L`Association de Prospective Rhénane

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L`Association de Prospective Rhénane
Cahiers de l'Association de Prospective Rhénane
2012-1
L'urbanisation de l'Alsace
à l'aune du développement durable
Sous la direction de
Henri Nonn
Raymond Woessner
Association de Prospective Rhénane
Université de Strasbourg
Pôle Européen de gestion et d'Économie
61 avenue de la Forêt-Noire
67085 Strasbourg cedex
www.apr-strasbourg.org
En couverture :
Jardins rotatifs, Wesserling, été 2008.
Photo R. Woessner.
Néothèque Éditions 2012
7 place d‟Austerlitz
67000 Strasbourg
http://www.neotheque.com
ISBN : 978-2-35525-314-0
ISSN : 1159-5124
L’Association de Prospective Rhénane
Fondée en 1987, l’Association de Prospective Rhénane (APR) est un lieu
privilégié d’échanges, de débats et de productions intellectuelles. Elle
regroupe des chercheurs, des fonctionnaires territoriaux, des praticiens et
experts divers ainsi que des jeunes diplômés qui mènent ensemble une
réflexion prospective en analysant les développements économiques et
sociaux, l’aménagement des territoires et les dynamiques régionales, urbaines
et transfrontalières. Elle rassemble les acteurs du développement économique
et social de l’espace du Rhin Supérieur, en partenariat avec les divers
organismes compétents. Dans cette perspective, les experts regroupés par
l’APR apportent leurs compétences et leur expérience afin de nourrir
intellectuellement la plate-forme d’échanges et de débats qu’elle est devenue
en Alsace.
L'APR intègre le réseau des Pôles Régionaux d’Échanges sur le
Développement et l’Aménagement des Territoires (PREDAT). La
localisation du siège de l’APR au Pôle Européen de Gestion et d'Économie
(PEGE) traduit ses liens privilégiés avec l’Université.
Au cours des dernières années, l’APR a pris part activement au débat
régional à travers une série de productions, de réflexions et d’animations,
notamment les projets Alsace 2005, Économie Sociale et Solidaire, NTIC,
Logistique, Socio-Démographie de la CUS ; Habitat, Mobilités, Économie en
Alsace. L’APR organise, depuis 2004, des rencontres régulières sous la
forme « petit-déjeuner » ou « stammtisch », rassemblant des acteurs locaux
du développement économique et social. Ces derniers assistent ensemble à
une présentation pour ensuite débattre sur le sujet traité. Une à deux fois par
an sont organisés de grands événements comme des conférences ou
symposiums. Enfin, l’APR participe en tant que co-organisateur à des
manifestations entrant dans le cadre de sa mission de plate-forme d’échanges
d'expérience et de savoir.
Avertissement au lecteur
Avec les textes et documents réunis dans le présent Cahier, l'Association de
Prospective Rhénane ne prétend pas traiter de l'ensemble de la vaste question des
rapports entre « urbanisation » – récente ou en cours – et « développement
durable », même en se restreignant à un examen en seule Région Alsace.
La constitution de l'ouvrage repose principalement sur le choix de rassembler
des éléments ayant fait l'objet d'échanges : au sein de l'Association, dans des
séances de « Stammtischs » ouverts tenues au long de l'année universitaire 20102011, ou sous forme de traitements statistiques, voire de simples lectures critiques
d'ouvrages. En cela, ce Cahier s'inscrit dans la continuité de ceux publiés
antérieurement par l'APR sur la périurbanisation en Alsace, ou apportant la matière
d'un Colloque tenu à la MISHA en novembre 2010. Néanmoins, il a semblé
judicieux d'y adjoindre quelques contributions sollicitées auprès d'autres
chercheurs universitaires ou responsables d'études dans les instances publiques
en région, engagés eux aussi dans une démarche similaire.
La grande interrogation sur le « modèle de développement » (croissance –
laquelle ? – ou décroissance – laquelle ?), n'est ainsi pas vraiment abordée. Pas
plus que certaines thématiques : l'agriculture face à l'urbanisation (on préfèrerait
disposer des produits du tout récent RGA de fin 2010) ; les modalités et impacts
des activités de détente, loisirs et tourisme ; les caractères sociaux contemporains
des aires transformées par l'urbanisation et les mobilités, par exemple.
Tous les territoires n'ont pas non plus été analysés de manière systématique,
car il aurait fallu que les échanges aient été plus fournis avec maints services : de
l'État, des collectivités ou syndicats mixtes (cf. PNR, Scots, Pays), ou Associations.
On aurait aussi pu se placer davantage dans l'optique « Rhin supérieur », ou
envisager des comparaisons interrégionales...
Mais, produire l'ouvrage tel quel, en son état d'avancement de la réflexion et de
l'analyse, c'est à nos yeux déjà fort utile, surtout si il suscite des bases d'échanges
nouvelles ou élargies et s'il constitue un « produit d'appel ».
Plusieurs champs de prospective ne sont qu'amorcés : les densifications, les
énergies, la cohésion sociale, la gouvernance... Ce n'est évidemment pas par
désintérêt ! En fait, il fallait bien, en point de départ, un « état de la question », un
tableau de la connaissance des avancées effectuées à propos des rapports
urbanisation-développement durable comme de la perception des mutations en
cours. Amélioré et nourri d'échanges avec les lecteurs, ce « stade 1 » aidera,
souhaitons-le, à mieux s'engager ensuite dans les réflexions prospectives à
entreprendre.
Ami Lecteur, veuillez considérer le Cahier 2012-1 qui vous est présenté comme
une « première pierre », non comme un édifice achevé ou abouti...
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les auteurs
Bernard Aubry
Statisticien INSEE – Alsace à la retraite.
Françoise Buffet
Adjointe au maire chargée du développement durable,
Ville de Strasbourg.
Pauline Costantzer
Statisticienne, chargée de mission APR.
Antoine Danet
Etudiant en master Aménagement, chargé de mission
APR.
Aude Forget
Conseillère spécialisée circuits courts et agriculture
périurbaine, Chambre d‟agriculture, service gestion du
territoire.
Francis Fuchs
Historien-géographe, Lycée Mermoz, Saint-Louis.
Stéphane Heim
Sociologue, Université de Technologie de BelfortMontbéliard.
Claude Keiflin
Journaliste, Les Dernières Nouvelles d'Alsace.
Joseph Kleinpeter
Directeur de l'Association pour la Surveillance et l'étude
de la Pollution atmosphérique en Alsace (ASPA).
Alexandra Monot
Géographe, Université de Strasbourg.
Sophie Mosser
Docteur en urbanisme, chargée de mission à la DREAL
Alsace
Henri Nonn
Géographe,
Strasbourg.
Florence Rudolf
Sociologue, Université de Strasbourg.
professeur
honoraire,
Université
de
Thi Dong Binh Tran Chercheur contractuel CNRS LIVE / Université de
Strasbourg.
Julia Timina
Étudiante stagiaire, DREAL.
Jean-Paul Villette
Université de Strasbourg.
Christiane Weber
Directeur de recherche CNRS LIVE / Université de
Strasbourg.
Raymond Woessner Géographe, ENEC / Paris 4 Sorbonne.
Patricia Zander
Géographe, Université de Strasbourg.
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Le problème posé par la périurbanisation n’est pas tant l’étalement urbain et
le caractère insoutenable de la « ville » qu’il fait advenir ;
c’est l’absence, ou la grande faiblesse, du projet territorial qui la déploie et la
gouverne ici et là,
ou, dit autrement, la défaite du politique qu’elle sous-entend.
DATAR, Territoires 2040/2, décembre 2010
L’Alsace et le développement durable,
rencontre entre un concept et un territoire
Henri Nonn, Raymond Woessner
Le développement durable est un concept apparu au sein des Nations Unies,
notamment avec le rapport Brundlandt en 1987. Il a été largement repris et souvent
appliqué aux différents champs de l‟aménagement ; ainsi, l‟agriculture comme la
ville sont censées devenir durables. Il a parfois été galvaudé, sinon utilisé de
manière démagogique, alors qu‟il repose sur des principes précis exigeant la
définition préalable de protocoles rigoureux dans le but de parvenir à des
réalisations concrètes. Le concept repose sur trois piliers en interaction, à savoir
l‟économie, la société et le patrimoine :
 Le but que se fixe le développement économique est de connaître des
activités profitables dans le contexte mondialisé. C‟est le gage d‟une amélioration
progressive des conditions de vie de tout un chacun, à condition que l‟équité
sociale soit une réalité.
 Mise en œuvre par les collectivités, l‟équité sociale consiste à rendre les
services, marchands et non-marchands, accessibles à tous. Construite sur le socle
des valeurs républicaines, la cohésion sociale fédère des groupes diversifiés
susceptibles de générer une richesse culturelle et économique.
 Le patrimoine est considéré dans une perspective dynamique : la nature et
l‟histoire nous lèguent un certain nombre d‟éléments que nous nous efforçons de
transmettre aux générations futures en meilleure situation que nous ne les avons
reçus de la part de nos ascendants.
L’intérêt principal de l’approche fondée sur le développement durable est
de se poser le problème de l’aménagement du territoire de manière
systémique1.
1
On ne reviendra pas ici sur les aspects traités dans les Cahiers 2011, en particulier dans le
n°2011-1, où sont notamment explicitées les mutations du modèle de développement
économique régional et la spatialisation de l'urbanisation.
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Ainsi, Serge Antoine (in Environnement et aménagement du territoire, DATAR,
sous la direction de J.P. de Gaudemar, 1996, Doc. fr., p. 35-39) considère que le
développement durable est « plus qu'un concept », car son ambition est de
« proposer un développement qui, dans la durée longue, ne déséquilibre ni les
ressources – surtout non renouvelables – ni la survie du globe, ni les milieux, ni
l'espace géographique... et qui prend en compte les données sociétales, les
valeurs personnelles et collectives, l'emploi et la pauvreté ». Par-là, précise-t-il, « il
prolonge et élargit le concept d'environnement (à saisir) en amont de toute
stratégie ». C'est « en fait un système bouclé », non une somme de chapitres car
les bouclages et interrelations y sont essentiels, tout comme les apports
scientifiques. René Plasset (ibidem, p.21-28), place ce « processus » comme
devant s'effectuer « sans déculturation », et dans la perspective de ne « pas
compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres
besoins ».Pour sa part, Olivier Godard souligne que si c'est un concept, il est
« programmatique », affichant des « enjeux » plus qu'il n'ordonne une doctrine
précise (in : Futuribles, 1996, p. 31).
Au sein d‟un territoire, tous les éléments sont liés et l‟altération d‟un seul d‟entre
eux aura des conséquences sur tous les autres ; en outre, le système est
nécessairement ouvert à des influences extérieures. Par exemple, le système
alsacien de transports doit permettre davantage d‟efficacité économique, il doit
également être accessible à tous et il ne doit dégrader ni la qualité de la vie ni
l‟environnement « naturel » ; et toute action – ou laisser-faire, puisque la circulation
automobile augmente spontanément – a des répercussions sur l‟ensemble des
critères géographiques.
En amont de toute analyse, il faut songer à la subjectivité des représentations
que chacun se fait à propos de l‟espace ou d‟un paysage. Nous avons tous une
image de l'Alsace qui est modelée par nos pratiques, nos connaissances et nos
expériences. Cette image varie fortement d‟une personne à l‟autre, en fonction par
exemple de son âge, de sa profession et de son lieu de résidence... Il en découle
une identité, tournée vers soi, et une image « de marque », tournée vers
l‟extérieur. Face au champ de ces impressions, l‟appréhension des réalités
objectives, mesurables et démontrées, peut venir conforter ou bien au contraire
contredire ce qui apparaît pour une personne (ou un groupe de personnes) comme
une vérité établie.
Les paysages et l‟espace en général constituent le support visible des
évolutions économiques et sociales. Ils sont l‟expression des valeurs culturelles.
Ainsi posé, le développement durable ne fonctionne pas sur la perspective de la
préservation des acquis. Il jette un regard positif sur l‟avenir dans le sens où il
cherche à réaliser des compromis acceptables entre les contradictions des
dynamiques de la croissance.
Retenons donc que :
 Le développement durable n'est pas à restreindre à une politique de
« l'environnement » naturel, de conservation des milieux et de la biodiversité telle
que la souhaitent certains écologistes scientifiques, ou établie par des textes ou
modalités de gestion publique (lois, règlements, arrêtés, directives, chartes ou
plans) à différentes échelles de référence.
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Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
 Il ne se confond pas non plus avec « l'aménagement du territoire » (au moins
dans la conception française qui lie aménagement et développement équilibré du
ou des territoire(s) dans un souci de régulation des répartitions ou modifications du
fait des mutations économiques et socio-démographiques).
 Le développement économique à intégrer n'est plus autant que par le passé
calé sur les investissements productifs, l'exploitation des ressources, l'énergie, les
infrastructures matérielles... comme sur les lois du marché. Il s'agit de se
positionner sur une utilisation « raisonnée » des ressources naturelles et
matérielles, soucieuse de leur renouvellement ; sur des circuits d'échange moins
consommateurs d'énergies ; sur des éco-activités permises par la connaissance et
l'innovation – bref, sur des voies alternatives (énergie, matériaux biodégradables,
déchets, transport) – et de valoriser le « capital humain » pourvoyeur de « capital
social ».
Est-ce parce qu'elle fait partie du monde rhénan densément peuplé et
urbanisé ? L‟Alsace figure parmi les régions françaises qui ont engagé le plus de
démarches répondant aux propositions du rapport Brundtland, lequel n‟a été
explicité et décliné en France, en articulant ses différentes facettes, que quelques
années plus tard (cf. les ouvrages publiés par la Datar, éd. de l‟Aube, années
2000-2002, J. Theys, S. Wachter...). Certes, les considérations que ce rapport
développe n‟ont pas pris d‟emblée dans la région la « philosophie, l‟éthique et la
cohérence » qui le sous-tendent. Mais, un à un, ses axes y ont fait l‟objet
d‟attention dès les années 1975-1980, avant qu‟on en arrive à sa formulation plus
globale.
On peut énoncer que l’Alsace présentait quelques « pré-dispositions » –
au sens de dispositions déjà prises, et à celui d’état d’esprit – ; et que des
démarches déjà concrétisées ont joué un rôle de « prédétermination ».
En rappel, énonçons en quelques lignes, librement inspirées de J. Theys en
2002, le sens de l‟ambition :
« Le développement durable est un type de développement qui permette de
satisfaire les besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les
générations futures de satisfaire les leurs ». En corollaire, cela suppose l‟existence
de normes permettant d‟arbitrer, de gérer et d‟orienter. J. Theys constate en 2002
que « de telles normes n’existent pas encore, mais bien plutôt des pratiques sans
théorie, ou des théories sans pratiques » : d‟où un concept « procédural » et
accessoirement « une invitation ». Et l‟auteur de s‟interroger : « Est-ce la nouvelle
utopie des politiques futures de l’aménagement du territoire » ? « Un oxymore » ?
Le « seul pari qui vaille – mais des plus incertains» ? « Un point d’appui privilégié
de réintégration dans l’aménagement… de quelques-unes de ses priorités
fondatrices passées ? » (et, au fil du temps, reléguées au second plan, comme les
préoccupations sociales ou les formes démocratiques de prises de décision).
Or, l‟Alsace a précocement pris des engagements en matière de préservation
de ses ressources naturelles, de développement équilibré, de cohérences
territoriales et sociales, de sauvegarde de ses patrimoines, et elle a tenu à les
préparer par des concertations (plus ou moins développées il est vrai) : lorsqu‟il
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Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
s‟est agi de formuler son « Schéma d‟armature urbaine » de 1966, son « Schéma
d‟orientation et de développement de l‟Alsace » (EPR-OEDA, 1976), son « Projet
Alsace 2005 », en 1992-1994. Ceci sans parler de quelques dossiers spécifiques,
tels que le Massif vosgien, les Parcs naturels régionaux…, ou des dossiers plus
techniques sur la nappe phréatique rhénane et la qualité des eaux superficielles,
des eaux courantes et rivières, sur les gravières, sur la pollution atmosphérique,
sur les trames vertes, les déchets, la protection des forêts ou zones humides,
comme des paysages. Un peu d‟historique à ces propos va permettre de préciser
« l‟état des lieux » précédant l‟émergence du concept de développement durable,
et comment ce dernier va être pris en compte dans la décennie des années 2000.
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Partie 1 – Angles d'analyse : élus, associations, données
statistiques
1. Une vue chronologique des dispositions prises par les
instances organisationnelles – Henri Nonn
1.1 Dans les années 1970-1990
 Le schéma d’orientation et de développement de l’Alsace : 1976
Lorsqu‟il est élaboré, existent les SDAU pour les grandes agglomérations, issus
de la loi de 1967, et le Schéma d‟armature urbaine de l‟Alsace défini en 1966. Le
Schéma « Massif vosgien » est en chantier depuis 1973 ; il sera arrêté en 1977. La
dynamique économique est alors forte (investissements, internationalisation des
échanges, technologie en progrès, tertiarisation en développement, plein emploi et
attractivité régionale positive). L‟agriculture « productiviste » l‟emporte, et le
tourisme et les loisirs imprègnent les espaces ruraux. Ce qui conforte des
démarches (cadrées dans un contexte national) de bonnes articulations à l‟Europe
de l‟Ouest (infrastructures de transport, logistique, réseaux d‟entreprises), de
développement industriel – y compris sur le Rhin –. Mais ce Schéma exprime
nettement une attention portée au « capital Alsace » dans l‟économie en
croissance, via la limitation de la consommation d‟espace, une coordination
d‟action foncière, le souci des paysages (ruraux principalement), de
l‟environnement… Il appelle à la réalisation d‟une « Charte régionale » en la
matière (eau, air, déchets, gravières, ressources naturelles, espaces de nature et
paysages) et à un urbanisme plus actif.
De fait, le 7ème Plan (1976-1980) en région comporte des mesures de protection
de la nappe phréatique ; le Schéma des gravières ; le zonage « Massif vosgien » ;
la démarche « paysages » de l‟Institut « Qualité Alsace » ; le montage
de « l‟IREPA » (recherches et essais sur les produits d‟Alsace respectueux de
l‟environnement) ; une ébauche d‟une « trame verte » à l‟échelle du fossé rhénan ;
un resserrement des zonages périurbains et un contrôle des emprises de loisirs.
– Années 1990-1992 : la Charte de l’environnement du Bas-Rhin, les « États
généraux » du Haut-Rhin
De tels documents méritent signalement de par l‟importance des efforts de
concertation entrepris.
Dans cette Charte, le Conseil général du Bas-Rhin (sept. 1990) a réalisé là un
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
travail de mise en cohérence d‟acteurs, et de prise en compte des préoccupations
de qualité de vie (conciliation entre développement économique, protection
d‟espaces sensibles et cadres de vie locaux). Un Schéma départemental de
protection et de gestion des espaces naturels de 1985 a servi de base. Et un
Service dédié, créé en 1989, y est à l‟œuvre. En lien avec le Ministère de
l‟Environnement, l‟Agence de Bassin « Rhin-Meuse », EDF, la Chambre
d‟Agriculture et le Conservatoire des Sites alsaciens, ce travail met l‟accent sur la
gestion des déchets et décharges, sur la gestion des cours d‟eau (SAGEECE), la
protection des espaces naturels (ZNIEFF, biotopes, forêts riveraines du Rhin (5
réserves classées en 1990, 2000 ha) et sur la qualité des eaux superficielles
(nappes, cours d‟eau = eau potable, eaux usées) ; sur les paysages aussi : au-delà
de la question des gravières, il s‟agit des remembrements, des travaux routiers et
des zones d‟activités, de l‟enfouissement de lignes EDF, et des fleurissements des
villes et villages…
Un Schéma des pistes cyclables a démarré depuis 1980 : à poursuivre – jusque
dans le Bade voisin avec PAMINA –, de même que les efforts entrepris pour le
traitement de déchets comme pour leur tri sélectif (38 déchetteries programmées)
lancés dès 1982-1989. Il s‟agit en outre de maintenir les aides à l‟ASPA (qualité de
l‟air) ou à l‟ARIENA (information et initiation à la nature). Ainsi, la Charte et ses
engagements rassemblent un ensemble de démarches « environnementales »
surtout techniques, en s‟efforçant d‟y apporter cohérence et durée. Non encore
cependant mises en rapports avec les travaux entrepris dans le mode de
développement économique, ni dans la « durabilité » sociale.
Dans le Haut-Rhin, le Conseil général a, lui, mis sur pied des « États
généraux » en 1990-1991, avec de larges consultations, en vue d‟un « Projet
départemental de l’aménagement de l’espace et des paysages ». Y ont participé
les élus, les services des collectivités, des acteurs économiques et consulaires,
des associations et maints consultants et particuliers. Les axes majeurs en ont
été : la compétitivité (attractivité, technologie, transport, sites d‟accueil des
activités) ; les aménagements (urbanisme, SDAU et POS, lotissements, aires
agricoles) ; les familles de paysages identifiés (patrimoine, souci de qualité des
cadres de vie, valeur d‟image) ; la cohésion sociale (abordée en termes
d‟équipements et de résorption de l‟exclusion) ; l‟environnement (mitage spatial,
eaux, captages, forêts, vallées, versants et sommets vosgiens..).
Sans doute là encore, ces dossiers sont « spécifiés » et plus juxtaposés
qu‟interdépendants ; parfois connotés d‟éléments « passéistes » : l‟engagement de
« respect de la tradition dans l‟organisation spatiale », la démarche patrimoniale
« pour faire connaître les valeurs » et « l‟identité » du département…Du moins y
établit-on des principes de régulation, liant aménagement, développement et
milieux écologiques ou paysagers ; des hiérarchies d‟objectifs ou de structuration,
des préoccupations de qualité à faire partager, etc., avec le souci de susciter de la
cohérence et de remédier aux actions désordonnées de divers intervenants.
– « Alsace 2005 » : Documents préparatoires (1991-1993) et Rapport final
(1994)
Par un travail prospectif (à 15 ans), et collectif, le Conseil Régional d‟Alsace a
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Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
bien intégré la nécessité d‟une réflexion de « durabilité » et d‟équilibre entre les
volets économiques, sociaux, environnementaux et d‟aménagement régional. Il
s‟est nourri de diverses contributions établissant « l‟état des lieux » et le
« diagnostic », retravaillés en « ateliers » et synthétisés dans des « rapports »,
avant de dégager les lignes de force du devenir de l‟Alsace.
Parmi les contributeurs initiaux auteurs de ces Documents de travail, figurent :
les Services déconcentrés de l‟État en région ; les organes pilotant le PACT
« Massif Vosgien » et les PNR ; les Chambres consulaires ; la DRAE ; les propres
Services de la Région sériant plusieurs thématiques en « cellules » ; et maintes
personnes de la société civile se partageant entre les Ateliers. Le lieu n‟est pas
d‟en détailler tous les apports, mais de résumer ce qui apparaît comme avancées
en termes de développement durable.
Les contributions des Services de l‟État (en groupes de travail sous la houlette
du Préfet et du Sesgare), ont fourni des tableaux de situation, des traits spécifiant
l‟Alsace en France métropolitaine et quelques éléments comparatifs internationaux.
Au sommaire : la démographie et les actifs potentiels ; les champs de l‟éducation
et de la formation, et de la santé, sport et culture ; l‟emploi et le développement
économique ; la protection et la gestion de l‟environnement ; le parc d‟habitat et le
DSU ; les transports et la logistique ; l‟urbanisme et l‟aménagement.
Sont mis en avant quelques points jusque-là assez peu considérés : les
étrangers en Alsace ; les évolutions de la population active féminine ; les
faiblesses de la formation professionnelle continue, trop marquée alors comme
une « activité économique de service » et comme « service marchand »
médiocrement apte à intégrer une stratégie globale de développement en termes
de durabilité… Avec les acteurs économiques, ils énoncent dans l‟économie les
horizons d‟incertitude et les traits de dépendance des investissements, les
faiblesses de R et D industrielle et dans les PME, les mutations structurelles de
l‟agriculture depuis 1970, les besoins de promotion des transports collectifs face à
la généralisation de la voiture individuelle, les attentes en espaces voués à la
logistique comme pour l‟axe Rhin-Rhône et les liaisons internationales nécessaires
à la dynamique économique régionale.
Le champ environnemental met en relief maintes initiatives : schéma des
gravières de 1978 ; mise en œuvre de la loi de 1976 sur les installations classées ;
création de l‟IFARE ; congrès tripartite de Bâle en 1991 ; Schéma régional
d‟aménagement des eaux en cours d‟élaboration ; programme 1990-1996 de
l‟Agence de bassin Rhin-Meuse ; bilan des protections végétales existantes –
classement des forêts rhénanes en forêts de protection ; PNR des Vosges du Nord
1985, PNR des Ballons 1989, « Pact »-Massif vosgien 1989-1993 ; protection des
hautes Vosges 1990 ; base de données ECOTHEK de la DRAE… En passant,
notons les ouvertures au transfrontalier et à l'interrégional.
La DRAE, précisément, a apporté le tableau des actions entreprises par ses
services et par les collectivités dans les domaines de l‟eau, air, déchets, nuisances
diverses, dépérissements forestiers (programme DEFORPA), protections de la
nature… L‟accent y est mis sur la dynamisation des mesures relatives aux secteurs
sensibles, aux zones humides et/ou inondables, comme sur la biodiversité
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Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
floristique et faunistique inégalement fragile ou modifiée par l‟agriculture, la
périurbanisation, les emprises économiques, la fermeture et les césures des
paysages et écosystèmes (boisements, habitat et POS « insuffisants », enclaves
des zones de nature). En soulevant la question des conflits d‟usage ou de gestion,
le souci exprimé est de dépasser la résolution des problèmes urgents pour aller
vers une vision plus raisonnée et interactive.
Les PNR ont pour leur part souligné les distorsions entre Plaine et piémont
d‟une part et marges et Massif vosgien d‟autre part : en plaine, les
métropolisations, les axes méridiens d‟échanges économiques, les densités et les
équipements de santé, formation ou culture, les pressions majeures sur l‟espace,
les altérations paysagères, par différences avec les contrées plus rurales et
montagneuses qui la cernent. Des enjeux pèsent ainsi fortement sur les zones de
contact (débouchés de vallées, piémonts). Le Massif vosgien y est jugé
« préservé », encore que menacé par des initiatives anarchiques, souvent sans
consultations des habitants locaux comme sans préoccupation environnementale
ou de renouvellement des ressources en vue d‟ensemble. Le tourisme (lointain) et
les loisirs de proximité – et les friches – appellent des surveillances, des
sensibilisations et des sauvegardes patrimoniales (mais sans « muséographier »).
La vision exposée dans le texte des PNR est donc bien calée dans le sens du
développement durable, quoique focalisée sur les parties les moins peuplées de la
région (encore que plus denses que dans maints territoires équivalents en
métropole) et sur la qualité des espaces de vie de populations affectées par les
migrations pendulaires ou par la distance aux services. Leur plaidoyer vise la
cohérence entre les chartes des PNR, de développement local, des Départements
et de la Région ainsi que les solidarités à établir aux différentes échelles.
Les services de la Région ont en revanche travaillé de manière assez
segmentée. Les uns, au plan de l‟aménagement, ont proposé un diagnostic calé
sur le système urbain régional et les répartitions qui lui sont liées des services et
équipements publics, sur les équilibres internes de développement (en s‟appuyant
sur les dynamismes démographiques et les écarts d‟emploi ou de ressources des
ménages, les polarités et les réseaux de circulation), et sur les orientations
d‟urbanisme à promouvoir. D‟autres cellules de travail ont traité soit de l‟économie
productive soit du domaine des grandes liaisons de transport, soit encore des
conditions de vie sociale. Une équipe a enfin abordé l‟environnement :
a) recension des programmes de recherche scientifique en la matière en cours
en 1990-1992 (Piren-Eau-Alsace, programme DEFORPA sur les
dépérissements forestiers, REKLIP sur le climat dans le fossé rhénan,
création en Alsace en 1988 du 1er Institut « Eco-Conseil » en France,
installation de l‟IFARE franco-allemand en 1990) ;
b) évolution des démarches régionales contractualisées relatives aux nappes
phréatiques, à la mesure de qualité des eaux courantes et des eaux du Rhin ;
progrès des mesures de qualité de l‟air (ASPA, depuis 1971), des inventaires
et traitements forestiers en renforcement des préservations des lieux et aires
appelant des protections ;
c) politique en œuvre sur les déchets ;
d) intérêt des démarches concertées à l‟échelle du Rhin supérieur.
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Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
D‟autres documents de base ont émané des organismes consulaires, utiles
pour chacun de leur domaine d‟intervention, et pour faire émerger des dynamiques
de filières et de valorisation pour l‟économie. À des degrés divers, les liens des
activités qu‟ils représentent avec la thématique de l‟environnement sont évoqués,
ici pour demander davantage de concertation ou de coordinations, là pour inciter
« l‟administration » ou les « niveaux de pouvoir » à la coopération en matière de
développement ou d‟aménagement.
Les Ateliers de travail tenus et mutualisés au Conseil Régional d'Alsace (CRA)
en vue du Projet régional ont utilisé ces diverses contributions pour dégager des
orientations dominantes. – Un recueil des rapports d‟ateliers a été diffusé en 1991
–. Le « contexte international » a été axé sur les niveaux de l‟économie (la
globalisation, l‟Union européenne, le Rhin supérieur) comme des transports, et a
retenu le cadre du Rhin supérieur comme pertinent en matière d‟aménagement et
d‟environnement. L‟Atelier « Économie et Techniques » s‟est soucié des
investissements porteurs, des réseaux de recherche et d‟innovation, des
démarches « qualité » et d‟entreprenariat ; toutefois, le « modèle » de
développement exogène » y reste prégnant et la place allouée aux dimensions
sociales et environnementales encore modeste. Dans l‟examen des « modes de
vie », on relève les attentions portées au vieillissement, aux populations
étrangères, à l‟emploi féminin, et aux questions de santé (âges, couches sociales,
comportements de vie et au travail), ainsi que d‟exclusion ou d‟entre-soi freinant
les solidarités et affectant les dimensions culturelles traditionnelles. L‟Atelier
« Institutions », qui suit de près les évolutions des structures et réglementations
administratives et gestionnaires, de la décentralisation des compétences, est le
seul à se rapprocher des facettes du développement durable, tant par l‟analyse
que par des propositions de gouvernance. L'atelier « environnement » a nourri
surtout les éléments relatifs aux écosystèmes, aux agrosystèmes, et aux différents
champs d‟intervention technique ; dans sa contribution, qui se veut transversale
(« tous sont acteurs »), il estime que des seuils d'insertion des exigences
environnementales sont à imprimer dans l‟aménagement, dans les démarches de
santé et de qualité de vie et dans le développement. Il invite à considérer les
cadres spatiaux spécifiques des éléments naturels par-delà les cadres
institutionnels. La même logique a été aussi portée par l‟Atelier « Espaces et
territoires », surtout dans une convergence des politiques d‟équilibre intrarégional.
Au total, l’esprit du développement durable, sans être oublié, est quelque peu
dilué par ces approches dont les thèmes préétablis prolongent les démarches des
temps antérieurs : où l‟environnement a déjà été pris en mains précédemment,
mais liant gestions technique et stratégique, voire politique, dans un canevas resté
assez peu transversal ; où les aspects sociaux de la durabilité demeurent
insuffisamment marqués par rapport aux considérations économiques (les
« cadres de vie » et la « qualité de vie » étant les plus considérés) ; où
l‟économique ne s‟est pas encore ouvert à l‟économie résidentielle, à la formation
autre que professionnelle, et reste orienté par des instances décisionnelles
préoccupées par la compétitivité et la croissance des marchés.
Le Rapport final « Alsace 2005 » (1994) tente de faire un pas de plus. Dans son
15
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
objectif de « la Route haute » : « concilier durablement le mieux-être qualitatif et le
mieux-vivre économique » ; « construire un modèle dynamique de développement
et de société respectueux de l’Homme et de la Nature » ; « préserver l’ensemble
des ressources et les équilibres » ; « mettre la performance, l’équilibre, la cohésion
sociale et l’environnement au cœur du développement ». Singulièrement en ciblant
des objectifs qualitatifs, les voies de transfert intergénérationnel des valeurs et des
critères dont s‟enorgueillit l‟Alsace, et en prônant plus de cohérence dans l‟action.
Sa Troisième partie est dédiée à un « modèle de développement durable » qui
tienne compte des caractères spécifiques alsaciens : ses densités, son espace
mesuré, son mode dominant de socialisation communautaire, ses « équilibres » et
ses « vocations ». Elle propose de construire l'avenir en fonction des maillages
régionaux acquis, des contrats d‟objectifs déjà formulés, d‟une politique plus
globale des questions environnementales et des cadres de vie, et des éléments
positifs apportés par les démarches à l‟œuvre dans le Rhin supérieur.
L'APR, comme l'OEDA en son temps, « structures » de réflexion, ont été aux
avant-postes de ces dynamiques institutionnelles, pour participer aux
infléchissements de ces paradigmes et pour pousser aux visions transversales.
Collaborant avec la DRE-Alsace dans la planification stratégique, animant avec
l'ADEUS des « cycles de conférences » avec débats publics, de 1989 à 1996, (v.
Cahiers de l'APR, 20 numéros), elle a promu des échanges contributeurs de
certaines interrelations.
Ce bref « balayage » des productions diverses d‟instances en région,
considérées en fonction de l‟émergence des démarches ou approches du
développement durable, certes incomplet ou partiel, montre l’Alsace comme
préoccupée « avant l’heure » des éléments que prône ce concept. Au moins sous
plusieurs angles « techniques » des composants de l‟environnement parce que liés
à la vie et à la gestion locale et régionale de territoires densément peuplés, actifs
sur un espace compté, et soucieux de la préservation de leurs ressources. Au
moins aussi sous les angles d‟une identité collective qui est une autre de ses
richesses (socialité, valeurs, patrimoines). D‟où ce qui a été dénommé, en
introduction, « une certaine prédétermination ». L’historique a cherché à souligner
en quoi les démarches antérieures à la notion de Développement Durable ont
perduré pendant deux décennies, avant que l’ensemble des orientations que cette
notion recouvre ne soient conduites « de front ».
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Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Document 1 : L'Alsace, région de fortes densités
17
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
1.2 Depuis 1995 : quelques modifications de perspectives
J. Theys a souligné les facteurs de changement de perspectives ayant coïncidé
avec la diffusion des propositions en faveur du développement durable. Ont joué
selon cet auteur : les réorientations des aides européennes (monnaie unique,
Agenda 2000, critères de soutien, dérégulations) ; les gains en matière de NTIC,
de technologies, de systèmes techniques intégrant mieux les services et
l‟environnement ; l‟extension des perceptions multiformes de la globalisation ; la
crise de l‟intégration sociale et les difficultés à maîtriser « l‟éclatement urbain »
(disparition des frontières ville-campagne) ; des attitudes plus critiques par rapport
au productivisme, aux risques et aux systèmes de pouvoir… L‟incertitude et les
enjeux pour les générations futures reposent les questions de modèle de
croissance, de modalités d‟utilisation « soutenable » de l‟espace (agriculture,
conservation de la nature, politiques urbaines, risques), des aspects liés aux
mobilités de toute sorte, de l‟individualisme et des réseaux choisis en matière
sociétale… Des disjonctions se creusent « entre territoire de production, territoire
vécu, territoire institutionnel, et territoire représenté »… au moment où « le
territoire est investi de nouvelles vertus ou de valeurs symboliques » (en termes
de) réseaux, cohésion, authenticité, sécurité, démocratie, patrimoine, emploi…
(collectif : Repenser le territoire, Datar – éd. de l‟Aube, 2000, chap. 7). Ajoutons-y
les interrogations sur l‟énergie (d‟aujourd‟hui et de demain).
Plus particulièrement pour la France, des lois nouvelles d‟aménagement ont vu
le jour (1995, loi Pasqua-Hoeffel ; 1999, lois Voynet et Chevènement ; 2000, loi
SRU). Leurs incitations visent à renforcer l‟urbanisme et les orientations
intercommunales, à promouvoir avec plus d‟interdépendance des Schémas de
services collectifs – voire à les synthétiser dans des Schémas régionaux
d‟aménagement et de développement (durables) –. La « planification territoriale
stratégique » reprise par la DREAL en 1994-1995 et dans les années suivantes –
notamment selon la loi SRU et les Scots que celle-ci suscite – fait aussi reprendre
en prospective les voies de l‟aménagement régional.
Les démarches en région, au regard de ces nouveaux cadrages
Continuités et évolutions à la DIREN
La Direction régionale de l'environnement poursuit bien sûr son action de
proposition et de veille sur l'eau et sur la gestion des ressources naturelles. Pour
l'eau, si utile à tous, c'est l'Alimentation en Eau Potable (AEP), l'assainissement, la
qualité des nappes et cours d'eau, les usages (agricoles, industriels, transports
fluviaux, hydroélectricité, loisirs..). La perte de qualité en 30 ans, les pressions sur
cette ressource, renforcent ses suivis de gestion (analyses, débits, risques
d'inondation – cf. PPR) et d'articulations aux écosystèmes et aux fonctionnements
par bassins hydrographiques. Le SDAGE défini avec l'Agence Rhin-Meuse et la
Région, le programme « Rhin vivant »(Life), les MAE, les directives européennes...
en sont les outils.
La gestion des ressources naturelles, pour la DIREN, ne se limite pas aux
zones humides, aux espaces protégés, au freinage de l'artificialisation des terres,
18
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
mais déborde sur l'aménagement et sur le traitement des paysages (cf. ses
positions énoncées dans « des Hommes et des Territoires » en 2003).
Sur l'aménagement, à noter : a) son souci d'un respect des prescriptions
d'urbanisme, d'un « tourisme rural adapté, respectueux des continuités
écologiques », b) l'attention à porter aux « transitions périurbain- rural- naturel »
(ceintures vertes, vergers et bosquets) comme aux liens entre écosystèmes et
paysages, c) diverses incitations telles que : la diminution des intrants dans
l'agriculture, la gestion des déplacements, la réduction des espaces fonctionnels
« hybrides » par ex..
Sur les paysages, le constat des évolutions (pertes de cohérences, éclatements
de noyaux villageois ou urbains, progrès des « fermetures » ou césures –
reboisements, clôtures, constructions, ouvrages linéaires – et des banalisations
d'extensions bâties, d'espaces cultivés comme d'entrées de ville, tendances
consuméristes dans les besoins sociaux en espaces de loisirs), incite à prôner des
analyses « globales » du paysage et des diagnostics partagés, à privilégier des
continuités, et à traiter vraiment « les paysages du quotidien ». Ressort ainsi une
extension des objectifs et des champs d'intervention, en direction notamment des
divers niveaux de collectivités territoriales et des acteurs d'aménagement.
La Région Alsace, par des travaux d‟ateliers lancés en 1997, s‟est
momentanément engagée dans un Schéma régional, avant de préférer s‟en tenir à
un Rapport d’orientation paru en 2002 (CRA). Dans ces étapes, même hors du
Schéma de services « espaces naturels et ruraux », les interfaces « économie »,
« environnement » et « social » ont été explorés pour déboucher sur plusieurs
objectifs « durables » repris dans le « Projet de l'exécutif régional 2004-2010 : une
ambition globale, cinq défis » :
a) Un développement équilibré du territoire régional, imposant une approche
plus adaptée aux évolutions (métropolisation mieux maîtrisée, modulations
selon les systèmes urbains propres au Bas-Rhin et au Haut-Rhin avec appuis
aux villes moyennes animatrices de « pays » et foyers d‟intermédiations
diverses ; politique de structuration des « bassins de vie ») ; veille attentive
aux équilibres sociaux, territoriaux et naturels, et amélioration des cadres de
vie.
b) Un renforcement de la coopération régionale et transfrontalière (une « région
européenne » dans l‟économie, les échanges et la culture).
c) Une dynamique de projets de territoires, de formation et d‟insertion.
d) Des choix de « développement soutenable » davantage endogène, économe
de l‟espace, de la santé, de l‟énergie, coopératif dans les engagements
environnementaux et patrimoniaux.
e) Il y est affirmé que le développement durable doit dépasser la « traditionnelle
action régionale de préservation et de valorisation d'un riche mais fragile
patrimoine naturel et environnemental » pour aller vers une panoplie de
politiques et de dispositifs ciblés mis en coordination.
Il en résulte les nécessités suivantes :
 L'intégration plus poussée d'une composante environnementale dans les
19
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
champs où le CRA est maître d'ouvrage (transports, lycées, économies
d'énergie, air, SAGE et contrat des nappe, déchets industriels spéciaux,
planification) – avec « bilan » annuel.
 Un leadership dans les énergies renouvelables (aide du FEDER, lien avec le
programme national Helios) et dans l'innovation, avec constitution d'une filière
en la matière et coordination à l'échelle du Rhin supérieur.
 Une politique de labellisation des « éco-entreprises » régionales (environ
450 en 2004), associée aux plateformes technologiques alors en
développement.
 Une reconquête des paysages et espaces naturels sensibles, via une
« trame verte régionale » (voire transfrontalière), des espaces verts urbains
comme proches des équipements, l'affirmation de la valeur biologique des
écosystèmes ou de la biodiversité éco-certifiée des forêts (PNR notamment),
ou encore la formation de paysagistes et l'éducation à l'environnement en
centres d'initiation à la nature.
 Un soutien aux maîtrises foncières publiques (renouvellement urbain,
Établissements Publics Fonciers, reprise de friches, SAFER...).
 La décentralisation a transféré aux Régions les réserves naturelles
« classiques », puis les « réserves naturelles volontaires agréées »
transformées en « réserves naturelles régionales » (loi du 27-2-02 dite de
démocratie de proximité, et modification du Code de l'environnement). Une
analyse en est donnée in M.-P. Camproux-Duffrène et M. Durousseau (dir) : La
protection de la nature 30ans après la loi du 10 juillet 1976, PUS (p. 135-156).
Même sous surveillance de l'État pour les procédures et les définitions de
compatibilité des activités, c'est au Conseil régional d'établir le classement et
de définir ainsi des « espaces naturels d'intérêt régional ».
Si dans ce projet le champ de la cohésion sociale et territoriale est un thème en
soi, il se relie néanmoins au précédent par la politique régionale des transports
collectifs et des alternatives à l'automobile (TER, cadencements, modernisation,
équipements nouveaux, qualité de services aux usagers, intermodalité et
coordination des divers AOT, sécurité). Et, depuis la loi sur les responsabilités
locales, le CRA se fait plus présent dans les domaines du logement et des aides
aux familles ou au handicap, des services aux populations...
Les activités engagées par le CESA (aujourd'hui CESR d'Alsace) ont préparé
plusieurs dossiers. En 2004, en commission « Qualité de la vie, environnement,
solidarités », la thématique de « L’Alsace, territoire fragile ? » (gestion de l‟espace,
cadre de vie, lien social) y a permis de promouvoir la richesse de contenu du
concept de développement durable et de proposer une méthodologie tenant
compte des entrées thématiques et des entrées spatiales à mobiliser, d‟une part, et
des étapes et niveaux d‟articulation (études, diagnostics, projets et caractère
opérationnel) à construire, d‟autre part. En 2009, une autre participation de
cadrage et de méthodologie a été fournie par cette même instance sur « les
services de proximité ».
Les Conseils généraux, parallèlement, ont mis en chantier des démarches plus
riches de participation de la société civile et de coopération entre instances
publiques.
On ne peut en séparer les préoccupations exprimées autour de la cohérence des
20
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
« bassins de vie » (territoires) ou des « cadres de vie ». Ainsi, dans le Bas-Rhin, un
effort a été entrepris pour valider des « territoires » groupant des EPCI – cf :
Portraits de territoires 2001-2003 –, soutenus ensuite dans leur dynamique par des
« contrats de développement et d'aménagement » (depuis 2005).
Pour rendre compte de ces démarches en concertation, prenons l'exemple du
programme « des Hommes et des Territoires » lancé depuis 2003 dans le BasRhin (Réunion plénière et priorités d'action – 3-4 nov. 2003, « Livre bleu »
groupant les contributions des concertations thématiques, oct. 2003) : sont
« couverts » les champs du patrimoine, de l'environnement, de l'habitat, de
l'économie, des déplacements et communications, des partenariats et « contrats
territoriaux », en sus de la cohésion sociale déclinée par groupes d'âge.
L'environnement ici considéré est pris au sens de préservation et valorisation
des ressources et des milieux naturels en vue d'une saine gestion, avec trois axes
majeurs : l'eau ; la maîtrise et la qualité des espaces, et la gestion des déchets ;
tout territoire doit avoir un volet « environnement » dans ses analyses et projets.
L'alimentation en eau potable (AEP) et l'assainissement, depuis 1997, figurent
dans le contrat-cadre avec l'Agence de l'eau (Rhin-Meuse) ou SDEA. On y définit
l'affectation du Fonds des adductions d'eau, la résorption des « points noirs »
(contaminations diverses) et la protection des captages ainsi que la sécurisationentretien des réseaux d'AEP (mise aux normes, renforcement, renouvellement)
afin de répondre aux besoins liés à l'urbanisation, à la santé et à la préservation
des ressources. Un inventaire des réseaux a été entrepris en 2001-2002
(sécurisation, interconnexions, renouvellement des conduites, extensions), associé
à une étude sur les documents d'urbanisme (PLU, SCOTs) et à un Observatoire
départemental de l'eau.
Pour l'assainissement, sont suivies les mesures de qualités des cours d'eau
(RID) et dressé l'inventaire des réseaux d'assainissement (selon leur âge) comme
des extensions nécessaires. Un Schéma d'élimination des déchets a été défini, qui
englobe les sous-produits d'épuration et des boues. L'objectif est d'aboutir à un
maillage en stations d'épuration, à un suivi des collectes, et d'étoffer les annexes
sanitaires des PLU. Chaque contrat de territoire a désormais un volet « AEPassainissement ».
Les cours d'eau sont traités dans le cadre des SAGEECE (schémas
d'aménagement, gestion, entretien écologique) déclinés en SAGE selon la loi sur
l'eau de 1992 : maintenir ou rétablir les champs d'expansion des crues et des
espaces refuges pour la faune sauvage ; réhabiliter à des fins paysagères ou
récréatives des bandes vertes entrant dans l'ossature des « trames vertes »
régionales ; lutter contre les inondations et contre les éboulements de berges ;
faciliter les mesures agri-environnementales et la maîtrise foncière au long de ces
dernières (en partenariat avec la Chambre d'Agriculture) ; préserver au mieux les
végétations naturelles et les zones de captage (et leurs abords).
En matière de déchets, la réduction des décharges communales se poursuit
(depuis 1980). Un Schéma d'implantation des déchetteries a été élaboré en 1989,
21
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
avec constitution d'Unités de traitement dont les années récentes portent les
prolongements. Le Plan actuel sert de document de coordination et de groupement
de moyens pour les intercommunalités gestionnaires ; il guide les efforts de tri
sélectif.
ème
Pour les espaces naturels sensibles, le Département s'appuie sur le 2 Schéma
produit à cet effet en 1997 (le premier = 1985). On y définit les lieux appelant des
mesures de préemption, les soutiens aux mesures agri-environnementales (MAE,
avec aides européennes et nationales) étendues aux associations foncières
pastorales et à l'agriculture de montagne, et aux réhabilitations de vergers hautes
tiges proposées par les EPCI.
L'habitat est articulé à la fois à l'action sociale et à la maîtrise de l'urbanisation.
En tant qu'acteur social, et face à la précarisation des ressources et des parcours
résidentiels des habitants, le Département s'implique surtout dans la question du
logement des plus défavorisés dont il établit le PDALPD (plan départemental) : via
la délégation par l'État aux collectivités de crédits affectés au logement social
(2005) ; à travers ses participations à OPUS 67 et à la SIBAR, au Fonds de
solidarité pour le logement (FSL, 2005), à l'ADIL (information sur le logement) ;
comme co-porteur de l'Observatoire de l'habitat animé par l'ADEUS ; en tant que
responsable des catégories âgées ou / et handicapées de sa population... Autant
de points qui l'incitent à œuvrer avec d'autres à la réduction des déséquilibres de
production de l'habitat, des faiblesses du secteur locatif, du renchérissement des
coûts du logement. Tout contrat de territoire a désormais un volet « habitat ».
Cependant, les fondements spatiaux sont surtout ceux des intercommunalités
(EPCI) quand les dynamiques sont plutôt calées sur la géographie de la
périurbanisation et de la rurbanisation....
Dans le même temps, ses préoccupations en matière de déplacements, de
paysages, de structuration du territoire, de développement économique, de
consommation d'espace... s'imbriquent à sa mission de cohésion sociale. Les
programmes d'OPAH, de OCM (ex-ORAC), de zones d'activités ou
d'infrastructures (aux multiples acteurs) ont en effet des rapports aux dynamiques
de peuplement et de mobilité. Par des moyens « indirects » comme les transports
collectifs, les systèmes d'aides, des contractualisations avec les bourgs-centres ou
les villes moyennes, le Département s'efforce de susciter des articulations
d'actions
plus
« transversales »
d'aménagement-développement.
Plus
« directement », il vient de mettre en place un Établissement public foncier (20072008) cherchant à maîtriser les étalements spatiaux.
En matière de déplacements, transports et communications, la politique
départementale – sans pour autant négliger l'insertion dans les réseaux plus
amples qui sous-tendent l'économie régionale et les attractivités de l'Alsace
comme ses rapports internationaux – vise la desserte fine du territoire. Sur ce
maillage repose « l'équité territoriale » et les accès aux services. Mais on sait que
l'accessibilité a favorisé périurbanisation et rurbanisation (des hommes et des
activités), amplification des flux, etc.
En fait, il y a là télescopage de contraintes et de démarche volontaire. Le
22
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Département a la charge des routes (Schémas de 2000 et de 2010 =
hiérarchisation, niveaux de services, modernisation, déviations ou rocades
d'évitement d'agglomérations hors infrastructures nationales, sécurité routière) ; il
organise le réseau des bus interurbains. Avec la Région, il est partenaire du
système des dessertes ferroviaires par TER et maintenant des « trams- trains »
réalisés ou en cours de réalisation. Mais, dans le même temps, il s'engage dans
les systèmes alternatifs ou complémentaires de transports collectifs locaux promus
par des EPCI décrits ailleurs par J. Forthoffer (Cahiers de l'APR, n°2011-2), dans
les « circulations douces » (Plan de pistes cyclables), dans l'autopartage, dans la
mise en place de plans de déplacements d'entreprises, et il suit de près les PDU
d'agglomérations. Il est soucieux des intégrations tarifaires et informatives en
chantier à différentes échelles (régionale et Rhin supérieur y compris)... Bref, la
dimension du développement durable s'instille dans sa démarche.
Le Conseil général s'est en outre beaucoup investi dans les réseaux NTIC.
Soulignant la qualité de Strasbourg et de l'Alsace au cœur des grands réseaux
haut débit paneuropéens, complétés par ceux des Universités (Osiris, Renater) et
Hôpitaux, il s'est associé à la Région pour le développement de la fibre optique
(2004, desserte d'aires urbaines et de grandes zones d'activités) ; il a lui-même fait
en sorte que 85% de ses habitants bénéficient de l'ADSL et d'accès à Internet.
Dans quelle mesure agit-il, lorsqu'il aide au développement économique,
s'implique-t-il à sa « durabilité » ? Depuis la décentralisation des années 19831985, avec la « Région chef de file », le « bras armé » en la matière du
Département (l'ADIRA ) a d'abord maintenu la démarche d'un modèle « exogène »
de développement (soucieux cependant de réduire les atteintes aux milieux
fragiles) ; il a contribué aux constitutions de filières ou SPL favorables au
développement local et aux circuits courts ; et il s'est inquiété des proliférations de
zones d'activités communales. Ses engagements plus récents prennent mieux en
compte maintenant le souci de réduction des espaces consommés à cette fin, en
se concentrant sur les zones intercommunales et en promouvant quatre
« plateformes départementales d'activités » où l'on veille à la qualité de
l'environnement, des dessertes, de services connexes, et à la solidarité fiscale
(encore des aspects insuffisants sur ces plans dans les réalisations
intercommunales !).
La dynamique de la connaissance (secteurs industriels émergents,
« pépinières » ou « hôtels » d'entreprises, bâtiments-relais, incubateur « Bioparc »,
pôles d'excellence universitaires) a toute son attention, de même que les questions
de formation et de qualification professionnelle. Si les impulsions y sont le fait
d'autres instances, son implication vise à ce que les efforts embrassent tous ses
« territoires » – estimant que, pour que la cohésion sociale se maintienne au
regard des mutations économiques, ne doivent pas se créer trop de distorsions.
Sauf à faire admettre la validité de cadrages point trop exigus en la matière... Il en
va de même au plan de l'économie touristique, dont les acteurs multiples ou la
liaison au « développement local » ont marqué les évolutions éclatées jusqu'à il y a
peu. La gouvernance multi-niveaux et la prise en considération d'autres cadrages
que ceux de l'intercommunalité deviennent des clés indispensables de
positionnement du développement économique durable.
23
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Le(s) patrimoine(s) ont leur place en tant que valeur de transmission dans un
développement durable, comme vecteur(s) d'éléments identitaires. En ce domaine,
le Département est un porteur puissant. Celui du Bas-Rhin a défini là une politique
volontariste depuis 1999, en phase avec l'Agenda 21. Laissons de côté ses
compétences propres (archives, lecture publique, édifices des cultes, entretien et
valorisation des ressources historiques), pour insister sur ce qu'il entreprend en
faveur d'une identité culturelle collective : mise en réseaux des lieux d'Histoire,
paysages, CAUE et architecture, actions éducatives et de sensibilisation, soutien
aux écrits (alsatiques) et à l'audiovisuel (pôle image), au bilinguisme (dialecte et
allemand) et à la culture scientifique et technique (le Vaisseau) ou générale
(médiathèques). On en retiendra les axes patrimoniaux dominants : les « racines »
de « l'alsacianité » et les paysages humanisés contributeurs à la fois des « cadres
de vie » locaux et de l'identité régionale. Le lien y est aisé avec le volet
« environnement » et « qualité de vie » (entretenue par les efforts inclus dans le
SDEA, les SAGE, et pour le espaces sensibles préalablement signalés).
Le Conseil général du Haut-Rhin témoigne des mêmes préoccupations. Au plan
de l'environnement, il fait montre d'engagements identiques dans les domaines de
l'eau, de l'assainissement ou des déchets ; il se signale en particulier par une forte
implication dans les démarches de réalisation des plans de protection des
inondations (PPRI pour les différents cours d'eau sur son territoire). Un précédent
Cahier de l'APR (2011-2, contribution de B. Martin et al) en a fait état récemment.
Bien entendu, il conduit également des politiques sur l'habitat, sur le
développement économique ou sur les déplacements et communications, comme
sur les patrimoines.
Ainsi, un Conseil général est un intervenant incontournable de mise en pratique
des contenus du développement durable. À condition qu'il surmonte un relatif
compartimentage de gestion et d'anticipation, qu'il renforce le caractère
« transversal » de ses politiques, qu'il se situe aussi dans les perspectives des
nouvelles spatialités aujourd'hui issues de la périurbanisation (au sens large) et en
symbiose avec le développement urbain durable...
24
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Le développement urbain durable, vu de la CUS
Plusieurs ouvrages et colloques ont abordé ce sujet depuis le rapport Brundtland.
Certains ont été cités dans notre production sur la périurbanisation en Alsace (v.
Cahiers de l'APR, n°2011-1, et sa bibliographie), tels F. Ascher, Y. Chalas, Ph.
Genestier et al,. D'autres émanent d'équipes travaillant autour de la DRAST du
Ministère de l'Équipement et de J. Theys, ainsi que dans divers pays étrangers
(Canada, USA, Allemagne, Grande Bretagne ou Italie surtout). Rappelons aussi
Ph. Douste-Blazy et Ph. Richert : La ville à bout de souffle, 2000, Plon éd.
On retiendra ici seulement, pour introduire la question, l'ouvrage collectif autour
de R. Camagni et de M.-C. Gibelli : Développement urbain durable, quatre
métropoles européennes, (Datar – éd Aube, 1997), avant de suivre les démarches
de la CUS et de l'ADEUS.
Document 2 : Trames verte et bleue de la Communauté Urbaine de Strasbourg
Document CUS, démarche Eco-Cités, Strasbourg, métropole des Deux-Rives, 18
p., non-daté
Ce travail se place dans une démarche systémique, en partant de la vocation
propre des villes à permettre les interactions sociales. « La soutenabilité en milieu
urbain est à lire en fonction du capital social (information, créativité, échange,
culture) qui s'y développe » ; « le capital naturel ... devient alors un bien
supérieur » pouvant à son tour fixer des activités nouvelles amorçant « les
développements à suivre » (même si cette linéarité n'est pas assurée et si joueront
les systèmes de valeurs des générations futures). Les polarités de la ville (marché
et division du travail, échanges et flux) et les interactions sociales, les attractivités
diverses lui confèrent son dynamisme : mais c'est « un processus basé sur
l'apprentissage collectif » : celui, construit en un ensemble, des sous-systèmes
social et culturel, patrimonial et physique (le bâti, la trame urbaine), économique, et
environnemental. Maximiser leur intégration en un système complexe, et celle de
leurs propres régulateurs est le « gage d'efficience, d'équité et d'écologie », car
« la ville durable n'est pas une ville sans conflit, mais une ville qui sait les gérer ».
Politiques publiques, aménagement des territorialités, technologies maîtrisées, et
25
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
comportements collectifs sont à mettre en synergie.
Toutefois, il y a lieu de considérer les effets de taille urbaine, de seuils critiques
(positifs ou négatifs), de prégnance des politiques nationales dans chaque soussystème, les capacités d'internalisation des coûts, les degrés d'affirmation des
utilités sociales, ou de coopérations inter-institutionnelles ou inter-sectorielles.
Comme les mises en œuvre effectives de mixité fonctionnelle et sociale... dans le
succès du développement urbain durable – ce qu'illustre l'ouvrage avec ses quatre
exemples. D'autres auteurs reprennent ce concept de manière plus ciblée : soit en
privilégiant l'éco-développement, soit en s'inscrivant dans le « cycle de la ville »,
soit en s'attachant au génie urbain et à l'urbanisme, soit encore en étudiant des
éléments spatiaux spécifiques (cœur, franges, entrées de villes, couronnes) ou des
éléments sociaux. Peu pourtant se hasardent à des visions prospectives.
En France, les dispositions de « Grenelle 1 et 2 » (art. 7) ont permis de proposer
des plans d'action « Ville durable » avec l'aide de l'État dans le cadre de
conventions (+ abondements via le « Grand Emprunt »). Quinze grands projets
d'innovation urbaine ont vu le jour, dont celui de la « Métropole des Deux Rives »
réalisé par Strasbourg. Les villes volontaires proposent là des programmes
globaux d'innovations énergétiques, architecturales et sociales que l'État
accompagne après aval du Haut Comité pour la ville durable. En cohérence avec
les documents de planification à long terme (Scot) et à court terme (PLH, PLU,
opérations de requalification ou renouvellement urbain), les objectifs visent
l'adaptation au changement climatique, les économies d'énergie, la qualité des
réseaux, celle de l'environnement comme des transports collectifs et des
paysages, la prévention des risques, et surtout la proposition d'un nouveau modèle
de développement urbain « durable et solidaire », « d'éco-cité » (2008).
L'adhésion des forces économiques et sociales doit en souder la bonne
gouvernance.
À Strasbourg (Ville, CUS et Kehl), ce plan se décline en fonction des
perspectives à 2030, épaulées par celles :
a) De la planification urbaine (Scoters avec son PADD – projet d'aménagement et
de développement durable – approuvé en 2006 et couvrant jusqu'à 2016, et
les PLU établis en conformité avec ses prescriptions et coordonnés par un
Document d'orientation communautaire ; 4ème PLH réalisé en 2009).
b) De développement économique « Eco-2020 ».
c) Des transports publics et déplacements à l'horizon 2025.
d) D'un Plan Climat territorial.
26
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Document 3 : Le risque inondation
27
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Document 4 : Les milieux naturels remarquables
28
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les démarches d'« éco-quartiers » et d' « Atelier urbain » de débats sur la ville
durable visent à piloter la concertation d'acteurs acceptant des référentiels de
« durabilité », des chartes d'engagement et une « évaluation dynamique » au long
des opérations. Ces dernières s'appuient sur les trames verte et bleue comme des
transports collectifs, qui donnent une structuration d'ensemble, et qui sont
déclinées en 24 projets-leviers répartis sur l'aire métropolitaine. (v. doc 5 page 35
et site CUS, doc. de 2009 et 2010).
Les principes directeurs d'Eco-cité sont conformes aux idées attendues :
a) Structurer un ensemble urbain ouvert sur ses environnements par les trames
sus-citées et en étoffant une politique foncière associée à une politique des
déplacements.
b) Corriger une tendance forte à la spécialisation socio-démographique des
territoires et promouvoir la mixité sociale.
c) Renforcer les innovations (constructions, espaces publics, déplacements,
éco-entreprises).
d) Préserver la biodiversité (gestion écologique des espaces, projet de « parc
naturel urbain », zones-tampons autour des sites de captage ou de lieux
présentant des risques technologiques.
e) Permettre l'essor de l'entreprenariat innovant dans les développements
métropolitains et locaux, en consolidant la relation entre métropolité et
économie régionale, d'une part, et organisation des bassins de vie
intermédiaires (services, mixité fonctionnelle, courte distance) d'autre part, en
s'appuyant sur l'économie de la connaissance, des secteurs porteurs,
l'attractivité partagée, l'offre territoriale posée dans les SOZAC et SOZAH
précédemment établis.
f) Consolider la gouvernance par l'adhésion des acteurs et par un cadre de
partenariat dans le cadre de « l'Eurodistrict ».
L'intention ferme est de réfléchir selon ces objectifs à « un nouveau modèle de
développement » calé sur un urbanisme renouvelé, l'économie et la maîtrise
d'espace, la mobilité durable, comme sur les démarches alternatives de divers
ordres et le respect de l'environnement. Sans surprise, l'examen plus détaillé des
propositions promeut des avancées dans le traitement spatial et la conception
urbaine (trames, formes, produits) ; la logique « urbaine » l'emporte, les
dossiers-leviers se situant presque tous dans les parties constitutives de
l'agglomération (cœur et première couronne) ; et c'est sous cet angle que sont
abordées les thématiques relatives aux populations, au logement, aux flux urbains,
aux territorialisations et aux modes de vie. Dans le cadre CUS prévalant, les
éléments relatifs à des espaces de deuxième couronne sont modestes : il s'agit
surtout des « portes » de l'agglomération (entrées Sud, Ouest, Nord), de secteurs
à pôles d'activités (Entzheim, Kehl), et des rapports aux espaces agricoles ou
« naturels » par le biais des trames verte et bleue ou du parc naturel urbain. Le
« Grenelle », de par son objet, induit également les considérations sur le climat,
les énergies, l'eau, les transports et déplacements, les innovations technologiques
d'architecture et de construction, de communication (NTIC) ; encore que le lien
avec le renforcement métropolitain soit assuré au travers de certains projets :
Hôpital-Heyritz, presqu'île Malraux, Port du Rhin, Wacken.
En prolongement, l'ADEUS vient de nourrir plusieurs séminaires et plateformes
29
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
de débats se rapportant à la ville de demain et au Plan Climat. Les séminaires
« Demain, c'est tout de suite » embrassent les adaptations au changement
climatique, les interactions entre territoires et modes de vie, les options en matière
de fonctionnement et d'organisation dans une métropole « post-carbone » ou
d'attractivité transfrontalière de Strasbourg (juin 2010). Antérieurement, avaient eu
lieu des rencontres autour des « socles éco-systémiques », les tendances
d'évolution sociale, les modes actifs des mobilités (2009-2010) – v. site ADEUS.
De sorte que, malgré des interfaces encore peu exprimées, le développement
urbain durable fait son chemin dans la métropole alsacienne, à l'instar d'autres
cités françaises et européennes (cf. villes participantes aux « conférences
européennes des villes durables » (de la Charte d'Aalborg de 1994 aux Journées
de Dunkerque de mai 2010).
Une autre présentation des démarches animées par le développement durable,
au sein des Services de la CUS, est fournie plus loin, en Partie 3, par Alexandra
Monot (v. 3e partie, 3e chapitre).
30
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Document 5 : Les 24 projets leviers de la CUS
Document CUS, démarche Eco-Cités, Strasbourg, métropole des Deux-Rives, 18
p., non-daté
31
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
1.3 Les renforcements dans les années les plus récentes
Dans la plupart des champs d'action qu'implique le développement durable, des
ajouts ou consolidations imprègnent les politiques publiques. Souvent sous forme
de mesures complémentaires, ou de coordinations de services. Cependant, il
semble judicieux d'insister sur deux positionnements consolidés : la focalisation sur
la thématique de la consommation d'espace, posée en termes d'enjeux fonciers
d'une part, et le souci des perspectives à moyen et long termes qu'introduit la
démarche du développement durable dans l'aménagement – développement
d'autre part.
Les enjeux fonciers et d'articulation des questions de périurbanisation
On doit à diverses structures d'étude et de réflexion pré-opérationnelle en région
des approfondissements, des évaluations et des possibilités d'échanges entre élus
et société civile. Les travaux de l'APR (tomes 1 et 2) se sont nourris de leurs
productions. C'est ainsi que l'ADEUS, l‟ADAUHR ou l‟AURM ont élaboré pour les
collectivités territoriales des analyses en coopérations ou avec ouverture au public,
lesquelles ont approfondi maintes thématiques : en 2007, sur « Les conflits
d’usages, et territoires illustratifs des enjeux fonciers en Alsace », et sur les
« Articulations des politiques sectorielles », sans parler de diagnostics concernant
les Scots, les aires métropolitaines, et de « bilans » de l‟urbanisation des dernières
décennies. Le lecteur intéressé peut bien entendu les consulter.
Les démarches de mise en perspectives des années 2010-2011
Le Conseil Régional amplifie son implication dans plusieurs directions. La
sauvegarde de la biodiversité de manière générale se développe plus avant, par
maintes orientations complémentaires – telle la re-création de zones naturelles –,
ou par l'attention portée aux vergers (existants ou à relancer). La « construction
BBC » (bâtiments à basse consommation d'énergie) figure dans tous les
programmes relatifs à l'habitat et aux lycées. Avec l'ASPA, est promue l'évaluation
plus fine de la pollution de l'air en Alsace – notamment en ciblant la pollution
« carbone » issue des entreprises –.Tous les plans de déplacements, des
personnes et des marchandises, comportent un volet de développement durable.
Enfin, sont mises en œuvre des « conventions d'objectifs » avec les agriculteurs.
Le Conseil général du Bas-Rhin a repris en 2010 son « Agenda 21 »
départemental – initialement lancé en décembre 2006 –, et établi une « version
0.2 » (ou de 2ème génération) en étoffant les volets relatifs au champ social et aux
transports (cf. les « éco-routes »). Une « Charte du développement durable des
zones d'activités » a été rédigée en 2010 et devient un document stratégique plus
affirmé. Les résultats d'une « Enquête ménages –déplacements » d'envergure
(5 500 ménages, comparaisons à ceux produits par les enquêtes antérieures de
1988 et 1997), qui a été conduite en coopération avec l'ASPA et la CUS, ont nourri
plusieurs documents prévisionnels : Agenda 21, PHL et PLU, Scots, schémas de
déplacements et PDU. Enfin, un nouveau « Schéma départemental des espaces
naturels » a été adopté en 2010, posant une perspective à 2025.
