins de 18 ans à qui on attribue les caractéristiques de ses parents, ce qui implique là aussi certaines conventions (pour les couples mixtes et les familles monoparentales). La démarche consiste à comparer, pour un territoire et un groupe donnés, deux proportions : celle des individus du groupe de référence à celle des mêmes individus habitant dans le voisinage proche. Cette analyse est possible grâce au classement des bulletins de recensements voisins dans les fichiers informatiques qui fait que les voisins dans le fichier ont de très fortes chances de l‟être aussi dans la vie. En d‟autres termes, tout logement est encadré par une série de logements précédents et suivants qui, sauf saut d‟îlot, territoire de base du recensement, sont limitrophes les uns des autres. Comme les bulletins de recensement sont exploités par sondage (un sur quatre, voire un sur cinq), les logements voisins du logement L seront L-4 ou L+4 si le taux de sondage est de un sur quatre. Ici ne seront traitées que les données de recensement compilées dans les exploitations au ¼ de 1968 à 199945. Cette façon de faire permet de s‟affranchir des limites administratives de la région, du département ou de la commune, de tailles et de peuplement variables. Les résultats ont donc un sens même si la prudence est plus que jamais de rigueur et ce d‟autant plus que la base statistique utilisée par l‟auteur (SAPHIR) n‟est plus accessible. Ainsi pour un groupe représentant 1% de la population (les Turcs, les Africains…), pour un ensemble d‟un million d‟habitants, on dénombre environ 400 000 logements, dont un quart (100 000) sert de référence. Cela fait donc 1 000 ménages dont on observe le voisinage pourvu qu‟ils aient au moins un enfant en leur sein. En supposant que ce soit le cas et qu‟il y ait au moins un enfant dans les deux logements encadrants, on a alors quelque 2 000 voisins. Si la distribution des voisins est aléatoire, on ne trouvera donc qu‟une vingtaine de voisins du même groupe, ce qui rend les comparaisons entre groupes parfois hasardeuses (ex. les résultats comparés pour les Algériens dans les communes de la seconde couronne en 1968 et 1975). Voisinage et concentration dans le centre et les couronnes des aires urbaines On propose une série de graphiques concernant les enfants d‟origine étrangère comparant l‟entre-soi et la concentration du centre à la périphérie des villes des sept aires urbaines retenues (Toulouse, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Grenoble, Montpellier). Les données pour la France métropolitaine figurent à titre de référence. La première série de graphiques porte sur l‟ensemble des enfants d‟origine étrangère. À l‟échelle de la métropole, l‟entre-soi s‟est accru jusqu‟au début des années 1980 pour se stabiliser ensuite un peu au-dessus de 40%. Autrement dit, entre 1982 et 1999, les jeunes d‟origine étrangère ont eu en moyenne 4 voisins sur dix d‟origine étrangère. C‟est bien supérieur à la part des enfants d‟origine 45 Des tests préalables effectués par comparaison avec les fichiers exhaustifs ont montré que l‟effet du pas n‟est pas déterminant, du moins s‟il est de l‟ordre de celui du tirage de l‟exploitation censitaire. 132 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 étrangère en France, même si celle-ci s‟est accrue. En 1968, c‟est en première couronne que la concentration et surtout l‟entre-soi sont les plus élevés. La concentration va doubler en trente ans au centre-ville quand elle va stagner en première couronne et même diminuer en deuxième. Les écarts de concentration entre centre et périphérie des villes se sont donc creusés. Il en va de même des voisinages. Dans les années 1990, au centre-ville, plus d‟un voisin sur deux des enfants d‟origine étrangère l‟est aussi en centre-ville, contre 27% en première couronne et 11% en deuxième couronne. En seconde couronne, l‟entre-soi, qui avait atteint jusqu‟à 40% au début des années 1980, a perdu treize points. Dans ce type de territoire où l‟habitat est beaucoup plus dispersé, les jeunes d‟origine étrangère sont peu nombreux et vivent dans un voisinage presque aussi diversifié qu‟il peut l‟être. Figure 11 : Concentration (en %) et entre-soi (%) – 1968-1999 Pourcentage des jeunes d‟origine étrangère (G-1a) maghrébine (G-1b), algérienne (G-1c), marocaine (G-1d) ou sud-européenne (G-1d), selon la position dans l‟aire urbaine – Comparaison avec la Métropole (graphiques de gauche) Mode de lecture – 1999, métropole : 17% des enfants sont d‟origine étrangère pour un entre-soi de 42%. On note que l‟entre-soi est toujours supérieur à la concentration. Rappelons que pour le voisinage, les données de 1975 ne sont pas, en toute rigueur, ème comparables à celles des autres recensements, à cause du taux de sondage au 1/5 (au lieu du quart). De même il n‟est pas sûr que les indicateurs de 1999 soient également parfaitement comparables à celles des recensements précédents (le tirage était au ¼, mais il était effectué selon une méthode plus sophistiquée que le tirage systématique qui avait cours précédemment). Les sept aires urbaines : Toulouse, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Grenoble, Montpellier. 133 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 134 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 L‟indicateur d‟entre-soi n‟est réellement satisfaisant que si la population auquel il correspond est homogène, ce qui n‟est pas le cas par exemple lorsque des enfants d‟origine algérienne voisinent, par exemple, avec des enfants d‟origine portugaise. Cela renseigne surtout à quel point ils ont ou non des petits voisins d‟origine française dans leur entourage. Regardons ce qu‟il en est pour des groupes plus homogènes. Le niveau de ségrégation moyen des enfants d‟origine maghrébine a régressé en moyenne en France à partir de 1982 comme dans les centres et les deux couronnes. Pour les trois zones, jusqu‟en 1982, l‟entre-soi s‟est accru, tout particulièrement dans les centres-villes. Au début des années 1980, l‟entre-soi est compris entre 40% et 50% dans les trois zones. C‟est à la périphérie des villes, là où les enfants d‟origine maghrébine sont peu nombreux, que le 135 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 voisinage s‟est le plus diversifié. Les sept aires urbaines retenues ne reflètent pas les changements qui ont affecté le voisinage des enfants d‟origine algérienne en France qui ont de moins en moins voisiné avec leurs pairs ethniques : un de leurs voisins sur trois était d‟origine algérienne en 1968, ce n‟est plus le cas que d‟un sur sept en 1999. Leur voisinage s‟est diversifié, certes, mais en bonne partie grâce aux flux migratoires dont la composition a d‟ailleurs beaucoup varié au cours des décennies. On pourrait ainsi mettre en relation l‟évolution des indicateurs avec l‟histoire du regroupement familial ou avec le nombre d‟années de résidence en France. Peu nombreux à la fin des années 1960, les enfants d‟origine marocaine n‟étaient pas alors particulièrement ségrégués. Avec leur accroissement numérique, l‟entre-soi va s‟accroître fortement, surtout dans les centres-villes. Par contre, les jeunes originaires d‟Europe du Sud qui ont connu des niveaux de ségrégation comparables à ceux des enfants d‟origine marocaine, mais à la fin des années 1960 et seulement dans les premières couronnes où ils étaient plus nombreux, ont vu leur voisinage se diversifier considérablement dans toutes les zones, accompagnant, en l‟accentuant, leur reflux numérique. D’une ville à l’autre Les évolutions n‟ont pas été uniformes dans les centres-villes des sept aires urbaines retenues entre 1982 et 1999. Dans certains cas, l‟entre-soi a accompagné la hausse de la proportion de jeunes d‟origine étrangère, dans des proportions variables. C‟est le cas à Toulouse, Bordeaux, et Montpellier. Dans d‟autres, l‟entre-soi n‟a pratiquement pas augmenté malgré un accroissement notable de la proportion de jeunes d‟origine étrangère, comme à Nantes, Strasbourg et Rennes. À Grenoble, concentration et entre-soi se sont maintenus. Montpellier est la ville où les jeunes d‟origine étrangère voisinent le plus souvent avec d‟autres jeunes d‟origine étrangère. L‟entre-soi des enfants d‟origine maghrébine a gagné près de trente points quand celui des jeunes d‟origine sud-européenne, déjà faible en 1982, perdait encore quelques points. La situation est inverse à Bordeaux, mais c‟est relativement exceptionnel. 136 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tableau 15 : Entre-soi et la concentration dans les centres villes – 1982 et 1999, en %. Jeunes d‟origine étrangère (dont sud-européenne et maghrébine) Aire urbaine Toulouse Bordeaux Nantes Strasbourg Rennes Grenoble Ensemble des jeunes D‟origine d‟origine étrangère Sud-européenne Entre-soi Concentration 1982 Entre-soi Concentration 52,9 23,2 15,6 8,4 1999 59,6 28,5 3,5 3,2 1982 34 17 18,9 8,6 1999 41,5 19,2 21,9 5,1 1982 31,5 8,5 0,8 2,4 1999 31,3 14,7 - 1,3 1982 52,1 28,5 17 6,6 1999 55,9 38,5 6,7 3 1982 23,9 7,1 6,3 1,7 1999 27,7 15,1 - 1 1982 55,9 32 19 ,7 12 1999 55,3 31,7 2 5,1 1982 40,6 21,9 8,8 7,3 Montpellier 1999 64,6 32,3 3,5 2,7 Ensemble 1982 47 19,5 14,1 6,4 des 7 AU 1999 53,5 26,1 7 2,9 Un indicateur synthétique : l’écart à la mixité sociale La complexité des situations nous amène donc à rechercher un indicateur synthétique. Celui-ci est pour une origine et un territoire (ex. les Algériens d‟une commune) la somme, pour les différentes origines, des valeurs absolues des écarts entre concentration et entre-soi. Si la répartition des jeunes de différentes origines était parfaitement harmonieuse, cette somme devrait être égale à zéro. Les résultats permettent des classements par villes et territoires, mais par leur caractère global ils masquent la diversité des situations. À titre d‟exemple sont présentés les indicateurs pour la moyenne des sept aires urbaines du champ de l‟étude. Les graphiques sont présentés de façon analogue aux précédents, à ceci près que les deux courbes superposées représentent chacune un indicateur d‟écart à la mixité complète : dans un cas celui relatif aux catégories sociales (les CSP), dans l‟autre cas les origines. 137 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 12 : Deux indicateurs synthétiques d‟écarts à la mixité sociale (origine et CS) – 1968-1999 – jeunes de moins de 18 ans. G - 2 Indicateur global d'écart à la mixité sociale comparaison CSP et origine 1968 - 1999 0,40 Titre de l'axe Métropole Centre Première couronne Deuxième co Origine 0,20 CSP Mode de lecture – Métropole origine 1999 : l‟écart à la mixité sociale est de 0,27 pour l‟origine et de 0,14 pour la CSP (ces graphiques se distinguent des graphiques G-1 en ce sens qu‟ils comparent deux nomenclatures (origine et CSP, donc des catégories d‟origine0,00 différente), alors que les graphiques G-1 ne portent que sur une seule catégorie, l‟origine, maisr82 distinguent indicateurs, la concentration et l‟entre soi.r99 r68 r75 r90 r99 deuxr68 r75 r82 r90 r99 r68 r75 r82 r90 Voir en annexe le mode de calcul. De façon générale la tendance à la mixité liée à l‟origine a toujours été supérieure à celle liée à la catégorie socioprofessionnelle. C‟est vrai notamment au niveau national, beaucoup moins au niveau du centre-ville des grandes aires urbaines. Néanmoins la baisse de l‟indicateur d‟origine est toujours très forte, au point que les courbes se croisent dans les deux couronnes. D‟un centre-ville à l‟autre les indicateurs varient beaucoup. Ainsi on observe un contraste très marqué entre les villes du nord (Lille notamment, mais c‟est le cas aussi pour l‟aire urbaine de Douai-Lens) et celles du sud (Montpellier et Toulon en particulier). Dans l‟ouest, où la proportion d‟immigrés est faible, l‟indicateur lié d‟origine est inférieur à celui de la CSP. 138 r68 r75 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tableau 16 : Écart à la mixité complète pour les centres-villes de quelques grandes aires urbaines – 1999 Communecentre CSP Origine Communecentre CSP Origine Paris 0,21 0,2 Strasbourg 0,21 0,15 Lyon 0,25 0,19 Toulon 0,21 0,38 Marseille 0,15 0,25 Rennes 0,22 0,12 Lille 0,11 0,14 Rouen 0,24 0,18 Toulouse 0,22 0,31 Grenoble 0,17 0,23 Nice 0,18 0,24 Montpellier 0,19 0,41 Bordeaux 0,26 0,23 Metz 0,19 0,25 Nantes 0,25 0,16 Nancy 0,26 0,2 La concentration croissante sur certains territoires Certes on voit bien comment, au plan strict de la mesure conduite avec cet indicateur, l‟entre-soi a tendance à diminuer, du moins pour les catégories présentes en France depuis plusieurs décennies. Mais ce qui est vrai pour l'entresoi de la population d'origine étrangère ne l'est pas pour sa concentration. En ce domaine, les contrastes territoriaux se sont même nettement accentués, comme en témoigne le graphique suivant qui compare, pour l'Alsace et l'Ile-de-France, l'évolution du pourcentage des enfants d'origine étrangère de 1968 à 1999, dans les groupes de communes formées des localités ayant dans chacune des deux régions les pourcentages extrêmes. L'évolution divergente des deux courbes franciliennes est particulièrement frappante. 139 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 13 : Concentration (%) des jeunes d‟origine étrangère (%) – 1968-2006 – comparaison Alsace-Ile-de-France Alsace – 10 communes de 10 à 30 000 habitants de la première couronne Ile-de-France – 20 communes de 30 à 80 000 habitants de la première couronne (voir annexe 2) On regrette de ne pas avoir pu mener à bien des investigations complémentaires qui auraient permis de mieux assurer la qualité des indicateurs proposés. L‟Insee n‟a pas donné suite aux demandes en ce sens et ne semble pas prêt à diffuser des travaux historiques sur le sujet. Les nouvelles procédures de recensement ne pouvaient de toute façon pas permettre le suivi rigoureux des indicateurs calculés (sinon dans les communes de moins de 10 000 habitants recensées de la même façon que précédemment). Toutefois le nouveau recensement permet des apports significatifs : périodicité annuelle de la diffusion des résultats, données à l‟IRIS et, pour les rares chercheurs accédant à la localisation des logements, des données à l‟adresse. On doit donc s‟attendre à une efflorescence d‟analyses sur cette question du voisinage et ce d‟autant plus certaines sources administratives (sécurité sociale) pourraient être utilisées dans ce but. 140 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Annexe 1 : L’indicateur d’écart à la mixité sociale Mode de calcul : l‟exemple de Strasbourg (commune-centre) Agric. Cadres Prof. Employés Ouvriers +ind. sup int C A D R E S S U P Observé (1) 5 Voisinage. observé. Ecart (2) Mixité totale Ecart (3) Ségrégation complète Ecart (4) 8 10 39 Autres Total écarts Contribution Idem à l‟indicateur corrigé synthétique 11 13 45 16 - - 21 13 13 6 - - 3 5 0 0 28 11 0 100 9 11 0 0 0 13 0 0 32 45 0 0 10 16 0 0 82 0 - 46 0 - -5 89 11 -13 -45 -15 178 100 5 TOTAL des contributions (ou indicateur synthétique d‟écart à la mixité) 21 % (1) – Pourcentage moyens des voisins (référence p). (2) – ligne du dessus : proportion des voisins selon la CS du père pour les enfants dont le père est cadre supérieur (p‟) ligne du dessous : écart avec la proportion de référence (p‟-p en valeur absolue) : ex 39% contre 11%, mesure de l„entre-soi. Le total de ces écarts donne 82. (3) – Il n‟y a pas d‟écart entre les pourcentages des voisins et observés (4) – les écarts sont maximaux, le total pour les 6 groupes est égal à 178. Pour situer le résultat observé (82) sur une échelle de 0 à 100, on est donc amené à le diviser par le maximum, d‟où l‟écart corrigé : 46. (5) – Pour avoir un indicateur synthétique pour la ville, on pondère le résultat par le poids des cadres supérieurs, soit 0,11. La somme des contributions de chaque catégorie donne l‟indicateur recherché 21%, pourcentage figurant sur le tableau T2. 141 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Annexe 2 : Liste des communes (cf. Figure 13) Les pourcentages les plus faibles Les pourcentages les plus élevés Alsace (5 communes de 10 à 30.000 hab.) Riedisheim (19%) Rixheim IllkirchGraffenstaden Ostwald Kingersheim (26%) Wittenheim (29%) Illzach Lingolsheim Bischwiller Bischheim (38%) Ile-de-France (10 communes de 30 à 80.000 habitants) Vélizy-Villacoublay (16%) Yerres Le Chesnay Gif-sur-Yvette Le Plessis-Robinson Maison-Laffite Palaiseau Montmorency Montigny-le-Bretonneux Saint-Cloud (22%) Stains (66%) Bobigny Sarcelles Saint-Ouen Garges-les-Gonesse Pierrefitte-sur-Seine Grigny La Courneuve Aubervilliers Clichy-sous-Bois (76%) Bibliographie Aubry B. (2008), « Le voisinage, propositions d‟indicateurs », Colloque Dynamiques des populations locales, Strasbourg Néothèque 2008. Aubry B., Tribalat M. (2009), « Les jeunes d‟origine étrangère », rev. Commentaires n°126. Maurin E. (2004), Le ghetto français, enquête sur le séparatisme social, Paris Seuil. Pan Ké Shon J.-L. (2011), « Ségrégation des immigrés en France », rev. Population et sociétés n°477. Le Toqueux J.-L (2007), « Ségrégation ou mixité socio-spatiale : de quoi parlet-on ? in : Mattei M.-F. et Pumain D., rev. Données urbaines n°5. Tribalat M. (2008), « Embourgeoisement et diversité ethnique à Paris », Revue Urbanisme n°362. 142 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 3. La ville durable pourrait-elle être sociale ? Le cas des villes alsaciennes – Alexandra Monot En mai 1994 a lieu à Aalborg, au Danemark, la première conférence européenne sur la ville durable, acte de naissance de la Charte d'Aalborg. Cette conférence se déroule sous l'égide du Programme des Nations Unies pour l'Environnement et de la Commission européenne. L'objectif est d'inciter les villes à s'engager dans le développement durable au sein de l'Union européenne et dans des programmes qui s'inscriront dans les « 21 actions pour le XXIème siècle » (l'Agenda 21), issues du Sommet de la Terre de Rio de 1992. Au-delà du facteur symbolique, il s'agit d'une redéfinition des politiques urbaines en Europe, dans lesquelles le développement durable devient le principal référentiel d'aménagement et d'urbanisme. La ville durable doit, ainsi, contribuer, dans l'ensemble, à réduire la fragmentation socio-spatiale, les pollutions, les nuisances et les risques, et promouvoir les espaces végétalisés, les modes de circulation doux et la limitation de la consommation des ressources. Mais on constate que les questions territoriales se regroupent en quelques grands thèmes : les transports urbains, la présence d'espaces urbains à requalifier (à l'origine de problèmes sociaux et environnementaux spécifiques), la préservation du patrimoine architectural, la gestion des espaces périurbains et le désir de retrouver une certaine naturalité en ville. Aussi, si la ville durable couvre tous les champs du développement durable (dont les "trois piliers" : sphères économique, sociale et écologique), quelques politiques sont davantage développées : la planification stratégique des déplacements urbains (pour lutter contre l'engorgement des centres, contre la pollution atmosphérique, et pour permettre la réappropriation de l'espace urbain central et péricentral) et la réinterprétation du fonctionnement social de la ville qui passe par la réhabilitation et la rénovation urbaines au profit de petits immeubles aménagés autour d'espaces verts. Au sein de cette nouvelle vision, il s'agit en quelque sorte de redéfinir la relation société / nature au sein d'un espace particulier, celui de la ville, afin d'améliorer le cadre de vie et le bien-être des habitants. Mais qu'en est-il de ces habitants ? Quelle est la place de la société urbaine dans les projets de ville durable ou de quartiers durables ? On peut en effet s'interroger sur la façon dont est traité le volet social du développement durable dans les réalisations et sur les impacts sociaux des politiques de développement durable appliquées à la ville. Dans ce cadre, l'expérience locale ancienne et aboutie de la ville de Fribourgen-Brisgau, dans le Bade-Wurtemberg en Allemagne, peut servir d'étalon aux voies suivies et aux conséquences sociales de l'aménagement urbain durable pour les villes alsaciennes, qui en ont fait leur modèle en matière de développement durable. En effet, les relations entre Fribourg-en-Brisgau et nombre de communes alsaciennes sont en plein essor et portent en grande partie sur l'expérimentation fribourgeoise de la ville durable. 143 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La politique de ville durable menée par les autorités municipales de Fribourgen-Brisgau tend à être un laboratoire de durabilité du territoire urbain. Les villes alsaciennes ont davantage de difficultés à mettre en œuvre la ville durable et font des choix en fonction de leur situation particulière. Mais certains freins gênent la mise en œuvre de la dimension sociale des projets. Le laboratoire de la ville durable pour les villes alsaciennes : Fribourg-en-Brisgau, une durabilité sociale du territoire urbain ? Fribourg, forte de 219 665 habitants (2010) est un centre urbain important, situé sur le piémont méridional de la Forêt-Noire, dans un cadre agréable constitué de forêts de résineux et de vignoble. La ville est ainsi dominée par des pentes qui forment un écrin « naturel », et domine une plaine très anthropisée. Aujourd‟hui, la ville est souvent citée non seulement en Allemagne mais aussi à l‟étranger, et notamment en Alsace, comme un modèle de développement durable 46. Fribourg-en-Brisgau, un profil social particulier 46 À titre d‟exemples, les articles du Monde du 26 mai 2005, « Fribourg, capitale allemande de l‟environnement » et du 16 décembre 2007 « La floraison des écoquartiers », et l‟article du Point du 16 août 2007, « Fribourg la Verte ». 144 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La topographie et l'histoire particulières de la ville ont engendré sa partition socio-fonctionnelle. Le territoire de Fribourg-en-Brisgau s'étage sur les versants de la Forêt-Noire, où se sont développés des quartiers aisés. A l'Ouest de la voie ferrée, dans la plaine, sont localisés les quartiers industriels et populaires avec des densités de population plus importantes, des populations plus jeunes et aux origines géographiques diverses (13,8% d‟étrangers). Cette partition se ressent sur les élections, opposant vote conservateur et écologiste d'un côté et vote socialiste de l'autre côté. Au contact de ces deux ensembles se situe la vieille ville commerçante et touristique. La ville est un pôle économique régional, principalement universitaire (30 000 étudiants) et administratif. La ville a ainsi acquis un profil socio-professionnel original (80% d'actifs dans le secteur tertiaire), avec un des plus faibles taux de chômage d'Allemagne (moins de 6%) et une croissance continue des emplois, allant de pair avec la croissance démographique (+1%/an). Le cadre de vie agréable (la "Toscane" allemande) associé à une tradition intellectuelle concourent aussi à expliquer que Fribourg soit l'une des villes d'Allemagne parmi les plus aisées. En effet, depuis 1913, elle est réputée comme le lieu de retraite privilégié de nombre de fonctionnaires, officiers, industriels ou rentiers. Le niveau social est élevé avec un fort pourcentage d'habitants ayant des diplômes universitaires et une faible proportion de ménages recevant des aides sociales (5,5% contre 9,2% en moyenne dans les villes allemandes47), ce type de profil socio-économique se retrouve dans certaines villes alsaciennes, comme Strasbourg qui se positionne également comme un centre administratif et universitaire régional (42 000 étudiants), avec une opposition entre des quartiers bourgeois au Nord-Est (la Robertsau, l'Orangerie par exemple) et des quartiers populaires (Hautepierre, Cronenbourg, Neudorf, Meinau, Neuhof) à l'Ouest et au Sud, séparés par la vieille ville qui se gentrifie. La politique fribourgeoise de l’habitat durable : l'écologie avant tout ? La volonté d‟introduire la nature dans la ville de Fribourg remonte à Otto Winterer, maire de 1888 à 1913. Il engagea la ville dans un vaste programme d‟urbanisme qui avait pour objectif d‟en augmenter l‟attractivité résidentielle. Furent alors mis en valeur le patrimoine architectural et de nouveaux parcs et jardins, ce qui aboutit au développement de quartiers de belles villas de la Belle Epoque entourées de grands parcs et d‟une conscience écologique 48. Cependant, les projets les plus originaux sont récents. Il s‟agit de la mise en œuvre de deux écoquartiers, le Vauban et le Rieselfeld. Le quartier Vauban est un projet qui remonte à 1993, sur le site des anciennes casernes des Forces françaises en Allemagne racheté par la municipalité en 1992. La construction du quartier s‟est achevée en 2006, après l‟élévation de 2 000 habitations devant accueillir près de 5 000 habitants (densité de 131 hab./ha) et la création d'une zone d'activités de 6 ha (600 emplois) et d'un centre de services. D'un point de vue écologique, le quartier répond à toutes les caractéristiques d'un 47 « État des villes européennes », 2004, consultable sur www.urbanaudit.org Pour preuve, la ville a le plus fort vote allemand en faveur du parti politique des Verts (près de 30% des voix) et a été une des premières villes européennes à élire un maire issu de cette mouvance politique, dès 2002. 48 145 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 nouvel urbanisme durable : espace sans voiture, maisons basse consommation d‟énergie, production électrique assurée à 100% par le quartier. Le quartier se compose de maisons individuelles et de petits immeubles disposés selon un zonage de l‟espace. Il est traversé par une voie principale, bordée d‟une zone d‟activités (commerces, administrations), qui porte la route et le tramway. Les résidences sont insérées dans un écrin de verdure : même si le quartier a une part d‟espaces verts inférieure de 45% au reste de la ville de Fribourg (16 m²/hab. contre 29), "l‟impression de nature" est plus forte par la présence très importante d‟une végétation disséminée dans tout le quartier et de matériaux de construction utilisant le bois. Le quartier du Rieselfeld présente les mêmes caractéristiques, à la différence près qu‟il s‟agit d‟un quartier sur un terrain appartenant à la ville et vendu à des promoteurs immobiliers, développé par un conseil de citoyens et d‟experts et selon un cahier des charges très strict élaboré par la ville en association avec le conseil de quartier. Le lancement des travaux a eu lieu en 1994, mais le quartier ne sera achevé qu‟en 2012. Le projet porte sur 70 ha, 4 200 habitations devant accueillir 10 à 11 000 habitants (densité de 142 hab./ha), donc un quartier plus dense que le précédent. Près de 9 300 personnes y vivent déjà dans les 3 500 logements livrés au 31 décembre 2010. Ici, il y a 90% de logements collectifs de 3 à 5 étages organisés autour de cours intérieures, selon le modèle de la ville compacte. Mille emplois sont prévus dans le quartier par des commerces principalement (magasins, restaurants, supermarché) et des établissements scolaires (de la crèche à l'enseignement secondaire) ou culturels (médiathèque, centre religieux œcuménique), par une résidence pour personnes âgées, sans compter la zone d'activités de Haid (2 500 emplois) à proximité. La politique fribourgeoise de l’habitat durable : un volet social absent ? Le bilan social de ces écoquartiers est mitigé. S‟ils respectent des normes écologiques strictes, la mixité sociale n‟est pas atteinte, malgré les efforts des associations et de la municipalité. La ségrégation socio-spatiale s‟est même aggravée. En effet, le quartier Vauban, depuis sa création, a fait l‟objet d‟une gentrification qui a abouti à une structure socioprofessionnelle homogène d‟enseignants, de professions libérales et de cadres, car le surcoût des loyers et des prix immobiliers est de 10 à 20% par rapport à une offre immobilière classique (déjà élevée dans le cas de Fribourg), alors que dans le projet le surcoût estimé n'était que de 3 à 5%. Ainsi, pour un logement de 100 m² dans le quartier Vauban, il faut débourser en moyenne 350 000 euros (3 500 €/m²), prix qui n'est pas à la portée de toutes les bourses. Le profil social peut se lire également à travers les votes aux élections : il s'agit d'un bastion électoral des Verts (67% des votes en moyenne). De plus, le profil d'âge du quartier Vauban s'est peu à peu aligné sur le reste de la ville de Fribourg. Ainsi, si le quartier était composé initialement de familles de trentenaires ou de jeunes quadragénaires, les enfants ont aujourd'hui grandi et ont quitté le quartier. Dans le quartier du Rieselfeld, le bilan social est pour l'instant difficile à effectuer, le projet n'étant pas achevé. À la différence du Vauban, le cahier des charges du quartier comportait pour les promoteurs l'obligation de prévoir des 146 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 logements subventionnés pour l'accession à la propriété ou pour la location afin de favoriser la mixité sociale. Mais la suppression des subventions de l'État et des avantages fiscaux pour les investisseurs privés pour les logements à la location à la fin des années 1990 se sont traduits par un retournement de situation. Le quartier ne comportera plus que 10% de logements sociaux, car il est intégralement financé à partir du produit de la vente des terrains aux investisseurs. Point positif, toutefois, les deux quartiers connaissent une gouvernance locale bien développée. Ils sont autogérés grâce à des associations de quartiers très investies. Ainsi, le quartier Vauban s'est développé dès 1994 sous l'impulsion d'associations de participation citoyenne (Forum Vauban, SUSI : initiative de logement autogérée et indépendante, GENOVA). Ces associations, en lien avec le conseil de quartier, gèrent le fonctionnement quotidien et règlent les litiges. En définitive, Fribourg-en-Brisgau est devenue un laboratoire et un prototype de la ville durable49 dont l‟expérience s‟exporte. Régulièrement des délégations alsaciennes viennent discuter avec les concepteurs des projets fribourgeois. Fribourg-en-Brisgau renvoie aux villes alsaciennes l‟image d‟un nouveau comportement urbain, d‟un nouvel urbanisme et ainsi d‟une nouvelle vision de la ville qui serait plus en adéquation avec son environnement au sens large. Pourtant le bilan des actions menées, en terme social, reste peu important. En revanche, les retombées économiques sont de taille. L‟environnement est le fonds de commerce de l‟économie du Landkreis en offrant près de 10 000 emplois dans 450 entreprises qui génèrent 1,1 milliard d‟euros de chiffre d‟affaires par an. Tableau 17 : Fiche de synthèse de la conception des quartiers durables de Fribourg-en-Brisgau. Social Une démarche citoyenne : définition et réalisation du projet par des associations de quartier, soutenues par la municipalité Projets sociaux favorisés : - développement d'espaces publics favorables aux échanges sociaux - absence de clôtures aux espaces privatifs - établissements scolaires de quartier - église œcuménique - centre culturel de quartier - logements réservés aux étudiants, aux personnes âgées, aux handicapés Création de commerces de proximité (1000 emplois) Création d'une zone artisanale de 600 emplois Économique Politique des transports : - limitation du nombre de voitures - desserte par les transports en commun (tramway, trains régionaux) - aménagements favorables aux cyclistes (garages à vélos, pistes Écologique 49 Fribourg-en-Brisgau a reçu en 2010 le prix européen des villes de l'année pour l'urbanisme "The Urbanism Awards" décerné par l'Académie d'urbanisme de Londres. 147 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 cyclables, rues réservées) - zone piétonne et larges trottoirs - développement de "quartiers courtes distances" (commerces, écoles, services à moins de 300 m.) Maîtrise de l'énergie : - éco-constructions (basse-consommation, habitations passives voire positives) - haute performance énergétique (panneaux photovoltaïques, usine co-génération associant les copeaux de bois et le gaz naturel) Exploitation des eaux de pluie : - recueil par les toitures aménagées et des citernes enterrées - utilisation : lavage du linge, arrosage, chasses d'eau des toilettes Source : Monot A. (2009), "Le modèle fribourgeois et les villes alsaciennes. Vers la ville ème durable dans le fossé rhénan ?", in L'aménagement entre nature et culture, Actes de la 8 Table Ronde Rhin-Sud, APR-CRESAT-RECITS, p.49-73, mis à jour en mai 2011. 148 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les villes alsaciennes : le retour d'expérience fribourgeois permet-il un essor du volet social ou son adaptation aux conditions locales ? Les villes alsaciennes se sont précocement inspirées de l‟expérience fribourgeoise pour définir leur propre politique en matière de ville durable, dans un contexte d‟émulation et de concurrence entre villes rhénanes. Le contexte était favorable. Au niveau géographique, les territoires se ressemblent, nous sommes dans le fossé rhénan, entre Vosges et Forêt-Noire. Au niveau socio-économique, les niveaux de développement sont similaires. Au plan culturel, il y a une continuité frappante de part et d‟autre du Rhin. À priori tous les ingrédients étaient réunis pour permettre le développement de la ville durable côté français sur le même modèle que côté allemand. La coopération transfrontalière renforce encore les contacts et les échanges entre Fribourg et les villes alsaciennes. Cependant le modèle semble adapté aux particularités de la France. La principale agglomération alsacienne a privilégié la politique des transports : Strasbourg, un programme récent d'habitat durable. Strasbourg a, dans un premier temps, beaucoup investi dans la politique de transports durables : le plus long réseau de tramway et de pistes cyclables de France, l'interdiction du centre ancien à la circulation automobile, etc.50. Ce n'est que dans un second temps, au milieu des années 2000, que la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) s‟est saisie concrètement du dossier de l'habitat durable à la suite notamment de la constitution de plusieurs associations réclamant une politique d'écoquartiers au sein de la CUS. À l'automne 2008 a été lancé un cycle de conférences – réflexions sur le thème : « Les écoquartiers pour transformer la ville », afin de mieux définir les objectifs de l'agglomération en la matière à partir des retours d'expérience d'autres villes, dont Fribourg. En parallèle, la Communauté urbaine a développé un programme d'habitat durable portant sur trois axes : la création d'écoquartiers, l'insertion dans la rénovation urbaine de normes de développement durable, et la création de deux parcs naturels urbains afin d'améliorer le cadre de vie (schéma fig. 14). Qu'en est-il du volet social de ces politiques ? En premier lieu, deux parcs naturels urbains sont programmés sur 311 ha. Le premier, Bruche-Rhin Tortu, est en cours de création (projet lancé en mars 2009). Il portera sur les terrains communaux de Strasbourg et sur la commune d'Eckbolsheim. Le second parc naturel urbain prévu pour 2013 s'étendra sur les quartiers de Koenigshoffen, la Montagne Verte et l'Elsau. Ces parcs naturels se situent en continuité l'un de l'autre, sur des terrains inondables et permettront également de préserver le glacis militaire de la ville de Strasbourg. Ils sont déjà inscrits dans la ceinture verte et classés non constructibles dans les Plans locaux d'urbanisme. Leur création ne modifiera donc pas réellement le cadre de vie des 50 Voir : Monot A. (2009), "Le modèle fribourgeois et les villes alsaciennes. Vers la ville ème durable dans le fossé rhénan ?", in L'aménagement entre nature et culture, Actes de la 8 Table Ronde du Rhin Supérieur, APR-CRESAT-RECITS, p.49-73 149 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 riverains mais aboutira à la mise en valeur de ces espaces pour la promenade. (v. le document 6 de la page 43). Figure 14 : les projets d‟habitat durable (aire strasbourgeoise) L e s p r o je ts d 'h a b ita t d u r a b le e n p a r tie c e n t r a le d e l'a g g lo m é r a tio n s t r a s b o u r g e o is e (2 0 1 1 ) E c o q u a rtie r A d e ls h o ffe n A4 S C H IL T IG H E IM L 'A a r Z U S C ro n e n b o u rg C a n a l d e la M a rn e a u R h in A350 E c o q u a rtie r G a re d e B ra s s e rie m a rc h a n d is e s Z U S H a u te p ie rre STRASBO URG A351 G a re V ie ille v ille E s p la n a d e N4 M o n ta g n e v e rte L 'Ill E c o q u a trie r D anube N e u d o rf E ls a u A35 E c o q u a rtie r T a n n e rie s E c o q u a rtie r R iv e s d u B o h rie N83 Z U S M e in a u ZU S N euhof OSTW ALD 400 m . S o u rc e: A . M o n o t, d ‟a p rè s C U S e t c aertIG N a u 1 /2 5 0 0 0 . L é g e n d e: 2 ) Z o n a g e u rb a in e t c o u p u r e s p h y s iq u e s g ê n e n t la 1 ) L e s tro is a x e s d e l'h a b ita t d u ra b: le d u ra b ilité d e s p ro je ts: L e s é c o q u a rtie r :s c h a n g e r d ‟u rb a n is m e In fra s tru c tu r e s ro u tiè re s à g r a n d e L a r é n o v a tio n u rb a in e a s s o c ié e a u c irc u la tio n d é v e lo p p e m e n t d u ra b le V o ie s fe rr é e s à fo rt tr a fic L 'a m é lio ra tio n d u c a d r e d e v ie : le s p a r c s D e n s e ré s e a u d e riv iè r e s e t c a n a u x n a tu re ls u rb a in s E s p a c e u rb a n is é e n q u a s i to ta lité En second lieu, la politique des écoquartiers s'est mise en place en partie sous l'impulsion de l'association « Forum Eco-quartiers Strasbourg », fondée en 2001 sur le modèle du "Forum Vauban" à Fribourg-en-Brisgau. Six zones d'écoquartiers sont aujourd'hui définies, mais seules deux sont en cours de réalisation et une troisième devrait voir le jour en février 2012 ; quant aux trois autres, elles sont en cours de définition. L'écoquartier « Danube », lancé en mars 2008, situé au Sud de la vieille ville et 150 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 du quartier de l'Esplanade (quartier universitaire), au niveau de l'ancien port d'Austerlitz sur une ancienne zone industrielle, s'insère dans un vaste projet de réhabilitation urbaine (250 ha de friches depuis le centre et en direction du Rhin) qui a débuté plus à l'Ouest à la place de l'Etoile avec la construction d'un vaste centre commercial (« Rivétoile »), permettant ainsi la jonction avec le quartier populaire du Neudorf désenclavé par l'arrivée du tramway en 2009. L'écoquartier Danube porte sur 7 ha qui seront construits en 650 logements basse consommation en petits collectifs pouvant accueillir 1 600 habitants, avec des activités économiques (bureaux, commerces et services) ainsi que des équipements publics (école maternelle, garderie petite enfance). La moitié des logements est prévue en locatif social et en accession sociale à la propriété. er Tableau 18 : Les écoquartiers de Strasbourg au 1 juin 2011 Données Danube Brasserie Rives du Cronenbourg Bohrie, Ostwald 2011 2012 Portes du Kochersberg, Adelshoffen Tanneries Schiltigheim Lingolsheim Vendenheim 2012 ? 2012 ? 2011 Extension urbaine 8,7 Friche brassicole 4,5 Friche industrielle 13 320 200 1 100 Date de début du chantier Type de quartier Surface (ha) 2010 Nombre de logements Nombre d'habitants Densité (hab./ha) Coût (hors construction, en millions d'€) % logements aidés % logements libres Logements en auto-promotion Logements étudiants Maisons de retraite Services publics 650 450 Extension urbaine 48 (17 à urbaniser) 1 000 1 600 1 300 3 000 1 300 400 2 700 228,5 361 176,5 149,4 88,9 207,7 23,5 N.D. 36 13 17,3 21,8 50 35 N.D. 50 20 55 50 65 N.D. 50 80 45 Oui Oui N.D. Projetés Projetés Projetés Non Non Oui Non Oui Non Oui Non Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Friche Friche industrielle brassicole 7 3,6 N.D. : non défini dans les documents. Source : A. Monot 2011, d'après Communauté urbaine de Strasbourg. L'écoquartier « Cronenbourg », dit « Quartier de la Brasserie », lancé en février 2009 et qui s'achèvera en 2012, s'inscrit dans le cadre de la réhabilitation de la friche industrielle de la brasserie Kronenbourg (désaffectée depuis 2000). Il porte sur 450 logements (50% aux normes Haute qualité environnementale, HQE) dont 30% en logements locatifs sociaux et 5% en accession sociale à la propriété. Ce quartier présente un cadre moins favorisé que le précédent, coincé entre la voie ferrée à l'ouest et deux grands axes de circulation au sud (D41) et au nord (D31), dans un ensemble urbain lui-même enclavé entre des voies ferrées (dont la gare 151 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 de triage du marché d'intérêt national) et des autoroutes (A351 au sud, A35 à l'est et A4 au nord). Enfin, un écoquartier de 49 ha pour 1 000 logements et 3 000 habitants, avec des services (école, gendarmerie, maison de l'enfance) et des équipements sportifs (gymnase) ou culturels (bibliothèque, maison des biotopes), est prévu à Ostwald, au sud-ouest de l'aire urbaine et comprendra des jardins familiaux et des jardins partagés. Les « Rives du Bohrie » se situent sur un site naturel conservé (composé de bois, de terres cultivées, de jardins familiaux et d'un étang issu d'une ancienne gravière) et appartiennent à une Zone d'aménagement concertée associant CUS, Nexity Foncier Conseil et CMCIC SAREST(société dépendant des banques du Crédit mutuel et du CIC). Le chantier devrait débuter en février 2012. Tableau 19 : L'irruption du développement durable dans la rénovation urbaine à Strasbourg (commune). Projets Date de la convention Coût prévisionnel % de logements sociaux avant rénovation Nombre de logements avant rénovation Logements démolis Logements réhabilités Logements construits Logements construits hors site % de logements sociaux à terme % nouveaux logements en accession Développement d'activités économiques Installation de nouveaux équipements publics Participation citoyenne des habitants Desserte prévue en tramway Logements aux normes environnementales Jardins familiaux Neuhof 2005 (ANRU) 242 M€ 62% Cronenbourg 2005 70 M€ N.D. Meinau 2006 (ANRU) 187 M€ 93% Hautepierre 2009 (ANRU) 155 M€ 75% 7 802 N.D. 3 457 4 400 731 383 1067 298 128 700 600 N.D. 565 873 407 266 169 2008 300 149 54% N.D. 75% 25% + 8% N.D. + 18% + 0% Commerces et parc d'activités Oui Commerces Commerces Oui Oui Commerce et parc d'activités Oui Oui Non Oui Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui Non Oui Oui Oui Non Non N.D. : non défini dans les documents. Source : A. Monot, 2011, d'après Communauté urbaine de Strasbourg et Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine. Les projets relevant de ZAC (zones d'aménagement concerté), leur réalisation est sous le contrôle du maître d'ouvrage, la CUS, qui assure ainsi le respect de la destination sociale des parcs de logements. Cependant, rien ne dit que les logements en accession libre à la propriété trouveront preneurs. En effet, les espaces concernés, s'ils sont proches du centre de Strasbourg, se localisent dans des quartiers dans l'ensemble en difficulté qui sont peu attractifs (Figure 14, p. 152 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 150). Ces écoquartiers sont pour la plupart conçus dans le cadre de réhabilitation de friches économiques (industrielle ou brassicole) et participent donc de la requalification et de la valorisation des espaces urbains. Toutefois, deux d'entre eux posent question car ils relèvent d'extensions spatiales de communes périurbaines (Ostwald et Vendenheim) sur des terrains naturels ou agricoles. Il s'agit donc plus d'une forme d'étalement urbain parée du vernis du développement durable, d'autant que les financements sont liés à des investisseurs privés et que les logements sont a priori destinés à une accession libre à la propriété dans le cas d'Ostwald. En dernier lieu, dans le cadre du renouvellement urbain, les principes du programme européen « Ecocités » seront appliqués à Strasbourg, à savoir : un désenclavement des quartiers par les transports en commun (prolongement des lignes de tramway), un développement des trames vertes et des espaces publics (création de jardins familiaux, extension des espaces piétonniers), une requalification des pôles et centres de quartiers (avec de nouveaux équipements publics) et des constructions basse consommation ou HQE 51. Cinq des dix zones urbaines sensibles (ZUS) de la Communauté urbaine sont en cours de rénovation urbaine depuis 2004 (et jusqu'en 2013). Ces quartiers composés majoritairement de familles en difficultés socio-économiques verront leur profil social évoluer, puisque les projets visent la mixité sociale par l'augmentation des logements en accession à la propriété. Encore faut-il que les programmes immobiliers trouvent preneurs, sinon les logements prévus en accession à la propriété seront repris par les bailleurs sociaux. Figure 15 : Une ampleur relative de la rénovation urbaine de Strasbourg conventionnée Logements construits 1355 673 449 Logements réhabilités 383 873 Neuhof 2008 Meinau Logements démolis Nombre de logements 695 565 169 Hautepierre 3457 4400 7802 Source : A. Monot 2011, d'après l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. La ville durable s'inscrit à Mulhouse dans la politique de rénovation urbaine 51 Normes HQE : norme Haute Qualité Environnementale créée en France en 1995. 