32
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La CUS et l'ADEUS ont produit plusieurs dossiers. Ainsi, des diagnostics de
pollution ont été élaborés pour différents sites comportant des entreprises
polluantes. Une démarche à long terme concerne les zones d'activités
économiques (ZAE), qui vise l'aménagement de leurs dessertes (notamment en
transports collectifs), la basse consommation énergétique des bâtiments à y
réaliser, les améliorations qualitatives des espaces contigus, l'étoffement sur place
de services de proximité ou encore d'associations d'usagers ; un premier lot
concerne les ZAE de Schiltigheim (EEE), d'Illkirch (P 2 I), d'Eschau et d'Entzheim
(Nord-Aéroport) ; R. Nisand (pilote de l'action), à ce propos, estime qu'il faut « faire
là de la haute couture urbanistique ».
Une analyse approfondie de 2009 : « Quarante ans d'urbanisation de la CUS :
Où ? Combien ?, Comment ? », a détecté les modalités évolutives de
transformation des lieux et territoires par la dynamique de la périurbanisation, et
éclairé les tendances les plus actuelles. Une orientation prospective de l'urbanisme
durable vient logiquement s'y adosser. Avec les prescriptions du PLH validé en
2009, ces matériaux orientent la composition d'un « PLU communautaire » décidé
en mai 2011 et celle d'un « Projet de territoire pour la CUS à l'horizon 2025 », que
l'on rapprochera de la « feuille de route » de « Strasbourg Eco-2020 » élaborée en
2009.
L'Adeus continue d'inviter périodiquement, dans ses Séminaires, à la réflexion
prospective : « Demain, c'est tout de suite » : échanges sur les indicateurs d'alerte,
vulnérabilités territoriales, impacts attendus des « coups partis », marges de
manœuvre... Mais aussi échanges sur les nouveaux modes et rythmes de vie, sur
les interactions entre territoires « vécus » et territoires « aménagés », ou sur les
contradictions propres du développement durable, de la métropolisation, ou encore
sur les modalités complexes des gouvernances métropolitaine, transfrontalière et
rhénane de l'aire strasbourgeoise (en ex : des exposés comparatifs présentant
Bâle, Fribourg en Brisgau, Karlsruhe et Francfort – v. site de l'Adeus).
D'autres instances en région participent de ces orientations et réflexions. La
CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin, par exemple, a négocié avec les transporteurs
une « Charte CO 2 » ; elle a promu depuis 2010 une démarche dite de zones
d'activités « éco-responsables ». Dans le Cahier 2011-2 de l'APR, il a été fait état
des travaux partenariaux, inter-services, en matière d'analyse de l'urbanisation,
conduits par un groupe « SIG-Urba » (Région, PNR, Chambre d'agriculture du
Haut-Rhin, Adauhr, Adeus, et Dreal, Conseil général 67, laboratoire Image et Ville,
Scot du piémont des Vosges, pôle régional d'archéologie).
Ainsi se vérifient les réactivités des instances publiques à la problématique de
la durabilité et de la soutenabilité toujours à promouvoir. Aux points de rencontres
les plus évidents : l'urbanisation régionale et locale (habitats, activités,
infrastructures et déplacements) en tant qu'expression des usages comme des
enjeux posés et à maîtriser.
2. Les associations, acteurs amplement impliqués
33
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
– Henri Nonn
On ne saurait s'en tenir, en retraçant l'état des lieux relatif aux engagements
dans le développement durable, aux seules démarches initiées par les élus ou par
leurs services, et à celles des organes publics d'étude. La région se singularise
tout autant par la précocité et l'ampleur des rôles assumés par les Associations en
la matière.
2.1. Les associations « s'occupant d'environnement », à partir de l'étude de C.
Waldvogel (2011)
Sur 40 ans, de 1965 à 2005, Carole Waldvogel a suivi le développement, la
diversification et les transformations d'Associations alsaciennes préoccupées des
enjeux de l'environnement en région. Le lieu n'est pas ici d'en suivre l'examen, ni
les articulations à l'analyse ou à la méthodologie sociologique réalisée par l'auteur
(voir les références dans sa bibliographie). Mais cet ouvrage aide à marquer
l'importance des rôles que ces structures détiennent ici.
Parmi les quelque 800 associations bas-rhinoises « qui ont à voir avec »
l'environnement, une soixantaine y exercent des activités et y déploient un
engagement : un nombre impressionnant, significatif d'une sensibilité comme d'un
intérêt à des degrés divers vis à vis de la « nature » ou / et de « l'environnement ».
Si certaines ont très impliquées, de longue date et sur des champs étendus
(science, capacité d'expertise, gestion, organisation, pédagogie, participation
militante...), d'autres sont nées de situations momentanées, de positions
« défensives » ou critiques sur des volets spécifiques ; d'autres encore sont
fonction des ressources naturelles qui les intéressent. Le panel est dès lors fort
divers.
Carole Waldvogel définit aussi des signalements (en fonction des « habitus » et
des enjeux principaux) amenant à distinguer : celles qui sont plutôt « naturalistes »
(proches des sciences de la vie et de la terre, des écosystèmes) ; celles,
« fonctionnalistes » (proches des aménageurs et des gestionnaires, des activités
humaines et des régulations de leurs effets) ; celles de « préleveurs en
responsabilité », en charge de gestion et de régulation au regard des écosystèmes
(chasse, pêche) ; celles dites « environ-nementalistes » exprimant leurs
implications soit selon leurs représentations « esthétiques » de la nature, soit en
fonction de leur « cadre de vie » ou de « qualité de vie » – menacés ou à améliorer
–. L'auteur en a suivi les constitutions et évolutions suivant les mutations de
contexte et de composition sociale, sur quelques exemples ; on s'en tiendra à ses
trames principales.
34
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Des repères chronologiques majeurs.
Les plus anciennes racines proviennent de la précocité des Sociétés Savantes
ou naturalistes, (XIXème s.) animées par des universitaires et enseignants surtout,
ayant le souci des patrimoines architecturaux, des sites, des espèces
naturelles...Ou alors de l'organisation progressive de quelques « usagers » de la
nature (chasse, pêche, Club Vosgien né en 1872...). La Loi de 1901 (et, en Alsace,
le Droit local) a fourni leur statut de base. Le milieu du XXème s., avec quelques lois
(chasse, 1941 – mais en Alsace, 1881) et surtout la constitution de fédérations
nationales, conforte ces premières étapes. Quand, dans les années 1950-1960
naquit une fédération nationale des sociétés de protection de la nature,
l'Association Philomatique d'Alsace-Lorraine (née en 1863) a servi d'appui à
l'AFRPN ; celle-ci a défini avec le Dr H. Ulrich ses nouveaux statuts en 1965
(préalablement, sa vie avait été relancée par un Comité animé par le Pr.
Maresquelle en 1945). L'appellation « Alsace Nature », elle, date de 1991. Les
sociétés de loisirs en pleine nature (hors Club Vosgien), les chasseurs, ou les
clubs de pêche, ne sont pas encore aussi structurées, leurs fédérations nationales
s'établissant dans les années 1970-1980.
Le développement économique des Trente Glorieuses induit plusieurs
transformations répercutées sur les milieux de nature. L'agriculture productiviste et
intensive prédomine : remembrements, mécanisation, intrants chimiques,
spécialisations – maïs –, voire concentration des exploitations et abandons ou
jachères, élevages hors sol. Si les aménagements du « Rhin sauvage »
commencent au 19°S, c'est après 1945 que se développent le Grand Canal
d'Alsace, les barrages hydroélectriques, la centrale nucléaire de Fessenheim, les
raffineries autour de Strasbourg, les zones industrialo-portuaires rhénanes : cf.
« l'affaire de Marckolsheim » en 1974. L'écosystème rhénan en subit maints
dommages. Des infrastructures routières nouvelles (autoroutes, voies rapides,
premiers contournements), des créations de zones d'activités en périphéries des
villes, accompagnent le dynamisme économique régional et concernent maints
autres milieux et paysages. La « civilisation des loisirs » suscite en outre diverses
emprises de détente ou de tourisme.
Et l'environnement ? Amorcée dans les années 1960, par la création des
réserves naturelles (1957), des Parcs naturels nationaux (1960) et régionaux
(Vosges du Nord, 1976), des « Agences de bassin » (hydrographique), la
thématique devient politique et de gestion publique, avec la création du Ministère
de l'Environnement en 1971 et la Loi de protection de la nature (1976) suivie
d'autres (eau, air, déchets, risques). Mais l'aménagement reste une démarche
centralisée et technicisée jusqu'aux lois de décentralisation et de contractualisation
de 1983. Dès lors, prennent tout leur relief les initiatives régionales émanant
d'Associations structurées dans certaines régions comme l'Alsace (v. aussi
Bretagne, Sud-Ouest, région lyonnaise), qui, d'une part proposent leur « capital
culturel » et une « éthique responsable » dans une coopération avec les
administrations et élus, et d'autre part qui assument leurs engagements militants
dans diverses actions conduites en propre. Quitte à devoir contester des choix
publics d'aménagement (par des mobilisations et manifestations, des recours...) –
35
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
en particulier après 1968-1975, et avant même l'entrée en politique des
mouvements écologistes.
Depuis les années 1980, plusieurs contextes évoluent.
La décentralisation et les transferts de compétences (retrait de l'État, niveaux
locaux de décision), et la démocratie participative revendiquée, donnent à
certaines Associations des opportunités de consultation et d'expertise. Dans le
même temps, naît « l'écologie politique ». L'environnement recouvre des champs
sans cesse élargis (et institutionnalisés comme technicisés), à des échelles
variables d'appréhension (du local au global et inversement) ; et les cadrages
législatifs et réglementaires sont accrus – lois nationales, directives européennes
(Oiseaux ; Habitats, « Natura 2000 », Nitrates), « Agendas 21 », documents
d'urbanisme, mise en œuvre d'études d'impacts... Le tout se trouve partiellement
relancé en France par le « Grenelle de l'environnement » de 2007 et ses
prolongements.
Pour le Rhin supérieur, des positions transfrontalières se développent :
concernant le Rhin (1996-2003, « Rhin 2020 et programme Life), le climat (étude
« Reklip »), les trames vertes et les paysages, les transports collectifs...
De quelques Associations en région
– L'AFRPN ou Alsace Nature
C'est depuis 1965 l'une des organisations les plus actives, sur de multiples
secteurs, et proposant une vue systémique explicite associant « nature » et
« environnement » en fonction des écosystèmes. Son implication concerne la
sauvegarde de sites, l'éducation-initiation à la nature, les impacts du
développement, en apportant un solide capital de connaissance des ressources
comme d'expertise. D'abord « pédagogue » et « courtoise » (« des notables
s'adressant à d'autres notables »), elle devient plus « incisive » et critique (à
Marckolsheim en 1974 et depuis lors) sur le modèle de développement ou
d'aménagement, et élargit ses interventions avec les problèmes d'énergie ou de
transports par ex. La décentralisation conforte ses rôles de proposition ou
d'intervention dans un sens d'intérêt général, devenant progressivement mieux
reconnus dans la presse régionale. Son militantisme actif s'impose dans la période
d'institutionnalisation de l'environnement, de généralisation de la communication et
de juridiciarisation contemporaines.
On lui doit :
 En 1976, la création du Conservatoire des Sites Alsaciens (CSA), le
premier en France de nature associative : sauvegarde de lieux sensibles
par acquisition ou location et prise en charge de leur gestion. En 2005,
cela concerne 255 sites, mobilisant 15 emplois permanents ; il est affilié à
la fédération française des Conservatoires qui compte 21 structures
régionales.
 En 1977, la constitution de l'ARIENA pour l'initiation et l‟éducation à la
nature (avec la Maison de la nature de Muttersholtz créée en 1974),
36
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1


aujourd'hui fédératrice d'une trentaine d'associations et forte de 14
permanents ; elle propose des centres permanents (CPIE) ou d'initiation
(CINE) et compte 42 personnes morales adhérentes.
En 1978, l'AERU, l‟atelier d'écologie rurale et urbaine est promu par
Antoine Waechter, servant de bureau d'étude d'impacts ; en 1986, c'est en
outre la création de la SAVA pour la valorisation et la restauration douce
des rivières – en liens avec la fédération de pêcheurs : une structure
devenant autonome en 1989.
En 2003, c'est la constitution, en partenariat, de la base de données
ADONAT qui recense quelque 262 habitats, 580 espèces de plantes et 62
espèces d'animaux.
L'Association a sa revue : Alsace Nature Infos, trimestrielle.
N.B. : en 2003, Alsace Nature a précisé sa liste des « grands enjeux »
environnementaux pour l'Alsace dans sa contribution au Livre Bleu de « Des
Hommes et des Territoires » (p. 449-457), laquelle complète ce qu'en dit C.
Waldvogel sur : la gestion de l'eau et des réserves comme des zones
humides ou des trames vertes et bleues, l'agriculture plus durable, les
paysages, la qualité de l'air, l'énergie, les rejets et déchets, les transports et
les développements de l'économie et de la périurbanisation (résidentielle ou
des zones d'activités).., au regard de la préservation du « capital Nature » de
la région, de la biodiversité (suivi d'indicateurs, atlas), afin d'en concilier le
maintien avec les différentes politiques publiques – v. aussi les exposés au
Colloque de Colmar du 1-10-2010.
Alsace Nature (reconnue d'utilité publique en 1994) entretient ainsi des rapports
complexes avec les agriculteurs, les organisations de chasse (un moment
partenaires), les milieux économiques et d'aménagement ou encore les
collectivités publiques. Sa force (en 1999) : 2000 adhérents individuels, 104
associations fédérées, 224 bénévoles, des réseaux nombreux noués
« verticalement et horizontalement ».
– Des fédérations de gestion de la nature
Pour la pêche et la protection des milieux aquatiques, la structure a ses
origines en 1928 ; elle est affiliée à une union nationale, et à une autre du Grand
Est ; ses statuts actuels datent de 1997 : elle comptait alors 30 000 membres
individuels dans le Bas-Rhin, formant 113 associations membres.
Les chasseurs, eux, se sont organisés en fédérations départementales dans les
années 1978-1980. S'énonçant soucieux du respect des écosystèmes et
« protecteurs-gestionnaires » responsables, ils ont eu un moment une proximité
avec Alsace Nature ; mais l'écart s'est accru à mesure de l'extension
« généraliste » et « systémiste » de cette dernière, quand pour eux prévalent un
« savoir-faire pratiqué sur le terrain » et « l'obligation morale » de réguler les
populations de gibier et de contrer les dégradations que celui-ci génère.
37
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Pour beaucoup, chasse ou pêche participent d'une initiation ou d'un
apprentissage précoces mais restés centrés sur ces volets de la vie dans la nature.
– Des Associations naturalistes à buts précis
Certaines ont leur objet scientifique propre. En Alsace, bien sûr, il y a SOS
Cigognes ; mais aussi, à titre d'exemples : l'Association SES-Alsace (Sauvegarde
de la Faune Sauvage), des membres de la Ligue Protectrice des Oiseaux, le
groupement ornithologique des Vosges du Nord, le groupement d'études et de
protection des mammifères d'Alsace, le Fonds alsacien pour la restauration des
biotopes... D'autres s'attachent à des territoires menacés : tels l'association RiedBruche pour le respect de l'environnement près de Strasbourg (ARBRES), celle du
Pays de Niederbronn, ou le Comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la
plaine du Rhin.
– Les associations de « défense » de l'environnement ou du « cadre de vie »
La plupart sont « réactives » à des problèmes surgis au fil du temps. Ainsi, le
progrès du trafic à Entzheim, ou le projet de DHL d'utiliser sa plateforme (1996),
ont fait naître l'UFNASE, union fédérale contre ces nuisances – 18 associations
fédérées – et une autre structure à Lingolsheim et environs. Le projet de Grand
Contournement de Strasbourg (GCO) lancé en 2003-2008 a suscité divers
collectifs (dont « Le GCO, non merci »). De nombreuses petites entités se sont
constituées sur des questions locales « de ce qui environne » : habitat, zones
d'activités,
infrastructures...
Là,
souvent,
il
s'agit
de
positions
« anthropocentriques », sans forcément d'expérience naturaliste ni gestionnaire.
Plus étoffées sont des associations « fonctionnalistes » préoccupées de transports
ou de nuisances liées aux flux de circulation : telles ASTUS (transports urbains,
région strasbourgeoise), des « 2 roues » (CADR), Centre anti-bruit du Bas-Rhin...
Il est alors assez fréquent qu'aux objectifs de base soient ajoutées des
considérations sur les paysages, la santé et le bien-être, les loisirs, les espaces
publics.
La centrale nucléaire de Fessenheim a, à elle seule, focalisé de son côté
plusieurs structures : outre le Comité déjà cité, figurent : « Stop Fessenheim »,
« Halte au nucléaire-Alsace », ou « Alter-Alsace Énergies ». Publié le 17 novembre
2011, le rapport de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire leur apporte
des arguments : Fessenheim combine deux vulnérabilités, le risque sismique et la
crue de crue.
Pour prolonger les indications de Carole Waldvogel, on signale que, par-delà les
associations, de tels éléments entrent de plus en plus dans des démarches
citoyennes de développement durable émanant de collectivités, d'agents de
développement, de syndicats ou d'entreprises, amplifiées avec les thématiques de
l'énergie (économies, solutions alternatives) et de qualité de vie.
38
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Document 6 : Strasbourg, projet de parc naturel urbain
Une illustration de lien entre associations s‟occupant d‟environnement et politique
de développement urbain durable à Strasbourg : un projet de Parc Naturel Urbain
lancé en 2008 à la fois à l‟échelle de quartiers denses et de l‟ensemble aggloméré
comme de ses trames vertes et bleues. Document : DNA.
2.2. Des Associations s'occupant d'aménagement (durable) et des dimensions
sociales
Dans le panorama qui vient d'être dressé, on ne peut se limiter aux seuls
groupements axés sur les questions de l'écologie et de protection de
l'environnement : les associations œuvrant dans le champ de l'aménagement se
sont également préoccupées des équilibres dans les rapports hommes-nature, de
réflexions sur des modèles de développement compatibles avec les volets
« société », « patrimoine » et « durabilité » (ou « soutenabilité ») des projets,
comme de propositions prospectives. Et multiples sont celles œuvrant à rendre
« soutenables socialement » les évolutions modifiant les contextes de vie
collective.
Il y a lieu ainsi de signaler le rôle précoce des groupes de travail de « l'OEDAAlsace » dès les années 1970. Là, se nourrirent bien des pages du Schéma
d'orientation élaboré par l'Établissement Public Régional (ancêtre du Conseil
Régional d'Alsace) en 1976 ; là naquirent : la démarche de production d'un Atlas
de l'Environnement réalisé par l'Université Louis Pasteur de Strasbourg en 1979 ;
les premières discussions sur l'énergie, la biodiversité...
Dès sa création en 1987, et parce que nombre de ses membres ont œuvré
39
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
avec l'OEDA, avec la DRE ou le Sesgare de la Préfecture, l'Association de
Prospective Rhénane figure parmi les organismes consultés : elle a même été la
« cheville ouvrière » du déroulement du « Projet Alsace 2005 » du Conseil régional
– puis d'ateliers préparatoires du Schéma régional un moment envisagé durant les
années 1995-1997. En liens avec le PUCA (Prédat), et la DRE, elle a conduit en
2008-2009 une animation sur les interdépendances des nouvelles géographies
« de l'habitat, de l'économie et des mobilités », donnant lieu à un rapport (v. site
APR). De même qu'avec la CUS et l'Adeus, en 2006-2007, elle a tenté de poser
des termes de prospective pour la métropole alsacienne, adossés aux contraintes
socio-démographiques, du foncier et des espaces à protéger posés en termes de
durabilité (un travail aidé par les productions des services et de l'Adeus tels que le
Scoters (2006), le 4ème PLH (2008), les « Sozac » et « Sozha » (schémas
prévisionnels), les transferts d'activités (2005) précédant le dossier « Quarante ans
d'urbanisation dans la CUS : Où ? Combien ? Comment ? » (2009). – v. également
le site de l‟APR –.
Plusieurs autres associations – aux configurations plus locales – se sont
impliquées dans les réflexions préalables à la constitution des « Pays », voire à
leurs Conseils de développement, ou encore dans les élaborations des « Scots »,
pour y représenter et exprimer les attentes de la société comme certaines
préoccupations socio-écologiques et patrimoniales. Les PNR ont aussi autour de
leurs instances, des collaborations d'associations locales.
Ces quelques éléments, en guise de rappel, cherchent seulement à signaler
une relative ouverture de maintes structures associatives agissant au sein de
l'espace alsacien (et non abordées dans l'étude de Carole Waldvogel parce que ne
« s'occupant » pas directement de la nature), à l'ambition de prendre en compte
l'interdépendance et des solidarités des volets majeurs du développement durable.
Un atout non négligeable pour le devenir de l'Alsace, semble-t-il...
On ne saurait omettre, parallèlement, le rôle des structures de l'économie
sociale et solidaire, comme des associations engagées sur le terrain de la
cohésion sociale, dont on sait qu'elle est l'un des piliers du développement
durable.
Grande est la diversité des domaines « convoqués » : l'éducation et la
formation, la prévention, l'insertion, l'animation, l'accompagnement social, le lien
culturel... Les associations y œuvrent souvent en relais des instances publiques
(en articulation avec elles ou aidées par elles), fréquemment adossées à des
équipements ou structures permanentes de celles-ci. Ouvert est le spectre des
engagements, allant de la socialité de voisinage ou des liens trans-générationnels
aux organisations très étoffées et ramifiées. Certaines structures sont à l'échelle du
quartier ou du voisinage, d'autres couvrant de plus vastes ensembles spatiaux ; il
en est qui travaillent au quotidien, quand d'autres sont réactives à des
« évènements » ou à des manifestations occasionnelles, et certaines réactives à
des projets annoncés. D'aucunes œuvrent à des services ou aides aux personnes,
à la santé, à l'ancrage par le sport ou par la culture, de sorte que tout tableau
semble impossible à dresser brièvement.
40
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Et pourtant, il est nécessaire de faire valoir la contribution des structures
associatives de ce domaine au regard de l'objectif d'adaptation aux mutations
économiques et sociales, et donc de « soutenabilité », alors même que la
médiatisation de leurs activités est généralement moins forte que celles des
milieux économiques ou « écologistes ».
Au total, l'Alsace est une terre fertile pour la vie associative, dense en entités
« vivantes » et « pro-actives ». Dans le périodique du Conseil général 67 «Tout le
Bas-Rhin » de mars-avril 1999, il est relevé que le secteur associatif et d'économie
sociale et solidaire participe de manière non négligeable au volume des
employeurs en région : à cette date, 2 400 établissements sur 46 300, avec 11 000
postes permanents d'emploi à temps complet et avec un équivalent de 72 000
postes si l'on inclut les stages et le travail à temps partiel ou saisonnier. Quelque
2 000 associations adhéraient à la Fédération Nationale du Bénévolat Associatif au
même moment. En 2010, le Mouvement régional de défense du bénévolat et de la
vie associative recense 650 structures adhérentes, totalisant 50 000
bénévoles...Un bilan significatif d'engagements qui mérite d'être signalé dans notre
propos.
Au hasard de lectures, de quelques mentions du rôle des associations
Échappant au hasard, d'abord, il faut dire la richesse du site d'Alsace Nature,
en documentation (non limitée aux champs de l'écologie et de la sauvegarde de
l'environnement), pour qui souhaite recenser l'action associative – en région ou
ailleurs –. Et signaler les indications détenues par les services des collectivités, ou
par la Préfecture de Région ayant en charge l'économie sociale et solidaire. Et
encore mentionner qu'une équipe de recherche des Sciences économiques de
l'Université de Strasbourg se consacre à ce champ d'analyse (un Observatoire,
des études ciblées – cf. : plusieurs Rapports depuis 2003).
J'extrais maintenant, de lectures plus personnelles, et à titre d'exemples, quatre
références contemporaines de travaux qui font place à ces actions associatives en
Alsace dont il a été fait mention.
 L'aménagement est le thème central du livre de Gabriel Wackermann
(1988) : Problématique de l'aménagement du territoire dans l'espace
multinational du Rhin supérieur jusqu'en 1983. (doc. multigr. diffusé par l'UHA,
Lab. rech. Intern. transports et échanges). On y trouve, notamment en 2° et 3°
Parties, tout un chapitre consacré aux adhésions et résistances à l'évolution
des démarches d'aménagement, ainsi qu'un autre traitant des relations entre
acteurs sociaux face aux projets. Et maints développements y montrent
comment se différencient les vues d'associations selon les sous-ensembles
constitutifs du Rhin supérieur.
41
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
 Gérard Traband, lui, a ciblé l'Alsace du Nord transfrontalière, en 2008 :
Effacer la frontière ? Soixante ans de coopération franco-allemande en Alsace
du Nord (éd. Nuée Bleue). Il y est bien sûr question : des gravières ; des zones
de loisirs ; des implantations d'établissements (industrie, commerce et
magasins d'usines), d'équipements projetés – cf. en son temps l'idée de
l'aéroport de Roeschwoog) ; de programmes de lotissements ou d'équipements
touristiques ; du Parc rhénan Pamina... Autant de points sur lesquels des
populations et des associations ont réagi – et ainsi « co-fabriqué » – l'actuel
sous-ensemble du Nord de la région.
 Alain Howiller, en 1994, sensibilisait le lecteur de ses Mémoires de Midi : les
mutations de l'Alsace (éd. Nuée Bleue) à l'importance des conditions socioculturelles d'émergence ou de contestation dans les fondements des solidarités
ou des consensus sur lesquels on établissait le devenir régional : cités en
particulier les projets de Roeschwoog, de Marckolsheim, Fessenheim et le
« Synchrotron ».
 Enfin, citons l'article de Jean Wenker, paru dans la Revue d'Allemagne
(2004, n°1), qui retrace les enjeux autour du Rhin, de ses aménagements, de
sa restauration après l'accident de Sandoz (1986) et après les crues de 1993 et
1995, comme de sa renaissance écologique. Il y est rappelé combien les
mobilisations associatives ont pris part à ces évolutions.
On pourrait aisément faire d'autres signalements... Il semble en tout cas que les
contributions émanant des associations en Alsace, réactives, critiques ou
constructives, ont ajouté du sens à une démarche de développement durable, pour
la rendre moins technicienne ou univoque, et plus acceptée dans le partage des
enjeux.
3. Des chiffres pour tous – Bernard Aubry
Depuis plusieurs années, les instituts nationaux de statistique mettent en ligne
une partie de plus en plus significative de leur patrimoine statistique. Cette
évolution se fait dans le cadre de l‟Union européenne, en l‟occurrence Eurostat, qui
veille à ce que les outils de la connaissance soient progressivement mis au service
de tous. Pour le citoyen qui participe par ses contributions sociales et fiscales à la
collecte et à l‟élaboration des statistiques, opérations onéreuses pour être
effectuées avec soin, cette gratuité des données d‟intérêt public est en quelque
sorte un juste retour d‟investissement en faveur du contribuable. En France, la
fourniture gratuite des données est une rupture avec une tradition qui voulait que la
statistique fût un bien marchand dont la valeur, jugée importante, ne devait être
cédée qu‟à des prix élevés, notamment aux entreprises. Ainsi donc, tout un chacun
peut dès à présent, et pourra à l‟avenir plus encore, accéder librement à une
quantité considérable d‟informations. Le problème que rencontrent déjà les
utilisateurs du site de l‟Insee, surtout s‟ils ne sont pas rompus aux arcanes de la
statistique, est de ne pas se perdre dans le dédale des sources, des
nomenclatures et des définitions.
42
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Grosso modo, on peut distinguer trois types de données mises en ligne :
1 – Des indicateurs élaborés, tels des taux de chômage, de croissance (PIB).
2 – Des tableaux dits de contingence, c‟est-à dire des résultats de comptage
qui croisent une ou plusieurs variables entre elles. Il s‟agit en fait des mêmes
tableaux que l‟on consultait dans les fascicules diffusés après chaque
recensement, mais cette fois dans un cadre de diffusion beaucoup plus étendu.
3 – Des fichiers de micro-données, des fichiers jusqu‟à présent réservés aux
agents en place dans les institutions statistiques. Cet accès aux microdonnées
est l‟une des conséquences directes du progrès technique dès lors que les
capacités gigantesques de stockage des données ouvrent des perspectives
considérables2. En effet, un tel fichier donne pour chaque unité statistique, une
personne, un ménage, un établissement, un ensemble d‟informations
individuelles, tout en respectant évidemment l‟anonymat des personnes.
La base statistique de l’APR
Du fait que les données mises en ligne sont considérables, l‟idée est venue
d‟élaborer une base statistique simple destinée à fournir un corpus de données
élémentaires disponibles au niveau communal, sachant que les utilisateurs, parce
qu‟ils disposent eux-mêmes d‟un microordinateur et qu‟ils sont souvent en mesure
de manier un logiciel de calcul tel que Excel, peuvent effectuer les regroupements
qu‟ils souhaitent et exécuter des calculs élémentaires. Ainsi l‟enseignant pourra
aider ses élèves à situer leur propre commune ou leur propre canton dans un
environnement plus vaste, par exemple l‟ensemble des communes métropolitaines
de même taille. Le fichier est extensible à volonté, de sorte que l‟on peut y
adjoindre des séries portant sur d‟autres domaines que ceux couverts par l‟Insee :
des chiffres sur le logement ou sur les élections par exemple. Le chercheur ou tout
autre utilisateur peut, s‟il doit travailler sur des données communales, ou sur des
territoires qui les regroupent, intégrer des données qui lui sont propres. Dans tous
les cas, disposer de données de travail associées à des données de référence
(structure par âge, par catégorie socio-professionnelle…) doit pouvoir aider à une
meilleure compréhension des territoires, surtout si les séries comportent une
dimension historique. Ceux des utilisateurs qui sont familiers de l‟analyse des
données (en composante principale ou hiérarchique par exemple) pourront
évidemment aller plus loin, à l‟instar de ce qui a été fait à l‟APR où les résultats
électoraux des élections régionales de 2010 ont été croisés avec les données
démographiques de référence (v. page 128).
La seconde « valeur ajoutée » aux données mises en ligne consiste à fournir
sur des thèmes spécifiques des fichiers de résultats présentés de façon
standardisée, selon une nomenclature géographique à multiples niveaux. En effet
pour différentes raisons notamment techniques, les fichiers de microdonnées mis
2
Les chercheurs peuvent accéder dès à présent à des bases de données issues des
recensements réalisés dans plus de 60 pays (voir le site IPUMS). La France a intégré dans
cette base les recensements de 1962 à 1999 (voir document rédigé pour l„ANR – B. Aubry –
juin 2011). L‟Insee vient d‟intégrer dans cette base à vocation mondiale le recensement de
2006.
43
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
en ligne par l‟Insee ne peuvent être exploités que par des utilisateurs disposant de
logiciels statistiques spécialisés et capables de traiter des fichiers volumineux
comme ceux des recensements de la population. Par ailleurs, malgré leur
souplesse apparente, ces fichiers interdisent toute obtention de résultats portant
sur des ensembles géographiques quelconques. Le nombre de variables
proposées donc, en conséquence, la palette des exploitations possibles, dépend
du niveau géographique de la base utilisée. Actuellement l‟Insee propose trois
bases principales couvrant l‟ensemble des individus/logements. Une base
régionale comprend une richesse d‟informations structurelles appréciable mais qui
par construction ne peuvent pas être déclinées géographiquement. Ainsi on ne
peut obtenir de résultats selon les couronnes urbaines alors même que la
population est assez nombreuse pour donner une signification aux chiffres. Il existe
aussi une base cantonale qui contient un plus petit nombre de variables et une
base communale de logement spécialisée.
Une fusion adéquate de ces trois fichiers est certes possible ; mais outre qu‟elle
est relativement difficile à mettre en œuvre, elle conduit à une légère perte
d‟information en générant des incertitudes sur certaines catégories de population.
Cette incertitude d‟ordre statistique ne peut nuire à la confidentialité des données,
mais en revanche elle permet de disposer de résultats considérés comme fiables
sur des ensembles géographiques quelconques, pour autant que ceux-ci sont de
taille suffisamment grande. Cela relève en quelque sorte le seuil de diffusion, seuil
au demeurant hautement symbolique puisque la qualité des résultats n‟est pas la
même selon les variables. Un tel fichier confère aux fichiers la souplesse
cherchée, mais son utilisation rationnelle exige un minimum de savoir-faire.
Dans le cadre de la série d‟ouvrages réalisés par l‟APR sur le thème de la
périurbanisation, on a composé des résultats relatifs à des ensembles de
communes appartenant à des aires urbaines dans un découpage centré sur le
pôle3. Mais le programme d‟appel va plus loin puisqu‟il sort automatiquement des
tableaux de résultats non seulement pour les aires urbaines, mais aussi d‟autres
composantes territoriales (départements, zones d‟emploi…). À chaque fois on
dispose en sortie d‟un fichier de quelques milliers d‟enregistrements, donc facile à
gérer comme base élémentaire sur Excel.
À titre d‟exemple, on a isolé quelques modalités de variables portant l‟une sur la
possession d‟une voiture, l‟autre sur le chauffage (mode de chauffage et
combustible utilisé).
La possession ou non d’un véhicule
3
Du fait que le système du nouveau recensement prévoit deux niveaux de collecte, à savoir
les communes de plus de 10 000 habitants observées chaque année par sondage et les
autres plus petites, observées à tour de rôle (rotation à périodicité de 5 ans), on admet que
les zones constituées d‟une ou de plusieurs grandes communes forment des ensembles
pour lesquels les résultats sont significatifs. Ainsi pour les communes-pôles. Il en est de
même pour les deuxièmes couronnes composées de nombreuses petites communes et
pour les premières couronnes si la population des grandes communes est bien supérieure à
celle des petites communes.
44
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
De façon générale, la motorisation des ménages s‟accentue encore, du moins
jusqu‟à l‟année 2008, année des derniers résultats disponibles. La proportion de
logements sans voiture diminue d‟un dixième de points, à 19,3%. À l‟inverse la
proportion des ménages multi-motorisés augmente. Le pourcentage de ceux qui
disposent de deux voitures ou plus augmente de 0,47 point, à 33,6% de
l‟ensemble.
Tableau 1 : Fréquence de possession d‟un véhicule – Métropole 2006 et 2008
Nombre de voitures
0
1
2
3 et plus
ensemble
Dont 2 et +
Pourcentage
2006 2008
19,5
19,3
47,4
47,1
28,5
28,9
4,6
4,7
100
33,2
100
33,6
Variations en points
07-06 08-07
08-06
-0,09
-0,08
-0,18
-0,17
-0,12
-0,29
0,21
0,16
0,37
0,06
0,04
0,10
0,27
0,20
0,47
Le graphique G-1, p. 49, donne l‟image de la fréquence comparée de nonpossession et de possession d‟au moins deux véhicules. On distingue cinq
catégories d‟aires urbaines selon leur taille (définition 1999), à savoir, Paris, LyonMarseille-Lille, les aires de plus de 500 000 à 1 million d‟habitants (ce groupe inclut
Strasbourg), celles de plus de 200 et celles de plus de 100 000 habitants. À titre de
comparaison on fait apparaître les mêmes résultats pour les communes
multipolarisées et les communes à dominante rurale (pour alléger les graphiques,
on n‟a pas fait apparaître les aires urbaines de moins de 100 000 habitants). Pour
chacune des aires urbaines, on distingue le centre, la première et la deuxième
couronne. On dispose ainsi de quatre blocs comprenant chaque fois le
pourcentage (resp. la variation de 2006 à 2008) de non-possession et de
possession de deux véhicules ou plus.
Il n‟y a pas de surprise majeure pour ce qui concerne les taux : plus l‟habitat est
dispersé, plus les deux indicateurs (non possession ou possession de deux
voitures ou plus) divergent. C‟est évidemment le cas pour la ville de Paris, le cas
extrême. En périphérie où l‟habitat est plus dispersé, la proportion de ménages
sans voiture se situe autour de 10%, un peu plus dans les communes à dominante
rurale. Les graphiques de variation (G-3, p. 50) sont plus informatifs. La nonpossession de voiture augmente nettement pour l‟aire urbaine de Paris (tant au
centre qu‟en première couronne) mais reste stable dans les centres-villes des aires
urbaines de moins de 500 000 habitants. Plus la densité est faible et plus
s‟accentue la probabilité d‟être motorisé.
Le chauffage : tout électrique et fuel
L‟impact écologique du chauffage des résidences est évidemment tributaire de
l‟équipement et du combustible. Le tableau qui suit, à l‟instar du Tableau 1,
présente les résultats pour l‟année 2008 ainsi que pour les deux évolutions
annuelles. Il traduit la prédominance du gaz (39%), surtout en réseau (36,5%, en
45
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
hausse). L‟utilisation du fioul (16,3%) est en nette régression (-1,65 point en 2 ans),
à l‟inverse de l‟électricité (30,2%) qui poursuit sa forte croissance (1,24%). À noter
aussi la forte hausse du groupe « autres combustibles» (+0,50 point) dont on peut
penser qu‟il correspond à une utilisation de plus en plus fréquente des énergies
renouvelables.
Tableau 2 : Chauffage de résidences principales : modes et combustibles
(en %) année 2008, France métropolitaine
combustible
Chauffage central
collectif individuel
tout
électrique
autre
Variations du taux de
possession (en points)
ensemble
CC urbain
5,0
-
-
-
5,0
20062007
20072008
20062008
Gaz réseau
8,7
27,3
-
0,5
36,5
-0,08
-0,07
-0,14
Fioul
3,2
11,9
-
1,1
16,3
0,18
0,07
0,25
Electricité
0,8
1,6
25,9
1,4
30,2
-0,81
-0,85
-1,65
Gaz bouteille
0,2
1,9
-
0,3
2,4
0,61
0,63
1,24
Autre
0,4
1,6
-
7,6
9,6
-0,09
-0,10
-0,19
ensemble
18,8
44,9
25,9
10,7
100
0,19
0,31
0,50
Variations
06-07
07-08
06-08
-
-
-
-0,26
-0,26
-0,52
-0,24
-0,35
-0,59
0,43
0,45
0,88
0,07
0,16
0,23
-
Dans le cadre de cette étude qui porte sur la périurbanisation, on s„intéresse
plus particulièrement à deux variables : le tout électrique et le chauffage au fioul
(G-2). Dans les centres villes, le tout électrique a pris une place prépondérante,
surtout à Paris où toutefois son emploi se stabilise. Il est également très présent
dans les couronnes, surtout pour les aires urbaines les plus grandes, sans que
l‟effet taille ne soit déterminant, contrairement au fioul que l‟on emploie d‟autant
plus souvent que l‟habitat est dispersé. Le fuel et le tout électrique sont
pratiquement à égalité en dehors des aires urbaines. Les variations annuelles (G4) sont très significatives. Le tout électrique augmente partout et à un rythme
sensiblement égal. À noter toutefois le cas des centres-villes : le tout électrique
diminue dans la commune de Paris, mais augmente dans les centres-villes au
centre des autres aires urbaines, et cela en fonction inverse de la taille. Par
ailleurs, l‟utilisation du fuel diminue partout, surtout là où la densité de la population
est la plus faible.
Pour aller plus loin
Les résultats qui sont présentés voudraient surtout illustrer quelques–unes des
possibilités offertes par la diffusion en ligne des résultats individuels des
recensements. Leur intérêt est décuplé si on essaie de mettre en corrélation les
résultats avec les grandes questions qui se posent aux décideurs. Ainsi s‟agissant
46
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
de l‟évolution du taux de possession des véhicules on pourrait rechercher les liens
avec le vieillissement, avec les catégories socioprofessionnelles… On pourrait
aussi, pour évaluer les résultats, relier les indicateurs aux politiques urbaines, aux
décisions en matière d‟aménagement d‟échangeurs, de gares, etc.. Il faudrait
également prendre en compte le marché du travail puisque les salariés sont
amenés à changer souvent d‟emploi, ce qui se traduit par un allongement des
déplacements quotidiens. S‟agissant du chauffage, il y aurait lieu de prendre en
compte la localisation sur le territoire, puisque le climat n‟est pas le même au nord
ou au sud, sur le littoral ou à l‟intérieur. On distinguerait également les logements
selon leur statut, leur ancienneté ; on pourrait également tenter de mesurer les
effets des incitations publiques.
À propos de la diffusion des données
L‟annualisation des enquêtes de recensement, une innovation récente, étend
considérablement le champ des investigations. On voudrait cependant apporter
quelques nuances.
Tout d‟abord l‟ancienneté des chiffres rend encore insatisfaites les attentes des
utilisateurs qui aimeraient en l‟occurrence pouvoir mesurer l‟impact du Grenelle de
l‟environnement. Et pourtant on ne peut que saluer les avantages offerts par le
nouveau système censitaire qui permet de fournir des résultats 3 ou 4 ans après
la date de la collecte. En second lieu, il importe de souligner la fragilité des
variations annuelles. Il convient toutefois de distinguer selon le type de variables.
De toute évidence, les chiffres sur la possession d‟automobile ou sur le mode de
chauffage ne sont pas a priori des variables fragiles et peuvent sans problème être
comparés d‟une année à l‟autre à un niveau géographique assez fin. On devra être
plus prudent avec les données sensibles (comme les immigrés) où des défauts de
couverture sont localement toujours possibles (oublis ou doubles comptes dans la
collecte), même si les nouvelles méthodes d‟observations sont plus sûres que par
le passé
La troisième remarque a trait à la question plus fondamentale de la mise à
disposition des résultats. Disposer de fichiers-détails indépendants à trois niveaux
(région, canton et commune) apparaît comme un choix assez « boiteux ». En effet
tout un chacun qui sait programmer peut « bricoler » à sa façon, c‟est-à-dire sans
forcément beaucoup de rigueur et sans respecter sinon les règles, du moins
l‟esprit de la diffusion des données. Il est délicat de fixer un seuil minimal de
population de diffusion : cela dépend de la nature des variables et des utilisations
qui sont faites des chiffres.
La solution n‟est-elle pas dans l‟amélioration significative du site de l‟Insee et de
ses modes d‟appel, en se référant aux expériences déjà en cours à l‟étranger
(dans les pays nordiques par exemple) ? Du fait qu‟il ne saurait être question pour
des raisons de confidentialité de mettre en ligne des fichier-détails contenant
l‟ensemble des variables dans leur plus grande richesse, il faudrait faire en sorte
que les utilisateurs aient la possibilité de programmer des requêtes de tableaux. En
l‟occurrence, le demandeur fixerait lui-même les champs et les variables qu‟il
souhaiterait croiser. Bien entendu cette méthode devrait être assujettie à des
47
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
règles strictes en matière de mise à disposition des résultats quand les populations
sont de faible taille. Pour les institutions ayant à traiter cette question, ce problème
technique n‟est sans doute pas plus difficile à résoudre que d‟autres actuellement
en débat qui concernent la prolifération des données personnelles engendrées par
les nouvelles technologies.
48
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Annexe
On propose quatre graphiques présentant quelques indicateurs en fonction de la
taille des aires urbaines (situation en 2008 et variation 2006-2008)
En abscisse, selon la taille de l’aire urbaine (cinq classes : Par (Paris) – LML (Lyon-LilleMarseille) – >500, >200, >100 (AU de plus de 500, 200, 100000 habitants), MPL
(communes multipolarisées) CDR (communes à dominante rurale).
Pour chaque bloc de deux graphiques : Gauche : pas de voiture , Droite : deux voitures ou
plus
49
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
50
Partie 2 – Le développement économique4
Raymond Woessner
Lorsqu'il est question de développement durable, le développement économique
est en général peu évoqué, alors qu'il constitue pourtant l'un des trois piliers du
concept. Dans la deuxième moitié du XX ème siècle, la généralisation de
l'automobile et du camion a permis aux entreprises de se périurbaniser avec
l'implantation de nombreux établissements au gré des opportunités foncières. La
stratégie de croissance alsacienne reposait alors sur l'implantation
d'établissements industriels à forte intensité de main-d‟œuvre. Il en est résulté des
besoins fonciers importants, renforcés par la croissance des zones commerciales
périphériques à partir des années 1970. Des facteurs qui n'étaient pas encore des
raretés – l'énergie fossile, l'espace – ont été consommés sans autre forme de
procès. L'apogée de cette forme d'économie a été atteint en 1997-19985.
Aujourd'hui encore, selon diverses estimations, on peut estimer la consommation
annuelle d'espace à 800 ha environ, dont la moitié pour les zones d'activités (cf.
Les Cahiers de l'APR 2011-1). Il n'y a donc pas eu d'anticipation significative du
système productif alsacien vers les problématiques économiques de la durabilité
alors que les signaux s'accumulaient globalement en leur faveur (Rapport
Brundtland en 1987, Programme de Lisbonne-Göteborg 2000-2001, concurrence
des pays émergents et de l'Est européen pour les usines-tournevis...).
Durant la décennie 2000, les performances économiques régionales se sont
donc amoindries et les problèmes se sont accentués. Sans doute le processus
d'épuisement arrive-t-il vers son terme : au prix de la disparition de 30 000 emplois
industriels environ, la plupart des établissements fragiles ont été rayés de la carte.
Significativement, la General Motors et Sony ont finalement renoncé à la vente que
ces firmes avaient pourtant engagée de leurs établissements alsaciens en 20102011.
L'Alsace est donc à la croisée des chemins. Comment son économie peut-elle
rebondir ? On n'en verra pas tous les éléments, notamment événementiels
(Strasbourg, capitale de Noël, marque déposée ; ou le Rallye d'Alsace depuis
2010, épreuve comptant pour le championnat du monde). Dans un premier
chapitre, on s'intéressera à certaines émergences, un peu cachées dans les plis
secrets du territoire alsacien. Dans un deuxième chapitre, on verra comment se
construisent des jeux d'acteurs autour des émergences.
4
En toile de fond, références à Nonn, H et Héraud, J.A, (1995), Les économies industrielles
en France de l'Est, tissus et réseaux en évolution, PUS.
5
Woessner R. (2007), L'Alsace, territoire(s) en mouvement, Colmar, Do Bentzinger.
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
1. Les territoires émergents dans l'économie
L‟instabilité des implantations manufacturières est un phénomène aussi ancien
que l‟industrie. En 1904 déjà, Paul Vidal de la Blache écrivait que « la question se
pose donc ainsi. Comment peut-on dégager ce qui est permanent et solide, ce qui
restera de ce qui est condamné à disparaître ou du moins à se transformer ? ».
Dans sa Théorie de l’évolution économique parue en 1911, Joseph Schumpeter
évoquait « la destruction créatrice » en tant que source de croissance économique.
C'est dans cette voie que le programme européen de Lisbonne-Göteborg (20002001) s'est engagé, réussissant à déstabiliser l'industrie manufacturière de
l‟Europe occidentale, mais sans parvenir à remplir ses objectifs en termes
« d'économie de la connaissance ». En Alsace même, l'articulation entre le monde
de la recherche et celui de l'entreprise reste insatisfaisante. On a pu déclarer que
l'Université de Strasbourg reste « offshore » par rapport au tissu productif
régional6.
Dans un contexte de concurrence mondiale, les ressources spécifiques d'un
territoire devraient l'amener à innover, à créer de nouveaux biens, services et
process de production. Ainsi, pour Pierre Veltz, « la géographie des coûts et des
stocks de facteurs cède la place à une géographie des organisations et de la
qualité des institutions »7. Ce scénario a d'autant plus de chances d'émerger que le
territoire pris en compte est celui d'une grande ville. Strasbourg apparaît un peu
petite dans ce contexte ; mais si l'on considère le périurbain comme une ville
distendue, les forces de l'Alsace apparaissent démultipliées. De fait, il faut appeler
deux auteurs à la rescousse :
 Richard Florida évoque la nécessaire « épaisseur institutionnelle » pour les
« régions apprenantes »8. Un jeu d'acteurs se noue alors autour des entreprises,
de la recherche, des collectivités et des associations. Dans le cas de l'Alsace et
de sa périurbanisation se pose alors un intéressant problème d'échelle
géographique : faut-il raisonner en termes de région ou bien faut-il dissocier ce
qui se passe en ville de ce qui se passe dans le périurbain ?
 En effet, Paul Krugman pose la problématique des forces centrifuges et
centripètes9. Les forces centrifuges poussent à l'exurbanisation des entreprises
comme des ménages, à la recherche de foncier disponible ou d'attraits subjectifs
comme les aménités de la « campagne ». Les forces centripètes ramènent
certains acteurs en ville, lorsqu'ils apprécient la proximité physique qui les
rassemble.
6
Héraud J.- A., “Reinventing creativity in old Europe : A development scenario for cities
within the Upper Rhine Valley cross-border area”, City, Culture and Society 2 (2011) pp. 6573.
7
Veltz P. (1992), Des lieux et des liens, le territoire français à l’heure de la mondialisation,
Editions de l‟Aube.
8
Florida R. (1995), « Toward the learning region », Futures n°27, p. 527-536.
9
Krugman P. (1998), « The role of geography in development », Conférence annuelle de la
Banque mondiale pour le développement économique, Washington, 35 p.
52
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Dans ces conditions, où peut se situer l'avenir de l''industrie alsacienne ? Parmi
les régions françaises, l'Alsace se situe à un rang intéressant en termes de
capacités d'innovation : alors qu'elle n'est que 13ème par son PIB régional, elle est
5e pour les demandes de brevets européens, 9 ème pour les publications, 10ème pour
la dépense intérieure de recherche et de développement (DIRD), 10 ème pour le
ème
ème
nombre annuel de doctorants, 11
pour les dépenses de R&D civiles, 13
pour
le nombre d'ingénieurs diplômés. Transports-biens d'équipement et chimiepharmacie viennent en tête10. C'est pourquoi les problématiques de création et de
transfert de technologies vont jouer un rôle crucial, à condition de pouvoir disposer
des réseaux susceptibles de le faire.
Quels que soient les efforts prodigués et les souhaits des acteurs, l'émergence
d'un cluster ne va pas de soi. Ainsi, les années 2000 ont été relativement
décevantes dans le domaine des nouvelles technologies de l'information.
« L’Alsace se situait vers la fin des années 90 parmi les régions les plus en pointe
dans le domaine des télécommunications et des services en ligne. Elle n’a pas tiré
pleinement parti des opportunités de développement et de créations d’emplois
dans ces nouvelles activités. Des régions, parties de plus loin, comme l’Aquitaine,
affichent désormais des performances comparables, voire supérieures » écrit la
11
Préfecture en 2011 . Selon elle, les entreprises de la filière numérique alsacienne
ne représentent que 1,7% des emplois nationaux dans les activités « Information
et communication », 1,9% dans les services de télécommunications, 1,7% dans les
services informatiques et services d‟information, 1,5% dans les activités de
contenus (édition, audiovisuel et diffusion), 2,2% dans les industries créatives. Si
l‟Alsace compte quelques PME numériques de taille moyenne, comme Schaeffer
productique, en pointe dans leur domaine, elle manque d‟entreprises de premier
rang capables d‟avoir un effet d‟entraînement. L‟Alsace ne compte, par exemple,
que deux éditeurs de logiciels, Divalto et Dynasys, parmi les 100 premiers en
France. Toutefois, dans sa conclusion, le rapport présente la capacité à coopérer
comme un point fort pour l'Alsace ; antiphrase ou réalité ?
Mesurer la capacité d'un réseau à susciter une dynamique constitue un exercice
complexe et délicat. On s'intéressera ici à la territorialisation des réseaux, c'est-àdire à la capacité du périurbain à entrer dans le jeu tel qu'il se décide d'abord dans
les villes. Le tableau présentant le Pôle Matériaux et Nanosciences soutenu par
l'Agence Régionale de l'Innovation Alsace (ARI), elle-même basée à Illkirch,
montre bien que les centres de la recherche publique se localisent en un nombre
très limité de lieux urbains ou de première couronne (Tableau 1). Seuls Haguenau
(plate-forme technologique pour l'usinage à grande vitesse), Obernai (idem,
hydraulique), Saverne (idem, plasturgie), Nambsheim (transfert de technologie,
matières fertilisantes organiques), Rouffach (neurosciences) et Saint-Louis
(métrologie) apportent des ressources pour l'innovation ; et on connaît les déboires
du Biopôle de Colmar, où l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) a
bien des soucis avec les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), d'abord
10
Rapport de l'Observatoire des Sciences et des Techniques (2010), Indicateur de sciences
et de de Technologie, Paris Economica, 587 p.
11
Étude diagnostic et perspectives des services TIC en Alsace (2011), Préfecture de la
Région Alsace, 56 p.
53
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
avec le maïs dans les années 1990 puis avec la vigne dans les années 2000.
Il faut bien sûr dépasser le cadre de la recherche publique pour entrer dans les
établissements privés qui s'adonnent à la R&D. On peut tenter de les localiser en
s'intéressant aux Pôles de compétitivité et aux grappes de la DATAR, qui sont deux
programmes nationaux de plus en plus présents en Alsace.
Tableau 3 : Le pôle Matériaux et Nanosciences Alsace
ISIS – UMR 7006
INSERM
UMR 977
LISS - INSA
Institut Charles Sadron
UPR 22 – CNRS
INESS – UMR 7163
IPCMS – UMR 7504
LIPHT LISS INSA
LMSPC
CRITT Matériaux
CETIM CERMAT
ENCSMU – UMR 7015
DPG
IS2M
CNRS 7228
ENSISA – LPMT
UMR 7189
Institut de science et d'ingénierie
supramoléculaires
Biomatériaux, ingénierie
tissulaire
Laboratoire d'ingénierie des
surfaces de Strasbourg
Chimie et physique
des matériaux
Institut d'électronique
des solides et des systèmes
Institut de physique et de chimie
des matériaux de Strasbourg
Laboratoire d'ingénierie des
polymères pour les hautes
technologies
Laboratoire des matériaux, des
surfaces et des procédés pour
la catalyse
Transferts de technologie
verre, céramique, polymères,
matériaux de construction...
Essais et anlayses industrielles
Chimie organique, bio-organique
et macromoléculaire
Département de photochimie
générale
Institut de science des
matériaux de Mulhouse
Physique et mécanique textile
Strasbourg
Strasbourg
Strasbourg
StrasbourgCronenbourg
StrasbourgCronenbourg
StrasbourgCronenbourg
StrasbourgCronenbourg
StrasbourgCronenbourg
Schiltigheim
Mulhouse
Mulhouse
Mulhouse
Mulhouse
Mulhouse
1.1 Les Pôles de Compétitivité
En 2004, la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité
Régionale (DATAR)12 avait lancé un appel à candidatures pour la création de Pôles
de compétitivité. Selon ses propres termes, « un Pôle de compétitivité se définit
comme la combinaison, sur un espace géographique donné, d’entreprises, de
centres de formation et d’unités de recherche publique ou privée, engagés dans
une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets
innovants. Les projets présentés doivent répondre à quatre exigences majeures :
être créateurs de richesses nouvelles à forte valeur ajoutée et d’emploi qualifié ;
12
Alors Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale.
54
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
pouvoir se positionner sur des marchés mondiaux caractérisés par un fort potentiel
de croissance ; se fonder sur des partenariats approfondis entre les acteurs, se
traduisant par un mode de gouvernance structuré et de qualité ; définir les objectifs
et les moyens d’une stratégie efficace de développement. Les Pôles de
compétitivité peuvent prendre des formes juridiques très diverses, association loi
1901, groupement d’intérêt économique (GIE), groupement d’intérêt scientifique
(GIS), pour inscrire leur vocation de projets de développement économique
réunissant entreprises, laboratoires et centres de formation ».
Dès 2005, l'Alsace a obtenu la création de trois Pôles de compétitivité : un Pôle
mondial, « Innovations thérapeutiques », et deux Pôles interrégionaux, « Véhicule
du Futur » avec la Franche-Comté, et « Fibres Naturelles » avec la Lorraine. Un
quatrième Pôle, « Alsace Energievie », a été labellisé en 2010 « dans le secteur de
l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables en Alsace »
(http://pole.energivie.eu/a-propos).
Figure 1 : Innovation dans l'industrie des transports terrestres
55
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Exprimés en nombre d'établissements, les centres d'innovation du Pôle
Véhicule du Futur se situent plutôt en ville, à Strasbourg, Mulhouse, Colmar et
Haguenau, mais le monde périurbain est loin d'être démuni (Figure 1). L'Alsace
rassemble de nombreux sous-traitants de rang 1 (environ une trentaine) et de rang
2 (environ 65) qui sont confrontés à des besoins permanents d'innovation. Ayant
des besoins fonciers importants pour leurs activités manufacturières, ces soustraitants sont implantés aussi bien en première couronne des villes que n'importe
où ailleurs dans le territoire alsacien. Pour le Pôle, tout l'enjeu consiste à faire
monter en puissance les fonctions d'innovation. Les sous-traitants de rang 1 et 2
sont en première ligne : à eux de remporter des contrats chez les assembliers, qu'il
s'agisse de Peugeot-Citroën à Mulhouse-Sausheim et à Sochaux, ou d'Alstom à
Belfort et à Reichshoffen, ou encore auprès d'assembliers extra-régionaux.
Le Pôle Véhicule du futur, une association comme Perfo-Est et les grandes
collectivités (la Région Alsace, la CUS...) cherchent ainsi à susciter des
dynamiques. L'une des questions majeures qui se pose est de savoir s'il y a
seulement une juxtaposition d'établissements dans certaines petites régions
(autour de Haguenau, Saverne, Molsheim, Colmar, Mulhouse-Vosges) ou si des
grappes de proximité pourraient y être décelées ; dans ce cas, un fort potentiel de
croissance serait présent. Il devrait alors être renforcé à la manière des Systèmes
Locaux d'Innovation (SLI) en y accentuant les possibilités de transferts de
technologies. À ce propos, le « modèle de Stuttgart » ne devrait pas laisser
indifférent. Le territoire du Bade-Wurtemberg est en effet maillé par des fondations
où s'associent les entreprises, les collectivités et le Land. De petites villes, voire
des bourgs, reçoivent ainsi des établissements de la fondation Steinbeis, prompts
à structurer de fait des micro-territoires.
Alors que le Pôle Véhicule du Futur s'enracine dans une histoire industrielle qui
remonte aux années 198013, le Pôle Energievie est le fruit récent d'une volonté
d'appropriation des logiques de clusters. Il concerne l'Alsace et la Lorraine, où les
établissements participants se rassemblent principalement en Moselle (Figure 2).
Les fonctions de commandement de Strasbourg y apparaissent avec évidence,
alors que les autres grandes villes (Metz, Mulhouse) en apparaissent
singulièrement dépourvues. En contradiction avec l'image usuelle que l'on se fait
de l'Alsace centrale, la carte montre au contraire que l'industrie s'y affirme, aussi
bien dans de grands établissements que de petits, et avec une diversité
intéressante des activités. Les vides concernent l'Outre-Forêt, le Sundgau, la
Hardt, les vallées vosgiennes. Les environs de Strasbourg sont plutôt agroalimentaires, le Sud-Alsace est davantage dans la chimie. Au total, on voit une
métropole et des territoires productifs.
13
R. Woessner (2000), Mythe et réalité de l’espace Rhin-Rhône, La dynamique industrielle
comme facteur de recomposition territoriale, Presses Universitaires Franc-Comtoises,
Besançon, 360 p.
56
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 2 : Le Pôle Energievie en Alsace et en Moselle
1.2 Les grappes de la DATAR
À partir d'octobre 2009, la DATAR a lancé le dispositif national des grappes
d'entreprises. Il s'agit de soutenir des clusters, c'est-à-dire de réseaux constitués
de Petites et Moyennes Entreprises (PME) et de Très Petites Entreprises (TPE),
regroupées sur un même territoire, appartenant plus ou moins à une même filière,
et animées par une stratégie commune que la mise en réseau permettra d'affirmer.
Dans l'esprit de la DATAR, les grappes sont souvent complémentaires des Pôles
de Compétitivité. Elles se partagent une enveloppe nationale de 24 millions d'euros
en deux ans. En 2009 ont été labellisés le Pôle « Aménagement de la Maison » et
le Pôle « Image » d'Alsace. En 2011 s'y ajoutent l'ARIA Alsace (Association
régionale des Industries Alimentaires), Rhénatic (technologies de l'information et
de la communication) et le Pôle textile Alsace (porté par son réseau Club
innovation textile d'Alsace).
Le Pôle « Maison » entend fédérer ses adhérents dans le but d'améliorer
l'efficacité énergétique des logements. S'agit-il d'une opération réussie de green
washing, puisque le pôle compte de nombreuses entreprises qui semblent a priori
57
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
éloignées de cette problématique ? L'avenir le dira... La Figure 3 montre que le
Pôle est nettement déconnecté de l'univers urbain ; son site internet signale une
seule coopération technologique avec l'institut franco-allemand Eifer de Karlsruhe
porté par EDF et le Karlsruher Institut für Technologie (KIT).
Le Pôle permet de distinguer plusieurs territoires périurbains. Autour de
Strasbourg, les entreprises sont nombreuses et diversifiées, adossées à de solides
traditions (comme les verreries d'art et de luxe international de Wingen-sur-Moder,
ou encore le microdistrict de Soufflenheim pour les poteries), actives dans
l'industrie de production (cuisines, électroménager) ou déjà présentes dans les
nouvelles vagues que le Grenelle de l'Environnement s'était engagées à soutenir.
Cet univers déborde jusque sur l'Alsace bossue et sur l'Alsace moyenne. Le HautRhin se résume presque à l'axe Thur – Mulhouse – Saint-Louis, avec des activités
qui tournent autour du textile et de la literie, et qu'on pourrait dans leur ensemble
qualifier de survivantes du « modèle mulhousien » à la recherche de nouvelles
technologies. À Rixheim, les papiers peints de haute-de-gamme Zuber incarnent
l'esprit du last standing man qui résiste grâce à sa niche de marché historique.
L'établissement le plus prospère en termes d'emplois (160 postes en 2009) se
situe au fond du Sundgau et il fabrique de la literie pour le compte d'un industriel
de Malmö (Suède).
Figure 3 : État des lieux lors de la création du Pôle Maison
58
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 4 : Le Pôle Image
L'Alsace est bien dotée en matière de fibres optiques. Strasbourg est un
carrefour européen pour les réseaux est-ouest et nord-sud ; et le Conseil général
du Haut-Rhin avait fait poser des fibres dès la fin des années 1990. À présent, le
Pôle « Image » est « un réseau d'entreprises, de chercheurs et de centres de
formations spécialisées dans les domaines de l'image : audiovisuel, multimedia,
imagerie scientifique et industrielle, réseaux, etc. » qui regroupe « environ 480
entreprises ou acteurs de la filière image qui emploie plus de 4000 personnes »
(http://iconoval.fr) (Figure 4). Conformément à l'idée que l'innovation est d'abord
urbaine, 55% des établissements du Pôle Image se concentrent d'abord à
Strasbourg (38%), dans la ville-centre comme dans la première couronne (17%).
S'agit-il d'une figure krugmanienne, avec des forces centripètes vitales pour un
réseau naissant fondé sur des échanges importants par des personnes localisées
au quotidien dans un petit périmètre ? En tout cas, la vie urbaine strasbourgeoise
semble indispensable à l'éclosion de ce milieu entrepreneurial. Néanmoins, 45%
59
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
des établissements s'éparpillent dans le périurbain alsacien, parfois au-delà
comme à Phalsbourg où l'on trouve un designer. Une illustration des possibilités du
télétravail ?
1.3 Présomption de créativité
La créativité peut se comprendre selon un champ plus ou moins étendu. Suivons
les travaux du BETA14 : il y a tout d'abord « la créativité productive [comme]
production de connaissances qui acquiert une efficacité instrumentale
immédiate » ; et aussi « la créativité individuelle encadrée ou non par les
institutions » ; enfin, « la créativité institutionnelle, [...] notion abstraite qui désigne
la capacité globale d'une région à un moment donné d'organiser le système
territorial en adaptant ses ressources et ses initiatives aux opportunités offertes par
l'environnement économique régional, national et international ». La mesure d'un
tel phénomène ressemble à une gageure tant les aspects qualitatifs et réticulaires
occupent une place importante.
Toutefois la Figure 5, qui propose une synthèse des éléments cartographiques
précédents, postule que les établissements qui comptent parmi les pôles et les
grappes souhaitent renforcer ou s'inscrire dans des stratégies innovatrices. Il leur
faut alors être créatives. À priori, un petit biais statistique altère l'intérêt de la
figure, puisque, en filigrane, on retrouve peu ou prou la taille démographique des
communes alsaciennes. Mais, à y regarder de près, les écarts sont tout de même
importants. L'agglomération strasbourgeoise est écrasante par son importance –
encore qu'en son sein, des communes de la première couronne n'existent
quasiment pas, notamment au nord – ; et dans la commune centre elle-même, une
analyse des quartiers montrerait également de profonds déséquilibres. Dans le
périurbain alsacien en général, la créativité ne semble pas apprécier les petites
communes. Mais de petites villes ou des bourgs tirent leur épingle du jeu. Trois
secteurs se différencient nettement :
 Autour de Strasbourg, on observe un effondrement de la créativité une fois
sorti de l'agglomération. Puis les petites villes, connectées par des radiales
routières et ferroviaires sur Strasbourg, dessinent une sorte d'arc de cercle
particulièrement marqué sur le piémont des Vosges, avec des extensions vers
Haguenau et Erstein. Voit-on là l'émergence d'un croissant fertile, d'une ville à
la campagne connectée sur la gare centrale de Strasbourg en un quart d'heure
/ une demi-heure ? Les différents éléments du croissant sont-ils connectés
entre eux ? Ou bien Strasbourg est-il le nœud créatif du système ? Une étude
lourde serait nécessaire pour en comprendre le fonctionnement.
14
Kahn R., Olivier-Utard F. « Une approche culturelle de l'économie alsacienne », in : Muller
E., Héraud J.- A., Gosselin F. (dir.) (2010), Regards croisés sur la culture d'innovation et la
créativité en Alsace, Presses Universitaires de Strasbourg, 254 p., cf. p. 19.
60
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
 Autour de Mulhouse, on retrouve peu ou prou la carte de la première vague
d'industrialisation des années 1850-190015. Dévasté par la crise des industries
manufacturières depuis les années 1960 déjà, ce territoire recèle encore bien
des ressources le long d'un axe Saint-Louis – Mulhouse – entrée des vallées
vosgiennes, avec des prolongements vers l'ex-Bassin potassique et le Rhin.
 L'Alsace moyenne apparaît moins riche. Néanmoins, un polygone ColmarLièpvre-Sélestat-Marckolsheim constitue une amorce de région créative. Mais il
s'agit très probablement d'une juxtaposition aléatoire d'éléments et non d'un
territoire animé par de fortes relations internes ; c'est en tout cas ce que l'état
de la gouvernance locale laisse présumer.
Figure 5 : Présomption de créativité
Ces sous-régions devraient logiquement attirer une population jeune et
entreprenante, désireuse de modes de vie urbains, de lieux de résidence et de
mobilités dans l'esprit de la durabilité. Assistons-nous à un début de fracturation du
périurbain alsacien entre de nouvelles entités prospères et d'autres éléments
davantage réduits à un rôle de dortoir, voire de relégation (cf. aussi le chapitre 2.2
à propos des comportements électoraux) ?
15
Mercier J.-L. (2007), Documents pour l’étude de la stabilité, instabilité d’un système
historico-géographique : l’industrie à Mulhouse 1746-1902, Conférence ULP/SGC, 2 juillet
2007, 40 p.