153 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 L‟agglomération mulhousienne est la deuxième plus importante d‟Alsace (110 514 habitants dans la commune, 238 637 dans l'agglomération en 2006) et présente des caractéristiques différentes de sa grande sœur. Là, la politique sociale est une nécessité au fonctionnement de la cité. La ville de Mulhouse s'est lancée dans un vaste projet de rénovation urbaine intégrant le développement ème durable. Il s'agit de rénover la ville champignon née de l'industrialisation du XIX siècle et dans une moindre mesure des Trente Glorieuses dans le cadre d'un « Grand Projet de Ville » datant de 2002 et intégré à « l'Agenda 21 » local adopté en 2003. Le projet porte sur la commune de Mulhouse et concerne un tiers des habitants, soit près de 35 000 personnes, 49% du parc social de la Ville et 27% des résidences principales52. Entre 2007 et 2012, ce seront 6 000 logements qui seront reconstruits ou rénovés, dans le cadre des différents quartiers où seront améliorés, dans le même temps, les espaces publics (création de zones piétonnes, d'espaces verts), pour un coût global estimé à 264 millions d'euros. Les grands ensembles et les immeubles de plus petite taille mais dégradés seront détruits puis reconstruits sous la forme de petits immeubles collectifs sur le modèle du quartier Vauban de Fribourg. Les travaux sont financés par les bailleurs sociaux, les collectivités territoriales (commune, Département, Région) et par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) qui a validé le projet au travers d'une convention signée en 2006. La transformation des quartiers passe par la construction de logements répondant aux normes HQE. Parmi les quartiers ainsi rénovés, celui de Bourtzwiller sert de projet pilote de quartier durable, étant le premier à être rénové. Là, le principal site concerné est la « Cité des 420 », construite dans les années 1960, fortement touchée aujourd'hui par un bâti dégradé, par des problèmes économiques et sociaux. Les 420 logements seront détruits, les familles relogées. Sur les 413 nouveaux logements qui seront édifiés, 300 (soit près des trois quarts) seront dévolus à l'habitat social afin de faciliter la mixité sociale. La reconstruction du quartier se fait sous la forme de maisons jumelées, de maisons de ville avec jardins, de maisons avec patios et de petits immeubles, qui respecteront tous la norme de logement à basse consommation d'énergie, qui seront économes d'espace, et qui seront insérés dans des trames vertes permettant des déplacements éco-mobiles. Enfin les berges de la Doller seront aménagées pour offrir un poumon vert et des promenades aux futurs habitants du quartier. 52 La rénovation porte sur les quartiers Vauban-Neppert, Cité Briand, Franklin-Fridolin, WolfWagner-Mertzau (632 logements réhabilités, 230 démolis, 175 reconstruits), Bourtzwiller et les Coteaux (démolition de 228 logements). 154 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tableau 20 : Indicateurs socio-économiques des zones de rénovation urbaine à Mulhouse (1999-2006) ZUS Mulhouse ville Briand Franklin Bourtzw iller Coteaux Wolf-Wagner-Vauban-Neppert Date Population Taux de % foyers %<20 ans % étrangers % non diplômés chômage au RSA 1999 110141 25,9 15,2 27,3 16,4 N.D. 2006 110514 26,4 17,8 N.D. 18,1 6,6 1999 8921 30,7 28,4 37,3 24,1 N.D. 2006 8321 29,6 29,5 28,5 28,1 12 1999 8361 33,5 23,5 42,4 22,5 N.D. 2006 7508 31,9 26,7 N.D. 23,5 6,4 1999 9647 35,4 18,3 36,8 22,4 N.D. 2006 9094 33,9 23,9 N.D. 21,9 8,3 1999 6990 29 22,3 38,3 22 N.D. 2006 6630 29,5 27,5 N.D. 25,2 9,8 N.D. : non défini dans les documents. Source : A. Monot 2011, d‟après INSEE (recensement 1999, estimations 2006). La place du végétal dans les paysages urbains est également renforcée par le règlement du plan local d'urbanisme qui prévoit, outre la création de nouveaux espaces verts, de protéger les espaces verts privés et de favoriser les façades végétalisées ou les terrasses plantées. Les quartiers en rénovation urbaine ont de fait une finalité sociale puisqu‟ils s‟insèrent dans des zones urbaines sensibles (ZUS). Il s‟agit en effet de quatre des huit ZUS de la commune. Ces quartiers concentrent un grand nombre de difficultés socio-économiques, qui se sont encore aggravées au cours des années 2000, comme le montre le tableau 20 ci-dessus. La création d'écoquartiers dans les petites villes alsaciennes : l'exemple de Ribeauvillé Le contexte des petites villes est très différent de celui des villes principales en Alsace. Ces collectivités ne sont pas confrontées aux mêmes difficultés économiques et sociales ou de détérioration du cadre de vie. Certaines se sont cependant lancées dans des projets de quartiers répondant aux exigences de la ville durable, mais dans le cadre d‟extensions urbaines. Au lieu de réaliser des lotissements standards, elles tentent d'en faire un lieu privilégié d'application de nouveaux principes d'urbanisme. Par exemple, la ville de Ribeauvillé, ville historique préservée du vignoble haut-rhinois, très attractive, a réalisé un quartier écologique, le Brandstatt, entre 2005 et 2010, en partie pour répondre à une forte demande de logements et au départ de ses jeunes qui n‟ont pas les moyens de résider dans cette petite ville bourgeoise. 155 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tableau 21 : Le quartier écologique du Brandstatt à Ribeauvillé Types d'équipement Parkings et garages Déplacement dans le quartier Evacuation des eaux pluviales Réseaux d'électricité, téléphone et de télédistribution Collecte des déchets Prestations prévues au cahier des charges Devant les maisons dans les rues ouvertes à la circulation ou à l'extérieur du quartier selon un principe de 2 emplacements par logement Quartier piétonnier dans sa partie centrale, vitesse limitée à 30 km/h ailleurs Par cuves de stockage individuelles et un collecteur général relié à une station d'épuration des eaux réservées aux quartiers qui rejette ensuite les eaux épurées dans un ruisseau aménagé Doivent être réalisés en souterrain. Panneaux solaires sur les parties basses des toitures Création sur les parkings d'espaces de collecte avec un traitement paysager pour les cacher Hauteur des 13,5 m maximum, soit R+2 +combles aménagées constructions éventuellement Aspect extérieur des Aspect minéral et couleurs soumises à autorisation (panel de bâtiments beige, blanc cassé) Plantations Recommandations de certaines espèces dites locales et exclusion des résineux (charmes, hêtres, troènes, lilas, noisetiers) Source : D'après le Cahier des charges du Brandstatt, Commune de Ribeauvillé, 2005. Le quartier du Brandstatt a été réalisé dans le cadre d'une Zone d'aménagement concerté (ZAC) adoptée en juillet 2004 (Tableau 21). Le Cahier des charges reprend en grande partie les principes du quartier Vauban à Fribourg (qui a été visité par les membres du Conseil syndical chargés de la réflexion). En termes de construction, les maisons doivent être économes d'espace : elles sont construites en bandes ou sur des terrains de petite dimension, et doivent respecter la norme de basse consommation d'énergie avec installation de panneaux solaires et une chaufferie collective au bois. La place du végétal a été favorisée. En tout, ce sont 32 maisons individuelles, 10 maisons en bande, un collectif de 9 logements et 4 maisons de ville (20 logements), qui ont été réalisés. La mixité sociale y a fait l‟objet d‟un traitement particulier. Les terrains appartenant à la municipalité, celle-ci a pris le parti de choisir les candidats à l‟achat des 32 parcelles réservées à la vente, sur des critères spécifiques (démarche éco-citoyenne du projet de construction, primo-accession à la propriété et une capacité financière suffisante pour ne pas être surendetté), principalement en faveur de jeunes couples aux revenus modestes. Il est également inscrit dans le règlement du quartier que tout changement de propriétaire doit recevoir l‟aval de la mairie et répondre aux critères initiaux de recrutement des habitants. Les prix de vente des terrains ont ainsi été fixés à 50% du prix moyen de l‟are de la commune (11 500 €/a, contre 20 à 25 000 €/a en moyenne, en fonction des quartiers), prix défini par la mairie de façon à couvrir les coûts de viabilisation (450 000 €). Les logements sociaux prévus (location sociale ou accession aidée) ont été cédés à la société d‟économie mixte SEMCLOHR qui gère déjà les autres immeubles sociaux de la ville, mais avec un engagement sur des prix de vente abordables. En contrepartie, la SEMCLOHR a aménagé plus de logements et de taille plus réduite 156 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 (F2 et F3 principalement), vendus néanmoins au prix de 2 350 euros le m², ce qui reste peu accessible aux ménages modestes. Figure 16 : L'organisation spatiale du quartier durable du Brandstatt à Ribeauvillé Le quartier a de ce fait acquis un profil social particulier. Ici, les propriétaires sont des personnes à revenus modestes : dans les 32 maisons vivent 15 ménages ouvriers (ouvriers du bâtiment, ouvriers d'usine, ouvriers agricoles),14 ménages de professions intermédiaires (commerciaux, vendeuses, employés de bureaux) et 3 ménages enseignants. Cependant, certains, dont le montage financier était trop juste, ont dû revendre suite à la crise de 2008, n‟arrivant plus à rembourser leur emprunt immobilier. 157 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tableau 22 : Tentative de comparaison des politiques sociales de l'habitat durable menées dans quelques villes alsaciennes et à Fribourg-en-Brisgau Critères Fribourg Nombre d'habitants 219 665 de la commune (2010) (2006) Nombre d'habitants 600 000 de l'agglomération (estimation) (2006) Politique des quartiers durables Date de la politique 1993 Politique initiée par oui les citoyens Gouvernance locale oui Amélioration du oui cadre de vie Logements sociaux non imposés Strasbourg 272 975 Mulhouse 110 514 Ribeauvillé 4 916 467 376 238 637 Néant 2008 oui 2006 non 2005 non oui oui non oui non oui oui oui oui Source : A. Monot, 2011. Les freins à la dimension sociale des projets. Les domaines d'action du développement durable urbain en Alsace. À travers les projets et réalisations présentées, on voit s'affirmer quelques principes phares de développement durable urbain : – La participation citoyenne au projet, soit par une initiative citoyenne (rôle de certaines associations locales), soit par des réunions d'information ou de suivi du projet (forum de quartier). Cette participation peut conduire à la gouvernance locale dans le cadre de conseil de quartier ou de construction en autopromotion. – L'amélioration du cadre de vie par le développement ou l'insertion d'espaces verts, par la requalification urbaine ou la valorisation patrimoniale de certaines friches industrielles ou des quartiers en rénovation urbaine, par la diminution du trafic automobile afin d'abaisser les nuisances sonores et ouvrir les espaces publics aux piétons. – Le développement des espaces sociaux afin de favoriser la rencontre entre les habitants du quartier. Plusieurs types de lieux de rencontre sont développés : salle communale, espaces publics ouverts (comme des parcs et jardins), jardins familiaux ou partagés, ou encore des centres culturels. – La volonté de favoriser des quartiers intergénérationnels, en prévoyant des résidences étudiantes ou des maisons de retraite. – Mais, il y a surtout un principe volontariste qui est systématiquement affirmé dans les projets : la mixité sociale. 158 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La question de la mixité sociale. La mixité sociale vise à prévoir des logements relevant de quatre types : – logements en accession libre à la propriété, – logements en accession aidée à la propriété, – logements en location libre, – logements en location sociale. Chacun de ces types doit avoir une certaine représentativité. Ainsi, dans les projets, on voit souvent apparaître 50% de logements en accession à la propriété (mais seulement 5 à 10% en accession aidée) et 50% en location (dont une grande part en location sociale : 20 à 50% du nombre total de logements). Qu'en est-il de la réalité ? Il est trop tôt pour le dire, les projets n'étant pour la plupart qu'en cours de réalisation. Mais nous avons vu dans le cas de Fribourg-enBrisgau que c'est la gentrification qui a prévalu. Il faut cependant nuancer ce bilan, car la législation sociale n'est pas la même outre-Rhin et aucun encadrement de constructions sociales n'était prévu. Toutefois, en examinant les projets, on voit se dessiner une ségrégation interne aux quartiers. En effet, si mixité il y aura, elle ne portera pas sur les immeubles eux-mêmes. Ceux-ci, pour la plupart, ne relèveront que d'un seul type de logements (accession ou location libre d'un côté, accession aidée ou location sociale de l'autre). Ceci s'explique par le fait que la construction des immeubles soit confiée, dans le cadre des ZAC, à des promoteurs immobiliers, des investisseurs privés ou des bailleurs sociaux. Les premiers veulent la rentabilité du projet et donc la vente des logements au meilleur prix possible ; les seconds ont pour mission le logement social. De plus, les constructions sociales sont la plupart du temps mal placées dans les quartiers. Ainsi, à Ribeauvillé, les collectifs sociaux se localisent le long de la route principale à forte circulation, faisant en même temps écran sonore pour le quartier, ou longent la rue de desserte du quartier qui, lui, est interdit à la circulation. On peut également s'interroger sur la faisabilité de cette mixité sociale. Les projets et réalisations se situent à quelques exceptions près (Les Rives du Bohrie à Ostwald, le Brandstatt à Ribeauvillé) dans ou à proximité immédiate de zones urbaines sensibles, connues dans toute la région pour leur image très négative. Quelle est alors l'attractivité de ces quartiers pour un acheteur potentiel ? – d'autant plus quand ils sont coupés de la ville par des axes de transports à fortes nuisances (pollution atmosphérique et sonore), comme la Brasserie à Cronenbourg ou les Tanneries à Lingolsheim. La clientèle potentielle relèvera sans doute plutôt de jeunes ménages aux revenus modestes primo-accédants à la propriété mais ne percevant pas d'aides sociales, un profil finalement assez proche des occupants des logements sociaux, ou bien d‟investisseurs privés type loi Scellier, plus intéressés par les avantages fiscaux que par le quartier lui-même. Enfin, dans le cadre des programmes de rénovation urbaine, ceux-ci portant sur des zones urbaines sensibles, le volet social est a priori assuré de fait. Néanmoins, la ségrégation sociale n'est en rien endiguée dans les projets. En effet, dans le cas de Strasbourg, la part des logements privés sera très faible (25% tout au plus), même dans le cas de leur forte hausse (+18% à la Meinau, mais ils ne 159 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 représenteront que 20% du parc immobilier final). À Mulhouse, les projets plus ambitieux tablent sur 30% à 35% de logements privés. Des coûts financiers importants. La politique de la ville durable a un coût conséquent, en premier lieu pour les collectivités. Le quartier Vauban à Fribourg a nécessité le déboursement de 21 millions d'euros pour le rachat des terrains et 93 millions d'euros de travaux, soit 114 millions. Or, les ventes des logements n'ont rapporté que 90 millions d'euros, laissant un déficit de 24 millions d'euros dans les caisses de la municipalité. Le programme de renouvellement urbain de Mulhouse coûtera 264 millions d'euros. Les écoquartiers de Strasbourg coûteront près de 130 millions d'euros à la Communauté urbaine, uniquement pour la viabilisation des terrains. On comprend alors que les montages financiers de ces opérations soient lourds et qu'ils fassent intervenir de nombreux partenaires, notamment privés. Dans l'ensemble en Alsace, les collectivités territoriales, de la commune à la Région, financent une grande part des projets. Mais elles tentent aussi de faire appel à l'État, voire à l'Union européenne, et de faire intervenir des partenaires privés ou des sociétés mixtes d'aménagement. En second lieu, un projet de quartier aux normes écologiques a aussi des coûts importants pour les particuliers, c'est-à-dire pour ceux qui veulent habiter ce type de quartier. En effet, dans le quartier Vauban à Fribourg, les maisons basse consommation valent en moyenne 15% de plus qu'une maison classique, engendrant, comme nous l'avons vu, une gentrification du quartier qui n'était pas prévue à l'origine. À Ribeauvillé, les surcoûts ont été de 15% (contre 5% prévus dans le projet initial), et certains pans du projet ont dû être abandonnés ou revus à la baisse (comme la station locale d'épuration). Or, ce surcoût ne sera sans doute pas rattrapé à la revente, car d'ici là les normes environnementales auront évolué, ou bien elles se seront imposées à toutes les constructions et ce ne sera alors plus un argument de prix fort de vente ; sans compter que la loi du marché se fait souvent en fonction de la valeur donnée au quartier et donc de son image. Questions soulevées par la politique de la ville durable en Alsace. Ainsi, la ville durable sociale en Alsace se réduit à quelques politiques majeures : – L'éco-construction, en développant les bâtiments basse consommation d'énergie, en développant les énergies renouvelables (panneaux solaires, éoliennes intégrées aux bâtiments), et en requalifiant le cadre de vie par sa végétalisation et la création de zones piétonnes. – La mixité sociale, en développant des quartiers constitués de différents types de logements, aussi bien en terme architectural qu'immobilier (location, logement social et propriété privée) soit en écoquartiers, soit en rénovation urbaine. Mais les retombées de ces politiques sont pour l'instant non quantifiables. 160 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 D'autres registres possibles de la ville durable sociale commencent à être pris en compte : – La remise en état écologique des territoires dégradés. C'est toute la question des espaces exposés aux nuisances (sonores, visuelles, olfactives), aux risques naturels ou technologiques, ou des friches industrielles en tissu urbain. Or ces espaces sont relativement nombreux, notamment au niveau des deux grandes agglomérations alsaciennes, Strasbourg et Mulhouse. On comprend alors mieux les projets menés, tant dans le cadre des écoquartiers que dans celui de la rénovation urbaine. – Le soutien aux emplois locaux, c'est-à-dire à l'intérieur des différents quartiers, afin de limiter les mobilités quotidiennes. Mais pour l'instant, la politique se limite souvent encore à faire un zonage urbain en dissociant les zones de résidence et les zones d'activités. Ainsi, même si dans le projet de rénovation urbaine du quartier des Coteaux à Mulhouse est inséré un volet économique par l'extension de la zone d'activités du Parc des Collines, celle-ci est dissociée de la cité. En effet, il faut sortir des Coteaux et emprunter la rocade pour atteindre le Parc pourtant très proche à vol d'oiseau. À Ribeauvillé, seule une chocolaterie employant une douzaine de personnes s'est installée au niveau du nouveau quartier. Quant aux autres projets ou réalisations, ils n'offrent que des commerces de proximité ou des emplois dans des services publics. – La densification urbaine. L'une des solutions avancées par les projets dans le cadre de la ville durable est celle de la ville compacte. Dans les projets alsaciens, la densité est assez faible (de l'ordre de 8 à 10 000 hab./km²). De plus, certains écoquartiers relèvent de l'étalement urbain (les Rives du Bohrie à Ostwald, les Portes du Kochersberg à Vendenheim, le Brandstatt à Ribeauvillé). 161 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Conclusion En définitive, dans le cadre de la politique de la ville durable en Alsace, si la volonté d'action sociale porte sur tous les champs possibles, la pratique privilégie quelques domaines : la rénovation urbaine, la valorisation des espaces sociaux, l‟amélioration du cadre de vie, l‟écoconstruction et la maîtrise énergétique en favorisant les énergies renouvelables. Ces choix s'effectuent selon les priorités urbaines propres aux collectivités territoriales. Toutefois, cette nouvelle approche des enjeux de l'aménagement urbain donne naissance à de nouveaux paysages urbains (et au final à un nouvel urbanisme) dans lesquels la durabilité a un statut particulier, celui de participer au bien-être des habitants au quotidien. Pour l'instant, tous les projets jouent un rôle de sensibilisation et de diffusion de nouvelles pratiques. De plus, la gouvernance locale se développe en faisant participer les habitants eux-mêmes au sein de conseils de quartier ou d'associations de riverains. Mais tous les projets relèvent du zonage urbain et non d'une politique globale. Néanmoins, en Alsace, le développement durable appliqué à la ville semble mettre en avant la finalité écologique, alors que le volet social reste peu développé. Il semblerait que ce ne soit que dans le cadre de programmes sociaux imposés et encadrés que la ville durable sociale puisse se construire, comme dans le cas du quartier du Brandstatt à Ribeauvillé. On est même amené à s'interroger sur la réelle portée du développement durable voulu dans les projets de rénovation urbaine ou d'écoquartiers. En quoi l'application de normes environnementales de construction, qu'elles soient HQE, basse consommation, énergie passive ou positive, permet-elle de qualifier un projet de durable, alors même que ce type de constructions devient la norme depuis l'adoption des mesures du Grenelle de l'Environnement ? Ainsi, le bilan énergétique des logements étant désormais obligatoire dans les locations et dans les ventes, on peut très bien imaginer qu'à terme toutes les constructions devront respecter les normes environnementales. En revanche, ces normes ont des retombées positives pour les habitants car elles permettent en moyenne 30% d'économie sur la facture énergétique. Pour des ménages en précarité sociale, c'est une vertu non négligeable de ces logements, alors qu'elle n'est ni mise en valeur ni relayée dans les projets ! On peut ainsi se demander si la ville durable sociale n'est possible que dans le cadre de projets de petite dimension très encadrés et au sein de nouveaux quartiers dont l'image n'est pas encore forgée, ou si elle ne relève pas plutôt de l'utopie urbaine, voire du rêve de certaines volontés politiques. 162 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Bibliographie : ARENE Ile-de-France (2005), Quartiers durables. Guide d'expériences européennes, p.68-84. Aubertin C., Vivien F. D. (2006), Le développement durable, enjeux politiques, économiques et sociaux, IRD Edition – La Documentation française. Bonard Y., Matthey L. (2010), « Les éco-quartiers : laboratoires de la ville durable », Cybergeo, http://cybergeo.revues.org/23202. Boutaud B. (2009), « Quartier durable ou éco-quartier ? », Cybergeo, http://cybergeo.revues.org/22583. Emilianoff C. (2007), « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique en Europe », L'Information géographique, volume 71, p.48-65. Holz J.M. (2004), « La ville durable : une nouvelle utopie ? », Historiens et Géographes, Vers une géographie du développement durable ?, n°387, p.109114. Lefèvre P., Sabard M. (2009), Les écoquartiers, Ed. Apogée. Mancebo F. (2004), « Développement durable et stratégies d'acteurs en milieu urbain ? Écueils et enjeux », Historiens et Géographes, Vers une géographie du développement durable ?, n°387, p.123-129. Michna R. (2007), « Environnement montagnard, urbanisme et sensibilité écologique : le cas de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) », BAGF, n°2007-2, p.204-216. Monot A. (2009), « Le modèle fribourgeois et les villes alsaciennes. Vers la ville durable dans le fossé rhénan ? », in L'aménagement entre nature et culture, Actes de la 8ème Table Ronde du Rhin Supérieur, APR-CRESATRECITS, p.49-73. Offner J.M., Pourchez C. (2007), « La ville durable. Perspectives françaises et européennes », Problèmes politiques et sociaux, n°933, La Documentation française. Schweitzer P. (2005), « Fribourg la Verte », Saisons d'Alsace, n°28, p.100-103 Veyret Y. (dir.) (2007), Dictionnaire de l'environnement, A. Colin. Wolff J.P. (2004), « Morphologie urbaine et développement urbain durable », Historiens et Géographes, Vers une géographie du développement durable ?, n°387, p.115-122. Sites Internet : Politiques de développement durable de la ville de Fribourg-en-Brisgau : www.freiburg.de www.quartier-vauban.de www.forum-vauban.de Sites sur les projets de la ville de Mulhouse : www.mulhouse.fr Sites sur les projets de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) : www.strasbourg.eu www.forum-ecoquartiers.strasbourg.eu Site sur la rénovation urbaine : www.anru.fr 163 Partie 4 – Espaces et patrimoines La notion de patrimoine se situe au cœur de l‟approche d'un aménagement durable, pris entre la préservation des acquis et l‟engagement vers le futur. Du fait de la mondialisation qui nivelle les valeurs et les particularismes, l‟affirmation des ressources propres à un territoire constitue un révélateur de l‟état des forces locales53. En Europe et en Amérique du Nord, le statut accordé au patrimoine évolue autour de quelques idées centrales : Sa conception s‟inscrit dans une cadre de plus en plus large, bien au-delà d‟un type convenu de vocabulaire paysager ou architectural. Le patrimoine rassemble des éléments matériels et immatériels, anciens comme récents, perçus comme une richesse ou comme une charge. Il figure dans la boîte à outils de la gouvernance. Les citoyens sont entrés dans le jeu. Ils font pression contre la réalisation de certains projets, souvent en ce qui concerne l‟aménagement des infrastructures, et en faveur de la valorisation de certaines ressources. Les actions menées s‟inscrivent dans la légalité ou bien elles peuvent prendre un tour plus radical. Tout projet trouvera à la fois des défenseurs et des opposants. À certaines conditions, le passé n‟est pas une charge mais une source de richesse culturelle et de croissance économique. En amont de toute analyse, il convient d‟avoir en mémoire que le lieu est le support de l‟être54. La relation intime entre l‟homme et l‟espace conduit nécessairement à des représentations. Celles-ci constituent des préalables, le plus souvent implicites à l‟élaboration de schémas prospectifs. Elles apparaissent aussi déterminantes que subjectives. Selon les personnes et les groupes sociaux (groupes qui se définissent autour des caractéristiques des individus comme l‟âge, la taille de la famille, la qualification et le niveau d‟études, le lieu de résidence, la durée de résidence dans la région), les images que l‟on peut se faire du patrimoine sont très diverses. Ce qui peut avoir de la valeur pour les uns n‟en a aucune pour les autres. En particulier, un conflit culturel oppose les jugements de valeur autour des symboles de la tradition et de la modernité.55 Ainsi, les centrales hydroélectriques du Rhin et la centrale nucléaire de Fessenheim présentent le profil définissant des éléments patrimoniaux : tout le monde connaît ces lieux, ils sont composés de bâtiments exceptionnels, ils ont une grande valeur économique et ils accueillent des visiteurs (EDF compte parmi les pionniers du tourisme 53 Datar, Territoires en mouvement (2002), Les pôles d’économie du patrimoine, La Documentation française DATAR, 89 p. 54 Dardel E. (1952), L’homme et la terre, Paris PUF. Réédition par le Comité des Travaux historiques et scientifiques, 1990, 199 p. 55 Antoine Bailly, La perception de l’espace urbain, Service de reproduction des thèses de Lille, 1980, 710 p. et annexes. Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 industriel). Pour autant, les centrales électriques ne correspondent pas à l‟image usuellement véhiculée par le patrimoine. Il s‟agit donc de pouvoir fédérer les représentations autour de valeurs qui puissent prendre sens pour l‟ensemble de la collectivité. Les documents prévisionnels d‟urbanisme évaluent à seulement 25 000 hectares les possibilités d‟urbanisation future, ramenées à 18 500 si l‟on en défalque les espaces de protection, voire à 13 000 si l‟on est plus attentif à l‟environnement et à l‟agriculture56. 1. La périurbanisation de Strasbourg de 1986 à 2006 – identification et quantification des évolutions du paysage – Tran D.B1. et Weber C1. Laboratoire Image Ville Environnement (LIVE) ERL7230 CNRS Université de Strasbourg, 3 rue de l‟Argonne, F – 67000 STRASBOURG La logique du développement durable et l‟application des mesures contenues dans les textes des Grenelle I et II ont conduit à une réflexion renouvelée sur les relations entre la « ville » (prise en tant qu‟entité globale, souvent sans définition précise en termes de fonctionnement (Collins et al., 2000 ; Corbyn, 2010) et son environnement (là encore, vu de manière générale sans toujours prendre en compte les relations systémiques entre les différents compartiments naturels). Pourtant la variété des formes de développement des systèmes urbains est suffisamment importante pour que l‟on s‟attache à en décrire les processus, les révélateurs et éventuellement les limites. Dans un tel contexte, les documents d‟urbanisme (SCoTs et PLUs) ont mis en exergue la problématique de la maîtrise foncière, problématique emblématique des dynamiques de peuplement depuis une dizaine d‟années. Cette question reste centrale dans le processus d‟urbanisation et en particulier dans le cadre de l‟accroissement périphérique et du desserrement du peuplement urbain. Ainsi durant les deux dernières décennies (1990-2010) la périurbanisation, modèle de développement urbain largement répandu, a été étudiée, et dernièrement dénoncée pour ses impacts négatifs, induisant des gaspillages de ressources (environnementales, économiques, foncières etc.), une ségrégation socio-spatiale accrue et des externalités économiques négatives (NcIntyre et al., 2000 ; Schubarth, 2008). Pour aborder ces impacts, diverses approches sont développées : car la périurbanisation s‟affirme par des modes d‟habiter ou de se déplacer différents de ce que l‟on observait jusqu‟alors. « Il n’existe pas de définition commune, ni de bonne manière d’appréhender spatialement ou de qualifier le système périurbain » précisaient Roux et Vanier en 2008. Parmi ces approches, l‟usage de série cartographiques ou d‟images satellites permet d‟observer les transitions d‟un état du sol à un autre, de quantifier ces 56 ADEUS, AURM, DRE et DRAF-Alsace (2007) Étude sur l’utilisation du foncier en Alsace face aux enjeux d’aménagement du territoire, 87 p.+ annexes cartographiques. 165 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 changements et de caractériser les formes de paysage induites, tant pour le paysage « naturel » que pour les formes de peuplement. Ces transformations se réalisent en particulier dans des zones de tension, de confrontation d‟usage, de compétition selon des gradients centre-périphérie, entre matrice urbaine dominée par le bâti et les zones minérales, d'une part, et matrice naturelle et agricole d'autre part (Forman and Godron 1986 ; McDonnell et al. 1997 ; McDonnell and Pickett 1991). Les travaux ci-après abordent ces espaces particuliers au travers du suivi des processus de peuplement (urbanisation et périurbanisation) et de l‟évolution de la structure des paysages. Ce décryptage permet d‟identifier les différentes phases d‟urbanisation et les modifications paysagères induites selon la cinétique de chaque ensemble (urbain-naturel) et d‟aborder les relations fonctionnelles des systèmes analysés. En effet, l‟étude des changements de la forme du paysage constitue une étape importante dans la compréhension des conséquences tant sociales qu‟écologiques induites (Savard et al., 2000), tant dans les fonctions urbaines que dans les processus écologiques eux-mêmes (Weng, 2007). La prise en compte de la « ville » en tant qu‟éco-sociosystème, intégrant les dynamiques socioéconomiques et les processus écologiques (Douglas 1981 ; Millennium Ecosystem Assessment 2005 ; Sterns and Montag 1974 ; Machlis en al., 1997) fonde une telle approche. En conséquence, plutôt que d‟explorer uniquement la contribution de l‟urbanisation aux impacts environnementaux, il devient pertinent d‟étudier les relations complexes qui se jouent tout particulièrement dans ces espaces « d‟entre-deux » faits de formes urbaines en émergence, des zonages agricoles parfois enclavés, des espaces « naturels » convoités ou patrimonialisés ou appauvris (Bastin et Thomas, 1999 ; Mortberg, 2001 ; Olff et Ritchie, 2002). L‟observation des changements du paysage au cours du temps permet d‟estimer la nature et la cinétique des processus naturels et anthropiques en jeu et d‟en évaluer les enjeux de gestion des ressources naturelles et des territoires. Le suivi de ces changements est effectué depuis une vingtaine d‟années à partir de données satellites (Landsat MSS, TM, ETM, Spot, Ikonos, Quickbird, etc.) grâce à leurs résolutions spatiales, spectrale et temporelle de plus en plus performantes. L‟utilisation conjointe de la télédétection et de métriques paysagères (Macgarigal et Mark, 1994) ne s‟est répandue que récemment pour l‟étude des changements du paysage urbain et périurbain (Dietzel et al., 2005 ; Herold et al., 2002, Herold et al., 2003 ; Herold et al., 2005 ; Leitão et Ahern, 2002 ; Weng, 2007 ; Skupinski et al., 2009). En effet, cette approche issue de l‟écologie du paysage (Gustafson, 1998 ; McGarigal et al., 2002) permet d‟aborder des formes complexes et de les rendre identifiables et quantifiables. Elle favorise par ailleurs la révélation de propriétés de l‟écosystème non observables a priori (Antrop et Van Eetvelde, 2000). La métrique paysagère ou métrique spatiale est une mesure de la forme et de la distribution des structures spatiales (ou éléments comme la végétation). Cet outil méthodologique autorise ainsi la mesure (1) des modifications des formes du paysage, notamment en fonction du niveau d‟urbanisation – la tâche ou le patron – (Luck et Wu, 2002) ainsi que (2) de la dynamique temporelle de ces changements (Dietzel, et al., 2005 ; Herold, et al., 2003). Cependant, le potentiel de telles 166 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 analyses quantitatives dépend fondamentalement des données géographiques disponibles, notamment les données spatiales (cartographique, photographique ou satellite) et de la résolution spatiale de celles-ci. L‟objectif de ce travail est d‟identifier, de caractériser et de quantifier les modifications paysagères qu‟entraîne l‟avancée du front d‟urbanisation sur l‟arrièrepays de Strasbourg et de la Communauté Urbaine (CUS) sur une durée de 20 ans entre 1986 et 2006 à partir des images satellites et d‟indices de métrique paysagère. Ces résultats peuvent fournir des éléments de réflexion supplémentaire aux débats actuels sur les scénarios prospectifs d‟évolution des relations villes/campagnes dans la veine de ceux initiés par la DATAR (2007) et l‟INRA (2009). Comme toutes les agglomérations régionales, Strasbourg connaît à la fois (1) un mouvement d‟étalement urbain certes contraint par le relief, les caractéristiques hydrologiques (fleuve frontière, zones humides, remontée de nappe, etc.), dynamisé par les facteurs démographiques et économiques et (2) un processus de renouvellement urbain interne (réhabilitation ou densification). Ainsi l‟Observatoire du foncier et des évolutions des territoires note-t-il qu‟entre 1976 et 2002 la tache urbaine s‟est accrue de 56% soit 530 ha transformés par an. Après avoir précisé le site d‟étude et les données utilisées, les choix méthodologiques seront présentés et illustrés. Les résultats seront discutés par la suite afin de fournir quelques clés intéressantes pour la compréhension des processus étudiés. 1.1 Contexte de recherche Données disponibles Les principales sources de données utilisées dans cette étude sont trois images multispectrales Spot (Tableau 23) et des données classiques (cartes, orthophotos IGN et relevés de terrain). Les compositions colorées IRC (Infra Rouge Couleur) des trois images sont présentées sur la Figure 17. Tableau 23 : Caractéristiques techniques des images SPOT Image Date d’acquisition Résolution spatiale Spot 1 HRV2 28 juin 1986 20 m Spot 3 HRV2 22 juillet 1996 20 m Spot 2 HRV2 16 juillet 2006 20 m 167 Résolution spectrale 0,50-0,59 m 0,61-0,68 m 0,79-0,89 m 0,50-0,59 m 0,61-0,68 m 0,79-0,89 m 0,50-0,59 m 0,61-0,68 m 0,79-0,89 m Projection NTF, Paris, France 1 NTF, Paris, France 1 NTF, Paris, France 1 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 17 : Composition colorée IRC (Infra Rouge Couleur) de trois images SPOT acquise en 1986, 1996 et 2006 La période d‟acquisition des images est très importante dans l‟étude des changements du paysage à partir des données satellitaires. Jensen (1983) a constaté que les images prises pendant les mois ensoleillés présentent un très bon contraste entre objets urbains et non-urbains ; et l‟utilisation des images acquises dans la même période de l‟année pour l‟étude diachronique peut réduire les problèmes liés aux différences d‟angles solaires, au changement phénologique de la végétation et à la différence d‟humidité des sols. Les images utilisées pour cette étude sont cohérentes en termes de période d‟acquisition (en juin et en juillet) et de hauteur du soleil (très peu décalée, entre 58° et 62°). Ces images n‟ont pratiquement pas de couvert nuageux. Ces paramètres physiques permettent de 168 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 considérer que les ombres portées sont négligeables et que les conditions d‟acquisition d‟images sont similaires. L‟observation du processus d‟urbanisation dans l‟aire urbaine de Strasbourg est basée sur le résultat de classification des trois images SPOT acquises en 1986, 1996 et 2006. La zone d‟étude est essentiellement la partie commune existante dans ces trois images. Dans l‟objectif de suivre le processus d‟urbanisation et de périurbanisation de manière plus fine entre 1986 et 2006, nous avons divisé la zone d‟étude en 4 secteurs : Centre (la ville de Strasbourg), Ouest (des cantons de Mundolsheim, une partie de ceux de Geispolsheim, Molsheim et Illkirch – Graffenstaden), Nord (des cantons de Brumath, Mundolsheim, Truchtersheim, Bischheim, Schiltigheim et Wasselonne) et Sud (l‟autre partie de Geispolsheim, Erstein et Benfeld) (Figure 18). Identification, caractérisation de la périurbanisation à Strasbourg L‟expansion urbaine apparaît nettement par l‟observation visuelle des résultats de traitements de classification pour ces trois années (Figure 18). Ces derniers s‟accordent aux données statistiques. Les types d‟occupation du sol obtenus par classification permettent d‟identifier les zones de fortes tensions entre les espaces urbanisés et les zones agricoles ou naturelles. La caractérisation des zones bâties et des surfaces commerciales et industrielles souligne les directions des transformations qui ont eu lieu sur cette période de vingt années. Différents mouvements peuvent ainsi être identifiés. Tout d‟abord un remplissage des espaces vides au centre-ville de Strasbourg et des bourgs centres de la CUS à proximité de Strasbourg entre 1986 et 1996. De 1996 à 2006, le mouvement est différent : on constate un renforcement des communes alentours (même si des erreurs de classification semblent majorer ce fait). Sur cette seconde période, la CUS a gagné près de 15 000 habitants soit une croissance annuelle de 0,46%. Toutefois cette croissance varie selon les grandes entités territoriales de la CUS (Strasbourg, première et seconde couronnes) où de fortes variations modulent ce constat. La ville s‟accroît uniquement par solde naturel, la première couronne présente un déficit migratoire léger et une croissance naturelle faible avec de fortes disparités (certaines communes étant plus attractives que d‟autres), enfin et pour la première fois, la seconde couronne est en perte de vitesse ; elle a un solde migratoire négatif à peine soutenu par le solde naturel. Ce sont les communes de la troisième couronne (hors CUS) qui maintenant bénéficient d‟un afflux de population avec des taux supérieurs à 3% dans certains cas (Landersheim, Wiwersheim…) (note interne Soulet, CUS 2009). Ceci correspond aux résultats présentés par Lavergne et al. (2007) qui ont constaté que l'évolution annuelle de la densité de la population sur les deux périodes 1990-1999 et 19992005 montre un déplacement du phénomène de densification à l‟ouest de la Communauté Urbaine de Strasbourg. Dans un rayon de 15 km autour de Strasbourg, le rythme de densification est moindre sur la période récente alors qu‟il était soutenu entre 1990 et 1999, notamment sur la première couronne strasbourgeoise. Cette urbanisation se fait sans doute au bénéfice de dynamiques plus locales autour de villes de la périphérie de l'aire urbaine (hors CUS), comme le souligne le modèle des dynamiques migratoires internes à l‟espace 169 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 strasbourgeois (Soulet, CUS 2009). La Figure 18 illustre bien cette évolution, mettant en avant ce déplacement des changements d‟occupation du sol vers l‟ouest. Une vue d’ensemble Tableau 24 : Surface en hectares des classes d‟occupation du sol dans la CUS 1986 1996 2006 Sols nus (S) 5759 3530 1667 1425 2705 Cultures (C) 1 1 28189 5294 3631 Végétation (V) 8 4 33753 Surfaces Industrielles (I) 2085 2996 3244 1029 1585 Bâti (B) 0 6 18776 Le Tableau 24 présente de manière détaillée quels sont les types d‟occupation qui ont le plus évolué sur la période. L‟extension du bâti montre que les deux classes « Bâti » et « Surfaces industrielles et commerciales » gagnent en surface entre 1986, 1996 et 2006. En moyenne, les surfaces bâties augmentent de près de 20% par période de 10 ans. Les changements d‟occupation entre les dates sont concentrés surtout sur le passage de sols cultivés vers Bâti et Végétation vers Bâti, ce qui équivaut à environ 12 000 ha en 20 ans. Ce qui est conforme aux données de l‟Observatoire du foncier (Notes 25, ADEUS 2010). Quant aux zones industrielles et commerciales, la croissance de leur surface est moins importante pour la période de 1986-1996 (5,3% soit 810 ha) par rapport à la période de 19962006 (8,7% soit 810 ha). En contre point, les surfaces de Végétation, Sol nu et Cultures ont donc fortement diminué (Tableau 25). Tableau 25 : Transition entre les classes d‟occupation importantes dans la CUS entre 1986 et 2006 (ha) Sols nus-Bâti ; Végétation-Bâti ; Cultures–Bâti ; Sols nusSurfaces Industrielles ; Végétation-Surfaces Industrielles ; Cultures-Surfaces Industrielles Etat stable S-S Ha I-I % Ha Changements C-C % Ha V-V % Ha B-B % Ha S-B % Ha V-B % Ha C-B % Ha S-I % Ha V-I % C-I Ha % Ha % 86-96 436 7,58 1015 48,7 4357 30,6 26841 50,7 5828 56,6 998 17,3 5118 9,7 2959 20,8 216 3,7 322 0,6 272 1,9 96-06 222 6,28 1566 52,3 13273 49,1 21562 59,4 9713 61,3 854 24,2 2845 7,8 4238 15,7 230 6,5 317 0,9 365 1,3 86-06 192 3,3 45,8 6062 58,9 1439 25 7075 13,4 3035 21,3 273 4,7 831 1,6 363 2,5 876 42 4646 32,6 24249 170 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 18 : Les directions d‟évolution de l‟occupation du sol de Strasbourg à la troisième couronne (1986, 1996, 2006) 171 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 1.2 Les transformations paysagères Pour aborder ces transformations, il a été nécessaire de diviser en 4 la zone d‟étude afin : D‟identifier l‟ampleur du processus d‟urbanisation et de péri-urbanisation. D‟identifier les vitesses du processus d‟urbanisation pour chaque secteur à chaque période. De caractériser le changement de la structure paysagère le long de trajectoires urbain-périurbain. De caractériser la forme de l‟extension urbaine dans l‟aire d‟étude. L‟utilisation des approches d‟écologie du paysage a été réalisée récemment dans les études urbaines en traitement d‟image. En effet, elles offrent un ensemble d‟indicateurs intéressants qu‟il faut cependant maîtriser pour une application efficace sur des paysages urbains. Certains auteurs (Alberti and Waddell, 2000 ; Barnsley and Barr, 1997 ; Herold et al., 2003 ; Herold et al., 2002 ; Macgarigal and Barbara, 1994 ; Matsushita et al., 2006) ont appliqué ces indicateurs de métrique spatiale, pour aborder la végétation ou des ensembles écologiques afin d‟en comprendre les processus (Gustafson, 1998 ; Leitão and Ahern, 2002 ; McGarigal et al., 2002). D‟autres ont appliqué cette métrique sur les formes bâties pour compléter les mesures habituelles de compacité ou de linéarité. Peu ont tenté de combiner le tout et d‟aborder la description spatio-temporelle des paysages étudiés. Ces mesures calculées à des échelles spatiales différentes sur des ensembles paysagers (patch) aussi bien que sur des paysages (aires entières) offrent en plus la possibilité de réflexions multi-échelles sur les processus étudiés. Les analyses paysagères réalisées à partir d‟images classées fournissent une information additionnelle pour ces études de changement. Plusieurs indicateurs peuvent être utilisés ; nous n‟avons retenu que ceux déjà testés (Antrop and Van Eetvelde, 2000 ; Luck and Wu, 2002 ; Skupinski et al., 2009) car plus performants pour nos objectifs. Les traitements ont été réalisés sur le découpage en quatre zones (ouest, centre, nord et sud) de la zone d‟étude (Figure 12). Trois groupes de métriques ont été testés : La fragmentation : la mesure permet de quantifier les paysages selon la densité et la taille des ensembles, leur répartition spatiale tout comme les zones de contact entre les éléments : patch density (PD), mean patches of size (MPS), largest patch index (LPI). La composition : cette mesure fournit une information sur le niveau de dominance d‟un type d‟occupation du sol par rapport aux autres, le niveau d‟hétérogénéité : pourcentage of landscape (PLAND), Shannon of evenness index (SHEI). La connectivité : deux métriques sont intéressantes car elles offrent deux descriptions, l‟une qualitative et l‟autre quantitative des formes paysagères en soulignant les relations entre les éléments du paysage : Contagion (CONTAG), aggregation index (AI). 172 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Le tableau 26 résume ces diverses métriques et précise les modalités de calcul. Tableau 26 : Métriques paysagères, description et échelle spatiale Indice Densité des composants Abréviation PD Description Range Échelle d’analyse Nombre de composants par 100 hectares PD>0 Paysage Nombre de composants de chaque classe par 100 hectares PD>0 Élément Taille moyenne pour tous les composants dans le MPS>0 paysage par 100 hectares Distribution de proportion de différents types 0 SHEI d‟occupation du sol dans 1 le paysage Probabilité d‟un pixel 0<CONTA d‟être adjacent aux pixels G 100 de la même classe Taille moyenne des composants MPS Indice d‟équitabilité de Shannon SHEI Contagion CONTAG Composant majeur LPI Mesure la tache la plus 0<LPI 10 grande de chaque classe 0 dans le paysage Elément Pourcentage du paysage PLAND Mesure la surface 0<PLAND occupée par une classe 100 Elément Indice d‟agrégation AI Arrangement spatial et regroupement des objets sur l‟image Elément 0<AI<1 Paysage Paysage Paysage Toutes ces mesures ont été calculées avec le logiciel opensource FRAGTATS software 3.3 (McGarigal et al., 2002) Les transformations à l’échelle du paysage Parmi les mesures utilisées PD, MPS, CONTAG et SHEI fournissent des résultats intéressants tant au niveau spatial que temporel (Figure 19). Ainsi la densité des éléments paysagers (PD) semble être un bon descripteur de l‟évolution de la fragmentation du paysage. Si l‟on se réfère à la Figure 19, on voit bien que la valeur diminue de manière générale pendant la période 1986 – 2006, mais cette diminution n‟est pas identique spatialement entre les 4 entités spatiales définies. Le centre et le sud offrent ainsi des diminutions plus fortes entre 1976 et 1996 que les autres partitions. La taille moyenne des éléments (MPS) fournit une information sur la fragmentation du paysage : plus la taille est petite et plus le paysage est 173 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 fragmenté ; inversement, plus la taille augmente et plus il y a agrégation des formes et donc remplissage du paysage. MPS atteint des valeurs basses au centre et au sud indiquant de petites parcelles entre 1986 et 1996 ; cependant les valeurs ont augmenté fortement en 2006 quelle que soit la direction ce qui est caractéristique de parcelles plus grandes, et donc d‟accrétion notamment dans le nord des éléments du paysages. La mesure de contagion (CONTAG) permet d‟illustrer la répartition spatiale des éléments du paysage. De manière générale, la mesure présente une certaine ressemblance de comportement dans le temps et l‟espace, avec cependant en 1986 un comportement spécifique pour le centre qui, de peu agrégé par rapport aux autres partitions, s‟est compacté. Figure 19 : PD, MPS, CONGTAG and SHEI à l‟échelle du paysage Le Shanon‟s evenness index (SHEI) représente la proportion des différents types d‟occupation du sol sur la zone étudiée. Plus la valeur est élevée, plus il y a d‟hétérogénéité. Là encore on a une tendance générale similaire, si ce n‟est le centre qui devient de plus en plus hétérogène. Ceci est dû notamment à la variété 174 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 des types d‟occupation du sol en ville comparé à l‟homogénéité des zones périphériques ; il s‟agit surtout d‟un effet de taille des éléments. À partir de ces mesures on voit bien que les effets de l‟urbanisation sont visibles dans le paysage, notamment le centre qui correspond à Strasbourg, marqué par une diversité des types d‟occupation du sol (liée à la petite taille des éléments), par l‟augmentation de la taille des parcelles et par une forte connexion entre les éléments de paysage c'est-à-dire une compacité croissante. Temporellement les changements les plus significatifs de la structure paysagère apparaissent aux franges, dans les zones de compétition. Parmi les zones périurbaines, le nord et l‟ouest ont le plus changé. Ces observations sont convergentes avec les résultats fournis par l‟ADEUS (2009) montrant une forte extension des couronnes successives durant cette période. Les transformations à l’échelle des éléments paysagers Examinons les mesures à l‟échelle de l‟élément, c‟est à dire selon les catégories d‟occupation du sol : le bâti, les surfaces commerciales et industrielles, la végétation et l‟agriculture. Trois mesures PLAND, LPI et AI ont été utilisées pour illustrer les questionnements sur l„évolution de la composition du paysage (Figure 20). Le pourcentage de paysage (PLAND) (Figure 20a) est une des mesures importantes pour étudier la composition paysagère puisque chaque élément a des attributs de forme différents. Cette mesure est calculée par le ratio entre les éléments d‟une classe et le nombre de classes reconnues au sein de la zone d‟étude. À noter que la répartition spatiale des types – bâti et surfaces commerciales et industrielles – est liée au degré d‟urbanisation, alors que cette mesure pour la végétation ou les zones agricoles a un comportement opposé. La répartition spatiale est bien entendu inverse entre le centre et les zones ouest, sud et nord ; une augmentation générale des zones minérales (en augmentant ainsi les surfaces imperméables) par rapport aux autres catégories d‟occupation du sol. Ces modifications sont importantes quelles que soient les zones pour la végétation. L‟index de taille de l‟élément (LPI) montre clairement la distribution des formes urbaines selon le degré de dominance des types d‟occupation. Le LPI des zones bâties est plus fort dans la partie centre (Strasbourg) et décroît graduellement au nord, l‟ouest et l‟est à cause de la dominance faible des bâtiments résidentiels. Par contraste, les mesures de LPI des zones agricoles augmentent dans les zones périphériques ouest, sud au nord. La classe de végétation est dominante au sud où le LPI est très haut (Figure 20b) avec une domination de plus importante en 1986 qu‟en 1996 et 2006 (ce qui accrédite la récession des zones de végétation). Les zones industrielles et commerciales occupent des zones moins importantes comparativement et en conséquence éparpillées au sein du paysage sauf en périphérie proche de Strasbourg. 175 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 L‟index d‟agrégation (AI) mesure les arrangements spatiaux des paysages. La mesure des formes de bâti, des surfaces commerciales et industrielles ainsi que de la végétation pour l‟ensemble des zones est élevée. Les variations confirment la consommation d‟espace principalement autour des centres urbains existants et de manière différentielle selon les zones. La variabilité de cette mesure montre que l‟intensité du processus d‟urbanisation varie géographiquement avec des secteurs plus actifs que d‟autres. Les zones agricoles, notamment au centre, ont un comportement remarquable puisque les formes s‟agrègent, illustrant la diminution d‟espaces inclus dans le bâti. Ceci va dans le sens du constat réalisé à savoir l‟émiettement de parcelles agricoles à proximité du pôle strasbourgeois et leur disparition progressive dû, entre autres, à la difficulté d‟exploitation (Figure 20c). Figure 20 : PLAND, LPI et AI à l‟échelle des éléments pour l‟ensemble des classes d‟occupation du sol a-PLAND 176 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 b-LPI c-AI 177 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Conclusion Ces travaux ont permis d‟identifier et de caractériser les changements des formes paysagères dans la CUS et ses environs. À partir d‟une série d‟images SPOT s‟étalant sur vingt ans, des traitements de métriques paysagères ont permis d‟identifier, quantifier et suivre les transformations de l‟occupation du sol. Bien sûr, la qualité des traitements d‟image a pu influer sur les résultats obtenus ; cependant, les vérifications d‟usage permettent de considérer une qualité satisfaisante des résultats autour de 78%-80% de validité (Kappa). Le potentiel de ce type d‟analyse dépend de la qualité des données tant en termes spatial (résolution spatiale) que thématique (nomenclature) (Herold et al., 2005). De manière générale, l‟analyse spatiale du paysage réalisée montre que la croissance urbaine articule deux processus : la densification des « trous » au sein des tissus urbains et des zones d‟extension, soit le long des réseaux, soit en sauts (leap frog). Le paysage est donc plus continu en 2006 qu‟en 1986 et plus compact selon des vagues progressives de construction. Chaque mesure choisie a apporté des éléments de compréhension des formes du paysage à diverses échelles. En ce qui concerne l‟agglomération de Strasbourg, PD, MPS, CONTAG et SHEI apparaissent comme des mesures efficaces pour appréhender le paysage ; les mesures PLAND, LPI et AI sont, elles, performantes à l‟échelle de l‟élément du paysage. Ces mesures ont permis d‟identifier des processus variés et différents entre le centre de Strasbourg et les zones périphériques, opposant un paysage très spécialisé avec une forte densité de bâti et une valeur élevée de connectivité des éléments du paysage à des franges caractérisées par des transformations profondes. La lecture de ces indices permet d‟identifier à la fois la structure urbaine mais aussi l‟armature des espaces naturels et agricoles et donc d‟identifier les enjeux associés à l‟imperméabilisation des surfaces, la destruction des habitats, la fragmentation des paysages, bouleversant le fonctionnement des écosystèmes vivants. La quantification des structures paysagères est basée sur la dominance des éléments bâtis et leur diversité. L‟un des enjeux de la planification urbaine et régionale est le contrôle de l‟organisation spatiale de l‟urbanisation (Irwin and Bockstael, 2004). L‟utilisation des mesures paysagères permet : (1) de quantifier à deux échelles complémentaires la configuration et la répartition spatiale des éléments de paysage ; et (2) d‟identifier au sein des mesures développées les repères chronologiques intéressants pour mieux comprendre la cinétique des processus en cours. Ces résultats peuvent être considérés comme une information supplémentaire pour réfléchir à l‟avenir de ces espaces spécifiques que sont les zones périurbaines. En les englobant dans les réflexions de prospective visant un destin commun, la durabilité des territoires, il serait intéressant de faire de ces espaces hybrides des lieux d‟opportunités nouvelles pour concilier les enjeux environnementaux, agricoles et urbains. 178 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Références ADEUS (2009), Se loger dans le Bas-Rhin, les évolutions récentes, Strasbourg, pp 1-8. ADEUS (2010), Les Notes de l’ADEUS n°25. Alberti M., Waddell P. 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La polyculture traditionnelle nécessitait des pratiques plus proches du jardinage que de l'agriculture. Elle avait fait dire à Louis XIV, découvrant la plaine depuis le col de Saverne, que « l'Alsace est un jardin ». Un semis de villes et de bourgs constituait une armature hiérarchisée de places centrales. 57 À présent la région connaît un paradoxe : en proie à l'étalement urbain, elle essaie néanmoins de conserver la maîtrise foncière de son territoire. Elle fait usage de la réglementation nationale tout en inventant des outils spécifiques. Elle regarde vers l'Allemagne et la Suisse où la planification spatiale est fortement contrainte et où les mobilités sont davantage fondées sur les transports en commun. 2.1 Vers une gestion économe dans l'espace du Rhin supérieur ? – Patricia Zander Le Rhin Supérieur correspond à un espace fortement peuplé, structuré par un puissant réseau urbain. Cette région cherche à devenir un territoire modèle européen : « Avec ses 21.518 km², ses 6 millions d‟habitants, dont 2,8 millions d‟actifs, et un PIB d‟environ 202 milliards d‟euros, le Rhin supérieur dispose de nombreux atouts et d‟un potentiel fort que les acteurs français, allemands, et suisses de la coopération souhaitent promouvoir au niveau européen. La « Région Métropolitaine Trinationale » est une démarche structurante susceptible de faire du Rhin supérieur un laboratoire innovant et exemplaire pour la mise en œuvre des stratégies de Lisbonne et Göteborg ainsi que de l‟Agenda territorial de l‟Union européenne » (http://www.oberrheinkonferenz.org/fr/region-metropolitaine/, 20 mai 2011). 57 Michel Rochefort, L’organisation urbaine de l’Alsace, Les Belles Lettres, Paris, 1960. 182 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Document 12 : La construction de logements L A C O N S T R U C T IO N D E L O G E M E N T S E N T R E 1 9 6 8 E T 2 0 0 3 Ta u x d 'é v o lu tio n a n n u e l m o y e n , d u p a r c d e lo g e m e n ts e n tr e 1 9 6 8 e t 2 0 0 3 4 ,1 % 0 ,4 % M é th o d e re te n u e : lis s a g e s ta tis tiq u e , a v e c o r d r e d u v o is in a g e d e 1 S o u rc e s : IN S E E ( R P ) D ir e c tio n R È g io n a le d e l'E q u ip e m e n t ( S IT A D E L ) F o n d s d e c a r te : D é p a r te m e n t A ls a c e - c o p y r ig h t IG N - G E O F L A - 2 0 0 1 0 C a r te r é a lis é e a v e c le lo g ic ie l P h ilc a r to : h ttp ://p e r s o .c lu b - in te r n e t.fr /p h ilg e o 10 20 km E n je u x d e l'E ta t s u r l'e s p a c e a ls a c ie n : d y n a m iq u e s u r b a in e s R e n a u d d e M a llia r d - 2 0 0 4 S A P - s e r v ic e d e l ' a m é n a g e m e n t e t d e l a p r o s p e c t i v e 183 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les projections démographiques les plus récentes sont très optimistes, envisageant une croissance globale de plus de 364 000 personnes d‟ici 2030, malgré des situations locales contrastées. Cette dynamique démographique et économique positive se traduit par une consommation foncière importante, n‟infléchissant que de manière modeste les tendances – en cours depuis plus d‟un siècle – dont on commence aujourd‟hui à mieux cerner les enjeux environnementaux, économiques, sociaux. Avec des grandes densités qu‟il a été nécessaire d‟organiser précocement (la Ruhr par exemple, avant la Seconde Guerre mondiale), l‟Allemagne a mis en place des mesures au début des années 2000 pour tenter de réduire les surfaces consommées. Ainsi, le Ministère du BadeWurtemberg a mobilisé les Universités et les fondations pour tenter de trouver des clés permettant de réduire la consommation foncière et parvenir aux objectifs de consommation foncière préconisés par l‟État Fédéral (30ha/j au total pour le pays en 2020). Dans ce cadre, une étude franco-allemande (DFIU – M. Hiete / UdS – P. Zander) a été menée en 2008 pour mieux comprendre les obstacles à une consommation foncière moindre ainsi que les possibilités pour renverser les tendances observées. Il s‟agissait de préparer un projet « Interreg IV » sur ce thème qui a démarré en 2010 : « Gestion économe et durable de l’espace dans les petites et moyennes communes du Rhin Supérieur » 2010-2012 – http://www.geekom.info/francais.html. Après un bref cadrage relatif à la consommation foncière, ses enjeux et ses liens avec la périurbanisation, nous présenterons les principaux enseignements de l‟étude menée en 2008 (en Alsace et en Bade) et le sens du projet Interreg qui en a résulté. Ceci nous permet de réinterroger le sens donné à l‟expression « gestion économe de l‟espace » et les nouvelles perspectives qu‟il est possible de lui accorder actuellement, particulièrement dans le cadre du développement périurbain. 2.1.1 La consommation foncière, ses enjeux, ses liens avec la périurbanisation : l’exemple du Rhin Supérieur Le foncier et sa consommation La consommation foncière est une expression récente véhiculant au moins deux idées majeures qu‟il est important de souligner ici : le foncier peut être vu comme un bien « consommé », c'est-à-dire [quelque chose amené] « à destruction en utilisant sa substance» ou «mené au terme de son accomplissement » (Dictionnaire Le Petit Robert). À cette idée est associée l‟idée que le foncier est un bien matériel comme les autres, mis actuellement sur le marché. Il s‟agirait alors de gérer le stock du foncier et, au besoin, de le recycler pour les nouveaux besoins de la société. Or le foncier ne peut pas être considéré comme un bien matériel comme les autres. C‟est une portion de l‟espace terrestre, effectivement matérielle car mesurable, qui a deux dimensions principales : c‟est une surface appropriée – une appropriation aux multiples facettes possibles – juridique, symbolique…– et/ou 184 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 c‟est une portion de l‟espace qui fait l‟objet d‟usages qui peuvent également variés. Chaque société et chaque individu entretient une puissante relation au foncier qui rend quasiment impossible une approche technocratique et purement gestionnaire d‟un stock de parcelles : l‟utilisation et le recyclage du foncier ne cessent de se complexifier avec le développement de nos sociétés. Le Rhin Supérieur est exemplaire à cet égard. Le Rhin Supérieur, un foncier inégalement rare et convoité Le Rhin Supérieur est un espace dense (277h/km² en 2008), en croissance globale tant économique et démographique. Cette dynamique positive se traduit par les grandes tendances caractéristiques des espaces métropolitains, bien mises en évidence par le sociologue Michel Bassand : le développement des mobilités (loisirs, travail…), la fragmentation de l‟espace avec ses espaces spécialisés du point de vue fonctionnel et social, le développement des inégalités sociales. La banalisation des paysages constitue également un résultat du processus métropolitain. La traduction spatiale de l‟ensemble de ces phénomènes peut se retrouver sous un seul vocable aux connotations inquiétantes : « l‟étalement urbain » (urban sprawl). En effet, l‟étalement urbain apparait avec son caractère irréversible et incontrôlé, ne laissant pas le moindre interstice à une autre forme d‟(in)organisation de l‟espace. Si le Rhin Supérieur peut apparaître comme une seule et importante région métropolitaine, elle correspond également à une région transfrontalière associant plusieurs territoires aux dynamiques et aux modes de gestion contrastés. Tableau 27 : Les dynamiques démographiques des différents territoires du Rhin Supérieur Alsace Nordwest Südpfalz Baden Total -Schweiz La croissance globale du Rhin Supérieur cache des inégalités selon les Population 1623 1246 273 2189 5331 différentes régions, en 1990* comme le montre le Population 1838 1383 302 2439 5962 tableau ci-contre. Cette population va donc se en 2008* répartir inégalement, selon Population 2065 1613 268 2380 6326 les variations naturelles projetée en propres à chaque région 2030* et leur capacité à attirer * En milliers. Source : Conférence Germano-Franco-Suisse une population étrangère. du Rhin Supérieur – Faits et chiffres 2010 L‟approche du foncier et de sa consommation varient d‟un territoire à l‟autre en fonction des dynamiques démographiques, des relations au foncier entretenues par les sociétés et des règles écrites et non écrites qui en découlent. Ainsi, les Suisses considèrent le foncier comme un élément vital pour la communauté, notamment parce qu‟il peut garantir son autonomie alimentaire. Ceci se traduit par le principe d‟une « utilisation mesurée du sol » énoncée dans la loi sur 185 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 l‟aménagement du territoire (LAT, loi fédérale de 1979). Cette loi n‟a cependant pas réussi à enrayer le mitage des terres agricoles, et l‟étalement urbain reste une question très sensible actuellement en Suisse. En Allemagne, les espaces densément peuplés continuent d‟être attractifs dans l‟ouest du pays et le foncier y est très convoité. Les problèmes environnementaux se multiplient et viennent se rajouter aux problématiques sociales d‟inégalité et de ségrégation sociales. Les métropoles allemandes, à l‟instar des métropoles européennes, sont soumises à la pollution de l‟air, notamment liée aux déplacements automobiles croissants, à l‟artificialisation des sols et des terres agricoles dans un contexte annoncé de pénurie, des conséquences alarmantes pour la biodiversité… Des objectifs de réduction de la consommation foncière ont été définis par l‟État fédéral, mais les grandes tendances ne semblent pas se stabiliser. Le Land Bade-Wurtemberg s‟est fixé comme objectif de réduire de plus des 2/3 sa consommation actuelle, passant de 9 ha par jour environ en 2009 à 3 ha d‟ici 2025. En France, l‟article L110 du code de l‟urbanisme préconise une gestion économe de l‟espace. Mais la densité moyenne française reste faible : la prise de conscience est très récente et les moyens restent limités. Selon les études des services de l‟État, l‟Alsace voit sa consommation foncière se réduire depuis l‟an 2000, passant de moins de 3 ha/j en 2000 à environ 1 ha/j en 2006. (DRE Alsace, 2006 : www.cebtp-alsace.asso.fr/.../ diagnosticfoncier.pp). Mais les problèmes liés à la consommation foncière semblent aussi alarmants qu‟en Suisse et en Allemagne et mobilisent les institutions alsaciennes pour mieux mesurer et comprendre le phénomène (ex : Région Alsace, DREAL, 2008, 30 ans d’urbanisation en Alsace). 186 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 21 : Consommation foncière en Bade-Wurtemberg et en en Allemagne entre 1993 et 2006 (en ha/j, intégrant les voies de communication) Source : Destatis, ADEUS 2007 2.1.2 Les petites communes de Bade et d’Alsace : quelles approches des problèmes fonciers liées à la périurbanisation et la métropolisation ? Méthodologie de l’étude Une enquête par questionnaire a été réalisée auprès des maires des petites et moyennes communes du Bas-Rhin et du Pays de Bade (communes de moins de 20 000 h. – envoi par courrier du questionnaire papier) avec un retour de 194 réponses (126 communes du Bas-Rhin et 66 communes badoises). L‟analyse du questionnaire a été complétée par des entretiens avec les maires ou les représentants de la commune. Il est apparu ainsi différentes pistes de travail à développer pour mieux comprendre le phénomène et y apporter des réponses. Principaux résultats de l’étude Contrairement aux partis pris initiaux, il n‟a pas été possible de constituer un unique questionnaire pour les deux régions : les structures, les approches sont apparues trop différentes pour permettre de constituer un seul questionnaire. Celui-ci aurait perdu de sa force et de sa pertinence. C‟est aussi pour cette raison que les résultats de cette étude sont présentés de manière séparée. 187 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 22 : Mesures pour réduire la consommation foncière en Pays de Bade Source : Étude DFIU/UdS 2008 En pays de Bade : les maires allemands sont très sensibles au problème de la consommation foncière. Ils connaissent les objectifs que leur assigne le Land. Mais pour eux, l‟utilisation du foncier est avant tout le fait du développement des entreprises, donc le fait d‟un enjeu économique incontournable ; le logement est la seconde cause de consommation foncière. Le marché foncier et le goût de la population pour des espaces en dehors des villes sont les facteurs favorisant la consommation foncière dans leur commune. Trois principaux impacts négatifs sont identifiés par les maires : la consommation des terres agricoles, celle des espaces naturels, le mitage des paysages. Les mesures prises pour lutter contre cette consommation sont essentiellement : la réduction de la taille des parcelles, l‟utilisation des dents creuses et la densification des centres, la réalisation des plans de réaménagement qui permettent de réorganiser le tissu bâti et d'optimiser l‟occupation du sol. Selon les maires badois, le réaménagement des centres constitue la mesure la plus efficace. Selon eux, il est nécessaire de bénéficier d‟aides financières pour faire face aux coûts importants de réhabilitation du bâti et à la mise en place de nouveaux services. Ainsi, ces actions permettent de préserver les paysages, de répondre aux déficits des ressources foncières et de protéger les ressources naturelles existantes. Il semble également que ce renforcement des centres constitue la réponse la plus appropriée aux problèmes du vieillissement de la population et à sa baisse annoncée dans les 20 années à venir. Dans le Bas-Rhin : 126 communes ont répondu à un ambitieux 188 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 questionnaire (35 questions), ce qui est un indicateur de la préoccupation importante des maires face à ce problème. À la différence des communes badoises, les communes bas-rhinoises ont une autonomie politique forte et des moyens financiers très réduits. Ils sont 68% à considérer que l‟Alsace rencontre un problème d‟étalement urbain et 48% à penser que leur propre commune est marquée par le phénomène. L‟habitat est pour eux la question essentielle, à la différence des maires badois. 61% d‟entre eux ont déjà pensé à d‟autres formes d‟habitat que le lotissement mais ne les ont guère mises en pratique. En fait, ils sont 69% à reconnaître qu‟ils auront recours au lotissement, comme le révèle la figure ci-dessous. Figure 23 : Positions communales sur la périurbanisation Source : Étude DFIU/UdS 2008 En fait, 4 profils de maire sont apparus : – Les « pro-étalement » (10%) : ces maires ont bien perçu la tendance à l‟étalement dans leur commune mais ne préconisent pas de mesures particulières pour enrayer le phénomène. Au contraire, ils prévoient la construction de nouveaux lotissements. – Les « attentistes » : ces maires reconnaissent l‟étalement urbain comme un problème mais, au vu de leurs réponses, ils se considèrent impuissants et auront également recours au lotissement qu‟ils considèrent comme la seule réponse concrète possible à la demande de logements. – Les « demandeurs » : ce sont des maires qui ont perçu les enjeux de l‟étalement urbain et sont en attente de solutions concrètes. Leurs réponses concrètes à ce problème dans leur commune restent limitées. – Les « innovants » : ces maires proposent des solutions audacieuses pour éviter de nouveaux lotissements (extension du tissu sous forme de petits collectifs, actions en faveur de la dynamisation du centre …). Les maires bas-rhinois réclament plus de liberté en matière de règlementations tout en souhaitant des moyens réglementaires contraignants pour mener à bien 189 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 leur politique. Comme pour les maires badois, des moyens financiers leur semblent nécessaires pour pouvoir gérer plus efficacement le foncier. Figure 24 : Question 35 (id) Source : Étude DFIU/UdS 2008 Au terme de cette étude combinant enquête et observations de terrain, entretiens avec les maires et des personnes-ressources, mobilisation d‟analyses et de sources d‟informations très diverses (INSEE, État…), des convergences nettes entre les territoires sont apparues. Elles ont permis de fonder le projet Interreg IV. Certes, de part et d‟autre de la frontière, des dynamiques différentes sont l‟œuvre : autant l‟Alsace est marquée par son dynamisme démographique (+ 200 000 habitants dans les années à venir) mais aussi par la montée de la pauvreté en milieu rural, autant les territoires allemands vont connaître une déprise démographique ; même si la population allemande semble encore à l‟abri de la pauvreté, le marché foncier est si tendu que des ajustements seront nécessaires pour permettre à chacun de se loger (jeunes, familles…). Dans un cas comme dans l‟autre, une compétition entre les communes apparaît pour attirer les familles. Par ailleurs, des préoccupations et des enjeux similaires se sont dégagés de manière forte : – le vieillissement de la population qui induit de nouveaux besoins et une nouvelle organisation du territoire ; – la question des paysages bâtis et naturels, à préserver pour éviter leur banalisation ; – l‟enjeu du centre et de la vie communale, avec ses rythmes, ses services, ses commerces spécifiques ; – la nécessité de trouver une réponse au conflit foncier entre les activités 190 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 économiques, l‟exigence d‟un haut niveau de services et de confort par la population et la préservation d‟espaces naturels et agricoles. Malgré des études et des diagnostics nombreux et concordants (Région Alsace, Parc naturel régional des Vosges du Nord …), malgré l‟unanime volonté d‟infléchir les tendances actuelles et l‟identification d‟objectifs bien identifiés, malgré de nombreuses mesures concrètes favorisant une utilisation plus mesurée du foncier particulièrement en Allemagne (outils techniques, aides financières, programme de recherches, cf. bibliographie), les petites communes bas-rhinoises comme badoises connaissent globalement des difficultés pour réduire de manière significative leur consommation foncière. Pourtant, certains maires sont apparus très porteurs de démarches nouvelles. Ces maires sont animés par une volonté forte de transformer les réalités actuelles et ont parfois mis en place des solutions différentes ; ils disposent d‟une connaissance très fine des difficultés et du terrain qui sont susceptibles d‟expliquer les échecs actuels et de permettre de trouver des solutions. La réduction de la consommation foncière doit nécessairement être pensée avec les demandes et les problèmes de société complexes auxquels sont confrontées ces petites communes ; ceci impose de réinterroger notre approche du foncier et notre vision du territoire que nous voulons, que nous devons partager. Et les maires sont ici incontournables. 2.1.3 Le projet Interreg IV « Gestion économe et durable de l’espace dans les petites et moyennes communes du Rhin Supérieur » : une nouvelle approche du foncier pour une nouvelle gestion Le projet, sa problématique, ses objectifs Ce projet est financé par l‟Union Européenne, le Ministère de l‟Environnement du Bade-Wurtemberg, la Région Alsace, la DREAL et le Conseil Général du BasRhin, le KIT (Karlsruher Institut für Technologie) et l‟Université de Strasbourg. Son objectif est donc de permettre aux petites communes (moins de 20 000 habitants) de réduire leur consommation foncière en gérant mieux leur foncier. Il s‟agit d‟apporter des solutions concrètes, en matière de démarches de projet ou d‟outils pour permettre aux communes de mieux maîtriser le développement spatial de leur territoire. La démarche de projet Les maires sont reconnus comme des acteurs clés pouvant apporter des idées innovantes et des éléments d‟explications des difficultés actuelles. Douze maires badois et alsaciens se sont ainsi engagés dans ce projet. Les cultures différentes de planification et d‟aménagement sont ici vues comme un atout. Il s‟agit « d‟apprendre de l‟autre » : non pas « copier le voisin » et transposer à l‟identique des expériences réalisées mais identifier les leviers qui ont été utilisés pour une 191 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 opération réussie. C‟est ici que se situent la transférabilité des expériences à l‟ensemble des communes du Rhin Supérieur et la possibilité de mettre en œuvre une véritable gestion plus économe et plus durable de l‟espace. Afin d‟assurer des échanges plus fructueux et éviter une trop grande complexité liée à l‟existence de trois systèmes différents, les échanges entre maires allemands et français ont été privilégiés. Les expériences suisses permettent d‟éclairer certains débats. Ainsi, une journée de terrain a été proposée aux maires alsaciens et réalisée à Rodersdorf en avril 2011. La méthode Des tables rondes ont été organisées en 2010 et 2011 (Gengenbach, Ebersheim, Bollschweil, Saint-Amarin) qui ont permis aux maires de se rencontrer pour débattre des problèmes sur le terrain. Les méthodes des équipes allemande et française sont différentes et complémentaires : l‟Allemagne a choisi de concentrer ses efforts sur une démarche spécifique et de la tester auprès des maires ; l‟équipe française a privilégié l‟analyse des processus et des grandes tendances qui produisent la consommation de l‟espace. Ceci passe par un important travail de terrain et la mobilisation d‟acteurs nombreux qui interviennent dans ces processus. Tous les travaux convergent actuellement vers la nécessité de mettre en place un véritable projet politique pour ces petites communes prises dans la dynamique des processus métropolitains. Penser l‟avenir de la commune, sa place dans la métropole, son fonctionnement quotidien où chacun doit trouver sa place est devenu impérieux. L‟éclatement des temps et des lieux de vie métropolitains requiert des lieux d‟ancrage et de stabilisation : les petites communes sont recherchées pour cela et doivent pouvoir traduire foncièrement cette aspiration sociale forte. Le projet, les outils techniques, les expériences, ne prennent sens que par l‟existence de ce projet et de cette vision partagée. À cet égard, le consensus relatif au nécessaire développement des centres-bourgs est révélateur de ce besoin d‟un projet politique pour des petites communes périurbaines ou rurbaines. Mais qu’est-ce qu’une gestion économe de l’espace ? La gestion économe de l‟espace peut être vue de manière purement quantitative. Pourtant, une telle orientation serait catastrophique. Elle s‟amorce déjà avec les lois du marché foncier qui encouragent un « remplissage » des parcelles au gré des opportunités économiques. D‟où l‟impératif du projet politique pour ces communes périurbaines écartelées entre ville et campagne et qui doivent inventer un nouveau modèle. Une définition a été proposée dans le cadre de ce projet : « La gestion économe de l‟espace (GEE) se caractérise par une réduction et par un usage optimal de l‟espace, conçu autant pour le respect de l‟environnement que pour le développement humain. La GEE est le résultat d‟un choix politique qui va orienter les actions d‟aménagement de l‟espace vers une consommation raisonnée du territoire. Dans ce cadre, elle est pensée à différentes échelles de temps (court, moyen, long terme) et d‟espaces (commune, région, nation, Europe etc.). La GEE mobilise toute une chaîne d‟acteurs concernés par le 192 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 foncier : politiques, techniciens, institutionnels, habitants, promoteurs, associations etc. Ces acteurs ont tous des intérêts, des influences et des enjeux différents sur le territoire. Ils doivent négocier entre eux pour bâtir une vision collective qui permette de créer les conditions d‟un développement durable de l‟espace. » (cf http://www.geekom.info/francais.html) Conclusion La consommation foncière est un problème unanimement reconnu aujourd‟hui, en Europe comme dans le Rhin Supérieur. Ce territoire en construction veut devenir un modèle d‟aménagement et de développement. La coopération transfrontalière, la confrontation des idées et des modèles sont des atouts majeurs pour répondre aux défis des petites communes rurales et périurbaines de cette région métropolitaine : il s‟agit de bâtir un véritable projet pour ces communes et d'utiliser de manière optimale quelques outils clés de gestion foncière. Ceci impose de nouvelles visions du foncier et de son rôle pour l‟avenir du territoire. Les outils existent souvent et sont parfois à améliorer. Mais la mise en œuvre d‟un tel projet est soumise à une condition essentielle : il faut une répartition optimale des tâches et des responsabilités entre les institutions publiques et privées, avec une vision partagée du territoire. Le consensus des acteurs publics pour le développement des centres-bourgs est très encourageant : il s‟agit de traduire cette vision dans les stratégies et les politiques foncières de chaque échelon territorial et de se doter des moyens et des outils nécessaires, permettant la production conjointe de ces espaces de qualité auxquels chacun aspire. SCHULTMAN F., HIETE M., ZANDER P., NEITLINGEN D., REBMANN J., VANNIEUWENHUYSE M., 2009, Flächenmanagement in kleineren und mittleren Kommunen am Oberrhein: Barrieren und Möglichkeiten, 91p. Disponible en ligne le 25/06/2011 : http://www.fachdokumente.lubw.badenwuerttemberg.de/servlet/is/94670/BWR27005_GEE_Abschlussbericht_BW R%20final_korrigiert.pdf?command=downloadContent&filename=BWR270 05_GEE_Abschlussbericht_BWR%20final_korrigiert.pdf&FIS=199 193 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 2.2 Urbaniser autour des gares TER en Alsace : un modèle durable et équilibré de développement des territoires ? – Sophie Mosser Inscrit au cœur du Grenelle de l‟environnement, le thème de l‟urbanisation autour des nœuds de transports collectifs est devenu aujourd‟hui le leitmotiv d‟un modèle durable de développement des territoires. Les efforts menés pour mieux coordonner les politiques de transports et les politiques d‟aménagement du territoire ne sont pourtant pas nouveaux, si bien que l‟injonction aujourd‟hui renouvelée mérite d‟être interrogée. En quoi le développement de projets urbains alliant densité et mixité autour des nœuds de transport concourrait-il à un développement économe, équilibré et in fine « durable » du territoire ? À l‟évidence, l‟ambition est tout d‟abord de développer une offre urbaine la plus accessible possible par les transports en commun qui minimisent les nuisances et émissions de gaz à effet de serre, à comparer aux déplacements en véhicule individuel. Favoriser un « urbanisme orienté vers le rail » traduit également la volonté de localiser les constructions neuves dans des quartiers de gare souvent restés à l‟écart des dynamiques du centre-ville et où de fréquentes friches offrent de grandes possibilités de renouvellement et de réhabilitation en densification à l‟intérieur d‟un tissu urbain déjà constitué. Ce faisant, ce sont des projets susceptibles d‟être nettement moins consommateurs d‟espace que s‟ils n‟étaient développés sur des secteurs ouverts en extension des tissus urbains existants ou s‟ils se traduisaient par des constructions diffuses sur les territoires plus ruraux. Enfin, urbaniser à proximité des dessertes en transport traduit aussi la promotion d‟un modèle de développement « équilibré » du territoire soucieux de répartir sur le territoire a minima l‟accessibilité aux fonctions urbaines stratégiques, à défaut de toujours pouvoir répartir l„implantation de ces fonctions elles-mêmes qui se concentrent dans les plus grandes agglomérations. Au-delà de ces évidences, pourtant, il faut bien constater que ce modèle peine bien souvent à se traduire concrètement dans les faits. La diversité des acteurs en jeu et des compétences à mobiliser sur des champs techniques souvent dissociés, les divergences de stratégies autant que les incompatibilités de calendrier, figurent parmi les principales raisons de cette inertie. Ceci amène à se demander quelles sont les conditions d‟émergence de tels projets articulant urbanisation et transport, mais aussi quelles en sont les conditions de réussite en termes d‟équilibre des territoires. Car la critique est parfois formulée d‟un aménagement urbain suiviste des politiques de transport, les partenaires de l‟aménagement étant réduits à prioriser leurs actions sur des secteurs identifiés préalablement au sein de politiques de transport parfois déconnectées des considérations stratégiques sur le développement équilibré des pôles urbains. Et l‟on va voir que cette interrogation est renforcée par la simultanéité observée en Alsace du renforcement de l‟offre de transport collectif et de l‟accroissement des territoires sous influence, voire sous dépendance, des principales agglomérations. C‟est dans le cadre de ce questionnement qu‟est restituée la démarche « Urbagare » portée par les services de l‟État en Alsace en 2008. Elle a permis d‟identifier les enjeux et les potentiels du développement 194 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 urbain autour des gares TER alsaciennes. Un développement territorial orienté vers le rail en Alsace : contexte et enjeux Le contexte alsacien : un renforcement considérable de l'offre de transport Il n‟est pas inutile de rappeler que c‟est avant tout un contexte historique, sociopolitique et culturel sans précédent, qui s‟est traduit, dans tous les pays touchés par la mondialisation, par une explosion des besoins et de l‟offre de déplacement sur les territoires urbanisés, et s‟est parallèlement illustré par le réinvestissement massif de la pensée sur l‟aménagement du territoire à travers la prévalence des logiques de flux et de réseaux de communication sur celles des lieux et de l‟inscription des fonctions dans l‟espace. L‟Alsace, qui n‟a pas échappé à ce mouvement général, a été particulièrement marquée par la considérable évolution de ce que l‟on appelle aujourd‟hui la mobilité. Outre les flux de transports de marchandises et les mobilités de longue distance, elle a connu en quelques dizaines d‟année un très fort allongement des distances parcourues quotidiennement. Les alsaciens parcourent en moyenne chaque jour deux fois plus de kilomètres aujourd‟hui qu‟il y a vingt-cinq ans, effectuant un trajet quotidien domicile-travail de 13 kilomètres environ en moyenne 58. Cette évolution de la mobilité a été accompagnée par un ensemble de politiques publiques concourant à développer de multiples réponses à la demande de déplacement sans cesse croissante, aux diverses échelles des transports urbains, interurbains, et régionaux. Une importante politique de renforcement de l‟offre TER a été orchestrée par le Conseil Régional d‟Alsace devenu autorité organisatrice des transports collectifs régionaux en 2002 à la suite d‟un transfert de compétence expérimenté dès 1997. Les investissements consentis depuis ce transfert ont ainsi permis un doublement de la fréquentation du TER Alsace (+ 124%) en nombre de voyageurs et un triplement (+ 206 %) en nombre de kilomètres parcourus par ces mêmes voyageurs59. Les derniers chiffres de l‟Observatoire Régional des Transports et de la Logistique d‟Alsace (ORTAL) indiquent un trafic TER encore en hausse de 2,6% en 2010 par rapport à 2009. Plus de 700 trains express régionaux circulent ainsi désormais chaque jour sur le réseau alsacien qui comporte 13 lignes et 163 gares et haltes. Ces chiffres moyens