61
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2. Jeux d'acteurs, modèles et conflits
On sait que l'innovation n'est pas (plus ?) linéaire, depuis le laboratoire vers
l'usine et enfin vers le marché. Ces éléments sont en interaction permanente avec
de nombreux effets de rétroaction. En amont, les évolutions sociales dans les
représentations comme dans les vécus génèrent de nouveaux besoins, entraînant
ainsi un besoin d'innovation et même de créativité pour qui sait sentir les
évolutions. Dans ce contexte, que peut-il survenir de particulier dans le monde
périurbain ?
2.1 La périurbanisation comme enjeu social : vers l’émergence de nouvelles
dynamiques conflictuelles ? – Stéphane Heim
L‟émergence de tout enjeu social s‟inscrit dans une dynamique de négociations
entre différents acteurs « en jeu ». Son institutionnalisation est le résultat
d‟arrangements prenant la forme de règles et de normes qui fixent les limites de
l‟espace de négociation16. Il en va ainsi d‟une réflexion ayant trait à la
périurbanisation, comme objet de transactions sur un territoire. Nous verrons que
le phénomène périurbain demeure encore mal perçu, mais qu‟il est source de
nombreuses tensions connexes. Il est confronté à d‟autres enjeux adjacents, entre
autres l‟industrialisation des territoires et la mobilité qui font figure de questions
jouissant d‟une visibilité plus large dans le champ social.
Pour saisir la portée des débats autour de l‟émergence de la périurbanisation
comme enjeu social, la présente réflexion s‟attache à une analyse sociologique de
sa dynamique conflictuelle et une illustration du système d‟acteurs sur le territoire
Sud Alsace/Nord Franche-Comté. Pour ce faire, nous revenons dans un premier
temps sur les éléments d‟une réflexion sociologique liée aux dynamiques
conflictuelles. Nous verrons en quoi un enjeu a valeur de force mobilisatrice apte à
insuffler de nouvelles dynamiques sociales. Ensuite, la question des enjeux
connexes à la périurbanisation sera examinée. Nous ferons apparaître la visibilité
nouvelle de ce dernier au regard des débats récents quant à la territorialisation.
Enfin, nous proposerons une analyse des acteurs en présence sur le territoire Sud
Alsace/Nord Franche-Comté. Sont alors inventoriés les acteurs de la mobilité et de
l‟industrialisation sur ce territoire : le constructeur automobile PSA PeugeotCitroën, le Pôle de compétitivité Véhicule du Futur, les entreprises sous-traitantes
du secteur automobile et les élus locaux. Au final, nous pourrons saisir les
dynamiques en œuvre sur ce territoire et prendre la mesure de la portée des
échanges liés au phénomène périurbain.
16
L‟approche institutionnaliste de Douglass North est ici particulièrement éclairante, en cela
qu‟il définit l‟institution comme les règles du jeu en cours entre différents acteurs. Elles
structurent l‟espace des interactions de manière plus ou moins contraignante. « Perçues
comme contraintes humaines qui structurent les interactions politiques, économiques et
sociales, les institutions selon North (1991, p. 97) consistent en des règles formelles telles
que les constitutions, les lois et les droits de propriétés et des éléments informels comme les
"sanctions, tabous, habitudes, traditions et codes de conduite".» (Nee, 2005, p. 51).
62
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Changement et dynamiques conflictuelles
Le changement, thème récurrent en sociologie, fait l‟objet d‟approches diverses
et variées, au rang desquelles la dynamique conflictuelle est une grille de lecture
pertinente. Nous préférons ici l‟usage de la notion de dynamique conflictuelle à
celle de conflit. Elle permet de rendre compte de manière plus juste de l‟évolution
des négociations entre différents acteurs engagés dans une transaction sociale.
Cette évolution traverse plusieurs phases – émergence et matérialisation d‟un
enjeu, cristallisation des acteurs autour de cet enjeu, remise en cause de l‟ordre
précédent, antagonismes et échanges en vue du dépassement (ou non) de cet
ordre, nouvel ordonnancement (ou non) –, chacune déterminant l‟apparition et la
forme de l‟étape lui succédant. Ainsi, toute dynamique conflictuelle n‟aboutit pas de
manière systématique à un conflit ouvert, lequel ne donne à penser, quant à lui,
que l‟antagonisme, le désaccord et les rivalités et conduit ainsi à limiter son regard
aux dynamiques propres à l‟éclatement des conflits. Or, la structure sociale est
continuellement traversée de formes d‟antagonismes, d‟échanges sociaux plus ou
moins latents et conflictuels, mais dont une grande partie d‟entre eux ne se
cristallisent pas en combat ouvert, demeurant ainsi des tensions dont la résolution
prend la forme de nouvelles conventions ou de nouveaux compromis sociaux.
D‟autre part, le conflit est trop vite associé à une force destructrice du lien
social. Pourtant, il en va tout autrement lorsqu‟on cherche à saisir la genèse de ces
tensions et leur fonction dans la structuration des rapports sociaux et de l‟unité
sociale17. Dans les rapports sociaux, tels qu‟ils sont développés dans des courants
associés aux travaux de Marx, on associe la structure sociale et la dynamique
sociale, qui sont le résultat de clivages et d‟antagonismes. La société ne peut être
pensée autrement que comme résultant de ces antagonismes, ou, dit autrement,
comme la somme de ses rapports sociaux et de leurs rencontres 18. On peut
s‟interroger quant à la nature des clivages principalement liés selon Marx aux
rapports de production et à la répartition des richesses, mais leur fonction sociale
mise au jour, notamment dans le livre I du Capital, est fondamentale. De la même
manière, Georg Simmel parle de fonction socialisante du conflit pour caractériser
les regroupements nés d‟intérêts communs 19. L‟unité sociale est traversée et
17
Les rapports sociaux renvoient à une approche de type marxiste alors que l‟unité sociale
fait écho aux études de Georg Simmel. Les deux courants se rejoignent sur un point
fondamental ; la nature conflictuelle des rapports ou des relations sociales est un principe
générateur de la structure sociale et de son unité.
18
Les rapports sociaux évoluent dans le temps autour d‟enjeux. Selon Marx, le premier
enjeu se cristallise autour de la répartition des richesses et l‟usage de la force de travail.
C‟est ainsi que les sociétés industrielles sont le lieu de clivages forts entre classes
prolétariennes, détentrices de leur seule force de travail, et classes bourgeoises, détentrices
des capitaux et moyens de production. La société industrielle s‟érige alors autour de ces
antagonismes de classes.
19
« Le conflit a une signification sociologique, puisqu’il suscite ou modifie des communautés
d’intérêt, des regroupements en unités, des organisations : voilà un principe qui n’a jamais
été contesté. […] La contradiction et le conflit non seulement précèdent cette unité [l‟unité
est pour Simmel, « l’accord et la cohésion d’éléments sociaux, par opposition à leur
disjonction, leur exclusion, leurs dissonances ; mais une unité, c’est aussi la synthèse
globale des personnes, des énergies et des formes dans un groupe, la totalité finale de
63
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
constituée des éléments d‟accord mais aussi des éléments de divergence. Le
regard doit alors porter sur les dynamiques en œuvre dans les interactions
sociales.
Ce rapide rappel de l‟intérêt d‟une analyse sociologique des dynamiques
conflictuelles nous invite à explorer deux dimensions en vue de la compréhension
du phénomène périurbain comme enjeu social. D‟abord, il ne faut pas occulter la
force socialisatrice des dynamiques conflictuelles ; ensuite, afin de saisir l‟impact
d‟un échange sur la structure sociale, l‟analyse doit porter sur les interactions ou
rapports liés à un enjeu.
Le phénomène périurbain, une tension multiforme
Au regard de ces développements, nous examinons la périurbanisation comme
une tension multiforme articulant plusieurs rapports sociaux, et non comme un
enjeu clairement formulé et homogène. La question consiste alors à se demander
si le phénomène périurbain revêt – ou peut revêtir – un caractère conflictuel
suffisamment marqué pour faire émerger de nouveaux arrangements sociaux. Dit
autrement, est-ce que la périurbanisation est une tension visible dans l‟espace
social, articulant des enjeux clairement formulés et des acteurs définis ?
Si, de prime abord, nous pourrions penser que la périurbanisation ne fait
intervenir que les seuls habitants et entreprises cherchant à s‟agglomérer sur de
nouveaux territoires intermédiaires entre les zones rurales et urbaines, elle est
bien plus complexe que cela et rassemble bien d‟autres acteurs et dimensions
dont nous allons rendre compte ici. À l‟heure actuelle, elle ne mobilise pas une
tension, mais une somme de conflictualités avec une pluralité d‟intérêts. Ces
derniers se cristallisent dans des questions liées à l‟aménagement des territoires,
aux modes de vie et de mobilité, aux représentations de l‟espace et à
l‟industrialisation (l‟allocation des ressources productives et économiques sur un
territoire). En cela, la périurbanisation est un nœud de tensions capable de faire
émerger de nouveaux arrangements institutionnels.
La territorialisation et l‟industrialisation sont imbriqués à ces questionnements,
en incorporant d‟autres dimensions. Depuis le Rapport d'information au Sénat
ayant trait à l‟impact des délocalisations de Jean Arthuis en 1993 20, la
délocalisation fait figure de problématique économique et sociale et de gageure
politique. Elle jouit d‟une très large visibilité, alors même que sa mesure et sa
celles-ci, dans laquelle sont comprises ces relations unitaires au sens étroit aussi bien que
les relations dualistes. »], mais « ils sont aussi à l’œuvre à chaque instant de sa vie ; de
même, il ne devrait pas y avoir d’unité sociale dans laquelle les mouvements convergents
des éléments ne soient aussi inextricablement mêlés à des mouvements divergents. »
(Simmel, 1999 [1908], pp. 265-266).
20
Rapport d'information sur l'incidence économique et fiscale des délocalisations hors du
territoire national des activités industrielles et de service, Rapport d'information n°337 (19921993) de M. Jean Arthuis, fait au nom de la Commission des finances, déposé le 4 juin
1993.
64
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
définition posent problème21. Elle introduit et induit de nombreuses questions liées
à l‟avenir des territoires industrialisés dans nos régions françaises mais aussi au
mode de développement capitaliste souhaité – se résumant souvent au débat
entre politiques protectionnistes et libre-échangisme. La question de l‟avenir des
territoires trouve ainsi un fort écho dans le champ politique. Plus récemment
(depuis le printemps 2010), une mission sénatoriale commune d‟information sur la
désindustrialisation des territoires22 se penche sur les thématiques ayant trait à
l‟industrialisation. Après une année d‟investigations, elle a remis son premier
rapport en avril 2011, dans lequel l‟une des dix-sept propositions consiste à
« renforcer la promotion du site France ». Lors d‟un déplacement d‟une délégation
de cette mission en Alsace et Franche-Comté en novembre 2010, Pierre
Moscovici, président de Pays de Montbéliard Agglomération, a rappelé les enjeux
liés à la mutation de la filière automobile :
« Les solutions nouvelles comme les véhicules propres, les moteurs
hybrides, les centrales de mobilité, font appel à des technologies innovantes
et à une modification en profondeur de la filière automobile. Aujourd’hui, les
emplois situés à l’amont de la filière talonnent les emplois de production. Il
est ainsi impératif d’accompagner cette mutation afin de garantir la pérennité
de cette industrie et surtout les emplois qui s’y attachent. »
Pierre Moscovici, Déplacements en Alsace et Franche-Comté, 18 nov. 2010, Table
ronde sur la filière automobile et entreprises diversifiées,
Pays de Montbéliard Agglomération, p. 6.
La thématique du territoire et de son aménagement articule une diversité
d‟objets plus larges tels que l‟emploi, la création de richesses sur le sol français,
les politiques d‟innovation, ou encore la concurrence internationale. La
périurbanisation est intrinsèquement liée à ces dimensions de l‟aménagement du
territoire, à la fois anciennes et nouvelles. Quels territoires souhaitons-nous
occuper et développer ? Comment allouer les ressources et les dispositifs d‟aide
des politiques d‟aménagement du territoire ? Quel est le rôle des entreprises quant
à l‟aménagement du territoire ? Le phénomène périurbain se niche dans ces
questionnements.
Un second enjeu connexe est lié à la mobilité 23. S‟implanter sur de nouveaux
territoires implique un certain rapport à l‟espace. La logique d‟urbanisation a
21
Au sens le plus strict de l‟INSEE, « les délocalisations sont détectées lorsque l‟emploi
diminue ou disparaît au sein d‟un établissement et que les importations du groupe détenant
l‟établissement touché augmentent pour le type de biens auparavant produits en France ».
C‟est une « substitution d‟une production étrangère à une production domestique pour
satisfaire une même demande. ». INSEE dossiers – Délocalisations et réductions d’effectifs
dans l’industrie française. Les écueils de la mesure de ce phénomène ont notamment été
relevés par Fontagné, L. et Lorenzi, J.H., Désindustrialisation, Délocalisations, Paris, La
Documentation française (Les Rapports du Conseil d‟Analyse économique, n° 55), 2005.
22
Le site de cette mission :
http://www.senat.fr/commission/missions/desindustrialisation/
23
La mobilité (qui appelle également à des réflexions ayant trait à l‟immatérialité) est
65
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
conduit à l‟émergence de concepts tels que la proximité, l‟agglomération et la
concentration, alors même qu‟il semblerait que la périurbanisation invite à repenser
les territoires en écho à des notions de distance et de diversification. Apparaissent
ainsi de nouveaux questionnements ayant trait aux distances entre le lieu de travail
et lieu de résidence, aux politiques de transports publics, à la mobilité sociale et la
distribution de la population sur le territoire (les nouveaux modes de déplacement
structurent de plus en plus le choix de résidence), et aux populations ayant accès
à ces nouvelles formes de mobilité. Les comportements individuels et les politiques
collectives sont ici en pleine effervescence.
Si la périurbanisation semble être une question unidimensionnelle autour de la
rupture avec le principe d‟urbanisation tel que nous l‟avons connu ces soixante
dernières années, il n‟en est rien. Il est au contraire complexe et
multidimensionnel, nœud de nombreuses tensions et d‟acteurs dont les positions
sont l‟objet de dynamiques conflictuelles diffuses.
Une illustration : le territoire Sud Alsace/Nord Franche-Comté
Le territoire Sud Alsace/Nord Franche-Comté est un terrain d‟étude propice à
l‟examen de ces dynamiques pour plusieurs raisons. Couvert par trois grandes
entreprises (PSA Peugeot-Citroën, Alstom et General Electric) et ayant connu une
ère d‟industrialisation très forte au XIXème siècle24, la périurbanisation prend des
accents d‟enjeu fort. À titre d‟illustration, deux études de l‟INSEE Alsace et de
Franche-Comté en 2009 apportent des éléments de compréhension non
négligeables quant à la périurbanisation et quant au lien entre lieu de travail et lieu
de résidence. Elles mesurent l‟inscription territoriale et le poids des établissements
de PSA Peugeot-Citroën à Sochaux et Mulhouse en termes d‟emplois directs,
indirects et induits sur les bassins de population du Nord Franche-Comté et Sud
Alsace25. Les enseignements de ces études sont multiples, mais nous rappellent
d‟abord combien les territoires intermédiaires entre les zones urbaines et rurales
sont impactés par l‟activité des deux sites d‟assemblage. En effet, selon l‟étude de
l‟INSEE Franche-Comté, fin 2007, 39% de la population globale liée à PSA
Sochaux se retrouve dans onze communes, soit une forte concentration autour du
26
lieu de travail . Pour le site de Mulhouse, les mesures de l‟INSEE soulignent que
chargée de valeurs positives et négatives. Les défenseurs de la mobilité prônent une forme
de libéralisme – du droit à la mobilité –, tandis que ses détracteurs y voient une forme de
rupture avec les solidarités sociales locales. Mais il est avéré aujourd‟hui que la mobilité,
sous toutes ses formes (spatiales, intergénérationnelles, sociales, etc.), est devenue un
enjeu central pour nos sociétés contemporaines.
24
Mulhouse est considérée comme la Manchester française ou la « Ville aux cent
e
cheminées », en référence à sa rapide industrialisation au XIX siècle.
25
Le périmètre d‟étude retenu fin 2007 pour l‟impact de Sochaux concerne 410 communes
(dans lesquelles plus de 2% de la population est « liée » à PSA), soit 58 800 personnes (les
emplois et leurs familles) ; Insee-Franche-Comté, 2009 : « L'influence de PSA-Sochaux se
concentre dans le Nord Franche-Comté », L’essentiel, n° 113, mai 2009. Pour le site de
Mulhouse, 876 communes regroupant 1 200 000 habitants, soit un effet global de PSA sur
45 000 personnes ; Insee-Alsace, 2009 , « PSA Peugeot-Citroën Mulhouse : une emprise
territoriale marquante », Chiffres pour l’Alsace, n° 2, mars 2009.
26
En ce qui concerne Sochaux, l‟étude révèle que l‟impact concerne surtout « une forte
66
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
quatorze communes aux alentours de Mulhouse concentrent l‟essentiel de l‟emploi
lié à PSA et plus de la moitié des salariés de PSA résident à moins de 10 km de
l‟établissement. Ces chiffres rappellent les liens étroits entre industrialisation,
mobilité et périurbanisation.
Sur ce territoire, outre ces grandes entreprises, d‟autres acteurs sont à prendre
en compte (les petites et moyennes entreprises, le Pôle de compétitivité Véhicule
du Futur et les élus locaux). Leurs enjeux propres liés à l‟industrialisation et la
mobilité ne sont pas forcément convergents et donnent corps à une dynamique
conflictuelle qu‟il faut examiner de manière plus approfondie.
Pour ce qui est de la territorialisation, un accord se dégage quant à l‟importance
du secteur manufacturier. Les grandes firmes, jouissant d‟une position
géographique et logistique « centrale » en Europe, privilégient la poursuite d‟une
politique industrielle locale. Le Pôle de compétitivité Véhicule du Futur se donne
pour objectif premier de créer des synergies entre les industriels locaux et les
centres de recherche publics autour de projets innovants. Chaque année, lors de
son colloque Mobilis, industriels, chercheurs et décideurs politiques sont invités à
intervenir autour de thématiques ayant trait à l‟avenir de la mobilité. En 2010, le
thème retenu « Mobilité urbaine, entre évolution et révolution », a permis de
rassembler différents ateliers et tables rondes durant lesquelles il fut question
notamment de toutes les infrastructures liées aux nouvelles modalités de transport.
Quant aux collectivités locales, elles prennent acte des enjeux en termes d‟emploi
pour les territoires. En 2009, l‟Association des Collectivités Sites d‟Industrie
Automobile est créée sous la présidence de Pierre Moscovici. Elle regroupe
quatorze communes dont plusieurs sur le territoire Alsace Franche-Comté, des
27
intercommunalités, des Départements et des Régions . L‟objectif de l‟association,
tel qu‟il est exposé dans un communiqué de presse28, prend très largement en
compte l‟enchevêtrement des nouvelles mobilités, de l‟avenir de l‟industrie
automobile et de leur impact sur l‟emploi. Réunis lors des Premières rencontres
des territoires automobiles à Montbéliard en décembre 2010, les élus locaux se
proportion de petites communes puisque 83% d‟entre elles ont moins de 1 000
habitants. […] La „zone d‟emploi‟ de Montbéliard concentre, à elle seule, les trois quarts de
la population et 88% des salariés (au lieu de travail) liés à l‟établissement sochalien »,
Insee-Franche-Comté, 2009, pp. 1-2.
27
Les communes : Belfort, Bruay-la-Buissière, Chartres-de-Bretagne, Cléon, Douai, Flinssur-Seine, Grand-Charmont, Hordain, Mulhouse, Poissy, Ruitz, Sandouville, Sausheim,
Sochaux ; les intercommunalités : Artois Communauté, Communauté d‟Agglomération de
Belfort, Communauté de Communes de l‟Ile Napoléon, Le Mans Métropole, Communauté
d‟Agglomération du Pays de Montbéliard, Rennes-Métropole ; les départements : Conseil
Général du Doubs, Conseil Général d‟Ille-et-Vilaine, Conseil Général du Nord, Conseil
Général du Territoire de Belfort ; les régions : Conseil Régional d‟Alsace, Conseil Régional
de Franche-Comté, Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais, Conseil Régional des Pays de
Loire, Conseil Régional de Bretagne.
28
« Face à l‟ampleur de la crise qui touche le secteur, cette association est née d‟un constat
: la nécessité de s‟unir, de coopérer et d‟échanger pour anticiper l‟évolution de l‟automobile,
l‟évolution des mobilités qui ont un impact sur les territoires, sur l‟organisation industrielle,
sur les besoins de formation, sur les capacités des collectivités à créer un environnement
favorable au développement de l‟industrie. » (Dossier de Presse, ACSIA, Création de
l‟Association des Collectivités Sites d‟Industrie Automobile, janvier 2010, p. 1).
67
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
sont accordés autour d‟un enjeu, la réhabilitation du « site France ».
Ces trois acteurs – grandes entreprises, pôle de compétitivité et élus locaux –
semblent tendre vers un objectif commun d‟accompagnement de l‟évolution et des
mutations de la production automobile du territoire Alsace Franche-Comté. Les
intérêts peuvent tout de même diverger quant aux voies de développement
poursuivies, ce que nous pouvons observer lorsqu‟il est question de mobilité.
Les enjeux liés à la mobilité, seconde dimension connexe à la périurbanisation,
semblent bien plus complexes. L‟avènement de nouvelles formes de mobilité
spatiale est le terreau de ces échanges et négociations. Le Pôle de compétitivité a
récemment réorienté sa politique, suite à l‟évaluation gouvernementale, pour
donner corps à des innovations liées à la mobilité de manière plus large que le seul
véhicule électrique (avec l‟accent mis sur les innovations relatives aux services et
infrastructures de la mobilité)29. L‟objet automobile est dilué dans les services de
mobilité. Cela conduit à une réflexion quant à la position des constructeurs dans la
chaîne de mobilité et de production automobile. Selon Bernard Jullien, directeur du
GERPISA (Groupement d‟Études et de Recherches Permanent sur l‟Industrie et
les Salariés de l‟Automobile), la place actuelle de suprématie des constructeurs
dans la chaîne de production automobile est l‟enjeu premier de la « seconde
révolution automobile ». Quant aux petites et moyennes entreprises, l‟adaptation
aux nouveaux défis de la production et des services de mobilité et la capacité à
s‟insérer de diverses manières dans des projets de recherche labellisés par le
pôle, en profitant des mesures de soutien financier ou en termes de formation, sont
de véritables défis. Les rapprochements inter-organisationnels et l‟émergence de
nouveaux projets favorisés par le pôle de compétitivité sont alors la clé de la
reconversion. Les élus locaux, quant à eux, portent la voix des territoires (locaux)
et leur position dans ces échanges et débats faisant intervenir l‟État, l‟Europe, les
grandes entreprises, les PMI et les pôles de compétitivité.
C‟est dans ce jeu d‟acteurs que se niche la périurbanisation en France (et à
plus forte raison les territoires de la production automobile tels que le Sud
Alsace/Nord Franche-Comté), prise dans différentes logiques ou intérêts et dans la
superposition des enjeux – industrialisation, innovation, formation, emploi, mobilité,
etc.
Cet examen sociologique de la périurbanisation comme enjeu local et social
nous rappelle combien le phénomène est multiforme. Le système d‟action (pour
reprendre les termes de Michel Crozier et Erhard Friedberg) naissant est en fait un
enchevêtrement de différents enjeux. La périurbanisation est aujourd‟hui
29
En vue de sa labellisation, chaque pôle est évalué par un Comité interministériel
d‟aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT). La première vague d‟évaluation
a eu lieu en 2008 et a conduit à cette réorientation stratégique du Pôle Véhicule du Futur.
Cinq nouveaux domaines d‟activité stratégique ont été élaborés (Services de mobilité ;
Infrastructures et communication ; Énergie et propulsion ; Conception, matériaux et cycles
de vie ; Véhicules innovants), en sus de l‟incorporation de PerfoEST (association créée à
l‟origine, en 1997, pour promouvoir l‟excellence industrielle dans le secteur automobile en
Alsace Franche-Comté) pour renforcer le déploiement des innovations sur l‟ensemble du
territoire.
68
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
intrinsèquement liée aux tensions qui se cristallisent autour de la mobilité et de
l‟industrialisation. Le cas du territoire Sud Alsace/Nord Franche-Comté est, à ce
titre, exemplaire. Il rassemble de nombreux acteurs qui sont tous liés aux
évolutions futures de l‟industrie automobile. Bassin d‟emploi pour les grandes et
petites entreprises de ce secteur, il est confronté de plus en plus à la mise en
réseau et à son désenclavement avec d‟autres territoires limitrophes et plus
lointains en France et en Europe.
Les tensions sous-jacentes à ces changements rappellent combien le
phénomène périurbain est conditionné par des enjeux connexes qui sont définis
eux-mêmes par la position des grandes et petites entreprises, du Pôle de
compétitivité Véhicule du Futur et des élus locaux, mais également par les lieux
d‟expression et de rencontre. Les espaces d‟échange circonscrits à la
périurbanisation ne semblent pas émerger au niveau inter ou supra communal (le
SCOT, Schéma de Cohérence Territoriale). Cela signifie-t-il pour autant qu‟elle est
niée comme dynamique conflictuelle impactant de nouvelles évolutions
institutionnelles ?
Plutôt que d‟être une véritable dynamique conflictuelle, la périurbanisation est
plutôt pour l‟heure une tension latente dont les lieux d‟expression sont intimement
liés aux évolutions de la mobilité et de l‟aménagement du territoire. L‟enjeu premier
est bien celui de la mobilité et de la confrontation de deux valeurs associées à
celle-ci : il s‟agit de la mobilité comme droit individuel, avec l‟attachement à la
liberté de circuler et le difficile renoncement au modèle de la voiture individuelle,
d'une part, et de la mobilité comme ressource collective qui tendrait à faire
triompher la préoccupation environnementale sur toute autre valeur (comme le
droit à la mobilité justement) d'autre part. On devine le profond conflit qui pourrait
émerger de la confrontation de ces deux valeurs, laquelle se situe au cœur des
problématiques liées à la périurbanisation.
69
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Bibliographie
 ACSIA, Dossier de Presse, Création de l’Association des Collectivités
Sites d’Industrie Automobile, janvier 2010.
 Arthuis, Jean, Rapport d'information sur l'incidence économique et fiscale
des délocalisations hors du territoire national des activités industrielles et
de service, Rapport d'information du Sénat n° 337 (1992-1993), fait au
nom de la Commission des finances, 1993.
 (http://www.senat.fr/rap/r92-337/r92-337.html)
 Aubert, Patrick et Sillart, Patrick, « Délocalisations et réductions d‟effectifs
dans l‟industrie française », In INSEE, L’économie française – Comptes et
dossiers, Édition 2005-2006, pp. 57-89.
 (http://www.insee.fr/fr/publications-etservices/sommaire.asp?codesage=ECOFRA05)
 Chatillon, Alain, Réindustrialisons nos territoires, rapport d’information fait
au nom de la mission commune d’information sur la désindustrialisation
des territoires, Rapport d'information du Sénat n° 403 (2010-2011), 2011.
 (http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-403-1-notice.html).
 Crozier, Michel et Friedberg, Erhard, L’acteur et le système. Les
contraintes de l’action collective, Paris, Éditions du Seuil, 1977.
 Fontagné, Lionel et Lorenzi, Jean-Hervé, Désindustrialisation,
Délocalisations, Paris, La Documentation française (Les Rapports du
Conseil d‟Analyse économique, n° 55), 2005.
 Insee-Alsace, Chiffres pour l'Alsace, n° 2, 2009, « PSA Peugeot-Citroën
Mulhouse : une entreprise territoriale marquante » (mars).
 Insee-Franche-Comté : « L‟influence de PSA Sochaux se concentre dans
le « Nord Franche-Comté », L’essentiel, n° 113, mai 2009.
 Jullien, Bernard, « La seconde révolution automobile et ses contours »,
Sociétal, 2010, Vol. 70, n° 4, pp. 54-61.
 Marx, Karl, Le Capital. Livre I, Paris, Éditions Gallimard, 1963 (1867).
 Nee, Victor, « The New Institutionalisms in Economics and Sociology », in
Smelser, Neil J et Swedberg, Richard (dir.),1995,The Handbook of
Economic Sociology, Princeton and Oxford, Princeton University Press, pp.
49-74.
 Simmel, Georg, Sociologie. Études sur les formes de la socialisation,
Paris, Presses Universitaires de France, 1999 (1908).
70
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2.2 L'agriculture sur le territoire de la CUS
– Françoise Buffet, Aude Forget
À l'initiative de la Chambre d'Agriculture d'Alsace et de la Communauté Urbaine
de Strasbourg (CUS), une étude a été menée pour connaître le visage de
l'agriculture présente sur le territoire de la CUS. Ainsi, 33% du territoire de la CUS
sont dédiés à l'espace agricole avec environ 200 exploitations. Cependant, ces
agriculteurs sont essentiellement des pluri-actifs (45% contre 1/3 dans l'ensemble
du département). Les terres sont utilisées essentiellement pour du maïs et très peu
pour de la vigne, ce qui a pour conséquence d'imposer des surfaces de cultures
plus grandes : pour un revenu correct, il faut 3 à 4 ha de terre en maraîchage bio
contre 60 ha de terre dédiés au maïs. L'élevage est rare dans la CUS car il
demande un investissement temporel plus important et donc, pour des pluri-actifs,
rend complexe la gestion des deux activités. De plus, la cohabitation entre les
élevages et le milieu urbain est complexe (bruit, odeur, etc.). Cette cohabitation
l'est également pour les autres formes d'agricultures à cause des problèmes de
circulation des engins agricoles et de vols (de fruits par exemple). De même,
l'extension de la ville provoque une diminution des surfaces agricoles et une
augmentation du prix de celles-ci, freinant l'agriculture urbaine. Enfin, le territoire
de la CUS étant frontalier, il existe une distorsion de concurrence économique et
sociale entre la France, l'Allemagne et la Suisse.
La ville offre en parallèle de nombreux avantages. Les institutions compensent
le faible taux d'agriculteurs propriétaires en possédant une partie importante des
terres (20%) et en ayant la capacité de développer cette propriété. En effet, la CUS
et la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) ont la
possibilité de préempter des terrains agricoles. Cette démarche nécessite une
politique d'acquisition des terres. Elle permet une maîtrise du foncier agricole
urbain, une valorisation de celui-ci, et d'influencer les prix du foncier. Car, seules
des agricultures prestigieuses telle la viticulture peuvent lutter contre la flambée
des prix liée à la pression foncière.
De plus, la forte densité de population liée à l'urbain permet aux agriculteurs de
diversifier leurs débouchés : ainsi, ils ne sont plus dépendants des centrales
d'achat et peuvent vendre directement, en circuits courts, sur les marchés ou à la
ferme ; les circuits courts se définissant par au maximum un intermédiaire entre le
producteur et le consommateur.
La CUS et la Chambre d'Agriculture souhaitent soutenir ces agriculteurs urbains
à travers une réflexion globale se traduisant par le développement d'une politique
volontariste agricole urbaine suivant 4 axes :
L'agriculture, une force économique pour la CUS :
Le but est de changer la vision des espaces non construits dans la ville et
dédiés à l'agriculture. L'agriculture ne vient plus remplir les vides mais s'impose. Il
est donc nécessaire de limiter la consommation foncière de la ville et de maintenir
les exploitations existantes en gérant un foncier coûteux et en aidant à l'installation
de jeunes.
Vers une agriculture saine et nourricière :
71
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
L'objectif de cet axe est de passer à 7% de culture bio en Alsace (contre 1,3%
actuellement) et de diversifier les cultures afin de développer une agriculture
nourricière permettant au territoire de la CUS de gagner en indépendance
alimentaire.
Développer les circuits-courts :
Renforcer les circuits-courts permet de faciliter la mutation des cultures
actuelles vers des cultures nourricières en assurant les débouchés et en valorisant
le travail de l'agriculteur. Ainsi, le but est d'augmenter les débouchés urbains avec
des systèmes de revente locale (épiceries de quartier, etc.) et d'utiliser les
commandes publiques comme leviers. De même, la réorganisation des marchés et
la réouverture du marché-gare aux producteurs locaux, permettraient d'augmenter
les débouchés.
Rapprocher les citadins des agriculteurs :
Afin de faciliter l'intégration de l'agriculture au sein de la ville, il est nécessaire
de sensibiliser les citadins à ce milieu oublié. Ainsi, de nombreuses manifestations
sont prévues et il est envisagé l'installation de vergers en pied d'immeuble et de
faire évoluer une partie de la "nature-décor" actuellement présente en ville vers
une "nature-nourricière".
Le problème du foncier reste le problème dominant pour l'agriculture urbaine.
D'une part, la sanctuarisation des terres au sein de documents d'urbanisme se
traduirait par une diminution des surfaces constructibles, et donc une fuite vers la
3ème et 4ème couronnes des constructions renforçant l'étalement urbain, et donc
consommant un autre espace agricole tout en augmentant les besoins en réseaux
et en zones d'activités qui sont les plus forts consommateurs d'espace. Cette
échappée des constructions montre le risque conséquent à un travail sur une
échelle trop petite. De plus, les documents d'urbanisme imposent un zonage strict
qui doit être assoupli par des compléments d'informations et de pratiques non
zonées. Ainsi, l'un des objectifs du PLU de la CUS est de développer la
biodiversité ; il permet donc de travailler en transversal sur l'ensemble des
zonages. Le foncier pose aussi le problème de la qualité du sol. Or, en milieu
urbain, la pollution des sols peut être importante et les cultures hors-sols sont
actuellement peu rentables ou trop extrêmes vu les capacités d'évolution du
territoire.
Pour ce qui est de la réaction des acteurs, un effort de communication et
d'intégration des personnes sur l'ensemble du processus a été fait. Il permet aux
acteurs agricoles de donner leur avis et de découvrir l'intérêt économique et foncier
de la démarche ; et, aux différentes élus, de développer une vision globale
commune. L'étape suivante consiste à permettre à l'habitant de s'approprier les
espaces agricoles et naturels.
N.B. : Signalons la parution, en septembre 2011, des premiers résultats
régionaux du recensement agricole de 2010 :
voir le site draaf.alsace.agriculture.gouv.fr/
72
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2.3 Périurbanisation et planification territoriale en Allemagne
– Antoine Danet
Le terme « périurbanisation » appartient au lexique géographique français et
peine à trouver un équivalent exact dans la langue allemande. Afin de savoir
comment nos voisins traitent et gèrent le phénomène de périurbanisation à travers
leur politique d‟aménagement, il faut en premier lieu se demander quelle réalité se
cache derrière les termes connexes utilisés en Allemagne pour désigner ce
processus. Grâce au concept de « référentiel » de Pierre Muller30, nous allons voir
que les mots retenus pour désigner une réalité spatiale orientent le sens qui lui est
donné dans les politiques publiques. Ainsi la conception allemande de la
périurbanisation éclaire les dispositifs publics de planification territoriale et de
consommation foncière outre-Rhin, et nous ouvre de nouvelles perspectives sur la
transformation des territoires urbains, périurbains et ruraux.
La périurbanisation dans la langue allemande : le riche concept de
Surburbanisierung
La notion de Suburbanisierung est la plus proche de celle de périurbanisation,
sans pour autant lui correspondre terme à terme. Le mot date de la première moitié
du XXème siècle et provient du terme anglais suburban. Il désigne le phénomène de
« transfert de la dynamique de croissance de la ville-centre vers sa périphérie »31.
Il s‟agit d‟un processus et non de la simple description d‟une organisation spatiale
à laquelle renvoie plus souvent « suburbain » en français, désignant les banlieues,
les faubourgs. Cette notion s‟est progressivement enrichie. Elle recouvre
aujourd‟hui des réalités diverses comme les migrations pendulaires et leurs
conséquences, ou encore l‟idée d‟une discontinuité du bâti entre urbain et
périurbain et le problème de la consommation d‟espace, ce qui en fait l‟équivalent
du phénomène de périurbanisation dans la langue allemande. Dans le champ
géographique allemand, la Suburbanisierung se conçoit, au même titre que la
périurbanisation, comme un phénomène multifactoriel, dû aussi bien aux
déplacements de l‟activité économique qu‟aux parcours résidentiels.
Desurbanisierung désigne quant à lui la disparition progressive de la ville et de
toute centralité, alors que Suburbanisierung implique la persistance d‟une relation
centre-périphérie.
Diversité des réalités et variétés des mots
Le phénomène de sortie des fonctions de la ville-centre vers sa périphérie a
pris des formes très diverses et ne se laisse plus résumer par le seul terme de
Suburbanisierung. Cette notion a été l‟objet de nombreux travaux depuis les
années 1970 et elle se trouve au cœur de la question du devenir de la ville. Le
concept de Suburbanisierung s‟inscrit à ce titre dans une logique diachronique :
30
in Hassentufel P. (2008), Sociologie politique : l’action publique, Armand Colin, Paris,
p.107.
31
Handwörterbuch der Raumordnung, Akademie für Raumforschung und Landesplanung,
1995.
73
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
est-ce la Reurbanisierung, renouveau de la concentration et de la densification en
un pôle central qui va lui succéder ? Ou plutôt une phase de Desurbanisierung,
dilatation complète de la forme urbaine et disparition achevée de toute centralité ?
Dans les années 2000, le concept de Zwischenstadt de T. Siverts32 marque la
rupture avec une conception purement négative du périurbain. Il acte la difficulté à
nommer les nouvelles formes urbaines que la périurbanisation a fait émerger. Il
postule la disparition progressive du critère de discontinuité du bâti pour identifier
le périurbain. Dans le contexte allemand, la contiguïté croissante de l‟urbain et du
périurbain et l‟homogénéisation croissante de ces deux espaces sont des réalités
très prégnantes ; et la recherche d‟une nouvelle dénomination correspond à la
présence de nouveaux objets, de nouvelles réalités spatiales. De même, la mesure
statistique de la périurbanisation se trouve confrontée à cette remise en cause de
la segmentation urbain / périurbain / rural. Le graphique suivant traduit la volonté
de proposer un découpage plus fin des différents espaces urbanisés, suivant leur
densité et leur distance à l‟unité urbaine centrale.
Dans la littérature géographique allemande, la crise du modèle urbain /
périurbain / rural a succédé à celle du couple traditionnel urbain / rural.
Pour la répartition des emplois et de la population, cette classification tente de
distinguer les unités urbaines centrales (leur cœur et leur couronne extérieure), les
espaces intermédiaires – Zwischenraum – (denses ou peu denses), et les espaces
périphériques (denses ou peu denses). Le périurbain se retrouve ici éclaté entre
différentes catégories.
32
Siverts T. (2004), Entre-ville : une lecture de la Zwischenstadt, trad. de l'allemand par
Jean- Marc Deluze et Joël Vincent.
74
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Document 7 : Modèle de classification des espaces urbanisés en Allemagne 33
33
Reife, Stagnation oder Wende? Perspektiven zur Suburbanisierung, Post-Suburbia und
Zwischenstadt : ein Überblick zum Stand der Forschung, Joachim Burdack und Markus
Hesse, Leipzig 2006.
75
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Une tendance émergente : la fin de la périurbanisation ?
Si l‟on s‟intéresse aux dynamiques de peuplement à l‟œuvre en Allemagne
depuis la réunification, plusieurs tendances sont à noter. Dans les « nouveaux
Länder », un fort mouvement de départ des centres urbains a marqué les années
1990. Les Länder de l‟ex-Allemagne de l‟ouest ont connu eux aussi un important
afflux de population au début des années 1990 qui est venu conforter le
mouvement global de périurbanisation, comme on le voit ci-dessous pour le
Baden-Wurtemberg avec une croissance de la population plus forte dans les
« communes périphériques » (Umlandgemeinden) que dans les centres
(Mittelzentren). Mais ce mouvement se ralentit depuis les années 2000. Et on
assiste, dans le cas du Bade-Wurtemberg à un nivellement de la croissance de la
population entre les centres et les périphéries, ce qui fait envisager la possible « fin
de la périurbanisation »34. La ville de Stuttgart illustre bien cette tendance : la villecentre gagne à nouveau des habitants depuis 2000 et la forte croissance des
communes périphériques se ralentit35. Il faut prendre en compte le fait que cette
égalisation des dynamiques de croissance de population se produit dans un
contexte global de vieillissement de la population et de faible croissance
démographique.
Document 8 : Évolution de la croissance démographique dans le BadenWürttemberg36
34
Brachat-Schwarz, W (2004) Das Ende der Suburbanisierung?, Statistisches Monatsheft
Baden-Württemberg 4/2004.
35
Ibid.
36
Statistisches Monatsheft Baden-Württemberg 4/2004.
76
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La perception du phénomène de périurbanisation occupe une place centrale
dans la construction des politiques de planification territoriale. Dans l‟approche
cognitive des politiques publiques, un dispositif d‟action publique peut se
comprendre par le « référentiel », c'est-à-dire le cadre de pensée qui préside à son
élaboration. Chez Pierre Muller, un référentiel d‟action publique se caractérise par
« la domination de valeurs et de normes élaborées et portées par les acteurs
principaux des politiques publiques »37. La planification territoriale se construit
selon ce que les acteurs porteurs de ces politiques perçoivent et admettent comme
vrai dans les dynamiques spatiales, et notamment dans le processus de
périurbanisation.
Le système allemand de planification territoriale
Pour comprendre les liens entre perception de la périurbanisation et politique de
planification, il faut aussi s‟intéresser aux questions institutionnelles et dessiner à
grands traits le système de planification territoriale allemand. Les instruments de la
planification territoriale sont essentiellement en possession des Länder, qui sont
les principaux acteurs de cette politique. L‟usage poussé des politiques
d‟aménagement par l‟État central du troisième Reich a conduit à l‟abandon de la
ème
planification territoriale au niveau fédéral dans la seconde partie du XX
siècle :
le Bund se limite à la formulation de grandes orientations, qui reprennent souvent
les préconisations de l‟U.E. et qui visent au développement des grandes
métropoles de niveau européen. Les documents planificateurs majeurs sont le
Landesentwicklungsplan (LEP), pour le Land, et le Regionalplan, à l‟échelle
infrarégionale des Regionalverbände, institutions correspondant à un territoire
d‟aménagement. Le Regionalplan doit être compatible avec le LEP. On retrouve à
l‟échelle communale le Flächennutzungplan, équivalent du PLU.
Le système de planification est régi par le Gegenstromprinzip 38 : chaque
document est élaboré en concertation avec les échelles inférieures et supérieures.
Les documents de planification allemands se distinguent également par leur
couverture entière du territoire et leur coïncidence avec les frontières
administratives qui subdivisent un Land. Les Regionalverbände correspondent le
plus souvent au Regierungsbezirk, échelon déconcentré du Land, ce qui donne
plus de poids aux documents qu‟ils produisent. Autre élément caractéristique, ces
documents sont obligatoires et ne relèvent pas de l‟initiative des communes et
communautés de communes, à l‟inverse des Scots. LEP et Regionalpläne
bénéficient également d‟une légitimité démocratique, étant votés par des
assemblées directement élues. De manière générale, les documents planificateurs
sont réalisés par des structures importantes qui assurent un suivi efficace des
dispositions planificatrices : les regroupements de communes des années 1960 et
1970 lors de la Gemeindereform ont considérablement réduit le nombre de
communes de moins de 5 000 habitants. Ainsi la quasi-totalité des communes
réalisent elles-mêmes leur Flächennutzungsplan. À titre de comparaison, le Bas37
in Hassentufel, op. cit.
Notion qui se traduirait littéralement par « principe de contrecourant », mais qui désigne
bien un double mouvement dans la construction mutuelle des documents règlementaires :
de l‟échelle inférieure vers la supérieure, et réciproquement.
38
77
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Rhin compte 8 Schémas de Cohérence territoriale alors le Baden-Württemberg ne
totalise que 12 Regionpläne pour une superficie huit fois supérieure. Par
conséquent, l‟organisation de la planification territoriale allemande crée des modes
d‟action nettement distincts du cadre français.
Document 9 : Pyramide institutionnelle de la planification territoriale en
Allemagne39
L’approche cognitive de la planification territoriale :
perception de la périurbanisation et action publique
Au-delà de l‟aspect institutionnel, le système de planification est traversé par
des idées et des représentations dominantes qui donnent le sens de l‟action
publique et en dessinent les contours. Les politiques d‟aménagement allemandes
ont été dominées dans les années 1960-1970 par une logique d‟équipement : la
planification devait apporter sa contribution à la construction de grandes
infrastructures partout sur le territoire. Les considérations environnementales ont
émergé dans les années 1980 et se sont affirmées comme principes directeurs de
l‟aménagement dans les années 1990. Enfin, le référentiel actuel se construit
39
Présentation de M. Trinnemeier (Metropol Region Rhein-Neckar), « La planification
territoriale dans le Rhin supérieur », séminaire de la Conférence Franco-germano-suisse du
Rhin supérieur, 4 avril 2010.
78
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
autour du principe de concurrence entre territoires et oriente l‟action publique vers
la recherche permanente d‟attractivité économique.
Si l‟on s‟intéresse plus particulièrement au cas de la planification infrarégionale
à travers le Regionalplan et à la question de la périurbanisation, on peut clairement
observer à l‟œuvre la double fonction du référentiel : « le décodage du réel, lié(e)
au travail d’interprétation des phénomènes observés à partir de cadres cognitifs, et
le recodage, permettant de construire des modèles normatifs d’action concrète ».
L‟étalement urbain, un des effets corollaires du processus de périurbanisation, est
bien perçu comme un problème public et figure en tête des priorités de la majorité
des Landesentwicklungspläne. L‟action publique use alors d‟outils spécifiques pour
y faire face, comme c‟est par exemple le cas pour l‟encadrement historiquement
assez strict de l‟urbanisme commercial : un statut est attribué à chaque unité
urbaine selon sa population et la possibilité d‟accueil de surfaces commerciales est
directement limitée par ce statut.
Le phénomène de périurbanisation, pour sa part, n'est pas interprété de façon
univoque comme un problème public, et les modèles d‟action dominants de la
planification territoriale ne s‟organisent pas autour de cette question. Comme nous
l‟avons évoqué à travers l‟histoire de la notion et sa postérité dans celle de
« Zwischenstadt », la « Suburbanisierung » ne connaît pas la connotation négative
qui peut souvent être affectée à la périurbanisation en France. Cela a notamment
pour conséquence la relative relégation du contrôle de la répartition des activités et
des populations dans la hiérarchie des principes directeurs de l‟affectation des
sols, au profit du développement économique et de l‟attractivité. Le classement
qu‟établit dans ses objectifs par exemple la « Metropol-Region Rhein-Neckar,
40
Regionalverband » à l‟intersection de trois Länder , symbolise la domination du
marketing territorial comme cadre normatif de l‟action publique : l‟attractivité
économique occupe le premier rang devant la gestion des ressources naturelles et
l‟équilibre des territoires, et dicte donc fortement les choix d‟affectation des sols.
L‟innovation et la recherche de la croissance sont présentées comme les tâches
« modernes » qui incombent à ces instances planificatrices.
La perception de la périurbanisation implique des politiques de planification
territoriale spécifiques. L‟exemple allemand illustre la nécessité de consacrer la
périurbanisation comme un problème public, c'est-à-dire non pas comme un
phénomène négatif à endiguer par tous les moyens, mais comme un processus
social et spatial qui doit être un objet direct de l‟action publique.
40
Baden-Württemberg, Rheinland-Pfalz et Hessen.
79
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
3. Activités et emploi dans les territoires transformés par
l'urbanisation – Henri Nonn
Il était tentant d'intituler une telle analyse sous l'appellation : « économie
résidentielle ». Mais cela reviendrait à privilégier le seul aspect de réorganisation
ou développement lié à « l'économie domestique » induite par les changements
spatiaux de l'habitat (individus et ménages), alors que les modifications
économiques affectent tout un « complexe territorial ».
L'urbanisation vient s'inscrire sur des entités déjà dotées d'activités soit
exploitant leurs ressources locales, soit implantées en fonction d'autres bases et
pourvoyeuses d'emploi selon leur propre logique. En se diffusant, la
périurbanisation résidentielle sollicite, bien entendu, des adjonctions d'activités et
d'emploi répondant aux besoins et aspirations des populations – les unes relevant
de la sphère privée (marchande), les autres de la sphère publique – ; et il peut
arriver que la densification de peuplement des périphéries devienne un facteur
attractif pour des activités autres que domestiques. En outre, l'urbanisation
comporte une composante d'exurbanisation d'activités intra-urbaines trop à l'étroit
et profitant de la dilatation des agglomérations pour gagner des sites plus
conformes à leurs besoins ou à leur expansion propre ; maintes collectivités, ou
maints opérateurs fonciers ou immobiliers, proposent à cet effet des « zones
d'activités » ou des reprises de friches à distance des villes, afin de faciliter ces
mouvements ou de susciter la venue de nouveaux emplois.
S'opère ainsi un « mixte » de modifications : tantôt concernant des activités
dites de « la base économique », tantôt d'entreprises relevant du « développement
local », voire de ce qu'on appelle parfois « l'économie présentielle » (nourrie du
passage, du tourisme ou loisirs, ou d'équipements spécialisés fixant
momentanément de nouveaux clients ou usagers), tantôt encore de « l'économie
domestique », privée ou publique. Autant de notions à expliciter pour aller plus
avant.
L'ensemble se répercute en termes d'emploi, et donc de salaires pour les
ménages, de ressources fiscales pour les collectivités... Mais les consommations
finales localisées des individus et ménages incluent aussi, en fonction des
structures d'âge, de taux d'emploi ou de CSP, les pensions et retraites, les
indemnités, les apports de la redistribution (nationale) des prestations sociales ou
de diverses aides locales, comme encore d'autres conditions de ressources d'ordre
patrimonial (propriété, placements,...ou endettements) – cf. Davezies, 2000.
80
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
3.1 Points de vue généraux
Autour des concepts
Dans l'économie marchande, il est courant de distinguer les activités de la base
économique (ou « basiques ») et les activités « domestiques ».
Les activités basiques sont celles qui développent leur capacité à « vendre à
l'extérieur » de leur territoire d'implantation ; elles s'inscrivent dans des circuits
ouverts (régionaux, nationaux, internationaux), prédominant sur les clientèles
locales – cependant, certaines entreprises locales peuvent en bénéficier (sous et
co-traitance, services opérationnels aux entreprises...) –. Leur « état de santé »
détermine souvent largement le niveau d'emploi territorial. Les producteurs de
biens ou services à marchés locaux constituent le « secteur domestique », dont le
niveau d'affaires dépend de l'ensemble des ressources commercialisables des
ménages, fonction aussi des mobilités de ces derniers ou des facilités de
déplacements, d'évasion...
Le concept de « base économique » (O. Hoyt, 1933) avait été initialement
conçu en termes de « revenus économiques » du capital engagé : rentabilité,
valeur ajoutée... et de salaires distribués à la main-d‟œuvre ; mais très tôt, faute de
moyens d'analyse précis, il n'est appréhendé qu'en termes d'emploi (volume,
catégories, fluctuations). Les activités basiques sont vues comme les « moteurs du
développement », à la fois général et national, et des stimulateurs de l'économie
locale. On a parfois même établi des « coefficients d'induction » de l'emploi
basique sur l'emploi domestique. D'où les efforts des acteurs régionaux et locaux
pour les attirer et bénéficier de leur dynamisme et de leurs retombées – cf. :
infrastructures, zones d'activités, allocations de primes ou exonérations... –.
Le secteur domestique marchand, lui, voit son dynamisme relever des
consommations finales des habitants en biens et services, lesquelles se modulent
par les densités de peuplement, les ressources des ménages (pouvoir d'achat et
mobilités), les comportements ou modes de vie plus ou moins « urbains » ; s'y
ajoutent les consommations de non résidants, venus temporairement recourir aux
offres locales – c'est l'économie présentielle : tourisme, détente-loisirs, études,
séjours en établissements spécialisés... pour laquelle jouent fortement les
aménités de lieux, ou des adossements à certains équipements ou patrimoines.
L'économie non marchande, celle liée à la « sphère publique », peut participer
indirectement aux progrès des entreprises marchandes par les appuis procurés en
infrastructures et équipements, en qualité de gestion des hommes et des
territoires, en animation, en accueil de l'habitat et des entreprises. Mais elle
compte fortement aussi dans les emplois (+ retraites ou pensions, aides) qui s'y
rattachent. Pour autant, on doit considérer que les appareils administratifs
structurent les espaces à différentes échelles : la Nation, la région, telle ou telle
sous-région, tel ou tel « bassin de vie » ou localité. Certains grands équipements
interviennent à plusieurs niveaux simultanément : un CHU, une Université, un
TGV... concourt à la fois à des armatures « emboîtées », quand d'autres
équipements sont davantage destinés à des espaces de plus ou moins grande
81
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
proximité (lycée, collège par ex). Il est difficile de sérier, parmi les agents des
fonctions publiques, ceux que l'on pourrait rapprocher du « basique » et du
« domestique », sans parler des rôles « d'intermédiation » entre eux, quand on ne
connait pas les affectations ou missions dévolues à ces personnels. Aussi, certains
économistes, tel Philippe Aydalot, considèrent tout l'emploi public comme
« basique » ; mais d'autres plaident pour une identification plus fine au sein des
grands corps : d'État, des collectivités, de la fonction hospitalière, de la culture, par
ex, ou selon qu'il s'agit de services aux personnes ou aux entreprises.
Une lecture des propositions de L. Davezies par J.-F. Dumont et L. Chalard
(2010) fait de l'économie résidentielle une « base économique » du développement
des territoires. Ceux-ci, par-delà les facteurs locaux de production de valeur
ajoutée créée localement, misent sur la captation de différentes sources de
revenus « exogènes », soit fournis par les entreprises, soit générés par les emplois
publics et par les apports de « résidants non recensés ». Cette lecture pose le
développement comme ne reposant pas sur le seul « développement endogène »,
mais suivant une logique de croissance exogène en attirant des résidents, des
allocations, des entreprises, des flux touristiques, etc., en s'appuyant sur des
acquis : en équipements, en temps libre, en mobilité, et sur les besoins de
consommation : c'est ainsi une modalité d'attractivité de territoire qui est le moteur
du développement.
En fait, cette position introduit alors une approche plus fine des différences
entre territoires, inégalement actifs ou passifs vis à vis d'une telle logique,
inégalement dotés d'atouts spécifiques pour capter l'habitat ou les activités, et
néglige les « bilans négatifs » reportés sur les budgets des ménages ou des
collectivités ayant à gérer les mutations des peuplements comme des
consommations d'espace ; elle a en outre pour inconvénients : de mêler
« l'économie résidentielle » et « l'économie présentielle » ; de gommer les
changements intervenant dans les structures sociales et économiques
territorialisées dont on suppose la convergence en matière de dynamique
d'attractivité ; de présupposer une certaine permanence d'efficacité en longue
durée, qu'on ne saurait garantir.
En complément, il reste à rappeler combien demeure difficile le partage entre
« basique » et « domestique » : beaucoup de secteurs d'activités sont « mixtes » :
dans la construction (bureaux, équipements, habitat), dans la distribution
commerciale (grossistes et détaillants), dans les services opérationnels
(bureautique-domotique, informatique, nettoyage) la banque-assurance, les
transports de personnes, la restauration ou l'accueil...
Au total, les économies locales sont le plus souvent un assemblage
variablement dosé de contributions « basiques » et « non basiques », marchandes
et non marchandes, pourvoyeuses de « ressources » (entreprises, ménages,
collectivités) inégalement exprimées par l'emploi local (cf. migrants pendulaires et
migrants frontaliers) et par des facteurs spécifiques : attractifs (aménités,
équipements) ou centrifuges (évasions, réseaux externes). Tous ces éléments
étant, en outre, non figés dans le temps, et soumis à des mutations récentes ou en
cours non négligeables.
82
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les modifications actuelles de rapports aux territoires
Les mondes de l'entreprise ont enregistré ces dernières années bien des
évolutions structurelles. Les systèmes de production agricole (au sens large),
l'artisanat local de production – hors domaines artistiques –, les systèmes de
distribution finale en proximité de biens et services aux habitants..., ont été
remodelés. Dans les activités « basiques », la conquête des marchés s'opère par
la
technologie, l'innovation, la
productivité
et les transformations
organisationnelles ; avec des répercussions sur les volumes, les qualifications ou
compétences des salariés (cf. statuts, % de cadres ou professions
intermédiaires...) ; avec des changements survenant dans les critères de
localisation, dans les externalisations et nouveaux rapports industrie/tertiaire, dans
les implications inégalement territorialisées des filières, des clusters ou pôles de
compétitivité, comme dans le registre des délocalisation totale ou partielle.
Les anciens « bassins de main-d‟œuvre » dessinés par les recrutements locaux
sont remodelés. Les assiettes autrefois surtout industrielles sont transformées par
la progression tertiaire ainsi que par les mobilités professionnelles et
géographiques ; et l'emploi public, sensiblement étoffé, compte de plus en plus. Le
revenu entrepreneurial issu de la valeur ajoutée ainsi qu'une part du revenu du
capital sont en grande partie exportés des territoires de petite taille non
résidentiels, comme une fraction (variable) des rémunérations (L. Davezies, 2000).
Dans les revenus des ménages au niveau national, notait cet auteur, – sur
l'année 1996 –, 22% émanaient des salaires publics ; 23% venaient des pensions
et retraites et 25% des autres prestations sociales. Dans nombre de régions, les
salaires privés étaient inférieurs à la somme des salaires publics et des prestations
sociales : en exceptions en parts inverses : l'Ile-de-France et l'Alsace. L'évolution
de l'emploi entre les années 1975 et 1990, observe-t-il, donne un solde de 1,3
million de postes ; mais avec + 1,5 million d'emplois publics, et - 0,3 million
d'emplois privés. Des fonds publics ont pourtant induit ou soutenu nombre
d'emplois privés au service des ménages ; le secteur domestique marchand
(grossi de + 600 000 créations nettes d'emploi), devient ainsi un élément
« porteur » assez généralisé du développement. L'économie présentielle issue des
loisirs et du tourisme apporte un appoint (étoffé par les gains sociaux en temps
libre) quand le territoire s'y prête ; cependant, les mobilités, inversement, y
facilitent plus ou moins les « évasions de consommation ».
Enfin, la dynamique sociale intervient selon plusieurs facettes. L'expansion
résidentielle impacte divers domaines d'activités : les services aux particuliers
(selon les densités, les âges, les niveaux de ressources) ; les commerces (selon
les budgets voués à la consommation et aux déplacements) ; la construction et les
activités immobilières... Les progrès de l'emploi féminin, de l'encadrement (au sens
large) dans les entreprises ou les services publics, représentent des facteurs
généraux de mutations des ressources de foyers et des éléments de sensibles
différenciations (métropolisation, niveaux de grands équipements, diversification
des emplois, par exemple) ; et les modes de vie ont gagné en « temps libre ».
83
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Dans ces conditions, on rapproche volontiers la notion d'économie résidentielle
de celle, en évolution, de « territoires de consommation ». Ainsi, les campagnes
ont connu l'exode rural des années 1950-1980 puis les ondes de l'urbanisation
desserrée ; mais parallèlement en même temps des déficits d'emploi féminin, des
départs de jeunes pour les études, voire pour la vie professionnelle. En Alsace, il
est en outre des territoires assez spécifiques : ceux qui tirent parti d'emplois
frontaliers par ex. ; les piémonts des Vosges aussi, (à la fois espaces d'aménités et
d'accueil de diverses industries de la base, de résidents – et donc d'activités
domestiques –, de flux touristiques...) ; ou encore des territoires de « marge(s) »
(Ritma, 2001). S'en démarquent des aires métropolitaines – encore que différentes
sur Strasbourg et sur Bâle –. Et en même temps, ces différents traits dessinent des
territoires chevauchants : par effets des densités et proximités de lieux centraux –
et donc d'équipements (certaines redondances) ; du maillage en transports aidant
aux mobilités et ouvrant des choix multiples de fréquentation...
Saisir à quelles échelles ?
Outre le niveau régional, permettant d'évaluer les parts de « l'endogène » et de
« l'exogène » dans les dynamiques économiques ainsi que des traits de
spécialisation ou de diversification, les « zones d'emploi » constituent des cadres
significatifs d'équilibre ou de différenciation territoriales. Rappelons que leur
individualisation s'établit à partir des migrations pendulaires de travail
majoritairement polarisés localement, même si l'emploi s'y répartit éventuellement
sur plusieurs lieux proches.
Il faut alors observer que ce sont principalement les « activités basiques » qui
en fournissent les clés de lecture majeures (changements dans la nature des
emplois, évolutions des branches ou effets induits). Sont ainsi dégagés des profils,
dépendant des spécialités ou des degrés de concentration des entreprises,
d'ancrages locaux ou d'ouverture aux grands marchés, et expliquant des modalités
de liaison à des activités tertiaires (services aux entreprises, commerce de gros ou
fonctions d'intermédiation, logistique voire transports par ex.). Ces profils peuvent
ressortir comme plus accentués qu'au niveau régional, et donner des tonalités
locales sur le marché du travail et de l'emploi plus manifestement réactives. Ainsi,
voit-on dominer dans la zone d'emploi de Molsheim-Schirmeck les industries
mécaniques et celles des composants électriques et électroniques ; dans celle de
Mulhouse la production automobile ; dans celle de St-Louis/Bâle la chimiepharmacie... comme ont pesé longtemps les travaux du textile dans les vallées
vosgiennes.
Cependant, les zones d'emploi sont assez peu signifiantes pour diverses
activités ayant d'autres appuis que la présence de main-d‟œuvre polarisée
« localement » : les fonctions métropolitaines pour les activités financières ou de
conseil aux entreprises, la recherche liée aux universités, par exemple ; la qualité
des carrefours pour le commerce de gros ou les transports ; des atouts
« sitologiques » pour le tourisme ou pour la logistique ; les critères de centralité
pour les formes du commerce de détail... Bref, diverses combinaisons sont
susceptibles de s'épauler... En revanche, il apparaît utile de considérer une autre
84
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
échelle territoriale pour une bonne part des « sphères » d'administration ou de
l'économie dite résidentielle : celle des « bassins de vie » tels que définis par
l'Insee dans les années 1980-1990. Leurs fondements : les jeux des centralités
locales, des échanges économiques et sociaux de services, d'une dynamique liée
aux caractères socio-démographiques comme aux modes de vie en appelant de
plus en plus de consommation de services par les ménages (v. Cahiers de l'APR,
2011-1, 3ème Partie).
Mais on sait que leur pertinence est contrebattue par les développements pris
par les mobilités, par les ondes de la périurbanisation – laquelle réduit la proportion
de tels bassins pouvant être considérés comme « autonomes » ou « partagés » au
profit de bassins « dépendants » (v. pour la région, Chiffres pour l'Alsace, n°35,
2006). Que la consolidation des intercommunalités de base revendique aussi sa
propre logique pour les remplacer. Que par ailleurs la pratique de chacun de
« vivre et s'inscrire » au quotidien – ou presque – dans plusieurs niveaux spatiaux
d'organisation des services et équipements tend à effacer la validité de tels
cadrages. Il importe donc de garder à l'esprit les diversités de situations et de
porosité induits par les modifications comportementales récentes ou en cours...
85
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Document 10 : Les revenus des ménages par commune
Revenus des foyers fiscaux
A ve c 3 % d e s re ve n u s m é tro p o lita in s im p o s a b le s,
l'A lsa ce o cc u p e le 2 e ra n g d e s ré g io n s p o u r le
re ve n u p a r fo ye r fis ca l. To u te fo is, c e re v e n u co n n a ît
u n e p ro g re ssio n p lu s te n u e d e p u is 2 0 0 1 , la ré g io n
se cla ssa n t a u 1 0e ra n g d e s é v o lu tio n s. C e n ive a u d e
rich e ss e e n co re é le vé n e d o it p a s m a s q u e r le s fo rte s
d isp a rité s a u s e in d u te rrito ire a lsa cie n , d o n t le s
p é rip h é rie s le s p lu s é lo ig n é e s d e s g ra n d e s ville s e t
ce rta in s q u a rtie rs u rb a in s se s itu e n t e n d e çà d e la
m o ye n n e n a tio n a le .
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p ar foyer fiscal en 2004
A lsace
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16 588 €
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20 000
18 000
60
120
180 km
P op u lation d es u n ités u rb ain es
en 1999
427 245
234 445
86
50
10
2
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000
478
057
17 000
16 000
0
10
15 000
2 0 km
8 1 67
L ib er té • É g a lit é • F r a te r n ité
L ‘espace alsacien et le contexte national
86
D épartem ent
Z o ne d’em ploi
S ources
: D G I 2005 — IN S E E 1999
F onds de cartes : © IG N - G E O F L A - 2001
C artes réalisées avec le logiciel P hilcarto :
http://perso.club-internet.fr/philgeo
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Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
3.2 Points de vue centrés sur l'Alsace et ses territoires
Il n'est pas question de dresser ici un tableau des évolutions économiques
régionales pour elles-mêmes ; mais plutôt de sérier de plus près les changements
opérés selon les caractérisations ci-dessus présentées de manière générale :
comment jouent les mutations des activités basiques, des sphères d'économie
résidentielle et d'administration, voire présentielle, dans les dynamiques
territoriales infra-régionales ? Comment l'urbanisation en diffusion modifie-t-elle les
situations locales en une ou deux décennies, et avec quelles perspectives ?
Partons d'un exemple : les mutations économiques sur le territoire du « Pays
Bruche-Mossig-Piémont »
Le secteur du piémont vosgien à une vingtaine de kilomètres à l'Ouest de
Strasbourg, et le Val de Bruche qui y débouche en plaine constituent une « zone
d'emploi » à la fois sous influence de la métropolisation strasbourgeoise et dotée
de bases de développement autonome ; à la fois animée par des activités
basiques (dynamiques), résidentielles (renforcées par la périurbanisation), et
présentielles (grâce à un fort potentiel d'attractivité pour le tourisme et les loisirs).
Chaque segment connait des évolutions récentes avec effets directs et indirects, et
induisant des interrogations au plan du développement durable.
La zone d'emploi, en termes de population, est passée de 76 000 habitants en
1962 à près de 100 000 en 1990 et à plus de 117 000 en 2010. L'emploi au lieu de
travail a crû de 30 500 en 1982 à 47 230 en 2010, pendant que les résidences
principales, au nombre de 30 630 en 1982, devenaient 40 730 en 1999 et
approcheraient, voire dépasseraient les 43 300 en 2007. Ce qui entraîne un
accroissement sensible d'actifs au lieu de résidence (37 150 en 1982, 55 500 en
2010), de femmes actives (+ 26% dans la décennie 1990, soit la progression en
pourcentages la plus forte de la région), et une multiplication considérable des flux
pendulaires internes et externes : 21 000 sortants en 2006, et 14 000 entrants.
Sans parler d'efforts entrepris en équipements et services publics.
L'industrie y est particulièrement présente. Elle a connu une forte relance de
son tissu ancien grâce à des investissements extérieurs tournés vers les grands
marchés et les hautes technologies. Au point de proposer 34% des emplois
présents (mécanique, composants électriques et électroniques, industries agroalimentaires, bois et dérivés en fixant les deux tiers).
Il s'agit donc d'activités « basiques », fixant 57% des actifs de l'industrie et où
17% des établissements recensés dépassent les 200 salariés ; où nombre de PME
de 20-50 salariés (19% des salariés industriels) leur sont liées par la soustraitance : cas de bien des firmes « familiales » – soit 30% des unités aujourd'hui.
En termes de gouvernance, désormais 57% des entreprises industrielles relèvent
de sièges nationaux (27%) et internationaux (30%) pilotant 80% des emplois du
secteur secondaire local. Les clientèles des PME de la mécanique se trouvent
auprès des firmes de grands groupes, celles des IAA sont à 93% dans les chaînes
de grande distribution ; pour les filières de composants électriques-électroniques
87
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
ou du bois et dérivés, les marchés sont surtout spécifiques et externes. Par les
ventes, on voit ainsi que 52% des effectifs travaillent pour une chalandise
internationale, 33% pour un marché national, et 11% dans une configuration
transfrontalière : 8% seulement sont liés à l'économie locale ou régionale.