peuvent donner l‟impression d‟une hausse généralisée et uniforme de la mobilité TER sur tout le territoire alsacien. Mais le renforcement de l‟offre TER a en réalité été opéré selon une logique territorialisée qui repose sur une distinction entre gares principales et secondaires. Les premières cumulant un ensemble d‟atouts justifient un niveau de desserte élevé, tandis que les secondes 58 DRE Alsace, Région Alsace, 30 ans d‟urbanisation en Alsace – consommation foncière et fonctionnement du territoire, nov. 2007. Téléchargeable sur : www.alsace.developpementdurable.gouv.fr/les-etudes-pilotees-par-la-dreal-a23.html 59 Source SNCF http://www.vialsace.eu/presentation/?rub_code=1&part_id=8 195 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 offrent un service moins fréquent mais assurant une desserte plus fine du territoire. Ainsi, bien que le réseau de gares TER se soit développé sous la forme d‟un maillage dense à l‟image de la densité du réseau de villes et villages alsaciens, le niveau d‟offre participe à structurer une armature urbaine régionale différenciée. Hausse de la mobilité et périurbanisation L‟offre TER, et les stratégies associées de rabattement des autres modes de transports vers ces gares, ont ainsi stimulé l‟attractivité des territoires les mieux desservis, en particulier les villes moyennes qui bénéficient d‟un soutien régional visant au renforcement de leur capacité à endosser des fonctions de centralités à l‟égard de leur bassin de vie dans une logique d‟organisation polycentrique du territoire. Ce faisant, quels ont pu être les effets induits de cette nouvelle accessibilité sur le territoire alsacien, sur lequel on observe par ailleurs, au cours de la même période, un important mouvement d‟étalement et de diffusion de l‟urbanisation ? Certes, le lien fort entre la facilité de déplacement et l‟étalement urbain est couramment reconnu, dans un rapport d‟ailleurs systémique plutôt qu‟un simple rapport de cause à effet. Mais à l‟évidence, la banalisation de l‟acquisition de voitures et l‟amélioration des performances routières ont pu jouer, en Alsace comme ailleurs, comme les principaux moteurs de l‟étalement urbain. Et si l‟amélioration de l‟offre de transport ferroviaire de voyageurs a pu accentuer les conditions d‟une diffusion de l‟urbanisation, c‟est certainement en accompagnant le processus de périurbanisation davantage que celui d‟étalement urbain proprement dit ; c‟est-à-dire en favorisant l‟attractivité des villes moyennes et des polarités urbaines secondaires bien desservies, au sein desquelles a pu se reporter une partie des nouvelles constructions au détriment des principales agglomérations. On peut alors se demander dans quelle mesure cette évolution n‟a pas accentué la dissociation croissante observée entre communes de résidence et communes de travail, favorisant essentiellement le report d‟une part de la construction d‟habitat à l‟intérieur ou autour des pôles urbains secondaires pour des actifs continuant à travailler principalement dans les trois agglomérations alsaciennes. Se demander, ainsi, dans quelle mesure cette évolution n‟a pas accompagné une dissociation croissante entre fonctions résidentielles et fonctions urbaines supérieures, qui constitue le processus de métropolisation constaté dans toute la région du Rhin Supérieur à travers la concentration croissante des fonctions socio-économiques stratégiques, en renforçant donc la dépendance des territoires desservis à l‟égard de ces pôles métropolitains. Pour prendre la mesure du rapport d‟influence que les principaux pôles urbains impriment sur le territoire régional alsacien, on peut en particulier se référer à l‟instrument développé par l‟INSEE – le zonage en aires urbaines – qui identifie les grands pôles où se concentrent les emplois et caractérise les unités urbaines en fonction de la part d‟actifs résidents travaillant dans les pôles urbains. À travers cette focale, l‟Alsace se démarque des autres régions françaises par l‟importance et la croissance de ses aires urbaines : l‟espace périurbain a augmenté de moitié entre 1999 et 2008, un alsacien sur trois y résidant, la quasi-totalité du territoire se 196 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 trouvant dorénavant sous influence urbaine60. L‟identification des « bassins de vie » par l‟INSEE et la caractérisation de leur niveau « de dépendance » ou au contraire « d‟autonomie » en fonction de la richesse des emplois et équipements qu‟ils offrent est également très instructive : le dynamisme démographique des bassins de vie alsaciens ne va pas nécessairement de pair avec leur autonomisation, l‟emploi restant essentiellement concentré dans les trois grandes agglomérations61. Un enjeu de développement équilibré du territoire régional Le développement de l‟offre de transport collectif régional et le développement coordonné d‟une stratégie d‟aménagement autour des gares alsaciennes prennent, dans ce contexte, un caractère particulier. Certes, la diffusion de l‟urbanisation sur l‟ensemble du territoire alsacien et la dissociation des lieux de résidence et d‟emploi rendent nécessaire et urgente la recherche de réponses à la pression de la demande en transport. Les efforts devront encore porter sur le renforcement de l‟offre de transports collectifs, et sur toutes les solutions d‟aménagements susceptibles de fluidifier les flux et d‟améliorer leur interconnexion. Mais il s‟agit également de concevoir des stratégies d‟aménagement qui soient réellement aptes à stimuler un véritable développement équilibré de l‟ensemble du territoire régional, qui renforcent la capacité des pôles les mieux desservis à assumer un rôle structurant pour le développement autonome de leur bassin de vie, plutôt que d‟accompagner le mouvement de leur mise sous dépendance croissante à l‟égard des pôles métropolitains. Les efforts réalisés dans la plupart des régions pour dynamiser les réseaux de TER et organiser de manière coordonnée le développement du territoire plaident pour qu‟on se penche sur le devenir des abords des petites et moyennes gares, moins emblématiques que les gares principales mais pourtant tout aussi importantes pour la mobilité quotidienne et pour l‟équilibre des territoires. Plusieurs démarches d‟études locales (en Picardie, en région Lyonnaise, dans l‟agglomération tourangelle) ont mis en évidence la capacité de ces secteurs à offrir de réelles opportunités d‟accueil de programmes ambitieux mixant logements, activités et services62. Toute gare n‟est évidemment pas nécessairement un pôle de centralité en devenir. Mais il apparaît que nombre de secteurs de gares alsaciennes présentent des potentialités de développement qui mériteraient d‟être mises à profit. La démarche Urbagare initiée en Alsace par les services de l'État C'est dans ce contexte que la démarche Urbagare a été initiée par la Direction Régionale de l‟Équipement d‟Alsace (aujourd‟hui Direction Régionale de 60 Yves FRIDEL, « Les grandes aires urbaines structurent l‟espace alsacien », Chiffres pour l’Alsace n° 22, INSEE, octobre 2011, 4 p. 61 Typhaine AUNAY, « Bassins de vie alsaciens : autonomie et dynamisme », Chiffres pour l'Alsace n° 35, novembre 2006, 4 p. 62 Démarche CERTU : De la stratégie territoriale à la valorisation foncière aux abords des gares TER – Fiche n°1 197 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 l‟Environnement, l‟Aménagement et du Logement, DREAL), avec la volonté de mettre à profit le rôle dit d'ensemblier de l'État pour favoriser l'émergence de stratégies et de projets concertés. Elle a pris la forme d‟une plateforme d‟échange constituée de trois ateliers locaux successivement organisés dans trois villes moyennes alsaciennes en 2008, et d‟un séminaire de clôture. L‟ensemble de la démarche a été co-pilotée de manière partenariale, en collaboration avec les services de la Région Alsace, des Conseils Généraux du Bas-Rhin et du HautRhin, des directions départementales de l‟Équipement. L‟animation et la production des éléments d‟expertise a été confiée à deux consultants, Jean-Roch Klethi et Martine Arnold. La focalisation sur trois villes alsaciennes a offert la possibilité de susciter dans chaque cas des débats très riches sur les enjeux d‟aménagement des gares et de leurs abords dans ces trois villes. Ce faisant, la démarche a permis de prendre la mesure du rôle des gares au sein des principaux pôles urbains alsaciens de manière plus générale, et de faire émerger une vision partagée des enjeux et des leviers de développement. Concrètement, chaque atelier était préparé en amont pour recueillir un maximum d‟éléments de compréhension du contexte (consultation des acteurs concernés, analyse des documents de planification, relevés de terrain). Lors de l‟atelier lui-même, une trentaine de participants étaient accueillis par le maire durant une matinée. Il s‟agissait de l‟ensemble des partenaires de l‟aménagement susceptibles de porter un regard sur le développement de la gare et de ses abords : représentants de services de la ville et de la communauté de communes, du SCoT, du Pays, des services de la Région et des conseils généraux, de la SNCF, de RFF, des agences d‟urbanisme, CAUE et agences de développement, et de l‟Établissement Public Foncier du Bas-Rhin. Chacun était invité à exprimer son point de vue sur les enjeux de développement de la gare et de ses abords, à faire connaître les actions éventuellement engagées et les blocages rencontrés le cas échéant. Les trois ateliers ont généré sur cette base des échanges très riches et fructueux. Ils ont pu en particulier alimenter le lancement de démarches préopérationnelles ultérieurement conduites par les trois villes. L'ensemble de cette matière a été restituée et diffusée par l'intermédiaire des fiches de cas et des documents de synthèse qui constituent autant une grille de lecture pour décrypter les enjeux et potentiels des pôles d'échanges émergents dans les villes moyennes alsaciennes, qu'une boite à outil fournissant des repères de méthodes et d'outils pour lancer des projets ambitieux63. Les enseignements de la démarche Urbagare en Alsace Des gares TER qui montent en puissance, pour devenir de véritables pôles d’échanges Les analyses des trois villes alsaciennes observées ont d‟abord confirmé l‟importance croissante des enjeux des gares TER et de leurs abords, bien au-delà des seuls enjeux du transport ferroviaire régional. La constante progression de 63 Documents téléchargeables sur le site internet de la DREAL Alsace : www.alsace.developpement-durable.gouv.fr/demarche-urbagare-articuler-a26.html 198 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 l‟offre TER a en effet produit un effet de nœud autour de chaque gare, polarisant les divers modes de transport qui s‟y connectent : accès routiers et parcs de stationnement, dessertes de cars interurbains et de bus des réseaux de transports urbains, accès piétons et cyclables. Les gares sont devenues les points de connexion de ces différents réseaux, ceux-ci constituant les maillons interdépendants d‟une même « chaîne de transport », et elles se destinent ainsi à assumer une fonction de pôle d‟échange multimodal qui dépasse largement la seule fonction ferroviaire. À Sélestat par exemple, autour de la gare qui reçoit deux lignes TER (Strasbourg-Bâle et Molsheim-Sélestat), se connectent 2 lignes de car TER, 6 lignes de cars interurbains du Conseil Général et 2 lignes de bus du réseau de transport urbain TIS mises en place par la communauté de communes. Avec les accès piétons, cyclables et routiers, et les parcs de stationnement, ce sont ainsi pas moins de 6 000 voyages qui voient une partie de leur trajet passer par cette gare chaque jour. Des flux considérables de voyageurs y transitent ainsi chaque jour, se croisant au moment où le cours de leur trajet nécessite un changement de mode de déplacement. À Cernay, la fréquentation de la gare était loin d‟atteindre un tel niveau à l‟époque de l‟enquête, mais elle était amenée à se développer dans de grandes proportions avec la mise en service du tram-train fin 2010 destiné à proposer un doublement de l‟offre. Outre la forte croissance de la fréquentation attendue, cette évolution de l‟offre TER nécessitait d‟anticiper une réorganisation des transports dans leur ensemble à l‟échelle du bassin de vie : adaptation à la pression prévisible sur le transport urbain (transport à la demande mis en place par la communauté de communes), redéploiement ou adaptation des lignes de cars, nécessité de mettre en place un réseau de circulations cyclables plus dense, mise en place éventuelle de Plans de Déplacement Entreprise dans les zones d‟activités à proximité de la gare. Dans ce cas, la démarche Urbagare arrivait au moment même de l‟évolution de la gare comme un véritable pôle d‟échange en devenir. 199 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Document 13 : Les flux de voyageurs du TER 200 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Une pression croissante des flux de transports qui nécessite des réaménagements L‟émergence de tels pôles d‟échanges sur le territoire alsacien ne va pas sans générer de nouveaux besoins auxquels les partenaires de l‟aménagement des gares se sont déjà attachés à répondre. Les préoccupations portent d‟abord sur les aménagements liés aux réseaux de transport et aux usagers qui transitent en gare : réorganisation des espaces et des infrastructures pour optimiser les accès à la gare et les échanges entre les différents modes, offre de services répondant à une clientèle plus diverse (notamment prise en compte des personnes à mobilité réduite), réfection des espaces publics pour un meilleur confort d‟usage. Comment imaginer en effet que, dans la perspective de l‟arrivée du tram-train, la gare de Cernay puisse continuer de se limiter à un quai d‟embarquement (le bâtiment gare étant désaffecté), sans autre stationnement pour les bus et cars que le trottoir de la rue en impasse menant à la gare ? Parce que les investissements à consentir pour adapter la situation locale à l‟évolution de l‟offre TER peuvent s‟avérer lourds pour les collectivités locales, le Conseil Régional d‟Alsace propose depuis plusieurs années un vaste Programme d‟Aménagement des Gares et de leurs abords. Il vise essentiellement à renforcer l'accès et le confort des gares, par un cofinancement des équipements d'intermodalité dans la gare et sur ses abords (parking auto et cars, accès de bus, cheminement piétons, aménagement vélo, équipement d'accueil, abri, etc.). Environ sept à huit gares alsaciennes par an ont ainsi bénéficié de réaménagements depuis la mise en place du programme en 1997. C‟est en particulier à travers ce programme que les partenaires impliqués dans l‟aménagement de la gare de Sélestat ont veillé à répondre à la pression croissante de sa fréquentation. D‟importants investissements de modernisation ont en effet été opérés ces dernières années : quai supplémentaire, troisième voie, réhabilitation du bâtiment voyageurs, création d‟un nouvel accès ouest, création de parcs à vélos sécurisé et surtout aménagement d‟un parking TER. À Haguenau, la croissance de la fréquentation TER a pu être assez bien maîtrisée grâce à l‟aménagement de stationnements supplémentaires et en développant l‟accès ouest situé outre-voies de manière à transférer de ce côté une partie des fonctions de desserte (parking TER, ligne bus, certains cars du Conseil général et TER) et donc à désengorger l‟accès principal. Mais ces exemples montrent aussi à quel point les investissements ont dû être envisagés dans la continuité et sur le long terme, au fur et à mesure du succès des transports collectifs et avec la pression croissante de la demande d‟accès à la gare : malgré les aménagements opérés à Haguenau, la gare routière souffre aujourd‟hui d‟un engorgement chronique à l‟heure de pointe, menaçant de congestion cette gare qui joue pourtant un rôle majeur à l‟échelle de toute l‟Alsace du nord. Même constat à Sélestat où, quelques années seulement après l‟aménagement d‟un vaste parc de stationnement, celui-ci est déjà saturé au point qu‟un stationnement sauvage déborde sur les rues adjacentes et menace le bon accès à la gare et à son quartier. Comment poursuivre alors l‟adaptation des pôles d‟échanges à l‟augmentation parfois quasi exponentielle de la fréquentation ? Certaines solutions d‟aménagement peuvent s‟avérer trop coûteuses ou inefficaces dans certains cas. 201 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 L‟ouverture des gares à 360 degrés par exemple, qui a pu permettre ici ou là de désengorger l‟accès principal à la gare, n‟est pourtant pas une solution opérante dans tous les cas. Mais le débat porte le plus fréquemment sur le dimensionnement des places de stationnement supplémentaires à prévoir autour des gares, tant que les opérateurs ferroviaires ne veulent pas prendre le risque de décourager une partie des usagers du fait de la saturation des parcs de stationnement, et tant qu'ils tiennent à garantir l'accès à la gare sans attendre les éventuelles opérations de renforcement des autres modes de rabattement alternatifs dont le délai peut être beaucoup plus long. Des sites à fort potentiel pour le développement de projets urbains à multiples facettes Ce n‟est pas un hasard si, pour accueillir les réaménagements nécessaires aux fonctions de transport dans les pôles d‟échanges émergents, divers espaces vacants ou désaffectés aux abords des gares ont pu généralement être mobilisés. En Alsace comme ailleurs, les quartiers de gare sont en effet souvent restés à l‟écart des dynamiques de développement du centre-ville, du fait de la vocation fonctionnelle qui leur était attribuée, du fait des nuisances générées par les transports en terme de bruit et de qualité de l‟air, et enfin du fait des nuisances induites par les activités industrielles et logistiques qui s‟étaient implantées à proximité des voies. Le retrait de ces activités a libéré de multiples potentiels fonciers aux abords des gares. Une partie du foncier ferroviaire devenue mutable peut, en particulier, fréquemment être mobilisée. Tel qu‟il a été réparti entre RFF et SNCF en 2006, le foncier ferroviaire appartient en majorité à RFF. Dans une logique de valorisation de ce patrimoine, RFF s‟est engagé dans une analyse des mutabilités envisageables pour ses terrains, susceptibles de répondre aux besoins de développement des collectivités. En particulier pour mobiliser les terrains nécessaires au stationnement des clients TER, la solution mise en œuvre chaque fois que possible consiste à mettre à disposition les terrains appartenant aux gestionnaires ferroviaires, RFF et/ou SNCF. Outre le foncier ferroviaire proprement dit, les abords des gares présentent également des friches, aussi bien que d‟importantes possibilités de renouvellement, de réhabilitation et de requalifications des bâtiments et des espaces publics attenants. À Haguenau par exemple, l‟îlot de la gare occupe une surface étendue, qui comprend de nombreuses emprises offrant des possibilités de requalification, de densification. Autour de cet îlot, les espaces liés aux boulevards urbains présentent aussi de nombreuses potentialités du fait de leur caractère routier surdimensionné hérité, comme à Sélestat, des principes d‟aménagement fonctionnaliste d‟un autre âge. À plus large échelle, le quartier de la gare s‟inscrit à proximité du quartier vieille Ile et des emprises des anciennes casernes Thurot représentant 10 hectares à réaffecter. Ces potentiels fonciers disponibles, qui ont pu être utilement mobilisés pour des aménagements destinés à accompagner l‟évolution de l‟offre de transport, sont cependant aujourd‟hui en quantité limitée. Les superficies encore mobilisables arrivent à épuisement, comme c'est le cas par exemple à Sélestat. À l‟échelle des 202 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 territoires urbains dans leur ensemble, elles constituent pourtant souvent une part importante des réserves de développement en densification à l'intérieur des tissus urbains déjà existants. Bien que parfois minime en termes quantitatifs, cette réserve est d'autant plus importante aux yeux des collectivités locales qu'il s'agit de sites bénéficiant d'une localisation exceptionnelle : on y trouve le double bénéfice d'une relative proximité avec le centre-ville historique et d'une accessibilité renforcée depuis et vers une multiplicité de destinations tant à l'échelle du bassin de vie que de la région. Cette situation, qui dope le potentiel de ces sites dans le contexte d'un renforcement de l'offre des transports collectifs en Alsace, renouvelle la question de la centralité urbaine dans les principaux pôles urbains. Les pôles d'échange émergents prennent de fait un rôle nouveau de centralité potentielle dont l'articulation avec le centre-ville historique mérite une grande attention. Les espaces mobilisables comme sites à projets autour des gares TER apparaissent ainsi comme des espaces convoités à plusieurs titres, bien au-delà des seules logiques d'accompagnement des infrastructures de transport, pour des projets d‟aménagement et des objectifs aux multiples facettes qui peuvent s‟avérer concurrentiels. Le renforcement continu du stationnement qui reste fréquemment inévitable au risque de brider le développement de la fréquentation du TER, constitue ainsi une réponse de court terme qui risque obérer toute possibilité de développement urbain autour du pôle d'échange si elle n'est pas intégrée dans une stratégie d'ensemble partagée visant la valorisation et le développement du quartier sur le long terme. Des sites précieux pour les stratégies de développement des territoires L'exemple de la gare de Haguenau révèle bien à quel point les enjeux d'aménagement autour des principaux pôles d'échanges alsaciens se posent à des échelles qui dépassent largement celle du quartier de gare et même celle de la ville elle-même. On peut en particulier difficilement imaginer que les offres de rabattement vers la gare – y compris l'offre de stationnement – puissent être développées indéfiniment. Étant donné le rôle structurant que la ville est appelée à jouer pour l'ensemble du territoire d'Alsace du Nord et la mobilisation optimale de tous les potentiels fonciers que nécessitera le développement équilibré de ses fonctions de centralité, on ne peut imaginer réduire entièrement la mobilisation du foncier autour de la gare aux besoins liés à l'organisation des transports, ni concevoir un projet de secteur aveugle de l'articulation avec le développement des autres quartiers centraux connexes. La question peut être posée de savoir si la gare de Haguenau a vocation à devenir la gare de rabattement de toute l‟Alsace du nord, ou bien si cette fonction peut être reportée sur une autre gare aujourd'hui secondaire de l'agglomération, pour permettre le développement d'un programme ambitieux autour de la gare de Haguenau répondant mieux à son objectif de développement. De manière plus générale, la vocation des quartiers des principales gares TER à assumer une fonction structurante pour un territoire élargi est apparue plus clairement lorsqu'a été posée, dans le cadre des trois ateliers Urbagare, la question de la programmation envisageable pour les sites à projets dans ces quartiers. Quels types de services, de logements et d'activités envisager en effet 203 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 dans ces quartiers et dans quel but favoriser leur développement ? Les réponses se focalisent d'abord sur l'offre de services à proposer aux voyageurs eux-mêmes, c'est-à-dire les services et équipements en lien avec la mobilité : distributeurs de billets de banque, services postaux (ou a minima distributeur de timbres-poste ou services d‟affranchissement du courrier) service de restauration dans le hall de gare, dépôt de pain, point presse, bornes Wi-Fi accueil du service de transport urbain (comme l‟espace Ritmo à Haguenau), ou office de tourisme comme c'est la cas à Haguenau. L'implantation d'un service de police en gare est fréquemment évoquée comme un besoin dans la mesure où les questions de sécurité sont souvent sensibles dans les espaces d‟échange. Les besoins de garde d‟enfants (multi-accueil) pour les personnes partant travailler depuis la gare ou bien travaillant à proximité de la gare sont également cités. Au-delà des seuls services liés à la mobilité, d'autres types d'activités sont cependant évoqués comme étant bien adaptés à une localisation dans ces quartiers : en particulier les activités tertiaires susceptibles de bénéficier pleinement, par la proximité du pôle d'échange, de la desserte plurimodale ; mais aussi les services aux entreprises (location de salles de réunion, nettoyage de bureau, etc.). L'implantation des services de santé ou paramédicaux en proximité des pôles d'échanges présente un intérêt, plus que toute autre localisation de la ville, dans la mesure où elle facilite l'accès aux usagers de la ville elle-même comme ceux en provenance de tout le bassin de vie, par le TER mais aussi par les transports en commun se rabattant vers la gare. Concernant l'offre résidentielle enfin, a été souligné l'intérêt de développer prioritairement des logements s'adressant à une clientèle la plus dépendante des transports en commun et des logements sociaux accueillant une population la plus fragile à l'égard des coûts de carburant. Affiner cette identification des activités susceptibles de bénéficier le mieux de la proximité de la gare, et parallèlement de développer le mieux le rôle de centralité de son quartier à l'égard de tout le bassin de vie, mériteraient encore davantage de réflexions et pourrait faire l‟objet de démarches ultérieures. Dans la mesure où le développement de toutes ces activités ne pourra pas être envisageable sur les maigres réserves foncières restant parfois mobilisables autour des pôles d'échanges, il est évident que seuls sont envisageables les projets d'aménagements répondant certes à la pression de la demande en transport mais laissant également la place à des programmations mixtes associant une densification des logements (notamment logements sociaux) et activités tertiaires. Et que seules des stratégies concertées articulant les orientations à plusieurs échelles territoriales peuvent parvenir à définir les priorités les plus pertinentes. L'enjeu est de parvenir à réfléchir au devenir de ces quartiers à l‟échelle large des grands territoires, qui permet de tenir compte des complémentarités et des solidarités à jouer entre les communes d'un même territoire. C'est en ce sens que plusieurs Schémas de Cohérence Territoriaux alsaciens identifient les quartiers de gare des principaux pôles sur leur territoire comme des sites à enjeux prioritaires. Perspectives 204 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les investigations menées et les débats suscités dans le cadre de la démarche partenariale Urbagare ont permis de prendre la mesure de l‟enjeu que représente aujourd‟hui l‟urbanisation autour des principales gares alsaciennes. C‟est un potentiel considérable à saisir d‟abord pour l‟optimisation, la fluidification et l‟interconnexion des réseaux de transports. Les secteurs de gares apparaissent alors comme un maillon indispensable pour l‟amélioration de l‟offre de transport public sur le territoire, nécessitant d‟appréhender leurs aménagements sous l‟angle de véritables pôles d‟échanges multimodaux. Mais si la gare constitue le point d‟accès au réseau ferroviaire et donc le point d‟accès aux principales agglomérations qui concentrent emplois et fonctions urbaines supérieures, elle peut aussi être devenue, du fait du rabattement des divers modes de déplacement organisés vers la gare, la porte d‟entrée d‟un centreville bien desservi et ayant vocation à assumer une fonction de pôle urbain intermédiaire jouant un rôle d‟équilibre sur le territoire. Les secteurs gares sont devenus à ce titre des sites privilégiés pour la localisation d‟une offre résidentielle et des activités les plus à même de bénéficier de l‟effet transport. Pour peu que les ressources foncières restant encore disponibles soient exploitées en ce sens, le développement d‟une offre urbaine ambitieuse dans les quartiers gares apparaît judicieux pour renforcer le rôle structurant du pôle à l‟égard de son bassin de vie, et enrayer la dépendance croissante des territoires à l‟égard des pôles métropolitains. Au recto, la gare comme porte d‟accès à un système de transport fortement focalisé sur les trajets vers les zones d‟emploi qui se concentrent toujours plus au sein des agglomérations. Au verso la gare comme porte d‟entrée d‟un système urbain qui peut – ou non – être organisé pour offrir à son niveau des fonctions de centralités bénéficiant à la population du bassin de vie. C‟est donc en reconsidérant l‟articulation entre ces deux angles de vue que la question du caractère durable et équilibré d‟un modèle de développement orienté vers le rail en Alsace doit être posée. Se lancer dans l‟optimisation des gares et de leurs abords en ce sens ne sera pas facile, du fait de la multiplicité des acteurs, des enjeux et des échelles territoriales impliqués. Espérons cependant que, à l‟image de certaines communes comme Haguenau qui se sont engagées dans une réelle gouvernance de projet multipartenarial sur le secteur gare, de multiples projets émergent pour donner corps à cette double vocation des secteurs gares à soutenir le développement local et régional. 205 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 3. Changements climatiques À l'échelle globale, le réchauffement du climat est désormais une certitude. Mais tout le reste est incertain : quelle sera l'ampleur du phénomène, comment en comprendre les causes et quelles en seront les conséquences ? À quelles échelles temporelles faut-il raisonner ? Comment la « communauté involontaire mondiale », pour reprendre l'expression de Jürgen Habermas, peut-elle réagir depuis l'échec du sommet de Copenhague en 2009 ? Dans un contexte surdéterminé globalement mais aussi guidé par le contexte réglementaire européen et national, que peut-on entreprendre régionalement et localement ? En Alsace comme ailleurs, nature et culture conjuguent leurs effets selon des articulations souvent complexes. Dans les années 1980, le phénomène des pluies acides a été patent dans les forêts des reliefs granitiques (les sols y sont acides et donc peu fertiles ; une petite altération de l'état de l'atmosphère entraîne alors un grand problème). Le réchauffement climatique produit rapidement des effets. Les régimes des cours d‟eau sont modifiés ; depuis une vingtaine d'années, les étiages du Rhin sont plus soutenus, mais qu'en sera-t-il à long terme ? Quant aux cortèges floristiques et faunistiques, ils voient arriver de nouveaux conquérants qui voyagent à leur aise grâce à l'intensification du commerce mondial. Les sécheresses (avec les canicules comme en 1976 et 2003) deviennent redoutables (pics de mortalité et de consommation d‟énergie pour les humains, feux de forêt pour la nature). Enfin, l'Alsace n‟a jamais été autant peuplée et son territoire subit une forte pression anthropique. Longtemps, l'homme a cru qu'il pourrait dominer la nature sans que celle-ci ne lui renvoie de rétroactions problématiques. Peu à peu, il a fallu en rabattre et entrer dans des logiques de composition avec la nature, logiques qui débouchent sur des programmes de renaturation. Ainsi, le polder d'Erstein, fruit de la convention franco-allemande de 1982, sorte de grande baignoire capable d'écrêter une crue du Rhin, constitue une illustration magistrale de ce nouveau regard posé sur la nature. 206 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 25 : Les sirènes du polder d'Erstein : alerte générale sur l'état de la nature ? Photo R. Woessner 3.1 Enjeux atmosphériques dans l’espace du Rhin supérieur – Joseph Kleinpeter En rapportant le volume des rejets atmosphériques au nombre d‟habitants, les Alsaciens ne sont pas plus pollueurs que la moyenne des français ; et les Badois et Bâlois non plus (Figure 26). Cependant trois particularités rendent l‟espace du Rhin supérieur plus sensible à la pollution de l‟air respiré. Figure 26 : Rejets atmosphériques comparés en oxydes d‟azote par habitant et par an (source Aspa année 2006a). 207 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La géographie physique, entre Vosges et Forêt-Noire formant en fait une cuvette rhénane, est défavorable à la dispersion des rejets atmosphériques locaux. Cette caractéristique est exacerbée en période hivernale lorsque le profil vertical des températures est inversé, plaquant les masses d‟air au sol sous une couche d‟air plus chaud en altitude. Cette configuration s‟exprime par ailleurs par une canalisation des vents dominants dans l‟axe du Rhin supérieur (Sud-Ouest et Nord-Est) avec une attention à porter en matière d‟aménagement du territoire pour les zones sous le panache de zones industrielles, voire de grandes agglomérations. La géographie humaine, forte d‟une densité de population parmi les plus élevées de France pour l‟Alsace et d‟Allemagne pour le Pays de Bade (hors capitales), se traduit par une forte densité d‟émissions atmosphériques par unité territoriale (Figure 27) notamment en plaine du Rhin et sur le piémont de la ForêtNoire. Enfin, la position géographique en fait un couloir rhénan où transitent les biens, les personnes… et les pollutions provenant notamment d‟Europe centrale. Figure 27 : Rejets atmosphériques comparés en oxydes d‟azote par habitant et par km2 (source Aspa année 2006a). Deux familles de polluants de l‟air prioritaires aux yeux de l‟Union européenne expriment cet enchevêtrement spatial de la pollution de l‟air : les photo-oxydants comme l‟ozone et les particules en suspension. Cet article donne un aperçu sur la problématique de l‟ozone et développe plus avant celle des particules en suspension. 208 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 L’ozone L‟ozone (O3) ne sort pas des cheminées ni des pots d‟échappement mais se forme l‟été comme polluant secondaire par l‟action du rayonnement solaire (réaction dite photochimique) sur deux types de polluants : les oxydes d‟azote (NOx) et les composés organiques volatils (C.O.V.) formés essentiellement d‟hydrocarbures imbrûlés de la combustion, de solvants, etc. Les grandes agglomérations sont de grands réservoirs de ces précurseurs de l‟ozone d‟où s‟échappent des panaches de pollution, qui par beau temps chaud et ensoleillé, se transforment en panache d‟ozone avec des concentrations maximales atteintes en milieu périurbain (Figure 28). La pollution issue des pots d‟échappement étant d‟abord destructrice d‟ozone, engager des actions de réduction des émissions l‟après-midi au cœur des agglomérations conduirait à une diminution de l‟ozone en milieu périurbain (moins de précurseurs) mais à une augmentation en milieu urbain (moins de destructeurs). Lors de la canicule d‟août 2003, le seuil préfectoral d‟information de la population (180 µg/m3/h) avait été dépassé 15 jours consécutifs et le seuil 3 d‟alerte (240 µg/m /h) deux jours. Figure 28 : Simulation des valeurs maximales d‟ozone (µg/m3 sur une heure) dans le Rhin supérieur le 12 juin 2003 par vent du sudouest avec formation de panache d‟ozone sous le vent des agglomérations. Source : ASPA 209 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Lors d‟un épisode de pollution par l‟ozone perdurant plusieurs jours, les masses d‟air polluées (précurseurs et ozone), notamment en provenance d‟Europe centrale, peuvent migrer en journée vers l‟espace du Rhin supérieur. Lutter contre la pollution photochimique passe ainsi par une réduction des précurseurs de l‟ozone à l‟échelle continentale. Les particules en suspension Les normes pour les particules en suspension de tailles micrométriques s‟intéressent à celles qui pénètrent dans les bronches (PM 10) et jusqu‟aux alvéoles pulmonaires (PM 2,5) selon leurs tailles (inférieures respectivement à 10 et 2,5 microns). En terme de santé publique, il est estimé que dans l‟UE des 25 de l‟an 2000, 348 000 décès anticipés étaient attribuables aux PM10, ce qui, pour une ville comme Strasbourg, se décline par an en une cinquantaine de vies écourtées. Les populations les plus touchées sont les personnes sensibles (nourrissons, insuffisants respiratoires, etc.) et les plus exposées en bordure de routes à grande circulation et de façon générale dans les grandes agglomérations. C‟est l‟origine des particules en suspension qui met le plus en jeu les échelles géographiques. Au moment des épisodes de pollution aux particules en suspension (Figure 27), près de 35% des particules respirées correspondent à des apports extérieurs au Rhin supérieur, notamment depuis l‟Europe centrale. Ces apports sont pour une part des particules dites primaires (issues des pots d‟échappement et cheminées émis dans d‟autres Länder ou d‟autres pays). Pour une autre part (notamment à la fin de l‟hiver), ce sont des particules dites secondaires qui, avant d‟arriver jusqu‟ici, se forment dans les campagnes lointaines à partir de combinaisons chimiques de gaz comme l‟ammoniac agricole (épandages de lisier et de fumier) et les oxydes d‟azote (gaz d‟échappements principalement) donnant du nitrate d‟ammonium particulaire. À cette pollution importée se rajoutent les émissions locales du Rhin supérieur en pollution primaire et les mêmes phénomènes de pollution secondaire qui s‟y produisent : lors d‟épisodes marqués, cette part « Rhin supérieur » représente dans les agglomérations de 30% à 40 % de la pollution respirée (Figure 29) et parfois bien plus en période d‟inversion thermique (Figure 30). Il reste une part urbaine et locale de l‟ordre de 25% à 35% (Figure 29) dont 15% à 30 % aux abords des axes urbains les plus chargés. 210 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 29 : Origine géographique moyenne de la pollution aux particules en suspension (PM10) en proximité (trafic à Strasbourg) lors d‟épisodes de pollution (Source ASPA). 211 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 30 : Pic de pollution aux particules en suspension (PM10) dans le Rhin supérieur en période d‟inversion de température avec mise en œuvre de mesure préfectorale d‟urgence de réduction des émissions. (11 janvier 2009 : moyennes journalières) Le besoin d’actions concertées à toutes les échelles géographiques La première interrogation à tirer de cette fresque sur l‟origine géographique très mélangée des particules polluantes dans un lieu urbain donné du fossé rhénan se pose en termes d‟efficacité des actions à entreprendre à chaque échelle spatiale pour envisager de faire baisser les niveaux de pollution et par là-même l‟impact sanitaire. De fait aujourd‟hui, l‟évolution de la pollution du Rhin supérieur relève principalement de la politique européenne de respect de normes de plus en plus sévères à appliquer en France, en Allemagne et dans tous les pays d‟origine des apports extérieurs de pollution. Pour les particules en suspension comme pour les oxydes d‟azote, réduire la part de la pollution de fond prégnante dans le Rhin supérieur dépend bien entendu de l‟ensemble des actions mises en œuvre dans les grandes agglomérations mais aussi dans l‟interurbain rural. À titre indicatif, 70 % du trafic routier annuel du Rhin 212 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 supérieur (en distance parcourue) se fait en transit et en interurbain. Et la contribution annuelle des activités agricoles sur les émissions de particules primaires est de l‟ordre de 30 % en Alsace. Vertu de la densification urbaine Il n‟en reste pas moins que, pour sa part, une grande agglomération se doit de travailler sur ses émissions atmosphériques. Cela se traduit, par exemple pour les particules en suspension, par une politique d‟assainissement du parc des chaudières et notamment des installations au bois. Dans une optique de réduction de la pollution particulaire et azotée mais aussi des inégalités d‟exposition, cela se traduit aussi spatialement par une maîtrise du trafic sur les axes routiers les plus chargés, notamment au moment des pointes de circulation du matin et du soir. À y regarder de près, une telle politique de réduction des pollutions urbaines, touchant de près l‟énergie et les déplacements, se trouve au cœur des problématiques de la périurbanisation à l‟aune du développement durable. En effet, c‟est un double mouvement qui bat la cadence du ballet quotidien du trafic. L‟attractivité économique de la grande ville déverse chaque matin son flot de véhicules pour le travail (voire en journée pour les commerces). D‟autres raisons économiques (foncier notamment) et sociales (taille humaine) des bourgs et villages les ramènent au foyer le soir. Et l‟environnement atmosphérique en pâtit. En se mettant dans une perspective de transports de moins en moins polluants, on pourrait se dire que l‟étalement urbain ne se poserait plus qu‟en question d‟encombrement des axes, à régler avec des réseaux performants de transports en commun peu polluants. Mais la donne énergétique incite, à la fois pour les déplacements et le chauffage, à une densification des villes moyennes et des grandes agglomérations, ce que préconisent aujourd‟hui la plupart des Scots. D‟autant plus que la donne énergétique est, comme pour la pollution de l‟air, en lien étroit avec l‟émission de gaz à effet de serre à l‟origine d‟un autre enjeu atmosphérique majeur qu‟est le changement climatique. Il s‟avère cependant que le calendrier d‟une urbanisation qui densifie la ville et développe des réseaux de transports en commun plus propres ne coïncide pas avec le calendrier serré du respect des normes européennes de qualité de l‟air. En effet, la France fait l‟objet depuis l‟automne 2010 d‟un contentieux européen en matière de pollution atmosphérique pour non-respect depuis 2005 de valeurs limites européennes pour la protection de la santé. Une quinzaine de villes françaises, dont Strasbourg, font ainsi l‟objet d‟une révision accélérée de leurs plans de protection atmosphérique avec présentation obligatoire au second trimestre 2012 d‟un calendrier d‟actions et d‟une évaluation devant prouver le respect des normes dans des délais très courts (2015). 213 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Maîtrise de l’urbanisation et/ou limitation de l’exposition à la pollution La maîtrise de l‟urbanisation n‟apparaît donc que comme un facteur de dépollution à moyen terme compensée à court terme par l‟obligation d‟une action sur le trafic pendulaire. C‟est tout le sens de la mise en place de LEZ (low emission 64 zone ) comme il en existe une vingtaine en Bade-Wurtemberg (Figure 31) : il s'agit de zones où la circulation automobile est fortement réglementée en fonction des normes de pollutions des véhicules. Ces normes sont affichées par des vignettes de couleurs différentes, avec à terme seules les vignettes vertes autorisées. Cette mesure est controversée sur le plan social de par l‟interdiction de fait des véhicules les plus anciens qui sont aussi les moins chers du marché accessibles à la population la plus démunie. La Loi Grenelle 2 donne à la France depuis juillet 2010 la possibilité de mettre en place de telles zones appelées ZAPA (Zones d‟actions prioritaires pour l‟air). À défaut de pouvoir rapidement abattre les niveaux de pollution à proximité des axes urbains en agissant sur toutes les échelles géographiques recensées, il est possible d‟agir sur l‟exposition des populations les plus sensibles en y évitant l‟implantation d‟écoles ou d‟établissements de la petite enfance ou encore de maisons pour personnes âgées. Une telle mesure de maîtrise de l‟urbanisation est prévue dans le plan de protection atmosphérique de l‟agglomération de Strasbourg (adoptée en octobre 2008). Cela concerne une bande de part et d‟autre de la traversée urbaine de l‟autoroute A35 et de la départementale 1004 où s‟observent des dépassements de valeurs limites européennes (Figure 32). Intégrée dans les réflexions préalables à l‟élaboration du PLU de Strasbourg, cette zone contient de grandes opportunités foncières du développement urbain, avec la nécessité d‟accorder les calendriers de l‟urbanisation et de la dépollution. 64 Low Emission Zone : Zone de faible émission. 214 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 31 : Umweltzone de Karlsruhe interdite aux véhicules les plus polluants sans vignettes et à terme autorisée qu‟à la vignette verte. 215 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 32 : Zones de dépassement de la valeur limite européenne NO 2 pour la protection de la santé (simulation ASPA, année 2007) avec mesure prévue de maîtrise de l‟urbanisation. 216 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Du local au planétaire Dans la vallée du Rhin supérieur défavorable à la dispersion atmosphérique, la reconquête de la qualité de l‟air pour les deux polluants prioritaires que sont l‟ozone et les particules en suspension ne se limite donc pas à une réduction de la pollution là où les niveaux sont les plus élevés. La contribution des différentes échelles géographiques à une pollution locale excessive invite ainsi à une dépollution générale à l‟échelle locale, urbaine, périurbaine, régionale et continentale. À cela s‟ajoute l‟échelle planétaire du changement climatique avec l‟émission de gaz à effet de serre dont les sources sont globalement les mêmes que pour les polluants de l‟air respiré. C‟est tout le sens des « schémas régionaux Climat-airénergie » instaurés en 2010 par le Grenelle de l‟Environnement. Ils s‟appuient sur la compréhension de la relation climat-pollution de l‟air pour mettre en œuvre des politiques combinées. L‟intérêt d‟une telle approche intégrée air, climat, énergie ne réside pas seulement dans les actions de réductions des émissions visant à un cobénéfice. Elle appelle également à une prise en compte des impacts croisés potentiels à la fois des pollutions et des dépollutions. À ce titre, le groupe intergouvernemental d‟experts sur l‟évolution du climat (GIEC) estime que le changement climatique engendrerait une augmentation de la fréquence estivale de situations anticycloniques propices à la formation de particules organiques secondaires et d‟ozone, ce qui peut toucher le Rhin supérieur (Figure 33) comme le préfigurerait la canicule de l‟été 2003. À l‟autre extrême, sinon la fréquence au moins l‟amplitude plus grande de phénomènes extrêmes venteux voire pluvieux pourrait pendant la période hivernale faire augmenter le nombre de journées à pollution plus diluée. 217 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 33 : Différence (en μg/m3) entre les moyennes passées (1960-1990) des pics d‟ozone journaliers estivaux et les moyennes futures (2070-2100). Source INERIS. Réciproquement, la pollution atmosphérique agit sur le climat. Ainsi, certaines particules en suspension (sulfates, carbone organique) ont au global un effet refroidissant (forçage radiatif négatif) mais d‟autres particules (carbone élémentaire) un effet réchauffant (forçage radiatif positif). Il est difficile d‟en faire une projection à long terme, d‟autant plus que cela induit des effets semi-directs et indirects sur le climat en perturbant la formation (températures) et la nature (noyau de condensation) des nuages. Ces derniers jouent un rôle important sur la couverture du ciel et les précipitations (déclenchement moindre des gouttelettes plus petites) avec cependant un effet refroidissant ou réchauffant selon l‟altitude. S‟agissant des actions de dépollution, une vigilance active s‟impose car elles peuvent présenter aussi bien des synergies que des antagonismes. Ainsi, une meilleure efficacité énergétique sera moins consommatrice de combustibles avec le co-bénéfice d‟émettre à la fois moins de CO2 et de particules ou d'oxydes d‟azote. Mais une transition vers les bioénergies, certes plus neutres en carbone de par l‟effet compensatoire de la photosynthèse, pourrait se transformer en problème sanitaire local si les systèmes de combustions ne maîtrisaient pas mieux leurs émissions de particules contenant des substances cancérogènes à plus haute dose que dans les combustibles fossiles. De même, la substitution partielle des engrais minéraux (émetteurs de protoxyde d‟azote N 2O, gaz à effet de serre puissant) par des épandages de lisier et de fumier émet de l‟ammoniac (NH 3). Ce 218 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 polluant gazeux nocif en lui-même est aussi l‟un des précurseurs de la formation de particules secondaires pouvant conduire au printemps agricole à des pics de pollution de grande ampleur géographique. Vers une atmosphère durable du Rhin supérieur Il ressort de cette réflexion que la reconquête de la qualité de l‟atmosphère (air et climat) n‟est de loin pas achevée et que l‟urbanisation en est un élément déterminant. Cela concerne principalement l‟étalement urbain, à maîtriser (source de trafic routier) voire à inverser pour favoriser la densification des villes (maîtrise des déplacements et des besoins énergétiques). Au regard des objectifs à très court terme d‟une qualité de l‟air respectueuse de la santé, l‟inertie intrinsèque à tout programme d‟urbanisation est à accompagner avec des actions de transition. Cette transition concerne pour une part la réduction de la pollution, telle la possibilité récente en France de créer des zones urbaines d‟interdiction de circulation pour les véhicules les plus polluants. Elle concerne pour une autre part la protection des populations les plus sensibles en interdisant dans certaines zones la construction de bâtiments recevant des jeunes enfants ou des personnes âgées. Toutes ces actions à visées sanitaires et environnementales n‟en doivent pas moins s‟inscrire dans une démarche de développement durable prenant en compte les aspects économiques et sociaux, voire éthiques, au regard des inégalités environnementales et sociales mises en jeu. Il reste des incertitudes, certes de plus en plus ténues sur ces enjeux atmosphériques. Mais pour peu que les statistiques climatiques et sanitaires, puis économiques et sociales confirmeraient les projections des experts dans un contexte mondial politique et financier plus que contraint, nos sociétés humaines se trouvent alors face à un triple défi atmosphérique. Le premier est leur capacité à adopter une approche intégrée face à une problématique qui interroge l‟ensemble des activités humaines. Le deuxième défi est leur capacité à s‟adapter aux évolutions climatiques déjà en marche malgré les efforts consentis. Le troisième défi est leur capacité à œuvrer collectivement pour le bien commun. En effet, elles en sortiront grandies d‟avoir réussi ensemble à se réconcilier avec notre atmosphère… ou, comme s‟en inquiètent les sociologues, meurtries de ne pas avoir su dépasser les représentations et rouages individuels et collectifs qui soustendent nos activités (Figure 34) et qui, après tout, nous ont conduit jusque-là. De la réflexion à l‟action en passant par des rouages décisionnels, une gouvernance démocratique à la fois représentative et participative apparaît alors comme un facteur décisif pour la réussite de ces défis atmosphériques du siècle à venir. Au final, le présent de la reconquête de la qualité de l‟air dans le Rhin supérieur ne se conçoit pas sans une action du local au global et s‟inscrit fortement dans le futur du changement climatique. Mais ce présent atmosphérique n‟aura pas d‟avenir sans une gouvernance éclairée et efficiente. À ce titre, les enseignements passés de l‟humanisme rhénan sont à même de favoriser une telle gouvernance basée sur un dialogue organisé et respectueux entre les acteurs publics et privés. Car tous sont appelés à se mobiliser, jusqu‟au citoyen touché dans ses modes de 219 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 consommation, de production, d‟habitation, de déplacement, bref son mode de vie. Figure 34 : Regard de la gouvernance atmosphérique 3.2 Les impacts du réchauffement climatique : état des lieux – Julia Timina En février 2007, le Groupe Intergouvernemental d‟Experts pour le Climat (GIEC) a publié son 4ème rapport dans lequel plus de mille trois cents scientifiques s‟accordent sur le fait que le réchauffement actuel du climat planétaire est causé dans une large mesure par les activités humaines. Cette publication annonce une élévation de la température au niveau mondial comprise entre 1,1 et 6,4°C à la fin du XXIe siècle. La fourchette des valeurs est liée, d‟une part aux incertitudes des modèles climatiques, et d‟autre part, au choix de scénario du développement socio-économique dont les conséquences sont plus difficiles à estimer et prédire. Le réchauffement de l‟atmosphère est attribué à l‟augmentation de la concentration des gaz à effet de serre (GES) et des aérosols en lien direct – et maintenant bien établi – avec les activités de la société humaine depuis le début de l‟ère industrielle. Ce phénomène s‟est nettement accéléré à partir de la deuxième moitié e du XX siècle et a fait émerger de nouveaux problèmes environnementaux qui 220 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 touchent en premier lieu les zones arctiques, les régions montagnardes et côtières. Les modèles climatiques actuels sont certainement plus divers et plus précis qu‟autrefois. Néanmoins, de nombreuses incertitudes subsistent. Celles-ci sont dues à un état évolutif des connaissances scientifiques dans le domaine de la climatologie mais également à la complexité du système climatique planétaire. Parallèlement, il est important de noter que la difficulté de modéliser l‟évolution du climat futur se trouve dans le temps de résidence plus ou moins long des gaz à effet de serre dans l‟atmosphère : selon le GIEC, les émissions accumulées depuis le début de l‟ère industrielle seraient responsables de près de la moitié du réchauffement des vingt prochaines années (de l‟ordre de 0,2°C au niveau planétaire) tandis que les taux d‟émissions actuel et des prochaines décennies provoqueraient un réchauffement deux fois plus important. Au niveau mondial, le changement climatique est déjà observé à travers de nombreux phénomènes : le recul des glaciers, la fonte généralisée de la couverture neigeuse et de la banquise avec, comme conséquences, l‟élévation du niveau de la mer, l‟intensification et l‟augmentation en fréquence des événements climatiques extrêmes tels que les vagues de chaleur provoquant la sécheresse, les tempêtes causant des dégâts humains et matériels importants. Les pays qui devaient faire face aux problèmes de manque d‟eau dans le passé récent se trouvent confrontés à des situations de plus en plus critiques conduisant à des conflits d‟usages en rapport avec les ressources naturelles. C‟est également le cas de la disponibilité en matières premières des combustibles fossiles. Des tensions politiques seront envisageables dans le futur le plus proche. C‟est ainsi que le changement climatique devient un indicateur de la vulnérabilité territoriale. Dans le cadre d'un travail réalisé pour un mémoire de fin d‟études de Master 2 Géographie Environnementale soutenu devant le jury de la faculté de Géographie et Aménagement du territoire, un stage effectué conjointement avec la DREAL Alsace et la Région Alsace a permis de mettre en valeur les connaissances scientifiques existantes à différentes échelles et sur de nombreux thèmes tels que les ressources naturelles et les activités principales susceptibles d‟être impactées par le changement climatique. L‟objectif de ce stage était la participation à l‟élaboration du Schéma Régional Climat-Air-Énergie (SRCAE) et notamment du volet sur l‟adaptation au changement climatique. Les rapports thématiques ont été produits sous forme de synthèse bibliographique faisant état de lieux de la connaissance scientifique dans les différents domaines. Les thèmes traités, à compter du 1 er mars jusqu‟à la fin juillet 2011, étaient les suivants (en ordre chronologique) : le tourisme, les ressources en eau, l‟agriculture, la forêt et la biodiversité. La validité de ces rapports s‟est effectuée en concertation avec des acteurs locaux concernés qui ont également participé à l‟Atelier du groupe de travail « Adaptation au changement climatique ». Ainsi, plusieurs représentants de différents secteurs d‟activité ont été sollicités pendant les phases de préparation et de validation des documents de travail. Les échanges issus de ces rencontres ont pu apporter des éclaircissements sur la situation régionale de chaque problématique, ainsi qu‟intégrer des remarques, le plus souvent pertinentes, des acteurs locaux. Ce travail de mémoire s‟est appuyé sur les résultats de recherches 221 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 bibliographiques qui regroupent les publications de nombreux auteurs autour des thèmes abordés au cours du stage. Ces références ont été complétées par les contributions des acteurs rencontrés lors des réunions de l‟Atelier « Adaptation au changement climatique » animé par M. Bertin, chargé de mission à la DREAL Alsace. La synthèse documentaire représente un grand intérêt mais également la plus grande difficulté dans le cadre de ce travail. Chaque année, de multiples articles s‟intéressent à la question du changement climatique tant dans la presse scientifique que dans les médias. La plupart de ces travaux sont établis à l‟échelle plus ample qu‟une région donnée. Extraire de l‟information utile et pertinente pour la région Alsace a été le premier objectif de la synthèse bibliographique. De plus, il existe peu de références régionales sur la question du changement climatique en lien avec le territoire. Or, c‟est la communauté scientifique qui pourra apporter des réponses à de nombreuses questions qui se posent aux acteurs politiques afin d‟anticiper les stratégies de la gouvernance territoriale. Le texte du mémoire est composé en quatre parties qui se focalisent sur des aspects distincts d‟une étude de vulnérabilité territoriale au changement climatique. La première partie est consacrée à la question suivante : « Pourquoi faut-il définir une vulnérabilité territoriale face au changement climatique ? » Le territoire en tant que système complexe est défini par rapport aux nombreuses composantes telles que les milieux physiques, la société humaine, la gouvernance et la politique, et réagit aux forçages extérieurs tel que le changement climatique envisagé. Afin d‟anticiper sa réponse aux modifications sur différents niveaux, susceptibles de survenir au cours du XXI e siècle, la vulnérabilité territoriale est définie en fonction des sensibilités existantes mais également de celles qui peuvent être envisageables dans les nouvelles conditions à prévoir. En France, cette démarche d‟identification de la vulnérabilité territoriale est soutenue par la politique climatique permettant aux régions de développer leurs outils de la gouvernance qui tiennent compte des changements globaux (Plan Climat, Schémas Régionaux). La deuxième partie fait un état des lieux des observations sur le réchauffement climatique, documenté par de nombreux auteurs et avec comme document de référence le 4ème rapport du GIEC publié en 2007. Deux indicateurs climatiques ont été choisis, conformément au choix de la majorité des experts qui démontrent le changement climatique par les valeurs observées à la hausse des températures tandis que celles des précipitations sont observées avec une légère baisse. Parallèlement aux constats, une analyse des projections de l‟évolution de ces deux indicateurs est faite grâce aux cartes issues de la modélisation de Météo France pour la DATAR, aux horizons 2030, 2050 et 2080 et selon les scénarios du GIEC qui sont A1B, appelé « médian », A2, appelé « pessimiste » et B1, appelé « optimiste ». À l‟échelle de la France, il a été noté que la hausse des températures minimales est plus forte à l‟Ouest qu‟à l‟Est ; et l‟augmentation des températures maximales est plus marquée dans le Sud que dans le Nord. Les enregistrements sur le quart Nord-Est de la France montrent que les treize dernières années ont été parmi les plus chaudes de tout le siècle dernier. À Strasbourg, les données de 222 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 la station de mesure de Météo France (Entzheim) correspondant au nombre de jours avec les températures supérieures ou égales à 25°C montrent une tendance à la hausse. En 60 ans cet indicateur a gagné en moyenne de 15 à 20 jours par an. En même temps, les observations sur le nombre de jours de gel à la même station de Strasbourg suggèrent une tendance à la baisse. Depuis la deuxième ème moitié du XX siècle, on compte en moyenne de 15 à 20 jours de gel en moins par an. Concernant les projections du futur climat faites pour la France, en faisant le zoom sur la région Alsace, on a pu dégager une tendance à la hausse des températures de toutes les saisons ; et selon les trois scénarios du GIEC (A1B, A2 et B1), une tendance à l‟augmentation du nombre de jours de températures supérieures à 30°C ainsi que du nombre de jours caniculaires. En même temps, le nombre de jours de gel a tendance à diminuer. En terme d‟évolution des précipitations, il n‟a pas été évident de déterminer une tendance nette. Toutefois, une légère baisse des précipitations annuelles, plus accentuée en été qu‟en hiver, a été dégagée à l‟horizon 2080. On prévoit également une diminution de la réserve hydrique des sols en raison de la baisse des précipitations estivales et la hausse de l‟évapotranspiration des végétaux à cause des températures plus élevées. En termes d‟exemple, le tableau ci-dessous résume l‟évolution à la hausse de la température moyenne annuelle projetée pour la région Alsace à différents horizons du XXIème siècle et selon les trois scénarios du GIEC. Tableau 28 : Projections des écarts de la température moyenne annuelle en Alsace, par rapport à la période de référence (1971-2000) aux horizons 2030, 2050 et 2080, et selon les scénarios A1B, A2 et B1. Source : cartes de Météo France pour la DATAR 2030 2050 2080 A1B (« médian ») 1,5°C 2-2,5°C 3°C A2 (« pessimiste) 1,5°C 2°C 3,5°C B1 (« optimiste ») 1,5°C 1,5°C 2°C Il n‟est pas évident d‟apprécier les conséquences de ces écarts des températures. Afin de mieux représenter cet aspect, Météo France a publié une étude climatique pour les grandes villes françaises avec un comparatif opposant la température moyenne annuelle de Strasbourg avec d‟autres villes. Ainsi, une augmentation de 1,5°C par rapport à la température actuelle renvoie au climat de Lyon, et une augmentation de plus de 4°C serait compatible avec le climat de Marseille. La troisième partie décrit les impacts directs du changement climatique sur la région Alsace, qui ont été identifiés sans mettre au premier plan la composante de la société humaine du système complexe d‟un territoire. Les impacts directs sont liés aux milieux physiques que sont l‟eau, l‟air, le sol et la biodiversité, et plus globalement à l‟enveloppe bioclimatique de l‟environnement. Il a été décidé d‟inclure les impacts des risques naturels dans la troisième partie malgré leurs principales conséquences rapportées au fonctionnement de la société humaine (dégâts matériels, pertes humaines etc.) ainsi qu‟au facteur d‟exposition de cette dernière – qui augmente significativement la vulnérabilité. 223 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 En termes de ressources en eau, la région Alsace n‟a pas connu de déficit, que ce soit pendant les années de sécheresse de 1976 et 2003 qui ont marqué les esprits, mais également au printemps et début d‟été 2011. Concernant l‟évolution du stock de la nappe d‟Alsace, le manque d‟information devra être comblé avec les résultats du « projet VulNar » (« Vulnérabilité de la Nappe d‟Alsace aux effets du changement climatique ») programmés pour la fin de 2011. Le Rhin, quant à lui, semble ne pas avoir de changements majeurs de l‟évolution de son débit, du moins sur le tronçon alsacien (« projet Rheinblick 2050 »). L‟Ill et ses affluents seraient susceptibles d‟être impactés par la fonte de neige plus précoce, et donc par le changement de régime. L‟ozone est actuellement le polluant photochimique très présent dans l‟air du fossé rhénan et notamment pendant les périodes estivales. La simulation de l‟ASPA à l‟horizon 2100 suggère une augmentation du taux de ce gaz sur tout le territoire alsacien, ce qui dégrade davantage la qualité de l‟air. Un autre problème concerne les particules fines ; et leur concentration serait susceptible d‟augmenter en absence de mesures de contrôle et de surveillance renforcée. La biodiversité et notamment les forêts sont déjà touchées par le réchauffement du climat enregistré au cours du XXème siècle : leur phénologie, leurs aires de répartition, les comportements des organismes vivants face aux nouvelles perturbations, sont des indicateurs relevés par les chercheurs. Les groupes biogéographiques composés par des cortèges d‟espèces typiques des régions actuelles seront déplacés vers le Nord et en altitude. Une augmentation modérée du taux de CO2 de l‟atmosphère est favorable à la croissance des végétaux, mais une hausse plus importante sera destructrice. Le stress hydrique en augmentation vers la fin du siècle conduira au dépérissement des principales essences forestières d‟Alsace que sont le Hêtre et le Sapin. On s‟attend également à l‟accroissement des populations des parasites profitant des conditions climatiques favorables. Concernant les risques naturels, il existe encore actuellement de nombreuses incertitudes quant aux projections de ce type de phénomène. Néanmoins, on trouve de plus en plus de publications où une augmentation en fréquence et intensité des inondations est mise en avant. Parmi les risques naturels retenus par l‟ONERC (Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique), l‟Alsace serait touchée en premier lieu par les inondations et les coulées de boue. Toutefois, à nos jours, aucune étude n‟a dégagé une tendance plus ou moins nette quant à une évolution des débits des crues du Rhin sur le tronçon alsacien. Pour l‟Ill et ses affluents, il est également impossible de donner des références scientifiques. C‟est l'une de nombreuses lacunes dans les connaissances actuelles des impacts régionalisés du changement climatique. La quatrième partie a pour objectif de définir la vulnérabilité territoriale de la région Alsace au travers des sensibilités existantes et l‟identification des sensibilités potentielles susceptibles d‟apparaître dans de nouvelles conditions climatiques. En raison de grande quantité d‟information à traiter, de la durée de stage limitée et de la participation aux différentes réunions et rencontres dans le 224 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 cadre du stage, tous les secteurs d‟activité n‟ont pas pu être étudiés dans le présent travail. Ainsi, la dernière partie a pour objectif de définir le degré de vulnérabilité des secteurs de l‟agriculture, de la viticulture, de la sylviculture, de la santé et du tourisme. Les secteurs d‟activités qui ont été analysés dans la quatrième partie ne semblent pas être vulnérables à nos jours. Néanmoins, cette situation est susceptible de changer au cours de ce siècle. Si le déficit de pluviométrie sévère du printemps 2011 n‟a pas touché l‟Alsace au même degré que les départements du Sud et Sud-est de la France, cet incident climatique répété d‟une année à l‟autre aurait davantage de conséquences négatives sur l‟agriculture, la viticulture et la sylviculture régionales. Cette hypothèse concernant l‟accentuation du stress hydrique est d‟ailleurs soutenue par de nombreuses équipes de recherche qui ont travaillé sur la question dans les domaines respectifs (CLIMATOR, CARBOFOR, INRA). Le secteur du tourisme en Alsace sera impacté essentiellement par la baisse de rentabilité des stations de sports d‟hivers en raison de la diminution du nombre de jours avec la neige au sol. À long terme, la fermeture et la reconversion des sites de moyennes montagnes telles que les Vosges seront à envisager. L’agriculture, confrontée à une baisse de la disponibilité en eau des sols, aura de nouveaux besoins en cette ressource, ce qui pourrait créer des tensions autour de la question d‟usages d‟eau en période estivale, lorsque le manque est le plus ressenti. L‟avenir de la culture du maïs est-il compromis ? Si c‟est le cas, quel sera le choix des agriculteurs et pour quel coût ? Au moins jusqu‟à 2050, la viticulture et la sylviculture bénéficieront d‟un climat favorable au développement de la production. Au-delà de cet horizon, cette situation sera plus délicate à maintenir en raison de la hausse de la température et la baisse de l‟humidité des sols. La santé humaine sera essentiellement menacée par l‟augmentation en fréquence des vagues de chaleur ; mais, plus encore, par l‟augmentation de la pollution à l‟ozone qui est très caractéristique pour l‟Alsace. Les particules fines sont une autre source de pollution en Alsace. Le résultat final de ce travail de mémoire et de stage durant les cinq mois est présenté sous forme de matrice des vulnérabilités qui regroupe tous les thèmes abordés et les conclusions tirées de l‟analyse des connaissances existantes issues de la synthèse bibliographique. Tableau 29 : Matrice des vulnérabilités de la région Alsace Thème principal Sous-thème Risques potentiels identifiés 225 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Eau Production d‟eau potable Eau Prélèvements (industrie, irrigation) Eau Production hydroélectrique Eau Navigabilité Santé Maladies infectieuses, prolifération des parasites Santé Pollution atmosphérique Santé Pollen Agriculture Potentiels de la production des grandes cultures La nappe comme source principale des prélèvements pour la production d‟eau potable, reste menacée par la pollution d‟origines agricole et industrielle : ce n‟est pas tant en terme quantitatif mais qualitatif que la vulnérabilité de la nappe s‟exprimera davantage pendant les décennies à venir. Les étiages réguliers projetés pour les cours d‟eau, auront les répercussions sur le niveau de la nappe, surtout dans les endroits où elle est plus difficilement accessible. Si actuellement les prélèvements d‟eau (souterraine et de surface) pour les besoins des industries sont largement supérieurs à ceux effectués pour l‟irrigation des cultures, les étés e plus secs projetés pour le XXI siècle seront à l‟origine de l‟augmentation des pompages pour l‟agriculture : les situations de crise comme cela a été vécu en été 2003 risquent de devenir plus fréquentes et demanderont un nouveau mode de gestion de la ressource afin d‟éviter les conflits d‟usage. Le maintien voire une hausse de la production en hiver ; une baisse de la productivité en été ; à l‟horizon 2070 il a été projeté une baisse annuelle au niveau national équivalente aux pertes de l‟année 2003 (moins 19%). Décalage de la période de hautes eaux vers avrilmai ainsi qu‟une augmentation du débit hivernal, suivie par une baisse du débit estival, risquent de perturber le trafic fluvial, surtout en amont et en aval du tronçon alsacien. Émergence ou réémergence des maladies infectieuses et l‟activité des parasites et différents pathogènes favorisée par la hausse des températures (hivernale et estivale) sera à surveiller. Les épisodes caniculaires plus fréquents et la hausse générale de la température estivale seront favorables à une augmentation de la pollution par l‟ozone. Le secteur résidentiel, le principal émetteur des particules fines en raison de l‟utilisation des installations de chauffage polluantes, devra diminuer ce risque sanitaire. Le prolongement de la saison de végétation, accompagné par une augmentation de la production des grains, rend la population concernée par les allergies encore plus sensible. Augmentation de la production de blé, de colza et de tournesol. Possibilité d‟augmenter la production du maïs jusqu‟à 2050, laquelle deviendra contraignante à 226 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Agriculture Irrigation Viticulture Production viticole Forêt Essences principales Forêt Gestion forestière Biodiversité Écosystèmes terrestres cause des besoins de plus en plus importants en irrigation. Les besoins seront plus élevés surtout pour la culture du maïs. Ce n‟est pas tant la quantité que la qualité des vins qui sera menacée par la hausse des températures (minimale et maximale) lors de la période de végétation : par une augmentation du degré d‟alcool probable au moment de la récolte et par une baisse d‟acidité. Risque de perte de la typicité des vins d‟Alsace (AOC menacés) mais avantage pour les vendanges tardives. Nouvelles possibilités des cépages adaptés aux températures plus élevées. Le Hêtre, le Sapin et l‟Epicéa, les essences principales des forêts vosgiennes, ainsi que le Pin sylvestre dans la forêt de Haguenau, seront menacés par le dépérissement en raison de la sécheresse régulière projetée pour la deuxième moitié du siècle. Les impacts des parasites sont encore très mal étudiés. Le dépérissement des principales essences forestières en Alsace met en avant la question de gestion des forêts à long terme : par exemple, l‟adaptation des nouvelles essences soulevée par l‟ONF. L‟Alsace en tant que « carrefour » entre plusieurs régions biogéographiques, devra s‟attendre à un enrichissement de sa biodiversité avec le déplacement des aires de distribution des espèces causé par le réchauffement du climat tout en ayant le risque de perdre les espèces des régions boréales et tempérées (la faune et la flore des Vosges) les plus sensibles. Modifications morphologiques et phénologiques des espèces en voie d‟adaptation aux nouvelles conditions : temps et trajet de migration des oiseaux, ainsi que leurs stations d‟hivernage, de reproduction ; adaptation des insectes parasites aux modifications phénologiques des planteshôtes etc. Il existe encore très peu de connaissances sur les potentiels génétiques des espèces qui permettraient leur adaptation spontanée 227 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Biodiversité écosystèmes aquatiques Les espèces des écosystèmes aquatiques semblent être plus vulnérables aux changements climatiques en raison de leur environnement spécifique du milieu de vie. Modifications morphologies et phénologiques des espèces en voie d‟adaptation aux nouvelles conditions : période et trajet de migration des poissons ; potentiel de reproduction dépendant des disponibilités en habitats propices et conditions de l‟environnement. Changements dans les régimes hydrologiques des cours d‟eau causés par le décalage des périodes de hautes eaux, risquent de perturber le rythme migratoire des poissons ; Une baisse de débits des cours d‟eau, surtout ceux des petits bassins-versants, peut causer une eutrophisation avec comme conséquence une dégradation de la qualité des eaux et une baisse de la biodiversité. Toutefois, l‟impact le plus important reste d‟origine anthropique. Biodiversité Zones humides Biodiversité Continuité écologique Risques naturels Inondations Si l‟augmentation de la fréquence des inondations hivernales causée par une hausse des débits sur la même période est bénéfique au développement et à l'enrichissement de la biodiversité des zones humides, les étiages estivaux projetés pour la deuxième moitié du siècle risquent de contrebalancer cet effet positif en menaçant par l‟assèchement. Les chercheurs s‟accordent à dire qu‟il n‟existe pas encore suffisamment de connaissances pour répondre à la question « comment les espèces vont-elles s‟adapter au changement climatique ? » L‟hypothèse du déplacement géographique des aires de distribution est largement supportée par la communauté scientifique. Ceci peut être considéré comme une des possibilités naturelles d‟adaptation, à condition de pouvoir se déplacer. C‟est pour cette raison que la continuité écologique des territoires jouera probablement le rôle primordial pour la sauvegarde de la biodiversité. À l‟échelle de la région Alsace, il n‟existe pas encore d‟étude consacrée aux évolutions des débits extrêmes des cours d‟eau. Le projet « Rheinblick 2050 » ne donne pas de conclusion pour les stations en amont et en aval du tronçon ème alsacien du Rhin. Néanmoins, le 4 rapport du GIEC suggère une augmentation de la fréquence des inondations, et notamment celles causées par les crues-éclairs sur les petits bassins-versants tels que les affluents de l‟Ill ; les zones les plus vulnérables se retrouvent sur les périmètres inondables des cours d‟eau, occupés par l‟urbanisation. 228 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Risques naturels Remontées de nappe Les pluies intenses projetées en hausse pour les périodes hivernales risquent de causer les remontées de nappe et notamment dans les secteurs où le toit est déjà proche de la surface des terres (secteurs de Colmar et de Sélestat) : inondation des caves, des champs. Risques naturels Coulées de boue Les pluies intenses en hiver - début printemps accentuent l‟érosion hydrique des sols encore dépourvus de la couverture végétale : les secteurs de l‟Outre-forêt, du Kochersberg, des vignobles et du Sundgau sont déjà les plus touchés par cet aléa et leur sensibilité risque de s‟aggraver avec le changement climatique. Risques naturels Vagues de chaleur Risques naturels Vagues de froid Urbanisme Ilot de chaleur urbain Le 4 rapport du GIEC annonce que les conditions de la canicule de l‟été 2003 seront celles d‟un été « ordinaire » à la fin du siècle. Les températures très élevées portent préjudices à la santé humaine touchant les catégories de la population les plus sensibles (personnes âgées et les enfants), à l‟agriculture en menaçant une grande partie de la récolte, à la production hydroélectrique et au fonctionnement des centrales nucléaires etc. Avec une augmentation de la température minimale en hiver et une diminution du nombre de jours de gel (Météo France, GIEC) le risque de mortalité causé par les chutes de température sera réduit Le climat particulier des villes aggrave les effets de la vague de chaleur. Donc, le risque pour la santé humaine est plus élevé en ville. Urbanisme Débordement du système d‟assainissement Les épisodes des pluies intenses risquent de causer les débordements du système d‟évacuation des eaux pluviales et, dans le cas où il est raccordé au système d‟assainissement, le risque de pollution pourrait se produire. Urbanisme Confort et cadre de vie dans les bâtiments Urbanisme Occupation du sol, Trame verte et bleue Les étés plus chauds, voire caniculaires, provoqueront des besoins en fraîcheur dans les bâtiments. Ce fait peut être pris en compte dès la conception en minimisant les besoins en électricité pour les climatiseurs. Les hivers plus chauds et plus humides risquent de créer de l‟humidité dans les bâtiments en dégradant le confort et la santé des occupants. La perméabilisations des sols par l‟urbanisation ne fait qu‟accentuer les effets néfastes du changement climatique tels que la chaleur en ville, les inondations et coulées de boue. Le sol a également un potentiel de stockage de CO2, ce qui diminue le réchauffement climatique. Enfin, la présence de la végétation en ville aide à réduire les effets négatifs sur la santé en produisant de ème 229 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tourisme Tourisme de nature Tourisme Tourisme d‟hiver Tourisme Tourisme d‟été l‟oxygène, sur le confort et l‟attractivité des lieux en offrant un cadre récréatif et sur la biodiversité urbaine. Ce secteur connait déjà un fort développement et représente un champ d‟intérêt important. L‟Alsace, dans son ensemble, ne devra pas être fortement touchée par les changements paysagers. Toutefois, il n‟existe aucune étude pouvant apporter des connaissances sur le sujet. La couverture neigeuse insuffisante sur les Vosges mettra en péril les activités traditionnelles des stations de sports d‟hiver : à l‟horizon 2030, avec une augmentation de la température de 2°C, le seuil d‟enneigement serait reporté à 300 m plus haut par rapport à l‟altitude actuelle. La solution des canons à neige ne devrait pas être satisfaisante en sachant que le nombre de jours de gel dans la région diminuera également (Météo France). Les projets de reconversion des stations seront nécessaires à mettre à l‟ordre du jour compte tenu des pertes qu‟une saison mauvaise avec des températures élevées peut entraîner : en 2006/2007, l‟écart à la moyenne de 2,5°C a provoqué des pertes de 70% des chiffres d‟affaires. De nouvelles conditions climatiques de l‟Alsace favorables au tourisme d‟été permettront de prolonger la durée de la période touristique. Les problèmes liés à la qualité des eaux (des gravières et des cours d‟eau) seront accentués par les températures de l‟air et par conséquence de l‟eau plus élevées par rapport à la période actuelle. 230 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Conclusion générale Au terme de ce périple dans le monde périurbain alsacien qui a été mis en perspective face aux enjeux de la durabilité, il apparaît que la région est confrontée à un choix de développement alors même qu'elle dépend de nombreuses décisions prises à d'autres échelles. Non seulement la définition d'une certaine forme de volontarisme régional n'est pas aisée, mais d'emblée ses marges de manœuvre subissent des contraintes qui la dépassent. La mondialisation libérale se propose de résoudre tous les problèmes grâce aux forces du marché. Face à cette doxa, que pèsent encore les politiques publiques ? L'Union européenne a dû reconnaître l'échec du programme de Lisbonne-Göteborg qui voulait faire de l'Europe le premier centre d'innovation du monde en 2010. En France, les Grenelle de l'Environnement conduisent à un verdissement des textes réglementaires, mais ils ne remettent aucune évolution fondamentale en cause. En matière de périurbanisation, il en résulte une croissance au fil de l'eau : le mouvement se poursuit, la « ville sans fin » de Françoise Choay se répand couronne après couronne dans les profondeurs de l'espace alsacien. Cette production d'espace correspond volontiers aux aspirations d'une bonne part de la population qui rêve de « campagne » et de maison individuelle avec des mobilités fondées sur l'automobile. La construction de maisons individuelles représente toujours la moitié des logements neufs. Même en ville, la voiture redresse la tête : en 2011, Strasbourg a connu un échec avec le référendum sur les zones 30 et Mulhouse a revu son plan de circulation pour favoriser le retour de la voiture en ville au nom de la défense du commerce. Pourtant, les professionnels de l'aménagement et de l'urbanisme essaient de promouvoir la ville compacte, les écoquartiers ou encore les transports en commun et autres circulations douces. La « nature » elle-même apparaît gérée, entretenue ; elle constitue un fait culturel ; les espèces endémiques menacées (blé rouge d'Altkirch, hamster d'Alsace...) et les nouveaux arrivants (renouée du Japon, loup...) sont intégrés aux problématiques de la biodiversité. Non sans succès, mais que pèsent ces nouvelles réalités ? Ingénieurs et techniciens sont-ils en train de faire du prototypage qui sera généralisé ? Ou bien s'agit-il de réalisations ponctuelles avec un fort effet de vitrine qui séduit d'abord les bobos ? Ainsi, dans la problématique des mobilités durables, le TER Alsace est devenu une référence grâce à sa progression remarquable. Il transporte environ 80 000 voyageurs/jour, en attendant davantage grâce à une amélioration continue de l'offre et de l'intermodalité. Mais la seule A35 voit entrer et sortir de Strasbourg plus de 150 000 véhicules/jour, soit environ le double de l'ensemble du dispositif TER en Alsace ! De plus en plus, le périurbain prend l'apparence d'un magma confus, certes pondéré par le goût alsacien pour l'ordre et « l'espace économe », mais balayant progressivement les formes antérieures d'organisation. Terroirs historiques et institutions s'accrochent à un passé parfois idéalisé et qui correspond de moins en 231 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 moins aux réalités fonctionnelles, tant l'empreinte urbaine s'étend. À l'intérieur de ce périurbain s'esquisse une fracture entre territoires : avec ceux « qui gagnent » (un archipel de prospérité) et ceux « qui perdent » (un archipel en cours d'appauvrissement). C'est là que l'on retrouve la métropolisation. Avec Strasbourg comme chef de file, ce qui génère des secteurs hors la ville qui prospèrent et d'autres qui apparaissent davantage comme des espaces de relégation pour des populations fragilisées. Sans surprise, le Haut-Rhin, longtemps centré sur l'industrie de production et le travail frontalier, décroche, à l'exception de l'oasis colmarienne, viticole, touristique, préfectorale et réceptacle de fleurons industriels. On ne peut plus considérer l'Alsace comme un bloc mais comme un territoire où des forces antagonistes jouent un rôle grandissant, où les impulsions venues de Strasbourg jouent un rôle majeur mais sans entraîner l'ensemble de l'espace alsacien à sa suite. Le mouvement de métropolisation vient contredire le legs historique alsacien où, contrairement à la plupart des autres régions françaises, l'urbanisation était typique du monde rhénan ; sa hiérarchie urbaine aux multiples niveaux s'accompagnait de campagnes fréquemment urbanisées ou industrialisées.65 Par conséquent, le monde urbain multipolaire alsacien semble vouloir rentrer dans le rang au profit d'une aire urbaine strasbourgeoise de plus en plus structurante et dont la croissance est finalement susceptible de redynamiser la démographie de centres plus modestes. Il y aurait des comparaisons intéressantes à faire avec les autres régions françaises, dont beaucoup ont été historiquement polarisées par un centre majeur et qui voient l'urbanisation se dilater à partir de lui. Sous cet angle, l'avenir du fonctionnement des territoires est ouvert. Va-t-on vers une forme de banalisation de l'Alsace, avec un centre métropolitain et des périphéries plus ou moins « dortoirs » opposés entre elles selon des critères socioéconomiques ? Ou bien l'Alsace, habituée à un relatif partage des fonctions centrales, saura-t-elle proposer un modèle spécifique, avec le développement d'activités supérieures en dehors du centre principal ? N'est-ce-pas déjà un enjeu majeur pour la constitution d'un éventuel pôle métropolitain tel que le souhaite la loi du 16 décembre 2010 ? En termes de gouvernance, sans doute souffre-t-on d'une atomisation excessive et d'une faiblesse participative, surtout quand on se réfère aux pays voisins. En Alsace, les compétences sont aussi nombreuses que les rivalités. L'État central reste accroché à son fonctionnement régalien, peu adapté à une petite région densément peuplée, aux mailles fines et nombreuses. Pourtant, à l'instar de ses voisines rhénanes, la région peut compter sur un solide tissu associatif, souvent précurseur lorsqu'il est question de développement durable. Saura-t-elle se fédérer autour d'un vrai projet à long terme qui puisse lui permettre d'échapper à la banalisation ? Pour l'heure, l'Alsace apparaît comme l'un des quelques territoires nationaux de province marqués par une ample urbanisation, laquelle ne privilégie pas trop sensiblement le dispositif « monocentré » rencontré dans les régions à métropoles 65 Rochefort M. (1960), L’organisation urbaine de l’Alsace, Paris, Belles Lettres. 232 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 très « dominantes » – sinon dans une partie du Bas-Rhin –. Toute notre analyse fait ressortir cette relative singularisation, et la forte sensibilisation des acteurs de divers domaines à la dimension du développement durable. Notre vœu serait que la lecture du présent travail appelle à des comparaisons interrégionales comme rhénanes. 233 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Annexes Quelques repères chronologiques, Henri Nonn Avant – Mesures sur la nappe phréatique ello-rhénane. 1970 – Service de la Carte géologique d'Alsace-Lorraine (BRGM à/c de 1970 – et APRONA à/c 1995). – Constitution de l'Agence de Bassin Rhin-Meuse et premiers « contrats de nappe ». – Conventions internationales de surveillance du Rhin (1964, 1968, Convention de Bonn 1976). 1974 « Affaire de Marckolsheim » (premières manifestations d'écologistes en région). 1976 – Loi de protection de la nature (10-07-1976). – Création du Conservatoire des Sites Alsaciens (CSA, reconnu d'utilité publique en 1994). – Création du Parc Naturel des Vosges du Nord (PNRVN), à label UNESCO (1989) et à dimension transnationale. 1977 – Création de l'ASPA (assoc. surveillance et étude de la pollution de l'air en Alsace). – Création de l'ARIENA (assoc. rég. pour l'initiation à l'environnement et à la nature en Alsace). 1978 Plan de protection de forêts de plaine. 1979 Directive européenne « Oiseaux » (suivie de la constitution de 9 « ZICO »= zones de conservation en Alsace). 1982 – Lancement de l'Inventaire « ZNIEFF » (zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique) ; travaux 1983-1991. – Convention franco-allemande relative aux crues du Rhin, dont dérive la réalisation de polders. 