Même si, parmi les salariés de l'industrie, figurent des « tertiaires » :
(commerciaux, études-méthodes et R&D, ou logisticiens), il est clair que maintes
unités de « services aux entreprises » sont animés par ce tissu productif :
transports, conseil, services opérationnels, ou grossistes interindustriels. Le
volume de leurs emplois a beaucoup progressé depuis les années 1960-1970.
Enfin on observera que les activités basiques fournissent le salaire de 60% des
actifs résidents de la zone détenant un emploi, pendant que 42% des postes en
dépendant sont tenus par des migrants quotidiens venant des zones d'emploi
voisines (dont celle de Strasbourg, principalement). La zone d'emploi a enregistré,
de par ce renouvellement industriel mais aussi de par son attractivité locale (villes
et équipements + zones d'activités, dessertes améliorées, aménités de sites et de
paysages) et de par sa démographie propre, un important accroissement de
peuplement.
Le Pays de Sainte-Odile (Obernai) a doublé sa population entre 1962 et 1999 ;
le canton de Rosheim a crû de 11 120 hab. en 1975 à 13 525 en 1990 et à 16 950
en 2006 ; celui de Molsheim de 28 230 à 33.100 puis à 40 057 aux mêmes dates.
Une bonne part revient aux soldes migratoires. Si, entre 1968 et 1975, les soldes
naturels l'emportaient encore, ce n'est plus le cas depuis cette date jusqu'en 1999 :
avec 50-60% de provenance du Bas-Rhin (dont l'agglomération de Strasbourg,
notamment), 4-5% du Haut-Rhin, et le reste d'autres régions ou de l'étranger,
augmentés des « retours au pays » à la retraite. Dans ces soldes migratoires, on
relève en particulier les arrivées des tranches d'âge 25-35 ans, alors qu'un déficit
marque les 15-24 ans. En 1999, le recensement notait que 40% des habitants des
communes de Bischoffsheim, Niedernai ou Mollkirch n'y résidaient pas en 1990,
comme 37% de ceux d'Obernai. Les cantons ici considérés ont encore gagné,
entre 1999 et 2006, quelque 5 000 habitants (plus de 1 300 dans le canton de
Rosheim, 2 560 dans celui de Molsheim, et près de 1 000 dans celui d'Obernai).
Parallèlement, ces modifications imprègnent les compositions sociales :
prévalence des ménages de moins de 40 ans, souvent avec des enfants d'âge
scolaire, avec augmentation des CSP « cadres » ou « professions
intermédiaires », des diplômés, des personnes mobiles... Et une demande
résidentielle accentuée sur la résidence en immeubles collectifs, en location. Le
revenu moyen par foyer fiscal est assez nettement supérieur à la moyenne
départementale (en 2000, 17 000 euros, contre 16 000) et la proportion de foyers
non imposés plus faible qu'ailleurs.
Sur la zone d'emploi en 2006, on dénombre en effet la présence résidentielle,
selon la CSP de la personne de référence, de plus de 14 960 habitants rattachés
aux « cadres et professions intellectuelles supérieures » (13,1%) et de 20 880 aux
« professions intermédiaires » (18,2%), aux côtés de près de 10 000 dans les
foyers d' « employés » (8,7%) et de 31 575 dans ceux d'« ouvriers » (27,6%)
comme de moins de 1 500 auprès « d'agriculteurs exploitants ». On notera par
88
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
ailleurs le niveau atteint par les familles dont le chef est « retraité » : une
population de 26 400, soit 23,1%).
De telles mutations dans le peuplement, ainsi que la diminution de la taille des
ménages (de 3,3 à 2,7 entre 1968 et 1999, voir Insee-Syndicat mixte du Pays,
2004), suscitent de forts mouvements de la construction. Les résidences achevées
entre 1975 et 1981 ont été au nombre de 5 730, entre 1982 et 1998 de 5 850,
entre 1990 et 1999 de 6 192, et entre 2000 et 2006. Les EPCI du piémont voient
s'y accroître la part des logements en immeubles collectifs : déjà 41% en 1999 sur
Obernai (Pays de Sainte-Odile) et 20% dans le canton de Rosheim, 32% dans
celui de Molsheim. Dans ces sous-ensembles, les logements en immeubles sont à
45-52% occupés par des ménages venus depuis 1990. D'où une activité dans la
construction qui offre dans la zone d'emploi plus de 6 915 postes de travail (c'était
1 825 en 1979).
En matière d'économie résidentielle, diverses rubriques ont pris de l'ampleur.
Le commerce de détail qui en 1989 ne comptait que moins de 4 000 postes de
travail avoisine les 4 500 en 1997 et les 5 660 en 2006 (dont 5 320 salariés).
L'accroissement des services aux particuliers (santé, action sociale, éducation,
services domestiques) progressent de 1 500 environ à 2 000, puis à 3 170 en 2006
aux mêmes dates.
La « sphère publique » locale (administration et services non marchands) s'est
tout autant étoffée dans ces dernières décennies : environ 3 800 en 1982, 6 030 en
1990, et maintenant plus de 7 000. Mais plusieurs équipements visent une
fréquentation dépassant l'aire de la zone d'emploi, tels le Dôme à Mutzig, la
Chartreuse à Molsheim ou l'Espace Athic à Obernai. NB : des ambitions du même
ordre se lisent dans les réalisations récentes ou en projet dans le domaine sportif,
dans le champ commercial et des loisirs.
Un complément substantiel de l'économie locale repose sur les fréquentations
touristiques ou de loisirs qui alimentent une économie présentielle difficile à
distinguer des activités liées aux populations résidentes. Sinon, partiellement, par
les emplois de l'hôtellerie-cafés-restaurants : ceux-ci offraient du travail à 1 180
salariés en 1988, et à 1 540 en 1997 ; leurs effectifs sont de l'ordre de 1 810 en
2009 (17% d'augmentation sur l'année 2000).
Car la zone d'emploi est bénéficiaire de plusieurs avantages. Elle est dans l'aire
de détente des habitants de l'agglomération strasbourgeoise (cf. le Champ du Feu,
en toutes saisons ; le Val de Bruche et les coteaux sous-vosgiens, ou les forêts du
massif pour les promenades) ; les résidences secondaires de citadins ont une
place non négligeable : ce sont 4-5% des habitats dans les cantons de Molsheim
et d'Obernai, mais plus de 9% dans celui de Rosheim, et 13% dans le canton de
Schirmeck – on atteint plus de 30% dans celui de Saales. Le territoire est concerné
par des « routes » attractives : Route des Vins, Route Romane, et Route de la
Mémoire, avec le Mémorial d'Alsace-Moselle et le camp du Struthof (dont Centre
européen du résistant déporté). Elle détient aussi des équipements d'hébergement
de toutes catégories : VVF, campings, hôtellerie de bon niveau (avec une
démarche récente d'hôtels de luxe), gîtes ruraux et chambres d'hôtes ; avec la
89
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
restauration et les animations et fêtes saisonnières, la zone comporte là un
gisement de près de 14% des emplois (environ 10,5% d'emplois salariés pour
1 000 hab.), dans la moyenne de ce qui caractérise la « zone Vignoble » définie
par l'Insee (v. Chiffres pour l'Alsace, n° 19, 2004).
L'économie présentielle s'établit complémentairement sur le tourisme urbain de
ses villes au cachet médiéval ou moderne, sur le tourisme muséal (le Fort de
Mutzig, la Manufacture d'armes blanches de Klingenthal...), sur les équipements à
large rayonnement : scolaire (cf. cité scolaire et CFA à Molsheim, lycée agricole
d'Obernai) ou culturel (le Mont Sainte-Odile, les réalisations déjà citées, projets de
centres de congrès), ou encore sur les progrès de quête de santé – bien-être
cherchés auprès des lieux de nature (Schirmeck, Hohwald, par ex.). Tous ces
éléments contribuent à faire fonctionner le « Pays », en dehors de ses ressources
propres, comme un bassin-relais lors des grandes manifestations promues par la
métropole régionale ou les instances alsaciennes et européennes sises à
Strasbourg.
Economie et périurbanisation dans l'optique du développement durable
Les analyses existantes en la matière se placent surtout dans les cadres des
Scots et des documents d'urbanisme intercommunaux ou communaux. Les vues
sont dès lors inégalement ciblées : le Scot du « Piémont des Vosges », qui couvre
les cantons de Rosheim, Obernai et Barr, s'attache aux aspects de dynamique
économique, urbaine et périurbaine modifiant un « linéaire » sous-vosgien
fortement viticole. Celui de « l'agglomération de Molsheim » parait davantage
organisé sur une aire urbaine polynucléaire, tandis que se trouve à part le Val de
Bruche ayant ses questionnements propres : d'emploi, de revitalisation de
peuplement, de sauvegarde de paysages ouverts et d'implication dans le tourisme
de nature. Les deux premiers ont en commun les problématiques fortes de
pression foncière et de consommation d'espace, de mixité fonctionnelle et de
traitements urbains, de mixité sociale, de mobilités (internes et externes) en liens
avec les systèmes de transports existants ou programmés,... à des degrés plus
marqués qu'en vallée de la Bruche davantage soucieuse des maintiens ou
renouvellements de l'emploi, de gestion de la nature et du tourisme diffus. Mais
l'ensemble se retrouve sur les questions d'environnement et de paysages, comme
de préservation des ressources naturelles (forêts, eaux, biodiversité, risques,
trame verte).
Le PADD du Scot du Piémont des Vosges (35 communes, 4 EPCI) souligne les
incidences d'un passage envisagé de 53 000 habitants en 1999 à quelque 70 000
à l'horizon 2025, alors que le parc d'habitat a déjà progressé deux fois plus vite
que la population entre 1975 et 1999 et qu'un doublement des surfaces urbanisées
(habitat, économie, équipements) a été opéré entre 1950 et 2000. Il doit aussi
intégrer les améliorations d'infrastructures de transport : la VRPV achevée en
1999, et peut-être la réalisation prévue d'un GCO de Strasbourg à son aval, et la
mise en fonction d'un tram-train qui, au-delà de Molsheim, ira bientôt jusqu'à Barr
(un autre rameau pénétrant en Val de Bruche). Enfin, la dynamique économique
pose la question des problèmes de formation et d'adaptation des emplois et des
qualifications – au long de la vie active – dans l'industrie et les services pour les
90
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
entreprises comme pour des peuplements en évolution.
Les études entreprises font envisager un besoin, d'ici 2025, de 500 ha pour
« l'urbanisation » (50% pour l'habitat, 38% pour les activités, et 12% pour les
équipements) : tout en sauvegardant le vignoble AOC et les espaces agricoles.
Avec un foncier rare et très cher, ce qui impose de gros efforts de rationalisation
qualitative et quantitative (pour la résidence, il faut compter entre 25 et 35 000
euros l'are aux alentours d'Obernai). Il faut aussi, corrélativement aux évolutions
démographiques, s'efforcer de garder localement les jeunes et les ménages
jeunes, ouvrir les offres locatives, intégrer les effets du vieillissement (les 60 ans et
plus vont connaître des effectifs doublés en 25 ans) et de la diminution de la taille
des ménages...
La cohésion territoriale et sociale y est traitée :
a) par le souci d'une armature des équipements et services, du village et du
bourg-centre (proximité), au « bipôle » Molsheim-Obernai comme niveau de
ville moyenne ;
b) par les efforts de complémentarité d'équipements (crèches et périscolaire,
culture, sport, santé, loisirs) ;
c) par une politique de recomposition urbaine : relance de traitement des cœurs
urbains (OPAH, ORAC, mutations du bâti) densification de l'existant, et
constitution de « quartiers-gares » dotés de mixité fonctionnelle ;
d) par le renforcement des parcs de logements sociaux, des accueils de
personnes âgées dépendantes ou en structures pour courts et moyens
séjours...
Les perspectives économiques du PADD, par-delà les 18 000 emplois de 1999
et avec le souci de maintenir l'actuel ratio entre emplois/actifs à l'horizon 2025 –
compte tenu de la progression démographique estimée pour cette date –, visent à
l'accueil de 3 700 nouveaux postes de travail ; d'où une réservation de quelque
200 ha, en aires contrôlées, maîtrisées et mises aux normes du développement
durable. Ceci en vue également de restreindre la tendance d'évolution du Pays en
« secteur dortoir » (freiner les déplacements domicile – travail parallèlement),
comme de préserver les espaces de production agricole. À propos de l'agriculture
– viticulture, une dynamique de respect des qualités environnementales est
encouragée.
Cependant, il y a lieu de considérer tout autant les changements structurels et
les incertitudes de marchés des entreprises pourvoyeuses des activités basiques.
Dans le cadre cette fois de la zone d'emploi, la Maison de l'emploi, de la formation
et de l'entreprise de Molsheim (MEFE) relève que le taux de chômage évolue : de
4% début 2001, il s'est porté à 5,5% fin 2005, puis de 4,6% fin 2006 à 5,6% début
2011. L'industrie, qui a perdu 1 200 postes de travail entre 1999 et 2002, connait
encore des érosions d'effectifs (170 licenciements économiques en 2005 par ex).
L'incertitude pour l'avenir tient sans doute moins au caractère « exogène »
dominant de gouvernance des entreprises qu'aux moyens de faire évoluer les
postes « classiques » de production (ici, environ 50%) vers des compétences plus
en phase avec les technologies et les innovations ou les nouveaux marchés dans
les concurrences élargies. La « durabilité économique » inclut en conséquence
91
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
une forte dimension de formation (initiale et au long de la vie). Pour le secteur du
tourisme et des loisirs, apparaît nécessaire une « gouvernance » moins
parcellisée, comme serait indispensable une organisation stratégique coordonnée,
et plus en phase avec les « évènements » métropolitains strasbourgeois.
Les qualités environnementales constituent un patrimoine riche à sauvegarder
et transmettre, un enjeu de premier ordre, une exigence à respecter. Une
démarche paysagère globale est nécessaire : maintenir la mixité des espaces
agricoles (vignes, vergers, prés et cultures) et forestiers ; protéger les biotopes
spécifiques et la biodiversité ; assurer la qualité des eaux (sources et nappes) par
le contrôle des effluents et polluants ou rejets ; établir en continu la surveillance vis
à vis des risques naturels (inondations, coulées de boue) et industriels... v. étude
préalable Ecolor, 2003 et schémas suscités en région ; inclure les paysages
urbains, car ils sont un patrimoine remarquable d'art et d'histoire, ainsi que les
extensions d'habitat, pour lesquels des formes et des densifications écartant autant
que faire se peut la banalisation répétitive, ou encore les zones d'activités à
« paysager » là aussi – comme on a su le faire au long de la VRPV –. Les
déplacements constituent un autre champ d'investissement en développement
durable : d'où des programmes de circulations douces, de dessertes par rail
(gares, rabattements et transports collectifs locaux ou à la demande, intermodalité
permise par les cadencements et par le stationnement). Le fret ferroviaire mérite
également une approche renouvelée, compte tenu de la forte présence de grands
établissements comme de la promotion désormais hiérarchisée des zones
d'activités.
Bref, le cas exposé (trop brièvement, voire lacunairement) du Pays « BrucheMossig-Piémont » fait concrètement ressentir le besoin de conjuguer les
imbrications de différents fondements du développement économique examiné à
l'échelle de territoires sous-régionaux. Où le zonage «institutionnel » (EPCI, Scot),
les zonages d'étude (emploi, tourisme...) et le zonage né des modalités de
l'urbanisation (aires urbaines, communes multipolarisées ou espaces à dominante
rurale) s'interpénètrent et doivent se compléter, tant dans les « états des lieux »
que dans une approche prospective.
Vues économiques sur les autres territoires (hors grandes agglomérations)
Un éclairage a été apporté sur les aspects du territoire lié au grand
établissement de Peugeot-Mulhouse et à son aire de captation d'emploi, par
S. Heim dans les pages précédentes. Le n°2 de Chiffres pour l'Alsace de mars
2009, est à en rapprocher. Assez unique en région, ce cas est spécifique et de ce
fait non inclus ici.
On met à part aussi les aires soudées aux grandes agglomérations régionales,
dont les forces se conjuguent selon une « logique urbaine » nourrie de forte
centralité et de fonctions supérieures, et fournissant désormais bien davantage
d'emplois que les entreprises industrielles. Encore que ces dernières aient
précocement (deuxième moitié du XIXème siècle) induit le peuplement et la vie
économique initiale des banlieues (premières couronnes), avant les progrès des
activités tertiaires contemporaines. Les aspects s'y rapportant ont nourri l'essentiel
de la Partie 2 des Cahiers de l'APR n°2011-1, à laquelle le lecteur est prié de se
92
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
reporter.
Les autres territoires de l'espace alsacien peuvent être considérés selon les
plusieurs zonages qui viennent d'être signalés. Sont ici retenus ceux des zones
d'emploi et des aires d'urbanisation définies en 1999 par l'Insee.
Les activités « basiques » ressortent bien du découpage en zones d'emploi,
puisque celui-ci est fondé sur des flux de travail dominants. La dynamique
industrielle y joue un rôle majeur, entraînant d'autres activités dépendantes, de
logistique, de gros interindustriel ou de services aux entreprises par exemple.
Tableau 4 : Le poids de l'industrie dans les zones d'emploi alsaciennes
Zones Emplois industriels % d'emplois Id., dépendants Evolution des salariés URSSAF Chômage,
d'emploi
1999
2003 industriels
de l'étranger
2009/2008
2010/2009
taux 2010
Alsace
181478
153800
8,8
Wissembourg
6415
6496
43
64
-3
-0,8
7,3
Haguenau16668
16966
33
55
-4
2,5
7,8
Niederbronn
Saverne10803
10792
34
30 à 50
-2,5
2,5
7,2
Sarre-Union
Molsheim28923
27521
37
30 à 50
-4,7
2,2
6,2
Schirmeck
Sélestat-Ste9798
10140
30
30 à 50
-2,2
0,4
7,9
Marie-aux-Mines
Colmar18597
18679
25
67
-3,2
0
8,1
Neuf-Brisach
Guebwiller
5807
5928
31
?
-4,2
1,5
7,4
Thann-Cernay
8468
7886
35
52
-2,4
0,4
8,7
Altkirch
3762
3597
26
<30
-4,2
-0,9
7,2
Saint-Louis
5366
5797
31
75
-2,3
1,7
7,1
Strasbourg
37945
35943
14
39
-2,4
0,8
9,8
Mulhouse
28923
27721
25
<30
-3,3
0,3
11,5
Services à la production*
1998
82390
905
2008
69144
963
3524
3745
2503
2395
3735
3277
2575
2742
7839
6742
1000
1323
896
1818
40556
15715
1485
1736
846
1918
32202
11094
* Effectifs dans les services liés aux entreprises. Services à la production, 1998. Services aux entreprises, 2008 (actifs au lieu de travail)
Sources : Insee-Alsace : document de travail « spécialisations et concentration de l'emploi en Alsace », avril 2005, et recensement 2008 (exploitation
complémentaire). Statistiques URSSAF parues in DNA du 9 avril 2010 et du 21 mai 2011 ; chômage : DNA du 8 avril 2010.
Comme on le voit, les territoires alsaciens, sauf à Strasbourg et Mulhouse, sont
tributaires à hauteur de plus de 30% et plus des emplois industriels, complétés de
services liés. Et dans une situation marquée de sensibles dépendances de sièges
extérieurs à la région (le tableau ne prend pas en compte les sièges franciliens,
lyonnais ou autres de l'économie nationale). La crise économique toute récente
(2008) s'est partout répercutée sur l'ensemble des emplois salariés marchands
(Urssaf), combinée aux restructurations de branches engagées ces dernières
décennies. Les résistances inégales dépendent en fait des spécialisations et
degrés de concentration industrielle des différents territoires. Ici ou là, interviennent
quelques autres éléments : travail frontalier, participation à des pôles de
compétitivité ou clusters dont les réseaux ont leur propre géométrie, ou à des
actions plus locales de développement (labellisées ou non).
Pourtant, les économies locales sont de plus en plus dépendantes des
processus actuels d'urbanisation. Les zones d'emploi ne conviennent que
médiocrement pour saisir les évolutions des activités tertiaires marchandes, où
prévalent soit les niveaux de centralité urbaine, de desserte en transports, soit les
calages suivant les rôles administratifs (commerce, services supérieurs aux
entreprises par ex), soit encore des avantages de site (tourisme, ou logistique
exploitant des carrefours, la voie d'eau, des espaces disponibles). Quant aux
93
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
commerces et services de proximité aux particuliers, leurs traits devraient
dépendre surtout des densités, des modifications géographiques de la résidence
(avec leurs caractères socio-démographiques et de revenus des ménages), de
composition des soldes migratoires, et marquées par les mouvements de la
construction... bref, des marquages de l'urbanisation contemporaine.
Tableau 5 : Aperçus sur les ventilations d'activités selon le zonage en aires
urbaines
Population 2006
densités/km²
Couples avec enfants,
1999
en % de l'Alsace
2006
Logements 1999-2005
ordinaires
id., %
Emploi total, 2007
nombre
%
Commerce détail hors automobile
Commerce automobile
Commerce 1999-2006
Services associatifs
Services à la personne
Autres activités domestiques
Action sociale
Administrations
Services aux particuliers
1999-2006
% dans l'emploi total
ZAU, Zonage en Aires Urbaines
Communes
Alsace
Pôles
1ères couronnes 2e couronnes multipolarisées
1845466
33,9
24,1
18,5
6,8
219,2
368 à 1160 110 à 175
75,8
100
28,5
21,9
21
7,9
100
27,7
21,1
28,1
7,1
10296
2359
2190
2648
2402
100
22,9
21,3
25,7
24
665466
318891
154521
77992
38064
100
47,9
23,2
11,7
5,7
50354
45,3
29,3
11,2
4,7
11430
35,7
37,3
13,6
4,1
14,2 10,9 à 14,7
14,7 à 20,5 14,4 à 20,5
12,3
7961
60,9
18,6
6,8
9,5
6340
50,3
21,3
11,9
12,5
1296
37,6
48,8
10,2
2,7
17939
52,2
21,3
8,2
17,2
60759
70,7
11,6
6,6
7,8
0,4
-1,8 à +0,1
-1,9 à +0,2
0,7
7,1
6à9
6,3 à 8,2
7,8
Espaces à
dominante rurale
19,4
111,5
21,5
22,3
693
6,2
75996
11,4
9,3
9,3
10,4
4,2
4,2
0,7
7,2
3,3
0,2
7,5
C'est pourquoi il a été tenté de mettre en regards ces nouvelles donnes en
fonction du zonage en aires urbaines, ce qu'esquisse le Tableau 5. On y joint les
services opérationnels destinés aux entreprises, pour tenir compte des
desserrements, transferts ou créations guidés par les besoins ou avantages
d'exurbanisation, de réalisation de zones concertées d'activités de plus en plus
externes aux agglomérations, ainsi que les volumes d'emploi des services non
marchands. Cependant, il faut garder présent à l'esprit divers éléments venant
contrecarrer une « logique suiviste » : les mobilités des individus et ménages ainsi
que leurs choix de fréquentation dans une région riche en villes (atouts modulés
par les revenus ou les CSP) ; les persistances de liens d'habitudes ou de fidélité),
et encore les traits soumis aux mutations des modes de vie – qui font bouger les
intensités de recours aux services, les champs de dépenses commercialisables, ou
amènent à conjuguer les divers horizons de notre multi-appartenance territoriale –.
Un tel tableau n'est qu'une esquisse. Du moins tente-t-il d'attirer l'attention sur
une autre approche de répartition d'activités que l'on suppose liées au processus
d'urbanisation, aux évolutions socio-démographiques et au mouvement de la
construction résidentielle en périphéries ou vers l'espace rural qui accompagnent
ce processus.
94
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Toutefois, signalons plusieurs précautions à prendre pour interpréter les
données chiffrées :
 Les regroupements spatiaux proposés comportent des ambiguïtés. Les
modifications relatives aux aspects socio-démographiques dans les pôles
d'agglomérations n'ont pas de réelle unité, car modulées par les tailles de ces
centres – entre grandes villes et villes moyennes ou petites –. De même, la
périurbanisation en couronnes, autour de noyaux de moins de 20 000 âmes, ne
porte que sur de petits nombres de communes, des effectifs et des aires
modestes, par contrastes avec les expansions observables autour des grands
centres urbains (là, de ce fait, sont mentionnées plutôt des « fourchettes »
ayant une valeur indicative).
 Le calage majeur sur l'évolution entre 1999 et 2006 ou 2007 est
insuffisamment significatif des évolutions. On sait que la périurbanisation en
premières couronnes a été amorcée bien avant les années 1960 pour
constituer les Unité urbaines majeures ; les deuxièmes couronnes, pour cellesci, lancées dans la période 1960-1970, arrivent maintenant en fin de cycle de
soldes migratoires positifs. En revanche, le dynamisme résidentiel (comme
économique) des couronnes de villes moyennes et petites demeure sensible.
Pour suivre des rubriques d'emploi ciblant les particuliers et les personnes, on
manque par ailleurs de détails relatifs aux périodes antérieures au fichier CLAP
de l'Insee qui date de 2004 (et dépend des adaptations de nomenclature).
 Les définitions catégorielles CLAP d'activités posent quelques problèmes de
contenu. Les services aux particuliers, malgré leur dénomination qui paraît
répondre aux clientèles locales, englobent l'hôtellerie-restauration et divers
hébergements comme les agences de voyages souvent influencés par les
loisirs et le tourisme (une part de l'économie présentielle), voire certaines
activités culturelles dont le niveau dépend des niveaux de centralités comme de
gestion-animation des territoires. Il en va de même pour les emplois des
administrations (en adaptations). D'où l'approximation de fait des chiffres
obtenus par les pôles urbains dans le tableau 5. Le commerce de détail, en
éventails à la fois plus riches et plus denses en grandes agglomérations,
recouvre d'autres significations qu'en deuxièmes couronnes ou en zone
d'urbanisation plus externes. Ajoutons que les données Urssaf ne donnent que
les effectifs salariés, ce qui pose problème dans le petit commerce, l'artisanat et
les services aux personnes, notamment. Et que certaines rubriques sont très
« globales » : santé (médecine libérale, paramédical, ou hôpitaux et maisons de
soins), transports (du taxi à la SNCF)...
Les indications de structures d'âge ou de ménage sont associées au tableau
pour attirer l'attention sur certains besoins spécifiques, tels les crèches ou
encadrements périscolaires pour les couples avec enfants, ou les soins et
équipements destinés aux personnes âgées. Et les comparaisons selon les
ventilations par familles d'espaces d'urbanisation (population, densité, logement,
d'une part, effectifs d'emplois dans les services s'occupant du peuplement d'autre
part) entendent faire état des décalages de degrés de présence selon les lieux.
D'une autre manière, cela éclaire les obligations imposées aux habitants
95
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
« externes » de mobilité pour fréquenter l'offre des agglomérations plus ou moins
proches, ou de s'impliquer dans l'économie pilotée par le numérique et internet...
Dans l'attente de pouvoir mieux exploiter les données du fichier « Clap » de
l'Insee dans la configuration du zonage en aires urbaines, précisant les contenus
des « sphères » résidentielles et administratives, le présent texte reste provisoire.
Du moins espère-t-on que la démarche ici exposée soit validée, et ultérieurement
complétée.
96
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Références bibliographiques
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de l'habitat, n°4, « Mix'Cité »
 CESR-Aquitaine, 2007 : Économie productive, économie résidentielle,
économie publique, dynamismes comparés des 3 sphères.
 Chambre de Commerce et d'Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin,
2011 : Panorama économique des zones d'emploi du Bas-Rhin (les
Observatoires économiques des CCI d'Alsace)
 Cordobes, S, 2008 : « La dynamique des territoires en France » Futuribles,
n° 347, p.25-33
 Davezies, L, 2000 : « Le développement local hors mondialisation », in :
èmes
3
entretiens de la Caisse des Dépôts : Comment améliorer la
performance économique des territoires ? Soc. des acteurs publics, p.4968
 id, 2008 : La République et ses territoires, la circulation invisible des
richesses, Seuil
 Dumont, G F et Chalard, L, 2010 : « L'attractivité des territoires, théories et
réalités », in Population et Avenir, n° 697, mars-avril, p.14-16
 Hoyt, H, 1933 : in Aydalot, Ph, 1986 : Économie régionale et urbaine,
Economica
 Insee-Alsace : Chiffres pour l'Alsace, n°s 19-2004 et 35-2006
 Id., 2003 : Les services marchands en Alsace
 Id., 2005 : Spécialisation et Concentration de l'emploi en Alsace, document
de travail
 Insee-Aquitaine, n° 141, 2006 : L'économie résidentielle fournit les deux
tiers des emplois du littoral,
 Id., n°175, 2008 : Économie résidentielle ou productive : le choix des
territoires
 MEFE de Molsheim (Maison de l'emploi, de la formation et de l'entreprise),
2011 : Gestion territoriale des emplois et des compétences (filières
industrielles), Pays Bruche-Mossig-Piémont.
 Nonn, H, 2008 : L'Alsace et ses territoires, PUS.
 RITMA, 2001 : Regards croisés sur les territoires de marge(s), PUS,
collection MSHS n°27
 Syndicat mixte Piémont des Vosges 2002 : Charte du Pays BrucheMossig-Piémont ;
 Id., 2004 : Le piémont des Vosges, étude complémentaire au diagnostic
territorial ;
 Id., 2004 : PADD = Projet d'aménagement et de développement durable du
Scot du Piémont des Vosges, doc de travail.
97
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Document 11 : Les attractions dominantes
A t t r a c t io n p r in c ip a le d e s a c t if s a y a n t
u n e m p lo i d a n s u n e a u t r e c o m m u n e
d e F r a n c e , e n A lle m a g n e e t e n S u is s e
P a r t d e s a c t if s t r a v a illa n t d a n s u n e a u t r e
com m unes en %
5 0 % e t p lu s
40 à 50%
30 à 40%
20 à 30%
m o in s d e 2 0 %
C o m m u n e s a y a n t p lu s d e 5 0 0 e m p lo is
e n 1 9 9 9 ( a u lie u d e t r a v a il)
151 437
62 780
39 717
10 371
5 145
2 000
500
Z o n e d 'e m p lo i
D é p a rte m e n t
0
10
20 km
S o u rc e
: IN S E E - R e n c e n s e m e n t d e la p o p u la tio n d e 1 9 9 9
F o n d d e c a r te : © IG N - G E O F L A - 2 0 0 1
C a r te r é a lis é e a v e c le lo g ic ie l P h ilc a r to :
h ttp ://p e r s o .c lu b - in te r n e t.fr /p h ilg e o
Z o n a g e s d a n s l'e s p a c e a ls a c ie n
98
Partie 3 – L'équité sociale
Rebondissons sur les deux précédents Cahiers de l'APR et sur les travaux de la
DATAR41 : la croissance périurbaine s'inscrit dans des scénarios qu'il n'est pas
facile d'appréhender, tant les contradictions sont nombreuses. Ainsi écrivent M.
Vanier et E. Roux (2008, cf. p. 7) :
« De la périurbanisation, on entend dire tout et son contraire. Que le processus
est, pour l’essentiel, désormais derrière nous, ou qu’il se poursuit de plus en plus
en profondeur dans les territoires. Qu’il équivaut à une sorte d’urbanisation
généralisée, ou qu’il représente une nouvelle ère de la vie des campagnes. Qu’il
n’est qu’une dégénérescence, à corriger, de la vieille relation villes-campagnes, ou
qu’il signale un dépassement de cette relation. Qu’il étale et dédensifie l’urbain, ou
qu’il fabrique de nouvelles polarités périphériques. Qu’il signifie une société de plus
en plus ségrégée, par l’inégale mobilité, ou qu’il est à l’image de la diversité sociale
toute entière. Qu’il est majoritairement subi, ou fondamentalement choisi. Qu’il
cache la richesse loin des villes, ou qu’il en expulse les ménages les plus fragiles.
Qu’il est le triomphe de l’individualisme, ou qu’il stimule des autonomies
communautaires. Qu’il alimente la catastrophe environnementale, ou qu’il invente
une écologie de la petite échelle. Qu’il met en échec la solidarité des bassins de
vie, ou qu’il en structure de nouvelles. Qu’il n’est pas durable, mais qu’il va durer ».
Au risque de simplifier le monde réel par excès, il est possible de proposer des
scénarios fondateurs de la croissance périurbaine (Tableau 6). Conformément au
monde des Trente Glorieuses prompt à standardiser les espaces, les paysages,
les représentations et les comportements, le « périurbain dortoir » s'est imposé à la
manière du mode de vie américain, avec voitures et maisons individuelles. Les
classes moyennes gagnent alors en importance dans la société. Ce scénario
continue d'ailleurs à produire ses effets avec la poursuite de l'installation de
populations rurbaines, soucieuses de trouver un peu d'espace et de « nature » aux
portes, voire loin des villes. L'emploi et les services restent concentrés dans les
agglomérations ou à leur proximité immédiate ; les réseaux routiers organisent le
drainage en profondeur de l'espace rural avec un accroissement des distances
parcourues et un étalement urbain de plus en plus prononcé. L'intégration des
nouveaux venus n'est pas toujours facile ; on voit cohabiter les autochtones et les
néo-ruraux, mais coexistent-ils vraiment ? D'un point de vue politique, les
intercommunalités sont défensives par rapport à celle de la ville-centre ; le
périurbain veut bien profiter de ses services mais il n'entend pas les payer.
41
Aubry B., Nonn H. et Woessner R. (2011), La périurbanisation en Alsace : étapes de
réflexion et d'analyse, Les Cahiers de l'Association de Prospective Rhénane 2011-1, 209 p.
Actes du colloque de la MISHA (2011), Périurbanisation, durabilité et créativité, Les Cahiers
de l'Association de Prospective Rhénane 2011-2, 169 p. Vanier M., Roux E. (2008), La
périurbanisation, problématique et perspectives, Paris DIACT La Documentation française,
88 p. DATAR (2010) « Prospective périurbaine et autres fabriques de territoires », Territoires
2040 n°2.
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tableau 6 : Du dortoir périurbain des Trente Glorieuses au fractionnement sociospatial
Paysage
Dortoir
Habitat
Entreprises
Mitage,
Maison
Peu de services
dégradation individuelle domestiques.
ZA nombreuses,
dispersées. Grosses ZA
en entrée de ville
Paysage
Habitat
Mobilités
Gouvernance
Automobile
Intercommunalités
de la «campagne»
contre celle de la
« ville »
Entreprises
Mobilités
Gouvernance Conflits
Refuge
Insularité allant BBC et
jusqu'à la
HQE
communauté
fermée
Télétravail à
domicile,
services à la
personne
Automobiles Sécession
« propres »
et chères,
TER
Relégation
Mitage du rural Prêt à
profond
taux 0
Entreprises
polluantes
Automobiles Vote
(vieux
protestataire
diesels)
Naturalisme Sauvegarde,
Expansion Agriculture
sanctuarisation bloquée
bio,
et renaturation
produits
AOC,
tourisme
raisonné
Douces :
véloroutes,
GR, voie
d'eau
Parcs,
réserves
naturelles,
ZNIEFF,
SRADT,
associations
Riches
versus
pauvres
-
Défenseurs
de la
nature
contre les
autres
À présent, ce scénario unitaire tend à se fractionner en trois tendances aux
frontières parfois fragiles. Dans un système où la redistribution est en panne, les
classes moyennes s'appauvrissent alors qu'émerge une poignée de riches. Ceuxci jouent la carte du « périurbain refuge ». Des îles de prospérité émergent alors
dans une mer ballotée par les effets de la mondialisation. Le phénomène a sans
doute été amorcé par les villages d'artistes ou encore les résidences secondaires
du type Perche, Luberon... Historiquement, en Europe, on peut évoquer les villas
palladiennes des riches Vénitiens, ou encore la campagne anglaise avec le
gentleman farmer des Cotswolds... Toujours est-il que des lieux choisis pour leurs
qualités esthétiques passéistes deviennent des « entre-soi », à moins que des
promoteurs ne se lancent dans la construction de communautés fermées,
notamment pour des retraités aisés. L'argent est là, on peut donc réhabiliter,
construire et vivre dans une « ambiance Grenelle » et une bonne conscience
écologique affirmée. On s'établira sans doute non loin des lieux intermodaux, voire
des carrefours d'importance européenne évoqués par la DATAR dans Territoires
2040 n°2. La sécession d'avec la société est radicale sauf lorsqu'il s'agit de
recruter des employés ou d'utiliser des services à la personne, du reste avec l'aide
de niches fiscales.
Il y a du refuge dans la relégation : on fuit la ville, ses prix élevés, son manque
d'espace, son insécurité. Mais le rêve de l'accession à la propriété individuelle
tourne au cauchemar pour les petits revenus. La « maison à 100 000 euros »
existe dans les territoires marginaux, très loin des villes. Lestés de prêts à taux
100
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
zéro et de prêts complémentaires, l'équilibre financier des ménages est à la merci
d'incidents ou d'accidents divers comme la perte d'emploi, le divorce, le coût
croissant de l'énergie. L'ambiance générale est fortement carbonée avec de vieilles
voitures qui parcourent des kilométrages considérables, des entreprises polluantes
(agriculture et élevage productivistes, stockage ou traitement de déchets...). La
situation n'est pas vraiment conflictuelle : elle apparaît sans espoir là où règne la
débrouillardise, voire la marginalité.
Le naturalisme envisage la possibilité d'un monde réversible en voulant revenir
à la « nature » ou plus exactement à une image de nature idéalisée qui n'a jamais
existé. Il s'agit donc de militer et de lutter contre la modernité économique, le
productivisme, l'industrie et l'automobile. La gouvernance joue un rôle central ; il
s'agit d'imposer de fortes contraintes au territoire afin de contrôler sinon de bloquer
sa croissance. C'est donc une cascade multiscalaire qui est convoquée, depuis les
sites classés au patrimoine de l'UNESCO jusqu'aux lieux défendus par une
association locale, en passant par les parcs nationaux, les parcs naturels
régionaux, la gestion participative (comme les Conservatoires des Sites). Une
structure concentrique dessine le territoire concerné, avec un noyau dur
sanctuarisé et des cercles concentriques de moins en moins réglementés. Les
entreprises relèvent du monde du bio et du raisonné ainsi que des produits AOC
qui créent une forte identité locale.
Ainsi va la société périurbaine en se fracturant progressivement. Elle se délite,
ce qui génère des conflits, mais aussi de l'indifférence envers les populations
oubliées dans des poches éloignées et méconnues.
1. Discriminations socio-spatiales en Alsace : données socioéconomiques réparties selon le zonage Insee en aires urbaines,
ou rapportées aux agglomérations de moins de 50 000
habitants – Henri Nonn, Pauline Costantzer
L'information statistique que l'APR a rassemblée dans une base statistique
nourrie par l'Insee (populations, ménages, emplois) et par les services de
l'Équipement (logements, construction) permet de repérer comment les processus
de périurbanisation et de rurbanisation changent les modalités structurelles
alsaciennes dans le registre socio-démographique. Ici ne sont pris en compte que
quelques indicateurs jugés socialement significatifs, surtout saisis entre 1999 et
2006 (seuls quelques traits seront inscrits dans une plus longue durée (à/c 1968, à
partir du fichier Saphir).
La démarche a été entreprise de faire ressortir les observations selon une
ventilation géographique calée sur le zonage en aires urbaines, sur la base des
cadrages de 1999 faute de mise à jour officialisée depuis. On peut ainsi spécifier :
les villes-centres de ZAU (17) ; les communes de premières couronnes (au total
71) ; puis celles de deuxièmes couronnes (329) ; le lot des communes
multipolarisées (146) et enfin les espaces à dominante rurale (341). En
101
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
complément, quelques notations viennent caractériser les unités urbaines
modestes de la région, ventilées selon leur taille depuis les « moins de 5 000
habitants » jusqu'à celles « de 20 à 50 000 hab. ».
Il s'agit de voir, au prisme de la périurbanisation et de la rurbanisation, quelles
évolutions marquent les sociétés résidentes contemporaines (ménages, diplômes
et CSP, rapports résidence-emploi, logement...). Une présentation statistique plus
proche du contenu de la Partie 2 (économie) montre en outre certains aspects
relatifs aux « emplois au lieu de travail ».
Figure 6 : Le zonage INSEE en 1999
102
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
1.1 Traits démographiques et sociaux (voir les tableaux et graphes en
annexes)
Composition démographique
Les couples avec enfants
La dynamique de répartition entre 1999 et 2006 est, comme partout, affectée
par la contraction générale des ménages avec enfants comme par celle des
ménages en couples ; ce qu'il y a lieu de combiner avec les mouvements de
construction et d'accession à la propriété. L'érosion en nombre de ces ménages
est de 5% entre ces deux dates, soit de 9 000 en Alsace entière. Les changements
résidentiels liés à l'urbanisation font ressortir que, pour moitié, la réduction se
constate dans les villes-centres de ZAU – lesquels en ont perdu 4 550. Là se
trouvent 49% des diminutions alsaciennes, et ce malgré la réalisation dans ces
grandes villes-centres de quelque 18 680 logements en résidences principales.
Un constat de stagnation-régression en nombre, au-delà des villes-centres,
marque les couronnes. En parts relatives, les 1ères couronnes (en solde, -3 877
entre 1999 et 2006) ne fixent plus que 31% de couples avec enfants (contre 37%
en 1999), car s'y poursuivent les migrations vers le périurbain. La quasi-stabilité
lue en 2èmes couronnes tient au fait que jouent là aussi désormais des soldes
migratoires déficitaires ; la prévalence du taux le plus élevé de ménages de
couples avec enfants qu'elles détenaient en 1999 a disparu en 2006 (41%) – solde
de -28 – : les voici rattrapées sur ce plan par les espaces à dominante rurale
(40%). Pourtant, les 2èmes couronnes ont accueilli 16 000 résidences nouvelles.
Les familles avec enfants restent relativement stables en nombres absolus
(-680 cas entre 1999 et 2006) dans les communes multipolarisées, qui, étant
moins affectées par les mutations des structures de ménages, enregistrent par
ailleurs une modeste progression des résidences. Le même quasi maintien en
nombre de couples avec enfants (-102) dans les espaces à dominante rurale
exprime une combinaison de rurbanisation (flux entrants) et de « desserrement »
des familles plus anciennement établies ; il faut y mettre en regard le fait que ces
espaces ont fixé 21,7% des résidences principales réalisées entre 1999 et 2006.
N.B. Les résidences principales nouvelles (68 640 en Alsace entière) ont pris place
pour 45,2% dans les couronnes et pour 26,7% plus à distance des villes-centres,
plus d'un quart (27,2%) restant dans le cadre urbain.
Les familles monoparentales dont le chef de ménage est une femme
Les instabilités dans les couples ajoutées aux accidents de la vie font se
multiplier de nos jours de telles situations, très souvent aussi économiquement
fragilisantes. Ces ménages spécifiques ont augmenté en nombre, sur l'Alsace
entière, de quelque 6 647 cas en 7 ans (de 44 642 en 1999 à 51 289 en 2006).
Cela représente 6,9% des ménages actuellement. Hors des villes-centres de ZAU
où cette situation s'est amplifiée de 2 525 cas, les périphéries et espaces ruraux
connaissent une progression de 4 122 familles de ce type.
103
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La proportion moyenne de 6,9% des ménages en est un peu supérieure en 1ères
couronnes, avec 7% des familles ; là, ces situations y ont progressé de 1 556
unités. En revanche, les 2èmes couronnes se situent à un niveau de 5% (+ 1 186
cas), les couples constitués avec enfants restant prévalents. Par contre, d'un
niveau réduit en communes multipolarisées en 1999 (6%), on passe à 6,4% en
2006 (+ 439), ce qui approche désormais les proportions des 1 ères couronnes (7%)
qui connaissent les plus sensibles précarités. Seuls les espaces à dominante
rurale sont peu affectés globalement (5,4-5,5% dans la proportion des ménages),
malgré une progression de 940 situations familiales de ce type.
Dans les progressions entre 1999 et 2006, les villes-centres de ZAU fixent 38%
ères
des nouvelles occurrences de telles structures familiales, les 1
couronnes
èmes
23,4%, contre 17,8% en 2
couronnes, 6,6% en communes multipolarisées et
14,4% en espaces à dominante rurale ; ceux-ci au demeurant sont de moins en
moins exempts de ce trait de précarité.
Figure 7 : Les familles monoparentales
Les personnes seules de 65 ans et plus
Dans l'Alsace entière, on note un vieillissement « isolé » en augmentation : le
taux correspondant passe de 5,9% à 6,5% entre 1999 et 2006, soit + 10 290
104
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
personnes âgées vivant seules. À distance des villes, cela concerne aujourd'hui
plus de 61 000 personnes.
Les 1ères couronnes, déjà affectées par le vieillissement auparavant (taux de
1999 = 5,8%), en fixent en 2006 3 240 de plus, portant leur taux à 6,9% (elles
dépassent la moyenne régionale). La progression y dépasse en nombres absolus
celle des villes-centres de ZAU (+ 2 713). Plus de 17 800 personnes de 65 ans et
plus et vivant seules y habitent.
Cependant, en taux, la présence des personnes seules âgées s'accuse et se
marque surtout en communes multipolarisées : déjà 7,4% en 1999 et 7,9% en
2006 : un isolement à distance des villes jusqu'ici insuffisamment perçu.
Les espaces à dominante rurale, qui connaissaient moins de telles situations en
1999 (en deçà de la moyenne de l'Alsace), restent avec cet avantage en 2006
(taux glissant néanmoins de 5,3% à 5,8%). Les 2èmes couronnes, plus peuplées de
ménages constitués d'âge adulte et avec enfants, se singularisent par leur faible
taux de personnes âgées seules : 5% en 2006 (4,4% en 1999) quoique grossi de
2 020 unités en 7 ans.
Le quart des augmentations recensées se fixe sur les villes-centres de ZAU,
31% en 1ères couronnes, pour un quart hors des couronnes périurbaines
monocentrées. Le « rurbain » détient désormais plus de 25% des seniors isolés,
quand les ville-centres ont un taux qui s'amoindrit – faiblement, il est vrai –.
Les inactifs retraités
En progrès numériques récents, de 6 000 personnes environ à l'échelle
régionale, cette population spécifique avoisine en 2006 les 90 000 en Alsace.
Les grandes villes-centres n'enregistrent que des soldes presque inexistants
(car il y a flux dans différents sens) ; en valeur relative, leur part de localisation
résidentielle passe même de 28,2% en 1999 à 27,2% en 2006. De même les gains
fixés par les premières couronnes sont modestes (+ 1430) et la part détenue reste
stable (23,8%).
La majeure partie des gains résidentiels de retraités est fixée par les deuxièmes
couronnes (+ 2 620 entre 1999 et 2006, soit 43,5% du total supplémentaire), et par
les espaces à dominante rurale (+ 1 086, soit 18% des progrès d'effectifs). Où
jouent à la fois le vieillissement des peuplements présents avant la
périurbanisation-rurbanisation et le maintien sur place des personnes adultes des
années 1960-1970 venus dans les premiers lotissements. On a là, sans préjuger
des niveaux de ressources de ces populations, une indication utile pour des
considérations sur la santé et les soins, sur les mobilités, voire sur les
comportements électoraux...
Les tranches d'âge de 15 à 64 ans : la base des populations actives potentielles
Entre 1999 et 2006, le volume de ces tranches d'âge s'est accru de 50 800
personnes, la population totale régionale augmentant, elle, de 81 760 âmes. Les
105
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
prolongements récents de la périurbanisation et de la rurbanisation résidentielle
perdurent-ils ?
Quand les villes-centres de ZAU, qui comptent en part régionale environ 33,7%
(1999) – 32,9% (2006) de ces catégories d'âge, il ne leur revient que le quart des
augmentations relevées – est-ce un ralentissement des effectifs étudiants ou
jeunes en formation ? Ou encore un départ plus prononcé des jeunes retraités ?
Les « 2èmes couronnes », fixant 18% des tranches d'âge 15-64 ans en 1999, et
18,6% en 2006, ont en revanche capté davantage (29% des gains), faisant part
égale avec les espaces à dominante rurale (28,4%) quand leur niveau de
localisation en région de ces « actifs potentiels » est de 18,4% en 1999 et 19,2%
en 2006. Pour un taux très voisin d'importance, les premières couronnes n'ont
recueilli que la moitié de tels appoints. On sait que leur poids est amoindri par les
migrations résidentielles prolongées de ménages constitués et qu'elles n'ont pas la
même attractivité que la grande ville sur les tranches les plus jeunes ici
considérées. Les communes multipolarisées sont, de leur côté, peu évolutives en
la matière : une stabilité autour de 6,5-6,6% de l'ensemble des actifs résidents
alsaciens ou des « actifs potentiels » que constituent les tranches d'âge
considérées.
Notations « sociales »
Des changements résidentiels pour les cadres supérieurs ?
À priori, les cadres supérieurs résident surtout en villes-centres, ou par
èmes
recherche d'espace résidentiel ou d'aménités, en 2
couronnes. Ces tendances
se poursuivent-elles entre 1999 et 2006 ? Dans le développement de cette CSP, la
période a enregistré un gain de 25 234 personnes actives à la résidence.
Les villes-centres de ZAU de la région ont attiré (en termes de solde) 6 334
personnes de ce surplus ; ce qui fait passer leur part dans le total « cadres sup »
alsacien de 42,9% à 53%. Ces cadres constituaient 14,9% des actifs occupés
èmes
résidents en 1999 à 18,4% en 2006. L'ensemble des 2
couronnes en ont fixé +
7 215 dans les 7 ans considérés, soit davantage que les villes-centres. En 1999,
les cadres supérieurs représentaient 10,4% des actifs de ce niveau dans notre
zonage ; c'est devenu en 2006 près de 14%. On y trouve une proportion des actifs
cadres régionaux qui, de 18% en 1999, passe à 20,6% en 2006.
En premières couronnes, les actifs occupés résidents « cadres » étaient 19 507.
Avec un gain groupé de 5 200 unités, on atteint 24 700 en 2006 ; mais ce progrès
en nombres absolus est inférieur à celui des villes-centres, et inférieur aussi à celui
des deuxièmes couronnes ; leur taux de présence dans la population active
occupée locale ne progresse que de 11,9% (1999) à 13,1% (2006). Dans les
répartitions des gains, un cinquième y trouve place, contre 28,2% en deuxièmes
couronnes et 25% en villes-centres de ZAU.
Le « rurbain » multipolarisé n'accroit guère son importance en cadres
supérieurs occupés résidents (taux de 6,5 passant à 7,3%). Par contre, l'accueil se
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Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
renforce dans les espaces à dominante rurale. Ceux-ci en ont gagné 5 820 en 7
ans, et le taux parmi les actifs occupés locaux passe de 11,8% à 14,6%.
Désormais, 23% des cadres supplémentaires recensés y résident, soit davantage
qu'en premières couronnes.
Les niveaux de diplômes
En pré-supposés, l'évolution de l'emploi – avec ses mutations technologiques,
organisationnelles ou gestionnaires et autres – et les quêtes personnelles de
meilleure formation, induisent une augmentation des qualifications par des
diplômes supérieurs au baccalauréat. La concentration des « emplois supérieurs »
dans les grandes agglomérations pourrait en conduire les répartitions résidentielles
évaluées aux dates de recensement et les évolutions ainsi saisies ; mais tout
autant pourraient jouer les aspirations résidentielles au bénéfice des périphéries ou
aires d'aménités extérieures aux villes. Qu'en est-il réellement ?
Les données établissent d'abord une notable augmentation des personnes
détenant des diplômes de bac + 2 ou supérieurs entre 1999 et 2006 à l'échelle de
l'Alsace : le progrès est de + 74 412 cas, soit 36,4% d'accroissement sur 1999
(278 788 en 2006), signalant un relèvement des formations permettant d'accéder
aux niveaux 3, 2 et 1 de formation-qualification.
En 1999, les villes-centres de ZAU en domiciliaient près de 86 500 : les voici en
2006 quelque 101 000 (gains de + 21 540, soit + 24,9%). Si l'on y ajoute les
banlieues proches ou premières couronnes, soit 62 000 en 2006 (avec + 15 380
sur 1999, ou gains de 33%), les grandes unités urbaines regroupent 65,1% en
1999 et 58,5% en 2006 des détenteurs de ces niveaux de formation. La légère
érosion en valeur relative constatée incite à supposer une poursuite des migrations
résidentielles externes aux agglomérations. Dans la distribution spatiale des gains
alsaciens, ces agglomérations en retiennent environ 49% à 50%.
L'autre moitié des progrès se fixe soit dans les deuxièmes couronnes des
grandes villes, soit dans le « rurbain » des communes multipolarisées ou des
espaces à dominante rurale. Plus précisément, les personnes ayant ces niveaux
de diplômes se chiffraient en 1999 en 2èmes couronnes à 34 700, passant à 52 600
en 2006 : numériquement, ce sont 17 880 cas de plus (+ 51,2%). Et celles résidant
en espaces à dominante rurale augmentent en nombres de 27 720 en 1999 à
43 150 en 2006 : soit un progrès de 15 430 unités (+ 34% en 7 ans). Or leur
population d'ensemble ne croît que de + 0,3 point dans le même temps. Ainsi, avec
les communes multipolarisées, le « rurbain » en vient à localiser près de 57 000
diplômés « supérieurs », à fixer le quart des progrès comptabilisés sur l'Alsace
entière, et donc à proposer une répartition mieux diffusée sur tout le territoire
régional des qualifications des niveaux de formation 3 à 1.
Les habitants de « niveau bac » sont eux aussi en progression en Alsace : nous
sommes dans une région où la proportion de bacheliers sur une génération se
développe constamment depuis les années 1975, et surtout 2000. En 2007, selon
les chiffres académiques, ce taux est de 66%. On retient notamment l'importance
de l'accès par l'apprentissage (un trait régional spécifique), la bonne tenue des
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Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
bacs « professionnels » et « technologiques », les taux élevés de réussite aux
examens dans l'académie (encore qu'avec des écarts restant sensibles selon les
CSP des parents)... Quoiqu'il en soit, la période 1999-2006 se marque par une
augmentation de 27% des personnes accédant au niveau 4 de formation (de
146 130 à 185 668 = + 39 538).
L'examen des répartitions selon le zonage en aires urbaines aux dates de
référence et dans les gains constatés par la statistique montre que :
– Dans les villes centres de ZAU, résident 32% des habitants de niveau bac,
tant en 2006 qu'en 1999 : soit une stabilité relative quant à leur poids régional,
malgré un gain de 11 000 cas en 7 ans. De même, dans les premières
couronnes, se maintient un taux d'importance relative de 23% (+ 8 200). Ainsi,
les unités urbaines principales gardent la localisation de 55% (en fait, - 1 point)
des personnes ayant ce niveau de formation.
– Les territoires périurbains plus externes (deuxièmes couronnes) constituent
des lieux de résidence pour des personnes de niveau bac dans une proportion
de 19,3% en 1999 et de 19,5% en 2006 (gains de 8 100 unités). Mais les
progrès les plus notables concernent les espaces à dominante rurale ou
multipolarisés : ensemble + 12 140 personnes accédant à ce niveau 4 de
formation ; le « rurbain » fixe environ un quart des habitants alsaciens de cette
catégorie et localise près du tiers des gains évalués entre 1999 et 2006.
Chômage et temps partiel mesurés à la résidence
Une lecture sommaire des populations « actives » au lieu de résidence donne
une indication sur l'intérêt d'un examen selon le zonage en aires urbaines de
l'Insee avant de voir comment s'y inscrit le chômage des hommes et des femmes.
Deux indicateurs, mis ici en tableau comparatif, aident à cerner les situations en
1999 et 2006. Le premier saisit les « actifs potentiels », évalués par les tranches
d'âge de 15 à 64 ans (incluant donc les étudiants, des inactifs divers, des préretraités…) ; le second donne les « actifs résidents », chômeurs, travailleurs à
temps partiel, ou frontaliers y compris. Soit deux approches aux significations
distinctes, et avec des écarts sensibles de répartitions comme d'évolutions.
108
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tableau 7 : Actifs potentiels de 15 à 64 ans et actifs « réels »
Alsace
villes-centres ZAU
1ères couronnes
2èmes couronnes
c. multipolarisées
esp. à domin. rurale
1999
1158293
404995
250003
209593
76317
217385
15-64 ans
2006
1209099
417842
256855
224315
78258
231829
gains
50806
12847
6852
14722
1941
14444
actifs résidents
1999
2006
821031
885902
276754
291654
178967
188927
153742
170457
54277
58541
157158
176323
gains
64871
14900
1960
16715
4264
19165
Les villes centres de ZAU fixent, on le voit, toujours près de 35% des actifs
potentiels définis par les tranches d'âge actif. Cependant, leur part dans la
localisation des accroissements de tels effectifs ne se situe qu'autour de 25% :
ralentissement des flux étudiants, ou attractivité atténuée des emplois les plus
urbains, peut-être. Les premières couronnes, fixant quelque 21-22% des 15-64 ans
alsaciens, sont très peu concernées par les augmentations d'actifs résidents
potentiels ou réels (dynamisme de l'emploi affaibli). Les principaux progrès en
effectifs des tranches d'âge concernées vont aux deuxièmes couronnes, et aux
territoires « rurbains », et il en va de même si l'on se réfère aux actifs résidents.
Ceux-ci, quoique accrus dans les villes-centres de ZAU, stagnent en valeurs
relatives autour de 33% du total régional, et ne retiennent que 23% des
accroissements régionaux en 7 ans ; les mêmes traits valent pour les premières
couronnes stabilisées sur quelque 21% des actifs résidents alsaciens et ne
s'attribuant que 15,3% des progrès de leurs effectifs. Pendant ce temps, les
positions des deuxièmes couronnes d'une part (leur part passant de 18,7 à 19,2%),
et des espaces à dominante rurale d'autre part (de 19,1 à 19,9%) se renforcent.
Ces deux familles spatiales captent respectivement 26% et 29,5% des progrès
dans les nombres d'actifs résidents.
La tendance est donc à un glissement des populations en âge d'être actifs, ou
recensés comme tels : les unités urbaines voient leur poids relatif se réduire au
profit des deuxièmes couronnes d'agglomérations et des contrées rurbaines. Mais
il n'en va pas de même en termes d'emplois détenus.
Entre 1999 et 2006, le solde d'emplois supplémentaires est de 56 674 pour
l'ensemble de l'Alsace ; or les villes-centres de ZAU en proposent 49% et fixent
58% au moins des progrès (la dynamique tertiaire sans doute). Les premières
couronnes en localisent moins de 20% et n'en « grapillent » que + 3% (contraction
des postes dans les industries, diffusion de tertiaire en agglomération) ; les
deuxièmes couronnes sont en deçà en total d'emploi offert (<12%), mais
progressent en s'adjugeant 22% des gains récemment obtenus (économie
résidentielle, transferts hors agglomérations de certaines activités). Une
dynamique voisine se lit dans les espaces à dominante rurale qui maintenant
comptent 13% des emplois régionaux et fixent 14,2% des gains alsaciens récents
(diversification économique, services aux personnes et aux entreprises, loisirs et
tourisme). Au total, les distorsions spatiales entre lieux de résidence et lieux de
travail tendent à s'accroître.
109
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Vu en solde sur les 7 ans intercensitaires récents, le chômage s'inscrit
inégalement dans les géographies résidentielles ici considérées, et concerne
davantage les femmes que les hommes : sur l'augmentation totale alsacienne de
près de 20 000 situations recensées, 52,3% affectent l'emploi féminin.
Tableau 8 : Le chômage selon les aires résidentielles
Alsace
villes centres de ZAU
premières couronnes
deuxièmes couronnes
com multipolarisées
1999
32808
17451
Hommes
2006
41963
21282
Ecarts
9155
3831
1999
38312
17450
Femmes
2006
48946
21106
Ecarts
10034
3656
6697
3241
1661
8635
4406
2226
1938
1165
565
7964
4416
2547
10281
5545
3065
2117
1129
518
3758
5414
1656
5935
7549
1604
esp à dominante rurale
Que lit-on ? Dans les villes majeures, peu d'écarts entre hommes et femmes en
1999, mais une aggravation du chômage féminin dans les années 2000 ; une
situation fragilisée de tous en premières et deuxièmes couronnes, pénalisant une
fois encore davantage les femmes actives (rappelons toutefois que les premières
couronnes fixent 21% des tranches d'âge actif, d'où un rapport du chômage à ce
« stock » de 7,4% en 2006 ; en 2èmes couronnes, avec 18,5% des 15-64 ans, le
taux se situe à 4,4%). Le déséquilibre hommes- femmes au chômage s'accentue
en communes multipolarisées (faute d'emplois proches ouverts ?). En espaces à
dominante rurale, qui en volumes d'actifs potentiels dépassent les deuxièmes
couronnes dès avant 1999, les difficultés d'emploi féminin, déjà plus accentuées
en 1999, semblent plus progresser que se réduire malgré les observations
favorables de répartition des soldes d'emplois au lieu de travail dans les 7 années
considérées.
À défaut de disposer des indications sur les actifs à temps partiel au lieu de
résidence, ce que montrent celles connues au lieu de travail (en région, 109 740
en 1999 et 119 871 en 2006) font ressortir : une part de 52-53 % localisée dans les
grandes villes- centres, lesquelles groupent encore 38% des situations nouvelles
de ce type d'emploi ; quelque 18% proposés en premières couronnes – avec 24%
de fixation des cas supplémentaires. Au-delà, l'emploi à temps partiel est moins
présent, sans forte augmentation en 7 ans, et ne localisant que le tiers des
nouveaux emplois de ce type mis sur le marché entre 1999 et 2006. Souvent plus
subies que choisies, ces conditions de travail, en termes d'indication sociale,
signaleraient davantage les agglomérations que les autres espaces régionaux ;
toutefois, on ignore combien de « pendlers » résidant dans ces derniers y sont
assujettis.
1.2 Quelques traits relatifs à l'habitat
L'expansion résidentielle de ces dernières décennies en région change-t-elle de
caractères ? De manière uniforme ou diversifiée selon les familles d'espaces
identifiées selon le zonage en aires urbaines?
110
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Deux séries statistiques, nourries des éléments fournis par la DREAL à partir de
ses fichiers, aident à répondre à ces questions. Une première donne le volume
global de résidences principales édifiées en logements ordinaires (des ménages,
hors logements étudiants, foyers...), en individualisant les « logements
individuels » (maisons individuelles), les « logements groupés » (soit réalisés en
permis groupé, pouvant associer des constructions en bandes ou de petits
collectifs), et les « logements collectifs » (c.à.d. produits en immeubles collectifs).
Ceci peut être suivi de 1979 à 2008. NB : un ratio peut ainsi être calculé comme
indicateur du taux de réalisation en maison individuelle longtemps donnée comme
le « modèle » d'habitat préféré des Alsaciens. Une seconde analyse, limitée à la
période 1999-2006, cerne quelques autres modalités de l'habitat.
Les évolutions dans le mouvement de la construction résidentielle
a) Un démenti aux idées reçues : la sensible diminution de la production des
maisons individuelles.
Dans l'ensemble de l'Alsace, un suivi des valeurs moyennes annuelles indique
une contraction notable dans la construction de la maison individuelle depuis 1979.
Il s'en réalisait quelque 5 115 en moyenne annuelle entre 1979 et 1981, déjà
seulement 4 100 – 4 200 entre 1990 et 1998 et jusqu'en 2005 ; le volume est
ramené à 3 864 en 2006-2008. En taux, on passe de 56,9% en maison individuelle
dans l'ensemble de la construction des logements ordinaires en 1979-1981 à
49,5% entre 1982 et 1989, autour de 41% de 1990 à 2005, pour arriver au taux le
plus récent (2006-2008) de 33,5%. v. tableau 9, p. 111 et graphes p. 247.
Tableau 9 : Mouvement de la construction, évolutions moyennes annuelles dans la
construction résidentielle sur l'ensemble de l'Alsace
Type de construction
maison individuelle
en permis (+/- mixte)
en immeubles collectifs
TOTAL
1979-81
1982-89 1990-98 1999-2005
2006-08
5115 42344393
3864
4234
3864
898
513
377
2970
3961
5394
5520
6856
8983
8867
9876
10296
11541
taux de maisons indiv iduelles
56,9
49,5
41,6
41,1
33,5
Traits géographiques: taux de maisons dans la construction (par famille d'espaces)
unité urbaines > 200 000h
23,3
21,3
13,6
14,4
8,9
unités urbaines 50-200 000h
41,2
28,5
25,7
19,9
10,4
communes multipolarisées
81,7
81,9
67,4
61,1
52,1
espaces à dominante rurale
77,4
70,6
68,1
60,2
63
La place des familles d'espaces dans cette production de maisons individuelles (en %)
en villes-centres
8,6
10,1
7,8
7
5,5
en premières couronnes
16
20,3
16,1
13,9
11,4
en deuxièmes couronnes
32,8
32,9
37,2
34,5
34,8
en communes multipolarisées
9,9
8,2
8,1
9,8
10,7
en espaces à dominante rurale
32,7
28,5
30,8
34,6
37,6
4105
Quelques commentaires
111
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
a) La maison individuelle n'est plus, on le voit, majoritaire à l'échelle régionale
depuis les années 1980. Sa place demeure cependant le mode dominant hors des
agglomérations principales ou moyennes dans le « rurbain » et dans les
deuxièmes couronnes : à 70-80% jusqu'en 1989, et entre 60% et 80% entre 1990
et 1998, pour ne plus représenter que 50%-63% depuis lors. En unités urbaines,
elle compte pour moins du quart des réalisations, tôt dans les plus grandes, et
depuis les années 1980 plus généralement au-delà de cette date, pour se réduire
à 10% environ aujourd'hui.
Les formes « groupées » n'ont qu'une prise limitée en Alsace dans le
développement de la construction : c'est moins de 10% vers 1979-1981, de 4%
entre 1982 et 1998, et seulement encore 7% actuellement. En revanche, la
réalisation des logements en immeubles collectifs gagne hors des agglomérations,
jusqu'à constituer 25 à 40% dans les périphéries et dans les milieux ruraux, avec
notamment des parts majoritaires dans les bourgs et petites villes.
b) Le parc de résidences principales s'est accru pour l'Alsace entière de 68 640
logements entre 1999 et 2006. On sait que plusieurs raisons contribuent aux
productions de logements : les migrations résidentielles ; les incitations à
l'accession à la propriété ou à l'investissement immobilier ; les évolutions
structurelles des ménages ; le besoin de remplacement de logements anciens...
Ces aspects jouent différemment selon les territoires. Les villes-centres ont ainsi
gagné, dans la période considérée, quelque 18 680 résidences principales ; 14 440
autres ont pris place dans les premières couronnes ; les deuxièmes couronnes ont
augmenté de 16 600 nouveaux logements : en tout, les couronnes centrées sur les
villes-pôles de ZAU ont dépassé en volumes de construction les cœurs urbains. Le
« rurbain » en communes multipolarisées (+ 4 000) et en espaces à dominante
rurale (+ 14.915) a gagné l'équivalent des villes-centres, et le rural davantage que
les 2èmes couronnes.
c) Quelques aspects de la dynamique récente (1999-2006)
Les grands logements, de 5 pièces ou plus n'ont que peu progressé dans les
villes-centres de ZAU (ensemble, + 4 000) où leur taux de présence n'est que de
19,4% du total de leurs 272 080 logements en 2006. Les 1 ères couronnes en ont
fixé 6 160, le taux dans le parc restant voisin de 39%. Les gains les plus sensibles
en grands logements se situent dans les 2èmes couronnes, qui en ont acquis près
de 12 000 ; ils viennent composer 62,5% de leur parc total (lequel avoisine les
112 000 logements), ainsi que dans les espaces à dominante rurale grossis eux
aussi de plus de 12 200 unités de grande taille : le taux de leur présence est de
l'ordre de 58,6% désormais ; les communes multipolarisées quant à elles
s'approchent de cette proportion, avec un progrès de + 3 points.
Le logement locatif est en nette augmentation. Plus de 21 000 résidences
principales sont ainsi fournies entre 1999 et 2006. Les villes-centres de ZAU en
retiennent le tiers (+ 7 314) ; les premières couronnes 16%. Mais les deuxièmes
couronnes en fixent quasi autant que les premières, de même que les espaces à
dominante rurale. Témoignage d'un élément nouveau et lié à un besoin
apparemment plus intense et plus diffus à la fois, venant atténuer la production
112
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
traditionnelle destinée à la propriété ; il semble devoir être mis en rapport avec les
mobilités désormais accusées dans les parcours de vie. Les parcs actuels sont
composés maintenant de 20% environ de logements locatifs hors des unités
urbaines, où le locatif en appartement est important depuis longtemps.
1.3 Les actifs selon les zonages en aires urbaines
On peut effectuer plusieurs lectures :
 les « actifs potentiels », représentés par la population des 15-64 ans au
lieu de résidence
 les actifs totaux (ensemble, au lieu de résidence)
 les actifs occupés (au lieu de résidence)
 les femmes actives salariées (au lieu de résidence)
 les emplois totaux (ensemble) au lieu de travail, + les emplois de cadres
supérieurs (id) et des professions intermédiaires (id)
 les emplois à temps partiel au lieu de travail.
Quelques rappels sur la géographie des actifs à la résidence :
Compte tenu de la poursuite des études, des mises en pré-retraite et des
retraites prises avant 65 ans, ou encore aux « accidents de la vie », le volume des
« actifs potentiels » dépasse celui des « actifs ensemble » à la résidence :
 en Alsace entière ; à cette échelle, s'opère un passage de 1 158 293 à
1 209 100 entre 1999 et 2006 (gain de 50 806 personnes). 28% du progrès
recensé (+ 14 444) se trouvent dans les espaces à dominante rurale ; c'est
l'équivalent des augmentations totalisées sur les 2èmes couronnes (+14 720).
 Une dynamique contraire s'opère dans les Unités urbaines : les villes-centres
de ZAU ensemble ont certes les plus gros effectifs (total de plus de 450 000),
mais sont perdantes entre 1999 et 2006 de – 32 150 personnes, quand les 1ères
couronnes en gagnent 21 500. Il faudrait voir la part de la stabilisation- diminution
du nombre de jeunes en études ou en formation et celle des modalités de fin
d'activité pour les classes de 50-64 ans.
L'ensemble des actifs résidents recensés aux deux dates, pour les raisons dites
ci-dessus, se situe à 821 000, devenus 885 900 (+ 64 990 entre 1999 et 2006).
Les glissements se répartissent différemment de ce qui précède. Les villes-centres
de ZAU en collectent 14 770 de plus, et leur part en Alsace régresse de 33,7% à
32,9%. Les gains urbains sont inférieurs à ceux de 2èmes couronnes (+ 16 715) et
à ceux des espaces à dominante rurale (+ 19 165). Les 64 870 Alsaciens actifs
résidents de plus sont ainsi distribués à 22,8% sur les villes-centres, 14,4% dans
les 1ères couronnes, 25,8% en 2èmes couronnes, 6,6% en communes multipolarisées
et 30,1% en contrées à dominantes rurales.
Les évolutions relatives aux « actifs occupés »
On a défalqué des chiffres précédents les chômeurs et actifs sans emploi au
lieu de résidence – ce qui en revanche inclut les frontaliers –. Cela groupe en 1999
quelque 748 100 personnes, et, en 2006, 796 240 (accroissement de 48 140
113
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
personnes). Du fait des études, ou de la précarité, les villes-centres de ZAU
perdent environ 11 290 personnes ayant un emploi entre nos deux dates ; les voici
ne groupant plus que 28,9% du total alsacien (32,2% en 1999). Les premières et
deuxièmes couronnes par contre sont bénéficiaires de plus de 39 000 actifs
occupés nouveaux. Jouent là sans doute des mouvements résidentiels et des
processus de desserrements d'activités comme d'étoffement d'économie
résidentielle.
Les espaces à dominante rurale tiennent une bonne place dans ces mutations
résidentielles d'actifs. Grâce à un gain de 16 600 actifs supplémentaires, ils en
arrivent à fixer en 2006 20,6% des actifs occupés alsaciens (contre 19,7% en
1999) ; en revanche, les communes multipolarisées n'ont que des progrès limités
et une part de localisation stagnante.
Les actifs au lieu de travail
Pour l'Alsace entière, les recensements de 1999 et 2006 font état d'une
augmentation de 56 674 unités. Si, hors des villes-centres de ZAU, on note peu de
progrès sur l'ensemble des premières couronnes (1 700) ou dans les communes
multipolarisées, les gains substantiels se situent en deuxièmes couronnes (plus de
12 440) et en espaces à dominante rurale.
Pour l'agriculture, les effectifs restent érodés au-delà des unités urbaines déjà
affectées de longue date ; les 2èmes couronnes, elles, totalisent près de 500 pertes
d'emploi, les communes multipolarisées plus de 210 et les espaces à dominante
rurale près de 300. Rapportées toutefois aux nombres de communes
composantes, les pertes seraient comprises entre 1 et 2 par localité.
Les cadres supérieurs au lieu de travail
Il est intéressant de comparer les indications d'évolution entre données se
référant au lieu de travail et celles calées sur le lieu de résidence.
En emploi au lieu de travail, le gain sur l'ensemble alsacien et de l'ordre de
+ 22 350 personnes, soit inférieur à l'observation au lieu de résidence des actifs
occupés de cette catégorie (+ 56 674). Les ventilations spatialisées signalent des
écarts méritant examen.
Ces indications soulignent la prééminence des villes-centres de ZAU dans les
progrès des effectifs d'emploi : la tertiarisation se marque ainsi de plus en plus
nettement. En % de gains, les emplois au lieu de travail y augmentent deux fois
plus fortement qu'au lieu de résidence. Dans les couronnes, on distingue : a) dans
les plus proches, un taux de progrès en emplois au lieu de travail légèrement
supérieur à celui compté au lieu de résidence – sans doute est-ce en partie une
dilatation des emplois centraux, quand y faiblit l'emploi industriel et quand le solde
migratoire est devenu négatif – ; b) dans les 2èmes couronnes, le taux d'emploi
mesuré au lieu de résidence n'entraîne pas en même proportion la progression de
celui des actifs au lieu de travail (taux de 2 fois supérieur) : on peut évoquer la
poursuite de l'attraction du tertiaire urbain ; le prolongement de la migration
114
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
périphérique résidentielle des ménages constitués comptant 1 ou 2 actifs... et un
déficit de constitution de l'économie résidentielle.
Les espaces plus « rurbains » (CMP et EDR) ne fixent que 13% des actifs au
lieu de travail supplémentaires entre 1999 et 2006, contre 26% des progrès en
actifs au lieu de résidence : on peut évoquer les mêmes raisons.
Les évolutions de l'activité féminine
Comparons ainsi les deux éléments du Tableau 9 : le nombre des salariées au
lieu de travail a augmenté de 39 290 unités entre 1999 et 2006, avec une
répartition assez distincte des lieux de résidence. Si en nombre les villes-centres
de ZAU restent attractives, leur part en région s'érode quelque peu tout en restant
« majoritaire ». On peut supposer un prolongement des desserrements sur les
couronnes (qui gagnent près de 16 000 emplois féminins – on songe aux surfaces
commerciales et aux progrès d'économie résidentielle notamment –) ; au-delà, le
« rurbain » à dominante rurale ne connait que peu d'augmentation, surtout en
communes multipolarisées.
Le chômage des femmes actives
Il s'accuse ces dernières années dans les premières couronnes (+ 2 117 entre
1999 et 2006) où sont présentes 21% du total alsacien de telles situations de
difficultés. En deuxièmes couronnes et en communes multipolarisées additionnées,
le chômage féminin s'est grossi de 1 647 cas. Un volume quasi équivalent est
relevé dans les espaces à dominante rurale. En pourcentages de répartition, les
proportions sont relativement stables entre nos deux dates : 45,5 ou 45,7% dans
les villes-centres de ZAU prises ensemble, et 20,8% dans leurs premières
couronnes. Les Unités urbaines fixent toujours les plus gros contingents, aggravés
de près de 7 000 cas.
Si l'on compare avec le chômage salarié masculin, on observe que celui-ci a
progressé « seulement » de 5 770 cas dans les Unités urbaines, soit un peu moins
que pour les femmes salariées ; en revanche, les écarts entre hommes et femmes
en 2èmes couronnes, en communes multipolarisées, et en espaces à dominante
rurale sont très faibles en valeur absolue. Pour les hommes, la distribution des
aggravations est plus amplement répartie (même si cela recouvre des causes
assez différentes).
Le salariat à temps partiel
C'est souvent un mode de travail plus fréquent parmi les femmes actives que
parmi les hommes actifs. Il s'agit là aussi d'un indicateur d'aggravation de la
précarité matérielle des ménages où le temps partiel est davantage subi que
choisi. À l'échelle de l'Alsace entière, entre 1999 et 2006, ces conditions se sont
accrues de 10 130 cas (de 109 740 à 119 870).
En 1999, les villes-centres de ZAU focalisaient 62 450 emplois salariés à temps
partiel, et les premières couronnes 19 640 : ainsi, les Unités urbaines comptaient
115
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
pour 71,3% des situations d'emploi de ce type en région. En 2006, les voici
totalisant 84 530 « temps partiels » (+ 3 868), mais ramenées à 70,5% du total
alsacien. Car le « temps partiel » au lieu de travail est devenu plus nettement
présent au-delà des Unités urbaines ; à la fois dans les deuxièmes couronnes
(12 825 cas en 2006, en augmentation de 1 617 unités depuis 1999) et dans les
espaces à dominante rurale (15 325 cas, + 1 517 depuis 1999). Respectivement,
les deuxièmes couronnes et les espaces à dominante rurale localisent 16% et 17%
de ces types d'emploi.
1.4 Dynamique des Unités Urbaines (U.U.) comprises entre < 5 000 h et
50 000 h.
Bourgs, petites villes et villes moyennes ont en Alsace une place remarquable,
à la fois dans le peuplement, dans l'emploi et dans l'animation locale. Avec le
temps, nombreux sont ces foyers qui ont bourgeonné au point de former des unités
urbaines (reconnues comme telles par l'Insee = 1 ou plusieurs communes
contiguës). En 2006, ces entités, mises ensemble, fixent quelque 528 435
habitants, soit 29,1% de la population régionale, ainsi que 30,7% des emplois
alsaciens. Leur attractivité ne se ralentit pas, puisque leur offre d'emploi de 1999
était de 29,9% et que c'est vers elles que sont allés 40,5% des soldes positifs de
postes de travail constatés entre 1999 et 2006 (les autres progrès se partagent
entre les U.U des grandes villes – surtout – et les localités hors unités urbaines de
la région.
Cependant, on peut supposer que des nuances interviennent en fonction de
seuils démographiques ; c'est pourquoi on a individualisé 4 sous-ensembles : 1)
les U.U < 5 000 h – 91 cas – ; 2) de 5-10 000 h, (31 localités) ; 3) de 10-20 000 h
(47 unités) ; et 4) de 20-50 000 h. (22 unités).
Pour les comparaisons entre groupes, quelques indicateurs sont utilisés : les
évolutions de population et de soldes migratoires (suivies entre 1962 et 2006) ; les
emplois au lieu de travail – avec individualisation des emplois tertiaires, des
services aux particuliers ou aux entreprises – dans la période 1999-2006 ; la part
des emplois dans l'administration en 2007 (seule année disponible) ; et l'évaluation
1999-2006 des catégories de cadres supérieurs et professions intermédiaires au
lieu de travail.
Quelques notations de différenciation :
Les comportements tenus dans les évolutions démographiques ont joué
inégalement dans le temps. Aux tailles les plus modestes, en moyennes annuelles,
les U.U ont progressé fortement entre 1962 et 1982 (pic entre 1968 et 1975), puis
connu une relance depuis 1990 consolidée entre 1999 et 2006. Les soldes
migratoires y ont surtout joué un grand rôle entre 1968 et 1975 – moindrement
jusqu'en 1982 –, et à nouveau depuis les années 1990 et surtout 1999. Aux tailles
supérieures, la croissance démographique, forte au début (1962-1968), se
prolonge jusqu'en 1975 principalement sur celles de plus de 10 000 âmes ; le
« creux » de 1975-1990 y est davantage marqué partout, et la reprise postérieure
se marque principalement aux niveaux 10-20 000 hab. Les soldes migratoires très
positifs de début de séquence interviennent sur 1968-1975 essentiellement, et
116
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
rejouent un rôle sensible depuis 1990, voire 1999, pour les U.U ayant entre 5 et
20 000 hab. En revanche, entre 20 et 50 000 hab., des soldes négatifs ou à peine
perceptibles sont observables depuis 1975 (voir graphiques p. 254-255).
On soupçonne, en explications, une croissance forte partout par solde naturel
entre 1954 et 1968, relayé par des flux issus des campagnes et par un
développement économique local jusqu'en 1975-1980 ; des difficultés de l'emploi
sont ensuite survenues, qu'ont contrebattues des améliorations de centralité locale
(décentralisation, progrès des services), des rattrapages fonctionnels ou de
diversification économique, et une participation aux processus de périurbanisationrurbanisation de provenance à la fois locale et sous-régionale.
Pour les fonctions économiques, le zoom est limité à la période 1999-2006.
La strate la plus modeste des U.U. de moins de 5 000 âmes localise aujourd'hui
11,2% des habitants de l'Alsace : 203 970 habitants ; avec 76 460 emplois au lieu
de travail (LT), elle entre pour 10,3% des emplois régionaux : une proportion
modeste, mais en cours de renforcement : + 7 940 entre 1999 et 2006. Dans ce
progrès récent, on note une augmentation totalisée de 8 035 emplois tertiaires,
corrigeant les fléchissements de l'emploi artisanal ou industriel comme agricole. Là
donc, s'exprime un rattrapage en matière de services, visible moins sur
l'administration (1,6 emploi pour 100 hab.) que dans les progrès dans les services
aux personnes ou aux entreprises. Même si ne s'y établissent que 7,5% des
cadres de la région, les augmentations de postes de ce type au LT, et de ceux de
professions intermédiaires, montrent une certaine vitalité économique retrouvée et
mieux positionnée qu'autrefois.
Le lot des U.U. de 5-10 000 hab. abrite 5,3% des habitants alsaciens et une
proportion, assez voisine, de 5,6% des emplois régionaux ; là aussi, avec des
gains récents de postes de travail (+ 4 510), où l'amélioration du niveau des
emplois tertiaires est substantielle (+ 3 210) ; il semble que ce soit le signe d'une
validation de leur rôle de centres des petits bassins de vie, de pôles locaux
d'intercommunalité de base. En encadrement, leur rang demeure modeste (4,3%),
notamment par rapport aux professions intermédiaires présentes (5,5% du total
alsacien).
Le plus fort renforcement concerne les U.U de 10 à 20 000 âmes. En 2006, ce
sous-ensemble compte 133 660 habitants, soit 7,4% des résidents alsaciens. Mais
on y trouve 9,4% des emplois LT. (contre 8,9% en 1999). Les 47 unités qui
composent ce groupe ont fixé 40% des gains en postes de travail réalisés sur
l'ensemble des UU analysées : le bénéfice 1999-2006 y est de près de 9 000. Si
des pertes ont eu lieu dans les activités industrielles et artisanales, les
augmentations en actifs tertiaires LT dépassent les 8 270, dont 1 900 dans les
services aux particuliers et 1 290 dans ceux tournés vers les entreprises. On note
en même temps que les emplois de cadres supérieurs y ont nettement augmenté
(de 5 748 à 8 608 entre 1999 et 2006, taux de près de 50%, contre 39% pour les
UU <5 000 h., et 33% pour celles de 5-10 000 âmes), de même que ceux de
professions intermédiaires (+ 2 940, taux de gain = 22,4% contre 23,3 et 20,2%).
Toutes ces petites agglomérations constituent de notables polarités et consolident
117
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
leur centralité depuis une dizaine d'années.
Le groupe des UU de 20 à 50 000 hab. n'offre pas autant de transformations.
En part de population régionale, il ne totalise que moins de 100 000 âmes ; les
emplois y sont plutôt stables, autour de 40.000 (+ 1 230 sur l'ensemble de ces 22
villes entre 1999 et 2006, et + 2 070 dans les métiers tertiaires). La proportion des
cadres et des professions intermédiaires ne dépasse pas celle désormais atteinte
par le groupe des U.U de 10 - 20 000 âmes, qui ont également rejoint leur niveau
d'emplois d'administration par habitant. L'interprétation que l'on peut avancer est
que les mutations de leurs fonctions avaient eu lieu dès avant 1999, à la
différence des unités plus petites : centralité confirmée, animation soutenue dans
leur zone d'influence, implantations d'établissements en voisinage...
NB : les agglomérations de Colmar ou de Haguenau dépassaient déjà les 50 000
âmes en 1999. Les diffusions externes d'activités ou de résidences y concernent
aussi des deuxièmes couronnes, comme également à Saint-Louis, Guebwiller ou
Sélestat.
À travers ces notations, ressortent plusieurs éléments :
a) une diffusion plus ample des activités publiques et privées de l'économie
résidentielle, adossée aux divers niveaux d'agglomérations ;
b) compte tenu des proximités fréquentes entre villes, la distribution des
activités économiques, y compris de niveau cadre ou profession intermédiaire,
peut profiter à plusieurs niveaux urbains ;
c) il faut se garder toutefois de trop généraliser l'analyse par groupes d'U.U, tant
les profils d'activités hérités sont hétérogènes : certaines sont « tertiaires » de
longue date, d'autres, « industrielles » ont eu à effectuer des rattrapages...et
toutes n'ont pas les mêmes facilités de dessertes... ; il en est aussi qui
évoluent au sein de couronnes de grandes aires urbaines tandis que d'autres
ont leur sort lié à l'évolution des campagnes.
118
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tableau 10 : Les cadres supérieurs, lieux de travail et de résidence
Gains par zones
Alsace entière
villes-centres de ZAU
1ères couronnes
2èmes couronnes
communes multipolarisées
espaces à dom.rurale
Au lieu
% localisés
Au lieu
de travail des gains de résidence
22350
25234
11144
49,9
6334
5029
22,5
5197
3237
14,5
7215
748
3,3
667
2192
9,8
5821
% localis.
des gains
25,1
20,6
28,6
3
23,1
Ces indications soulignent la prééminence des villes-centres
Tableau 11 : Emploi tertiaire et villes-centres
Total empl Emploi % tert/ Total empl Emploi % tert/
1999 tertiaire
tot.
2006 tertiaire
tot
UU < 5000
5-10 000
10-20 000
20-50 000
Alsace
68517
36861
61106
39147
687767
35202
23768
35 15
23393
461167
51,4
64,5
57,6
59,8
67
76459 43237
41375 26977
70071 43429
40273 25463
744441 523916
56,5
65,2
62
63,2
70
Tableau 12 : Ventilation des évolutions dans les services aux entreprises et aux
particuliers 1999-2006 (LT)
Catégories Empl. serv. entreprises Empl. serv. Particuliers Administration
d'UU
1999
2006
1999
2006
2007
< 5 000
5453
6487
4060
4568
3362
5-10 000
2861
3297
2424
2726
2365
10-20 000
5475
6764
3749
563
4064
20-50 000
4083
4169
2357
2544
2817
Il reste que la préoccupation de saisir les places détenues par les strates
inférieures de l'armature urbaine régionale est justifiée : ne serait-ce que dans des
travaux comparatifs interrégionaux : l'Alsace ne peut faire abstraction de cette
spécificité historique et géographique qui la singularise. À travers ce dossier, se
lisent des aspects intervenant dans son modèle spatial de développement, dans
les conditions d'un passage d'une métropolisation centrée vers une métropolité
régionale, dans les regards à porter aux mutations tant des « économies
de production » que dans les « économies
résidentielles » , voire
« présentielles », et à relier aux changements nourris de « l'économie numérique »
à l'œuvre aujourd'hui.
119
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2. Vers des fractures
L‟idée qu‟il puisse exister une fracture sociale est particulièrement douloureuse
en Alsace et dans le monde rhénan. Au cours de l‟histoire, on a toujours cherché
des compromis entre le monde du travail et celui du capital ; la négociation, voire le
consensus, sont inscrits dans les mentalités ; et le parti communiste, qui
revendiquait la lutte des classes, n‟a jamais pesé lourd dans la vie politique
alsacienne, d‟autant moins que beaucoup d‟ouvriers étaient aussi des paysans.
Mais à présent les digues locales cèdent devant la globalisation des mentalités.
Le « modèle d‟Amsterdam », où les différentes populations vivent ensemble, est en
repli devant le « modèle de Johannesburg » avec des communautés fermées de
riches (usuellement blancs) et des quartiers populaires faits de « matchboxes », de
boîtes d‟allumettes pour personnes en général de couleur (mais non
exclusivement). En filigrane se pose la question des classes moyennes et de leur
déclin.
Ainsi, quels sont les signes, voire les faits avérés, annonciateurs d'une rupture
peut-être définitive dans l'histoire de la société alsacienne, au moment même où
sa langue est en train de quasiment disparaître ? Seules les parties centrales des
villes semblent préservées de cette évolution ; elles sont le creuset du
multiculturalisme, un brin intellectuel à Strasbourg et franchement populaire à
Mulhouse ; mais les clivages réapparaissent selon les quartiers, voire les îlots. Les
premières couronnes avaient connu une forte expansion durant les Trente
Glorieuses ; elles abritent de l'habitat collectif déjà ancien et peu attractif, avec des
populations en difficulté. Ce sont les secondes couronnes et leur au-delà qui
connaissent les dynamiques les plus fortes, avec l'émergence de périphéries
aisées heureuses, mais aussi d'espaces de relégation. Le tout est brassé,
redistribué et rendu confus par les flux. Les migrations de travail au quotidien ne
cessent de s'allonger et de se disperser ; les écoles privées, qui sont devenues un
lieu par excellence de la reproduction sociale des élites, ont des bassins de
recrutement de grande envergure. Les comportements électoraux dessinent
progressivement une carte de la ségrégation socio-spatiale...
120
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2.1 Radioscopie des fractures scolaires alsaciennes – Francis Fuchs, Raymond
Woessner
L‟Académie de Strasbourg est une petite académie puisqu‟elle n‟est composée
que de deux départements. Mais cela n‟empêche pas le développement en son
sein de véritables fractures scolaires, ce qui traduit l'évolution des composantes
sociales dans les différents points du territoire. L‟excellence des performances
scolaires est donc loin d‟être une réalité partagée sur le territoire alsacien. Certains
lieux académiques sont manifestement en cours de ghetthoïsation, soit parce qu'ils
tendent à rassembler des populations uniquement aisées, soit au contraire parce
qu'ils deviennent des espaces de relégation où l'école, qui devrait être le levier de
l'ascenseur social, ne parvient plus à remplir sa mission. Au niveau national, le
débat sur la fracture scolaire a déjà été entamé. À propos des Zones d‟Éducation
Prioritaires (ZEP), Éric Maurin a observé que le fait de classer un établissement
scolaire en ZEP conduit à un effet d‟évitement du quartier par des familles de
classes moyennes ou supérieures, ce qui renforce la ghettoïsation à long terme ;
mieux vaudrait, selon lui, ne pas territorialiser l‟aide mais l‟affecter aux seuls élèves
en difficulté, d‟autant plus qu‟on trouve en zone ZEP également des ménages sans
problèmes sociaux alors que de nombreux ménages en difficulté résident à
42
l‟extérieur des périmètres aidés .
Des fractures qui persistent et qui s’aggravent
La confrontation d‟un certain nombre de données sociales comme l‟origine
socio-professionnelle des publics scolaires (l‟indicateur statistique utilisé est celui
du pourcentage d‟élèves issus de la catégorie « ouvriers et sans emploi ») et un
certain nombre d‟indicateurs scolaires (comme le pourcentage d‟élèves orientés
vers les secondes générales et technologiques et la « valeur ajoutée » pour les
résultats au baccalauréat) permet de dégager deux sortes de fractures.
La première fracture est géographique. Il y a depuis de nombreuses années
une différence presque structurelle entre le Bas-Rhin et le Haut-Rhin et plus
précisément sur la limite septentrionale du Bassin potassique. Le caractère plus
« ouvrier » de cette partie du Haut-Rhin, qui englobe à la fois l‟ancien bassin
potassique, l‟agglomération mulhousienne, les vallées de la Thur et de la Doller et
les zones frontalières méridionales, s‟explique à la fois par l‟ancien héritage
industriel et par la zone de recrutement des travailleurs frontaliers. Les difficultés
chroniques de ces différents bassins d‟emplois rejaillissent d‟une certaine manière
sur les difficultés scolaires de bon nombre d‟élèves de collèges et de lycées.
La deuxième fracture est culturelle et se lit dans le contraste brutal entre les
établissements publics et les établissements privés sous contrat. Les collèges et
lycées privés (environ 13,5% des publics scolaires) se caractérisent avant tout par
un faible pourcentage de CSP défavorisées (plus de 12 points d‟écart avec le
public), par une très forte proportion d‟élèves orientés vers les secondes générales
et technologiques et par une plus forte valeur ajoutée pour le bac. Les pesanteurs
42
Maurin E. (2004), Le ghetto français, Paris Seuil, 96 p.
121
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
sociologiques déterminent en grande partie les parcours scolaires. D‟autres (l‟école
de Bourdieu en particulier) l‟ont démontré dans les années 1960. En 2011, les
clivages sont toujours aussi marqués ! Cette première analyse doit cependant être
affinée.
Tableau 13 : Deux lignes de fractures
Public (1)
Collèges
Privé (2)
Lycées
Collèges
CSP
déf.(3)
vers
2GT(4)
CSP déf. VA
(5)
44,2 %
60,3 %
27,0 %
+ 0,59
Haut-Rhin 49,7 %
59,2 %
33,0 %
Académie 46,5 %
59,9 %
29,4 %
Bas-Rhin
Bac CSP
déf.
Lycées
vers 2GT
CSP déf.
7,8 %
82,2 %
16,1 %
- 1,04
21,0 %
68,3 %
17,0 %
- 0,37
15,3 %
74,4 %
16,50%
Source : Indicateurs pour le Pilotage des Établissements du Second degré (MEN, 2009)
pour les CSP et l‟orientation. Site de « L‟Express » pour la VA Bac.
Remarques :
(1) 108.138 élèves dans 141 collèges (85 dans le Bas-Rhin et 56 dans le Haut-Rhin) et 45
lycées (25 dans le Bas-Rhin et 20 dans le Haut-Rhin).
(2) 16.919 élèves dans 20 collèges (9 dans le Bas-Rhin et 11 dans le Haut-Rhin) et 13
lycées (7 dans le Bas-Rhin et 6 dans le Haut-Rhin).
(3) Catégories socio-professionnelles défavorisées (essentiellement ouvriers dans les
indicateurs)
(4) Pourcentage des élèves de troisième orientés vers les secondes générales et
technologiques. Le reste est orienté vers les secondes professionnelles ou
l‟apprentissage.
(5) Valeur ajoutée bac : il s‟agit de la différence entre le taux de réussite attendu au bac du
lycée en question par rapport à la moyenne académique. La moyenne a été calculée sur
la période 2000-2009.
Un moteur à six vitesses
Quand on croise les données sociologiques (CSP défavorisées) et les données
scolaires (orientation après la troisième pour les collèges et valeur ajoutée au bac
pour les lycées), on est en présence d‟un moteur scolaire à 6 vitesses. Ce sont les
deux catégories extrêmes qui sont les plus frappantes. La 1 ère catégorie, qui
représente environ 20 % des effectifs, se caractérise à la fois par un public scolaire
sociologiquement très favorisé et par des pratiques « élitistes ».Les établissements
privés sont particulièrement représentés. Les établissements publics sont
implantés soit dans les centres bourgeois (Pontonniers, Bartholdi…) ou dans
certaines villes moyennes alsaciennes (Obernai, Thann…). La dernière catégorie
(environ 9 % des publics scolarisés) est à l‟opposé. Les publics scolarisés sont très
majoritairement des enfants des catégories sociales défavorisées et l‟école n‟arrive
plus à leur assurer les mêmes chances de réussite scolaire. Le contraste est
particulièrement violent dans la ville de Mulhouse où s‟opposent deux systèmes
122
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
scolaires : l‟élitisme pour les établissements privés, la relégation pour presque tous
les établissements publics. Entre les deux extrêmes se trouve un peloton d‟ailleurs
lui-même scindé en deux grandes catégories de poids équivalent (les catégories 4
et 5).
Tableau 14 : Six catégories d‟établissements scolaires
Collèges
Orientation vers
Secondes générales
et technologiques
> 69 %
Lycées
CSP
Valeur
défavorisées
ajoutée Bac
Kléber / Str, Vendenheim, Espalanade /
Str, Pfulgriesheim, Truchtersheim, Foch /
Str, Freppel / Obernai, V.Hugo / Colmar,
Parc / Illkirch, Souffelweyersheim
Pontonniers / Str, Freppel /
Obernai, Bartholdi / Colmar,
Dumas / Illkirch, Ribeauvillé,
Meck / Molsheim, Schuré / Barr,
Scheurer-Kestner / Thann
Gymnase Sturm, Aquiba, StEtienne / Str. Collège Episcopal /
Zillisheim, Séminaire Jeunes /
Walbourg,Don Bosco / Landser,
Jeanne d‟Arc / Mulhouse, StePhilomène / Haguenau, Doctrine
Chrétienne / Strasbourg
CSP
défavorisées
Catégorie 1
Public
Privé
Catégorie 2
Public
Privé
Catégorie 3
Public
Privé
Catégorie 4
Public
Privé
<30 %
Berge, Aquiba, St-Etienne, ND de Sion,
Divine Providence /Str, Ste-Ursule /
Riedisheim, Jeanne d‟Arc / Mulhouse,
Don Bosco / Landser,St-Jean / Colmar,
Champagnat / Issenheim Assomption,StAndré / Colmar, Missions / Haguenau,
JeanXXIII / Mulhouse
<30 %
< 59 %
< 30 %
>2
< 30 %
<0
Brumath, Meck / Molsheim, Gerstheim, Fustel / Str, Kirschleger / Munster,
Rouffach
Couffignal, M.Curie / Str, Kastler /
Guebwiller, Camille Sée / Colmar,
Deck / Guebwiller, Le Corbusier /
Illkirch
St-Joseph / Rouffach, Ste-Marie /
St-Joseph de Cluny/Mulhouse
Ribeauvillé
<30 %
> 59 < 69
Achenheim, Eschau, Rosheim,
Mundolsheim, Eckbolsheim, Marlenheim,
Illfurth, Bugatti / Molsheim, Fustel / Str,
Geispolsheim
Séminaire Jeunes / Walbourg, Missions /
Blotzheim
> 30 %
> 59 %
La Wantzenau, Robertsau/Str,
Kaysersberg, Riedisheim, Barr,
Fortschwihr, Habsheim, Ribeauvillé,
Orbey, Wintzenheim, Poincaré/Saverne,
Dambach, Roseaux/Illkirch, Châtenois,
Pasteur/Str, Weiss/Str, Ingersheim,
Kingersheim, Schweighouse, Vauban/Str,
Soultz, Lutterbach, Sources/Saverne,
Fessenheim, Hégenheim,
Foch/Haguenau, Galilée/Lingolsheim,
Ottmarsheim, Wissembourg,
Europe/Obernai, Buhl, La Walck, Cernay,
Hirsingue, M.Alexandre / Lingolsheim,
Walch/Thann, Marckolsheim, Pagnol /
Wittenheim, Sarre-Union,
A.Franck/Illzach, Diemeringen,
Erasme/Str, Schickelé/St-Louis
St-Joseph/Matzenheim
123
< 30 %
>0<2
Kléber / Str, Yourcenar / Erstein,
M.Bloch / Bischheim,
Leclerc/Saverne, Schwilgué/Sél
Ste Clotilde / Strasbourg
> 30 %
>0
Haut-Barr / Saverne, Marchal /
Molsheim, Koeberlé / Sélestat,
Henner / Altkirch, Storck /
Guebwiller, Zeller / Bouxwiller,
Eiffel / Cernay, Heinrich /
Haguenau, Bugatti / Illzach,
Stanislas / Wissembourg, Maurois
/ Bischwiller, Zurcher/ Wittelsheim
Sonnenberg/Carspach
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Catégorie 5
Public
Privé
Catégorie 6
Public
Privé
> 30 %
< 59 %
Wasselonne, Hochfelden, Hoerdt,
Sierentz, Heiligenstein, Burnhaupt,
Brunstatt, Villé, Munster, Dannemarie,
Erstein, Rhinau, Masevaux, Ostwald,
Altkirch, Mentel/Sélestat, Ensisheim,
Pfastatt, Monnet/Str, Marmoutier,
Schirmeck, Bouxwiller, Rixheim, Benfeld,
Faesch/Thann, Sundhouse, Ried /
Bischheim, Wingen, Mertzwiller, Ferrette,
Ingwiller, Kléber/Haguenau, St-Amarin,
Drusenheim, Village-Neuf, La Broque,
Leclerc / Schiltigheim, Woerth,
Volgelsheim, Niederbronn, Beatus
Rhenanus / Sélestat, Lauterbourg,
Seppois, Soufflenheim, Berlioz / Colmar,
Soultz-sous-Forêt , Guebwiller, Péguy /
Wittelsheim, J.Verne / Illzach, Saut du
Lièvre / Bischwiller, Drulingen, Rouget de
Lisle / Schiltigheim, Reichshoffen, JoliotCurie / Wittenheim ,Seltz, Bel Air /
Mulhouse, Pfeffel / Colmar, Kennedy /
Mulhouse
> 30 %
> 45 %
<0
M.Rudloff/Str, L.Weiss/Ste-Marieaux-Mines,
Montaigne/Mulhouse,
B.Pascal/Colmar, Pasteur/Str.,
Mermoz/St-Louis, Imbert/SarreUnion, Lavoisier/Mulhouse,
Cassin/Strasbourg
< 49 %
Lamartine / Bischheim, Twinger / Str,
Maurois / Bischwiller,Truffaut, Stockfeld,
S.Germain, Solignac, Lezay-Marnésia /
Str, Villon, Wolf, Bourtzwiller, St-Exupéry,
J.Macé / Mulhouse, H.Arp/Str, Molière /
Colmar
-
> 45 %
< -3
Lambert, L.Armand,
A.Schweitzer/Mulhouse,
J.Monnet/Str
-
Remarque : les établissements sont classés dans chaque catégorie par ordre croissant des
catégories socio-professionnelles défavorisées. Les mentions des collèges et lycées basrhinois et haut-rhinois peuvent par conséquent se mélanger.
124
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Quels remèdes pour réduire les fractures ?
Cette question est fondamentale pour l‟avenir du modèle scolaire alsacien. Si la
prise de conscience date des années 1980, les politiques scolaires récentes et
certains projets ne brillent pas par leur ambition. Pour réduire les fractures
scolaires, elles utilisent plutôt la «thérapie du sparadrap ». Notre ministre tente,
avec la complaisance de certains, d‟élargir le réseau des (E)CLAIR qui offrent le
moins à ceux qui en auraient besoin le plus. En ressortant le projet poussiéreux de
« l‟école fondamentale » on revient au XXème siècle. En imposant sans concertation
et sans moyens la « contre-réforme » des lycées, on pérennise et aggrave les
fractures. En favorisant systématiquement les établissements privés (la dotation
des établissements privés a été encore augmentée de plus de 7 % en 2011), la
majorité alsacienne renforce encore davantage les fractures. C‟est un tout autre
projet qu'il faudrait promouvoir pour sortir de l‟impasse. Dès la maternelle il faudrait
scolariser le plus tôt possible les enfants des milieux les plus défavorisés.
L‟académie de Strasbourg détient – faut-il le rappeler – le peu enviable record de la
sous-scolarisation des 2 ans. C‟est une véritable synergie qu‟il faut promouvoir par
une véritable politique de la ville dans les quartiers défavorisés des trois grandes
agglomérations alsaciennes. Ce sont enfin les trois voies (générale, technologique
et professionnelle) qu‟il faut consolider dans les lycées. L‟exemple des
performances remarquables accomplies jusqu‟à présent en particulier par les
lycées polyvalents industriels (Marchal/Molsheim, Haut-Barr/Saverne…) est la
meilleure preuve que, « les yeux grands ouverts sur le réel », on peut faire le pari
de l‟intelligence et de la diversité !
125
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 8 : Différenciations entre collèges
126
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 9 : Différenciations entre lycées
127
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2.2 Les élections régionales 2010 – Article DNA de Claude Keiflin, dimanche 7
novembre 2010 (ref. TE 02, pages régionales)
Dis-moi si tu habites au cœur de la ville ou en deuxième périphérie, et je te dirai
comment tu votes. Ou alors dis-moi comment tu as voté et je te dirai où tu résides.
C'est en gros le périlleux exercice auquel se livrent les spécialistes des statistiques
depuis les élections régionales. Les conclusions politiques ne sont pas évidentes à
tirer.
L'Association de prospective rhénane organisait l'autre soir au Pôle européen
de gestion et d'économie à Strasbourg une rencontre sur le thème : « Les élections
régionales de 2010 en Alsace : vers de nouvelles significations sociales et
spatiales ? ». Une affiche alléchante pour une conclusion plus mitigée, car il n'est
pas simple de réduire les complexes motivations ou impulsions de vote des
individus à une feuille de calcul Excel.
Bernard Aubry, ancien de l'INSEE, a travaillé sur les variables urbaines du vote.
Il retient le découpage de l'Alsace selon les « polarisations », les pôles étant
l'ensemble des villes centres, la population qui vit au cœur des onze aires
urbaines, soit environ 620 000 habitants en Alsace ; les premières couronnes (par
exemple 19 communes autour de Strasbourg : Schiltigheim, Bischheim, Illkirch,
Ostwald...) comptent environ 400 000 habitants ; les deuxièmes couronnes
communes périurbaines pouvant aller jusqu'à 50 km du cœur de pôle, représentent
environ 230 000 habitants.
Présence d'enfants d'immigrés et vote d'extrême-droite ne sont pas liés
L'analyse des votes en fonction des polarisations donne des résultats évidents
pour certains, surprenants pour d'autres. La différence de participation est
importante : on vote beaucoup moins dans les pôles qu'en périphéries. La
répartition des réserves de voix entre les deux tours (nouveaux votants, centristes
éliminés du 2ème tour, écologistes qui n'avaient plus de tête de liste) montre que
Richert a progressé beaucoup plus en périphérie qu'au centre alors que pour
Bigot, c'est l'inverse. En revanche, il n'y a pas de lien évident entre la présence des
enfants d'immigrés en âge de voter et les scores de l'extrême-droite. Près de la
moitié des enfants d'immigrés habitent au centre alors que le vote d'extrême-droite
est surtout le fait des périphéries.
Jean-Paul Villette, de l'université de Strasbourg, spécialiste des statistiques
exploratoires, a classé les communes alsaciennes (hors Strasbourg, Mulhouse et
Colmar) qui avaient des caractéristiques de vote identiques en quatre clusters. 465
communes ont voté un peu plus écolo et UMP que la moyenne. 256 communes
ont donné à Richert un score beaucoup plus élevé que la moyenne régionale. 65
communes se sont un peu plus abstenues que la moyenne et 114 communes ont
donné une nette préférence à la liste Bigot et au Front de gauche.
128
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Qu'est devenu le « peuple » ?
Raymond Woessner a traduit ces quatre clusters en carte et Richard
Kleinschmager a été invité à en tirer, ex abrupto, les enseignements politiques.
Philippe Richert, remarque le politologue, a réussi une mobilisation intense là où il
est déjà très fort, en Alsace du Nord et dans le vieux fief gaulliste du Sundgau. La
carte de la gauche recouvre celle du vieux tissu industriel, la vallée de la Bruche,
les secteurs de Reichshoffen, Niederbronn, le Bassin Potassique.
Figure 10 : Les élections régionales de 2010 par commune
Les néoruraux se ruralisent dans leur comportement électoral
« Les centres des grandes villes ont subi un phénomène de « gentrification »,
autrement dit, les bobos ont pris la place des ouvriers. Les classes moyennes
inférieures ont été prises dans le processus de périurbanisation lointaine, ce qui
est peut-être pénalisant en termes de transports, de difficultés à trouver du travail
sur place. Ces gens qui votaient à gauche tant qu'ils habitaient en ville se
129
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
retrouvent plus facilement dans le vote FN. C'est cohérent avec la remarque sur
les enfants d'immigrés ; plus on s'éloigne des centres villes, moins il y en a et
pourtant on constate dans ces zones périurbaines lointaines un fort taux de vote
FN » analyse Richard Kleinschmager.
On n'a malheureusement pas la même lisibilité de la périurbanisation que de la
« banlieue ». « Qu'est devenu le peuple ? On a l'impression qu'il s'est dissous dans
la périurbanisation et qu'il a perdu ses repères. On constate en tout cas dans cette
périurbanisation une appétence pour la droite plus que pour la gauche », dit
encore Richard Kleinschmager. Selon Raymond Woessner, « les néoruraux se
ruralisent dans leur comportement électoral. On peut se demander si la société
n'est pas en train de se casser en deux, avec un périurbain de gens heureux,
prospères et conservateurs, et d'autres territoires périurbains qui décrochent, par
exemple dans le Haut-Rhin industriel traditionnel. Cette fracture ne risque-t-elle
pas de s'aggraver à l'avenir ? ».
2.3 Voisinage et périurbanisation – Bernard Aubry43
Hormis aux États-Unis et en Europe du nord la question de la mesure de la
composition du voisinage n‟a été abordée que récemment en France où, pourtant,
la mixité sociale est devenue aujourd‟hui une préoccupation lancinante, d‟autant
que les principes républicains s‟accommodent mal de l‟idée de ségrégation
sociale. Certes une distribution parfaitement uniforme de la population n‟est pas un
objectif réaliste, ne serait-ce que pour des raisons économiques. Ainsi, autrefois, il
y avait dans les villes des rues réservées à certaines corporations ainsi que des
quartiers peuplés de population réparties selon le rang social ou l‟appartenance
religieuse. Après la guerre, avec l‟augmentation passive – entrée dans la vie adulte
des enfants du baby-boom, migrations issues des campagnes et de l‟étranger – de
la population et l‟immigration, cette dernière s‟est trouvée concentrée dans certains
quartiers des villes et de leur périphérie. Éventuellement on a même assisté à une
véritable ségrégation de certaines catégories de population, les plus pauvres,
souvent des étrangers, parfois parqués dans des bidonvilles.
Quand le statisticien cherche à quantifier les phénomènes sociaux, il se doit de
préciser d‟abord les concepts qu‟il va utiliser. En l‟occurrence, on peut énoncer
d‟emblée deux notions bien distinctes. Celle de concentration et celle d‟entre-soi.
La notion de concentration renvoie aux différences dans les proportions d‟un
groupe d‟un territoire à l‟autre. Ainsi quand dans un pays on dénombre par
exemple 10% de la population appartenant à un groupe social, on constatera une
43
Cette étude s‟appuie sur une communication présentée au colloque de l‟Association
Internationale
de
Langue
Française
(AIDELF
–
Québec
2008),
http://www.erudit.org/livre/aidelf/2008/001535co.pdf. On trouvera également en ligne deux
présentations faites par Michèle Tribalat sur cette question de la mixité/ségrégation :
audition le 4 novembre 2010 auprès des membres de la délégation sénatoriale à la
prospective
présidée
par
Fabienne
Keller
(http://videos.senat.fr/video/videos/2011/video7471.html) et présentation au CAMS (Centre
d‟Analyse et de Mathématique Sociales – EHESS, le 15 novembre 2010,
http://cams.ehess.fr/docannexe.php?id=1010.
130
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
concentration variable selon les territoires : 5% dans telle ville, 12% dans telle
autre, etc. La notion d’entre-soi renvoie plutôt à la propension des personnes d‟un
groupe donné à vivre ou non les uns à côté des autres. Dans le cas extrême,
l‟entre-soi conduit à la séparation complète des populations, comme si un mur
symbolique partageait une ville. Les indicateurs de l‟entre-soi sont a priori
indépendants de ceux de la concentration. Ainsi dans une ville où un groupe donné
est fortement représenté (concentration élevée) on peut imaginer deux cas
extrêmes : le cas de mixité complète et le cas de ségrégation complète. Mais,
même si les membres d‟un groupe très nombreux ont un voisinage correspondant
exactement à leur proportion dans la ville (mixité complète), leur voisinage peut
ressembler à celui observé dans une ville où ils sont bien moins nombreux mais
fortement ségrégués. À cette notion d‟entre-soi on peut ajouter celle connexe
d‟exposition à un groupe, par exemple la proportion des voisins des personnes
d‟origine algérienne qui sont voisins de personnes d‟origine française. Une analyse
statistique approfondie conduit à la création de nombreux indicateurs élémentaires
correspondant chacun à l‟attraction/répulsion des différentes composantes de la
population. On en vient alors à chercher à résumer l‟intensité des phénomènes
étudiés par un seul indicateur synthétique de voisinage, un indicateur d‟écart à la
mixité sociale complète, qui, comme toujours en la matière, se révèle parfois
réducteur, mais qui seul permet de donner une vision d‟ensemble (voir encadré en
annexe). Ces indicateurs ont été élaborés à partir du fichier SAPHIR (Système
d‟Analyse de la Population par l‟Historique des Recensements) et portent sur les
enfants âgés de 0-17 ans44.
L‟objet de l‟ouvrage étant de proposer une meilleure connaissance des
phénomènes liés à la périurbanisation, nous avons donc opéré certains choix en
matière de définition des territoires. L‟aire urbaine composée à l‟issue du
recensement de 1999 est la référence. On a retenu sept aires urbaines parmi les
plus importantes, des aires dont la population totale oscille entre 450 000 et un
million d‟habitants. On exclut donc les quatre plus grandes aires urbaines (Paris,
Lyon, Marseille et Lille) qui mériteraient sans doute des analyses spécifiques ainsi
que quelques autres (dont Nice, Toulon, Douai-Lens), des aires urbaines dont la
morphologie et les fonctions sont jugées trop différentes de la moyenne des autres
unités étudiées. Au sein de ces unités géographiques, on distingue trois niveaux
géographiques, le centre, la première et la seconde couronne tels qu‟utilisés
habituellement dans les travaux portant sur l‟étalement urbain. Les autres choix
sont tributaires des informations et des nomenclatures fournie par le système
statistique.
44
Il est possible de construire une variable « origine » seulement pour cette tranche d‟âges
en exploitant les bulletins des parents collectés dans la famille lors des recensements ou
des enquêtes annuelles.
131
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Un indicateur d’entre-soi
Les variables de base sont les origines, comprenant au maximum quatorze
modalités et les catégories socioprofessionnelles en huit postes. L‟unité statistique
est l‟enfant de moins de 18 ans à qui on attribue les caractéristiques de ses
parents, ce qui implique là aussi certaines conventions (pour les couples mixtes et
les familles monoparentales). La démarche consiste à comparer, pour un territoire
et un groupe donnés, deux proportions : celle des individus du groupe de référence
à celle des mêmes individus habitant dans le voisinage proche. Cette analyse est
possible grâce au classement des bulletins de recensements voisins dans les
fichiers informatiques qui fait que les voisins dans le fichier ont de très fortes
chances de l‟être aussi dans la vie. En d‟autres termes, tout logement est encadré
par une série de logements précédents et suivants qui, sauf saut d‟îlot, territoire de
base du recensement, sont limitrophes les uns des autres. Comme les bulletins de
recensement sont exploités par sondage (un sur quatre, voire un sur cinq), les
logements voisins du logement L seront L-4 ou L+4 si le taux de sondage est de un
sur quatre. Ici ne seront traitées que les données de recensement compilées dans
les exploitations au ¼ de 1968 à 199945. Cette façon de faire permet de s‟affranchir
des limites administratives de la région, du département ou de la commune, de
tailles et de peuplement variables. Les résultats ont donc un sens même si la
prudence est plus que jamais de rigueur et ce d‟autant plus que la base statistique
utilisée par l‟auteur (SAPHIR) n‟est plus accessible. Ainsi pour un groupe
représentant 1% de la population (les Turcs, les Africains…), pour un ensemble
d‟un million d‟habitants, on dénombre environ 400 000 logements, dont un quart
(100 000) sert de référence. Cela fait donc 1 000 ménages dont on observe le
voisinage pourvu qu‟ils aient au moins un enfant en leur sein. En supposant que ce
soit le cas et qu‟il y ait au moins un enfant dans les deux logements encadrants, on
a alors quelque 2 000 voisins. Si la distribution des voisins est aléatoire, on ne
trouvera donc qu‟une vingtaine de voisins du même groupe, ce qui rend les
comparaisons entre groupes parfois hasardeuses (ex. les résultats comparés pour
les Algériens dans les communes de la seconde couronne en 1968 et 1975).
Voisinage et concentration dans le centre et les couronnes des aires urbaines
On propose une série de graphiques concernant les enfants d‟origine étrangère
comparant l‟entre-soi et la concentration du centre à la périphérie des villes des
sept aires urbaines retenues (Toulouse, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes,
Grenoble, Montpellier). Les données pour la France métropolitaine figurent à titre
de référence.
La première série de graphiques porte sur l‟ensemble des enfants d‟origine
étrangère. À l‟échelle de la métropole, l‟entre-soi s‟est accru jusqu‟au début des
années 1980 pour se stabiliser ensuite un peu au-dessus de 40%. Autrement dit,
entre 1982 et 1999, les jeunes d‟origine étrangère ont eu en moyenne 4 voisins sur
dix d‟origine étrangère. C‟est bien supérieur à la part des enfants d‟origine
45
Des tests préalables effectués par comparaison avec les fichiers exhaustifs ont montré
que l‟effet du pas n‟est pas déterminant, du moins s‟il est de l‟ordre de celui du tirage de
l‟exploitation censitaire.
132
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
étrangère en France, même si celle-ci s‟est accrue. En 1968, c‟est en première
couronne que la concentration et surtout l‟entre-soi sont les plus élevés. La
concentration va doubler en trente ans au centre-ville quand elle va stagner en
première couronne et même diminuer en deuxième. Les écarts de concentration
entre centre et périphérie des villes se sont donc creusés. Il en va de même des
voisinages. Dans les années 1990, au centre-ville, plus d‟un voisin sur deux des
enfants d‟origine étrangère l‟est aussi en centre-ville, contre 27% en première
couronne et 11% en deuxième couronne. En seconde couronne, l‟entre-soi, qui
avait atteint jusqu‟à 40% au début des années 1980, a perdu treize points. Dans ce
type de territoire où l‟habitat est beaucoup plus dispersé, les jeunes d‟origine
étrangère sont peu nombreux et vivent dans un voisinage presque aussi diversifié
qu‟il peut l‟être.
Figure 11 : Concentration (en %) et entre-soi (%) – 1968-1999
Pourcentage des jeunes d‟origine étrangère (G-1a) maghrébine (G-1b), algérienne
(G-1c), marocaine (G-1d) ou sud-européenne (G-1d), selon la position dans l‟aire
urbaine – Comparaison avec la Métropole (graphiques de gauche)
Mode de lecture – 1999, métropole : 17% des enfants sont d‟origine étrangère pour un
entre-soi de 42%. On note que l‟entre-soi est toujours supérieur à la concentration.
Rappelons que pour le voisinage, les données de 1975 ne sont pas, en toute rigueur,
ème
comparables à celles des autres recensements, à cause du taux de sondage au 1/5
(au
lieu du quart). De même il n‟est pas sûr que les indicateurs de 1999 soient également
parfaitement comparables à celles des recensements précédents (le tirage était au ¼, mais
il était effectué selon une méthode plus sophistiquée que le tirage systématique qui avait
cours précédemment).
Les sept aires urbaines : Toulouse, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Rennes, Grenoble,
Montpellier.
133
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
134
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
L‟indicateur d‟entre-soi n‟est réellement satisfaisant que si la population auquel
il correspond est homogène, ce qui n‟est pas le cas par exemple lorsque des
enfants d‟origine algérienne voisinent, par exemple, avec des enfants d‟origine
portugaise. Cela renseigne surtout à quel point ils ont ou non des petits voisins
d‟origine française dans leur entourage. Regardons ce qu‟il en est pour des
groupes plus homogènes. Le niveau de ségrégation moyen des enfants d‟origine
maghrébine a régressé en moyenne en France à partir de 1982 comme dans les
centres et les deux couronnes. Pour les trois zones, jusqu‟en 1982, l‟entre-soi s‟est
accru, tout particulièrement dans les centres-villes. Au début des années 1980,
l‟entre-soi est compris entre 40% et 50% dans les trois zones. C‟est à la périphérie
des villes, là où les enfants d‟origine maghrébine sont peu nombreux, que le
135
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
voisinage s‟est le plus diversifié. Les sept aires urbaines retenues ne reflètent pas
les changements qui ont affecté le voisinage des enfants d‟origine algérienne en
France qui ont de moins en moins voisiné avec leurs pairs ethniques : un de leurs
voisins sur trois était d‟origine algérienne en 1968, ce n‟est plus le cas que d‟un sur
sept en 1999. Leur voisinage s‟est diversifié, certes, mais en bonne partie grâce
aux flux migratoires dont la composition a d‟ailleurs beaucoup varié au cours des
décennies. On pourrait ainsi mettre en relation l‟évolution des indicateurs avec
l‟histoire du regroupement familial ou avec le nombre d‟années de résidence en
France. Peu nombreux à la fin des années 1960, les enfants d‟origine marocaine
n‟étaient pas alors particulièrement ségrégués. Avec leur accroissement
numérique, l‟entre-soi va s‟accroître fortement, surtout dans les centres-villes. Par
contre, les jeunes originaires d‟Europe du Sud qui ont connu des niveaux de
ségrégation comparables à ceux des enfants d‟origine marocaine, mais à la fin des
années 1960 et seulement dans les premières couronnes où ils étaient plus
nombreux, ont vu leur voisinage se diversifier considérablement dans toutes les
zones, accompagnant, en l‟accentuant, leur reflux numérique.
D’une ville à l’autre
Les évolutions n‟ont pas été uniformes dans les centres-villes des sept aires
urbaines retenues entre 1982 et 1999.
Dans certains cas, l‟entre-soi a accompagné la hausse de la proportion de jeunes
d‟origine étrangère, dans des proportions variables. C‟est le cas à Toulouse,
Bordeaux, et Montpellier. Dans d‟autres, l‟entre-soi n‟a pratiquement pas augmenté
malgré un accroissement notable de la proportion de jeunes d‟origine étrangère,
comme à Nantes, Strasbourg et Rennes. À Grenoble, concentration et entre-soi se
sont maintenus. Montpellier est la ville où les jeunes d‟origine étrangère voisinent
le plus souvent avec d‟autres jeunes d‟origine étrangère. L‟entre-soi des enfants
d‟origine maghrébine a gagné près de trente points quand celui des jeunes
d‟origine sud-européenne, déjà faible en 1982, perdait encore quelques points. La
situation est inverse à Bordeaux, mais c‟est relativement exceptionnel.
136
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tableau 15 : Entre-soi et la concentration dans les centres villes – 1982 et 1999,
en %. Jeunes d‟origine étrangère (dont sud-européenne et maghrébine)
Aire urbaine
Toulouse
Bordeaux
Nantes
Strasbourg
Rennes
Grenoble
Ensemble des jeunes
D‟origine
d‟origine étrangère
Sud-européenne
Entre-soi
Concentration
1982
Entre-soi Concentration
52,9
23,2
15,6
8,4
1999
59,6
28,5
3,5
3,2
1982
34
17
18,9
8,6
1999
41,5
19,2
21,9
5,1
1982
31,5
8,5
0,8
2,4
1999
31,3
14,7
-
1,3
1982
52,1
28,5
17
6,6
1999
55,9
38,5
6,7
3
1982
23,9
7,1
6,3
1,7
1999
27,7
15,1
-
1
1982
55,9
32
19 ,7
12
1999
55,3
31,7
2
5,1
1982
40,6
21,9
8,8
7,3
Montpellier
1999
64,6
32,3
3,5
2,7
Ensemble
1982
47
19,5
14,1
6,4
des 7 AU
1999
53,5
26,1
7
2,9
Un indicateur synthétique : l’écart à la mixité sociale
La complexité des situations nous amène donc à rechercher un indicateur
synthétique. Celui-ci est pour une origine et un territoire (ex. les Algériens d‟une
commune) la somme, pour les différentes origines, des valeurs absolues des
écarts entre concentration et entre-soi. Si la répartition des jeunes de différentes
origines était parfaitement harmonieuse, cette somme devrait être égale à zéro.
Les résultats permettent des classements par villes et territoires, mais par leur
caractère global ils masquent la diversité des situations. À titre d‟exemple sont
présentés les indicateurs pour la moyenne des sept aires urbaines du champ de
l‟étude. Les graphiques sont présentés de façon analogue aux précédents, à ceci
près que les deux courbes superposées représentent chacune un indicateur
d‟écart à la mixité complète : dans un cas celui relatif aux catégories sociales (les
CSP), dans l‟autre cas les origines.
137
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 12 : Deux indicateurs synthétiques d‟écarts à la mixité sociale (origine et
CS) – 1968-1999 – jeunes de moins de 18 ans.
G - 2 Indicateur global d'écart à la mixité sociale
comparaison CSP et origine 1968 - 1999
0,40
Titre de l'axe
Métropole
Centre
Première couronne
Deuxième co
Origine
0,20
CSP
Mode de lecture – Métropole origine 1999 : l‟écart à la mixité sociale est de 0,27 pour
l‟origine et de 0,14 pour la CSP (ces graphiques se distinguent des graphiques G-1 en
ce sens qu‟ils comparent deux nomenclatures (origine et CSP, donc des catégories
d‟origine0,00
différente), alors que les graphiques G-1 ne portent que sur une seule
catégorie, l‟origine,
maisr82
distinguent
indicateurs,
la concentration
et l‟entre
soi.r99
r68 r75
r90 r99 deuxr68
r75 r82 r90
r99
r68 r75
r82 r90
Voir en annexe le mode de calcul.
De façon générale la tendance à la mixité liée à l‟origine a toujours été
supérieure à celle liée à la catégorie socioprofessionnelle. C‟est vrai notamment au
niveau national, beaucoup moins au niveau du centre-ville des grandes aires
urbaines. Néanmoins la baisse de l‟indicateur d‟origine est toujours très forte, au
point que les courbes se croisent dans les deux couronnes.
D‟un centre-ville à l‟autre les indicateurs varient beaucoup. Ainsi on observe un
contraste très marqué entre les villes du nord (Lille notamment, mais c‟est le cas
aussi pour l‟aire urbaine de Douai-Lens) et celles du sud (Montpellier et Toulon en
particulier). Dans l‟ouest, où la proportion d‟immigrés est faible, l‟indicateur lié
d‟origine est inférieur à celui de la CSP.
138
r68 r75
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tableau 16 : Écart à la mixité complète pour les centres-villes de quelques grandes
aires urbaines – 1999
Communecentre
CSP
Origine
Communecentre
CSP
Origine
Paris
0,21
0,2
Strasbourg
0,21
0,15
Lyon
0,25
0,19
Toulon
0,21
0,38
Marseille
0,15
0,25
Rennes
0,22
0,12
Lille
0,11
0,14
Rouen
0,24
0,18
Toulouse
0,22
0,31
Grenoble
0,17
0,23
Nice
0,18
0,24
Montpellier
0,19
0,41
Bordeaux
0,26
0,23
Metz
0,19
0,25
Nantes
0,25
0,16
Nancy
0,26
0,2
La concentration croissante sur certains territoires
Certes on voit bien comment, au plan strict de la mesure conduite avec cet
indicateur, l‟entre-soi a tendance à diminuer, du moins pour les catégories
présentes en France depuis plusieurs décennies. Mais ce qui est vrai pour l'entresoi de la population d'origine étrangère ne l'est pas pour sa concentration. En ce
domaine, les contrastes territoriaux se sont même nettement accentués, comme
en témoigne le graphique suivant qui compare, pour l'Alsace et l'Ile-de-France,
l'évolution du pourcentage des enfants d'origine étrangère de 1968 à 1999, dans
les groupes de communes formées des localités ayant dans chacune des deux
régions les pourcentages extrêmes. L'évolution divergente des deux courbes
franciliennes est particulièrement frappante.
139
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 13 : Concentration (%) des jeunes d‟origine étrangère (%) – 1968-2006 –
comparaison Alsace-Ile-de-France
Alsace – 10 communes de 10 à 30 000 habitants de la première couronne
Ile-de-France – 20 communes de 30 à 80 000 habitants de la première couronne
(voir annexe 2)
On regrette de ne pas avoir pu mener à bien des investigations
complémentaires qui auraient permis de mieux assurer la qualité des indicateurs
proposés. L‟Insee n‟a pas donné suite aux demandes en ce sens et ne semble pas
prêt à diffuser des travaux historiques sur le sujet. Les nouvelles procédures de
recensement ne pouvaient de toute façon pas permettre le suivi rigoureux des
indicateurs calculés (sinon dans les communes de moins de 10 000 habitants
recensées de la même façon que précédemment). Toutefois le nouveau
recensement permet des apports significatifs : périodicité annuelle de la diffusion
des résultats, données à l‟IRIS et, pour les rares chercheurs accédant à la
localisation des logements, des données à l‟adresse. On doit donc s‟attendre à une
efflorescence d‟analyses sur cette question du voisinage et ce d‟autant plus
certaines sources administratives (sécurité sociale) pourraient être utilisées dans
ce but.
140
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Annexe 1 : L’indicateur d’écart à la mixité sociale
Mode de calcul : l‟exemple de Strasbourg (commune-centre)
Agric. Cadres Prof. Employés Ouvriers
+ind. sup
int
C
A
D
R
E
S
S
U
P
Observé (1)
5
Voisinage.
observé.
Ecart (2)
Mixité totale
Ecart (3)
Ségrégation
complète
Ecart (4)
8
10
39
Autres
Total
écarts
Contribution
Idem à l‟indicateur
corrigé synthétique
11
13
45
16
-
-
21
13
13
6
-
-
3
5
0
0
28
11
0
100
9
11
0
0
0
13
0
0
32
45
0
0
10
16
0
0
82
0
-
46
0
-
-5
89
11
-13
-45
-15
178
100
5
TOTAL des contributions (ou indicateur synthétique d‟écart à la mixité)
21 %
(1) – Pourcentage moyens des voisins (référence p).
(2) – ligne du dessus : proportion des voisins selon la CS du père pour les enfants
dont le père est cadre supérieur (p‟)
ligne du dessous : écart avec la proportion de référence (p‟-p en valeur
absolue) : ex 39% contre 11%, mesure de l„entre-soi. Le total de ces écarts donne
82.
(3) – Il n‟y a pas d‟écart entre les pourcentages des voisins et observés
(4) – les écarts sont maximaux, le total pour les 6 groupes est égal à 178. Pour
situer le résultat observé (82) sur une échelle de 0 à 100, on est donc amené à le
diviser par le maximum, d‟où l‟écart corrigé : 46.
(5) – Pour avoir un indicateur synthétique pour la ville, on pondère le résultat par le
poids des cadres supérieurs, soit 0,11. La somme des contributions de chaque
catégorie donne l‟indicateur recherché 21%, pourcentage figurant sur le tableau
T2.
141
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Annexe 2 : Liste des communes (cf. Figure 13)
Les
pourcentages
les plus
faibles
Les
pourcentages
les plus
élevés
Alsace
(5 communes de
10 à 30.000 hab.)
Riedisheim (19%)
Rixheim
IllkirchGraffenstaden
Ostwald
Kingersheim (26%)
Wittenheim (29%)
Illzach
Lingolsheim
Bischwiller
Bischheim (38%)
Ile-de-France
(10 communes de 30 à 80.000
habitants)
Vélizy-Villacoublay (16%)
Yerres
Le Chesnay
Gif-sur-Yvette
Le Plessis-Robinson
Maison-Laffite
Palaiseau
Montmorency
Montigny-le-Bretonneux
Saint-Cloud (22%)
Stains (66%)
Bobigny
Sarcelles
Saint-Ouen
Garges-les-Gonesse
Pierrefitte-sur-Seine
Grigny
La Courneuve
Aubervilliers
Clichy-sous-Bois (76%)
Bibliographie
 Aubry B. (2008), « Le voisinage, propositions d‟indicateurs », Colloque
Dynamiques des populations locales, Strasbourg Néothèque 2008.
 Aubry B., Tribalat M. (2009), « Les jeunes d‟origine étrangère », rev.
Commentaires n°126.
 Maurin E. (2004), Le ghetto français, enquête sur le séparatisme social, Paris
Seuil.
 Pan Ké Shon J.-L. (2011), « Ségrégation des immigrés en France », rev.
Population et sociétés n°477.
 Le Toqueux J.-L (2007), « Ségrégation ou mixité socio-spatiale : de quoi parlet-on ? in : Mattei M.-F. et Pumain D., rev. Données urbaines n°5.
 Tribalat M. (2008), « Embourgeoisement et diversité ethnique à Paris », Revue
Urbanisme n°362.
142
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
3. La ville durable pourrait-elle être sociale ? Le cas des villes
alsaciennes – Alexandra Monot
En mai 1994 a lieu à Aalborg, au Danemark, la première conférence
européenne sur la ville durable, acte de naissance de la Charte d'Aalborg. Cette
conférence se déroule sous l'égide du Programme des Nations Unies pour
l'Environnement et de la Commission européenne. L'objectif est d'inciter les villes à
s'engager dans le développement durable au sein de l'Union européenne et dans
des programmes qui s'inscriront dans les « 21 actions pour le XXIème siècle »
(l'Agenda 21), issues du Sommet de la Terre de Rio de 1992. Au-delà du facteur
symbolique, il s'agit d'une redéfinition des politiques urbaines en Europe, dans
lesquelles le développement durable devient le principal référentiel
d'aménagement et d'urbanisme.
La ville durable doit, ainsi, contribuer, dans l'ensemble, à réduire la
fragmentation socio-spatiale, les pollutions, les nuisances et les risques, et
promouvoir les espaces végétalisés, les modes de circulation doux et la limitation
de la consommation des ressources. Mais on constate que les questions
territoriales se regroupent en quelques grands thèmes : les transports urbains, la
présence d'espaces urbains à requalifier (à l'origine de problèmes sociaux et
environnementaux spécifiques), la préservation du patrimoine architectural, la
gestion des espaces périurbains et le désir de retrouver une certaine naturalité en
ville. Aussi, si la ville durable couvre tous les champs du développement durable
(dont les "trois piliers" : sphères économique, sociale et écologique), quelques
politiques sont davantage développées : la planification stratégique des
déplacements urbains (pour lutter contre l'engorgement des centres, contre la
pollution atmosphérique, et pour permettre la réappropriation de l'espace urbain
central et péricentral) et la réinterprétation du fonctionnement social de la ville qui
passe par la réhabilitation et la rénovation urbaines au profit de petits immeubles
aménagés autour d'espaces verts. Au sein de cette nouvelle vision, il s'agit en
quelque sorte de redéfinir la relation société / nature au sein d'un espace
particulier, celui de la ville, afin d'améliorer le cadre de vie et le bien-être des
habitants. Mais qu'en est-il de ces habitants ? Quelle est la place de la société
urbaine dans les projets de ville durable ou de quartiers durables ? On peut en
effet s'interroger sur la façon dont est traité le volet social du développement
durable dans les réalisations et sur les impacts sociaux des politiques de
développement durable appliquées à la ville.