1985 Premier « Schéma départemental de gestion et de protection des espaces naturels sensibles du Bas-Rhin ». 1988 Instauration des « réserves naturelles » et classement des « forêts rhénanes ». 1989 Création du Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges (interrégional). 1990 – « Contrats de nappe » (Région, Agence Rhin-Meuse), élargis en 1993 à l'ensemble du Rhin supérieur. – Nouvelles démarches de protection : des forêts et des prairies en Alsace (réserves naturelles, réserves volontaires, réserves biologiques de l'ONF, réserves domaniales). 1991 CRA et Agence de l'eau Rhin-Meuse : « Protéger la nappe phréatique 234 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 d'Alsace ». 1991- CRA et divers contributeurs : « Projet Alsace 2005 ». 1994 1992 – Loi sur l'eau (dont dérivent les SEGEECE ou Schémas d'aménagement et de gestion écologique des cours d'eau, et les SAGE = Largue, Ill-Rhin). – « Sommet de la Terre », Rio de Janeiro, initiateur des « Agenda 21 ». – Directive européenne « Habitats » (conservation des habitats naturels, constitution des ZSC ou zones spéciales de conservation et des DOCOB ou documents d'objectifs pluriannuels), et programme « Natura 2000 » élaboré en région jusqu'en 2005. – « Inventaire tri-national Rhin supérieur » sur les paysages et trames vertes (corridors écologiques, extensions en 2003-2006). 1995 Publication du Programme transfrontalier « REKLIP » (climat dans le fossé rhénan et ses bordures). 1996 – Installation du Comité régional du paysage alsacien. – Département du Bas-Rhin : Charte de l'environnement. 1996- « Programme intégré du Rhin » (1996), « Programme européen LIFE2003 Nature » (2001, « Rhin 2020 »), en complément de la Convention de Ramsar. 1997 – Directive européenne « Nitrates », et définition de zones vulnérables. – Conseil général 67 et Agence de l'eau « Schéma départemental de l'eau (potable) et de l'assainissement » (SDEA), création de l'Observatoire départemental de l'eau. 1998- « Programmes agri- environnementaux » aidés (en rapport avec la 1999 PAC). 1999 DIREN : Contribution de l'Alsace au Schéma national de services collectifs « Espaces naturels et ruraux ». 2000 Plan régional pour la qualité de l'air en Alsace. 2002 Loi Démocratie de proximité, qui instaure les « réserves naturelles régionales » (ex-réserves volontaires de propriétaires ou de collectivités). 2003 – Région : Étude de faisabilité de la « trame verte » en plaine d'Alsace (couloirs écologiques). – Plan de protection des risques d'inondation de l'Ill (PPR) ; SAGE IllRhin. 2003- Conseil général 67 : « Des Hommes et des Territoires » (Livres Blanc 2005 et Bleu). 2005 Projet de taxe sur les poids lourds transitant en plaine d'Alsace, préalablement à une « écotaxe » nationale (quoique figurant dans Grenelle 1, non encore mise en œuvre). 235 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 2006 9ème Programme de l'Agence de l'eau Rhin-Meuse, conforme aux directives-cadres communautaires. 2007 – 2ème SDEA du Bas-Rhin. – « Grenelle de l'environnement », phase 1. 2008 Lancement des Plans de déplacements inter-entreprises en Alsace. 2010 – « Année internationale de la Biodiversité ». – Alsace-Nature : État des lieux de la biodiversité en Alsace (catégorisation, programme de création d'indicateurs = SIBA, et projet d'Atlas). – CUS : « Plan Climat » (avec Agence locale du climat et de l'énergie). – Conseil régional et EDF-Alsace : « Programme énergie-Alsace » ; lancement d'un « Schéma régional de cohérence écologique ». 2011 APRONA : Carte piézométrique de la nappe d'Alsace (par son Observatoire). 2012 Plan régional de l'agriculture durable. 236 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Approche par le zonage en aires urbaines (délimitations INSEE de 1999) – Pauline Costantzer, Henri Nonn, Raymond Woessner Cette annexe résulte d'un contrat de recherche passé entre l'APR et l'UDS. res e Villes-centres d'aires urbaines (totalisées), 1 couronnes (id), 2 couronnes (id), communes multipolarisées (MPL), espaces à dominante rurale (EDR). Dates : 99 = 1999 ; 06 = 2006 (recensements INSEE) ; LT = au lieu de travail. 1. Les variables socio-démographiques Les couples avec enfants : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Couples avec enfants-99 71087 54520 52427 17825 Nb de Résidences Principales-99 253711 147571 111867 45281 % couples avec enfants-99 28,00% 37% 47% 39% 53545 249 404 Couples avec enfants-06 66537 50643 52399 17144 53443 240 166 120347 678 837 Nb de Résidences Principales-06 272450 162014 128464 49289 135261 747 478 44% 37% % couples avec enfants-06 24,40% 31% 41% 35% 40% 32% 237 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les familles monoparentales dont le parent est une femme : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Familles monoparentales Femmes-99 19820 9776 5774 2718 6554 44 642 Nb de Résidences Principales-99 253771 147571 111867 45281 120347 678 837 238 % familles monoparentales Femmes-99 7,80% 6,6% 5,2% 6,0% 5,4% 6,6% Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 En ville-centre 1re couronne e 2 couronne MPL EDR Total Alsace Familles monoparentales Femmes-06 22345 11332 6960 3157 7495 51 289 Nb de Résidences Principales-06 272450 162014 128464 49289 135261 747478 % familles monoparentales Femmes-06 8,20% 7,0% 5,4% 6,4% 5,5% 6,90% Les personnes seules de 65 ans et + : (rapportées à la population des 15-64 ans) en ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Personnes seules 65 Pop 15-64 ans et +-99 ans-99 27866 404995 14592 250003 9159 209593 5636 76317 11620 217385 68 873 1 158 293 % pers seules 65 ans et +-99 6,90% 5,8% 4,4% 7,4% 5,3% 5,9% En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Personnes seules 65 Pop 15-64 ans et +-06 ans-06 30579 417842 17837 256855 11177 224315 6149 78258 13431 231829 79 173 1 209 099 % pers seules 65 ans et +-06 7,30% 6,9% 5% 7,9% 5,8% 6,5% La population ayant une formation de niveau BAC : En ville-centre 1re couronne e 2 couronne MPL EDR Total Alsace Niveau BAC-99 47741 33862 28145 9327 27055 146 130 Pop 15-64 ans-99 404995 250003 209593 76317 217385 1 158 293 % Niveau BAC-99 11,80% 13,5% 13,4% 12,2% 12,4% 12,6% Niveau BAC-06 Pop 15-64 ans-06 % Niveau BAC-06 239 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace 58819 42067 36257 12235 36290 185 668 417842 256855 224315 78258 231829 1 209 099 14,10% 16,4% 16,2% 15,6% 15,7% 15,4% La population ayant une formation de niveau BAC+2 et supérieur : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Niveau BAC +2 et SUP-99 86477 46626 34707 8846 27720 204 376 Pop 15-64 ans-99 404995 250003 209593 76317 217385 1 158 293 % Niveau BAC+2 et SUP-99 21,40% 18,7% 16,6% 11,6% 12,8% 17,6% En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Niveau BAC +2 et SUP-06 108013 62007 52589 13031 43148 278 788 Pop 15-64 ans-06 417842 256855 224315 78258 231829 1 209 099 % Niveau BAC+2 et SUP-06 25,90% 24,1% 23,4% 16,7% 18,6% 23,1% 240 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La répartition de la population selon les diplômes 0 50 km pôle urbain Bernard Aubry Jean-Paul Villette Raymond Woessner Association de Prospective Rhénane Université de Strasbourg 2010 Répartition : Surreprésentation de : com. 11%, pop. 27% Non-diplômés com. 59%, pop. 31% CAP, BEP com. 30%, pop. 29% Bac, bac +2 com. 1%, pop. 14% 241 Diplômes universitaires Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les inactifs retraités : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Inactifs retraités-99 Pop 15-64 ans-99 % Inactifs retraités-99 23420 404995 5,80% 19817 250003 7,9% 16265 209593 7,8% 6627 76317 8,7% 17232 217385 7,9% 83 361 1 158 293 7,2% Inactifs retraités-06 Pop 15-64 ans-06 % Inactifs retraités-06 24292 417842 5,80% 21247 256855 8,3% 18883 224315 8,4% 6637 78258 8,5% 18318 231829 7,9% 89 377 1 209 099 7,4% 2. Les actifs au lieu de résidence Ensemble des actifs occupés : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Ensemble des actifs occupés-99 241230 164319 145498 49977 147075 748 099 En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Ensemble des actifs occupés-06 229940 188927 160439 53262 163671 796 239 Pop 15-64 ans-99 404995 250003 209593 76317 217385 1 158 293 Pop 15-64 ans-06 417842 256855 224315 78258 231829 1 209 099 242 % Ensemble des actifs occupés-99 59,60% 65,7% 69,4% 65,5% 67,7% 64,6% % Ensemble des actifs occupés-06 55,00% 73,6% 71,5% 68,1% 70,6% 65,9% Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les actifs occupés cadres supérieurs : En ville-centre re 1 couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Actifs occupés cadres sup.-99 35886 19507 15058 3239 9906 83 596 Ensemble des actifs occupés-99 241230 164319 145498 49977 147075 748 099 % Actifs occupés cadres sup-99 14,90% 11,9% 10,3% 6,5% 6,7% 11,2% En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Actifs occupés cadres sup.-06 42220 24704 22273 3906 15727 108 830 Ensemble des actifs occupés-06 229940 188927 160439 53262 163671 796 239 % Actifs occupés cadres sup-06 18,40% 13,1% 13,9% 7,3% 9,6% 13,7% Les actifs salariés de sexe féminin : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Actifs salariés Femmes-99 102783 70207 59521 18946 57900 309 362 Actifs salariés Femmes-06 109194 76 25 69535 21926 68554 345 334 Pop 15-64 ans-99 404995 250003 209593 76317 217385 1 158 293 Pop 15-64 ans-06 417842 256855 224315 78258 231829 1 209 099 243 % Actifs salariés Femmes-99 25,40% 28,1% 28,4% 24,8% 26,6% 26,7% % Actifs salariés Femmes-06 26,10% 29,6% 31,0% 28,0% 29,6% 28,6% Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les chômeurs de sexe féminin : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Chômeurs Femmes-99 17450 7964 4416 2547 5935 38 312 Chômeurs Femmes-06 22106 10081 5545 3065 7549 48 346 Pop 15-64 ans99 404995 250003 209593 76317 217385 1 158 293 Pop 15-64 ans06 417842 256855 224315 78258 231829 1 209 099 % Chômeurs Femmes-99 4,30% 3,2% 2,1% 3,3% 2,7% 3,3% % Chômeurs Femmes-06 5,30% 3,9% 2,5% 3,9% 3,3% 4,0% Les chômeurs de sexe masculin : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace Chômeurs Hommes-99 17451 6697 3241 1661 3758 32 808 Chômeurs Hommes-06 21282 8635 4406 2226 5414 41 963 Pop 15-64 ans-99 404995 250003 209593 76317 217385 1 158 293 Pop 15-64 ans-06 417842 256855 224315 78258 231829 1 209 099 244 % Chômeurs Hommes-99 4,30% 2,7% 1,5% 2,2% 1,7% 2,8% % Chômeurs Hommes-06 5,10% 3,4% 2,0% 2,8% 2,3% 3,5% Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 3. L'emploi au lieu de travail Ensemble des emplois au lieu de travail : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace LT ensemble-99 Pop 15-64 ans-99 331922 404995 146691 250003 74652 209593 45285 76317 89217 217385 687 767 1 158 293 LT ensemble-06 Pop 15-64 ans-06 365165 417842 148395 256855 87098 224315 46526 78258 97257 231829 744 441 1 209 099 % LT ensemble-99 82,00% 58,7% 35,6% 59,3% 41,0% 59,4% % LT ensemble-06 87,40% 57,8% 38,8% 59,5% 42,0% 61,6% Les cadres supérieurs au lieu de travail : En ville-centre 1re couronne e 2 couronne MPL EDR Total Alsace En ville-centre re 1 couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace LT cadres sup-99 48027 15667 5713 3336 6214 78 957 LT cadres sup-06 59171 20696 8950 4084 8406 101 307 Pop 15-64 ans-99 404995 250003 209593 76317 217385 1 158 293 Pop 15-64 ans-06 417842 256855 224315 78258 231829 1 209 099 245 % LT cadres sup-99 11,90% 6,3% 2,7% 4,4% 2,9% 6,8% % LT cadres sup-06 14,20% 8,1% 4,0% 5,2% 3,6% 8,4% Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les professions intermédiaires au lieu de travail : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace LT prof int-99 83271 35407 15323 8140 16475 158 616 LT prof int-06 98777 38411 18921 9082 20364 185 555 Pop 15-64 ans-99 404995 250003 209593 76317 217385 1 158 293 Pop 15-64 ans-06 417842 256855 224315 78258 231829 1 209 099 % LT prof int-99 20,60% 14,2% 7,3% 10,7% 7,6% 13,7% % LT prof int-06 23,60% 15,0% 8,4% 11,6% 8,8% 15,3% Les salariés de sexe féminin au lieu de travail : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace LT salariés Femmes-99 156282 52857 27514 17909 33498 288 060 LT salariés Femmes-06 173764 62088 33917 19368 38213 327 350 Pop 15-64 ans-99 404955 250003 209593 76317 217385 1 158 293 Pop 15-64 ans-06 417842 256855 224315 78258 231829 1 209 099 246 % LT salariés Femmes-99 38,60% 21,1% 13,1% 23,5% 15,4% 24,9% % LT salariés Femmes-06 41,60% 24,2% 15,1% 24,7% 16,5% 27,1% Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les salariés à temps partiel au lieu de travail : En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace LT salarié temps partiel-99 58581 19642 11208 6777 13532 109 740 LT salarié temps partiel-06 62449 22080 12825 7190 15327 119 871 Pop 15-64 ans99 404995 250003 209593 76317 217385 1 158 293 Pop 15-64 ans06 417842 256855 224315 78258 231829 1 209 099 % LT salarié temps partiel-99 14,50% 7,9% 5,3% 8,9% 6,2% 9,5% % LT salarié temps partiel-06 15,00% 8,6% 5,7% 9,2% 6,6% 9,9% 4. Le logement (mouvement de la construction) Le nombre de logements ordinaires : En valeur annuelle moyenne 1979-81 1982-89 1990-98 1999-05 En ville-centre 2144 2850 2984 2366 2883 1re couronne 1954 2182 2262 2183 2 191 2e couronne 2133 1799 2266 2652 3 023 MPL 646 508 490 693 657 EDR 2106 1528 1874 2402 2 792 8 983 8 867 9 876 10 296 11 546 Total Alsace 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500 0 1979-81 2006-08 En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR 1982-89 1990-98 1999-05 247 2006-08 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Le nombre de logements individuels : En valeur annuelle moyenne 1979-81 1982-89 1990-98 1999-05 2006-08 En ville-centre 1re couronne 437 820 443 893 319 659 298 589 214 439 2e couronne MPL EDR Total Alsace 1678 506 1674 5 115 1446 359 1252 4 393 1529 334 1264 4 105 1463 417 1467 4 234 1344 414 1453 3 864 2000 1500 En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR 1000 500 0 1979-81 1982-89 1990-98 1999-05 2006-08 Le nombre de logements groupés : En valeur annuelle moyenne 1979-81 1982-89 1990-98 1999-05 2006-08 En ville-centre 198 130 147 164 118 1re couronne 336 205 150 65 139 2e couronne 180 92 95 146 262 MPL 36 19 27 23 45 EDR 148 67 124 144 257 898 513 396 542 821 Total Alsace 400 300 En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR 200 100 0 1979-81 1982-89 1990-98 1999-05 248 2006-08 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Le nombre de logements collectifs : En valeur annuelle moyenne En ville-centre re 1 couronne 2e couronne MPL EDR Total Alsace 1979-81 1982-89 1990-98 1999-05 2006-08 1510 798 275 104 283 2 970 2276 1084 261 130 210 3 961 2465 1672 641 129 487 5 394 1974 1459 1043 253 791 5 520 2698 1462 1417 198 1081 6 856 3000 2500 En ville-centre 1re couronne 2e couronne MPL EDR 2000 1500 1000 500 0 1979-81 1982-89 1990-98 1999-05 2006-08 Les résidences principales (RP) en location : RP locataires-99 Nb de RP-99 % RP locataires-99 En ville-centre 163389 253771 64,40% 1re couronne 56546 147571 38,3% 2 couronne 18285 111867 16,3% MPL 11891 45281 26,3% EDR 24133 120347 20,1% 273 244 RP locataires-06 678 837 Nb de RP-06 40,3% % RP locataires-06 e Total Alsace En ville-centre 169703 272450 22,20% re 60862 162014 37,6% 2 couronne e 22651 128464 17,6% MPL 12717 49289 25,8% EDR 28324 135261 20,9% 294 257 747 478 39,4% 1 couronne Total Alsace 249 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les résidences principales de 5 pièces et plus : RP 5 pièces et + -99 Nb de RP-99 % RP 5 pièces et + -99 En ville-centre 56365 253771 22,20% 1re couronne 57532 147571 39,0% 2 couronne 68418 111867 61,2% MPL 23118 45281 51,1% EDR 67154 120347 55,8% e Total Alsace 272 587 678 837 40,2% RP 5 pièces et + -06 Nb de RP-06 % RP 5 pièces et + -06 En ville-centre 60367 272450 22,20% 1re couronne 63695 162014 39,3% 2 couronne 80326 128464 62,5% MPL 26783 49289 54,3% EDR 79310 135261 58,6% 310 481 747 478 41,5% e Total Alsace Les Résidences Principales avec 2 voitures et + : RP 2 voitures et +-99 Nb de RP-99 % RP 2 voitures et + -99 En ville-centre 56219 253771 22,20% 1re couronne 55999 147571 37,9% 2 couronne 60560 111867 54,1% MPL 17270 45281 38,1% EDR 58166 120347 48,3% 248 214 RP 2 voitures et +-06 678 837 Nb de RP-06 36,6% % RP 2 voitures et +- 06 En ville-centre 60954 272450 22,40% 1re couronne 62779 162014 38,7% 2 couronne 71725 128464 55,8% MPL 20936 49289 42,5% EDR 69911 135261 51,7% 286305 747478 38,30% e Total Alsace e Total Alsace 250 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Clusters logements : la ville et la campagne SCHILTIGHEIM STRASBOURG ILLKIRCH-G. Alsace des locataires & des appartements (1) Alsace mixte (2) Alsace des propriétaires & des maisons (3) COLMAR NEUF-BRISACH DIDENHEIM MULHOUSE (1) : 804 communes, 785000 habitants 35%maisons (Alsace 21%), 31%de propriétaires (24), 24%5 pièces ou plus (17), 21%2 voitures ou plus (16) (2) : 90 communes, 478000 habitants 10%logement de 4 pièces (9), 9%3 pièces (8), 4%2 pièces (4), 24%de propriétaires (24), 5%de HLM (5) (3) : 9 communes, 553000 habitants 30%de locataires (16), 43%d’appartements (22), 20%de chauffage collectif (10), 11%de HLM (5), 11%de 4 pièces (9) HUNINGUE ST.LOUIS Données : INSEE 2006 Association de Prospective Rhénane - février 2010 5. Approche par la taille des unités urbaines TU1 = unités urbaines de moins de 5 000 habitants TU2 = unités urbaines de moins de 5 001 à 10 000 habitants TU3 = unités urbaines de moins de 10 0001 à 20 000 habitants TU4 = unités urbaines de moins de 20 001 à 50 000 habitants Ensemble des emplois au Lieu de Travail : TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace LT : ensemble-99 Pop 15-64 ans-99 68517 126946 36861 59401 61106 82700 39147 61624 687 767 1 158 293 LT : ensemble-06 Pop 15-64 ans-06 76459 134065 41375 62492 70071 87070 40273 62856 744 441 1 209 099 251 % LT ensemble-99 54,0% 62,1% 73,9% 63,5% 59,4% % LT ensemble-06 57,0% 66,2% 80,5% 64,1% 61,6% Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les cadres supérieurs au Lieu de Travail : TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace LT cadres sup-99 Pop 15-64 ans-99 % LT cadres sup-99 5423 3298 5746 4148 78 957 126946 59401 82700 61624 1 158 293 4,3% 5,6% 6,9% 6,7% 6,8% LT cadres sup-06 Pop 15-64 ans-06 % LT cadres sup-06 7554 4394 8608 4861 101 307 134065 62492 87070 62856 1 209 099 5,6% 7,0% 9,9% 7,7% 8,4% Les professions intermédiaires au Lieu de Travail : TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace LT prof int-99 13476 7711 13118 9077 158 616 LT prof int-06 16617 9270 16055 9925 185 555 Pop 15-64 ans-99 126946 59401 82700 61624 1 158 293 Pop 15-64 ans-06 134065 62492 87070 62856 1 209 099 % LT prof int-99 10,6% 13,0% 15,9% 14,7% 13,7% % LT prof int-06 12,4% 14,8% 18,4% 15,8% 15,3% Les emplois de services aux entreprises au Lieu de Travail : TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace LT Serv. Entr.-99 5453 2861 5475 4083 76 581 LT Serv. Entr.-06 6467 3297 6764 4169 86 192 Pop 15-64 ans-99 126946 59401 82700 61624 1 158 293 Pop 15-64 ans-06 134065 62492 87070 62856 1 209 099 252 % Serv. Entr.-99 4,3% 4,8% 6,6% 6,6% 6,6% % Serv. Entr.-06 4,8% 5,3% 7,8% 6,6% 7,1% Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les emplois de services aux particuliers au Lieu de Travail : TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace LT Serv. Part.-99 4 060 2 424 3 749 2 357 45 990 LT Serv. Part.-06 4568 2726 5632 2544 52 747 Pop 15-64 ans-99 126 946 59 401 82 700 61 624 1 158 293 Pop 15-64 ans-06 134065 62492 87070 62856 1 209 099 % Serv. Entr.-99 3,2% 4,1% 4,5% 3,8% 4,0% % Serv. Entr.-06 3,4% 4,4% 6,5% 4,0% 4,4% Les emplois tertiaires au Lieu de Travail : TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace LT Tertiaire-99 35202 23768 35158 23393 461 167 LT Tertiaire-06 43237 26977 43429 25463 523 916 Pop 15-64 ans-99 % Serv. Entr.-99 126946 27,7% 59401 40,0% 82700 42,5% 61624 38,0% 1 158 293 39,8% Pop 15-64 ans-06 % Serv. Entr.-06 134065 32,3% 62492 43,2% 87070 49,9% 62856 40,5% 1 209 099 43,3% Le nombre d’emplois dans l’administration (rapporté au nombre total d’emploi) : TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace Nb d'emploi administration – 2007 3362 2365 4064 2817 68 495 Nb total d'emplois2007 66091 33856 63580 34857 665 376 253 % emploi administration – 2007 5,1% 7,0% 6,4% 8,1% 10,3% Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Le nombre d’emplois dans l’administration (rapporté à la population) : TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace Nb d'emplois administration-2007 3362 2365 4064 2817 68 495 Population2006 203970 95381 133659 95425 1 815 493 % emplois administration – 2007 1,6% 2,5% 3,0% 3,0% 3,8% Les variations de population : 1962-68 1968-75 1975-82 1982-90 1990-99 1999-06 TU1 (UU - 5mh) 1281 2223 1192 638 1537 1797 TU2 (UU - 10mh) 894 425 460 242 887 660 TU3 (UU - 20mh) 974 1036 473 497 1091 1047 TU4 (UU - 50mh) 841 1002 125 218 477 389 Total Alsace 15719 14992 6960 7269 12170 11655 18000 16000 14000 12000 TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace 10000 8000 6000 4000 2000 0 1968-75 1982-90 1999-06 1962-68 1975-82 1990-99 254 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Les soldes migratoires : 1962-68 1968-75 1975-82 1982-90 1990-99 1999-06 TU1 (UU - 5mh) 307 1645 887 274 1026 1214 TU2 (UU - 10mh) 356 41 255 -62 547 278 TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) 315 325 588 609 194 -236 88 -200 607 79 538 13 Total Alsace 5953 7028 1167 -15 4354 3452 Nb d'années 7 8 8 9 10 8 1962-68 1968-75 1975-82 1982-90 1990-99 1999-06 44 51 45 46 206 5 74 76 111 32 24 -30 30 -7 10 -22 103 55 61 8 152 35 67 2 850 878 146 -2 435 431 En moyenne annuelle TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) Total Alsace 250 200 150 TU1 (UU - 5mh) TU2 (UU - 10mh) TU3 (UU - 20mh) TU4 (UU - 50mh) 100 50 255 19 99 -0 6 19 90 -9 9 19 82 -9 0 19 75 -8 2 -50 19 68 -7 5 19 62 -6 8 0 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Le projet de canal à grand gabarit entre le Rhône et le Rhin : un conflit sans fin ? – Raymond Woessner Le canal du Rhône-au-Rhin à petit gabarit existe depuis 1833. Faute de capacités, il n'a jamais joué de rôle important. Mais au XX ème siècle la mise au grand gabarit du Rhin, du Rhône et de la Saône jusqu'en Bourgogne ont fait naître l'idée d'une liaison fluviale performante interbassins via la Franche-Comté. En 1962, par exemple, le port de Bourogne (Territoire de Belfort) avait été calibré pour le grand gabarit, ce qui avait immédiatement suscité l'intérêt de la Suisse. Le projet a failli être concrétisé en 1997 avant d'être abandonné in extremis par l'État. « De l’avis général, le grand canal Rhin-Rhône est un très beau spécimen de « sédimentation » des discours et de « glaciation » des décisions » écrit François Corbier (1999). En effet, tout chef d‟État ou de gouvernement en déplacement a déclaré avec force son attachement à la réalisation du canal Rhin-Rhône, à l‟exemple du président Giscard d‟Estaing le 24 novembre 1974 à Dijon : « Créer le fleuve pour irriguer l’économie et unir les hommes, grand projet qui marquera la volonté de la France d’orienter elle-même le développement de son économie, et, à l’image de ceux qui traçaient jadis à la charrue le contour des villes à naître, de dessiner sur son sol les lignes de son destin »66. Hier comme aujourd'hui, Rhin-Rhône apparaît comme le champ d'un conflit ouvert. De nombreuses études ont « prouvé » la nocivité comme l'intérêt de la construction d'un canal à grand gabarit. Les différents projets s'inscrivent dans un jeu d'acteurs des « anti » et des « pro » où, finalement, les données objectives sont instrumentalisées par les convictions des uns et des autres. Le conflit témoigne de visions antinomiques de la nature et des patrimoines, mais aussi d'un futur économique que l'on attend ...ou craint ! Cinquante ans de débats Dès 1961, la lettre de J. Massé au Premier Ministre condamnait le projet de canal à grand gabarit Saône-Rhin pour cause d‟inutilité. L‟évolution de l‟activité industrielle conduisait déjà au déclin du transport des pondéreux, renforcé par la littoralisation des industries lourdes ; toujours selon cette lettre, le port de Marseille n‟avait pas d‟avenir rhénan. Par la suite, les luttes d‟influence entre les administrations, jointes à la prudence du ministère des finances, ont nui à l‟avancement du projet, tout comme les oppositions des écologistes et des agriculteurs. Face à eux, le canal a été soutenu par les actions de lobbying des CCI, de la Compagnie Nationale du Rhône, des ports de Strasbourg, de Lyon et de Marseille ainsi que par de nombreuses personnalités politiques chrétiennesdémocrates, libérales ou socialistes (Kammerer, 1978). 66 Cité par Pierre Parreaux, Le mythe du grand canal Rhin-Rhône, Paris, Edition du CLAC ème Ile-de-France, 7 édition, mai 1998 p. 10. 256 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Chronologie sommaire du projet de canal à grand gabarit Facteurs adjuvants Mission Thomas Commission Boulloche Association Mer du Nord – Méditerranée Achats de terrains Rapport Gaspard Promesse de Georges Pompidou, premier ministre Rapport Lhermitte Date Facteurs opposants 1958 1960 1961 1962 1965 Rapport Laval 1967 1970 1974 Plan de rénovation du petit gabarit Déclaration d‟Utilité publique (valable jusqu‟en 1998) 1978 La Lorraine soutient Seine-Moselle La CNR est maître d‟ouvrage 1980 1987 Rapport de l‟Équipement Sommet d‟Essen Inauguration du canal Rhin-MainDanube 1992 - Rapport Forni-Vallon - Collectif Saône-Doubs vivant La SORELIF, filiale d‟EDF et de la CNR, est maître d‟ouvrage 1995 Inauguration de la section à grand gabarit Mulhouse – Niffer 1996 - Rapport mixte du Conseil général des Ponts et Chaussées et de l'Inspection générale des Finances - Réserves d‟EDF Création de l‟association SaôneRhin Voie d‟Eau 2010 1997 Abandon du projet par le gouvernement Jospin 1999 Association Moselle-Rhône avec M. André Rossinot, maire de Nancy Construction d'ouvrages d'art à Mulhouse 2003- et à Brunstatt aux normes Freycinet : 2011 ponts pour le tramway, nouvelle écluse, passage souterrain routier Sainte-Odile, raccordement court TGV En visite à Mulhouse, le ministre de l‟Aménagement du Territoire rouvre le dossier 2006 Publication de l‟étude financée par le Conseil général du Haut-Rhin 2007 Études Moselle-Saône Livre blanc de l'UE favorable au rail et à la voie d'eau M. Richert, nouveau président du Consortium des Voies Navigables de l'Est et du Sud-Est 2011 2011 257 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Le projet de la SOciété de RÉalisation de la LIaison Fluviale (SORELIF) prévoyait un tracé à grand gabarit de 229 kilomètres. Il aurait fallu recouper 58 kilomètres de méandres sur le Doubs, construire 24 écluses, 14 stations de pompage et refaire une centaine de ponts pour un coût total estimé à près de 17 milliards de francs hors taxes en 1993. Les publications scientifiques comptent des détracteurs de la voie d‟eau à grand gabarit qui utilisent l‟argument de la rentabilité. Alain Bonnafous (1997) a démontré que celle-ci ne saurait être atteinte, à moins d‟user d‟artifices statistiques et de « gags méthodologiques » comme ceux de certains rapports publiés dans les années 1990. Il a également souligné la lenteur croissante du transport fluvial lorsqu‟il pénètre à l‟intérieur des terres depuis Marseille, du fait de l‟augmentation du nombre d‟écluses. Ainsi, avec le grand gabarit, il y aurait 4,5 jours de navigation entre Marseille et Strasbourg (pour 873 km avec une quarantaine d‟écluses à franchir) et 2 jours entre Rotterdam et Strasbourg (pour 737 km et 2 écluses), soit 6,5 jours de bout en bout. Par la mer, on va au moins aussi vite : la liaison maritime entre Marseille et Anvers prend 6 jours avec des volumes bien plus importants que ne pourrait le faire le mode fluvial modernisé. À son tour, au sujet du projet SeineNord, Rémy Prud‟homme (2006) a démontré la faiblesse des arguments de Voies Navigables de France en termes de bilan carbone. Il a conclu à l‟absurdité financière d‟un projet estimé à 3,5 milliards d‟euros pour les finances publiques. Seine-Nord n‟aurait donc aucun sens, ni du point de vue écologique, ni du point de vue économique. En présentant l‟endettement de l‟État comme un fardeau insupportable, les économistes remettent une évidence en cause : la dépense publique est aussi un investissement dont profitent les entreprises, comme l‟écrivait Jean-Baptiste Say dès 180367 : « Les frais de confection d'un canal [...] peuvent être tels que les droits de navigation ne soient pas suffisants pour payer les intérêts de l'avance ; quoique les avantages qu'en retirerait la nation fussent très supérieurs au montant de ces intérêts. Il faut bien alors que la nation supporte gratuitement les frais de son établissement, si elle veut jouir du bien qui peut en résulter ». En 2000, Rémy Prud‟homme avait d‟ailleurs calculé que, dans une région donnée, un doublement du stock d‟infrastructures entraînait une augmentation de la production d‟environ 15% (Prud‟homme, 2000). Après l‟abandon du projet de SORELIF par le gouvernement Jospin en 1997, l‟association Saône-Rhin Voie d‟Eau 2010 a été fondée par M. Valère Pourny, un directeur de papeterie à la retraite. Elle compte beaucoup de jeunes retraités parmi ses membres. L‟association défend l‟idée d‟un canal à moyen-grand gabarit (avec des écluses de 190 mètres de long sur 12 mètres de large) sur les 210 km séparant Laperrière-sur-Saône (Côte-d‟Or) et Mulhouse. Ce gabarit semble adapté aux difficultés à venir qui seront liées au changement climatique. En effet, on redoute des étiages prononcés et des crues importantes dans les prochaines décennies. Il serait alors raisonnable de réduire le gabarit des navires en vue d‟une circulation plus aisée. 67 e Cours d'économie politique, 7 partie, ch. XXIV. 258 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La plupart des membres de Saône-Rhin Voie d‟Eau 2010 habitent autour de Dole et de Besançon, pour ainsi dire dans l‟œil du cyclone des opposants au projet : Mme Voynet, ancienne ministre écologiste du gouvernement Jospin, a été conseillère municipale de Dole ; hier comme aujourd‟hui, la Région Franche-Comté n‟a pas défendu le projet de grand canal. L‟association compte à présent de nombreux membres dans le Sud-Alsace. Elle bénéficie en outre de soutiens plus larges, comme ceux des Ports autonomes de Marseille et de Strasbourg. Elle s‟emploie à mobiliser les régions du Rhin, de la Saône et du Rhône, à l‟image de l‟association TGV. Elle s‟appuie sur un argumentaire développé lors d‟un colloque à Lyon dès 1989 qui évoquait la nécessité de l‟aménagement du territoire, la congestion annoncée des routes et la prise en compte des aspects environnementaux (Christen, Fortin, 2002). Les ports rhénans ainsi que ceux de Lyon et de Marseille ont été profondément affectés par l‟échec du canal Saône-Rhin à grand gabarit. Mais à l‟époque les paysages de la vallée du Doubs étaient devenus le symbole de l‟agression des technocrates et des « bétonneurs ». Un important volet était pourtant dédié à la renaturation, à l‟image de la section rénovée entre Mulhouse et Niffer en 1996. Les écologistes soutenaient qu‟il valait mieux réaliser une ligne de ferroutage à partir de la voie ferrée existante ; comme cette idée est restée sans suite, seul le camion reste aujourd‟hui efficace entre le Rhin et la Saône. Finalement, grâce au contrat de plan spécifique « Avenir des Territoires entre Saône et Rhin », des écluses et des ponts-levis du canal Freycinet ont été remplacés. Mais aucune action interrégionale n‟a émergé à la faveur de ce programme. Selon différentes études, le potentiel de trafic en 2020-2025 serait de 17 millions de tonnes pour Seine-Nord, 11 à 14 pour Saône-Rhin et 7 pour SaôneMoselle. Mais la perspective de la réalisation d‟un projet Saône-Rhin semble vouloir s‟éloigner. L‟association Seine-Moselle-Rhône, présidée par André Rossinot, maire de Nancy depuis 1983 et plusieurs fois ministre, a désormais pris les devants. Il s‟agit pour elle de « promouvoir un nouveau maillon à grand gabarit entre la future liaison Moselle-Saône, avec un raccordement ultérieur vers le Rhin supérieur via Mulhouse, sans préjuger du tracé qui sera retenu in fine, entre 68 Neuves-Maisons, près de Nancy, et Saint-Jean-de-Losne, en Bourgogne » . Dans l‟ordre des priorités françaises de grands travaux fluviaux, il semble établi que Seine-Nord vienne d‟abord, puis Saône-Moselle et enfin seulement Saône-Rhin. La Lorraine a inscrit les études pour la faisabilité d‟un canal entre Neuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle) et Saint-Jean-de-Losne (Côte-d‟Or) à son Contrat de Projet État-Région 2007-2013, alors que la liaison Saône-Rhin ne bénéficie toujours pas de soutien de la part des collectivités concernées. Tout au plus le Conseil général du Jura soutient-il la mise au grand gabarit d‟une vingtaine de kilomètres de voie d‟eau, entre Pagny et Choisey, pour la desserte de la nouvelle zone d‟activités « Innovia » située sur une centaine d‟hectares à côté de l‟usine Solvay de Tavaux. En 2007, tous modes de transport confondus, les flux de marchandises atteignent 101 millions de tonnes pour Saône-Rhin dont plus de la moitié sous 68 Communiqué commun établi à l‟issue de la réunion de travail entre les membres des bureaux du Consortium pour le Développement des Voies navigables de l‟Est et du Sud-Est et de l‟Association Seine-Moselle-Rhône, 29 juin 2007. 259 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 forme de transit (Conseil général du Haut-Rhin, 2007). Mais pour le directeur d‟études d‟Eurotrans Consultants, la rentabilité ne peut être atteinte qu‟à trois conditions majeures69: La conteneurisation est indispensable. Sur un bateau, deux couches de conteneurs suffisent, à condition de les articuler avec des pré- ou postacheminements maritimes. Le canal devra être à « énergie positive » ; la vente d‟hydroélectricité assurera l‟équilibre financier en complément des péages. Il reste à trouver un tracé optimal. Si la vallée du Doubs offre la meilleure hydrologie, l‟idée de la remontée de la Saône aussi loin que possible vers l‟amont et la réalisation d‟un barreau à travers la Haute-Saône méritent d‟être approfondies. Remise à plat de la problématique du transport fluvial Il y a une génération seulement, qui croyait à l‟utilité des vieux canaux qui avaient de moins en moins de marchandises à transporter ? Qui pensait voir les paquebots de l‟industrie touristique à côté des barges de conteneurs du Rhin et du Rhône ? Seule une poignée de précurseurs voyait loin : quelques excentriques britanniques et américains circulaient sur le réseau Freycinet, les transporteurs rhénans se lançaient dans la conteneurisation fluviale et, à Strasbourg, la famille Schmitter créait l‟entreprise Alsace-Croisières (devenue CroisiEurope). Depuis le creux historique de 1997, le transport fluvial est sorti d‟une longue période de stagnation en Europe. Il avait longtemps été voué au transport des pondéreux, comme le gravier, le charbon ou les produits pétroliers, de moins en moins nécessaires à l‟économie post-industrielle. Mais, dès 1969, le port de Strasbourg avait connu une révolution discrète, celle de la conteneurisation. Inventées aux États-Unis en 1965, ces grandes boîtes métalliques standardisées (20 ou 40 pieds de long) empruntent indifféremment la route, le fer, la voie d‟eau ou les fleuves. Il est particulièrement aisé de les transborder d‟un mode à l‟autre, pourvu que l‟on dispose d‟un portique ou d‟une grue mobile qui assurent la manœuvre en un tour de main. Et à l‟intérieur de la « caisse », la marchandise est sécurisée. C‟est pourquoi le trafic en vrac ne cesse de diminuer au profit de la conteneurisation, y compris dans le cas des pondéreux, à l‟image des grumes de bois vosgien ou encore de certains produits minéraux. Dans les ports d‟Anvers et de Rotterdam, les porte-conteneurs rhénans de 135 mètres de long peuvent charger jusqu‟à 470 EVP70 sur quatre rangs en hauteur. Mais la faiblesse du tirant d‟air à partir du Pont de l‟Europe à Strasbourg limite leur empilement à trois rangs en continuant vers l‟amont. En 2004, le nouveau terminal de conteneurs de la capitale alsacienne a donc été construit au nord de la ville. 69 70 NPI, N°6-7 2007, cf. p. 244. Équivalent Vingt Pieds. 260 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 En Alsace, le trafic total du Rhin représente l‟équivalent d‟une autoroute surchargée (24 millions de tonnes en 2004). Venant des Amériques et de l‟Asie du Sud-Est principalement, les conteneurs sont débarqués à Anvers et à Rotterdam, puis remontent le Rhin en 70 heures jusqu‟à Strasbourg. Dans l‟autre sens, la descente est effectuée en 40 heures. Les armateurs sont principalement hollandais, belges, allemands ou suisses. Parfois, ils s‟associent pour créer une société, à l‟image de Penta apparue en 1987, lorsque cinq entreprises de Bâle, Rotterdam et Strasbourg ont fait circuler une navette de conteneurs vers la Mer du Nord. Les horaires sont fiables et les accidents rarissimes ; seules les crues ou les basses eaux peuvent gêner les entreprises. Le boom de la conteneurisation constitue l‟argument principal en faveur de la voie d‟eau à grand gabarit. Après un long immobilisme, la Saône et le Rhône sont entrés dans ce jeu en 2002, lorsque la société Rhin-Saône Conteneurs a lancé la première navette fluviale de la vallée du Rhône. Depuis 2004, Alcotrans, un spécialiste rhénan de la conteneurisation, relie Fos-sur-Mer et Pagny (Côte-d‟Or) avec des navires de 280 EVP de capacité. En 2005, le trafic de conteneurs a augmenté de 20,2% sur le Rhône. Mais aujourd‟hui, les grands ports maritimes sont submergés par les conteneurs (Marcadon, 2005). Ils cherchent par conséquent à les expédier massivement au loin dans leur arrière-pays. Il leur faut disposer d‟un axe à grand débit, ponctué ou bien terminé par des ports intérieurs où le camion prend le relais pour la livraison finale. Hafenpolitik ist Kanalpolitik ont coutume de dire les Allemands. À ce jeu, la voie d‟eau à grand gabarit est imbattable. Elle pourrait constituer la colonne vertébrale d‟un système logistique régional. La plate-forme d‟Ottmarsheim figure à présent parmi les tout premiers ports fluviaux de conteneurs en France. Elle vit au rythme des expéditions de pièces détachées des usines Peugeot-Citroën vers ses usines outremer ; un marché qui se ferme (comme l‟Iran en 2005) ou un autre qui s‟ouvre (comme les « collections » de pièces de C4 vers la Chine en 2006) impactent fortement sur ses résultats annuels. Dans l‟agglomération de Bâle, c‟est la plate-forme allemande de Weil-am-Rhein qui monte progressivement en puissance. Dans son Livre blanc, l'Union européenne semble décidée à favoriser l'intermodalité depuis les grands ports maritimes : « En ce qui concerne les transports routiers de marchandises sur des distances supérieures à 300 km, faire passer 30 % du fret vers d'autres modes de transport tels que le chemin de fer ou la navigation d'ici à 2030, et plus de 50 % d'ici à 2050, avec l'aide de corridors de fret efficaces et respectueux de l'environnement. Pour atteindre cet objectif, il faudra également mettre en place les infrastructures requises. Pour 2050, veiller à ce que tous les ports maritimes de base soient reliés de manière suffisante au système de transport ferroviaire de marchandises et, selon les possibilités, au système de navigation intérieure. Mettre en place un cadre permettant d'optimiser le fonctionnement du marché intérieur de la navigation intérieure et supprimer les barrières qui freinent le recours à ce mode de transport ; analyser et définir les mesures nécessaires et les mécanismes requis pour leur mise en œuvre, en les inscrivant dans un contexte européen plus large »71. 71 Livre blanc Transports 2050 de l'UE, Feuille de route pour un espace unique européen des transports, vers un système compétitif et économe en ressources, Bruxelles, 28 mars 2011. 