Dans ce cadre, l'expérience locale ancienne et aboutie de la ville de Fribourgen-Brisgau, dans le Bade-Wurtemberg en Allemagne, peut servir d'étalon aux voies
suivies et aux conséquences sociales de l'aménagement urbain durable pour les
villes alsaciennes, qui en ont fait leur modèle en matière de développement
durable. En effet, les relations entre Fribourg-en-Brisgau et nombre de communes
alsaciennes sont en plein essor et portent en grande partie sur l'expérimentation
fribourgeoise de la ville durable.
143
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La politique de ville durable menée par les autorités municipales de Fribourgen-Brisgau tend à être un laboratoire de durabilité du territoire urbain. Les villes
alsaciennes ont davantage de difficultés à mettre en œuvre la ville durable et font
des choix en fonction de leur situation particulière. Mais certains freins gênent la
mise en œuvre de la dimension sociale des projets.
Le laboratoire de la ville durable pour les villes alsaciennes : Fribourg-en-Brisgau,
une durabilité sociale du territoire urbain ?
Fribourg, forte de 219 665 habitants (2010) est un centre urbain important, situé
sur le piémont méridional de la Forêt-Noire, dans un cadre agréable constitué de
forêts de résineux et de vignoble. La ville est ainsi dominée par des pentes qui
forment un écrin « naturel », et domine une plaine très anthropisée. Aujourd‟hui, la
ville est souvent citée non seulement en Allemagne mais aussi à l‟étranger, et
notamment en Alsace, comme un modèle de développement durable 46.
Fribourg-en-Brisgau, un profil social particulier
46
À titre d‟exemples, les articles du Monde du 26 mai 2005, « Fribourg, capitale allemande
de l‟environnement » et du 16 décembre 2007 « La floraison des écoquartiers », et l‟article
du Point du 16 août 2007, « Fribourg la Verte ».
144
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La topographie et l'histoire particulières de la ville ont engendré sa partition
socio-fonctionnelle. Le territoire de Fribourg-en-Brisgau s'étage sur les versants de
la Forêt-Noire, où se sont développés des quartiers aisés. A l'Ouest de la voie
ferrée, dans la plaine, sont localisés les quartiers industriels et populaires avec des
densités de population plus importantes, des populations plus jeunes et aux
origines géographiques diverses (13,8% d‟étrangers). Cette partition se ressent sur
les élections, opposant vote conservateur et écologiste d'un côté et vote socialiste
de l'autre côté. Au contact de ces deux ensembles se situe la vieille ville
commerçante et touristique. La ville est un pôle économique régional,
principalement universitaire (30 000 étudiants) et administratif. La ville a ainsi
acquis un profil socio-professionnel original (80% d'actifs dans le secteur tertiaire),
avec un des plus faibles taux de chômage d'Allemagne (moins de 6%) et une
croissance continue des emplois, allant de pair avec la croissance démographique
(+1%/an). Le cadre de vie agréable (la "Toscane" allemande) associé à une
tradition intellectuelle concourent aussi à expliquer que Fribourg soit l'une des
villes d'Allemagne parmi les plus aisées. En effet, depuis 1913, elle est réputée
comme le lieu de retraite privilégié de nombre de fonctionnaires, officiers,
industriels ou rentiers. Le niveau social est élevé avec un fort pourcentage
d'habitants ayant des diplômes universitaires et une faible proportion de ménages
recevant des aides sociales (5,5% contre 9,2% en moyenne dans les villes
allemandes47), ce type de profil socio-économique se retrouve dans certaines villes
alsaciennes, comme Strasbourg qui se positionne également comme un centre
administratif et universitaire régional (42 000 étudiants), avec une opposition entre
des quartiers bourgeois au Nord-Est (la Robertsau, l'Orangerie par exemple) et des
quartiers populaires (Hautepierre, Cronenbourg, Neudorf, Meinau, Neuhof) à
l'Ouest et au Sud, séparés par la vieille ville qui se gentrifie.
La politique fribourgeoise de l’habitat durable : l'écologie avant tout ?
La volonté d‟introduire la nature dans la ville de Fribourg remonte à Otto
Winterer, maire de 1888 à 1913. Il engagea la ville dans un vaste programme
d‟urbanisme qui avait pour objectif d‟en augmenter l‟attractivité résidentielle. Furent
alors mis en valeur le patrimoine architectural et de nouveaux parcs et jardins, ce
qui aboutit au développement de quartiers de belles villas de la Belle Epoque
entourées de grands parcs et d‟une conscience écologique 48. Cependant, les
projets les plus originaux sont récents. Il s‟agit de la mise en œuvre de deux
écoquartiers, le Vauban et le Rieselfeld.
Le quartier Vauban est un projet qui remonte à 1993, sur le site des anciennes
casernes des Forces françaises en Allemagne racheté par la municipalité en 1992.
La construction du quartier s‟est achevée en 2006, après l‟élévation de 2 000
habitations devant accueillir près de 5 000 habitants (densité de 131 hab./ha) et la
création d'une zone d'activités de 6 ha (600 emplois) et d'un centre de services.
D'un point de vue écologique, le quartier répond à toutes les caractéristiques d'un
47
« État des villes européennes », 2004, consultable sur www.urbanaudit.org
Pour preuve, la ville a le plus fort vote allemand en faveur du parti politique des Verts
(près de 30% des voix) et a été une des premières villes européennes à élire un maire issu
de cette mouvance politique, dès 2002.
48
145
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
nouvel urbanisme durable : espace sans voiture, maisons basse consommation
d‟énergie, production électrique assurée à 100% par le quartier. Le quartier se
compose de maisons individuelles et de petits immeubles disposés selon un
zonage de l‟espace. Il est traversé par une voie principale, bordée d‟une zone
d‟activités (commerces, administrations), qui porte la route et le tramway. Les
résidences sont insérées dans un écrin de verdure : même si le quartier a une part
d‟espaces verts inférieure de 45% au reste de la ville de Fribourg (16 m²/hab.
contre 29), "l‟impression de nature" est plus forte par la présence très importante
d‟une végétation disséminée dans tout le quartier et de matériaux de construction
utilisant le bois.
Le quartier du Rieselfeld présente les mêmes caractéristiques, à la différence
près qu‟il s‟agit d‟un quartier sur un terrain appartenant à la ville et vendu à des
promoteurs immobiliers, développé par un conseil de citoyens et d‟experts et selon
un cahier des charges très strict élaboré par la ville en association avec le conseil
de quartier. Le lancement des travaux a eu lieu en 1994, mais le quartier ne sera
achevé qu‟en 2012. Le projet porte sur 70 ha, 4 200 habitations devant accueillir
10 à 11 000 habitants (densité de 142 hab./ha), donc un quartier plus dense que le
précédent. Près de 9 300 personnes y vivent déjà dans les 3 500 logements livrés
au 31 décembre 2010. Ici, il y a 90% de logements collectifs de 3 à 5 étages
organisés autour de cours intérieures, selon le modèle de la ville compacte. Mille
emplois sont prévus dans le quartier par des commerces principalement
(magasins, restaurants, supermarché) et des établissements scolaires (de la
crèche à l'enseignement secondaire) ou culturels (médiathèque, centre religieux
œcuménique), par une résidence pour personnes âgées, sans compter la zone
d'activités de Haid (2 500 emplois) à proximité.
La politique fribourgeoise de l’habitat durable : un volet social absent ?
Le bilan social de ces écoquartiers est mitigé. S‟ils respectent des normes
écologiques strictes, la mixité sociale n‟est pas atteinte, malgré les efforts des
associations et de la municipalité. La ségrégation socio-spatiale s‟est même
aggravée. En effet, le quartier Vauban, depuis sa création, a fait l‟objet d‟une
gentrification qui a abouti à une structure socioprofessionnelle homogène
d‟enseignants, de professions libérales et de cadres, car le surcoût des loyers et
des prix immobiliers est de 10 à 20% par rapport à une offre immobilière classique
(déjà élevée dans le cas de Fribourg), alors que dans le projet le surcoût estimé
n'était que de 3 à 5%. Ainsi, pour un logement de 100 m² dans le quartier Vauban,
il faut débourser en moyenne 350 000 euros (3 500 €/m²), prix qui n'est pas à la
portée de toutes les bourses. Le profil social peut se lire également à travers les
votes aux élections : il s'agit d'un bastion électoral des Verts (67% des votes en
moyenne). De plus, le profil d'âge du quartier Vauban s'est peu à peu aligné sur le
reste de la ville de Fribourg. Ainsi, si le quartier était composé initialement de
familles de trentenaires ou de jeunes quadragénaires, les enfants ont aujourd'hui
grandi et ont quitté le quartier.
Dans le quartier du Rieselfeld, le bilan social est pour l'instant difficile à
effectuer, le projet n'étant pas achevé. À la différence du Vauban, le cahier des
charges du quartier comportait pour les promoteurs l'obligation de prévoir des
146
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
logements subventionnés pour l'accession à la propriété ou pour la location afin de
favoriser la mixité sociale. Mais la suppression des subventions de l'État et des
avantages fiscaux pour les investisseurs privés pour les logements à la location à
la fin des années 1990 se sont traduits par un retournement de situation. Le
quartier ne comportera plus que 10% de logements sociaux, car il est
intégralement financé à partir du produit de la vente des terrains aux investisseurs.
Point positif, toutefois, les deux quartiers connaissent une gouvernance locale
bien développée. Ils sont autogérés grâce à des associations de quartiers très
investies. Ainsi, le quartier Vauban s'est développé dès 1994 sous l'impulsion
d'associations de participation citoyenne (Forum Vauban, SUSI : initiative de
logement autogérée et indépendante, GENOVA). Ces associations, en lien avec le
conseil de quartier, gèrent le fonctionnement quotidien et règlent les litiges.
En définitive, Fribourg-en-Brisgau est devenue un laboratoire et un prototype
de la ville durable49 dont l‟expérience s‟exporte. Régulièrement des délégations
alsaciennes viennent discuter avec les concepteurs des projets fribourgeois.
Fribourg-en-Brisgau renvoie aux villes alsaciennes l‟image d‟un nouveau
comportement urbain, d‟un nouvel urbanisme et ainsi d‟une nouvelle vision de la
ville qui serait plus en adéquation avec son environnement au sens large. Pourtant
le bilan des actions menées, en terme social, reste peu important. En revanche, les
retombées économiques sont de taille. L‟environnement est le fonds de commerce
de l‟économie du Landkreis en offrant près de 10 000 emplois dans 450
entreprises qui génèrent 1,1 milliard d‟euros de chiffre d‟affaires par an.
Tableau 17 : Fiche de synthèse de la conception des quartiers durables de
Fribourg-en-Brisgau.
Social
Une démarche citoyenne : définition et réalisation du projet par des
associations de quartier, soutenues par la municipalité
Projets sociaux favorisés :
- développement d'espaces publics favorables aux échanges sociaux
- absence de clôtures aux espaces privatifs
- établissements scolaires de quartier
- église œcuménique
- centre culturel de quartier
- logements réservés aux étudiants, aux personnes âgées, aux
handicapés
Création de commerces de proximité (1000 emplois)
Création d'une zone artisanale de 600 emplois
Économique
Politique des transports :
- limitation du nombre de voitures
- desserte par les transports en commun (tramway, trains régionaux)
- aménagements favorables aux cyclistes (garages à vélos, pistes
Écologique
49
Fribourg-en-Brisgau a reçu en 2010 le prix européen des villes de l'année pour
l'urbanisme "The Urbanism Awards" décerné par l'Académie d'urbanisme de Londres.
147
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
cyclables, rues réservées)
- zone piétonne et larges trottoirs
- développement de "quartiers courtes distances" (commerces, écoles,
services à moins de 300 m.)
Maîtrise de l'énergie :
- éco-constructions (basse-consommation, habitations passives voire
positives)
- haute performance énergétique (panneaux photovoltaïques, usine
co-génération associant les copeaux de bois et le gaz naturel)
Exploitation des eaux de pluie :
- recueil par les toitures aménagées et des citernes enterrées
- utilisation : lavage du linge, arrosage, chasses d'eau des toilettes
Source : Monot A. (2009), "Le modèle fribourgeois et les villes alsaciennes. Vers la ville
ème
durable dans le fossé rhénan ?", in L'aménagement entre nature et culture, Actes de la 8
Table Ronde Rhin-Sud, APR-CRESAT-RECITS, p.49-73, mis à jour en mai 2011.
148
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les villes alsaciennes : le retour d'expérience fribourgeois permet-il un essor du
volet social ou son adaptation aux conditions locales ?
Les villes alsaciennes se sont précocement inspirées de l‟expérience
fribourgeoise pour définir leur propre politique en matière de ville durable, dans un
contexte d‟émulation et de concurrence entre villes rhénanes. Le contexte était
favorable. Au niveau géographique, les territoires se ressemblent, nous sommes
dans le fossé rhénan, entre Vosges et Forêt-Noire. Au niveau socio-économique,
les niveaux de développement sont similaires. Au plan culturel, il y a une continuité
frappante de part et d‟autre du Rhin. À priori tous les ingrédients étaient réunis
pour permettre le développement de la ville durable côté français sur le même
modèle que côté allemand. La coopération transfrontalière renforce encore les
contacts et les échanges entre Fribourg et les villes alsaciennes. Cependant le
modèle semble adapté aux particularités de la France.
La principale agglomération alsacienne a privilégié la politique des transports :
Strasbourg, un programme récent d'habitat durable.
Strasbourg a, dans un premier temps, beaucoup investi dans la politique de
transports durables : le plus long réseau de tramway et de pistes cyclables de
France, l'interdiction du centre ancien à la circulation automobile, etc.50.
Ce n'est que dans un second temps, au milieu des années 2000, que la
Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) s‟est saisie concrètement du dossier
de l'habitat durable à la suite notamment de la constitution de plusieurs
associations réclamant une politique d'écoquartiers au sein de la CUS. À l'automne
2008 a été lancé un cycle de conférences – réflexions sur le thème : « Les écoquartiers pour transformer la ville », afin de mieux définir les objectifs de
l'agglomération en la matière à partir des retours d'expérience d'autres villes, dont
Fribourg. En parallèle, la Communauté urbaine a développé un programme
d'habitat durable portant sur trois axes : la création d'écoquartiers, l'insertion dans
la rénovation urbaine de normes de développement durable, et la création de deux
parcs naturels urbains afin d'améliorer le cadre de vie (schéma fig. 14). Qu'en est-il
du volet social de ces politiques ?
En premier lieu, deux parcs naturels urbains sont programmés sur 311 ha. Le
premier, Bruche-Rhin Tortu, est en cours de création (projet lancé en mars 2009). Il
portera sur les terrains communaux de Strasbourg et sur la commune
d'Eckbolsheim. Le second parc naturel urbain prévu pour 2013 s'étendra sur les
quartiers de Koenigshoffen, la Montagne Verte et l'Elsau. Ces parcs naturels se
situent en continuité l'un de l'autre, sur des terrains inondables et permettront
également de préserver le glacis militaire de la ville de Strasbourg. Ils sont déjà
inscrits dans la ceinture verte et classés non constructibles dans les Plans locaux
d'urbanisme. Leur création ne modifiera donc pas réellement le cadre de vie des
50
Voir : Monot A. (2009), "Le modèle fribourgeois et les villes alsaciennes. Vers la ville
ème
durable dans le fossé rhénan ?", in L'aménagement entre nature et culture, Actes de la 8
Table Ronde du Rhin Supérieur, APR-CRESAT-RECITS, p.49-73
149
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
riverains mais aboutira à la mise en valeur de ces espaces pour la promenade. (v.
le document 6 de la page 43).
Figure 14 : les projets d‟habitat durable (aire strasbourgeoise)
L e s p r o je ts d 'h a b ita t d u r a b le e n p a r tie c e n t r a le d e l'a g g lo m é r a tio n s t r a s b o u r g e o is e (2 0 1 1 )
E c o q u a rtie r
A d e ls h o ffe n
A4
S C H IL T IG H E IM
L 'A a r
Z U S C ro n e n b o u rg
C a n a l d e la
M a rn e a u R h in
A350
E c o q u a rtie r
G a re d e
B ra s s e rie
m a rc h a n d is e s
Z U S H a u te p ie rre
STRASBO URG
A351
G a re
V ie ille v ille
E s p la n a d e
N4
M o n ta g n e v e rte
L 'Ill
E c o q u a trie r
D anube
N e u d o rf
E ls a u
A35
E c o q u a rtie r
T a n n e rie s
E c o q u a rtie r R iv e s
d u B o h rie
N83
Z U S M e in a u
ZU S N euhof
OSTW ALD
400 m .
S o u rc e: A . M o n o t, d ‟a p rè s C U S e t c aertIG N a u 1 /2 5 0 0 0 .
L é g e n d e:
2 ) Z o n a g e u rb a in e t c o u p u r e s p h y s iq u e s g ê n e n t la
1 ) L e s tro is a x e s d e l'h a b ita t d u ra b: le
d u ra b ilité d e s p ro je ts:
L e s é c o q u a rtie r :s c h a n g e r d ‟u rb a n is m e
In fra s tru c tu r e s ro u tiè re s à g r a n d e
L a r é n o v a tio n u rb a in e a s s o c ié e a u
c irc u la tio n
d é v e lo p p e m e n t d u ra b le
V o ie s fe rr é e s à fo rt tr a fic
L 'a m é lio ra tio n d u c a d r e d e v ie : le s p a r c s
D e n s e ré s e a u d e riv iè r e s e t c a n a u x
n a tu re ls u rb a in s
E s p a c e u rb a n is é e n q u a s i to ta lité
En second lieu, la politique des écoquartiers s'est mise en place en partie sous
l'impulsion de l'association « Forum Eco-quartiers Strasbourg », fondée en 2001
sur le modèle du "Forum Vauban" à Fribourg-en-Brisgau. Six zones d'écoquartiers
sont aujourd'hui définies, mais seules deux sont en cours de réalisation et une
troisième devrait voir le jour en février 2012 ; quant aux trois autres, elles sont en
cours de définition.
L'écoquartier « Danube », lancé en mars 2008, situé au Sud de la vieille ville et
150
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
du quartier de l'Esplanade (quartier universitaire), au niveau de l'ancien port
d'Austerlitz sur une ancienne zone industrielle, s'insère dans un vaste projet de
réhabilitation urbaine (250 ha de friches depuis le centre et en direction du Rhin)
qui a débuté plus à l'Ouest à la place de l'Etoile avec la construction d'un vaste
centre commercial (« Rivétoile »), permettant ainsi la jonction avec le quartier
populaire du Neudorf désenclavé par l'arrivée du tramway en 2009. L'écoquartier
Danube porte sur 7 ha qui seront construits en 650 logements basse
consommation en petits collectifs pouvant accueillir 1 600 habitants, avec des
activités économiques (bureaux, commerces et services) ainsi que des
équipements publics (école maternelle, garderie petite enfance). La moitié des
logements est prévue en locatif social et en accession sociale à la propriété.
er
Tableau 18 : Les écoquartiers de Strasbourg au 1 juin 2011
Données
Danube
Brasserie
Rives du
Cronenbourg Bohrie,
Ostwald
2011
2012
Portes du
Kochersberg,
Adelshoffen Tanneries
Schiltigheim Lingolsheim
Vendenheim
2012 ?
2012 ?
2011
Extension
urbaine
8,7
Friche
brassicole
4,5
Friche
industrielle
13
320
200
1 100
Date de début
du chantier
Type de
quartier
Surface (ha)
2010
Nombre de
logements
Nombre
d'habitants
Densité
(hab./ha)
Coût (hors
construction,
en millions d'€)
% logements
aidés
% logements
libres
Logements en
auto-promotion
Logements
étudiants
Maisons de
retraite
Services
publics
650
450
Extension
urbaine
48 (17 à
urbaniser)
1 000
1 600
1 300
3 000
1 300
400
2 700
228,5
361
176,5
149,4
88,9
207,7
23,5
N.D.
36
13
17,3
21,8
50
35
N.D.
50
20
55
50
65
N.D.
50
80
45
Oui
Oui
N.D.
Projetés
Projetés
Projetés
Non
Non
Oui
Non
Oui
Non
Oui
Non
Oui
Oui
Non
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Friche
Friche
industrielle brassicole
7
3,6
N.D. : non défini dans les documents.
Source : A. Monot 2011, d'après Communauté urbaine de Strasbourg.
L'écoquartier « Cronenbourg », dit « Quartier de la Brasserie », lancé en février
2009 et qui s'achèvera en 2012, s'inscrit dans le cadre de la réhabilitation de la
friche industrielle de la brasserie Kronenbourg (désaffectée depuis 2000). Il porte
sur 450 logements (50% aux normes Haute qualité environnementale, HQE) dont
30% en logements locatifs sociaux et 5% en accession sociale à la propriété. Ce
quartier présente un cadre moins favorisé que le précédent, coincé entre la voie
ferrée à l'ouest et deux grands axes de circulation au sud (D41) et au nord (D31),
dans un ensemble urbain lui-même enclavé entre des voies ferrées (dont la gare
151
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
de triage du marché d'intérêt national) et des autoroutes (A351 au sud, A35 à l'est
et A4 au nord).
Enfin, un écoquartier de 49 ha pour 1 000 logements et 3 000 habitants, avec
des services (école, gendarmerie, maison de l'enfance) et des équipements
sportifs (gymnase) ou culturels (bibliothèque, maison des biotopes), est prévu à
Ostwald, au sud-ouest de l'aire urbaine et comprendra des jardins familiaux et des
jardins partagés. Les « Rives du Bohrie » se situent sur un site naturel conservé
(composé de bois, de terres cultivées, de jardins familiaux et d'un étang issu d'une
ancienne gravière) et appartiennent à une Zone d'aménagement concertée
associant CUS, Nexity Foncier Conseil et CMCIC SAREST(société dépendant des
banques du Crédit mutuel et du CIC). Le chantier devrait débuter en février 2012.
Tableau 19 : L'irruption du développement durable dans la rénovation urbaine à
Strasbourg (commune).
Projets
Date de la convention
Coût prévisionnel
% de logements
sociaux avant
rénovation
Nombre de logements
avant rénovation
Logements démolis
Logements réhabilités
Logements construits
Logements construits
hors site
% de logements
sociaux à terme
% nouveaux logements
en accession
Développement
d'activités économiques
Installation de
nouveaux équipements
publics
Participation citoyenne
des habitants
Desserte prévue en
tramway
Logements aux normes
environnementales
Jardins familiaux
Neuhof
2005 (ANRU)
242 M€
62%
Cronenbourg
2005
70 M€
N.D.
Meinau
2006 (ANRU)
187 M€
93%
Hautepierre
2009 (ANRU)
155 M€
75%
7 802
N.D.
3 457
4 400
731
383
1067
298
128
700
600
N.D.
565
873
407
266
169
2008
300
149
54%
N.D.
75%
25%
+ 8%
N.D.
+ 18%
+ 0%
Commerces et
parc d'activités
Oui
Commerces
Commerces
Oui
Oui
Commerce et parc
d'activités
Oui
Oui
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Oui
Oui
Oui
Oui
Non
Oui
Oui
Oui
Non
Non
N.D. : non défini dans les documents.
Source : A. Monot, 2011, d'après Communauté urbaine de Strasbourg et Agence Nationale
pour la Rénovation Urbaine.
Les projets relevant de ZAC (zones d'aménagement concerté), leur réalisation
est sous le contrôle du maître d'ouvrage, la CUS, qui assure ainsi le respect de la
destination sociale des parcs de logements. Cependant, rien ne dit que les
logements en accession libre à la propriété trouveront preneurs. En effet, les
espaces concernés, s'ils sont proches du centre de Strasbourg, se localisent dans
des quartiers dans l'ensemble en difficulté qui sont peu attractifs (Figure 14, p.
152
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
150). Ces écoquartiers sont pour la plupart conçus dans le cadre de réhabilitation
de friches économiques (industrielle ou brassicole) et participent donc de la
requalification et de la valorisation des espaces urbains. Toutefois, deux d'entre
eux posent question car ils relèvent d'extensions spatiales de communes
périurbaines (Ostwald et Vendenheim) sur des terrains naturels ou agricoles. Il
s'agit donc plus d'une forme d'étalement urbain parée du vernis du développement
durable, d'autant que les financements sont liés à des investisseurs privés et que
les logements sont a priori destinés à une accession libre à la propriété dans le cas
d'Ostwald.
En dernier lieu, dans le cadre du renouvellement urbain, les principes du
programme européen « Ecocités » seront appliqués à Strasbourg, à savoir : un
désenclavement des quartiers par les transports en commun (prolongement des
lignes de tramway), un développement des trames vertes et des espaces publics
(création de jardins familiaux, extension des espaces piétonniers), une
requalification des pôles et centres de quartiers (avec de nouveaux équipements
publics) et des constructions basse consommation ou HQE 51. Cinq des dix zones
urbaines sensibles (ZUS) de la Communauté urbaine sont en cours de rénovation
urbaine depuis 2004 (et jusqu'en 2013). Ces quartiers composés majoritairement
de familles en difficultés socio-économiques verront leur profil social évoluer,
puisque les projets visent la mixité sociale par l'augmentation des logements en
accession à la propriété. Encore faut-il que les programmes immobiliers trouvent
preneurs, sinon les logements prévus en accession à la propriété seront repris par
les bailleurs sociaux.
Figure 15 : Une ampleur relative de la rénovation urbaine de Strasbourg
conventionnée
Logements
construits
1355
673
449
Logements
réhabilités
383
873
Neuhof
2008
Meinau
Logements
démolis
Nombre de
logements
695
565
169
Hautepierre
3457
4400
7802
Source : A. Monot 2011, d'après l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
La ville durable s'inscrit à Mulhouse dans la politique de rénovation urbaine
51
Normes HQE : norme Haute Qualité Environnementale créée en France en 1995.
153
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
L‟agglomération mulhousienne est la deuxième plus importante d‟Alsace
(110 514 habitants dans la commune, 238 637 dans l'agglomération en 2006) et
présente des caractéristiques différentes de sa grande sœur. Là, la politique
sociale est une nécessité au fonctionnement de la cité. La ville de Mulhouse s'est
lancée dans un vaste projet de rénovation urbaine intégrant le développement
ème
durable. Il s'agit de rénover la ville champignon née de l'industrialisation du XIX
siècle et dans une moindre mesure des Trente Glorieuses dans le cadre d'un
« Grand Projet de Ville » datant de 2002 et intégré à « l'Agenda 21 » local adopté
en 2003. Le projet porte sur la commune de Mulhouse et concerne un tiers des
habitants, soit près de 35 000 personnes, 49% du parc social de la Ville et 27%
des résidences principales52. Entre 2007 et 2012, ce seront 6 000 logements qui
seront reconstruits ou rénovés, dans le cadre des différents quartiers où seront
améliorés, dans le même temps, les espaces publics (création de zones piétonnes,
d'espaces verts), pour un coût global estimé à 264 millions d'euros.
Les grands ensembles et les immeubles de plus petite taille mais dégradés
seront détruits puis reconstruits sous la forme de petits immeubles collectifs sur le
modèle du quartier Vauban de Fribourg. Les travaux sont financés par les bailleurs
sociaux, les collectivités territoriales (commune, Département, Région) et par
l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) qui a validé le projet au
travers d'une convention signée en 2006. La transformation des quartiers passe
par la construction de logements répondant aux normes HQE.
Parmi les quartiers ainsi rénovés, celui de Bourtzwiller sert de projet pilote de
quartier durable, étant le premier à être rénové. Là, le principal site concerné est la
« Cité des 420 », construite dans les années 1960, fortement touchée aujourd'hui
par un bâti dégradé, par des problèmes économiques et sociaux. Les 420
logements seront détruits, les familles relogées. Sur les 413 nouveaux logements
qui seront édifiés, 300 (soit près des trois quarts) seront dévolus à l'habitat social
afin de faciliter la mixité sociale. La reconstruction du quartier se fait sous la forme
de maisons jumelées, de maisons de ville avec jardins, de maisons avec patios et
de petits immeubles, qui respecteront tous la norme de logement à basse
consommation d'énergie, qui seront économes d'espace, et qui seront insérés
dans des trames vertes permettant des déplacements éco-mobiles. Enfin les
berges de la Doller seront aménagées pour offrir un poumon vert et des
promenades aux futurs habitants du quartier.
52
La rénovation porte sur les quartiers Vauban-Neppert, Cité Briand, Franklin-Fridolin, WolfWagner-Mertzau (632 logements réhabilités, 230 démolis, 175 reconstruits), Bourtzwiller et
les Coteaux (démolition de 228 logements).
154
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tableau 20 : Indicateurs socio-économiques des zones de rénovation urbaine à
Mulhouse (1999-2006)
ZUS
Mulhouse ville
Briand Franklin
Bourtzw iller
Coteaux
Wolf-Wagner-Vauban-Neppert
Date
Population
Taux de % foyers
%<20 ans % étrangers % non diplômés chômage au RSA
1999
110141
25,9
15,2
27,3
16,4
N.D.
2006
110514
26,4
17,8
N.D.
18,1
6,6
1999
8921
30,7
28,4
37,3
24,1
N.D.
2006
8321
29,6
29,5
28,5
28,1
12
1999
8361
33,5
23,5
42,4
22,5
N.D.
2006
7508
31,9
26,7
N.D.
23,5
6,4
1999
9647
35,4
18,3
36,8
22,4
N.D.
2006
9094
33,9
23,9
N.D.
21,9
8,3
1999
6990
29
22,3
38,3
22
N.D.
2006
6630
29,5
27,5
N.D.
25,2
9,8
N.D. : non défini dans les documents.
Source : A. Monot 2011, d‟après INSEE (recensement 1999, estimations 2006).
La place du végétal dans les paysages urbains est également renforcée par le
règlement du plan local d'urbanisme qui prévoit, outre la création de nouveaux
espaces verts, de protéger les espaces verts privés et de favoriser les façades
végétalisées ou les terrasses plantées. Les quartiers en rénovation urbaine ont de
fait une finalité sociale puisqu‟ils s‟insèrent dans des zones urbaines sensibles
(ZUS). Il s‟agit en effet de quatre des huit ZUS de la commune. Ces quartiers
concentrent un grand nombre de difficultés socio-économiques, qui se sont encore
aggravées au cours des années 2000, comme le montre le tableau 20 ci-dessus.
La création d'écoquartiers dans les petites villes alsaciennes : l'exemple de
Ribeauvillé
Le contexte des petites villes est très différent de celui des villes principales en
Alsace. Ces collectivités ne sont pas confrontées aux mêmes difficultés
économiques et sociales ou de détérioration du cadre de vie. Certaines se sont
cependant lancées dans des projets de quartiers répondant aux exigences de la
ville durable, mais dans le cadre d‟extensions urbaines. Au lieu de réaliser des
lotissements standards, elles tentent d'en faire un lieu privilégié d'application de
nouveaux principes d'urbanisme. Par exemple, la ville de Ribeauvillé, ville
historique préservée du vignoble haut-rhinois, très attractive, a réalisé un quartier
écologique, le Brandstatt, entre 2005 et 2010, en partie pour répondre à une forte
demande de logements et au départ de ses jeunes qui n‟ont pas les moyens de
résider dans cette petite ville bourgeoise.
155
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tableau 21 : Le quartier écologique du Brandstatt à Ribeauvillé
Types d'équipement
Parkings et garages
Déplacement dans le
quartier
Evacuation des eaux
pluviales
Réseaux d'électricité,
téléphone et de
télédistribution
Collecte des déchets
Prestations prévues au cahier des charges
Devant les maisons dans les rues ouvertes à la circulation ou à
l'extérieur du quartier selon un principe de 2 emplacements par
logement
Quartier piétonnier dans sa partie centrale, vitesse limitée à 30
km/h ailleurs
Par cuves de stockage individuelles et un collecteur général relié
à une station d'épuration des eaux réservées aux quartiers qui
rejette ensuite les eaux épurées dans un ruisseau aménagé
Doivent être réalisés en souterrain.
Panneaux solaires sur les parties basses des toitures
Création sur les parkings d'espaces de collecte avec un
traitement paysager pour les cacher
Hauteur des
13,5 m maximum, soit R+2 +combles aménagées
constructions
éventuellement
Aspect extérieur des
Aspect minéral et couleurs soumises à autorisation (panel de
bâtiments
beige, blanc cassé)
Plantations
Recommandations de certaines espèces dites locales et
exclusion des résineux (charmes, hêtres, troènes, lilas,
noisetiers)
Source : D'après le Cahier des charges du Brandstatt, Commune de Ribeauvillé, 2005.
Le quartier du Brandstatt a été réalisé dans le cadre d'une Zone
d'aménagement concerté (ZAC) adoptée en juillet 2004 (Tableau 21). Le Cahier
des charges reprend en grande partie les principes du quartier Vauban à Fribourg
(qui a été visité par les membres du Conseil syndical chargés de la réflexion). En
termes de construction, les maisons doivent être économes d'espace : elles sont
construites en bandes ou sur des terrains de petite dimension, et doivent respecter
la norme de basse consommation d'énergie avec installation de panneaux solaires
et une chaufferie collective au bois. La place du végétal a été favorisée. En tout, ce
sont 32 maisons individuelles, 10 maisons en bande, un collectif de 9 logements et
4 maisons de ville (20 logements), qui ont été réalisés.
La mixité sociale y a fait l‟objet d‟un traitement particulier. Les terrains
appartenant à la municipalité, celle-ci a pris le parti de choisir les candidats à
l‟achat des 32 parcelles réservées à la vente, sur des critères spécifiques
(démarche éco-citoyenne du projet de construction, primo-accession à la propriété
et une capacité financière suffisante pour ne pas être surendetté), principalement
en faveur de jeunes couples aux revenus modestes. Il est également inscrit dans
le règlement du quartier que tout changement de propriétaire doit recevoir l‟aval de
la mairie et répondre aux critères initiaux de recrutement des habitants. Les prix de
vente des terrains ont ainsi été fixés à 50% du prix moyen de l‟are de la commune
(11 500 €/a, contre 20 à 25 000 €/a en moyenne, en fonction des quartiers), prix
défini par la mairie de façon à couvrir les coûts de viabilisation (450 000 €). Les
logements sociaux prévus (location sociale ou accession aidée) ont été cédés à la
société d‟économie mixte SEMCLOHR qui gère déjà les autres immeubles sociaux
de la ville, mais avec un engagement sur des prix de vente abordables. En
contrepartie, la SEMCLOHR a aménagé plus de logements et de taille plus réduite
156
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
(F2 et F3 principalement), vendus néanmoins au prix de 2 350 euros le m², ce qui
reste peu accessible aux ménages modestes.
Figure 16 : L'organisation spatiale du quartier durable du Brandstatt à Ribeauvillé
Le quartier a de ce fait acquis un profil social particulier. Ici, les propriétaires
sont des personnes à revenus modestes : dans les 32 maisons vivent 15 ménages
ouvriers (ouvriers du bâtiment, ouvriers d'usine, ouvriers agricoles),14 ménages de
professions intermédiaires (commerciaux, vendeuses, employés de bureaux) et 3
ménages enseignants. Cependant, certains, dont le montage financier était trop
juste, ont dû revendre suite à la crise de 2008, n‟arrivant plus à rembourser leur
emprunt immobilier.
157
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tableau 22 : Tentative de comparaison des politiques sociales de l'habitat durable
menées dans quelques villes alsaciennes et à Fribourg-en-Brisgau
Critères
Fribourg
Nombre d'habitants 219 665
de la commune
(2010)
(2006)
Nombre d'habitants 600 000
de l'agglomération
(estimation)
(2006)
Politique des quartiers durables
Date de la politique 1993
Politique initiée par oui
les citoyens
Gouvernance locale oui
Amélioration du
oui
cadre de vie
Logements sociaux non
imposés
Strasbourg
272 975
Mulhouse
110 514
Ribeauvillé
4 916
467 376
238 637
Néant
2008
oui
2006
non
2005
non
oui
oui
non
oui
non
oui
oui
oui
oui
Source : A. Monot, 2011.
Les freins à la dimension sociale des projets.
Les domaines d'action du développement durable urbain en Alsace.
À travers les projets et réalisations présentées, on voit s'affirmer quelques
principes phares de développement durable urbain :
– La participation citoyenne au projet, soit par une initiative citoyenne (rôle de
certaines associations locales), soit par des réunions d'information ou de suivi
du projet (forum de quartier). Cette participation peut conduire à la gouvernance
locale dans le cadre de conseil de quartier ou de construction en
autopromotion.
– L'amélioration du cadre de vie par le développement ou l'insertion d'espaces
verts, par la requalification urbaine ou la valorisation patrimoniale de certaines
friches industrielles ou des quartiers en rénovation urbaine, par la diminution du
trafic automobile afin d'abaisser les nuisances sonores et ouvrir les espaces
publics aux piétons.
– Le développement des espaces sociaux afin de favoriser la rencontre entre
les habitants du quartier. Plusieurs types de lieux de rencontre sont
développés : salle communale, espaces publics ouverts (comme des parcs et
jardins), jardins familiaux ou partagés, ou encore des centres culturels.
– La volonté de favoriser des quartiers intergénérationnels, en prévoyant des
résidences étudiantes ou des maisons de retraite.
– Mais, il y a surtout un principe volontariste qui est systématiquement affirmé
dans les projets : la mixité sociale.
158
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La question de la mixité sociale.
La mixité sociale vise à prévoir des logements relevant de quatre types :
– logements en accession libre à la propriété,
– logements en accession aidée à la propriété,
– logements en location libre,
– logements en location sociale.
Chacun de ces types doit avoir une certaine représentativité. Ainsi, dans les
projets, on voit souvent apparaître 50% de logements en accession à la propriété
(mais seulement 5 à 10% en accession aidée) et 50% en location (dont une
grande part en location sociale : 20 à 50% du nombre total de logements).
Qu'en est-il de la réalité ? Il est trop tôt pour le dire, les projets n'étant pour la
plupart qu'en cours de réalisation. Mais nous avons vu dans le cas de Fribourg-enBrisgau que c'est la gentrification qui a prévalu. Il faut cependant nuancer ce bilan,
car la législation sociale n'est pas la même outre-Rhin et aucun encadrement de
constructions sociales n'était prévu. Toutefois, en examinant les projets, on voit se
dessiner une ségrégation interne aux quartiers. En effet, si mixité il y aura, elle ne
portera pas sur les immeubles eux-mêmes. Ceux-ci, pour la plupart, ne relèveront
que d'un seul type de logements (accession ou location libre d'un côté, accession
aidée ou location sociale de l'autre). Ceci s'explique par le fait que la construction
des immeubles soit confiée, dans le cadre des ZAC, à des promoteurs immobiliers,
des investisseurs privés ou des bailleurs sociaux. Les premiers veulent la
rentabilité du projet et donc la vente des logements au meilleur prix possible ; les
seconds ont pour mission le logement social. De plus, les constructions sociales
sont la plupart du temps mal placées dans les quartiers. Ainsi, à Ribeauvillé, les
collectifs sociaux se localisent le long de la route principale à forte circulation,
faisant en même temps écran sonore pour le quartier, ou longent la rue de
desserte du quartier qui, lui, est interdit à la circulation.
On peut également s'interroger sur la faisabilité de cette mixité sociale. Les
projets et réalisations se situent à quelques exceptions près (Les Rives du Bohrie à
Ostwald, le Brandstatt à Ribeauvillé) dans ou à proximité immédiate de zones
urbaines sensibles, connues dans toute la région pour leur image très négative.
Quelle est alors l'attractivité de ces quartiers pour un acheteur potentiel ? –
d'autant plus quand ils sont coupés de la ville par des axes de transports à fortes
nuisances (pollution atmosphérique et sonore), comme la Brasserie à
Cronenbourg ou les Tanneries à Lingolsheim. La clientèle potentielle relèvera sans
doute plutôt de jeunes ménages aux revenus modestes primo-accédants à la
propriété mais ne percevant pas d'aides sociales, un profil finalement assez proche
des occupants des logements sociaux, ou bien d‟investisseurs privés type loi
Scellier, plus intéressés par les avantages fiscaux que par le quartier lui-même.
Enfin, dans le cadre des programmes de rénovation urbaine, ceux-ci portant sur
des zones urbaines sensibles, le volet social est a priori assuré de fait. Néanmoins,
la ségrégation sociale n'est en rien endiguée dans les projets. En effet, dans le cas
de Strasbourg, la part des logements privés sera très faible (25% tout au plus),
même dans le cas de leur forte hausse (+18% à la Meinau, mais ils ne
159
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
représenteront que 20% du parc immobilier final). À Mulhouse, les projets plus
ambitieux tablent sur 30% à 35% de logements privés.
Des coûts financiers importants.
La politique de la ville durable a un coût conséquent, en premier lieu pour les
collectivités. Le quartier Vauban à Fribourg a nécessité le déboursement de 21
millions d'euros pour le rachat des terrains et 93 millions d'euros de travaux, soit
114 millions. Or, les ventes des logements n'ont rapporté que 90 millions d'euros,
laissant un déficit de 24 millions d'euros dans les caisses de la municipalité. Le
programme de renouvellement urbain de Mulhouse coûtera 264 millions d'euros.
Les écoquartiers de Strasbourg coûteront près de 130 millions d'euros à la
Communauté urbaine, uniquement pour la viabilisation des terrains.
On comprend alors que les montages financiers de ces opérations soient lourds
et qu'ils fassent intervenir de nombreux partenaires, notamment privés. Dans
l'ensemble en Alsace, les collectivités territoriales, de la commune à la Région,
financent une grande part des projets. Mais elles tentent aussi de faire appel à
l'État, voire à l'Union européenne, et de faire intervenir des partenaires privés ou
des sociétés mixtes d'aménagement.
En second lieu, un projet de quartier aux normes écologiques a aussi des coûts
importants pour les particuliers, c'est-à-dire pour ceux qui veulent habiter ce type
de quartier. En effet, dans le quartier Vauban à Fribourg, les maisons basse
consommation valent en moyenne 15% de plus qu'une maison classique,
engendrant, comme nous l'avons vu, une gentrification du quartier qui n'était pas
prévue à l'origine. À Ribeauvillé, les surcoûts ont été de 15% (contre 5% prévus
dans le projet initial), et certains pans du projet ont dû être abandonnés ou revus à
la baisse (comme la station locale d'épuration). Or, ce surcoût ne sera sans doute
pas rattrapé à la revente, car d'ici là les normes environnementales auront évolué,
ou bien elles se seront imposées à toutes les constructions et ce ne sera alors plus
un argument de prix fort de vente ; sans compter que la loi du marché se fait
souvent en fonction de la valeur donnée au quartier et donc de son image.
Questions soulevées par la politique de la ville durable en Alsace.
Ainsi, la ville durable sociale en Alsace se réduit à quelques politiques
majeures :
– L'éco-construction, en développant les bâtiments basse consommation
d'énergie, en développant les énergies renouvelables (panneaux solaires,
éoliennes intégrées aux bâtiments), et en requalifiant le cadre de vie par sa
végétalisation et la création de zones piétonnes.
– La mixité sociale, en développant des quartiers constitués de différents types
de logements, aussi bien en terme architectural qu'immobilier (location,
logement social et propriété privée) soit en écoquartiers, soit en rénovation
urbaine. Mais les retombées de ces politiques sont pour l'instant non
quantifiables.
160
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
D'autres registres possibles de la ville durable sociale commencent à être pris
en compte :
– La remise en état écologique des territoires dégradés. C'est toute la question
des espaces exposés aux nuisances (sonores, visuelles, olfactives), aux
risques naturels ou technologiques, ou des friches industrielles en tissu urbain.
Or ces espaces sont relativement nombreux, notamment au niveau des deux
grandes agglomérations alsaciennes, Strasbourg et Mulhouse. On comprend
alors mieux les projets menés, tant dans le cadre des écoquartiers que dans
celui de la rénovation urbaine.
– Le soutien aux emplois locaux, c'est-à-dire à l'intérieur des différents
quartiers, afin de limiter les mobilités quotidiennes. Mais pour l'instant, la
politique se limite souvent encore à faire un zonage urbain en dissociant les
zones de résidence et les zones d'activités. Ainsi, même si dans le projet de
rénovation urbaine du quartier des Coteaux à Mulhouse est inséré un volet
économique par l'extension de la zone d'activités du Parc des Collines, celle-ci
est dissociée de la cité. En effet, il faut sortir des Coteaux et emprunter la
rocade pour atteindre le Parc pourtant très proche à vol d'oiseau. À Ribeauvillé,
seule une chocolaterie employant une douzaine de personnes s'est installée au
niveau du nouveau quartier. Quant aux autres projets ou réalisations, ils
n'offrent que des commerces de proximité ou des emplois dans des services
publics.
– La densification urbaine. L'une des solutions avancées par les projets dans le
cadre de la ville durable est celle de la ville compacte. Dans les projets
alsaciens, la densité est assez faible (de l'ordre de 8 à 10 000 hab./km²). De
plus, certains écoquartiers relèvent de l'étalement urbain (les Rives du Bohrie à
Ostwald, les Portes du Kochersberg à Vendenheim, le Brandstatt à Ribeauvillé).
161
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Conclusion
En définitive, dans le cadre de la politique de la ville durable en Alsace, si la
volonté d'action sociale porte sur tous les champs possibles, la pratique privilégie
quelques domaines : la rénovation urbaine, la valorisation des espaces sociaux,
l‟amélioration du cadre de vie, l‟écoconstruction et la maîtrise énergétique en
favorisant les énergies renouvelables. Ces choix s'effectuent selon les priorités
urbaines propres aux collectivités territoriales. Toutefois, cette nouvelle approche
des enjeux de l'aménagement urbain donne naissance à de nouveaux paysages
urbains (et au final à un nouvel urbanisme) dans lesquels la durabilité a un statut
particulier, celui de participer au bien-être des habitants au quotidien. Pour l'instant,
tous les projets jouent un rôle de sensibilisation et de diffusion de nouvelles
pratiques. De plus, la gouvernance locale se développe en faisant participer les
habitants eux-mêmes au sein de conseils de quartier ou d'associations de
riverains. Mais tous les projets relèvent du zonage urbain et non d'une politique
globale.
Néanmoins, en Alsace, le développement durable appliqué à la ville semble
mettre en avant la finalité écologique, alors que le volet social reste peu
développé. Il semblerait que ce ne soit que dans le cadre de programmes sociaux
imposés et encadrés que la ville durable sociale puisse se construire, comme dans
le cas du quartier du Brandstatt à Ribeauvillé. On est même amené à s'interroger
sur la réelle portée du développement durable voulu dans les projets de rénovation
urbaine ou d'écoquartiers. En quoi l'application de normes environnementales de
construction, qu'elles soient HQE, basse consommation, énergie passive ou
positive, permet-elle de qualifier un projet de durable, alors même que ce type de
constructions devient la norme depuis l'adoption des mesures du Grenelle de
l'Environnement ? Ainsi, le bilan énergétique des logements étant désormais
obligatoire dans les locations et dans les ventes, on peut très bien imaginer qu'à
terme toutes les constructions devront respecter les normes environnementales.
En revanche, ces normes ont des retombées positives pour les habitants car elles
permettent en moyenne 30% d'économie sur la facture énergétique. Pour des
ménages en précarité sociale, c'est une vertu non négligeable de ces logements,
alors qu'elle n'est ni mise en valeur ni relayée dans les projets ! On peut ainsi se
demander si la ville durable sociale n'est possible que dans le cadre de projets de
petite dimension très encadrés et au sein de nouveaux quartiers dont l'image n'est
pas encore forgée, ou si elle ne relève pas plutôt de l'utopie urbaine, voire du rêve
de certaines volontés politiques.
162
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Bibliographie :
 ARENE Ile-de-France (2005), Quartiers durables. Guide d'expériences
européennes, p.68-84.
 Aubertin C., Vivien F. D. (2006), Le développement durable, enjeux politiques,
économiques et sociaux, IRD Edition – La Documentation française.
 Bonard Y., Matthey L. (2010), « Les éco-quartiers : laboratoires de la ville
durable », Cybergeo, http://cybergeo.revues.org/23202.
 Boutaud B. (2009), « Quartier durable ou éco-quartier ? », Cybergeo,
http://cybergeo.revues.org/22583.
 Emilianoff C. (2007), « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique
en Europe », L'Information géographique, volume 71, p.48-65.
 Holz J.M. (2004), « La ville durable : une nouvelle utopie ? », Historiens et
Géographes, Vers une géographie du développement durable ?, n°387, p.109114.
 Lefèvre P., Sabard M. (2009), Les écoquartiers, Ed. Apogée.
 Mancebo F. (2004), « Développement durable et stratégies d'acteurs en milieu
urbain ? Écueils et enjeux », Historiens et Géographes, Vers une géographie
du développement durable ?, n°387, p.123-129.
 Michna R. (2007), « Environnement montagnard, urbanisme et sensibilité
écologique : le cas de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) », BAGF, n°2007-2,
p.204-216.
 Monot A. (2009), « Le modèle fribourgeois et les villes alsaciennes. Vers la
ville durable dans le fossé rhénan ? », in L'aménagement entre nature et
culture, Actes de la 8ème Table Ronde du Rhin Supérieur, APR-CRESATRECITS, p.49-73.
 Offner J.M., Pourchez C. (2007), « La ville durable. Perspectives françaises et
européennes », Problèmes politiques et sociaux, n°933, La Documentation
française.
 Schweitzer P. (2005), « Fribourg la Verte », Saisons d'Alsace, n°28, p.100-103
 Veyret Y. (dir.) (2007), Dictionnaire de l'environnement, A. Colin.
 Wolff J.P. (2004), « Morphologie urbaine et développement urbain durable »,
Historiens et Géographes, Vers une géographie du développement durable ?,
n°387, p.115-122.
Sites Internet :
Politiques de développement durable de la ville de Fribourg-en-Brisgau :
 www.freiburg.de
 www.quartier-vauban.de
 www.forum-vauban.de
Sites sur les projets de la ville de Mulhouse :
 www.mulhouse.fr
Sites sur les projets de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) :
 www.strasbourg.eu
 www.forum-ecoquartiers.strasbourg.eu
Site sur la rénovation urbaine :
 www.anru.fr
163
Partie 4 – Espaces et patrimoines
La notion de patrimoine se situe au cœur de l‟approche d'un aménagement
durable, pris entre la préservation des acquis et l‟engagement vers le futur. Du fait
de la mondialisation qui nivelle les valeurs et les particularismes, l‟affirmation des
ressources propres à un territoire constitue un révélateur de l‟état des forces
locales53. En Europe et en Amérique du Nord, le statut accordé au patrimoine
évolue autour de quelques idées centrales :
 Sa conception s‟inscrit dans une cadre de plus en plus large, bien au-delà d‟un
type convenu de vocabulaire paysager ou architectural. Le patrimoine
rassemble des éléments matériels et immatériels, anciens comme récents,
perçus comme une richesse ou comme une charge. Il figure dans la boîte à
outils de la gouvernance.
 Les citoyens sont entrés dans le jeu. Ils font pression contre la réalisation de
certains projets, souvent en ce qui concerne l‟aménagement des
infrastructures, et en faveur de la valorisation de certaines ressources. Les
actions menées s‟inscrivent dans la légalité ou bien elles peuvent prendre un
tour plus radical. Tout projet trouvera à la fois des défenseurs et des opposants.
 À certaines conditions, le passé n‟est pas une charge mais une source de
richesse culturelle et de croissance économique.
En amont de toute analyse, il convient d‟avoir en mémoire que le lieu est le
support de l‟être54. La relation intime entre l‟homme et l‟espace conduit
nécessairement à des représentations. Celles-ci constituent des préalables, le plus
souvent implicites à l‟élaboration de schémas prospectifs. Elles apparaissent aussi
déterminantes que subjectives. Selon les personnes et les groupes sociaux
(groupes qui se définissent autour des caractéristiques des individus comme l‟âge,
la taille de la famille, la qualification et le niveau d‟études, le lieu de résidence, la
durée de résidence dans la région), les images que l‟on peut se faire du patrimoine
sont très diverses. Ce qui peut avoir de la valeur pour les uns n‟en a aucune pour
les autres. En particulier, un conflit culturel oppose les jugements de valeur autour
des symboles de la tradition et de la modernité.55 Ainsi, les centrales
hydroélectriques du Rhin et la centrale nucléaire de Fessenheim présentent le
profil définissant des éléments patrimoniaux : tout le monde connaît ces lieux, ils
sont composés de bâtiments exceptionnels, ils ont une grande valeur économique
et ils accueillent des visiteurs (EDF compte parmi les pionniers du tourisme
53
Datar, Territoires en mouvement (2002), Les pôles d’économie du patrimoine, La
Documentation française DATAR, 89 p.
54
Dardel E. (1952), L’homme et la terre, Paris PUF. Réédition par le Comité des Travaux
historiques et scientifiques, 1990, 199 p.
55
Antoine Bailly, La perception de l’espace urbain, Service de reproduction des thèses de
Lille, 1980, 710 p. et annexes.
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
industriel). Pour autant, les centrales électriques ne correspondent pas à l‟image
usuellement véhiculée par le patrimoine. Il s‟agit donc de pouvoir fédérer les
représentations autour de valeurs qui puissent prendre sens pour l‟ensemble de la
collectivité.
Les documents prévisionnels d‟urbanisme évaluent à seulement 25 000
hectares les possibilités d‟urbanisation future, ramenées à 18 500 si l‟on en
défalque les espaces de protection, voire à 13 000 si l‟on est plus attentif à
l‟environnement et à l‟agriculture56.
1. La périurbanisation de Strasbourg de 1986 à 2006 –
identification et quantification des évolutions du paysage –
Tran D.B1. et Weber C1.
Laboratoire Image Ville Environnement (LIVE) ERL7230 CNRS Université de
Strasbourg, 3 rue de l‟Argonne, F – 67000 STRASBOURG
La logique du développement durable et l‟application des mesures contenues
dans les textes des Grenelle I et II ont conduit à une réflexion renouvelée sur les
relations entre la « ville » (prise en tant qu‟entité globale, souvent sans définition
précise en termes de fonctionnement (Collins et al., 2000 ; Corbyn, 2010) et son
environnement (là encore, vu de manière générale sans toujours prendre en
compte les relations systémiques entre les différents compartiments naturels).
Pourtant la variété des formes de développement des systèmes urbains est
suffisamment importante pour que l‟on s‟attache à en décrire les processus, les
révélateurs et éventuellement les limites.
Dans un tel contexte, les documents d‟urbanisme (SCoTs et PLUs) ont mis en
exergue la problématique de la maîtrise foncière, problématique emblématique des
dynamiques de peuplement depuis une dizaine d‟années. Cette question reste
centrale dans le processus d‟urbanisation et en particulier dans le cadre de
l‟accroissement périphérique et du desserrement du peuplement urbain. Ainsi
durant les deux dernières décennies (1990-2010) la périurbanisation, modèle de
développement urbain largement répandu, a été étudiée, et dernièrement
dénoncée pour ses impacts négatifs, induisant des gaspillages de ressources
(environnementales, économiques, foncières etc.), une ségrégation socio-spatiale
accrue et des externalités économiques négatives (NcIntyre et al., 2000 ;
Schubarth, 2008). Pour aborder ces impacts, diverses approches sont
développées : car la périurbanisation s‟affirme par des modes d‟habiter ou de se
déplacer différents de ce que l‟on observait jusqu‟alors. « Il n’existe pas de
définition commune, ni de bonne manière d’appréhender spatialement ou de
qualifier le système périurbain » précisaient Roux et Vanier en 2008. Parmi ces
approches, l‟usage de série cartographiques ou d‟images satellites permet
d‟observer les transitions d‟un état du sol à un autre, de quantifier ces
56
ADEUS, AURM, DRE et DRAF-Alsace (2007) Étude sur l’utilisation du foncier en Alsace
face aux enjeux d’aménagement du territoire, 87 p.+ annexes cartographiques.
165
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
changements et de caractériser les formes de paysage induites, tant pour le
paysage « naturel » que pour les formes de peuplement. Ces transformations se
réalisent en particulier dans des zones de tension, de confrontation d‟usage, de
compétition selon des gradients centre-périphérie, entre matrice urbaine dominée
par le bâti et les zones minérales, d'une part, et matrice naturelle et agricole d'autre
part (Forman and Godron 1986 ; McDonnell et al. 1997 ; McDonnell and Pickett
1991).
Les travaux ci-après abordent ces espaces particuliers au travers du suivi des
processus de peuplement (urbanisation et périurbanisation) et de l‟évolution de la
structure des paysages. Ce décryptage permet d‟identifier les différentes phases
d‟urbanisation et les modifications paysagères induites selon la cinétique de
chaque ensemble (urbain-naturel) et d‟aborder les relations fonctionnelles des
systèmes analysés.
En effet, l‟étude des changements de la forme du paysage constitue une étape
importante dans la compréhension des conséquences tant sociales qu‟écologiques
induites (Savard et al., 2000), tant dans les fonctions urbaines que dans les
processus écologiques eux-mêmes (Weng, 2007). La prise en compte de la
« ville » en tant qu‟éco-sociosystème, intégrant les dynamiques socioéconomiques et les processus écologiques (Douglas 1981 ; Millennium Ecosystem
Assessment 2005 ; Sterns and Montag 1974 ; Machlis en al., 1997) fonde une telle
approche. En conséquence, plutôt que d‟explorer uniquement la contribution de
l‟urbanisation aux impacts environnementaux, il devient pertinent d‟étudier les
relations complexes qui se jouent tout particulièrement dans ces espaces
« d‟entre-deux » faits de formes urbaines en émergence, des zonages agricoles
parfois enclavés, des espaces « naturels » convoités ou patrimonialisés ou
appauvris (Bastin et Thomas, 1999 ; Mortberg, 2001 ; Olff et Ritchie, 2002).
L‟observation des changements du paysage au cours du temps permet
d‟estimer la nature et la cinétique des processus naturels et anthropiques en jeu et
d‟en évaluer les enjeux de gestion des ressources naturelles et des territoires. Le
suivi de ces changements est effectué depuis une vingtaine d‟années à partir de
données satellites (Landsat MSS, TM, ETM, Spot, Ikonos, Quickbird, etc.) grâce à
leurs résolutions spatiales, spectrale et temporelle de plus en plus performantes.
L‟utilisation conjointe de la télédétection et de métriques paysagères (Macgarigal et
Mark, 1994) ne s‟est répandue que récemment pour l‟étude des changements du
paysage urbain et périurbain (Dietzel et al., 2005 ; Herold et al., 2002, Herold et al.,
2003 ; Herold et al., 2005 ; Leitão et Ahern, 2002 ; Weng, 2007 ; Skupinski et al.,
2009). En effet, cette approche issue de l‟écologie du paysage (Gustafson, 1998 ;
McGarigal et al., 2002) permet d‟aborder des formes complexes et de les rendre
identifiables et quantifiables. Elle favorise par ailleurs la révélation de propriétés de
l‟écosystème non observables a priori (Antrop et Van Eetvelde, 2000). La métrique
paysagère ou métrique spatiale est une mesure de la forme et de la distribution
des structures spatiales (ou éléments comme la végétation). Cet outil
méthodologique autorise ainsi la mesure (1) des modifications des formes du
paysage, notamment en fonction du niveau d‟urbanisation – la tâche ou le patron –
(Luck et Wu, 2002) ainsi que (2) de la dynamique temporelle de ces changements
(Dietzel, et al., 2005 ; Herold, et al., 2003). Cependant, le potentiel de telles
166
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
analyses quantitatives dépend fondamentalement des données géographiques
disponibles, notamment les données spatiales (cartographique, photographique ou
satellite) et de la résolution spatiale de celles-ci.
L‟objectif de ce travail est d‟identifier, de caractériser et de quantifier les
modifications paysagères qu‟entraîne l‟avancée du front d‟urbanisation sur l‟arrièrepays de Strasbourg et de la Communauté Urbaine (CUS) sur une durée de 20 ans
entre 1986 et 2006 à partir des images satellites et d‟indices de métrique
paysagère. Ces résultats peuvent fournir des éléments de réflexion supplémentaire
aux débats actuels sur les scénarios prospectifs d‟évolution des relations
villes/campagnes dans la veine de ceux initiés par la DATAR (2007) et l‟INRA
(2009). Comme toutes les agglomérations régionales, Strasbourg connaît à la fois
(1) un mouvement d‟étalement urbain certes contraint par le relief, les
caractéristiques hydrologiques (fleuve frontière, zones humides, remontée de
nappe, etc.), dynamisé par les facteurs démographiques et économiques et (2) un
processus de renouvellement urbain interne (réhabilitation ou densification). Ainsi
l‟Observatoire du foncier et des évolutions des territoires note-t-il qu‟entre 1976 et
2002 la tache urbaine s‟est accrue de 56% soit 530 ha transformés par an.
Après avoir précisé le site d‟étude et les données utilisées, les choix
méthodologiques seront présentés et illustrés. Les résultats seront discutés par la
suite afin de fournir quelques clés intéressantes pour la compréhension des
processus étudiés.
1.1 Contexte de recherche
Données disponibles
Les principales sources de données utilisées dans cette étude sont trois images
multispectrales Spot (Tableau 23) et des données classiques (cartes, orthophotos
IGN et relevés de terrain). Les compositions colorées IRC (Infra Rouge Couleur)
des trois images sont présentées sur la Figure 17.
Tableau 23 : Caractéristiques techniques des images SPOT
Image
Date
d’acquisition
Résolution
spatiale
Spot 1
HRV2
28 juin 1986
20 m
Spot 3
HRV2
22 juillet 1996
20 m
Spot 2
HRV2
16 juillet 2006
20 m
167
Résolution
spectrale
0,50-0,59 m
0,61-0,68 m
0,79-0,89 m
0,50-0,59 m
0,61-0,68 m
0,79-0,89 m
0,50-0,59 m
0,61-0,68 m
0,79-0,89 m
Projection
NTF, Paris,
France 1
NTF, Paris,
France 1
NTF, Paris,
France 1
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 17 : Composition colorée IRC (Infra Rouge Couleur) de trois images SPOT
acquise en 1986, 1996 et 2006
La période d‟acquisition des images est très importante dans l‟étude des
changements du paysage à partir des données satellitaires. Jensen (1983) a
constaté que les images prises pendant les mois ensoleillés présentent un très bon
contraste entre objets urbains et non-urbains ; et l‟utilisation des images acquises
dans la même période de l‟année pour l‟étude diachronique peut réduire les
problèmes liés aux différences d‟angles solaires, au changement phénologique de
la végétation et à la différence d‟humidité des sols. Les images utilisées pour cette
étude sont cohérentes en termes de période d‟acquisition (en juin et en juillet) et
de hauteur du soleil (très peu décalée, entre 58° et 62°). Ces images n‟ont
pratiquement pas de couvert nuageux. Ces paramètres physiques permettent de
168
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
considérer que les ombres portées sont négligeables et que les conditions
d‟acquisition d‟images sont similaires.
L‟observation du processus d‟urbanisation dans l‟aire urbaine de Strasbourg est
basée sur le résultat de classification des trois images SPOT acquises en 1986,
1996 et 2006. La zone d‟étude est essentiellement la partie commune existante
dans ces trois images. Dans l‟objectif de suivre le processus d‟urbanisation et de
périurbanisation de manière plus fine entre 1986 et 2006, nous avons divisé la
zone d‟étude en 4 secteurs : Centre (la ville de Strasbourg), Ouest (des cantons de
Mundolsheim, une partie de ceux de Geispolsheim, Molsheim et Illkirch –
Graffenstaden), Nord (des cantons de Brumath, Mundolsheim, Truchtersheim,
Bischheim, Schiltigheim et Wasselonne) et Sud (l‟autre partie de Geispolsheim,
Erstein et Benfeld) (Figure 18).
Identification, caractérisation de la périurbanisation à Strasbourg
L‟expansion urbaine apparaît nettement par l‟observation visuelle des résultats
de traitements de classification pour ces trois années (Figure 18). Ces derniers
s‟accordent aux données statistiques. Les types d‟occupation du sol obtenus par
classification permettent d‟identifier les zones de fortes tensions entre les espaces
urbanisés et les zones agricoles ou naturelles. La caractérisation des zones bâties
et des surfaces commerciales et industrielles souligne les directions des
transformations qui ont eu lieu sur cette période de vingt années.
Différents mouvements peuvent ainsi être identifiés. Tout d‟abord un
remplissage des espaces vides au centre-ville de Strasbourg et des bourgs centres
de la CUS à proximité de Strasbourg entre 1986 et 1996. De 1996 à 2006, le
mouvement est différent : on constate un renforcement des communes alentours
(même si des erreurs de classification semblent majorer ce fait). Sur cette seconde
période, la CUS a gagné près de 15 000 habitants soit une croissance annuelle de
0,46%. Toutefois cette croissance varie selon les grandes entités territoriales de la
CUS (Strasbourg, première et seconde couronnes) où de fortes variations
modulent ce constat. La ville s‟accroît uniquement par solde naturel, la première
couronne présente un déficit migratoire léger et une croissance naturelle faible
avec de fortes disparités (certaines communes étant plus attractives que d‟autres),
enfin et pour la première fois, la seconde couronne est en perte de vitesse ; elle a
un solde migratoire négatif à peine soutenu par le solde naturel. Ce sont les
communes de la troisième couronne (hors CUS) qui maintenant bénéficient d‟un
afflux de population avec des taux supérieurs à 3% dans certains cas
(Landersheim, Wiwersheim…) (note interne Soulet, CUS 2009). Ceci correspond
aux résultats présentés par Lavergne et al. (2007) qui ont constaté que l'évolution
annuelle de la densité de la population sur les deux périodes 1990-1999 et 19992005 montre un déplacement du phénomène de densification à l‟ouest de la
Communauté Urbaine de Strasbourg. Dans un rayon de 15 km autour de
Strasbourg, le rythme de densification est moindre sur la période récente alors qu‟il
était soutenu entre 1990 et 1999, notamment sur la première couronne
strasbourgeoise. Cette urbanisation se fait sans doute au bénéfice de dynamiques
plus locales autour de villes de la périphérie de l'aire urbaine (hors CUS), comme
le souligne le modèle des dynamiques migratoires internes à l‟espace
169
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
strasbourgeois (Soulet, CUS 2009). La Figure 18 illustre bien cette évolution,
mettant en avant ce déplacement des changements d‟occupation du sol vers
l‟ouest.
Une vue d’ensemble
Tableau 24 : Surface en hectares des classes d‟occupation du sol dans la CUS
1986 1996
2006
Sols nus (S)
5759 3530
1667
1425 2705
Cultures (C)
1
1 28189
5294 3631
Végétation (V)
8
4 33753
Surfaces Industrielles (I)
2085 2996
3244
1029 1585
Bâti (B)
0
6 18776
Le Tableau 24 présente de manière détaillée quels sont les types d‟occupation
qui ont le plus évolué sur la période. L‟extension du bâti montre que les deux
classes « Bâti » et « Surfaces industrielles et commerciales » gagnent en surface
entre 1986, 1996 et 2006. En moyenne, les surfaces bâties augmentent de près de
20% par période de 10 ans. Les changements d‟occupation entre les dates sont
concentrés surtout sur le passage de sols cultivés vers Bâti et Végétation vers Bâti,
ce qui équivaut à environ 12 000 ha en 20 ans. Ce qui est conforme aux données
de l‟Observatoire du foncier (Notes 25, ADEUS 2010). Quant aux zones
industrielles et commerciales, la croissance de leur surface est moins importante
pour la période de 1986-1996 (5,3% soit 810 ha) par rapport à la période de 19962006 (8,7% soit 810 ha). En contre point, les surfaces de Végétation, Sol nu et
Cultures ont donc fortement diminué (Tableau 25).
Tableau 25 : Transition entre les classes d‟occupation importantes dans la CUS
entre 1986 et 2006 (ha) Sols nus-Bâti ; Végétation-Bâti ; Cultures–Bâti ; Sols nusSurfaces Industrielles ; Végétation-Surfaces Industrielles ; Cultures-Surfaces
Industrielles
Etat stable
S-S
Ha
I-I
%
Ha
Changements
C-C
%
Ha
V-V
%
Ha
B-B
%
Ha
S-B
%
Ha
V-B
%
Ha
C-B
%
Ha
S-I
%
Ha
V-I
%
C-I
Ha
%
Ha
%
86-96
436
7,58 1015 48,7 4357 30,6 26841
50,7 5828 56,6
998 17,3 5118
9,7
2959
20,8 216 3,7 322
0,6
272
1,9
96-06
222
6,28 1566 52,3 13273 49,1 21562
59,4 9713 61,3
854 24,2 2845
7,8
4238
15,7 230 6,5 317
0,9
365
1,3
86-06
192
3,3
45,8 6062 58,9 1439
25 7075 13,4 3035
21,3 273 4,7 831
1,6
363
2,5
876
42
4646 32,6 24249
170
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 18 : Les directions d‟évolution de l‟occupation du sol de Strasbourg à la
troisième couronne (1986, 1996, 2006)
171
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
1.2 Les transformations paysagères
Pour aborder ces transformations, il a été nécessaire de diviser en 4 la zone
d‟étude afin :
 D‟identifier l‟ampleur du processus d‟urbanisation et de péri-urbanisation.
 D‟identifier les vitesses du processus d‟urbanisation pour chaque secteur à
chaque période.
 De caractériser le changement de la structure paysagère le long de
trajectoires urbain-périurbain.
 De caractériser la forme de l‟extension urbaine dans l‟aire d‟étude.
L‟utilisation des approches d‟écologie du paysage a été réalisée récemment
dans les études urbaines en traitement d‟image. En effet, elles offrent un ensemble
d‟indicateurs intéressants qu‟il faut cependant maîtriser pour une application
efficace sur des paysages urbains. Certains auteurs (Alberti and Waddell, 2000 ;
Barnsley and Barr, 1997 ; Herold et al., 2003 ; Herold et al., 2002 ; Macgarigal and
Barbara, 1994 ; Matsushita et al., 2006) ont appliqué ces indicateurs de métrique
spatiale, pour aborder la végétation ou des ensembles écologiques afin d‟en
comprendre les processus (Gustafson, 1998 ; Leitão and Ahern, 2002 ; McGarigal
et al., 2002). D‟autres ont appliqué cette métrique sur les formes bâties pour
compléter les mesures habituelles de compacité ou de linéarité. Peu ont tenté de
combiner le tout et d‟aborder la description spatio-temporelle des paysages
étudiés. Ces mesures calculées à des échelles spatiales différentes sur des
ensembles paysagers (patch) aussi bien que sur des paysages (aires entières)
offrent en plus la possibilité de réflexions multi-échelles sur les processus étudiés.
Les analyses paysagères réalisées à partir d‟images classées fournissent une
information additionnelle pour ces études de changement. Plusieurs indicateurs
peuvent être utilisés ; nous n‟avons retenu que ceux déjà testés (Antrop and Van
Eetvelde, 2000 ; Luck and Wu, 2002 ; Skupinski et al., 2009) car plus performants
pour nos objectifs. Les traitements ont été réalisés sur le découpage en quatre
zones (ouest, centre, nord et sud) de la zone d‟étude (Figure 12). Trois groupes de
métriques ont été testés :
 La fragmentation : la mesure permet de quantifier les paysages selon la
densité et la taille des ensembles, leur répartition spatiale tout comme les
zones de contact entre les éléments : patch density (PD), mean patches of
size (MPS), largest patch index (LPI).
 La composition : cette mesure fournit une information sur le niveau de
dominance d‟un type d‟occupation du sol par rapport aux autres, le niveau
d‟hétérogénéité : pourcentage of landscape (PLAND), Shannon of
evenness index (SHEI).
 La connectivité : deux métriques sont intéressantes car elles offrent deux
descriptions, l‟une qualitative et l‟autre quantitative des formes paysagères
en soulignant les relations entre les éléments du paysage : Contagion
(CONTAG), aggregation index (AI).
172
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Le tableau 26 résume ces diverses métriques et précise les modalités de calcul.
Tableau 26 : Métriques paysagères, description et échelle spatiale
Indice
Densité des
composants
Abréviation
PD
Description
Range
Échelle
d’analyse
Nombre de composants
par 100 hectares
PD>0
Paysage
Nombre de composants
de chaque classe par 100
hectares
PD>0
Élément
Taille moyenne pour tous
les composants dans le
MPS>0
paysage par 100 hectares
Distribution de proportion
de
différents
types 0 SHEI
d‟occupation du sol dans
1
le paysage
Probabilité d‟un pixel
0<CONTA
d‟être adjacent aux pixels
G 100
de la même classe
Taille moyenne
des composants
MPS
Indice
d‟équitabilité de
Shannon
SHEI
Contagion
CONTAG
Composant
majeur
LPI
Mesure la tache la plus
0<LPI 10
grande de chaque classe
0
dans le paysage
Elément
Pourcentage du
paysage
PLAND
Mesure
la
surface 0<PLAND
occupée par une classe
100
Elément
Indice
d‟agrégation
AI
Arrangement spatial et
regroupement des objets
sur l‟image
Elément
0<AI<1
Paysage
Paysage
Paysage
Toutes ces mesures ont été calculées avec le logiciel opensource FRAGTATS
software 3.3 (McGarigal et al., 2002)
Les transformations à l’échelle du paysage
Parmi les mesures utilisées PD, MPS, CONTAG et SHEI fournissent des
résultats intéressants tant au niveau spatial que temporel (Figure 19).
Ainsi la densité des éléments paysagers (PD) semble être un bon descripteur de
l‟évolution de la fragmentation du paysage. Si l‟on se réfère à la Figure 19, on voit
bien que la valeur diminue de manière générale pendant la période 1986 – 2006,
mais cette diminution n‟est pas identique spatialement entre les 4 entités spatiales
définies. Le centre et le sud offrent ainsi des diminutions plus fortes entre 1976 et
1996 que les autres partitions.
La taille moyenne des éléments (MPS) fournit une information sur la
fragmentation du paysage : plus la taille est petite et plus le paysage est
173
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
fragmenté ; inversement, plus la taille augmente et plus il y a agrégation des
formes et donc remplissage du paysage. MPS atteint des valeurs basses au centre
et au sud indiquant de petites parcelles entre 1986 et 1996 ; cependant les valeurs
ont augmenté fortement en 2006 quelle que soit la direction ce qui est
caractéristique de parcelles plus grandes, et donc d‟accrétion notamment dans le
nord des éléments du paysages.
La mesure de contagion (CONTAG) permet d‟illustrer la répartition spatiale des
éléments du paysage. De manière générale, la mesure présente une certaine
ressemblance de comportement dans le temps et l‟espace, avec cependant en
1986 un comportement spécifique pour le centre qui, de peu agrégé par rapport
aux autres partitions, s‟est compacté.
Figure 19 : PD, MPS, CONGTAG and SHEI à l‟échelle du paysage
Le Shanon‟s evenness index (SHEI) représente la proportion des différents
types d‟occupation du sol sur la zone étudiée. Plus la valeur est élevée, plus il y a
d‟hétérogénéité. Là encore on a une tendance générale similaire, si ce n‟est le
centre qui devient de plus en plus hétérogène. Ceci est dû notamment à la variété
174
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
des types d‟occupation du sol en ville comparé à l‟homogénéité des zones
périphériques ; il s‟agit surtout d‟un effet de taille des éléments.
À partir de ces mesures on voit bien que les effets de l‟urbanisation sont visibles
dans le paysage, notamment le centre qui correspond à Strasbourg, marqué par
une diversité des types d‟occupation du sol (liée à la petite taille des éléments), par
l‟augmentation de la taille des parcelles et par une forte connexion entre les
éléments de paysage c'est-à-dire une compacité croissante. Temporellement les
changements les plus significatifs de la structure paysagère apparaissent aux
franges, dans les zones de compétition. Parmi les zones périurbaines, le nord et
l‟ouest ont le plus changé. Ces observations sont convergentes avec les résultats
fournis par l‟ADEUS (2009) montrant une forte extension des couronnes
successives durant cette période.
Les transformations à l’échelle des éléments paysagers
Examinons les mesures à l‟échelle de l‟élément, c‟est à dire selon les catégories
d‟occupation du sol : le bâti, les surfaces commerciales et industrielles, la
végétation et l‟agriculture. Trois mesures PLAND, LPI et AI ont été utilisées pour
illustrer les questionnements sur l„évolution de la composition du paysage (Figure
20).
Le pourcentage de paysage (PLAND) (Figure 20a) est une des mesures
importantes pour étudier la composition paysagère puisque chaque élément a des
attributs de forme différents. Cette mesure est calculée par le ratio entre les
éléments d‟une classe et le nombre de classes reconnues au sein de la zone
d‟étude. À noter que la répartition spatiale des types – bâti et surfaces
commerciales et industrielles – est liée au degré d‟urbanisation, alors que cette
mesure pour la végétation ou les zones agricoles a un comportement opposé. La
répartition spatiale est bien entendu inverse entre le centre et les zones ouest, sud
et nord ; une augmentation générale des zones minérales (en augmentant ainsi les
surfaces imperméables) par rapport aux autres catégories d‟occupation du sol. Ces
modifications sont importantes quelles que soient les zones pour la végétation.
L‟index de taille de l‟élément (LPI) montre clairement la distribution des formes
urbaines selon le degré de dominance des types d‟occupation. Le LPI des zones
bâties est plus fort dans la partie centre (Strasbourg) et décroît graduellement au
nord, l‟ouest et l‟est à cause de la dominance faible des bâtiments résidentiels. Par
contraste, les mesures de LPI des zones agricoles augmentent dans les zones
périphériques ouest, sud au nord. La classe de végétation est dominante au sud
où le LPI est très haut (Figure 20b) avec une domination de plus importante en
1986 qu‟en 1996 et 2006 (ce qui accrédite la récession des zones de végétation).
Les zones industrielles et commerciales occupent des zones moins importantes
comparativement et en conséquence éparpillées au sein du paysage sauf en
périphérie proche de Strasbourg.
175
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
L‟index d‟agrégation (AI) mesure les arrangements spatiaux des paysages. La
mesure des formes de bâti, des surfaces commerciales et industrielles ainsi que
de la végétation pour l‟ensemble des zones est élevée. Les variations confirment la
consommation d‟espace principalement autour des centres urbains existants et de
manière différentielle selon les zones. La variabilité de cette mesure montre que
l‟intensité du processus d‟urbanisation varie géographiquement avec des secteurs
plus actifs que d‟autres. Les zones agricoles, notamment au centre, ont un
comportement remarquable puisque les formes s‟agrègent, illustrant la diminution
d‟espaces inclus dans le bâti. Ceci va dans le sens du constat réalisé à savoir
l‟émiettement de parcelles agricoles à proximité du pôle strasbourgeois et leur
disparition progressive dû, entre autres, à la difficulté d‟exploitation (Figure 20c).
Figure 20 : PLAND, LPI et AI à l‟échelle des éléments pour l‟ensemble des classes
d‟occupation du sol
a-PLAND
176
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
b-LPI
c-AI
177
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Conclusion
Ces travaux ont permis d‟identifier et de caractériser les changements des
formes paysagères dans la CUS et ses environs. À partir d‟une série d‟images
SPOT s‟étalant sur vingt ans, des traitements de métriques paysagères ont permis
d‟identifier, quantifier et suivre les transformations de l‟occupation du sol. Bien sûr,
la qualité des traitements d‟image a pu influer sur les résultats obtenus ;
cependant, les vérifications d‟usage permettent de considérer une qualité
satisfaisante des résultats autour de 78%-80% de validité (Kappa). Le potentiel de
ce type d‟analyse dépend de la qualité des données tant en termes spatial
(résolution spatiale) que thématique (nomenclature) (Herold et al., 2005).
De manière générale, l‟analyse spatiale du paysage réalisée montre que la
croissance urbaine articule deux processus : la densification des « trous » au sein
des tissus urbains et des zones d‟extension, soit le long des réseaux, soit en sauts
(leap frog). Le paysage est donc plus continu en 2006 qu‟en 1986 et plus compact
selon des vagues progressives de construction.
Chaque mesure choisie a apporté des éléments de compréhension des formes
du paysage à diverses échelles. En ce qui concerne l‟agglomération de
Strasbourg, PD, MPS, CONTAG et SHEI apparaissent comme des mesures
efficaces pour appréhender le paysage ; les mesures PLAND, LPI et AI sont, elles,
performantes à l‟échelle de l‟élément du paysage. Ces mesures ont permis
d‟identifier des processus variés et différents entre le centre de Strasbourg et les
zones périphériques, opposant un paysage très spécialisé avec une forte densité
de bâti et une valeur élevée de connectivité des éléments du paysage à des
franges caractérisées par des transformations profondes.
La lecture de ces indices permet d‟identifier à la fois la structure urbaine mais
aussi l‟armature des espaces naturels et agricoles et donc d‟identifier les enjeux
associés à l‟imperméabilisation des surfaces, la destruction des habitats, la
fragmentation des paysages, bouleversant le fonctionnement des écosystèmes
vivants.
La quantification des structures paysagères est basée sur la dominance des
éléments bâtis et leur diversité. L‟un des enjeux de la planification urbaine et
régionale est le contrôle de l‟organisation spatiale de l‟urbanisation (Irwin and
Bockstael, 2004). L‟utilisation des mesures paysagères permet : (1) de quantifier à
deux échelles complémentaires la configuration et la répartition spatiale des
éléments de paysage ; et (2) d‟identifier au sein des mesures développées les
repères chronologiques intéressants pour mieux comprendre la cinétique des
processus en cours.
Ces résultats peuvent être considérés comme une information supplémentaire
pour réfléchir à l‟avenir de ces espaces spécifiques que sont les zones
périurbaines. En les englobant dans les réflexions de prospective visant un destin
commun, la durabilité des territoires, il serait intéressant de faire de ces espaces
hybrides des lieux d‟opportunités nouvelles pour concilier les enjeux
environnementaux, agricoles et urbains.
178
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
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181
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2. La gestion économe de l'espace
En tant que région rhénane à forte densité de population (222 habitants au km²
contre 115 pour la France entière), l'Alsace a toujours cherché à gérer son espace
au mieux. Historiquement, les nombreuses zones inondables et autres terres
alluviales infertiles avaient conduit à des regroupements de population sur les
collines et buttes de lœss ainsi que sur le piémont des Vosges. La polyculture
traditionnelle nécessitait des pratiques plus proches du jardinage que de
l'agriculture. Elle avait fait dire à Louis XIV, découvrant la plaine depuis le col de
Saverne, que « l'Alsace est un jardin ». Un semis de villes et de bourgs constituait
une armature hiérarchisée de places centrales. 57
À présent la région connaît un paradoxe : en proie à l'étalement urbain, elle
essaie néanmoins de conserver la maîtrise foncière de son territoire. Elle fait
usage de la réglementation nationale tout en inventant des outils spécifiques. Elle
regarde vers l'Allemagne et la Suisse où la planification spatiale est fortement
contrainte et où les mobilités sont davantage fondées sur les transports en
commun.
2.1 Vers une gestion économe dans l'espace du Rhin supérieur ?
– Patricia Zander
Le Rhin Supérieur correspond à un espace fortement peuplé, structuré par un
puissant réseau urbain. Cette région cherche à devenir un territoire modèle
européen : « Avec ses 21.518 km², ses 6 millions d‟habitants, dont 2,8 millions
d‟actifs, et un PIB d‟environ 202 milliards d‟euros, le Rhin supérieur dispose de
nombreux atouts et d‟un potentiel fort que les acteurs français, allemands, et
suisses de la coopération souhaitent promouvoir au niveau européen. La « Région
Métropolitaine Trinationale » est une démarche structurante susceptible de faire du
Rhin supérieur un laboratoire innovant et exemplaire pour la mise en œuvre des
stratégies de Lisbonne et Göteborg ainsi que de l‟Agenda territorial de l‟Union
européenne »
(http://www.oberrheinkonferenz.org/fr/region-metropolitaine/, 20 mai 2011).
57
Michel Rochefort, L’organisation urbaine de l’Alsace, Les Belles Lettres, Paris, 1960.
182
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Document 12 : La construction de logements
L A C O N S T R U C T IO N D E L O G E M E N T S E N T R E 1 9 6 8 E T 2 0 0 3
Ta u x d 'é v o lu tio n a n n u e l
m o y e n , d u p a r c d e lo g e m e n ts
e n tr e 1 9 6 8 e t 2 0 0 3
4 ,1 %
0 ,4 %
M é th o d e re te n u e :
lis s a g e s ta tis tiq u e ,
a v e c o r d r e d u v o is in a g e d e 1
S o u rc e s :
IN S E E ( R P )
D ir e c tio n R È g io n a le d e l'E q u ip e m e n t ( S IT A D E L )
F o n d s d e c a r te :
D é p a r te m e n t
A ls a c e - c o p y r ig h t IG N - G E O F L A - 2 0 0 1
0
C a r te r é a lis é e a v e c le lo g ic ie l P h ilc a r to : h ttp ://p e r s o .c lu b - in te r n e t.fr /p h ilg e o
10
20 km
E n je u x d e l'E ta t s u r l'e s p a c e a ls a c ie n : d y n a m iq u e s u r b a in e s
R e n a u d d e M a llia r d - 2 0 0 4
S A P - s e r v ic e d e l ' a m é n a g e m e n t e t d e l a p r o s p e c t i v e
183
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les projections démographiques les plus récentes sont très optimistes,
envisageant une croissance globale de plus de 364 000 personnes d‟ici 2030,
malgré des situations locales contrastées. Cette dynamique démographique et
économique positive se traduit par une consommation foncière importante,
n‟infléchissant que de manière modeste les tendances – en cours depuis plus d‟un
siècle – dont on commence aujourd‟hui à mieux cerner les enjeux
environnementaux, économiques, sociaux. Avec des grandes densités qu‟il a été
nécessaire d‟organiser précocement (la Ruhr par exemple, avant la Seconde
Guerre mondiale), l‟Allemagne a mis en place des mesures au début des années
2000 pour tenter de réduire les surfaces consommées. Ainsi, le Ministère du BadeWurtemberg a mobilisé les Universités et les fondations pour tenter de trouver des
clés permettant de réduire la consommation foncière et parvenir aux objectifs de
consommation foncière préconisés par l‟État Fédéral (30ha/j au total pour le pays
en 2020).
Dans ce cadre, une étude franco-allemande (DFIU – M. Hiete / UdS – P.
Zander) a été menée en 2008 pour mieux comprendre les obstacles à une
consommation foncière moindre ainsi que les possibilités pour renverser les
tendances observées. Il s‟agissait de préparer un projet « Interreg IV » sur ce
thème qui a démarré en 2010 : « Gestion économe et durable de l’espace dans les
petites et moyennes communes du Rhin Supérieur » 2010-2012 –
http://www.geekom.info/francais.html.
Après un bref cadrage relatif à la consommation foncière, ses enjeux et ses
liens avec la périurbanisation, nous présenterons les principaux enseignements de
l‟étude menée en 2008 (en Alsace et en Bade) et le sens du projet Interreg qui en
a résulté. Ceci nous permet de réinterroger le sens donné à l‟expression « gestion
économe de l‟espace » et les nouvelles perspectives qu‟il est possible de lui
accorder actuellement, particulièrement dans le cadre du développement
périurbain.
2.1.1 La consommation foncière, ses enjeux, ses liens avec la périurbanisation :
l’exemple du Rhin Supérieur
Le foncier et sa consommation
La consommation foncière est une expression récente véhiculant au moins
deux idées majeures qu‟il est important de souligner ici : le foncier peut être vu
comme un bien « consommé », c'est-à-dire [quelque chose amené] « à destruction
en utilisant sa substance» ou «mené au terme de son accomplissement »
(Dictionnaire Le Petit Robert). À cette idée est associée l‟idée que le foncier est un
bien matériel comme les autres, mis actuellement sur le marché. Il s‟agirait alors
de gérer le stock du foncier et, au besoin, de le recycler pour les nouveaux besoins
de la société.
Or le foncier ne peut pas être considéré comme un bien matériel comme les
autres. C‟est une portion de l‟espace terrestre, effectivement matérielle car
mesurable, qui a deux dimensions principales : c‟est une surface appropriée – une
appropriation aux multiples facettes possibles – juridique, symbolique…– et/ou
184
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
c‟est une portion de l‟espace qui fait l‟objet d‟usages qui peuvent également variés.
Chaque société et chaque individu entretient une puissante relation au foncier qui
rend quasiment impossible une approche technocratique et purement gestionnaire
d‟un stock de parcelles : l‟utilisation et le recyclage du foncier ne cessent de se
complexifier avec le développement de nos sociétés. Le Rhin Supérieur est
exemplaire à cet égard.
Le Rhin Supérieur, un foncier inégalement rare et convoité
Le Rhin Supérieur est un espace dense (277h/km² en 2008), en croissance
globale tant économique et démographique. Cette dynamique positive se traduit
par les grandes tendances caractéristiques des espaces métropolitains, bien mises
en évidence par le sociologue Michel Bassand : le développement des mobilités
(loisirs, travail…), la fragmentation de l‟espace avec ses espaces spécialisés du
point de vue fonctionnel et social, le développement des inégalités sociales. La
banalisation des paysages constitue également un résultat du processus
métropolitain. La traduction spatiale de l‟ensemble de ces phénomènes peut se
retrouver sous un seul vocable aux connotations inquiétantes : « l‟étalement
urbain » (urban sprawl). En effet, l‟étalement urbain apparait avec son caractère
irréversible et incontrôlé, ne laissant pas le moindre interstice à une autre forme
d‟(in)organisation de l‟espace.
Si le Rhin Supérieur peut apparaître comme une seule et importante région
métropolitaine, elle correspond également à une région transfrontalière associant
plusieurs territoires aux dynamiques et aux modes de gestion contrastés.
Tableau 27 : Les dynamiques démographiques des différents territoires du Rhin
Supérieur
Alsace Nordwest Südpfalz Baden Total
-Schweiz
La croissance globale du
Rhin Supérieur cache des
inégalités selon les
Population 1623
1246
273
2189
5331
différentes régions,
en 1990*
comme le montre le
Population 1838
1383
302
2439
5962 tableau ci-contre. Cette
population va donc se
en 2008*
répartir inégalement, selon
Population 2065
1613
268
2380
6326 les variations naturelles
projetée en
propres à chaque région
2030*
et leur capacité à attirer
* En milliers. Source : Conférence Germano-Franco-Suisse une population étrangère.
du Rhin Supérieur – Faits et chiffres 2010
L‟approche du foncier et de sa consommation varient d‟un territoire à l‟autre en
fonction des dynamiques démographiques, des relations au foncier entretenues
par les sociétés et des règles écrites et non écrites qui en découlent. Ainsi, les
Suisses considèrent le foncier comme un élément vital pour la communauté,
notamment parce qu‟il peut garantir son autonomie alimentaire. Ceci se traduit par
le principe d‟une « utilisation mesurée du sol » énoncée dans la loi sur
185
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
l‟aménagement du territoire (LAT, loi fédérale de 1979). Cette loi n‟a cependant pas
réussi à enrayer le mitage des terres agricoles, et l‟étalement urbain reste une
question très sensible actuellement en Suisse. En Allemagne, les espaces
densément peuplés continuent d‟être attractifs dans l‟ouest du pays et le foncier y
est très convoité. Les problèmes environnementaux se multiplient et viennent se
rajouter aux problématiques sociales d‟inégalité et de ségrégation sociales. Les
métropoles allemandes, à l‟instar des métropoles européennes, sont soumises à la
pollution de l‟air, notamment liée aux déplacements automobiles croissants, à
l‟artificialisation des sols et des terres agricoles dans un contexte annoncé de
pénurie, des conséquences alarmantes pour la biodiversité… Des objectifs de
réduction de la consommation foncière ont été définis par l‟État fédéral, mais les
grandes tendances ne semblent pas se stabiliser.
Le Land Bade-Wurtemberg s‟est fixé comme objectif de réduire de plus des 2/3
sa consommation actuelle, passant de 9 ha par jour environ en 2009 à 3 ha d‟ici
2025. En France, l‟article L110 du code de l‟urbanisme préconise une gestion
économe de l‟espace. Mais la densité moyenne française reste faible : la prise de
conscience est très récente et les moyens restent limités. Selon les études des
services de l‟État, l‟Alsace voit sa consommation foncière se réduire depuis l‟an
2000, passant de moins de 3 ha/j en 2000 à environ 1 ha/j en 2006. (DRE Alsace,
2006 : www.cebtp-alsace.asso.fr/.../ diagnosticfoncier.pp). Mais les problèmes liés
à la consommation foncière semblent aussi alarmants qu‟en Suisse et en
Allemagne et mobilisent les institutions alsaciennes pour mieux mesurer et
comprendre le phénomène (ex : Région Alsace, DREAL, 2008, 30 ans
d’urbanisation en Alsace).
186
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 21 : Consommation foncière en Bade-Wurtemberg et en en Allemagne entre
1993 et 2006 (en ha/j, intégrant les voies de communication)
Source : Destatis, ADEUS 2007
2.1.2 Les petites communes de Bade et d’Alsace : quelles approches des
problèmes fonciers liées à la périurbanisation et la métropolisation ?
Méthodologie de l’étude
Une enquête par questionnaire a été réalisée auprès des maires des petites et
moyennes communes du Bas-Rhin et du Pays de Bade (communes de moins de
20 000 h. – envoi par courrier du questionnaire papier) avec un retour de 194
réponses (126 communes du Bas-Rhin et 66 communes badoises). L‟analyse du
questionnaire a été complétée par des entretiens avec les maires ou les
représentants de la commune. Il est apparu ainsi différentes pistes de travail à
développer pour mieux comprendre le phénomène et y apporter des réponses.
Principaux résultats de l’étude
Contrairement aux partis pris initiaux, il n‟a pas été possible de constituer un
unique questionnaire pour les deux régions : les structures, les approches sont
apparues trop différentes pour permettre de constituer un seul questionnaire.
Celui-ci aurait perdu de sa force et de sa pertinence. C‟est aussi pour cette raison
que les résultats de cette étude sont présentés de manière séparée.
187
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 22 : Mesures pour réduire la consommation foncière en Pays de Bade
Source : Étude DFIU/UdS 2008
 En pays de Bade : les maires allemands sont très sensibles au problème
de la consommation foncière. Ils connaissent les objectifs que leur assigne
le Land. Mais pour eux, l‟utilisation du foncier est avant tout le fait du
développement des entreprises, donc le fait d‟un enjeu économique
incontournable ; le logement est la seconde cause de consommation
foncière. Le marché foncier et le goût de la population pour des espaces
en dehors des villes sont les facteurs favorisant la consommation foncière
dans leur commune. Trois principaux impacts négatifs sont identifiés par
les maires : la consommation des terres agricoles, celle des espaces
naturels, le mitage des paysages. Les mesures prises pour lutter contre
cette consommation sont essentiellement : la réduction de la taille des
parcelles, l‟utilisation des dents creuses et la densification des centres, la
réalisation des plans de réaménagement qui permettent de réorganiser le
tissu bâti et d'optimiser l‟occupation du sol. Selon les maires badois, le
réaménagement des centres constitue la mesure la plus efficace. Selon
eux, il est nécessaire de bénéficier d‟aides financières pour faire face aux
coûts importants de réhabilitation du bâti et à la mise en place de
nouveaux services. Ainsi, ces actions permettent de préserver les
paysages, de répondre aux déficits des ressources foncières et de
protéger les ressources naturelles existantes. Il semble également que ce
renforcement des centres constitue la réponse la plus appropriée aux
problèmes du vieillissement de la population et à sa baisse annoncée dans
les 20 années à venir.
 Dans le Bas-Rhin : 126 communes ont répondu à un ambitieux
188
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
questionnaire (35 questions), ce qui est un indicateur de la préoccupation
importante des maires face à ce problème. À la différence des communes
badoises, les communes bas-rhinoises ont une autonomie politique forte et
des moyens financiers très réduits. Ils sont 68% à considérer que l‟Alsace
rencontre un problème d‟étalement urbain et 48% à penser que leur propre
commune est marquée par le phénomène. L‟habitat est pour eux la
question essentielle, à la différence des maires badois. 61% d‟entre eux
ont déjà pensé à d‟autres formes d‟habitat que le lotissement mais ne les
ont guère mises en pratique. En fait, ils sont 69% à reconnaître qu‟ils
auront recours au lotissement, comme le révèle la figure ci-dessous.
Figure 23 : Positions communales sur la périurbanisation
Source : Étude DFIU/UdS 2008
En fait, 4 profils de maire sont apparus :
– Les « pro-étalement » (10%) : ces maires ont bien perçu la tendance à
l‟étalement dans leur commune mais ne préconisent pas de mesures
particulières pour enrayer le phénomène. Au contraire, ils prévoient la
construction de nouveaux lotissements.
– Les « attentistes » : ces maires reconnaissent l‟étalement urbain comme un
problème mais, au vu de leurs réponses, ils se considèrent impuissants et
auront également recours au lotissement qu‟ils considèrent comme la seule
réponse concrète possible à la demande de logements.
– Les « demandeurs » : ce sont des maires qui ont perçu les enjeux de
l‟étalement urbain et sont en attente de solutions concrètes. Leurs réponses
concrètes à ce problème dans leur commune restent limitées.
– Les « innovants » : ces maires proposent des solutions audacieuses pour
éviter de nouveaux lotissements (extension du tissu sous forme de petits
collectifs, actions en faveur de la dynamisation du centre …).
Les maires bas-rhinois réclament plus de liberté en matière de règlementations
tout en souhaitant des moyens réglementaires contraignants pour mener à bien
189
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
leur politique. Comme pour les maires badois, des moyens financiers leur
semblent nécessaires pour pouvoir gérer plus efficacement le foncier.
Figure 24 : Question 35 (id)
Source : Étude DFIU/UdS 2008
Au terme de cette étude combinant enquête et observations de terrain,
entretiens avec les maires et des personnes-ressources, mobilisation d‟analyses et
de sources d‟informations très diverses (INSEE, État…), des convergences nettes
entre les territoires sont apparues. Elles ont permis de fonder le projet Interreg IV.
Certes, de part et d‟autre de la frontière, des dynamiques différentes sont l‟œuvre :
autant l‟Alsace est marquée par son dynamisme démographique (+ 200 000
habitants dans les années à venir) mais aussi par la montée de la pauvreté en
milieu rural, autant les territoires allemands vont connaître une déprise
démographique ; même si la population allemande semble encore à l‟abri de la
pauvreté, le marché foncier est si tendu que des ajustements seront nécessaires
pour permettre à chacun de se loger (jeunes, familles…). Dans un cas comme
dans l‟autre, une compétition entre les communes apparaît pour attirer les familles.
Par ailleurs, des préoccupations et des enjeux similaires se sont dégagés de
manière forte :
– le vieillissement de la population qui induit de nouveaux besoins et une
nouvelle organisation du territoire ;
– la question des paysages bâtis et naturels, à préserver pour éviter leur
banalisation ;
– l‟enjeu du centre et de la vie communale, avec ses rythmes, ses services, ses
commerces spécifiques ;
– la nécessité de trouver une réponse au conflit foncier entre les activités
190
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
économiques, l‟exigence d‟un haut niveau de services et de confort par la
population et la préservation d‟espaces naturels et agricoles.
Malgré des études et des diagnostics nombreux et concordants (Région Alsace,
Parc naturel régional des Vosges du Nord …), malgré l‟unanime volonté d‟infléchir
les tendances actuelles et l‟identification d‟objectifs bien identifiés, malgré de
nombreuses mesures concrètes favorisant une utilisation plus mesurée du foncier
particulièrement en Allemagne (outils techniques, aides financières, programme de
recherches, cf. bibliographie), les petites communes bas-rhinoises comme
badoises connaissent globalement des difficultés pour réduire de manière
significative leur consommation foncière.
Pourtant, certains maires sont apparus très porteurs de démarches nouvelles.
Ces maires sont animés par une volonté forte de transformer les réalités actuelles
et ont parfois mis en place des solutions différentes ; ils disposent d‟une
connaissance très fine des difficultés et du terrain qui sont susceptibles d‟expliquer
les échecs actuels et de permettre de trouver des solutions.
La réduction de la consommation foncière doit nécessairement être pensée
avec les demandes et les problèmes de société complexes auxquels sont
confrontées ces petites communes ; ceci impose de réinterroger notre approche du
foncier et notre vision du territoire que nous voulons, que nous devons partager. Et
les maires sont ici incontournables.
2.1.3 Le projet Interreg IV « Gestion économe et durable de l’espace dans les
petites et moyennes communes du Rhin Supérieur » : une nouvelle approche du
foncier pour une nouvelle gestion
Le projet, sa problématique, ses objectifs
Ce projet est financé par l‟Union Européenne, le Ministère de l‟Environnement
du Bade-Wurtemberg, la Région Alsace, la DREAL et le Conseil Général du BasRhin, le KIT (Karlsruher Institut für Technologie) et l‟Université de Strasbourg. Son
objectif est donc de permettre aux petites communes (moins de 20 000 habitants)
de réduire leur consommation foncière en gérant mieux leur foncier. Il s‟agit
d‟apporter des solutions concrètes, en matière de démarches de projet ou d‟outils
pour permettre aux communes de mieux maîtriser le développement spatial de leur
territoire.
La démarche de projet
Les maires sont reconnus comme des acteurs clés pouvant apporter des idées
innovantes et des éléments d‟explications des difficultés actuelles. Douze maires
badois et alsaciens se sont ainsi engagés dans ce projet. Les cultures différentes
de planification et d‟aménagement sont ici vues comme un atout. Il s‟agit
« d‟apprendre de l‟autre » : non pas « copier le voisin » et transposer à l‟identique
des expériences réalisées mais identifier les leviers qui ont été utilisés pour une
191
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
opération réussie. C‟est ici que se situent la transférabilité des expériences à
l‟ensemble des communes du Rhin Supérieur et la possibilité de mettre en œuvre
une véritable gestion plus économe et plus durable de l‟espace. Afin d‟assurer des
échanges plus fructueux et éviter une trop grande complexité liée à l‟existence de
trois systèmes différents, les échanges entre maires allemands et français ont été
privilégiés. Les expériences suisses permettent d‟éclairer certains débats. Ainsi,
une journée de terrain a été proposée aux maires alsaciens et réalisée à
Rodersdorf en avril 2011.
La méthode
Des tables rondes ont été organisées en 2010 et 2011 (Gengenbach,
Ebersheim, Bollschweil, Saint-Amarin) qui ont permis aux maires de se rencontrer
pour débattre des problèmes sur le terrain. Les méthodes des équipes allemande
et française sont différentes et complémentaires : l‟Allemagne a choisi de
concentrer ses efforts sur une démarche spécifique et de la tester auprès des
maires ; l‟équipe française a privilégié l‟analyse des processus et des grandes
tendances qui produisent la consommation de l‟espace. Ceci passe par un
important travail de terrain et la mobilisation d‟acteurs nombreux qui interviennent
dans ces processus.
Tous les travaux convergent actuellement vers la nécessité de mettre en place
un véritable projet politique pour ces petites communes prises dans la dynamique
des processus métropolitains. Penser l‟avenir de la commune, sa place dans la
métropole, son fonctionnement quotidien où chacun doit trouver sa place est
devenu impérieux. L‟éclatement des temps et des lieux de vie métropolitains
requiert des lieux d‟ancrage et de stabilisation : les petites communes sont
recherchées pour cela et doivent pouvoir traduire foncièrement cette aspiration
sociale forte. Le projet, les outils techniques, les expériences, ne prennent sens
que par l‟existence de ce projet et de cette vision partagée. À cet égard, le
consensus relatif au nécessaire développement des centres-bourgs est révélateur
de ce besoin d‟un projet politique pour des petites communes périurbaines ou
rurbaines.
Mais qu’est-ce qu’une gestion économe de l’espace ?
La gestion économe de l‟espace peut être vue de manière purement
quantitative. Pourtant, une telle orientation serait catastrophique. Elle s‟amorce
déjà avec les lois du marché foncier qui encouragent un « remplissage » des
parcelles au gré des opportunités économiques. D‟où l‟impératif du projet politique
pour ces communes périurbaines écartelées entre ville et campagne et qui doivent
inventer un nouveau modèle. Une définition a été proposée dans le cadre de ce
projet : « La gestion économe de l‟espace (GEE) se caractérise par une réduction
et par un usage optimal de l‟espace, conçu autant pour le respect de
l‟environnement que pour le développement humain. La GEE est le résultat d‟un
choix politique qui va orienter les actions d‟aménagement de l‟espace vers une
consommation raisonnée du territoire. Dans ce cadre, elle est pensée à différentes
échelles de temps (court, moyen, long terme) et d‟espaces (commune, région,
nation, Europe etc.). La GEE mobilise toute une chaîne d‟acteurs concernés par le
192
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
foncier : politiques, techniciens, institutionnels, habitants, promoteurs, associations
etc. Ces acteurs ont tous des intérêts, des influences et des enjeux différents sur le
territoire. Ils doivent négocier entre eux pour bâtir une vision collective qui permette
de créer les conditions d‟un développement durable de l‟espace. » (cf
http://www.geekom.info/francais.html)
Conclusion
La consommation foncière est un problème unanimement reconnu aujourd‟hui,
en Europe comme dans le Rhin Supérieur. Ce territoire en construction veut
devenir un modèle d‟aménagement et de développement. La coopération
transfrontalière, la confrontation des idées et des modèles sont des atouts majeurs
pour répondre aux défis des petites communes rurales et périurbaines de cette
région métropolitaine : il s‟agit de bâtir un véritable projet pour ces communes et
d'utiliser de manière optimale quelques outils clés de gestion foncière. Ceci impose
de nouvelles visions du foncier et de son rôle pour l‟avenir du territoire. Les outils
existent souvent et sont parfois à améliorer. Mais la mise en œuvre d‟un tel projet
est soumise à une condition essentielle : il faut une répartition optimale des tâches
et des responsabilités entre les institutions publiques et privées, avec une vision
partagée du territoire. Le consensus des acteurs publics pour le développement
des centres-bourgs est très encourageant : il s‟agit de traduire cette vision dans les
stratégies et les politiques foncières de chaque échelon territorial et de se doter
des moyens et des outils nécessaires, permettant la production conjointe de ces
espaces de qualité auxquels chacun aspire.
 SCHULTMAN F., HIETE M., ZANDER P., NEITLINGEN D., REBMANN J.,
VANNIEUWENHUYSE M., 2009, Flächenmanagement in kleineren und
mittleren Kommunen am Oberrhein: Barrieren und Möglichkeiten, 91p.
Disponible en ligne le 25/06/2011 :
 http://www.fachdokumente.lubw.badenwuerttemberg.de/servlet/is/94670/BWR27005_GEE_Abschlussbericht_BW
R%20final_korrigiert.pdf?command=downloadContent&filename=BWR270
05_GEE_Abschlussbericht_BWR%20final_korrigiert.pdf&FIS=199
193
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2.2 Urbaniser autour des gares TER en Alsace : un modèle durable et
équilibré de développement des territoires ? – Sophie Mosser
Inscrit au cœur du Grenelle de l‟environnement, le thème de l‟urbanisation
autour des nœuds de transports collectifs est devenu aujourd‟hui le leitmotiv d‟un
modèle durable de développement des territoires. Les efforts menés pour mieux
coordonner les politiques de transports et les politiques d‟aménagement du
territoire ne sont pourtant pas nouveaux, si bien que l‟injonction aujourd‟hui
renouvelée mérite d‟être interrogée. En quoi le développement de projets urbains
alliant densité et mixité autour des nœuds de transport concourrait-il à un
développement économe, équilibré et in fine « durable » du territoire ?
À l‟évidence, l‟ambition est tout d‟abord de développer une offre urbaine la plus
accessible possible par les transports en commun qui minimisent les nuisances et
émissions de gaz à effet de serre, à comparer aux déplacements en véhicule
individuel. Favoriser un « urbanisme orienté vers le rail » traduit également la
volonté de localiser les constructions neuves dans des quartiers de gare souvent
restés à l‟écart des dynamiques du centre-ville et où de fréquentes friches offrent
de grandes possibilités de renouvellement et de réhabilitation en densification à
l‟intérieur d‟un tissu urbain déjà constitué. Ce faisant, ce sont des projets
susceptibles d‟être nettement moins consommateurs d‟espace que s‟ils n‟étaient
développés sur des secteurs ouverts en extension des tissus urbains existants ou
s‟ils se traduisaient par des constructions diffuses sur les territoires plus ruraux.
Enfin, urbaniser à proximité des dessertes en transport traduit aussi la promotion
d‟un modèle de développement « équilibré » du territoire soucieux de répartir sur le
territoire a minima l‟accessibilité aux fonctions urbaines stratégiques, à défaut de
toujours pouvoir répartir l„implantation de ces fonctions elles-mêmes qui se
concentrent dans les plus grandes agglomérations.
Au-delà de ces évidences, pourtant, il faut bien constater que ce modèle peine
bien souvent à se traduire concrètement dans les faits. La diversité des acteurs en
jeu et des compétences à mobiliser sur des champs techniques souvent dissociés,
les divergences de stratégies autant que les incompatibilités de calendrier, figurent
parmi les principales raisons de cette inertie.
Ceci amène à se demander quelles sont les conditions d‟émergence de tels
projets articulant urbanisation et transport, mais aussi quelles en sont les
conditions de réussite en termes d‟équilibre des territoires. Car la critique est
parfois formulée d‟un aménagement urbain suiviste des politiques de transport, les
partenaires de l‟aménagement étant réduits à prioriser leurs actions sur des
secteurs identifiés préalablement au sein de politiques de transport parfois
déconnectées des considérations stratégiques sur le développement équilibré des
pôles urbains. Et l‟on va voir que cette interrogation est renforcée par la
simultanéité observée en Alsace du renforcement de l‟offre de transport collectif et
de l‟accroissement des territoires sous influence, voire sous dépendance, des
principales agglomérations. C‟est dans le cadre de ce questionnement qu‟est
restituée la démarche « Urbagare » portée par les services de l‟État en Alsace en
2008. Elle a permis d‟identifier les enjeux et les potentiels du développement
194
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
urbain autour des gares TER alsaciennes.
Un développement territorial orienté vers le rail en Alsace : contexte et enjeux
Le contexte alsacien : un renforcement considérable de l'offre de transport
Il n‟est pas inutile de rappeler que c‟est avant tout un contexte historique, sociopolitique et culturel sans précédent, qui s‟est traduit, dans tous les pays touchés
par la mondialisation, par une explosion des besoins et de l‟offre de déplacement
sur les territoires urbanisés, et s‟est parallèlement illustré par le réinvestissement
massif de la pensée sur l‟aménagement du territoire à travers la prévalence des
logiques de flux et de réseaux de communication sur celles des lieux et de
l‟inscription des fonctions dans l‟espace.
L‟Alsace, qui n‟a pas échappé à ce mouvement général, a été particulièrement
marquée par la considérable évolution de ce que l‟on appelle aujourd‟hui la
mobilité. Outre les flux de transports de marchandises et les mobilités de longue
distance, elle a connu en quelques dizaines d‟année un très fort allongement des
distances parcourues quotidiennement. Les alsaciens parcourent en moyenne
chaque jour deux fois plus de kilomètres aujourd‟hui qu‟il y a vingt-cinq ans,
effectuant un trajet quotidien domicile-travail de 13 kilomètres environ en
moyenne 58.
Cette évolution de la mobilité a été accompagnée par un ensemble de
politiques publiques concourant à développer de multiples réponses à la demande
de déplacement sans cesse croissante, aux diverses échelles des transports
urbains, interurbains, et régionaux. Une importante politique de renforcement de
l‟offre TER a été orchestrée par le Conseil Régional d‟Alsace devenu autorité
organisatrice des transports collectifs régionaux en 2002 à la suite d‟un transfert de
compétence expérimenté dès 1997. Les investissements consentis depuis ce
transfert ont ainsi permis un doublement de la fréquentation du TER Alsace (+
124%) en nombre de voyageurs et un triplement (+ 206 %) en nombre de
kilomètres parcourus par ces mêmes voyageurs59. Les derniers chiffres de
l‟Observatoire Régional des Transports et de la Logistique d‟Alsace (ORTAL)
indiquent un trafic TER encore en hausse de 2,6% en 2010 par rapport à 2009.
Plus de 700 trains express régionaux circulent ainsi désormais chaque jour sur le
réseau alsacien qui comporte 13 lignes et 163 gares et haltes.
Ces chiffres moyens peuvent donner l‟impression d‟une hausse généralisée et
uniforme de la mobilité TER sur tout le territoire alsacien. Mais le renforcement de
l‟offre TER a en réalité été opéré selon une logique territorialisée qui repose sur
une distinction entre gares principales et secondaires. Les premières cumulant un
ensemble d‟atouts justifient un niveau de desserte élevé, tandis que les secondes
58
DRE Alsace, Région Alsace, 30 ans d‟urbanisation en Alsace – consommation foncière et
fonctionnement du territoire, nov. 2007. Téléchargeable sur : www.alsace.developpementdurable.gouv.fr/les-etudes-pilotees-par-la-dreal-a23.html
59
Source SNCF http://www.vialsace.eu/presentation/?rub_code=1&part_id=8
195
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
offrent un service moins fréquent mais assurant une desserte plus fine du territoire.
Ainsi, bien que le réseau de gares TER se soit développé sous la forme d‟un
maillage dense à l‟image de la densité du réseau de villes et villages alsaciens, le
niveau d‟offre participe à structurer une armature urbaine régionale différenciée.
Hausse de la mobilité et périurbanisation
L‟offre TER, et les stratégies associées de rabattement des autres modes de
transports vers ces gares, ont ainsi stimulé l‟attractivité des territoires les mieux
desservis, en particulier les villes moyennes qui bénéficient d‟un soutien régional
visant au renforcement de leur capacité à endosser des fonctions de centralités à
l‟égard de leur bassin de vie dans une logique d‟organisation polycentrique du
territoire. Ce faisant, quels ont pu être les effets induits de cette nouvelle
accessibilité sur le territoire alsacien, sur lequel on observe par ailleurs, au cours
de la même période, un important mouvement d‟étalement et de diffusion de
l‟urbanisation ?
Certes, le lien fort entre la facilité de déplacement et l‟étalement urbain est
couramment reconnu, dans un rapport d‟ailleurs systémique plutôt qu‟un simple
rapport de cause à effet. Mais à l‟évidence, la banalisation de l‟acquisition de
voitures et l‟amélioration des performances routières ont pu jouer, en Alsace
comme ailleurs, comme les principaux moteurs de l‟étalement urbain. Et si
l‟amélioration de l‟offre de transport ferroviaire de voyageurs a pu accentuer les
conditions d‟une diffusion de l‟urbanisation, c‟est certainement en accompagnant le
processus de périurbanisation davantage que celui d‟étalement urbain proprement
dit ; c‟est-à-dire en favorisant l‟attractivité des villes moyennes et des polarités
urbaines secondaires bien desservies, au sein desquelles a pu se reporter une
partie des nouvelles constructions au détriment des principales agglomérations.
On peut alors se demander dans quelle mesure cette évolution n‟a pas
accentué la dissociation croissante observée entre communes de résidence et
communes de travail, favorisant essentiellement le report d‟une part de la
construction d‟habitat à l‟intérieur ou autour des pôles urbains secondaires pour
des actifs continuant à travailler principalement dans les trois agglomérations
alsaciennes. Se demander, ainsi, dans quelle mesure cette évolution n‟a pas
accompagné une dissociation croissante entre fonctions résidentielles et fonctions
urbaines supérieures, qui constitue le processus de métropolisation constaté dans
toute la région du Rhin Supérieur à travers la concentration croissante des
fonctions socio-économiques stratégiques, en renforçant donc la dépendance des
territoires desservis à l‟égard de ces pôles métropolitains.
Pour prendre la mesure du rapport d‟influence que les principaux pôles urbains
impriment sur le territoire régional alsacien, on peut en particulier se référer à
l‟instrument développé par l‟INSEE – le zonage en aires urbaines – qui identifie les
grands pôles où se concentrent les emplois et caractérise les unités urbaines en
fonction de la part d‟actifs résidents travaillant dans les pôles urbains. À travers
cette focale, l‟Alsace se démarque des autres régions françaises par l‟importance
et la croissance de ses aires urbaines : l‟espace périurbain a augmenté de moitié
entre 1999 et 2008, un alsacien sur trois y résidant, la quasi-totalité du territoire se
196
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
trouvant dorénavant sous influence urbaine60. L‟identification des « bassins de
vie » par l‟INSEE et la caractérisation de leur niveau « de dépendance » ou au
contraire « d‟autonomie » en fonction de la richesse des emplois et équipements
qu‟ils offrent est également très instructive : le dynamisme démographique des
bassins de vie alsaciens ne va pas nécessairement de pair avec leur
autonomisation, l‟emploi restant essentiellement concentré dans les trois grandes
agglomérations61.
Un enjeu de développement équilibré du territoire régional
Le développement de l‟offre de transport collectif régional et le développement
coordonné d‟une stratégie d‟aménagement autour des gares alsaciennes
prennent, dans ce contexte, un caractère particulier. Certes, la diffusion de
l‟urbanisation sur l‟ensemble du territoire alsacien et la dissociation des lieux de
résidence et d‟emploi rendent nécessaire et urgente la recherche de réponses à la
pression de la demande en transport. Les efforts devront encore porter sur le
renforcement de l‟offre de transports collectifs, et sur toutes les solutions
d‟aménagements susceptibles de fluidifier les flux et d‟améliorer leur
interconnexion. Mais il s‟agit également de concevoir des stratégies
d‟aménagement qui soient réellement aptes à stimuler un véritable développement
équilibré de l‟ensemble du territoire régional, qui renforcent la capacité des pôles
les mieux desservis à assumer un rôle structurant pour le développement
autonome de leur bassin de vie, plutôt que d‟accompagner le mouvement de leur
mise sous dépendance croissante à l‟égard des pôles métropolitains.
Les efforts réalisés dans la plupart des régions pour dynamiser les réseaux de
TER et organiser de manière coordonnée le développement du territoire plaident
pour qu‟on se penche sur le devenir des abords des petites et moyennes gares,
moins emblématiques que les gares principales mais pourtant tout aussi
importantes pour la mobilité quotidienne et pour l‟équilibre des territoires. Plusieurs
démarches d‟études locales (en Picardie, en région Lyonnaise, dans
l‟agglomération tourangelle) ont mis en évidence la capacité de ces secteurs à
offrir de réelles opportunités d‟accueil de programmes ambitieux mixant logements,
activités et services62. Toute gare n‟est évidemment pas nécessairement un pôle
de centralité en devenir. Mais il apparaît que nombre de secteurs de gares
alsaciennes présentent des potentialités de développement qui mériteraient d‟être
mises à profit.
La démarche Urbagare initiée en Alsace par les services de l'État
C'est dans ce contexte que la démarche Urbagare a été initiée par la Direction
Régionale de l‟Équipement d‟Alsace (aujourd‟hui Direction Régionale de
60
Yves FRIDEL, « Les grandes aires urbaines structurent l‟espace alsacien », Chiffres pour
l’Alsace n° 22, INSEE, octobre 2011, 4 p.
61
Typhaine AUNAY, « Bassins de vie alsaciens : autonomie et dynamisme », Chiffres pour
l'Alsace n° 35, novembre 2006, 4 p.
62
Démarche CERTU : De la stratégie territoriale à la valorisation foncière aux abords des
gares TER – Fiche n°1
197
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
l‟Environnement, l‟Aménagement et du Logement, DREAL), avec la volonté de
mettre à profit le rôle dit d'ensemblier de l'État pour favoriser l'émergence de
stratégies et de projets concertés. Elle a pris la forme d‟une plateforme d‟échange
constituée de trois ateliers locaux successivement organisés dans trois villes
moyennes alsaciennes en 2008, et d‟un séminaire de clôture. L‟ensemble de la
démarche a été co-pilotée de manière partenariale, en collaboration avec les
services de la Région Alsace, des Conseils Généraux du Bas-Rhin et du HautRhin, des directions départementales de l‟Équipement. L‟animation et la production
des éléments d‟expertise a été confiée à deux consultants, Jean-Roch Klethi et
Martine Arnold.
La focalisation sur trois villes alsaciennes a offert la possibilité de susciter dans
chaque cas des débats très riches sur les enjeux d‟aménagement des gares et de
leurs abords dans ces trois villes. Ce faisant, la démarche a permis de prendre la
mesure du rôle des gares au sein des principaux pôles urbains alsaciens de
manière plus générale, et de faire émerger une vision partagée des enjeux et des
leviers de développement.
Concrètement, chaque atelier était préparé en amont pour recueillir un
maximum d‟éléments de compréhension du contexte (consultation des acteurs
concernés, analyse des documents de planification, relevés de terrain). Lors de
l‟atelier lui-même, une trentaine de participants étaient accueillis par le maire
durant une matinée. Il s‟agissait de l‟ensemble des partenaires de l‟aménagement
susceptibles de porter un regard sur le développement de la gare et de ses
abords : représentants de services de la ville et de la communauté de communes,
du SCoT, du Pays, des services de la Région et des conseils généraux, de la
SNCF, de RFF, des agences d‟urbanisme, CAUE et agences de développement, et
de l‟Établissement Public Foncier du Bas-Rhin. Chacun était invité à exprimer son
point de vue sur les enjeux de développement de la gare et de ses abords, à faire
connaître les actions éventuellement engagées et les blocages rencontrés le cas
échéant. Les trois ateliers ont généré sur cette base des échanges très riches et
fructueux. Ils ont pu en particulier alimenter le lancement de démarches préopérationnelles ultérieurement conduites par les trois villes. L'ensemble de cette
matière a été restituée et diffusée par l'intermédiaire des fiches de cas et des
documents de synthèse qui constituent autant une grille de lecture pour décrypter
les enjeux et potentiels des pôles d'échanges émergents dans les villes moyennes
alsaciennes, qu'une boite à outil fournissant des repères de méthodes et d'outils
pour lancer des projets ambitieux63.
Les enseignements de la démarche Urbagare en Alsace
Des gares TER qui montent en puissance, pour devenir de véritables pôles
d’échanges
Les analyses des trois villes alsaciennes observées ont d‟abord confirmé
l‟importance croissante des enjeux des gares TER et de leurs abords, bien au-delà
des seuls enjeux du transport ferroviaire régional. La constante progression de
63
Documents téléchargeables sur le site internet de la DREAL Alsace :
www.alsace.developpement-durable.gouv.fr/demarche-urbagare-articuler-a26.html
198
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
l‟offre TER a en effet produit un effet de nœud autour de chaque gare, polarisant
les divers modes de transport qui s‟y connectent : accès routiers et parcs de
stationnement, dessertes de cars interurbains et de bus des réseaux de transports
urbains, accès piétons et cyclables. Les gares sont devenues les points de
connexion de ces différents réseaux, ceux-ci constituant les maillons
interdépendants d‟une même « chaîne de transport », et elles se destinent ainsi à
assumer une fonction de pôle d‟échange multimodal qui dépasse largement la
seule fonction ferroviaire.
À Sélestat par exemple, autour de la gare qui reçoit deux lignes TER
(Strasbourg-Bâle et Molsheim-Sélestat), se connectent 2 lignes de car TER, 6
lignes de cars interurbains du Conseil Général et 2 lignes de bus du réseau de
transport urbain TIS mises en place par la communauté de communes. Avec les
accès piétons, cyclables et routiers, et les parcs de stationnement, ce sont ainsi
pas moins de 6 000 voyages qui voient une partie de leur trajet passer par cette
gare chaque jour. Des flux considérables de voyageurs y transitent ainsi chaque
jour, se croisant au moment où le cours de leur trajet nécessite un changement de
mode de déplacement.
À Cernay, la fréquentation de la gare était loin d‟atteindre un tel niveau à
l‟époque de l‟enquête, mais elle était amenée à se développer dans de grandes
proportions avec la mise en service du tram-train fin 2010 destiné à proposer un
doublement de l‟offre. Outre la forte croissance de la fréquentation attendue, cette
évolution de l‟offre TER nécessitait d‟anticiper une réorganisation des transports
dans leur ensemble à l‟échelle du bassin de vie : adaptation à la pression
prévisible sur le transport urbain (transport à la demande mis en place par la
communauté de communes), redéploiement ou adaptation des lignes de cars,
nécessité de mettre en place un réseau de circulations cyclables plus dense, mise
en place éventuelle de Plans de Déplacement Entreprise dans les zones d‟activités
à proximité de la gare. Dans ce cas, la démarche Urbagare arrivait au moment
même de l‟évolution de la gare comme un véritable pôle d‟échange en devenir.
199
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Document 13 : Les flux de voyageurs du TER
200
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Une pression croissante des flux de transports qui nécessite des
réaménagements
L‟émergence de tels pôles d‟échanges sur le territoire alsacien ne va pas sans
générer de nouveaux besoins auxquels les partenaires de l‟aménagement des
gares se sont déjà attachés à répondre. Les préoccupations portent d‟abord sur les
aménagements liés aux réseaux de transport et aux usagers qui transitent en
gare : réorganisation des espaces et des infrastructures pour optimiser les accès à
la gare et les échanges entre les différents modes, offre de services répondant à
une clientèle plus diverse (notamment prise en compte des personnes à mobilité
réduite), réfection des espaces publics pour un meilleur confort d‟usage. Comment
imaginer en effet que, dans la perspective de l‟arrivée du tram-train, la gare de
Cernay puisse continuer de se limiter à un quai d‟embarquement (le bâtiment gare
étant désaffecté), sans autre stationnement pour les bus et cars que le trottoir de la
rue en impasse menant à la gare ?
Parce que les investissements à consentir pour adapter la situation locale à
l‟évolution de l‟offre TER peuvent s‟avérer lourds pour les collectivités locales, le
Conseil Régional d‟Alsace propose depuis plusieurs années un vaste Programme
d‟Aménagement des Gares et de leurs abords. Il vise essentiellement à renforcer
l'accès et le confort des gares, par un cofinancement des équipements
d'intermodalité dans la gare et sur ses abords (parking auto et cars, accès de bus,
cheminement piétons, aménagement vélo, équipement d'accueil, abri, etc.).
Environ sept à huit gares alsaciennes par an ont ainsi bénéficié de
réaménagements depuis la mise en place du programme en 1997.
C‟est en particulier à travers ce programme que les partenaires impliqués dans
l‟aménagement de la gare de Sélestat ont veillé à répondre à la pression
croissante de sa fréquentation. D‟importants investissements de modernisation ont
en effet été opérés ces dernières années : quai supplémentaire, troisième voie,
réhabilitation du bâtiment voyageurs, création d‟un nouvel accès ouest, création de
parcs à vélos sécurisé et surtout aménagement d‟un parking TER. À Haguenau, la
croissance de la fréquentation TER a pu être assez bien maîtrisée grâce à
l‟aménagement de stationnements supplémentaires et en développant l‟accès
ouest situé outre-voies de manière à transférer de ce côté une partie des fonctions
de desserte (parking TER, ligne bus, certains cars du Conseil général et TER) et
donc à désengorger l‟accès principal. Mais ces exemples montrent aussi à quel
point les investissements ont dû être envisagés dans la continuité et sur le long
terme, au fur et à mesure du succès des transports collectifs et avec la pression
croissante de la demande d‟accès à la gare : malgré les aménagements opérés à
Haguenau, la gare routière souffre aujourd‟hui d‟un engorgement chronique à
l‟heure de pointe, menaçant de congestion cette gare qui joue pourtant un rôle
majeur à l‟échelle de toute l‟Alsace du nord. Même constat à Sélestat où, quelques
années seulement après l‟aménagement d‟un vaste parc de stationnement, celui-ci
est déjà saturé au point qu‟un stationnement sauvage déborde sur les rues
adjacentes et menace le bon accès à la gare et à son quartier.
Comment poursuivre alors l‟adaptation des pôles d‟échanges à l‟augmentation
parfois quasi exponentielle de la fréquentation ? Certaines solutions
d‟aménagement peuvent s‟avérer trop coûteuses ou inefficaces dans certains cas.
201
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
L‟ouverture des gares à 360 degrés par exemple, qui a pu permettre ici ou là de
désengorger l‟accès principal à la gare, n‟est pourtant pas une solution opérante
dans tous les cas. Mais le débat porte le plus fréquemment sur le
dimensionnement des places de stationnement supplémentaires à prévoir autour
des gares, tant que les opérateurs ferroviaires ne veulent pas prendre le risque de
décourager une partie des usagers du fait de la saturation des parcs de
stationnement, et tant qu'ils tiennent à garantir l'accès à la gare sans attendre les
éventuelles opérations de renforcement des autres modes de rabattement
alternatifs dont le délai peut être beaucoup plus long.
Des sites à fort potentiel pour le développement de projets urbains à multiples
facettes
Ce n‟est pas un hasard si, pour accueillir les réaménagements nécessaires aux
fonctions de transport dans les pôles d‟échanges émergents, divers espaces
vacants ou désaffectés aux abords des gares ont pu généralement être mobilisés.
En Alsace comme ailleurs, les quartiers de gare sont en effet souvent restés à
l‟écart des dynamiques de développement du centre-ville, du fait de la vocation
fonctionnelle qui leur était attribuée, du fait des nuisances générées par les
transports en terme de bruit et de qualité de l‟air, et enfin du fait des nuisances
induites par les activités industrielles et logistiques qui s‟étaient implantées à
proximité des voies. Le retrait de ces activités a libéré de multiples potentiels
fonciers aux abords des gares.
Une partie du foncier ferroviaire devenue mutable peut, en particulier,
fréquemment être mobilisée. Tel qu‟il a été réparti entre RFF et SNCF en 2006, le
foncier ferroviaire appartient en majorité à RFF. Dans une logique de valorisation
de ce patrimoine, RFF s‟est engagé dans une analyse des mutabilités
envisageables pour ses terrains, susceptibles de répondre aux besoins de
développement des collectivités. En particulier pour mobiliser les terrains
nécessaires au stationnement des clients TER, la solution mise en œuvre chaque
fois que possible consiste à mettre à disposition les terrains appartenant aux
gestionnaires ferroviaires, RFF et/ou SNCF.
Outre le foncier ferroviaire proprement dit, les abords des gares présentent
également des friches, aussi bien que d‟importantes possibilités de
renouvellement, de réhabilitation et de requalifications des bâtiments et des
espaces publics attenants. À Haguenau par exemple, l‟îlot de la gare occupe une
surface étendue, qui comprend de nombreuses emprises offrant des possibilités de
requalification, de densification. Autour de cet îlot, les espaces liés aux boulevards
urbains présentent aussi de nombreuses potentialités du fait de leur caractère
routier surdimensionné hérité, comme à Sélestat, des principes d‟aménagement
fonctionnaliste d‟un autre âge. À plus large échelle, le quartier de la gare s‟inscrit à
proximité du quartier vieille Ile et des emprises des anciennes casernes Thurot
représentant 10 hectares à réaffecter.
Ces potentiels fonciers disponibles, qui ont pu être utilement mobilisés pour des
aménagements destinés à accompagner l‟évolution de l‟offre de transport, sont
cependant aujourd‟hui en quantité limitée. Les superficies encore mobilisables
arrivent à épuisement, comme c'est le cas par exemple à Sélestat. À l‟échelle des
202
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
territoires urbains dans leur ensemble, elles constituent pourtant souvent une part
importante des réserves de développement en densification à l'intérieur des tissus
urbains déjà existants. Bien que parfois minime en termes quantitatifs, cette
réserve est d'autant plus importante aux yeux des collectivités locales qu'il s'agit de
sites bénéficiant d'une localisation exceptionnelle : on y trouve le double bénéfice
d'une relative proximité avec le centre-ville historique et d'une accessibilité
renforcée depuis et vers une multiplicité de destinations tant à l'échelle du bassin
de vie que de la région. Cette situation, qui dope le potentiel de ces sites dans le
contexte d'un renforcement de l'offre des transports collectifs en Alsace, renouvelle
la question de la centralité urbaine dans les principaux pôles urbains. Les pôles
d'échange émergents prennent de fait un rôle nouveau de centralité potentielle
dont l'articulation avec le centre-ville historique mérite une grande attention.
Les espaces mobilisables comme sites à projets autour des gares TER
apparaissent ainsi comme des espaces convoités à plusieurs titres, bien au-delà
des seules logiques d'accompagnement des infrastructures de transport, pour des
projets d‟aménagement et des objectifs aux multiples facettes qui peuvent s‟avérer
concurrentiels. Le renforcement continu du stationnement qui reste fréquemment
inévitable au risque de brider le développement de la fréquentation du TER,
constitue ainsi une réponse de court terme qui risque obérer toute possibilité de
développement urbain autour du pôle d'échange si elle n'est pas intégrée dans une
stratégie d'ensemble partagée visant la valorisation et le développement du
quartier sur le long terme.
Des sites précieux pour les stratégies de développement des territoires
L'exemple de la gare de Haguenau révèle bien à quel point les enjeux
d'aménagement autour des principaux pôles d'échanges alsaciens se posent à des
échelles qui dépassent largement celle du quartier de gare et même celle de la
ville elle-même. On peut en particulier difficilement imaginer que les offres de
rabattement vers la gare – y compris l'offre de stationnement – puissent être
développées indéfiniment. Étant donné le rôle structurant que la ville est appelée à
jouer pour l'ensemble du territoire d'Alsace du Nord et la mobilisation optimale de
tous les potentiels fonciers que nécessitera le développement équilibré de ses
fonctions de centralité, on ne peut imaginer réduire entièrement la mobilisation du
foncier autour de la gare aux besoins liés à l'organisation des transports, ni
concevoir un projet de secteur aveugle de l'articulation avec le développement des
autres quartiers centraux connexes. La question peut être posée de savoir si la
gare de Haguenau a vocation à devenir la gare de rabattement de toute l‟Alsace
du nord, ou bien si cette fonction peut être reportée sur une autre gare aujourd'hui
secondaire de l'agglomération, pour permettre le développement d'un programme
ambitieux autour de la gare de Haguenau répondant mieux à son objectif de
développement.
De manière plus générale, la vocation des quartiers des principales gares TER
à assumer une fonction structurante pour un territoire élargi est apparue plus
clairement lorsqu'a été posée, dans le cadre des trois ateliers Urbagare, la
question de la programmation envisageable pour les sites à projets dans ces
quartiers. Quels types de services, de logements et d'activités envisager en effet
203
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
dans ces quartiers et dans quel but favoriser leur développement ?