261 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Le tourisme fluvial Aujourd‟hui, dans un monde urbanisé et sous tension, le tourisme fluvial connaît un succès aussi grandissant qu‟inattendu. La liaison Saône-Rhin « devait emprunter la vallée du Doubs, traverser les agglomérations de Mulhouse, Montbéliard, Besançon et Dole, passer à proximité de 33 sites classés ou inscrits, 36 monuments historiques et 196 sites archéologiques » (Conseil général du HautRhin, 2007). Cette réalité a été stigmatisée par les défenseurs de l‟environnement. Elle a été peu utilisée par les promoteurs du canal en vue d‟un développement touristique. Il est vrai que si de nombreux endroits présentent un intérêt historique ou scientifique, la liaison Saône-Rhin ne peut pas se prévaloir d‟un point d‟attractivité naturel de caractère exceptionnel, comme la Trouée héroïque du Rhin ou encore le méandre de Cloef sur la Sarre. Mais les paysages urbains de Besançon, de Neuf-Brisach et de Longwy ont été classés sur la liste du patrimoine mondial UNESCO grâce au patrimoine militaire de Vauban. La croissance du tourisme fluvial n‟a rien de spontané. Les croisiéristes (au long cours ou d‟excursion) procèdent de logiques industrielles, avec des flux importants, sauf lorsqu‟il s‟agit de niches de marché orientées principalement vers le tourisme de luxe. Il peut s‟agir de sociétés maritimes qui se tournent accessoirement vers le domaine fluvial, ou encore de filiales de grands voyagistes anglo-saxons. Les artisans sont parfois des saisonniers ou encore des transporteurs locaux de voyageurs. Davantage centrés sur le petit gabarit, les loueurs ont constitué un oligopole international complété par une quantité de loueurs régionaux. Les sociétés multiservices disposent de compétences dans l‟immobilier et l‟architecture ; elles peuvent créer de petites stations touristiques dans les ports fluviaux, avec des hôtels, des centres sportifs, de santé ou encore des marinas. Enfin, les chantiers navals, les entreprises de réparation et de vente d‟accessoires viennent compléter le tableau. Les Voies Navigables de France ont relativement bien entretenu le vieux réseau des canaux Freycinet, devenu le royaume de la pénichette, tout en développant l‟axe du Rhin au grand gabarit, fréquenté par les paquebots. Un équipement à terre est indispensable, sous forme de halte (un point d‟arrêt ou de stationnement), de relais nautique (qui offre des installations sanitaires et éventuellement du carburant) ou mieux, de port de plaisance qui intègre des locaux d‟accueil, une station-service, voire de la réparation navale et des marinas (avec des résidences « pieds dans l‟eau »). Le destin régional du tourisme fluvial dépend d‟une communauté de travail où l‟État, les collectivités, les Chambres de Commerce et d‟Industrie, les entreprises ainsi que diverses associations s‟organisent pour valoriser ce nouveau désir d‟évasion. Des paysages culturels, des infrastructures soignées et un état d‟esprit ingénieux sont indispensables à son développement. Dans la région du Rhin supérieur, Strasbourg et Bâle, chacune à sa manière, constituent de très loin les principaux pôles du tourisme fluvial. À Strasbourg, plus de 700 000 passagers empruntent chaque année les bateaux-mouches, qui assureront bientôt un service urbain de bateau-bus. En outre, l‟entreprise familiale CroisiEurope, forte de 25 navires et première en Europe, compte plus de 900 262 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 salariés. Ses navires longs de 110 mètres et dotés d‟une soixantaine de cabines en sillonnent les grands fleuves. La réalisation de la liaison Saône-Rhin à grand gabarit permettrait de développer une offre pour des croisières de deux semaines entre Marseille et Amsterdam, ou bien de proposer des tronçons plus courts. Ce « modèle » touristique existe déjà entre le Rhin et le Danube ; il connaît un succès important, autant pour la navigation à grand gabarit que pour les véloroutes et les excursions locales (Woessner, 2007). À proximité immédiate de Saône-Rhin, Bâle, forte de ses ports et de sa fiscalité avantageuse, apparaît comme une métropole financière du tourisme fluvial connectée sur les États-Unis, où, selon une logique très anglo-saxonne, fleurissent les sièges sociaux (dont celui de Viking Cruises, au premier rang mondial), le lobbying professionnel (IG River Cruise) et les cabinets de consultants (River Advice). Sur la Saône, le carrefour bourguignon produit ses effets à Saint-Jean-deLosne (Côte-d‟Or). Situé à la charnière du petit et du grand gabarit, il constitue le premier port fluvial français de plaisance. Ce bourg voit passer 5 000 bateaux par an, dont 90% d‟embarcations de plaisance. Une marina y offre 150 anneaux, un hôtel-restaurant et un centre de vacances. Sa capacité totale annuelle est de 200 000 touristes et plaisanciers. La société britannique Crown Blue Line, un loueur de pénichettes arrivé en 1981, en est le principal investisseur. On retrouve ce contexte d‟ouverture au nord des Vosges, où le canal de la Marne-au-Rhin est très fréquenté par des plaisanciers venant d‟Allemagne et du Benelux. Mais cette progression est entachée par l‟absence de réseau complet en Alsace. Compétente pour le développement économique, la Région Alsace s‟intéresse pourtant au développement du tourisme fluvial. La loi du 13 août 2004 prévoit de décentraliser un certain nombre de canaux. L‟État conserve les « canaux magistraux », c‟est-à-dire de grands axes d‟intérêt national, tous gabarits confondus. Mais les voies décentralisables ne l‟ont pas été dans les faits parce que la loi ne prévoit pas de transferts financiers ; en effet, VNF conserve la principale ressource financière, celle des droits d‟eau. C‟est pourquoi ni les Régions ni les Conseils généraux n‟ont saisi cette opportunité (à l‟exception du canal de la Bruche, non-navigable, repris par le Conseil général du Bas-Rhin le 1er janvier 2008). Dès le Contrat de Plan 2000-2006, il était prévu de rénover le canal du Rhône-au-Rhin au sud de Strasbourg. Mais, d‟après la Région, VNF a sous-estimé le montant des travaux de rénovation. Finalement, 8 écluses sur 11 ont été refaites et il manque un pont près de Marckolsheim. L‟État ne veut pas accorder de rallonge budgétaire. Tout est donc bloqué, d‟autant plus que le Contrat de Projet 2007-2013 s‟est désengagé de ce genre de problématique. Au sud, le segment parallèle au Rhin du canal du Rhône-au-Rhin a été déclassé depuis qu‟il passe en siphon sous les autoroutes A35 et A36. Entre Huningue et Kembs, une autre coupure crée une impasse vers Bâle. En allant vers le Doubs, le Rhône-au-Rhin est peu fréquenté. Il est souvent mis en chômage pour cause de réfection. Il souffre de sa longue mise à l‟écart due à l‟attentisme qui a prévalu entre 1965 et 1997, jusqu‟à ce que l‟État renonce à sa mise à grand gabarit. Depuis Mulhouse, il jouit pourtant d‟un accès royal au Rhin depuis les années 1990, lorsque la section Mulhouse-Niffer à grand gabarit a été renaturée, avec ses laisses et ses frayères. En 1997, le plan compensatoire à l‟abandon de la 263 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 modernisation du canal du Rhône-au-Rhin prévoyait un développement touristique qui est resté lettre morte, même si le Conseil général du Doubs travaille sur un projet de véloroute Nantes-Budapest. À Mulhouse même, les nouveaux ponts de la voie Sud et du tramway passent redoutablement au ras des têtes des plaisanciers. Enfin, le tourisme fluvial peut devenir un outil pour la reconquête patrimoniale. Dans les centres urbains, des quais à l‟abandon sont alors transformés en pôles touristiques et résidentiels, sous forme de waterfronts synonymes de métropolisation. L‟agglomération bâloise commence à expulser ses activités industrialo-portuaires vers l‟aval du Rhin au profit de nouvelles fonctions technologiques, universitaires, résidentielles et touristiques. A la campagne, les canaux traversent des espaces relativement délaissés, à l‟écart des axes de croissance, où les paysages sont comme figés depuis souvent plus d‟un siècle. La directive européenne Natura 2000 leur apporte une nouvelle chance de développement harmonieux et durable. Ainsi, pénichettes et paquebots peuvent replacer le monde fluvial au centre de la vie, lorsque le miroir de l‟eau suspend le temps pour un moment. Tracé Si l'on résume l'attitude historique des collectivités, l'Alsace a apporté un soutien mitigé et a délivré des signaux positifs faibles. Mulhouse semble avoir renoncé ; en 2006, deux nouveaux ponts et une écluse de type Freycinet sont apparus, qu‟il faudrait détruire en cas de mise au grand gabarit ; de même, en 2011, le shunt court du TGV Rhin-Rhône enjambe le canal Freycinet en respectant son gabarit. Quant à la Franche-Comté, elle a été plutôt indifférente voire hostile, y compris à Belfort d'où partent pourtant les convois exceptionnels d'Alstom par la route. Rhône-Alpes et PACA sont favorables mais peu d'actes concrets de leur part sont visibles. Finalement, c'est la Lorraine qui fait preuve d'un volontarisme explicite pour la défense d'une liaison Moselle-Saône. Depuis l'abandon du projet de 1997, c'est elle qui a su capitaliser un avantage grâce à un travail de lobbying efficace. Ainsi, « dans l'immédiat, il s'agit de poursuivre d'ici 2012 et conformément à la loi du 3 août 2009 issue du Grenelle de l'Environnement, les études nécessaires à la réalisation d'une liaison fluviale à grand gabarit entre les bassins de la Saône et de la Moselle, en envisageant l'intérêt d'une connexion fluviale entre la Saône et le Rhin qui fera l'objet d'études complémentaires préalables. (...) Conformément au mandat donné par le gouvernement au préfet coordinateur les études excluent la vallée du Doubs entre la Saône et le Rhin » écrit le Comité de pilotage du « débat 72 public liaison fluviale Saône Moselle Saône Rhin » . Du coup, le tracé qui émerge est celui d'une patte d'oie en venant de la Saône. D'une part, le grand gabarit continuerait vers Nancy selon un tracé qui reste à définir entre trois fuseaux concurrents. D'autre part, à partir de Conflandey (215 m. d'altitude, Haute-Saône), une branche Saône-Rhin nécessiterait un double seuil de franchissement ; elle longerait le piémont des Vosges via Vesoul, Luxeuil-les-Bains 72 Communiqué de presse, 22 novembre 2010. 264 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 (310 m.) avant de redescendre vers Lure puis de remonter à Champagney (362 m.) avant la descente vers Fesches-le-Châtel (331 m. Doubs) où l'on rattraperait le trajet du vieux canal du Rhône-au-Rhin à travers le Sundgau. Le tout est suspendu à la décision de l'État de réaliser la liaison Seine-Nord, qui marquerait le retour du fluvial en France... Conclusion provisoire pour un vieux débat De fait, ce n‟est que dans une perspective systémique que la voie d‟eau à grand gabarit apparaît séduisante. Elle permet d‟échapper au stress généré par la vitesse pure au profit de liaisons cadencées en juste-à-temps. Elle implique de reconsidérer la gestion de l‟eau dans les bassins-versants concernés, à une époque où les risques climatiques engendrent davantage de sécheresses et d‟inondations. Elle offre des perspectives à des activités de loisirs et de tourisme qui croissent rapidement en Europe sur et à proximité des voies d‟eau. Enfin, dans une vision réticulaire défendue notamment par le Consortium des Voies Navigables de l‟Est et du Sud-Est, Seine-Nord serait le premier maillon d‟un Grand Est fluvial reliant les bassins de la Seine, de la Meuse, du Rhône et du Rhin et maillé par des plates-formes d‟éclatement intermodales. En réalité, il ne s‟agit pas d‟aller et de venir d‟un bout à l‟autre de l‟axe rhéno-rhodanien, mais de disposer d‟infrastructures améliorant l‟accessibilité à deux échelles : soit en ouvrant des débouchés sur des métropoles ou bien sur l‟une ou l‟autre façade maritime ; soit en favorisant le rapprochement interurbain régional. Il est évident que, depuis l'échec de 1997, aucun chantier interbassins ne sera ouvert entre Rhône et Rhin dans les années qui viennent. Face à de fortes oppositions, principalement écologistes, et à un État prompt à se désengager pour des raisons budgétaires, les porteurs du projet n'ont pas pesé bien lourd jusqu'ici. De plus, la SORELIF était apparue comme un bâtisseur technocratique, dans le sens péjoratif où la technocratie apparaît éloignée des préoccupations des habitants et de leurs représentants. À présent, si l'on veut réaliser une liaison interbassins, il faut construire un jeu d'acteurs puissant et multiniveaux, depuis l'Union européenne jusqu'aux communes concernées par les tracés. Significativement, en décembre 2011, M. Richert, ministre chargé des collectivités territoriales et président de la Région Alsace, a pris la présidence du Consortium des Voies Navigables de l'Est et du Sud-est, un lobby pro-voie d'eau basé à Mulhouse. Il faut aussi définir une vision fondée qui puisse fédérer les opinions en la fondant sur les trois piliers du développement durable. Ouvrages cités Bonnafous A. (1997), « Le projet de liaison Rhin-Rhône à gabarit européen ou les mystères d‟un pari », Annales de Géographie, Infrastructures de transport et organisation de l‟espace en France au seuil du XXIe siècle, n°593-594, cf. p. 107 – 128. Christen B., Fortin O. (dir.), « Les couloirs Rhin-Rhône dans l‟espace 265 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 européen », Actes du colloque de 1989, Lyon, mars 2002, 71 p. Corbier F. (1999), Le grand canal Rhin-Rhône. Les méandres politiques et cognitifs d’une expertise pluraliste, Diplôme d‟Etudes Approfondies institutions et politiques publiques, Université de Paris I, PanthéonSorbonne, 91 p. Kammerer L. (1978), Le projet Rhin-Rhône et la décision administrative et politique, Paris IX Dauphine, Thèse de 3e cycle « Science des Organisations », 569 p. Marcadon J. (2005), « L‟innovation dans l‟industrie du transport maritime », Cahiers nantais, N°62-63, cf. p. 161-170. Prud‟homme R. (2000), « La contribution des infrastructures au développement local », Les 3e entretiens de la Caisse des Dépôts, Comment améliorer la performance économique des territoires ?, Société des acteurs publics, 372 p., cf. p. 137-148. Prud‟homme R. (2006), « Analyse socio-économique du projet de canal Seine-Nord », Transports n°440. Woessner R. (2007), « L‟émergence du tourisme fluvial en Europe », Actes du colloque des commissions nationales de géographie transport et tourisme, Chambéry Collection Edytem Cahiers de Géographie n°42006. 266 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Le « GCO » de Strasbourg, un projet proposé et débattu dans des contextes évolutifs (rédaction octobre 2011) – Henri Nonn Il s'agit d'un projet illustratif de l'incidence des contextes pesant sur la réalisation d'une infrastructure routière importante. Plusieurs fois avancé en 40 ans, il révèle combien de tels aménagements dépassent leurs dimensions techniques et financières, tant y jouent les aléas d'ordre socio-économique, urbanistique et politique. Ses enjeux ont évolué avec le temps en précision, en complexité, en perspective, et donc en argumentaires favorables ou défavorables : d'un positionnement d'abord urbain, et de développement métropolitain et régional, on passe à une inscription dans le champ du développement durable, où sont évoquées les vues du transport multimodal, la transversalité des objectifs, les positions d'acteurs multiples, la gouvernance « multi-niveaux »... Les émergences successives du projet L'élaboration du SDAU de la région strasbourgeoise (années 1970-1973) a constitué la première phase de gestation d'un « grand contournement ouest de Strasbourg », de nature routière. Le schéma directeur alors préparé se voulait de « prévoyance » plutôt que de prévision jusqu'à l'horizon 2000. À l'époque, Strasbourg venait d'être promue « métropole d'équilibre » dans le cadre national, au titre de « métropole sur le Rhin », par des instances nationales fortes et décisionnaires ; envisagée dans son contexte rhénan certes dense et dynamique, mais encore cloisonné par les frontières. D'où une perspective toujours configurée sur « 180 degrés », et dans un traitement de l'Ouest de l'agglomération. En phase avec le plein emploi des années 1960-1970, et avec une attractivité sensible tant de l'agglomération (soldes migratoires de la CUS = + 18 700 personnes entre 1962 et 1968, et + 5 460 entre 1968 et 1975) que de la région (4° rang national en bilans migratoires interrégionaux = + 15 080 entre 1962 et 1968, + 5 460 entre 1968 et 1975), on envisageait un quasi doublement de population pour l'an 2000 : selon un modèle « d'urbanisation étalée », l'ensemble urbain atteindrait les 650 000 âmes, et selon une vue « d'urbanisation concentrée », le volume de 800 000 habitants. La place des institutions européennes dans la cité, et la construction européenne en chantier devaient en outre inciter à entreprendre une amplification des capacités de connexion et de circulation de l'Alsace et de sa capitale. Mais l'existant comportait maintes faiblesses À l'opposé du Bade voisin, disposant de l'autoroute « Hafraba », l'Alsace n'avait pas d'autoroute méridienne (le contournement de Sélestat date de 1981 et la RN83, de part et d'autre, était bien insuffisante). Pour l'agglomération strasbourgeoise, l'A4 vers Paris était en chantier pour « ouvrir » en 1976, à partir d'une pénétrante Nord réalisée en 1971. Une pénétrante Sud poussée jusqu'aux portes de Molsheim a été fonctionnelle en 1966, et une « rocade Ouest » les reliant date de 1971 : or, elle tangente directement le noyau urbain (en utilisant les 267 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 terrains restés non aedificandi des fortifications de la ville du Reichsland, même après leur déclassement de 1922), sur laquelle on greffe une courte pénétrante Ouest en 1972, à peine allongée depuis. Un grand contournement pouvait être ainsi un tronçon d'une méridienne régionale (de Brumath-Vendenheim au Bruch de l'Andlau et au nord de Sélestat) – encore que paraisse bloquée toute extension en Alsace du Nord (transformation du CD 300 en voie rapide ou autoroutière) par le refus allemand de laisser traverser la forêt du Bienwald – ; du moins la jonction avec l'A4 serait ouverte sans recours à la rocade Ouest de Strasbourg. Un contournement sans péage fut donc inscrit, la « prévoyance » consistant à réserver des emprises dans les endroits les plus contraints dans les documents d'urbanisme locaux. Le zonage prévalant en urbanisme permettait l'essor de zones d'activités aux abords de la ville : celles nées dans les années 1960-1970 en restèrent proches : Schiltigheim, Bischheim, Hoenheim, Illkirch, à l'exception de Reichstett, de Fegersheim-Lipsheim, de la Plaine de la Bruche, et des amorces de zones commerciales (Vendenheim, Geispolsheim) : un « peuplement » nourri notamment par « exurbanisations » ou « expansions », et par des établissements issus d'investissements extérieurs à la région, ceux-ci s'intéressant cependant aussi à de nombreux autres lieux d'implantation dans le département. De sorte que le « fuseau » d'un GCO ne paraît pas avoir été guidé par cette dimension économique, hormis une référence à l'aéroport d'Entzheim. Un Schéma de secteur du SDAU préservait le bastion agricole du Kochersberg (mieux que les lisières des autres espaces d'agriculture de la plaine d'Erstein, des Collines de Brumath, ou de l'avant-piémont de Niedernai-Blaesheim). Toutefois les intentions émises dans le projet restaient limitées tant à propos des propositions techniques que dans ses liens aux développements d'habitat ou aux précautions en matière d'environnement : l'essentiel étant, par-delà les besoins de liaisons de banlieue à banlieue (la VLIO), de poser de jalons pour une infrastructure routière de la Plaine d'Alsace à distance (environ 15 km) de la cathédrale et de la rocade urbaine. Suit une période de latence : des années 1975 à 1990 Plusieurs facteurs interviennent pour que le projet ne progresse pas. La récession économique des années 1975-1985 entraîne un coup d'arrêt dans le dynamisme de la population et de l'emploi industriel. Les soldes migratoires de la CUS deviennent déficitaires (1975-1982 = - 5 740 hab. ; 1982-1990 = - 1 520, en partie aussi du fait de la périurbanisation résidentielle il est vrai) et ceux de la région tombent à + 1 140 entre 1975 et 1982, et à + 7 seulement entre 1982 et 1990. L'emploi industriel de l'unité urbaine strasbourgeoise a été ramené de 57 820 à 56 670 entre 1968 et 1975... Les échanges entre « villes moyennes » du Bas-Rhin, malgré les évolutions positives de leur base économique depuis 1962, restent modestes : les industries se sont en fait « internationalisées » ou « métropolisées » sans beaucoup accroître entre elles les flux marchands, et les navettes de travailleurs ont plus crû avec la 268 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 métropole régionale qu'entre elles : l'intérêt pour un GCO à distance de Strasbourg ne s'est donc pas renforcé. L'Alsace a ressenti pourtant des inquiétudes vis à vis de sa « vocation » d'axe méridien au niveau européen : la concurrence faite au couloir rhénan par l'axe Londres-Paris-Lyon-Marseille, ou par des liaisons Mer du Nord ou Baltique-Italie, a relancé la réalisation d'une A35 plus complète (contournante de Colmar, amorce de la VRPV, aménagements en Alsace du Nord) dotée de greffes vers le Rhin et le Bade... sans toutefois amener à inscrire le GCO dans les Contrats de Plan État-Région antérieurs à 1999. En revanche, la croissance du parc automobile régional était remarquable (doublement des immatriculations des voitures neuves entre 1983 et 1989, parc total monté à plus de 800 000 en 1991), sensibilisant les instances publiques aux nuisances et aux développements ferroviaires régionaux. D'autant que les préoccupations environnementales émergent des lois de protection de la nature, sur l'air, sur l'eau... (entre 1976 et 1992), et que les associations naturalistes se font entendre (Marckolsheim, 1974-1976). Les gouvernances nées de la décentralisation prônée depuis 1983 font prendre en compte davantage de besoins territoriaux, avec moins de focalisation sur la grande métropole régionale (par ailleurs soutenue par les Contrats triennaux « Strasbourg, ville européenne ») et infléchissent le système polarisé et hiérarchisé prévalant vers une « métropolisation partagée dans une région urbaine ». Les procédures des SDAU sont décentralisées, les maires détiennent les permis de construire, donnant moins de cohérence ou de maîtrise sur les amplifications de l'urbanisation. Ces divers contextes rendent compte sans doute de la latence constatée. Depuis les années 1990, une reprise du projet s'adapte à des changements notables de positionnements. Notons d'abord la prise en considération plus « globale », plus « intégrée », des questions de transports et déplacements (vues modales, intermodales ou plurimodales, combinaisons des réseaux et des échelles spatiales, programmations). La Région a signé avec la SNCF sa première convention en 1992 ; les services de l'Équipement et de la Région ont entrepris un Schéma régional des transports en 1994, prolongé par le Schéma multimodal des services collectifs de transport issu de la loi Voynet de 1999 et des objectifs de l'État définis en 1998, comme d'une « Étude plurimodale des transports dans le Rhin supérieur » (2001). Plus localement, les « Scots » et les Plans de déplacements urbains vont dans le même sens, et diverses instances mettent en œuvre des dessertes en transports collectifs : tram, tram-train, transports de proximité, par ex. Questions énergétiques et environnementales y sont intégrées ou associées. Le succès des TER, depuis la convention entre Région et SNCF de 1996, ne se dément pas : passant de 330 trains en 1996 à 500 en 2003, et 690 fin 2009, avec des progrès de trafics compris entre +7 à +13% l'an (60 000 voyageurs/jour en 2008) ; lignes et gares sont modernisées. La VRPV est parachevée en 1999/2001, comme plusieurs contournements urbains (Colmar, Haguenau, Molsheim en chantiers) entre 1993 et 2010, et le GCO inscrit en « études » dans le CP-ER 2000-2006, puis en programme dans le suivant. 269 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Au plan économique, le modèle « exogène » de développement – en appui sur les investissements extérieurs à la région – perd de son souffle, les moteurs de la compétitivité (technologies, innovation, créativité) valorisant désormais la connaissance et les compétences du capital humain. La métropolisation strasbourgeoise permet alors le maintien de l'emploi et de l'attractivité sur l'agglomération et dans une ample aire urbaine (plaine et piémont), comme une dilatation des migrations pendulaires à son profit au-delà d'une ligne isochrone de 20-25 mn (1990) jusqu'à 30-35 mn en 1999 (étude Adeus). La périurbanisation elle aussi est en accroissement : les « communes périurbaines » de « 2ème couronne » (monopolarisées par l'agglomération) passent de 112 en 1990 à 166 en 1999 dans « l'aire urbaine Insee » (laquelle contient 612 000 hab., soit 35% de la population alsacienne). Les emplois sur la CUS se sont accrus de 27 530 unités entre 1990 et 1999, dont + 23 915 dans l'unité urbaine, et hors CUS de 15.610 au sein de l'aire urbaine. Celle-ci totalise en 1999 quelque 268 540 emplois – amplement pourvus de migrants quotidiens. On en arrive à une amplification des engorgements aux entrées de la ville aux heures de pointe (elles aussi dilatées) de tous côtés : depuis Gambsheim (avec 21 000 v/j en moyenne en 1995), Brumath (54.800), Truchtersheim, Ittenheim (19 500) Duttlenheim et Niedernai (42 500) ou Erstein (43 680) – v. comptages DRE et carte DNA du 3-7-2005 –, avec ses cortèges de nuisances et d'accidentologie. Les grandes voiries sont surchargées : la section la plus urbaine de l'A35 avoisine les 150 000 v/jour, dont 11 000 poids lourds, la RN 83 dépasse les 40 000 v/j à Fegersheim en 1994, l'A35 depuis Hochfelden les 21 000. Les accroissements de trafics ont dépassé les 5%/an en début de décennie, et encore de 2% depuis. Le décret lançant les travaux du TGV-Est en mai 1996 fait envisager une polarisation supplémentaire d'attractivité de Strasbourg. Il est temps, semble-til, de « revoir » le fonctionnement du « système Transports » de l'aire urbaine. Et voici que, en Allemagne, on parle d'une taxe sur les poids lourds (la LKW Maut), dont on redoute des retombées sur le réseau routier et autoroutier alsacien ; il convient d'en « finir » le maillage... L'État décide la relance du GCO (1999-2005) Divers travaux préliminaires ont amené l'État à décider la reprise du projet, dans le cadre de la Circulaire du 15-12-1992 relative à la conduite des grands projets nationaux d'infrastructures, dite « Procédure Bianco » : en particulier en fonction du Schéma national des transports, du Schéma régional (+ celui des services collectifs consacré aux transports), comme des Schémas multimodaux (Région et Rhin supérieur) ci-dessus évoqués. La DRE a préparé en mars 1999 un « Dossier pour un débat », avec pour titre « Contournement Ouest de Strasbourg – liaison A4 – RPV » (le premier élément en gros caractères, le second en plus petits) ; il est destiné à fournir : a) un diagnostic et une évaluation des besoins à l'horizon 2020 au vu d'une analyse des flux en relations avec les contextes régionaux et européen, la métropolisation strasbourgeoise, les dimensions environnementales ; b) un état des niveaux de services des différents systèmes modaux ; c) des perspectives en termes de volumes de trafics, de coûts – énergétiques et 270 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 de déplacements – ; d) des propositions de « fuseaux » d'implantation du GCO comparés quant à leurs avantages ou inconvénients. C'est la base qui alimente les étapes de la procédure. Cette procédure implique le respect de l'enquête publique depuis la loi « LOTI » (31-12-1982) et la loi Bouchardeau du 12-7-1983 ; elle instaure la mise en place, auprès du Préfet pilote de l'instruction, d'une « Commission de suivi » garantissant la transparence et la pertinence des informations ainsi que la bonne tenue des consultations auprès des élus, des organisations sociales et professionnelles et des services publics, et susceptible d'initier des expertises : ceci au cours du débat dit « d'opportunité ». Du bilan tiré par le Préfet découle le cheminement vers la définition du Cahier des charges (document public) soumis au Ministère, puis les concertations et l'enquête publique débouchant ou non sur la Déclaration d'utilité publique. En voici sommairement le calendrier : Débat d'opportunité : septembre-novembre 1999, rapport de la Commission de suivi =1-12-1999, synthèse du Préfet et transmission au Ministère, février et juillet 2000. Ont été consultés : les représentants des professions et organismes des transports, ceux des Associations, des commissions spécialisées du Conseil régional, du CESA, du Conseil général, de la CUS, de l'Association des Maires, des chambres consulaires, soit quelque 180 personnes mandatées. NB : un compte-rendu en a été établi par les services de la DRE ; la commission de suivi a été ultérieurement invitée aux échanges de la phase suivante de concertation, et son rapport intégré aux « Cahiers d'acteurs » publié en 2005. Le débat a conclu à l'opportunité – voire à la nécessité – du GCO, déterminé le choix du fuseau et on a procédé à l'établissement du projet de Cahier des charges de l'infrastructure (arrêté le 6-6-2000). En prolongement, ont été, de 2000 à 2002, menées des études de « clauses techniques particulières », comme confiées à des consultants et au CETE de l'Est les « études préliminaires d'avant-projet sommaire », toutes précisant les aspects liés à l'environnement et aux paysages, à l'agriculture, aux « effets économiques et sociaux »… ; d'autres travaux ont affiné les simulations de trafics, les articulations intermodales, les modalités de concession (péage), la requalification possible de la rocade A35... L'avant-projet avec son cahier des charges en vue de l'enquête publique est arrêté en mars 2002. Démarre alors la phase de concertation : 5 réunions publiques locales de communes inscrites dans le fuseau retenu (2003) ; 8 groupes de travail mis en place pour permettre l'expression des personnes publiques, des acteurs socioéconomiques et des associations et une synthèse élaborée (juin 2005) ; une expertise indépendante (bureau d'études TTK) ; une mise en ligne sur le net... Avec la Sté Menscom, la DRE a publié en novembre 2005 les « Cahiers d'acteurs du projet de GCO de Strasbourg » dans lequel sont présentés les points de vue de la Commission de suivi, des Présidents des grandes collectivités, des Maires du Bas-Rhin, puis ceux des communes riveraines, des acteurs agricoles, et 271 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 économiques, des Associations Alsace Nature et du collectif « GCO non merci », des usagers des transports et des transporteurs, des Syndicats de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO, CGT) ainsi que de l'État. Entre temps, le CIADT du 18-12-2003 avait inscrit la programmation du GCO dans ses décisions : sous réserve des conclusions de l'enquête publique, laquelle, reconnue favorable après les concertations, aboutit à la Déclaration d'utilité publique (DUP) par le Gouvernement le 23 janvier 2008. Par ailleurs, le Scoters avait été approuvé (2006), et le PDU mis en révision ; la « LKW Maut » allemande (péage concernant les PL) est entrée en vigueur au 1-1-2005 ; le « Grenelle de l'Environnement » a décidé de stopper les grands projets autoroutiers (mais exception faite pour le GCO) et décidé pour le budget de 2009 d'une taxe nationale sur les poids lourds > 12 t.) ; maints autres chantiers ont été ouverts dans le même temps (extensions du tramway urbain, rocade Sud et Pont Pflimlin, tram-train vers Molsheim, 3 ème ligne ferroviaire aux alentours d'Erstein, contournement de Molsheim...). En réponse à la DUP, plusieurs recours ont été déposés, et un rapport indépendant commandé par des communes réfractaires au projet ; des évolutions de positions sont opérées parmi certains élus ou courants d'opinion, des manifestations d'associations (régionales ou locales) ont eu lieu, qui poussent l'État à geler la procédure d'appel d'offre aux concessionnaires (lancée en 2007). Le Conseil d'État, quoique le rapport entendu soit défavorable, a néanmoins validé le dossier et rejeté les recours en mars 2010. Sans désarmer ses adversaires... Donc, à suivre... Les argumentaires, par-delà la procédure Plusieurs lectures sont imbriquées, impliquant des priorités sélectionnées dans les réactions : les problèmes de réseaux d'infrastructures de circulation, de flux et trafics, et d'intermodalité ; l'aménagement-développement équilibré (en interne à l'agglomération, ou à l'échelle régionale ou du Rhin supérieur) ; les conditions et formes du développement métropolitain strasbourgeois, les modalités des consultations ou d'expression des desiderata « citoyens » ; la place accordée aux questions d'environnement naturel, de biodiversité et de santé, des consommations d'espaces utiles... Des bases établies, et généralement admises, dans les diagnostics et les perspectives Prime le constat de l'engorgement de la rocade urbaine A35 : 160 000 v/j en 1999, 166 000 en 2005 ; 4 heures de circulation avec des débits de > 6 000 v/heure et jusqu'à 7 200 durant 1h 30 les jours ouvrables. Avec les inconvénients bien connus de temps de trajet, de stress, de sécurité – accidentologie, de pollutions et nuisances... Si rien n'est fait, d'ici à 2015, compte tenu des projections de tendances d'usage routier voyageurs (+ 11%) et marchandises (+ 43%) – selon la Conférence du Rhin supérieur –, il faudrait écouler 13 à 14 000 v/h durant 5 heures et en gérer 19 000 en heures de pointe ! 272 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La structure des trafics sur cette rocade est éclairée. 45% sont des mouvements internes à la CUS, 45% sont des échanges entre CUS et autres territoires alsaciens assez proches (< 100 km), et 10% correspondent à de flux de transit. Pour les marchandises, on mesure en 1994 un transit N.S de 6 millions de tonnes (entre Sélestat et Colmar, ont été décomptés 3 800 poids lourds : 12% parcourant plus de 450 km, 28% au moins 200 km, et 50% effectuant des trajets internes à l'Alsace). Pour les grands trajets, des reports modaux sont possibles (fluvial, combiné avec le rail, ferroutage), mais non sans handicaps : les ruptures de charge, les lacunes de réseau, le rôle de la nature des produits, le problème de massification des flux, les espacements des plateformes... Arguments soit expliquant le besoin de GCO du fait des insuffisances de ces alternatives, soit l'urgence de porter sur elles les efforts d'investissements. Pour les déplacements de personnes, les comptages 1994/5 fixaient à > 8 300 les flux de transit, et à 74% les modes routiers de déplacements en agglomération ou vers elle (15% des migrations journalières convergeant vers la CUS recourant alors aux TER) ; entre 1 000 et 1 500 v/j venaient d'échanges entre secteurs de villes moyennes du Bas-Rhin ou du piémont vers l'Alsace du Nord et passaient par la rocade urbaine A35... C'est l'expression des défaillances en transports collectifs périphériques tant en 1ère qu'en 2ème couronnes de l'aire urbaine (cf. VLIO, rocades incomplètes, primat du « radial »), comme de déficits de liaisons entre villes moyennes (route et rail). Maints projets et programmes émanant des collectivités s'emploient à apporter des correctifs : extension du tramway dans l'unité urbaine, tram-train vers le piémont, transport routier guidé sur la RN4, bus dans les intervalles des axes desservis par les TER (amplifiés et cadencés). Pour les uns, le GCO participe d'une démarche de complémentarité, « plurielle » et de finition de l'A35 ; pour d'autres, il ne répond guère aux besoins urgents de TC des aires périurbaines – notamment entre les radiales –, ou encore il ne résout rien des flux attendus des mises en place des TGV en gare de Strasbourg, voire il risque de capter des investissements publics appelés par les autres chantiers. Ne va-t-il pas jouer comme un « appel à trafics routiers » supplémentaire ? « Un aspirateur à camions » ? Accroître les aires externes de périurbanisation? A été validée l'approche « multi-échelles », socio-économique – non pas seulement « technicienne » – et posée comme « plurielle, simultanée et partagée ». Placer la réflexion selon des cadrages multiples a été utile à tous ; considérer la démarche sous les angles du développement économique, des activités concernées et des systèmes d'habitat, de l'urbanisme, de l'environnement et du développement durable également. C'est « le partage » autour de l'intérêt général qui a fait problème, car ce dernier est décliné selon les points de vue des uns et des autres... Pour l'étude d'opportunité, a été retenue une aire de 660-690 km² comprise entre Saverne, Obernai, Fegersheim, le Rhin et Brumath- Hochfelden ; elle n'a pas été contestée, car à même de contenir les fuseaux de tracés à examiner – peutêtre néanmoins n'englobait-elle pas l'ensemble des extensions périurbaines de l'aire urbaine déjà constituée, notamment dans les rieds N et S de part et d'autre 273 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 de Strasbourg, ni la rive droite du Rhin à sa hauteur. Dans le volet socioéconomique, il n'a été contesté que la non prise en compte des aspects de transferts ou desserrements d'activités émanant de l'agglomération, des loisirs et du tourisme parmi les champs générateurs de flux, la non consultation des agences ou services d'aménagements tels que l'Adeus et le SDAU du Bas-Rhin, les Conseils d'animation des « Pays » ou des Scots voisins, des professions de l'immobilier, des Observatoires de l'habitat, de la santé ou de l'environnement, qui auraient pu aider à poser les objectifs prospectifs. Une fois passé le cap de la décision d'opportunité, le choix majoritaire de la « variante 3 » a resserré l'analyse sur le faisceau retenu (tracé de 24 km, 49 communes, 75 km² concernés), et envisagé un trafic de l'ordre de 40 000 v/j (pour moitié de transit, et pour moitié fait d'échanges de et vers l'aire urbaine). La DRE a fait valoir que le tracé suivait au plus près les emplacements réservés dans les documents d'urbanisme, s'écartait le plus possible des aires habitées, limitait le nombre d'échangeurs, s'accompagnait de mesures adaptées aux points les plus sensibles (dans Vendenheim, franchissement en viaduc de la Bruche, patrimoine de Kolbsheim...) et de traitement paysager, comme d'ouvrages rétablissant des circulations nécessaires aux agriculteurs ; le péage serait modulé selon les usages... Des points disputés néanmoins – cf. ci-dessous –. Les arguments de la contestation Dans le registre des déplacements : L'un des arguments les plus avancés consiste à relever que le GCO ne captera que 15% seulement des trafics de la rocade urbaine, sera un encouragement au mode routier et un « appel de trafic » par la route, voire une alternative pour les PL en transit taxés du côté allemand. La rocade urbaine se retrouvera très vite engorgée d'ailleurs, bien avant 2015. Le GCO serait donc inopérant à court terme. Les autres chantiers de transports collectifs et contournements routiers urgents, vu les coûts du GCO – 337 millions d'euros (2006) –, risquent d'être retardés, alors qu'il conviendrait de considérer la validité du GCO après leurs réalisations. Il faut inverser les priorités, est-il énoncé. Plus urgents sont les bus à haute fréquence en zones périurbaines, les aménagements encourageant les TER et tram-trains, les équipements favorables aux intermodalités, les plans de déplacements des salariés d'entreprises ou les dessertes de zones d'activités... Le péage est à replacer dans un contexte d'équité : divers acteurs revendiquent la gratuité, ou le rachat du péage par le Conseil général pour les habitants du secteur, car on ne paie pas pour l'A4 entre Hochfelden et Strasbourg ni sur la VRPV... Certains estiment que manquent encore une vision et une gestion globales de flux, une politique affirmée de l'intermodalité à courte, moyenne et longue distance (usage des TC urbains pour les dessertes et distributions urbaines, meilleures maîtrises et connexions des plateformes logistiques alsaciennes, conteneurisation 274 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 et ferroutage ou fluvial pour les flux nationaux ou internationaux..). Dans le registre de l'aménagement-développement : Il manque un traitement global des « entrées d'agglomération », parmi lesquelles va s'amplifier celle de la N4 (il y aura un échangeur à son niveau sur le GCO). Certains demandent davantage d'échangeurs sur ce tronçon autoroutier, quand d'autres redoutent dans ce cas un nouveau bourgeonnement périurbain externe. Si les acteurs économiques sont satisfaits d'une infrastructure favorable à l'aéroport, à la zone d'activités de la plaine de la Bruche, et à l'attractivité plus générale de Strasbourg, d'autres considèrent que le GCO n'apporte guère à l'économie locale et y voient « un non-sens économique » par ses répercussions négatives sur l'agriculture ou sur l'économie résidentielle adossée aux bourgs et petites villes. Les répercussions sur l'agriculture sont largement mises en exergue. Le GCO se traduira par une emprise sur 315 ha de bonnes terres agricoles ; 5 communes perdront plus de 5% de leur SAU et 200 exploitations seront perturbées (prélèvement de sols, baisses de niveaux de revenus (1,2 million d'euros de CA ?) ; blocage de modernisation de parcellaire ou de remembrement depuis 1999, chemins et voies locales coupées – le projet prévoit d'en rétablir par 70 ouvrages – ; 50 emplois de la filière agricole perdus... Parallèlement, sont déplorées les dégradations de l'environnement. À large échelle, c'est l'accroissement, par les trafics, des émissions de gaz à effet de serre, et des périodes d'alerte à l'excès d'ozone. C'est un encouragement au transport routier : quand l'énergie pétrolière se raréfie ; quand ne sont toujours pas pris en compte les coûts externes des transports ni mise en œuvre la taxation des frets routiers en France ; quand on a voté la « neutralité carbone » pour les Contrats de projets État-Régions 2007-2011 visant les incidences des trafics ; quand les activités sont toujours plus soumises aux flux tendus ; quand sont stigmatisées les incidences sur la santé... « Paysager » une infrastructure ne remplace pas les atteintes à la biodiversité, ni aux paysages hérités. De lourdes menaces concernent des zones humides, et en particulier celles dépendantes de la vallée de la Bruche au sud ou des petits écoulements du Kochersberg (des réponses techniques ont été étudiées et proposées). On sait, depuis le raccordement VRPV-A352 entre Innenheim et Duppigheim, que l'on affecte l'habitat du grand hamster d'Alsace (protégé en 2004 par la directive européenne 92/43/CEE) : dans la zone d'étude d'opportunité, cela concerne également la zone d'activités de Mommenheim, et celles d'Ittenheim et de Duppigheim. Changements parcellaires au long du trajet, « déruralisation » (R. Woessner, 2007) de maints villages par la périurbanisation, perturberont aussi la biodiversité et les patrimoines – le château de Kolbsheim et son parc y compris –. On retrouve tout cela dans les recours d'Alsace Nature, d'associations naturalistes locales et des communes du « Collectif GCO – Non, Merci ! ». Les arguments « environnementaux » se déclinent ainsi à la fois en références à la 275 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 politique nationale, aux positions européennes et aux inscriptions régionales et locales du projet. On a reproché en outre à la démarche GCO de ne pas s'attaquer aux réflexions sur le modèle de développement urbanistique de l'aire urbaine strasbourgeoise, dont la « durabilité » est mise en cause. Sont visées, comme dit ci-dessus, les « entrées de ville », les proliférations de lotissements, voire des zones d'activités en périphéries (angles de la « ville compacte » – versus gestion des consommations d'espace, et du temps) ; effet de l'« entre soi » et du « nimbysme » périurbain dévoyant l'intérêt collectif – en référence au volet « cohésion sociale » du développement durable –. Si le GCO permet de redonner une vocation urbaine à la rocade actuelle, avec opportunité d'en réserver une voie pour les transports collectifs, c'est pour quelle durée avant nouvel engorgement d'ici à 2015 ? Surtout, a-t-on songé à replacer ce dossier dans la prospective spatialisée d'une métropole alsacienne et d'un « Eurodistrict » transfrontalier ? Ou en y associant les petites villes-pôles d'appui en « ring » proche ? (R. Woessner, 2007, H. Nonn, 2008), ou encore les « villes moyennes » bas-rhinoises et badoises constitutives de relais fonctionnels de métropolité et de citadinité ? Le dossier du GCO, on le voit, a réveillé les consciences sur les déficiences d'une attitude faiblement volontariste en matière de développement durable. Il a été l'occasion de mieux aborder les transports dans leurs facettes plurielles ; de souligner l'exigence de coordinations d'acteurs et de programmations. Les gouvernances ont montré leurs faiblesses : a) de l'État, dans un contexte de décentralisation, d'une part, dans celui du Grenelle de l'environnement d'autre part, ou encore dans ses propositions « techniques » répondant à des angoisses sociales ; b) des collectivités et instances en région : où les unes privilégient les cadrages étendus, les maillages en grand et les perspectives de développement régional, quand d'autres à l'inverse ne considèrent que les attentes locales, où en agglomération, ou hésitent dans les choix à effectuer ; c) des articulations nécessaires entre les champs interdépendants (économique, social, environnemental) du développement durable. Urgente devient l'organisation d'une « gouvernance multi-niveaux et multi-acteurs » (J.-A. Héraud, 2007). Des dialogues ont été noués entre acteurs ou représentants d'intérêts (tous nobles), la concertation a pris corps, les arguments de bonne foi échangés. C'est un progrès réel, un essai à transformer pour construire des réflexions prospectives davantage partagées, tant sur la métropolisation de la région strasbourgeoise que sur le devenir régional/transfrontalier de l'Alsace, intégrant le souci de structurations locales de plus en plus indispensables. Quelle que soit la suite concrète donnée à l'objet qui a nourri ces démarches, on peut espérer que « rien ne sera plus comme avant ». 276 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 La problématique GCO Schém a 1 : Le transit international, la continuité de l’axe autoroutier avec trois branches H aguenau A 3 5 A 4-E25 Brum ath Saverne BadenBaden 2E5 2 D2 e n g a O ffenburg 2010 5 83 -E 25 Erstein Lahr N A3 Barr Schém a 2 : la logique G CO -CU S, le contournem ent et le délestage souhaité de Strasbourg A ll N353 m A352 O bernai Achern e M olsheim STRASBO U RG A3 5 VL IO A351 A5 -E 3 Wasselonne Autoroute Voie express 2 X 2 voies G CO en projet G CO variante Par com m une : 18% des logem ents construits entre 1990 et 1999 (Bas-Rhin) Sélestat Elsenh eim 13,67 ha conventionnés pour la protection du G rand H am ster U n regard théorique S’il n’y avait ni m ontagnes, ni fleuve, ni frontière nationale, la disposition des villes et des axes obéirait à une géom étrie stricte telle qu’elle est proposée sur ce croquis. Vers N ancyM etz Le choix des m odes de circulation est en suspens (route, fer, m ultim odalité...). D es pôles O bernai périurbains très attractifs sont envisageables sur les carrefours d’un ring. Et si la croissance se poursuivait dans les prochaines décennies, un deuxièm e anneau périphérique s’im poserait. 0 10 km Schém a 3 : Logique transfrontalière : le périphérique de l’aire urbaine Strasbourg-Kehl H aguenau Vers Karlsruhe Saverne Baden-Baden Strasbourg Kehl O ffenburg Sélestat Vers M ulhouse - Bâle 277 Raymond Woessner LIVE- 2011 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tables Liste des tableaux Tableau 1 : Fréquence de possession d‟un véhicule – Métropole 2006 et 2008 ..................................................................................................... 45 Tableau 2 : Chauffage de résidences principales : modes et combustibles (en %) année 2008, France métropolitaine .......................................... 46 Tableau 3 : Le pôle Matériaux et Nanosciences Alsace.................................... 54 Tableau 4 : Le poids de l'industrie dans les zones d'emploi alsaciennes .......... 93 Tableau 5 : Aperçus sur les ventilations d'activités selon le zonage en aires urbaines ............................................................................................... 94 Tableau 6 : Du dortoir périurbain des Trente Glorieuses au fractionnement socio-spatial ....................................................................................... 100 Tableau 7 : Actifs potentiels de 15 à 64 ans et actifs « réels » ....................... 109 Tableau 8 : Le chômage selon les aires résidentielles.................................... 110 Tableau 9 : Mouvement de la construction, évolutions moyennes annuelles dans la construction résidentielle sur l'ensemble de l'Alsace .............. 111 Tableau 10 : Les cadres supérieurs, lieux de travail et de résidence ............. 119 Tableau 11 : Emploi tertiaire et villes-centres.................................................. 119 Tableau 12 : Ventilation des évolutions dans les services aux entreprises et aux particuliers 1999-2006 (LT) ......................................................... 119 Tableau 13 : Deux lignes de fractures ............................................................ 122 Tableau 14 : Six catégories d‟établissements scolaires .................................. 123 Tableau 15 : Entre-soi et la concentration dans les centres villes – 1982 et 1999, en %. Jeunes d‟origine étrangère (dont sud-européenne et maghrébine)....................................................................................... 137 Tableau 16 : Écart à la mixité complète pour les centres-villes de quelques grandes aires urbaines – 1999 .......................................................... 139 Tableau 17 : Fiche de synthèse de la conception des quartiers durables de Fribourg-en-Brisgau. .......................................................................... 147 Tableau 18 : Les écoquartiers de Strasbourg au 1 er juin 2011 ........................ 151 Tableau 19 : L'irruption du développement durable dans la rénovation urbaine à Strasbourg (commune). ..................................................... 152 Tableau 20 : Indicateurs socio-économiques des zones de rénovation urbaine à Mulhouse (1999-2006) ....................................................... 155 278 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Tableau 21 : Le quartier écologique du Brandstatt à Ribeauvillé .................... 156 Tableau 22 : Tentative de comparaison des politiques sociales de l'habitat durable menées dans quelques villes alsaciennes et à Fribourg-enBrisgau............................................................................................... 157 Tableau 23 : Caractéristiques techniques des images SPOT ......................... 167 Tableau 24 : Surface en hectares des classes d‟occupation du sol dans la CUS ................................................................................................... 170 Tableau 25 : Transition entre les classes d‟occupation importantes dans la CUS entre 1986 et 2006 (ha) Sols nus-Bâti ; Végétation-Bâti ; Cultures–Bâti ; Sols nus-Surfaces Industrielles ; Végétation-Surfaces Industrielles ; Cultures-Surfaces Industrielles .................................... 170 Tableau 26 : Métriques paysagères, description et échelle spatiale ............... 173 Tableau 27 : Les dynamiques démographiques des différents territoires du Rhin Supérieur ................................................................................... 185 Tableau 28 : Projections des écarts de la température moyenne annuelle en Alsace, par rapport à la période de référence (1971-2000) aux horizons 2030, 2050 et 2080, et selon les scénario A1B, A2 et B1. Source : cartes de Météo France pour la DATAR .............................. 223 Tableau 29 : Matrice des vulnérabilités de la région Alsace ........................... 225 Liste des figures73 Figure 1 : Innovation dans l'industrie des transports terrestres ........................ 55 Figure 2 : Le Pôle Energievie en Alsace et en Moselle..................................... 57 Figure 3 : État des lieux lors de la création du Pôle Maison ............................. 58 Figure 4 : Le Pôle Image .................................................................................. 59 Figure 5 : Présomption de créativité ................................................................. 61 Figure 6 : Le zonage INSEE en 1999 ............................................................. 102 Figure 7 : Les familles monoparentales .......................................................... 104 Figure 8 : Différenciations entre collèges ....................................................... 126 Figure 9 : Différenciations entre lycées .......................................................... 127 Figure 10 : Les élections régionales de 2010 par commune .......................... 129 Figure 11 : Concentration (en %) et entre-soi (%) – 1968-1999 ..................... 133 Figure 12 : Deux indicateurs synthétiques d‟écarts à la mixité sociale (origine et CS) – 1968-1999 – jeunes de moins de 18 ans. ............................ 138 73 Cette liste n'inclut pas les graphes p. 53 et p. 54 figurant dans une annexe explicative établie par Bernard Aubry. 279 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Figure 13 : Concentration (%) des jeunes d‟origine étrangère (%) – 19682006 –comparaison Alsace-Ile-de-France ......................................... 140 Figure 14 : les projets d‟habitat durable (aire strasbourgeoise) ...................... 150 Figure 15 : Une ampleur relative de la rénovation urbaine de Strasbourg conventionnée ................................................................................... 153 Figure 16 : L'organisation spatiale du quartier durable du Brandstatt à Ribeauvillé ......................................................................................... 157 Figure 17 : Composition colorée IRC (Infra Rouge Couleur) de trois images SPOT acquise en 1986, 1996 et 2006 ............................................... 168 Figure 18 : Les directions d‟évolution de l‟occupation du sol de Strasbourg à la troisième couronne (1986, 1996, 2006) ......................................... 171 Figure 19 : PD, MPS, CONGTAG and SHEI à l‟échelle du paysage .............. 174 Figure 20 : PLAND, LPI et AI à l‟échelle des éléments pour l‟ensemble des classes d‟occupation du sol ............................................................... 176 Figure 21 : Consommation foncière en Bade-Wurtemberg et en en Allemagne entre 1993 et 2006 (en ha/j, intégrant les voies de communication) ................................................................................. 187 Figure 22 : Mesures pour réduire la consommation foncière en Pays de Bade .................................................................................................. 188 Figure 23 : Positions communales sur la périurbanisation ............................. 189 Figure 24 : Question 35 (id) ............................................................................ 190 Figure 25 : Les sirènes du polder d'Erstein : .................................................. 207 Figure 26 : Rejets atmosphériques comparés en oxydes d‟azote par habitant et par an (source Aspa année 2006a). ............................................... 207 Figure 27 : Rejets atmosphériques comparés en oxydes d‟azote par habitant et par km2 (source Aspa année 2006a). ............................................. 208 Figure 28 : Simulation des valeurs maximales d‟ozone (µg/m3 sur une heure) dans le Rhin supérieur le 12 juin 2003 par vent du sud-ouest avec formation de panache d‟ozone sous le vent des agglomé-rations. .... 209 Figure 29 : Origine géographique moyenne de la pollution aux particules en suspension (PM10) en proximité (trafic à Strasbourg) lors d‟épisodes de pollution (Source ASPA). ............................................................... 211 Figure 30 : Pic de pollution aux particules en suspension (PM10) dans le Rhin supérieur en période d‟inversion de température avec mise en œuvre de mesure préfectorale d‟urgence de réduction des émissions. (11 janvier 2009 : moyennes journalières) ....................... 212 Figure 31 : Umweltzone de Karlsruhe interdite aux véhicules les plus polluants sans vignettes et à terme autorisée qu‟à la vignette verte. . 215 Figure 32 : Zones de dépassement de la valeur limite européenne NO 2 pour 280 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 la protection de la santé (simulation ASPA, année 2007) avec mesure prévue de maîtrise de l‟urbanisation. .................................... 216 Figure 33 : Différence (en μg/m3) entre les moyennes passées (1960-1990) des pics d‟ozone journaliers estivaux et les moyennes futures (20702100). Source INERIS. ...................................................................... 218 Figure 34 : Regard de la gouvernance atmosphérique................................... 220 Liste des documents Document 1 : L'Alsace, région de fortes densités ............................................ 17 Document 2 : Trames verte et bleue de la Communauté Urbaine de Strasbourg ........................................................................................... 25 Document 3 : Le risque inondation ................................................................... 27 Document 4 : Les milieux naturels remarquables ............................................. 28 Document 5 : Les 24 projets leviers de la CUS ................................................ 31 Document 6 : Strasbourg, projet de parc naturel urbain ................................... 39 Document 7 : Modèle de classification des espaces urbanisés en Allemagne . 75 Document 8 : Évolution de la croissance démographique dans le BadenWürttemberg ........................................................................................ 76 Document 9 : Pyramide institutionnelle de la planification territoriale en Allemagne ............................................................................................ 78 Document 10 : Les revenus des ménages par commune ................................ 86 Document 11 : Les attractions dominantes ....................................................... 98 Document 12 : La construction de logements ................................................ 183 281 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Liste des sigles et abréviations ADE : Association de Défense de l'Environnement ADEUS : Agence de Développement Et d'Urbanisme de l'agglomération Strasbourgeoise ADIRA : Association de Développement (du département du Bas-Rhin) AEP : Alimentation en Eau Potable AFRPN : Association Fédérative Régionale pour la Protection de la Nature ANRU : Agence Nationale de Rénovation Urbaine ARIENA : Association Régionale pour l'Initiation à l'Environnement et à la Nature en Alsace CA : Communauté d'Agglomération CAF : Caisse d'Allocations Familiales CAMSA- CARMA : Communauté d'Agglomération de Mulhouse - Sud Alsace (de la Région de Mulhouse – ou M 2 A) CESA – CESER d'Alsace : Conseil Économique et Social d'Alsace – Conseil Économique, Social et Environnemental Régional d'Alsace CIN-CINE : Centre d'Initiation à la Nature – et à l'Environnement CLAP : (fichier Insee) Connaissance Locale de l'Appareil Productif CP-ER : Contrat de Plan État-Région, devenu Contrat de Projet État-Région CRA : Conseil Régional d'Alsace CRITT : Centre Régional d'Innovation et de Transfert Technologique CSA : Conservatoire des Sites Alsaciens CSP : Catégorie Socio-Professionnelle (v. recensements Insee) CUS : Communauté Urbaine de Strasbourg DIREN : Direction Régionale de l‟Environnement DRAE : Délégation Régionale à l'Architecture et à l'Environnement DRE – DREAL : Direction Régionale à l'Équipement / de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement DSU : Développement Social Urbain ECOHRS : Étude d'un Cadre d'Orientation pour le Rhin Supérieur EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunale FEDER : Fonds Européen de Développement Régional FSL : Fonds de Solidarité- Logement GES : Gaz à Effet de Serre GIEC : Groupe Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat HQE : Haute Qualité Environnementale IFARE : Institut Franco-Allemand de Recherche sur l'Environnement Interreg : fonds européen de soutien aux coopérations transfrontalières INRA : Institut National de la Recherche Agronomique INSEE : Institut National de la Statistique et des Études Économiques (souvent : Insee) IREPA : Institut de Recherches et Essais sur les Produits d'Alsace IRIS (ou Iris 2000) : Ilots Regroupés selon des Indicateurs Statistiques (unités élémentaires d'étude de l'Insee, en agglomérations ITADA : Institut Transfrontalier d'Application et de Développement Agronomique LOF : Loi d'Orientation Foncière (1967) LOTI : Loi d'Orientation sur les Transports Interurbains LT : au Lieu de Travail (emplois) 282 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 MAE : Mesures Agro Environnementales (ou – Agri) Nimby : not in my backyard ODONAT : Office de Données NATuralistes d'Alsace OEDA : Organisation d'Études et de Développement de la région d'Alsace OPAH : Opération Programmée d'Amélioration de l'Habitat ORAC : Opération de Restructuration de l'Artisanat et du Commerce ORTAL : Observatoire Régional du Transport et de la Logistique PAC : Politique Agricole Communautaire PACT : Programme d'Aménagement Concerté du Territoire PADD : Projet d'Aménagement et de Développement Durable (complément d'un SCOT) PAMINA : PA = Palatinat ; MI = Mittlerer Oberrhein ; NA = Alsace du Nord PDALPD : Plan Départemental d'Actions pour le Logement des Plus Démunis PDU : Plan de Déplacements Urbains PLH – PLU : Programme Local d'Habitat / d'Urbanisme PNR : Parc Naturel Régional POS : Plan d'Occupation des Sols PPR : Plan de Prévention des Risques RGA : Recensement Général de l'Agriculture SAFER : Société d'Aménagement Foncier et d'Établissement Rural SAGE : Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux SAGEECE : Schéma d'Aménagement et de GEstion Écologique des Cours d'Eaux SAU : Surface Agricole Utilisée SCOT : Schéma de Cohérence Territoriale –v. loi SRU, 2000 SDAU : Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme – loi foncière, 1967 SDEA : Schéma Départemental de l'Eau et de l'Assainissement SESGARE : Service des Études et de l'évaluation du Secrétariat Régional pour les Affaires Régionales et Européennes (Préfecture de Région) SIG : Système d'Information Géographique SPL : Systèmes Productifs Locaux SRU : Solidarité et Renouvellement Urbains (loi, 2000) UNEDIC : Union Nationale pour l'Emploi dans l'Industrie et le Commerce URCAM-ORSAL : Union Nationale (Observatoire régional) de la Santé en AlsaceLorraine U.U : Unité Urbaine (ou agglomération faite d'une ville-centre et des communes de sa première couronne) VRPV : Voie Rapide du Piémont des Vosges (Bas-Rhin) ZAE : Zone d'Activités Économiques ZAU : Zonage en Aires Urbaines (définition Insee) ZEP : Zone d'Éducation Prioritaire ZNIEFF : Zone Naturelle d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique ZPRAT-ZPRDT : Zone Prioritaire Régionale d'Aménagement du Territoire / et de Développement ZRR : Zone de Redynamisation Rurale ZRU : Zone de Redynamisation Urbaine ZSC : Zone Spéciale de Conservation ZUS : Zone Urbaine Sensible 283 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Bibliographie générale Développement durable : traits généraux et nationaux (auteurs en langue française) Problématique Allard, P, Fox D et Picon, B, 2008 : Incertitude et environnement, Edisud, collection « Écologie humaine », v. Rudolf, F « Des Agendas 21 locaux aux indicateurs de développement durable : la démocratie locale à l'épreuve des systèmes experts », p.337-350. Auburtin, C et Vivien, F.D (dir), 2006 : Le développement durable : enjeux, politiques, économiques et sociaux, Doc.Fr. Barraqué, B, et Theys, J, (dir) 1999 : Les politiques de l'environnement, évaluation de la première génération 1971-1995. éd. Recherche. Bevort, A, 2002 : Pour une démocratie participative, Presses de Sc.Po. Cadoret, A (dir), 2005 : Protection de la nature, histoire et idéologie, L'Harmattan Collectif, 2000 : Comment améliorer la performance économique des territoires ? Les 3èmes Entretiens de la Caisse des Dépôts sur le développement local, Soc des Acteurs publics. Collectif, 2005 : Le développement durable, les termes du débat, Colin éd. ; v. Lascoumes, P : « Le développement durable, vecteur d'innovations politiques ? » (p.95-107), et Smouts, M-C : « Le développement durable, valeurs et pratiques », p.1-6. Collectif, 2011 : Protéger la nature, est-ce protéger la société ?, n° spécial de la Revue Géographie et culture, n°69, L'Harmattan DATAR (coll), 2000 : Repenser le territoire, un dictionnaire critique, Datar- éd.Aube DATAR, in « Territoires 2030 », n°2, 2005, « Changement climatique, énergie et développement durable des territoires ». Doc.Fr. De Gaudemar, J.-P. (dir), 1996 : Environnement et aménagement du territoire, Datar, Doc. Fr. Gaudin, J.P, 2002 : Pourquoi la gouvernance ? Presses de Sc. Po Genestier, Ph. (dir), 1996 : Vers un nouvel urbanisme... Doc.Fr. Guay, L, Doucet, L, Bouthillier, L et Debailleul, G (dir), 2004, Les enjeux et les défis du développement durable : connaître, décider, agir, Presses de l'Université Laval, Québec. 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Douste-Blazy, Ph, et Richert, Ph, 2000 : La ville à bout de souffle (pollution urbaine et santé publique, éd. Plon. 285 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Dubois-Taine ,G, et Chalas, Y, (dir),1997 : La ville émergente, éd. Aube Godard, O, 1996 : « Le développement durable et le devenir des villes », in Futuribles, p.29-35 Hamman, P (dir) – avec collab. Blanc, C et Henninger, F, 2008 : Penser le développement durable urbain : regards croisés, L'Harmattan, Paris. V. Rudolf, F « Les glissements de sens de l'écologie dans ses associations avec la ville : écologie urbaine, ville écologique et ville durable », p.47-68 Hamman, P (dir), 2011 : Le tramway dans la ville. Le projet urbain négocié à l'aune des déplacements, Presses Univ. Rennes ; postface de Rudolf, F « La mobilité comme horizon du développement durable », p.269-284. Hamman, P et Causer, J-Y,(dir), 2011 : Ville, environnement et transactions démocratiques – Hommage au Professeur Maurice Blanc, Bruxelles, P.I.E. 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Revue des Sciences Sociales, 2007 : « Le risque entre Fascination et Précaution », n°38 Le développement durable dans le Droit et les politiques publiques Balme, R, Faure, A et Mabileau, A (dir) 1999 : Le nouvelles politiques locales, dynamiques de l'action publique. Presses de Sciences politiques. Cadoret, A (dir), 1985, cité ci-dessus Camproux-Duffrène, M.P, et Durousseau, M, (dir), 2007 : La protection de la nature 30 ans après la Loi du 10 juillet 1976, PUS. Commissariat Général du Développement Durable, 2009 : Vers une prospective post-Grenelle de l'environnement, questions et modes d'emploi. CREDOC, 2002 : Associations et cadres de vie : l'institutionnalisation des questions d'environnement. « Cahiers de recherche » n°167. Jeannot, G, Renard, V et Theys, J, (dir), 1991 : L'environnement entre le maire et l'État, Adef – éd. Paris Kiss, A (dir), 1989 : L'écologie et la loi : le statut juridique de l'environnement, L'Harmattan. 288 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Lascoumes, P (dir),1999 : Instituer l'environnement, 25 ans d'administration de l'environnement, L'Harmattan. Observatoire national des Agendas 21, 2008 : Intégrer le développement durable dans les politiques territoriales. Vieillard-Coffre, S, 2002 : L'environnement en France. Analyse géopolitique des nouveaux enjeux et des stratégies d'acteurs, Thèse de géographie, Univ. Paris 8. Zuindeau, B et al, 2011 : Développement durable et territoire, collection « Environnement et société », Septentrion ; id : 1995 : « Développement durable et subsidiarité : une analyse à partir des contributions institutionnelles sur le développement durable », rev. Hommes et Terres du Nord, n°4, p.5-13. Revues juridiques (Droit de l'environnement, Droit public...) et « Pouvoirs locaux » Lois : de protection de la nature, sur l'eau, l'air, les déchets, les espaces naturels, sur les études d'impact (Barnier, et « circulaire Bianco » …), et Code de l'Environnement ; d'orientation de l'aménagement du territoire (1995, 1999, SRU. – cf. PADD des Scots –). Démocratie de proximité, 2002 sur les transports intérieurs (LOTI) Code de l'Urbanisme Directives de l'Union européenne (« Habitats», « Natura 2000 »). Sommet de la Terre : (Rio de Janeiro), 1992 : « Agendas 21 », projets de développement durable à promouvoir à divers niveaux nationaux, régionaux et locaux. L'économie et le développement durable Outre Entretiens de la Caisse des Dépôts, L. Davezies, et B. Zuindeau déjà cités : Alternatives économiques, n° hors série 50, 2011 : La France et ses territoires. CESR-Aquitaine, 2007 : Économie productive, économie résidentielle, économie publique : dynamismes comparés des 3 sphères. Cordobès, S, 2008 : « La dynamique des territoires en France », Futuribles, n°347. Davezies, L, 2008 : La République et ses territoires, la circulation invisible des richesses, Seuil éd. Dumont,G.F et Chalard, L, 2010 : « L'attractivité des territoires, théories et réalités », in : Population et Avenir, n°697, mars-avril, p.14-16 Greffe, X, 2002 : Le développement local, Datar-éd. Aube. Insee-Aquitaine, 2008 : n° 175, mars-avril : Économie résidentielle ou productive : 289 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 le choix des territoires. RERU (Rev. écon. rég. et urb), 1996 : Espaces ruraux, n° spécial Revues : Revue d'économie régionale et urbaine, Revue économique, Revue française d'économie, Études foncières, Futuribles, Économie et Sociétés,... Références pour l’Alsace et le Rhin Supérieur Bibliographie du tome 1, 2011, des « Cahiers de l'APR » La périurbanisation en Alsace : étapes de réflexion et d'analyse. Actes de la Table Ronde « Rhin Sud » (APR, CRESAT, RECITS), n°s 1 à 8 (territoires, patrimoines, transports, logistique, nature, prospective...) ADAUHR, 1998 : Étude de prospective territoriale sur la région économique de Mulhouse (environnement, consommation d'espace, espaces en mutation, équipements structurants) ADEUS : Cuillier,F (dir),1994 : Strasbourg, Chroniques d'urbanisme. éd. Aube id. 1996 : Atlas de la région de Strasbourg. Éd Nuée Bleue id. 1999 : Les plateformes de débats de l'Adeus id. 2010 : Les séminaires de l'Adeus id. + CUS, 2009 : Quarante ans d'urbanisation dans la CUS : Où ? Combien ? Comment ? id. + AURM, ADAUHR et al, 2007 : Étude sur l'utilisation du foncier en Alsace face aux enjeux d'aménagement du territoire, et Les conflits d'usage et les territoires illustratifs des enjeux du foncier en Alsace. Agreste-Alsace : Notes, et recensements agricoles Alsace-Nature, 1995 : Trente ans pour la protection de la nature en Alsace. Supplément au n°22 d'Alsace-Nature-Infos. APR : Cahier n°11, 1994 : L'écologie régionale. Ayçoberry P., Ferro M. dir. (1981), Une histoire du Rhin, Paris Ramsay, 459 p. Bureth, A, Cohen, G, et Woessner, R, 2001 : Mesure de l'impact des transports routiers sur le développement économique d'une zone transfrontalière, Rapport au PREDIT (Ministère des transports), ESESJ de Mulhouse. Chambre régionale des CCI d'Alsace, 2004 : Tableaux de bord économiques des « Pays » d'Alsace Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) : a) 1990 : Projet d'agglomération de la CUS ; b) Deuxième Projet d'agglomération de la CUS, 2000-2010 ; c) PLH (programme local de l'habitat) de 1988, 1993, 2003 et 2009 ; d) PDU (plan de déplacements urbains) de 1999 et 2010 ; 290 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 e) Scoters (Schéma de cohérence territoriale de la région de Strasbourg), avec dossiers préalables sur : l'état initial de l'environnement (2002) ; prise en compte des risques d'inondation (2002) ; diagnostic (2002) ; document final avec PADD (2006) ; f) « Strasbourg Grand Format » = plan de référence (2005) ; g) Document d'orientations communautaires pour l'élaboration des Plans locaux d'urbanisme = PLU (2009) ; h) Démarche « Ecocités », Strasbourg métropole des Deux Rives, 2009-2011 ; i) « Strasbourg éco-2020 », 2009-2011. Id. + Ortenau : Livre blanc : Études préalables, 2001 ; Document pour la concertation, 2003 ; « Livre blanc », 2004. Conférence du Rhin supérieur (franco-germano-suisse) : a) Lire et construire le Rhin supérieur, 1999 ; b) Pour un avenir commun de l'espace du Rhin supérieur, 2001, « Livre blanc ». Conseil économique et social d'Alsace (CESA-CESR d'Alsace). Avis et dossiers : 2001 (développement de la vie associative, accessibilité des services) ; 2003 (les énergies renouvelables) ; 2006 (l'Alsace, territoire fragile ; les politiques contractuelles) ; 2007 (gouvernance) ; 2009 (territorialité et accessibilité des services publics, parapublics et sociaux ; devenir de l'agriculture alsacienne) ; 2011, Avis portant sur les déclinaisons du « Grenelle de l'environnement » en Alsace. Conseil général du Bas-Rhin, 2003-2005 : « Des Hommes et des Territoires » : Livre bleu, tome 1 = concertation thématique (habitat, vie sociale, patrimoine, environnement, déplacements, agriculture, tourisme) et réunions plénières 2003 et 2005. Id : PDLPD de 2007 à 2010. Id : 2010 : Charte du développement durable des zones d'activités du Bas-Rhin. Conseil général du Haut-Rhin, 2002 : Prospective d'aménagement du territoire haut-rhinois ; et PDALPD de 2007 à 2010 Id : 2010 : Contrats de territoires de vie. DIREN-Alsace (ex-DRAE), 1999 : Contribution de l'Alsace au Schéma de services collectifs « espaces naturels et ruraux » + 2003, contribution à « Hommes et Territoires » in : dossiers thématiques, C.G. 67 DRE-DREAL-Alsace, (Direction régionale de l'Équipement) : a) 1995 : Les questions et les enjeux de la planification territoriale stratégique en Alsace. b) 1998 : Un projet ouvert pour l'Alsace ; c) Schéma des services collectifs de transport en Alsace ; d) 2003 : Étude plurimodale des transports dans le Rhin supérieur ; e) 2005 : Cahiers d'acteurs du projet de Grand Contournement de Strasbourg. v. aussi ci-dessus : Adeus et al, sur le foncier en Alsace, et Mission opérationnelle transfrontalière (MOT, 2007) sur la région des « Trois Frontières ». 291 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 ECOHRS, 1998 : a) Aménagement du Rhin supérieur : état des lieux, tableaux et éléments comparatifs ; b) 2000 : Étude d'un cadre d'orientation pour le Rhin supérieur, éd. Nuée Bleue. Gradoz, P (dir), 1982 : Toute l'Alsace, le monde végétal ; et, 1984 : Toute l'Alsace, le monde animal, éd. Mars et Mercure, Colmar-Wettolsheim. Gwiazdzinski, L, 1989 : Une première approche de l'organisation interurbaine d'un espace transfrontalier, le Fossé rhénan, mémoire de maîtrise, géographie, Strasbourg. IFARE/ DFIU (Institut franco-allemand de recherche sur l'environnement), a) 1998 : La recherche sur l'environnement ; b) 2001 : La recherche pour comprendre et agir. INSEE-Alsace a) Dossiers : L'Alsace industrielle, 1991 et 2000 ; Les services marchands en Alsace, 2003 ; et 2005 : Spécialisation et concentration dans l'emploi en Alsace, document de travail ; b) périodique Chiffres pour l'Alsace ; id. + Région Alsace et Préfecture de Région, 2002 : Atlas des Pays d'Alsace, (8 classeurs). Kempf, C, 1981 : L'homme et la nature, Alsace, Berger-Levrault-DNA. Kleinschmager, R 1979 : « Réflexions sur l'urbanisation des campagnes », in : Revue d'Alsace, n°105, p.189-207 ; Id : 1987 : Géopolitique de l'Alsace, bf-ed. Nonn, H, 2001 : chapitres « Milieux naturels » et « Économie et société » dans Collectif : Alsace, encyclopédie Bonneton, p. 214-309. Id : 1999 : Villes et aménagement régional en Alsace, Doc.Fr. ; et 2008 : L'Alsace et ses territoires, PUS. Nonn, H, et Héraud, J-A, 1995 : Les économies industrielles en France de l'Est, tissus et réseaux en évolution, PUS. OEDA-Alsace (Organisme d'étude de développement et d'aménagement) : 1973-1976 : Schéma d'orientation et d'aménagement du Massif vosgien, (réflexions, paysages, zonage) ; 1973-1978 : Transports (routes, « Métralsace », ferroviaire) ; 1974 : Tourisme, loisirs, (avec des bureaux d'études) ; 1975 : L'environnement dans la planification régionale, (avec DRAE et ULP) ; 1975-1979 : Contrats de Pays, (avec les SIVOM concernés des vallées vosgiennes) ; 1978 : Trame verte régionale et protection des milieux naturels ; 1977-1979 : Le tissu rural alsacien ; La pluriactivité en Alsace. 292 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Paul, P. 1994 : Topoclimats et climat régional dans le fossé rhénan méridional et ses bordures montagneuses (thèse de Géographie, Université Louis Pasteur, Strasbourg). Préfecture de Région Alsace- SGARE, a) 1993 : Atlas des disparités socio-économiques de l'Alsace à l'issue des années 1980 ; b) 1996 : Forces et fragilités socio-économiques du territoire alsacien entre 1990 et 1996 ; c) 1996 : Les questions et les enjeux de la planification territoriale stratégique en Alsace, livre blanc ; d) 2005 et 2006 : Les enjeux de l'État en matière d'aménagement du territoire alsacien ; 2006 : Territorialisation de la pauvreté et de la précarité en Alsace. REKLIP, 1995 et 1999 (texte + rapports), Atlas climatique du Fossé rhénan méridional. Richert, Ph, 2009 : Passion d'Alsace : pour une région audacieuse et unie, éd. Nuée Bleue. Ritma (collectif de recherche), 2001 : Regards croisés sur les territoires de marge(s), - France de l'Est -, PUS Salvan, J, Genevaux, J-J, et Gesegnet, R, 1976 : Recherches sur les causes, les conséquences et la signification des conflits dans le domaine de l'environnement en Alsace, Université Louis Pasteur, Fac. Sc. Écon.-CAPE. Sell, Y et al, 1998 : L'Alsace et les Vosges, collection « la bibliothèque du naturaliste » ; éd. Paris-Lausanne, Delachaux et Niestlé. Syndicats mixtes de SCOTs : v. CUS pour le Scoters ; Chartes de développement : Alsace du Nord (2003) ; Alsace centrale (2004) ; Bruche-Mossig-Piémont (2002 et 2004). Traband, G, 2008 : Effacer la frontière ? 60 ans de coopération franco-allemande en Alsace du Nord, éd. Nuée Bleue. Université Louis Pasteur (Strasbourg), 1975 : Atlas de l'environnement, convention Région Alsace-Min. de l'Environnement ; 1979, par Simler J et al. : La nappe phréatique du Rhin en Alsace. Waldvogel, C, 2011 : Imposer « l'environnement » : le travail des associations alsaciennes comme révélateur d'une dynamique sociale, 1965-2005. PUS. Woessner, R, 2007 : L'Alsace territoire en mouvement(s). Do Bentzinger éd. Id, 2008 : La métropole Rhin-Rhône, vers l'émergence d'un territoire ? Do Bentzinger éd. 293 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Revues : Alsace-Nature Infos ; Recherches géographiques à Strasbourg (19761986) ; Sciences géologiques ; Revue d'Alsace, Revue des Sciences Sociales (Strasbourg) ; Saisons d'Alsace 1962, 1985, 1991,1995, 1998... Observatoires en Alsace : de l'habitat, de la santé, des transports, ODONAT (base de données naturelles), et GTEA (énergie). Bibliographie : les publications de l'APR Les Cahiers de l'APR 1988/89-1, Initiation à la prospective, cycle de conférences. 1989/90-1, Dynamiques urbaines et gestion de l'espace, cycle de conférences. 1989-5, Réflexions sur l'armature urbaine Bâle-Mulhouse-Belfort, rencontre de prospective. 1990/91-6, Les politiques urbaines, cycle de conférences. 1991/92-7, Pouvoirs et territoires, cycle de conférences. 1992-8, Deux scénarios pour le Rhin supérieur, 4e Congrès tripartite. 1992-9, Université et ville : culture et société civile, journées d'étude. 1993-10, Recomposition de l'espace européen et systèmes de transport : l'arc nord-est français, Rapport final pour la DATAR. 1992/93-11, L'écologie régionale, cycle de conférences. 1992/93-12, Forum l'université et la ville, cycle de conférences. 13-14, Appel d'offres l'université et la ville, synthèse des projets. 1994-15, Les transports dans le bassin rhénan, journée d'étude. 1994-16, La dynamique des territoires. Cohésion et exclusion sociales, cycle de conférences. 1994-17, La dynamique des territoires. Les institutions de l'aménagement du territoire, cycle de conférences. 1995-18, La dynamique des territoires. Économie et territoire, cycle de conférences. 1995/96-19, Modes de vie, cadres de vie, cycle de conférences. 1998 – Hors-série, Regards prospectifs. Contributions d'experts aux cycles de conférences de l'APR. Reprise des Cahiers 1 à 19. 315 p. 2001-1, Processus de contractualisation en Alsace, planification du développement régional urbain. 2003-1, Recompositions territoriales (pays, organisation urbaine, SCOTs, schémas), quelles articulations ? Rapport au PUCA-PREDAT, 30 p. et annexes. 2003/04-1, Les nouvelles technologies de l'information et de la communication : analyse prospective et impact territorial, colloque APR, 121 p. 2004-2, Habitat et logement en Alsace, Rapport au PUCA-PREDAT, 17 p. et annexes, 21 p. 2006-1, Dynamisme logistique en Alsace, 29 p. 2011-1, La périurbanisation en Alsace : étapes de réflexion et d'analyse, Les Cahiers de l'Association de Prospective Rhénane 2011-1, Bernard AUBRY, Henri NONN, Raymond WOESSNER, Strasbourg Néothèque, 209 p. 294 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 2011-2, Périurbanisation, durabilité et créativité, Les Cahiers de l'Association de Prospective Rhénane 2011-2, Actes du colloque de la MISHA, Henri NONN, Raymond WOESSNER, Strasbourg Néothèque, 168 p. 2011-3, L’impact territorial des universités : le cas de l’Alsace, Les Cahiers de l'Association de Prospective Rhénane 2011-3, Jean-Alain HERAUD, Tiana RAFANOMEZANTSOA, Strasbourg Néothèque, 80 p. Rapports de stage CHARET Chrystel (1995), Les pays et l'Alsace : comment appliquer la notion de « pays » sur le territoire régional ? Mémoire de stage de DESS. BERTAUX Frédérique (1997), Les villes moyennes et l'organisation urbaine de l'Alsace, sous la direction de Henri NONN et Bernard WOEHL. SALISSON Karine (1999), Les impacts potentiels de l'arrivée du TGV Est européen à Strasbourg et dans le Bas-Rhin, DESS Aménagement, 105 p. et annexes. Coproductions 1994 – Université et société civile, Strasbourg de 1920 à nos jours, Université des sciences sociales, APR. 1995 – Quel droit dans les quartiers ? Synthèse de la journée de réflexion du 29 mars, Préfecture de région, Cour d'appel de Colmar, APR. 1996 – Éléments d'analyse sur le modèle rhénan d'organisation urbaine, Rapport final pour le Conseil régional d'Alsace. 1996 – Infrastructure of technological innovation, APR, BETA, ISI. 1996 – Le rôle du capital humain dans le transfert de technologie et de compétences, APR, BETA, AUEF. 1997 –Travaux du groupe de synthèse de l'APR, Schéma régional d'aménagement et de développement du territoire, Conseil régional d'Alsace. 1997 – Contribution de l'APR à la réflexion de l'Atelier 1 du Schéma régional d'aménagement et de développement des territoires : une réflexion collective sur les transformations en cours et les dysfonctionnements de l'organisation des territoires alsaciens, Conseil régional d'Alsace. 2000 – Réflexions pour l'arrivée du TGV en Alsace, APR, Conseil général du BasRhin. 2001 – Rhin-Sud, vers l’émergence possible d’un territoire, journée du 11 mai 2001, à la FLSH de Mulhouse. APR, CRESAT & RECITS, 71 p. 2002-2003 – L'appréciation du périmètre régional et l'expérimentation des critères de classification de l'ESS en région, APR, Préfecture de région. 2002 – La recomposition de l’espace Rhin-Sud par les transports, journée du 21 juin, à la Faculté des Sciences et des Techniques (FST) de Mulhouse. APR, CRESAT & RECITS, 48 p. 2003 – Le patrimoine, un levier pour la renaissance des territoires, journée du 27 mai, à la FST de Mulhouse. APR, CRESAT & RECITS, 92 p. 2004 – Le retour de la prospective, journée du 28 mai, à la FST de Mulhouse. APR, CRESAT & RECITS, 98 p. 2005 – De l’aménagement à l’intelligence des territoires, journée du 14 octobre, à la FST de Mulhouse. APR, CRESAT & RECITS, 112 p. 2007 – Le défi logistique, journée du 20 octobre 2006, à la FST de Mulhouse. 295 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Éditions Lavauzelle, 135 p. 2007 – Rhin-Sud : un territoire en devenir ? Sous la direction de Pierre Lamard et Raymond Woessner, collection Territoriales, UTBM, Belfort, 274 p. 2008 – Les territoires de la cohésion sociale, à la FSESJ – Fonderie de Mulhouse, journée du 19 octobre 2007. APR, CRESAT & RECITS, 138 p. 2009 – Si Rhin-Sud était un jardin, à la Maison de l‟Université de l'UHA, journée du 24 octobre 2008. Publication des actes, L’aménagement entre nature et culture, APR, CRESAT & RECITS, Colmar Do Bentzinger Éditeur, 167 p. 296 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 Table des matières Partie 1 – Angles d'analyse : élus, associations, données statistiques ............. 11 1. Une vue chronologique des dispositions prises par les instances organisationnelles – Henri Nonn .................................................................. 11 1.1 Dans les années 1970-1990 .............................................................. 11 1.2 Depuis 1995 : quelques modifications de perspectives ..................... 18 1.3 Les renforcements dans les années les plus récentes....................... 32 2. Les associations, acteurs amplement impliqués – Henri Nonn ............... 33 2.1. Les associations « s'occupant d'environnement », à partir de l'étude de C. Waldvogel (2011) ............................................... 34 2.2. Des Associations s'occupant d'aménagement (durable) et des dimensions sociales ................................................................................. 39 3. Des chiffres pour tous – Bernard Aubry.................................................... 42 Annexe ......................................................................................................... 49 Partie 2 – Le développement économique ....................................................... 51 1. Les territoires émergents dans l'économie ............................................... 52 1.1 Les Pôles de Compétitivité................................................................. 54 1.2 Les grappes de la DATAR .................................................................. 57 1.3 Présomption de créativité .................................................................. 60 2. Jeux d'acteurs, modèles et conflits ........................................................... 62 2.1 La périurbanisation comme enjeu social : vers l‟émergence de nouvelles dynamiques conflictuelles ? – Stéphane Heim......................................... 62 2.2 L'agriculture sur le territoire de la CUS – Françoise Buffet, Aude Forget .............................................................. 71 2.3 Périurbanisation et planification territoriale en Allemagne – Antoine Danet ....................................................................................... 73 3. Activités et emploi dans les territoires transformés par l'urbanisation – Henri Nonn ................................................................................................ 80 3.1 Points de vue généraux ..................................................................... 81 3.2 Points de vue centrés sur l'Alsace et ses territoires ........................... 86 Partie 3 – L'équité sociale................................................................................. 99 1. Discriminations socio-spatiales en Alsace : données socio-économiques réparties selon le zonage Insee en aires urbaines, ou rapportées aux agglomérations de moins de 50 000 habitants – Henri Nonn, Pauline Costantzer .............................................................. 101 1.1 Traits démographiques et sociaux ................................................... 103 1.2 Quelques traits relatifs à l'habitat ..................................................... 110 1.3 Les actifs selon les zonages en aires urbaines ................................ 113 1.4 Dynamique des Unités Urbaines (U.U.) comprises entre < 5 000 h et 50 000 h. ............................................................................ 116 2. Vers des fractures .................................................................................. 120 2.1 Radioscopie des fractures scolaires alsaciennes – Francis Fuchs, Raymond Woessner ................................................... 121 2.2 Les élections régionales 2010 – Article DNA de Claude Keiflin, dimanche 7 novembre 2010 (ref. TE 02, pages régionales) .................. 128 297 Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1 2.3 Voisinage et périurbanisation – Bernard Aubry ................................ 130 Annexe 1 : L‟indicateur d‟écart à la mixité sociale .................................. 141 Annexe 2 : Liste des communes ............................................................ 142 Bibliographie .......................................................................................... 142 3. La ville durable pourrait-elle être sociale ? Le cas des villes alsaciennes – Alexandra Monot ...................................... 143 Conclusion ................................................................................................. 162 Bibliographie : ............................................................................................ 163 Partie 4 – Espaces et patrimoines .................................................................. 164 1. La périurbanisation de Strasbourg de 1986 à 2006 – identification et quantification des évolutions du paysage – Tran D.B1. et Weber C1. ......... 165 1.1 Contexte de recherche ..................................................................... 167 1.2 Les transformations paysagères ...................................................... 172 Conclusion ............................................................................................. 178 Références ............................................................................................ 179 2. La gestion économe de l'espace ............................................................ 182 2.1 Vers une gestion économe dans l'espace du Rhin supérieur ? – Patricia Zander.................................................................................... 182 2.2 Urbaniser autour des gares TER en Alsace : un modèle durable et équilibré de développement des territoires ? – Sophie Mosser .............. 194 3. Changements climatiques ...................................................................... 206 3.1 Enjeux atmosphériques dans l‟espace du Rhin supérieur – Joseph Kleinpeter ............................................................................... 207 3.2 Les impacts du réchauffement climatique : état des lieux – Julia Timina ......................................................................................... 220 Conclusion générale .................................................................................. 231 Annexes ..................................................................................................... 234 Quelques repères chronologiques, Henri Nonn ..................................... 234 Approche par le zonage en aires urbaines (délimitations INSEE de 1999) – Pauline Costantzer, Henri Nonn, Raymond Woessner ............. 237 Le projet de canal à grand gabarit entre le Rhône et le Rhin : un conflit sans fin ? – Raymond Woessner ............................................ 256 Le « GCO » de Strasbourg, un projet proposé et débattu dans des contextes évolutifs (rédaction octobre 2011) – Henri Nonn .... 267 Tables......................................................................................................... 278 Liste des tableaux .................................................................................. 278 Liste des figures ..................................................................................... 279 Liste des documents .............................................................................. 281 Liste des sigles et abréviations .............................................................. 282 Bibliographie générale ............................................................................... 284 Références pour l‟Alsace et le Rhin Supérieur ...................................... 290 Bibliographie : les publications de l'APR ................................................ 294 Rapports de stage .................................................................................. 295 Coproductions ........................................................................................ 295 298