Les réponses se focalisent d'abord sur l'offre de services à proposer aux
voyageurs eux-mêmes, c'est-à-dire les services et équipements en lien avec la
mobilité : distributeurs de billets de banque, services postaux (ou a minima
distributeur de timbres-poste ou services d‟affranchissement du courrier) service
de restauration dans le hall de gare, dépôt de pain, point presse, bornes Wi-Fi
accueil du service de transport urbain (comme l‟espace Ritmo à Haguenau), ou
office de tourisme comme c'est la cas à Haguenau. L'implantation d'un service de
police en gare est fréquemment évoquée comme un besoin dans la mesure où les
questions de sécurité sont souvent sensibles dans les espaces d‟échange. Les
besoins de garde d‟enfants (multi-accueil) pour les personnes partant travailler
depuis la gare ou bien travaillant à proximité de la gare sont également cités.
Au-delà des seuls services liés à la mobilité, d'autres types d'activités sont
cependant évoqués comme étant bien adaptés à une localisation dans ces
quartiers : en particulier les activités tertiaires susceptibles de bénéficier
pleinement, par la proximité du pôle d'échange, de la desserte plurimodale ; mais
aussi les services aux entreprises (location de salles de réunion, nettoyage de
bureau, etc.). L'implantation des services de santé ou paramédicaux en proximité
des pôles d'échanges présente un intérêt, plus que toute autre localisation de la
ville, dans la mesure où elle facilite l'accès aux usagers de la ville elle-même
comme ceux en provenance de tout le bassin de vie, par le TER mais aussi par les
transports en commun se rabattant vers la gare. Concernant l'offre résidentielle
enfin, a été souligné l'intérêt de développer prioritairement des logements
s'adressant à une clientèle la plus dépendante des transports en commun et des
logements sociaux accueillant une population la plus fragile à l'égard des coûts de
carburant. Affiner cette identification des activités susceptibles de bénéficier le
mieux de la proximité de la gare, et parallèlement de développer le mieux le rôle de
centralité de son quartier à l'égard de tout le bassin de vie, mériteraient encore
davantage de réflexions et pourrait faire l‟objet de démarches ultérieures.
Dans la mesure où le développement de toutes ces activités ne pourra pas être
envisageable sur les maigres réserves foncières restant parfois mobilisables
autour des pôles d'échanges, il est évident que seuls sont envisageables les
projets d'aménagements répondant certes à la pression de la demande en
transport mais laissant également la place à des programmations mixtes associant
une densification des logements (notamment logements sociaux) et activités
tertiaires. Et que seules des stratégies concertées articulant les orientations à
plusieurs échelles territoriales peuvent parvenir à définir les priorités les plus
pertinentes. L'enjeu est de parvenir à réfléchir au devenir de ces quartiers à
l‟échelle large des grands territoires, qui permet de tenir compte des
complémentarités et des solidarités à jouer entre les communes d'un même
territoire. C'est en ce sens que plusieurs Schémas de Cohérence Territoriaux
alsaciens identifient les quartiers de gare des principaux pôles sur leur territoire
comme des sites à enjeux prioritaires.
Perspectives
204
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les investigations menées et les débats suscités dans le cadre de la démarche
partenariale Urbagare ont permis de prendre la mesure de l‟enjeu que représente
aujourd‟hui l‟urbanisation autour des principales gares alsaciennes. C‟est un
potentiel considérable à saisir d‟abord pour l‟optimisation, la fluidification et
l‟interconnexion des réseaux de transports. Les secteurs de gares apparaissent
alors comme un maillon indispensable pour l‟amélioration de l‟offre de transport
public sur le territoire, nécessitant d‟appréhender leurs aménagements sous l‟angle
de véritables pôles d‟échanges multimodaux.
Mais si la gare constitue le point d‟accès au réseau ferroviaire et donc le point
d‟accès aux principales agglomérations qui concentrent emplois et fonctions
urbaines supérieures, elle peut aussi être devenue, du fait du rabattement des
divers modes de déplacement organisés vers la gare, la porte d‟entrée d‟un centreville bien desservi et ayant vocation à assumer une fonction de pôle urbain
intermédiaire jouant un rôle d‟équilibre sur le territoire.
Les secteurs gares sont devenus à ce titre des sites privilégiés pour la
localisation d‟une offre résidentielle et des activités les plus à même de bénéficier
de l‟effet transport. Pour peu que les ressources foncières restant encore
disponibles soient exploitées en ce sens, le développement d‟une offre urbaine
ambitieuse dans les quartiers gares apparaît judicieux pour renforcer le rôle
structurant du pôle à l‟égard de son bassin de vie, et enrayer la dépendance
croissante des territoires à l‟égard des pôles métropolitains.
Au recto, la gare comme porte d‟accès à un système de transport fortement
focalisé sur les trajets vers les zones d‟emploi qui se concentrent toujours plus au
sein des agglomérations. Au verso la gare comme porte d‟entrée d‟un système
urbain qui peut – ou non – être organisé pour offrir à son niveau des fonctions de
centralités bénéficiant à la population du bassin de vie. C‟est donc en
reconsidérant l‟articulation entre ces deux angles de vue que la question du
caractère durable et équilibré d‟un modèle de développement orienté vers le rail en
Alsace doit être posée.
Se lancer dans l‟optimisation des gares et de leurs abords en ce sens ne sera
pas facile, du fait de la multiplicité des acteurs, des enjeux et des échelles
territoriales impliqués. Espérons cependant que, à l‟image de certaines communes
comme Haguenau qui se sont engagées dans une réelle gouvernance de projet
multipartenarial sur le secteur gare, de multiples projets émergent pour donner
corps à cette double vocation des secteurs gares à soutenir le développement
local et régional.
205
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
3. Changements climatiques
À l'échelle globale, le réchauffement du climat est désormais une certitude.
Mais tout le reste est incertain : quelle sera l'ampleur du phénomène, comment en
comprendre les causes et quelles en seront les conséquences ? À quelles échelles
temporelles faut-il raisonner ? Comment la « communauté involontaire mondiale »,
pour reprendre l'expression de Jürgen Habermas, peut-elle réagir depuis l'échec
du sommet de Copenhague en 2009 ? Dans un contexte surdéterminé
globalement mais aussi guidé par le contexte réglementaire européen et national,
que peut-on entreprendre régionalement et localement ?
En Alsace comme ailleurs, nature et culture conjuguent leurs effets selon des
articulations souvent complexes. Dans les années 1980, le phénomène des pluies
acides a été patent dans les forêts des reliefs granitiques (les sols y sont acides et
donc peu fertiles ; une petite altération de l'état de l'atmosphère entraîne alors un
grand problème). Le réchauffement climatique produit rapidement des effets. Les
régimes des cours d‟eau sont modifiés ; depuis une vingtaine d'années, les étiages
du Rhin sont plus soutenus, mais qu'en sera-t-il à long terme ? Quant aux cortèges
floristiques et faunistiques, ils voient arriver de nouveaux conquérants qui voyagent
à leur aise grâce à l'intensification du commerce mondial. Les sécheresses (avec
les canicules comme en 1976 et 2003) deviennent redoutables (pics de mortalité et
de consommation d‟énergie pour les humains, feux de forêt pour la nature). Enfin,
l'Alsace n‟a jamais été autant peuplée et son territoire subit une forte pression
anthropique.
Longtemps, l'homme a cru qu'il pourrait dominer la nature sans que celle-ci ne
lui renvoie de rétroactions problématiques. Peu à peu, il a fallu en rabattre et entrer
dans des logiques de composition avec la nature, logiques qui débouchent sur des
programmes de renaturation. Ainsi, le polder d'Erstein, fruit de la convention
franco-allemande de 1982, sorte de grande baignoire capable d'écrêter une crue
du Rhin, constitue une illustration magistrale de ce nouveau regard posé sur la
nature.
206
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 25 :
Les sirènes du polder d'Erstein :
alerte générale sur l'état de la nature ?
Photo R. Woessner
3.1 Enjeux atmosphériques dans l’espace du Rhin supérieur
– Joseph Kleinpeter
En rapportant le volume des rejets atmosphériques au nombre d‟habitants, les
Alsaciens ne sont pas plus pollueurs que la moyenne des français ; et les Badois
et Bâlois non plus (Figure 26). Cependant trois particularités rendent l‟espace du
Rhin supérieur plus sensible à la pollution de l‟air respiré.
Figure 26 : Rejets atmosphériques comparés en oxydes d‟azote par habitant et par
an (source Aspa année 2006a).
207
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La géographie physique, entre Vosges et Forêt-Noire formant en fait une
cuvette rhénane, est défavorable à la dispersion des rejets atmosphériques locaux.
Cette caractéristique est exacerbée en période hivernale lorsque le profil vertical
des températures est inversé, plaquant les masses d‟air au sol sous une couche
d‟air plus chaud en altitude. Cette configuration s‟exprime par ailleurs par une
canalisation des vents dominants dans l‟axe du Rhin supérieur (Sud-Ouest et
Nord-Est) avec une attention à porter en matière d‟aménagement du territoire pour
les zones sous le panache de zones industrielles, voire de grandes
agglomérations.
La géographie humaine, forte d‟une densité de population parmi les plus
élevées de France pour l‟Alsace et d‟Allemagne pour le Pays de Bade (hors
capitales), se traduit par une forte densité d‟émissions atmosphériques par unité
territoriale (Figure 27) notamment en plaine du Rhin et sur le piémont de la ForêtNoire.
Enfin, la position géographique en fait un couloir rhénan où transitent les
biens, les personnes… et les pollutions provenant notamment d‟Europe centrale.
Figure 27 : Rejets atmosphériques comparés en oxydes d‟azote par habitant et par
km2 (source Aspa année 2006a).
Deux familles de polluants de l‟air prioritaires aux yeux de l‟Union européenne
expriment cet enchevêtrement spatial de la pollution de l‟air : les photo-oxydants
comme l‟ozone et les particules en suspension. Cet article donne un aperçu sur la
problématique de l‟ozone et développe plus avant celle des particules en
suspension.
208
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
L’ozone
L‟ozone (O3) ne sort pas des cheminées ni des pots d‟échappement mais se
forme l‟été comme polluant secondaire par l‟action du rayonnement solaire
(réaction dite photochimique) sur deux types de polluants : les oxydes d‟azote
(NOx) et les composés organiques volatils (C.O.V.) formés essentiellement
d‟hydrocarbures imbrûlés de la combustion, de solvants, etc.
Les grandes agglomérations sont de grands réservoirs de ces précurseurs de
l‟ozone d‟où s‟échappent des panaches de pollution, qui par beau temps chaud et
ensoleillé, se transforment en panache d‟ozone avec des concentrations
maximales atteintes en milieu périurbain (Figure 28).
La pollution issue des pots d‟échappement étant d‟abord destructrice d‟ozone,
engager des actions de réduction des émissions l‟après-midi au cœur des
agglomérations conduirait à une diminution de l‟ozone en milieu périurbain (moins
de précurseurs) mais à une augmentation en milieu urbain (moins de
destructeurs). Lors de la canicule d‟août 2003, le seuil préfectoral d‟information de
la population (180 µg/m3/h) avait été dépassé 15 jours consécutifs et le seuil
3
d‟alerte (240 µg/m /h) deux jours.
Figure 28 : Simulation
des valeurs maximales
d‟ozone (µg/m3 sur une
heure) dans le Rhin
supérieur le 12 juin
2003 par vent du sudouest avec formation de
panache d‟ozone sous
le vent des agglomérations.
Source : ASPA
209
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Lors d‟un épisode de pollution par l‟ozone perdurant plusieurs jours, les masses
d‟air polluées (précurseurs et ozone), notamment en provenance d‟Europe
centrale, peuvent migrer en journée vers l‟espace du Rhin supérieur. Lutter contre
la pollution photochimique passe ainsi par une réduction des précurseurs de
l‟ozone à l‟échelle continentale.
Les particules en suspension
Les normes pour les particules en suspension de tailles micrométriques
s‟intéressent à celles qui pénètrent dans les bronches (PM 10) et jusqu‟aux
alvéoles pulmonaires (PM 2,5) selon leurs tailles (inférieures respectivement à 10
et 2,5 microns). En terme de santé publique, il est estimé que dans l‟UE des 25 de
l‟an 2000, 348 000 décès anticipés étaient attribuables aux PM10, ce qui, pour une
ville comme Strasbourg, se décline par an en une cinquantaine de vies écourtées.
Les populations les plus touchées sont les personnes sensibles (nourrissons,
insuffisants respiratoires, etc.) et les plus exposées en bordure de routes à grande
circulation et de façon générale dans les grandes agglomérations. C‟est l‟origine
des particules en suspension qui met le plus en jeu les échelles géographiques.
Au moment des épisodes de pollution aux particules en suspension (Figure 27),
près de 35% des particules respirées correspondent à des apports extérieurs au
Rhin supérieur, notamment depuis l‟Europe centrale. Ces apports sont pour une
part des particules dites primaires (issues des pots d‟échappement et cheminées
émis dans d‟autres Länder ou d‟autres pays). Pour une autre part (notamment à la
fin de l‟hiver), ce sont des particules dites secondaires qui, avant d‟arriver jusqu‟ici,
se forment dans les campagnes lointaines à partir de combinaisons chimiques de
gaz comme l‟ammoniac agricole (épandages de lisier et de fumier) et les oxydes
d‟azote (gaz d‟échappements principalement) donnant du nitrate d‟ammonium
particulaire.
À cette pollution importée se rajoutent les émissions locales du Rhin supérieur
en pollution primaire et les mêmes phénomènes de pollution secondaire qui s‟y
produisent : lors d‟épisodes marqués, cette part « Rhin supérieur » représente
dans les agglomérations de 30% à 40 % de la pollution respirée (Figure 29) et
parfois bien plus en période d‟inversion thermique (Figure 30).
Il reste une part urbaine et locale de l‟ordre de 25% à 35% (Figure 29) dont 15%
à 30 % aux abords des axes urbains les plus chargés.
210
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 29 : Origine géographique moyenne de la pollution aux particules en
suspension (PM10) en proximité (trafic à Strasbourg) lors d‟épisodes de pollution
(Source ASPA).
211
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 30 : Pic de pollution aux particules en suspension (PM10) dans le Rhin
supérieur en période d‟inversion de température avec mise en œuvre de mesure
préfectorale d‟urgence de réduction des émissions. (11 janvier 2009 : moyennes
journalières)
Le besoin d’actions concertées à toutes les échelles géographiques
La première interrogation à tirer de cette fresque sur l‟origine géographique très
mélangée des particules polluantes dans un lieu urbain donné du fossé rhénan se
pose en termes d‟efficacité des actions à entreprendre à chaque échelle spatiale
pour envisager de faire baisser les niveaux de pollution et par là-même l‟impact
sanitaire. De fait aujourd‟hui, l‟évolution de la pollution du Rhin supérieur relève
principalement de la politique européenne de respect de normes de plus en plus
sévères à appliquer en France, en Allemagne et dans tous les pays d‟origine des
apports extérieurs de pollution.
Pour les particules en suspension comme pour les oxydes d‟azote, réduire la
part de la pollution de fond prégnante dans le Rhin supérieur dépend bien entendu
de l‟ensemble des actions mises en œuvre dans les grandes agglomérations mais
aussi dans l‟interurbain rural. À titre indicatif, 70 % du trafic routier annuel du Rhin
212
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
supérieur (en distance parcourue) se fait en transit et en interurbain. Et la
contribution annuelle des activités agricoles sur les émissions de particules
primaires est de l‟ordre de 30 % en Alsace.
Vertu de la densification urbaine
Il n‟en reste pas moins que, pour sa part, une grande agglomération se doit de
travailler sur ses émissions atmosphériques. Cela se traduit, par exemple pour les
particules en suspension, par une politique d‟assainissement du parc des
chaudières et notamment des installations au bois. Dans une optique de réduction
de la pollution particulaire et azotée mais aussi des inégalités d‟exposition, cela se
traduit aussi spatialement par une maîtrise du trafic sur les axes routiers les plus
chargés, notamment au moment des pointes de circulation du matin et du soir. À y
regarder de près, une telle politique de réduction des pollutions urbaines, touchant
de près l‟énergie et les déplacements, se trouve au cœur des problématiques de la
périurbanisation à l‟aune du développement durable.
En effet, c‟est un double mouvement qui bat la cadence du ballet quotidien du
trafic. L‟attractivité économique de la grande ville déverse chaque matin son flot de
véhicules pour le travail (voire en journée pour les commerces). D‟autres raisons
économiques (foncier notamment) et sociales (taille humaine) des bourgs et
villages les ramènent au foyer le soir. Et l‟environnement atmosphérique en pâtit.
En se mettant dans une perspective de transports de moins en moins polluants,
on pourrait se dire que l‟étalement urbain ne se poserait plus qu‟en question
d‟encombrement des axes, à régler avec des réseaux performants de transports
en commun peu polluants. Mais la donne énergétique incite, à la fois pour les
déplacements et le chauffage, à une densification des villes moyennes et des
grandes agglomérations, ce que préconisent aujourd‟hui la plupart des Scots.
D‟autant plus que la donne énergétique est, comme pour la pollution de l‟air, en
lien étroit avec l‟émission de gaz à effet de serre à l‟origine d‟un autre enjeu
atmosphérique majeur qu‟est le changement climatique. Il s‟avère cependant que
le calendrier d‟une urbanisation qui densifie la ville et développe des réseaux de
transports en commun plus propres ne coïncide pas avec le calendrier serré du
respect des normes européennes de qualité de l‟air. En effet, la France fait l‟objet
depuis l‟automne 2010 d‟un contentieux européen en matière de pollution
atmosphérique pour non-respect depuis 2005 de valeurs limites européennes pour
la protection de la santé. Une quinzaine de villes françaises, dont Strasbourg, font
ainsi l‟objet d‟une révision accélérée de leurs plans de protection atmosphérique
avec présentation obligatoire au second trimestre 2012 d‟un calendrier d‟actions et
d‟une évaluation devant prouver le respect des normes dans des délais très courts
(2015).
213
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Maîtrise de l’urbanisation et/ou limitation de l’exposition à la pollution
La maîtrise de l‟urbanisation n‟apparaît donc que comme un facteur de
dépollution à moyen terme compensée à court terme par l‟obligation d‟une action
sur le trafic pendulaire. C‟est tout le sens de la mise en place de LEZ (low emission
64
zone ) comme il en existe une vingtaine en Bade-Wurtemberg (Figure 31) : il s'agit
de zones où la circulation automobile est fortement réglementée en fonction des
normes de pollutions des véhicules. Ces normes sont affichées par des vignettes
de couleurs différentes, avec à terme seules les vignettes vertes autorisées. Cette
mesure est controversée sur le plan social de par l‟interdiction de fait des véhicules
les plus anciens qui sont aussi les moins chers du marché accessibles à la
population la plus démunie. La Loi Grenelle 2 donne à la France depuis juillet 2010
la possibilité de mettre en place de telles zones appelées ZAPA (Zones d‟actions
prioritaires pour l‟air).
À défaut de pouvoir rapidement abattre les niveaux de pollution à proximité des
axes urbains en agissant sur toutes les échelles géographiques recensées, il est
possible d‟agir sur l‟exposition des populations les plus sensibles en y évitant
l‟implantation d‟écoles ou d‟établissements de la petite enfance ou encore de
maisons pour personnes âgées. Une telle mesure de maîtrise de l‟urbanisation est
prévue dans le plan de protection atmosphérique de l‟agglomération de Strasbourg
(adoptée en octobre 2008). Cela concerne une bande de part et d‟autre de la
traversée urbaine de l‟autoroute A35 et de la départementale 1004 où s‟observent
des dépassements de valeurs limites européennes (Figure 32). Intégrée dans les
réflexions préalables à l‟élaboration du PLU de Strasbourg, cette zone contient de
grandes opportunités foncières du développement urbain, avec la nécessité
d‟accorder les calendriers de l‟urbanisation et de la dépollution.
64
Low Emission Zone : Zone de faible émission.
214
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 31 : Umweltzone de Karlsruhe interdite aux
véhicules les plus polluants sans vignettes et à terme
autorisée qu‟à la vignette verte.
215
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 32 : Zones de dépassement de la valeur limite européenne NO 2 pour la
protection de la santé (simulation ASPA, année 2007) avec mesure prévue de
maîtrise de l‟urbanisation.
216
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Du local au planétaire
Dans la vallée du Rhin supérieur défavorable à la dispersion atmosphérique, la
reconquête de la qualité de l‟air pour les deux polluants prioritaires que sont
l‟ozone et les particules en suspension ne se limite donc pas à une réduction de la
pollution là où les niveaux sont les plus élevés. La contribution des différentes
échelles géographiques à une pollution locale excessive invite ainsi à une
dépollution générale à l‟échelle locale, urbaine, périurbaine, régionale et
continentale.
À cela s‟ajoute l‟échelle planétaire du changement climatique avec l‟émission
de gaz à effet de serre dont les sources sont globalement les mêmes que pour les
polluants de l‟air respiré. C‟est tout le sens des « schémas régionaux Climat-airénergie » instaurés en 2010 par le Grenelle de l‟Environnement. Ils s‟appuient sur
la compréhension de la relation climat-pollution de l‟air pour mettre en œuvre des
politiques combinées. L‟intérêt d‟une telle approche intégrée air, climat, énergie ne
réside pas seulement dans les actions de réductions des émissions visant à un cobénéfice. Elle appelle également à une prise en compte des impacts croisés
potentiels à la fois des pollutions et des dépollutions.
À ce titre, le groupe intergouvernemental d‟experts sur l‟évolution du climat
(GIEC) estime que le changement climatique engendrerait une augmentation de la
fréquence estivale de situations anticycloniques propices à la formation de
particules organiques secondaires et d‟ozone, ce qui peut toucher le Rhin
supérieur (Figure 33) comme le préfigurerait la canicule de l‟été 2003. À l‟autre
extrême, sinon la fréquence au moins l‟amplitude plus grande de phénomènes
extrêmes venteux voire pluvieux pourrait pendant la période hivernale faire
augmenter le nombre de journées à pollution plus diluée.
217
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 33 : Différence (en μg/m3) entre les moyennes passées (1960-1990) des
pics d‟ozone journaliers estivaux et les moyennes futures (2070-2100). Source
INERIS.
Réciproquement, la pollution atmosphérique agit sur le climat. Ainsi, certaines
particules en suspension (sulfates, carbone organique) ont au global un effet
refroidissant (forçage radiatif négatif) mais d‟autres particules (carbone
élémentaire) un effet réchauffant (forçage radiatif positif). Il est difficile d‟en faire
une projection à long terme, d‟autant plus que cela induit des effets semi-directs et
indirects sur le climat en perturbant la formation (températures) et la nature (noyau
de condensation) des nuages. Ces derniers jouent un rôle important sur la
couverture du ciel et les précipitations (déclenchement moindre des gouttelettes
plus petites) avec cependant un effet refroidissant ou réchauffant selon l‟altitude.
S‟agissant des actions de dépollution, une vigilance active s‟impose car elles
peuvent présenter aussi bien des synergies que des antagonismes. Ainsi, une
meilleure efficacité énergétique sera moins consommatrice de combustibles avec
le co-bénéfice d‟émettre à la fois moins de CO2 et de particules ou d'oxydes
d‟azote. Mais une transition vers les bioénergies, certes plus neutres en carbone
de par l‟effet compensatoire de la photosynthèse, pourrait se transformer en
problème sanitaire local si les systèmes de combustions ne maîtrisaient pas mieux
leurs émissions de particules contenant des substances cancérogènes à plus
haute dose que dans les combustibles fossiles. De même, la substitution partielle
des engrais minéraux (émetteurs de protoxyde d‟azote N 2O, gaz à effet de serre
puissant) par des épandages de lisier et de fumier émet de l‟ammoniac (NH 3). Ce
218
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
polluant gazeux nocif en lui-même est aussi l‟un des précurseurs de la formation
de particules secondaires pouvant conduire au printemps agricole à des pics de
pollution de grande ampleur géographique.
Vers une atmosphère durable du Rhin supérieur
Il ressort de cette réflexion que la reconquête de la qualité de l‟atmosphère (air
et climat) n‟est de loin pas achevée et que l‟urbanisation en est un élément
déterminant. Cela concerne principalement l‟étalement urbain, à maîtriser (source
de trafic routier) voire à inverser pour favoriser la densification des villes (maîtrise
des déplacements et des besoins énergétiques).
Au regard des objectifs à très court terme d‟une qualité de l‟air respectueuse de
la santé, l‟inertie intrinsèque à tout programme d‟urbanisation est à accompagner
avec des actions de transition. Cette transition concerne pour une part la réduction
de la pollution, telle la possibilité récente en France de créer des zones urbaines
d‟interdiction de circulation pour les véhicules les plus polluants. Elle concerne
pour une autre part la protection des populations les plus sensibles en interdisant
dans certaines zones la construction de bâtiments recevant des jeunes enfants ou
des personnes âgées.
Toutes ces actions à visées sanitaires et environnementales n‟en doivent pas
moins s‟inscrire dans une démarche de développement durable prenant en compte
les aspects économiques et sociaux, voire éthiques, au regard des inégalités
environnementales et sociales mises en jeu.
Il reste des incertitudes, certes de plus en plus ténues sur ces enjeux
atmosphériques. Mais pour peu que les statistiques climatiques et sanitaires, puis
économiques et sociales confirmeraient les projections des experts dans un
contexte mondial politique et financier plus que contraint, nos sociétés humaines
se trouvent alors face à un triple défi atmosphérique. Le premier est leur capacité à
adopter une approche intégrée face à une problématique qui interroge l‟ensemble
des activités humaines. Le deuxième défi est leur capacité à s‟adapter aux
évolutions climatiques déjà en marche malgré les efforts consentis. Le troisième
défi est leur capacité à œuvrer collectivement pour le bien commun. En effet, elles
en sortiront grandies d‟avoir réussi ensemble à se réconcilier avec notre
atmosphère… ou, comme s‟en inquiètent les sociologues, meurtries de ne pas
avoir su dépasser les représentations et rouages individuels et collectifs qui soustendent nos activités (Figure 34) et qui, après tout, nous ont conduit jusque-là. De
la réflexion à l‟action en passant par des rouages décisionnels, une gouvernance
démocratique à la fois représentative et participative apparaît alors comme un
facteur décisif pour la réussite de ces défis atmosphériques du siècle à venir.
Au final, le présent de la reconquête de la qualité de l‟air dans le Rhin supérieur
ne se conçoit pas sans une action du local au global et s‟inscrit fortement dans le
futur du changement climatique. Mais ce présent atmosphérique n‟aura pas
d‟avenir sans une gouvernance éclairée et efficiente. À ce titre, les enseignements
passés de l‟humanisme rhénan sont à même de favoriser une telle gouvernance
basée sur un dialogue organisé et respectueux entre les acteurs publics et privés.
Car tous sont appelés à se mobiliser, jusqu‟au citoyen touché dans ses modes de
219
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
consommation, de production, d‟habitation, de déplacement, bref son mode de vie.
Figure 34 : Regard de la gouvernance atmosphérique
3.2 Les impacts du réchauffement climatique : état des lieux
– Julia Timina
En février 2007, le Groupe Intergouvernemental d‟Experts pour le Climat
(GIEC) a publié son 4ème rapport dans lequel plus de mille trois cents scientifiques
s‟accordent sur le fait que le réchauffement actuel du climat planétaire est causé
dans une large mesure par les activités humaines. Cette publication annonce une
élévation de la température au niveau mondial comprise entre 1,1 et 6,4°C à la fin
du XXIe siècle. La fourchette des valeurs est liée, d‟une part aux incertitudes des
modèles climatiques, et d‟autre part, au choix de scénario du développement
socio-économique dont les conséquences sont plus difficiles à estimer et prédire.
Le réchauffement de l‟atmosphère est attribué à l‟augmentation de la concentration
des gaz à effet de serre (GES) et des aérosols en lien direct – et maintenant bien
établi – avec les activités de la société humaine depuis le début de l‟ère
industrielle. Ce phénomène s‟est nettement accéléré à partir de la deuxième moitié
e
du XX siècle et a fait émerger de nouveaux problèmes environnementaux qui
220
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
touchent en premier lieu les zones arctiques, les régions montagnardes et côtières.
Les modèles climatiques actuels sont certainement plus divers et plus précis
qu‟autrefois. Néanmoins, de nombreuses incertitudes subsistent. Celles-ci sont
dues à un état évolutif des connaissances scientifiques dans le domaine de la
climatologie mais également à la complexité du système climatique planétaire.
Parallèlement, il est important de noter que la difficulté de modéliser l‟évolution du
climat futur se trouve dans le temps de résidence plus ou moins long des gaz à
effet de serre dans l‟atmosphère : selon le GIEC, les émissions accumulées depuis
le début de l‟ère industrielle seraient responsables de près de la moitié du
réchauffement des vingt prochaines années (de l‟ordre de 0,2°C au niveau
planétaire) tandis que les taux d‟émissions actuel et des prochaines décennies
provoqueraient un réchauffement deux fois plus important.
Au niveau mondial, le changement climatique est déjà observé à travers de
nombreux phénomènes : le recul des glaciers, la fonte généralisée de la
couverture neigeuse et de la banquise avec, comme conséquences, l‟élévation du
niveau de la mer, l‟intensification et l‟augmentation en fréquence des événements
climatiques extrêmes tels que les vagues de chaleur provoquant la sécheresse, les
tempêtes causant des dégâts humains et matériels importants. Les pays qui
devaient faire face aux problèmes de manque d‟eau dans le passé récent se
trouvent confrontés à des situations de plus en plus critiques conduisant à des
conflits d‟usages en rapport avec les ressources naturelles. C‟est également le cas
de la disponibilité en matières premières des combustibles fossiles. Des tensions
politiques seront envisageables dans le futur le plus proche. C‟est ainsi que le
changement climatique devient un indicateur de la vulnérabilité territoriale.
Dans le cadre d'un travail réalisé pour un mémoire de fin d‟études de Master 2
Géographie Environnementale soutenu devant le jury de la faculté de Géographie
et Aménagement du territoire, un stage effectué conjointement avec la DREAL
Alsace et la Région Alsace a permis de mettre en valeur les connaissances
scientifiques existantes à différentes échelles et sur de nombreux thèmes tels que
les ressources naturelles et les activités principales susceptibles d‟être impactées
par le changement climatique. L‟objectif de ce stage était la participation à
l‟élaboration du Schéma Régional Climat-Air-Énergie (SRCAE) et notamment du
volet sur l‟adaptation au changement climatique. Les rapports thématiques ont été
produits sous forme de synthèse bibliographique faisant état de lieux de la
connaissance scientifique dans les différents domaines. Les thèmes traités, à
compter du 1 er mars jusqu‟à la fin juillet 2011, étaient les suivants (en ordre
chronologique) : le tourisme, les ressources en eau, l‟agriculture, la forêt et la
biodiversité. La validité de ces rapports s‟est effectuée en concertation avec des
acteurs locaux concernés qui ont également participé à l‟Atelier du groupe de
travail « Adaptation au changement climatique ». Ainsi, plusieurs représentants de
différents secteurs d‟activité ont été sollicités pendant les phases de préparation et
de validation des documents de travail. Les échanges issus de ces rencontres ont
pu apporter des éclaircissements sur la situation régionale de chaque
problématique, ainsi qu‟intégrer des remarques, le plus souvent pertinentes, des
acteurs locaux.
Ce travail de mémoire s‟est appuyé sur les résultats de recherches
221
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
bibliographiques qui regroupent les publications de nombreux auteurs autour des
thèmes abordés au cours du stage. Ces références ont été complétées par les
contributions des acteurs rencontrés lors des réunions de l‟Atelier « Adaptation au
changement climatique » animé par M. Bertin, chargé de mission à la DREAL
Alsace. La synthèse documentaire représente un grand intérêt mais également la
plus grande difficulté dans le cadre de ce travail. Chaque année, de multiples
articles s‟intéressent à la question du changement climatique tant dans la presse
scientifique que dans les médias. La plupart de ces travaux sont établis à l‟échelle
plus ample qu‟une région donnée. Extraire de l‟information utile et pertinente pour
la région Alsace a été le premier objectif de la synthèse bibliographique. De plus, il
existe peu de références régionales sur la question du changement climatique en
lien avec le territoire. Or, c‟est la communauté scientifique qui pourra apporter des
réponses à de nombreuses questions qui se posent aux acteurs politiques afin
d‟anticiper les stratégies de la gouvernance territoriale.
Le texte du mémoire est composé en quatre parties qui se focalisent sur des
aspects distincts d‟une étude de vulnérabilité territoriale au changement climatique.
La première partie est consacrée à la question suivante : « Pourquoi faut-il
définir une vulnérabilité territoriale face au changement climatique ? » Le territoire
en tant que système complexe est défini par rapport aux nombreuses
composantes telles que les milieux physiques, la société humaine, la gouvernance
et la politique, et réagit aux forçages extérieurs tel que le changement climatique
envisagé. Afin d‟anticiper sa réponse aux modifications sur différents niveaux,
susceptibles de survenir au cours du XXI e siècle, la vulnérabilité territoriale est
définie en fonction des sensibilités existantes mais également de celles qui
peuvent être envisageables dans les nouvelles conditions à prévoir. En France,
cette démarche d‟identification de la vulnérabilité territoriale est soutenue par la
politique climatique permettant aux régions de développer leurs outils de la
gouvernance qui tiennent compte des changements globaux (Plan Climat,
Schémas Régionaux).
La deuxième partie fait un état des lieux des observations sur le réchauffement
climatique, documenté par de nombreux auteurs et avec comme document de
référence le 4ème rapport du GIEC publié en 2007. Deux indicateurs climatiques ont
été choisis, conformément au choix de la majorité des experts qui démontrent le
changement climatique par les valeurs observées à la hausse des températures
tandis que celles des précipitations sont observées avec une légère baisse.
Parallèlement aux constats, une analyse des projections de l‟évolution de ces deux
indicateurs est faite grâce aux cartes issues de la modélisation de Météo France
pour la DATAR, aux horizons 2030, 2050 et 2080 et selon les scénarios du GIEC
qui sont A1B, appelé « médian », A2, appelé « pessimiste » et B1, appelé «
optimiste ».
À l‟échelle de la France, il a été noté que la hausse des températures
minimales est plus forte à l‟Ouest qu‟à l‟Est ; et l‟augmentation des températures
maximales est plus marquée dans le Sud que dans le Nord. Les enregistrements
sur le quart Nord-Est de la France montrent que les treize dernières années ont
été parmi les plus chaudes de tout le siècle dernier. À Strasbourg, les données de
222
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
la station de mesure de Météo France (Entzheim) correspondant au nombre de
jours avec les températures supérieures ou égales à 25°C montrent une tendance
à la hausse. En 60 ans cet indicateur a gagné en moyenne de 15 à 20 jours par
an. En même temps, les observations sur le nombre de jours de gel à la même
station de Strasbourg suggèrent une tendance à la baisse. Depuis la deuxième
ème
moitié du XX
siècle, on compte en moyenne de 15 à 20 jours de gel en moins
par an.
Concernant les projections du futur climat faites pour la France, en faisant le
zoom sur la région Alsace, on a pu dégager une tendance à la hausse des
températures de toutes les saisons ; et selon les trois scénarios du GIEC (A1B, A2
et B1), une tendance à l‟augmentation du nombre de jours de températures
supérieures à 30°C ainsi que du nombre de jours caniculaires. En même temps, le
nombre de jours de gel a tendance à diminuer. En terme d‟évolution des
précipitations, il n‟a pas été évident de déterminer une tendance nette. Toutefois,
une légère baisse des précipitations annuelles, plus accentuée en été qu‟en hiver,
a été dégagée à l‟horizon 2080. On prévoit également une diminution de la réserve
hydrique des sols en raison de la baisse des précipitations estivales et la hausse
de l‟évapotranspiration des végétaux à cause des températures plus élevées. En
termes d‟exemple, le tableau ci-dessous résume l‟évolution à la hausse de la
température moyenne annuelle projetée pour la région Alsace à différents horizons
du XXIème siècle et selon les trois scénarios du GIEC.
Tableau 28 : Projections des écarts de la température moyenne annuelle en
Alsace, par rapport à la période de référence (1971-2000) aux horizons 2030, 2050
et 2080, et selon les scénarios A1B, A2 et B1. Source : cartes de Météo France
pour la DATAR
2030
2050
2080
A1B (« médian »)
1,5°C
2-2,5°C
3°C
A2 (« pessimiste)
1,5°C
2°C
3,5°C
B1 (« optimiste »)
1,5°C
1,5°C
2°C
Il n‟est pas évident d‟apprécier les conséquences de ces écarts des
températures. Afin de mieux représenter cet aspect, Météo France a publié une
étude climatique pour les grandes villes françaises avec un comparatif opposant la
température moyenne annuelle de Strasbourg avec d‟autres villes. Ainsi, une
augmentation de 1,5°C par rapport à la température actuelle renvoie au climat de
Lyon, et une augmentation de plus de 4°C serait compatible avec le climat de
Marseille.
La troisième partie décrit les impacts directs du changement climatique sur la
région Alsace, qui ont été identifiés sans mettre au premier plan la composante de
la société humaine du système complexe d‟un territoire. Les impacts directs sont
liés aux milieux physiques que sont l‟eau, l‟air, le sol et la biodiversité, et plus
globalement à l‟enveloppe bioclimatique de l‟environnement. Il a été décidé
d‟inclure les impacts des risques naturels dans la troisième partie malgré leurs
principales conséquences rapportées au fonctionnement de la société humaine
(dégâts matériels, pertes humaines etc.) ainsi qu‟au facteur d‟exposition de cette
dernière – qui augmente significativement la vulnérabilité.
223
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
En termes de ressources en eau, la région Alsace n‟a pas connu de déficit, que
ce soit pendant les années de sécheresse de 1976 et 2003 qui ont marqué les
esprits, mais également au printemps et début d‟été 2011. Concernant l‟évolution
du stock de la nappe d‟Alsace, le manque d‟information devra être comblé avec les
résultats du « projet VulNar » (« Vulnérabilité de la Nappe d‟Alsace aux effets du
changement climatique ») programmés pour la fin de 2011. Le Rhin, quant à lui,
semble ne pas avoir de changements majeurs de l‟évolution de son débit, du
moins sur le tronçon alsacien (« projet Rheinblick 2050 »). L‟Ill et ses affluents
seraient susceptibles d‟être impactés par la fonte de neige plus précoce, et donc
par le changement de régime.
L‟ozone est actuellement le polluant photochimique très présent dans l‟air du
fossé rhénan et notamment pendant les périodes estivales. La simulation de
l‟ASPA à l‟horizon 2100 suggère une augmentation du taux de ce gaz sur tout le
territoire alsacien, ce qui dégrade davantage la qualité de l‟air. Un autre problème
concerne les particules fines ; et leur concentration serait susceptible d‟augmenter
en absence de mesures de contrôle et de surveillance renforcée.
La biodiversité et notamment les forêts sont déjà touchées par le réchauffement
du climat enregistré au cours du XXème siècle : leur phénologie, leurs aires de
répartition, les comportements des organismes vivants face aux nouvelles
perturbations, sont des indicateurs relevés par les chercheurs. Les groupes
biogéographiques composés par des cortèges d‟espèces typiques des régions
actuelles seront déplacés vers le Nord et en altitude. Une augmentation modérée
du taux de CO2 de l‟atmosphère est favorable à la croissance des végétaux, mais
une hausse plus importante sera destructrice. Le stress hydrique en augmentation
vers la fin du siècle conduira au dépérissement des principales essences
forestières d‟Alsace que sont le Hêtre et le Sapin. On s‟attend également à
l‟accroissement des populations des parasites profitant des conditions climatiques
favorables.
Concernant les risques naturels, il existe encore actuellement de nombreuses
incertitudes quant aux projections de ce type de phénomène. Néanmoins, on
trouve de plus en plus de publications où une augmentation en fréquence et
intensité des inondations est mise en avant. Parmi les risques naturels retenus par
l‟ONERC (Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique),
l‟Alsace serait touchée en premier lieu par les inondations et les coulées de boue.
Toutefois, à nos jours, aucune étude n‟a dégagé une tendance plus ou moins nette
quant à une évolution des débits des crues du Rhin sur le tronçon alsacien. Pour
l‟Ill et ses affluents, il est également impossible de donner des références
scientifiques. C‟est l'une de nombreuses lacunes dans les connaissances actuelles
des impacts régionalisés du changement climatique.
La quatrième partie a pour objectif de définir la vulnérabilité territoriale de la
région Alsace au travers des sensibilités existantes et l‟identification des
sensibilités potentielles susceptibles d‟apparaître dans de nouvelles conditions
climatiques. En raison de grande quantité d‟information à traiter, de la durée de
stage limitée et de la participation aux différentes réunions et rencontres dans le
224
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
cadre du stage, tous les secteurs d‟activité n‟ont pas pu être étudiés dans le
présent travail. Ainsi, la dernière partie a pour objectif de définir le degré de
vulnérabilité des secteurs de l‟agriculture, de la viticulture, de la sylviculture, de la
santé et du tourisme.
Les secteurs d‟activités qui ont été analysés dans la quatrième partie ne
semblent pas être vulnérables à nos jours. Néanmoins, cette situation est
susceptible de changer au cours de ce siècle. Si le déficit de pluviométrie sévère
du printemps 2011 n‟a pas touché l‟Alsace au même degré que les départements
du Sud et Sud-est de la France, cet incident climatique répété d‟une année à
l‟autre aurait davantage de conséquences négatives sur l‟agriculture, la viticulture
et la sylviculture régionales. Cette hypothèse concernant l‟accentuation du stress
hydrique est d‟ailleurs soutenue par de nombreuses équipes de recherche qui ont
travaillé sur la question dans les domaines respectifs (CLIMATOR, CARBOFOR,
INRA).
Le secteur du tourisme en Alsace sera impacté essentiellement par la baisse de
rentabilité des stations de sports d‟hivers en raison de la diminution du nombre de
jours avec la neige au sol. À long terme, la fermeture et la reconversion des sites
de moyennes montagnes telles que les Vosges seront à envisager.
L’agriculture, confrontée à une baisse de la disponibilité en eau des sols, aura
de nouveaux besoins en cette ressource, ce qui pourrait créer des tensions autour
de la question d‟usages d‟eau en période estivale, lorsque le manque est le plus
ressenti. L‟avenir de la culture du maïs est-il compromis ? Si c‟est le cas, quel sera
le choix des agriculteurs et pour quel coût ? Au moins jusqu‟à 2050, la viticulture et
la sylviculture bénéficieront d‟un climat favorable au développement de la
production. Au-delà de cet horizon, cette situation sera plus délicate à maintenir en
raison de la hausse de la température et la baisse de l‟humidité des sols.
La santé humaine sera essentiellement menacée par l‟augmentation en
fréquence des vagues de chaleur ; mais, plus encore, par l‟augmentation de la
pollution à l‟ozone qui est très caractéristique pour l‟Alsace. Les particules fines
sont une autre source de pollution en Alsace.
Le résultat final de ce travail de mémoire et de stage durant les cinq mois est
présenté sous forme de matrice des vulnérabilités qui regroupe tous les thèmes
abordés et les conclusions tirées de l‟analyse des connaissances existantes issues
de la synthèse bibliographique.
Tableau 29 : Matrice des vulnérabilités de la région Alsace
Thème
principal
Sous-thème
Risques potentiels identifiés
225
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Eau
Production d‟eau
potable
Eau
Prélèvements
(industrie,
irrigation)
Eau
Production
hydroélectrique
Eau
Navigabilité
Santé
Maladies
infectieuses,
prolifération des
parasites
Santé
Pollution
atmosphérique
Santé
Pollen
Agriculture
Potentiels de la
production des
grandes cultures
La nappe comme source principale des
prélèvements pour la production d‟eau potable,
reste menacée par la pollution d‟origines agricole
et industrielle : ce n‟est pas tant en terme
quantitatif mais qualitatif que la vulnérabilité de la
nappe s‟exprimera davantage pendant les
décennies à venir.
Les étiages réguliers projetés pour les cours
d‟eau, auront les répercussions sur le niveau de la
nappe, surtout dans les endroits où elle est plus
difficilement accessible.
Si
actuellement
les
prélèvements
d‟eau
(souterraine et de surface) pour les besoins des
industries sont largement supérieurs à ceux
effectués pour l‟irrigation des cultures, les étés
e
plus secs projetés pour le XXI siècle seront à
l‟origine de l‟augmentation des pompages pour
l‟agriculture : les situations de crise comme cela a
été vécu en été 2003 risquent de devenir plus
fréquentes et demanderont un nouveau mode de
gestion de la ressource afin d‟éviter les conflits
d‟usage.
Le maintien voire une hausse de la production en
hiver ; une baisse de la productivité en été ; à
l‟horizon 2070 il a été projeté une baisse annuelle
au niveau national équivalente aux pertes de
l‟année 2003 (moins 19%).
Décalage de la période de hautes eaux vers avrilmai ainsi qu‟une augmentation du débit hivernal,
suivie par une baisse du débit estival, risquent de
perturber le trafic fluvial, surtout en amont et en
aval du tronçon alsacien.
Émergence ou réémergence des maladies
infectieuses et l‟activité des parasites et différents
pathogènes favorisée par la hausse des
températures (hivernale et estivale) sera à
surveiller.
Les épisodes caniculaires plus fréquents et la
hausse générale de la température estivale seront
favorables à une augmentation de la pollution par
l‟ozone.
Le secteur résidentiel, le principal émetteur des
particules fines en raison de l‟utilisation des
installations de chauffage polluantes, devra
diminuer ce risque sanitaire.
Le prolongement de la saison de végétation,
accompagné par une augmentation de la
production des grains, rend la population
concernée par les allergies encore plus sensible.
Augmentation de la production de blé, de colza et
de tournesol.
Possibilité d‟augmenter la production du maïs
jusqu‟à 2050, laquelle deviendra contraignante à
226
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Agriculture
Irrigation
Viticulture
Production
viticole
Forêt
Essences
principales
Forêt
Gestion
forestière
Biodiversité
Écosystèmes
terrestres
cause des besoins de plus en plus importants en
irrigation.
Les besoins seront plus élevés surtout pour la
culture du maïs.
Ce n‟est pas tant la quantité que la qualité des vins
qui sera menacée par la hausse des températures
(minimale et maximale) lors de la période de
végétation : par une augmentation du degré
d‟alcool probable au moment de la récolte et par
une baisse d‟acidité.
Risque de perte de la typicité des vins d‟Alsace
(AOC menacés) mais avantage pour les
vendanges tardives.
Nouvelles possibilités des cépages adaptés aux
températures plus élevées.
Le Hêtre, le Sapin et l‟Epicéa, les essences
principales des forêts vosgiennes, ainsi que le Pin
sylvestre dans la forêt de Haguenau, seront
menacés par le dépérissement en raison de la
sécheresse régulière projetée pour la deuxième
moitié du siècle.
Les impacts des parasites sont encore très mal
étudiés.
Le dépérissement des principales essences
forestières en Alsace met en avant la question de
gestion des forêts à long terme : par exemple,
l‟adaptation des nouvelles essences soulevée par
l‟ONF.
L‟Alsace en tant que « carrefour » entre plusieurs
régions biogéographiques, devra s‟attendre à un
enrichissement de sa biodiversité avec le
déplacement des aires de distribution des espèces
causé par le réchauffement du climat tout en ayant
le risque de perdre les espèces des régions
boréales et tempérées (la faune et la flore des
Vosges) les plus sensibles.
Modifications morphologiques et phénologiques
des espèces en voie d‟adaptation aux nouvelles
conditions : temps et trajet de migration des
oiseaux, ainsi que leurs stations d‟hivernage, de
reproduction ; adaptation des insectes parasites
aux modifications phénologiques des planteshôtes etc.
Il existe encore très peu de connaissances sur les
potentiels
génétiques
des
espèces
qui
permettraient leur adaptation spontanée
227
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Biodiversité
écosystèmes
aquatiques
Les espèces des écosystèmes aquatiques
semblent être plus vulnérables aux changements
climatiques en raison de leur environnement
spécifique du milieu de vie.
Modifications morphologies et phénologiques des
espèces en voie d‟adaptation aux nouvelles
conditions : période et trajet de migration des
poissons ; potentiel de reproduction dépendant
des disponibilités en habitats propices et
conditions de l‟environnement.
Changements dans les régimes hydrologiques des
cours d‟eau causés par le décalage des périodes
de hautes eaux, risquent de perturber le rythme
migratoire des poissons ;
Une baisse de débits des cours d‟eau, surtout
ceux des petits bassins-versants, peut causer une
eutrophisation avec comme conséquence une
dégradation de la qualité des eaux et une baisse
de la biodiversité. Toutefois, l‟impact le plus
important reste d‟origine anthropique.
Biodiversité
Zones humides
Biodiversité
Continuité
écologique
Risques
naturels
Inondations
Si l‟augmentation de la fréquence des inondations
hivernales causée par une hausse des débits sur
la même période est bénéfique au développement
et à l'enrichissement de la biodiversité des zones
humides, les étiages estivaux projetés pour la
deuxième moitié du siècle risquent de
contrebalancer cet effet positif en menaçant par
l‟assèchement.
Les chercheurs s‟accordent à dire qu‟il n‟existe
pas encore suffisamment de connaissances pour
répondre à la question « comment les espèces
vont-elles s‟adapter au changement climatique ? »
L‟hypothèse du déplacement géographique des
aires de distribution est largement supportée par la
communauté scientifique. Ceci peut être considéré
comme
une
des
possibilités
naturelles
d‟adaptation, à condition de pouvoir se déplacer.
C‟est pour cette raison que la continuité
écologique des territoires jouera probablement le
rôle primordial pour la sauvegarde de la
biodiversité.
À l‟échelle de la région Alsace, il n‟existe pas
encore d‟étude consacrée aux évolutions des
débits extrêmes des cours d‟eau. Le projet
« Rheinblick 2050 » ne donne pas de conclusion
pour les stations en amont et en aval du tronçon
ème
alsacien du Rhin. Néanmoins, le 4
rapport du
GIEC suggère une augmentation de la fréquence
des inondations, et notamment celles causées par
les crues-éclairs sur les petits bassins-versants
tels que les affluents de l‟Ill ; les zones les plus
vulnérables se retrouvent sur les périmètres
inondables des cours d‟eau, occupés par
l‟urbanisation.
228
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Risques
naturels
Remontées de
nappe
Les pluies intenses projetées en hausse pour les
périodes hivernales risquent de causer les
remontées de nappe et notamment dans les
secteurs où le toit est déjà proche de la surface
des terres (secteurs de Colmar et de Sélestat) :
inondation des caves, des champs.
Risques
naturels
Coulées de boue
Les pluies intenses en hiver - début printemps
accentuent l‟érosion hydrique des sols encore
dépourvus de la couverture végétale : les secteurs
de l‟Outre-forêt, du Kochersberg, des vignobles et
du Sundgau sont déjà les plus touchés par cet
aléa et leur sensibilité risque de s‟aggraver avec le
changement climatique.
Risques
naturels
Vagues de
chaleur
Risques
naturels
Vagues de froid
Urbanisme
Ilot de chaleur
urbain
Le 4
rapport du GIEC annonce que les
conditions de la canicule de l‟été 2003 seront
celles d‟un été « ordinaire » à la fin du siècle. Les
températures très élevées portent préjudices à la
santé humaine touchant les catégories de la
population les plus sensibles (personnes âgées et
les enfants), à l‟agriculture en menaçant une
grande partie de la récolte, à la production
hydroélectrique et au fonctionnement des
centrales nucléaires etc.
Avec une augmentation de la température
minimale en hiver et une diminution du nombre de
jours de gel (Météo France, GIEC) le risque de
mortalité causé par les chutes de température sera
réduit
Le climat particulier des villes aggrave les effets de
la vague de chaleur. Donc, le risque pour la santé
humaine est plus élevé en ville.
Urbanisme
Débordement du
système
d‟assainissement
Les épisodes des pluies intenses risquent de
causer les débordements du système d‟évacuation
des eaux pluviales et, dans le cas où il est
raccordé au système d‟assainissement, le risque
de pollution pourrait se produire.
Urbanisme
Confort et cadre
de vie dans les
bâtiments
Urbanisme
Occupation du
sol, Trame verte
et bleue
Les étés plus chauds, voire caniculaires,
provoqueront des besoins en fraîcheur dans les
bâtiments. Ce fait peut être pris en compte dès la
conception en minimisant les besoins en électricité
pour les climatiseurs.
Les hivers plus chauds et plus humides risquent
de créer de l‟humidité dans les bâtiments en
dégradant le confort et la santé des occupants.
La perméabilisations des sols par l‟urbanisation ne
fait qu‟accentuer les effets néfastes du
changement climatique tels que la chaleur en ville,
les inondations et coulées de boue. Le sol a
également un potentiel de stockage de CO2, ce qui
diminue le réchauffement climatique. Enfin, la
présence de la végétation en ville aide à réduire
les effets négatifs sur la santé en produisant de
ème
229
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tourisme
Tourisme de
nature
Tourisme
Tourisme d‟hiver
Tourisme
Tourisme d‟été
l‟oxygène, sur le confort et l‟attractivité des lieux en
offrant un cadre récréatif et sur la biodiversité
urbaine.
Ce secteur connait déjà un fort développement et
représente un champ d‟intérêt important. L‟Alsace,
dans son ensemble, ne devra pas être fortement
touchée par les changements paysagers.
Toutefois, il n‟existe aucune étude pouvant
apporter des connaissances sur le sujet.
La couverture neigeuse insuffisante sur les Vosges
mettra en péril les activités traditionnelles des
stations de sports d‟hiver : à l‟horizon 2030, avec
une augmentation de la température de 2°C, le
seuil d‟enneigement serait reporté à 300 m plus
haut par rapport à l‟altitude actuelle.
La solution des canons à neige ne devrait pas être
satisfaisante en sachant que le nombre de jours
de gel dans la région diminuera également (Météo
France).
Les projets de reconversion des stations seront
nécessaires à mettre à l‟ordre du jour compte tenu
des pertes qu‟une saison mauvaise avec des
températures élevées peut entraîner : en
2006/2007, l‟écart à la moyenne de 2,5°C a
provoqué des pertes de 70% des chiffres
d‟affaires.
De nouvelles conditions climatiques de l‟Alsace
favorables au tourisme d‟été permettront de
prolonger la durée de la période touristique.
Les problèmes liés à la qualité des eaux (des
gravières et des cours d‟eau) seront accentués par
les températures de l‟air et par conséquence de
l‟eau plus élevées par rapport à la période
actuelle.
230
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Conclusion générale
Au terme de ce périple dans le monde périurbain alsacien qui a été mis en
perspective face aux enjeux de la durabilité, il apparaît que la région est confrontée
à un choix de développement alors même qu'elle dépend de nombreuses
décisions prises à d'autres échelles. Non seulement la définition d'une certaine
forme de volontarisme régional n'est pas aisée, mais d'emblée ses marges de
manœuvre subissent des contraintes qui la dépassent.
La mondialisation libérale se propose de résoudre tous les problèmes grâce
aux forces du marché. Face à cette doxa, que pèsent encore les politiques
publiques ? L'Union européenne a dû reconnaître l'échec du programme de
Lisbonne-Göteborg qui voulait faire de l'Europe le premier centre d'innovation du
monde en 2010. En France, les Grenelle de l'Environnement conduisent à un
verdissement des textes réglementaires, mais ils ne remettent aucune évolution
fondamentale en cause.
En matière de périurbanisation, il en résulte une croissance au fil de l'eau : le
mouvement se poursuit, la « ville sans fin » de Françoise Choay se répand
couronne après couronne dans les profondeurs de l'espace alsacien. Cette
production d'espace correspond volontiers aux aspirations d'une bonne part de la
population qui rêve de « campagne » et de maison individuelle avec des mobilités
fondées sur l'automobile. La construction de maisons individuelles représente
toujours la moitié des logements neufs. Même en ville, la voiture redresse la tête :
en 2011, Strasbourg a connu un échec avec le référendum sur les zones 30 et
Mulhouse a revu son plan de circulation pour favoriser le retour de la voiture en
ville au nom de la défense du commerce. Pourtant, les professionnels de
l'aménagement et de l'urbanisme essaient de promouvoir la ville compacte, les
écoquartiers ou encore les transports en commun et autres circulations douces. La
« nature » elle-même apparaît gérée, entretenue ; elle constitue un fait culturel ; les
espèces endémiques menacées (blé rouge d'Altkirch, hamster d'Alsace...) et les
nouveaux arrivants (renouée du Japon, loup...) sont intégrés aux problématiques
de la biodiversité.
Non sans succès, mais que pèsent ces nouvelles réalités ? Ingénieurs et
techniciens sont-ils en train de faire du prototypage qui sera généralisé ? Ou bien
s'agit-il de réalisations ponctuelles avec un fort effet de vitrine qui séduit d'abord
les bobos ? Ainsi, dans la problématique des mobilités durables, le TER Alsace est
devenu une référence grâce à sa progression remarquable. Il transporte environ
80 000 voyageurs/jour, en attendant davantage grâce à une amélioration continue
de l'offre et de l'intermodalité. Mais la seule A35 voit entrer et sortir de Strasbourg
plus de 150 000 véhicules/jour, soit environ le double de l'ensemble du dispositif
TER en Alsace !
De plus en plus, le périurbain prend l'apparence d'un magma confus, certes
pondéré par le goût alsacien pour l'ordre et « l'espace économe », mais balayant
progressivement les formes antérieures d'organisation. Terroirs historiques et
institutions s'accrochent à un passé parfois idéalisé et qui correspond de moins en
231
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
moins aux réalités fonctionnelles, tant l'empreinte urbaine s'étend. À l'intérieur de
ce périurbain s'esquisse une fracture entre territoires : avec ceux « qui gagnent »
(un archipel de prospérité) et ceux « qui perdent » (un archipel en cours
d'appauvrissement). C'est là que l'on retrouve la métropolisation. Avec Strasbourg
comme chef de file, ce qui génère des secteurs hors la ville qui prospèrent et
d'autres qui apparaissent davantage comme des espaces de relégation pour des
populations fragilisées. Sans surprise, le Haut-Rhin, longtemps centré sur
l'industrie de production et le travail frontalier, décroche, à l'exception de l'oasis
colmarienne, viticole, touristique, préfectorale et réceptacle de fleurons industriels.
On ne peut plus considérer l'Alsace comme un bloc mais comme un territoire où
des forces antagonistes jouent un rôle grandissant, où les impulsions venues de
Strasbourg jouent un rôle majeur mais sans entraîner l'ensemble de l'espace
alsacien à sa suite.
Le mouvement de métropolisation vient contredire le legs historique alsacien
où, contrairement à la plupart des autres régions françaises, l'urbanisation était
typique du monde rhénan ; sa hiérarchie urbaine aux multiples niveaux
s'accompagnait de campagnes fréquemment urbanisées ou industrialisées.65 Par
conséquent, le monde urbain multipolaire alsacien semble vouloir rentrer dans le
rang au profit d'une aire urbaine strasbourgeoise de plus en plus structurante et
dont la croissance est finalement susceptible de redynamiser la démographie de
centres plus modestes. Il y aurait des comparaisons intéressantes à faire avec les
autres régions françaises, dont beaucoup ont été historiquement polarisées par un
centre majeur et qui voient l'urbanisation se dilater à partir de lui.
Sous cet angle, l'avenir du fonctionnement des territoires est ouvert. Va-t-on
vers une forme de banalisation de l'Alsace, avec un centre métropolitain et des
périphéries plus ou moins « dortoirs » opposés entre elles selon des critères socioéconomiques ? Ou bien l'Alsace, habituée à un relatif partage des fonctions
centrales, saura-t-elle proposer un modèle spécifique, avec le développement
d'activités supérieures en dehors du centre principal ? N'est-ce-pas déjà un enjeu
majeur pour la constitution d'un éventuel pôle métropolitain tel que le souhaite la loi
du 16 décembre 2010 ?
En termes de gouvernance, sans doute souffre-t-on d'une atomisation
excessive et d'une faiblesse participative, surtout quand on se réfère aux pays
voisins. En Alsace, les compétences sont aussi nombreuses que les rivalités.
L'État central reste accroché à son fonctionnement régalien, peu adapté à une
petite région densément peuplée, aux mailles fines et nombreuses. Pourtant, à
l'instar de ses voisines rhénanes, la région peut compter sur un solide tissu
associatif, souvent précurseur lorsqu'il est question de développement durable.
Saura-t-elle se fédérer autour d'un vrai projet à long terme qui puisse lui permettre
d'échapper à la banalisation ?
Pour l'heure, l'Alsace apparaît comme l'un des quelques territoires nationaux de
province marqués par une ample urbanisation, laquelle ne privilégie pas trop
sensiblement le dispositif « monocentré » rencontré dans les régions à métropoles
65
Rochefort M. (1960), L’organisation urbaine de l’Alsace, Paris, Belles Lettres.
232
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
très « dominantes » – sinon dans une partie du Bas-Rhin –. Toute notre analyse
fait ressortir cette relative singularisation, et la forte sensibilisation des acteurs de
divers domaines à la dimension du développement durable. Notre vœu serait que
la lecture du présent travail appelle à des comparaisons interrégionales comme
rhénanes.
233
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Annexes
Quelques repères chronologiques, Henri Nonn
Avant – Mesures sur la nappe phréatique ello-rhénane.
1970 – Service de la Carte géologique d'Alsace-Lorraine (BRGM à/c de
1970 – et APRONA à/c 1995).
– Constitution de l'Agence de Bassin Rhin-Meuse et premiers
« contrats de nappe ».
– Conventions internationales de surveillance du Rhin (1964, 1968,
Convention de Bonn 1976).
1974
« Affaire de Marckolsheim » (premières manifestations d'écologistes en
région).
1976
– Loi de protection de la nature (10-07-1976).
– Création du Conservatoire des Sites Alsaciens (CSA, reconnu d'utilité
publique en 1994).
– Création du Parc Naturel des Vosges du Nord (PNRVN), à label
UNESCO (1989) et à dimension transnationale.
1977
– Création de l'ASPA (assoc. surveillance et étude de la pollution de
l'air en Alsace).
– Création de l'ARIENA (assoc. rég. pour l'initiation à l'environnement
et à la nature en Alsace).
1978
Plan de protection de forêts de plaine.
1979
Directive européenne « Oiseaux » (suivie de la constitution de 9
« ZICO »= zones de conservation en Alsace).
1982
– Lancement de l'Inventaire « ZNIEFF » (zones naturelles d'intérêt
écologique, faunistique et floristique) ; travaux 1983-1991.
– Convention franco-allemande relative aux crues du Rhin, dont dérive
la réalisation de polders.
1985
Premier « Schéma départemental de gestion et de protection des
espaces naturels sensibles du Bas-Rhin ».
1988
Instauration des « réserves naturelles » et classement des « forêts
rhénanes ».
1989
Création du Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges
(interrégional).
1990
– « Contrats de nappe » (Région, Agence Rhin-Meuse), élargis en
1993 à l'ensemble du Rhin supérieur.
– Nouvelles démarches de protection : des forêts et des prairies en
Alsace (réserves naturelles, réserves volontaires, réserves biologiques
de l'ONF, réserves domaniales).
1991
CRA et Agence de l'eau Rhin-Meuse : « Protéger la nappe phréatique
234
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
d'Alsace ».
1991- CRA et divers contributeurs : « Projet Alsace 2005 ».
1994
1992
– Loi sur l'eau (dont dérivent les SEGEECE ou Schémas
d'aménagement et de gestion écologique des cours d'eau, et les
SAGE = Largue, Ill-Rhin).
– « Sommet de la Terre », Rio de Janeiro, initiateur des « Agenda
21 ».
– Directive européenne « Habitats » (conservation des habitats
naturels, constitution des ZSC ou zones spéciales de conservation et
des DOCOB ou documents d'objectifs pluriannuels), et programme
« Natura 2000 » élaboré en région jusqu'en 2005.
– « Inventaire tri-national Rhin supérieur » sur les paysages et trames
vertes (corridors écologiques, extensions en 2003-2006).
1995
Publication du Programme transfrontalier « REKLIP » (climat dans le
fossé rhénan et ses bordures).
1996
– Installation du Comité régional du paysage alsacien.
– Département du Bas-Rhin : Charte de l'environnement.
1996- « Programme intégré du Rhin » (1996), « Programme européen LIFE2003 Nature » (2001, « Rhin 2020 »), en complément de la Convention de
Ramsar.
1997
– Directive européenne « Nitrates », et définition de zones vulnérables.
– Conseil général 67 et Agence de l'eau « Schéma départemental de
l'eau (potable) et de l'assainissement » (SDEA), création de
l'Observatoire départemental de l'eau.
1998- « Programmes agri- environnementaux » aidés (en rapport avec la
1999 PAC).
1999
DIREN : Contribution de l'Alsace au Schéma national de services
collectifs « Espaces naturels et ruraux ».
2000
Plan régional pour la qualité de l'air en Alsace.
2002
Loi Démocratie de proximité, qui instaure les « réserves naturelles
régionales » (ex-réserves volontaires de propriétaires ou de
collectivités).
2003
– Région : Étude de faisabilité de la « trame verte » en plaine d'Alsace
(couloirs écologiques).
– Plan de protection des risques d'inondation de l'Ill (PPR) ; SAGE IllRhin.
2003- Conseil général 67 : « Des Hommes et des Territoires » (Livres Blanc
2005 et Bleu).
2005
Projet de taxe sur les poids lourds transitant en plaine d'Alsace,
préalablement à une « écotaxe » nationale (quoique figurant dans
Grenelle 1, non encore mise en œuvre).
235
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2006
9ème Programme de l'Agence de l'eau Rhin-Meuse, conforme aux
directives-cadres communautaires.
2007
– 2ème SDEA du Bas-Rhin.
– « Grenelle de l'environnement », phase 1.
2008
Lancement des Plans de déplacements inter-entreprises en Alsace.
2010
– « Année internationale de la Biodiversité ».
– Alsace-Nature : État des lieux de la biodiversité en Alsace
(catégorisation, programme de création d'indicateurs = SIBA, et projet
d'Atlas).
– CUS : « Plan Climat » (avec Agence locale du climat et de l'énergie).
– Conseil régional et EDF-Alsace : « Programme énergie-Alsace » ;
lancement d'un « Schéma régional de cohérence écologique ».
2011
APRONA : Carte piézométrique de la nappe d'Alsace (par son
Observatoire).
2012
Plan régional de l'agriculture durable.
236
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Approche par le zonage en aires urbaines (délimitations INSEE de 1999)
– Pauline Costantzer, Henri Nonn, Raymond Woessner
Cette annexe résulte d'un contrat de recherche passé entre l'APR et l'UDS.
res
e
Villes-centres d'aires urbaines (totalisées), 1 couronnes (id), 2 couronnes (id),
communes multipolarisées (MPL), espaces à dominante rurale (EDR). Dates : 99 =
1999 ; 06 = 2006 (recensements INSEE) ; LT = au lieu de travail.
1. Les variables socio-démographiques
Les couples avec enfants :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Couples avec
enfants-99
71087
54520
52427
17825
Nb de Résidences
Principales-99
253711
147571
111867
45281
% couples
avec enfants-99
28,00%
37%
47%
39%
53545
249 404
Couples avec
enfants-06
66537
50643
52399
17144
53443
240 166
120347
678 837
Nb de Résidences
Principales-06
272450
162014
128464
49289
135261
747 478
44%
37%
% couples avec
enfants-06
24,40%
31%
41%
35%
40%
32%
237
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les familles monoparentales dont le parent est une femme :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Familles
monoparentales
Femmes-99
19820
9776
5774
2718
6554
44 642
Nb de Résidences
Principales-99
253771
147571
111867
45281
120347
678 837
238
% familles
monoparentales
Femmes-99
7,80%
6,6%
5,2%
6,0%
5,4%
6,6%
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
En ville-centre
1re couronne
e
2 couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Familles
monoparentales
Femmes-06
22345
11332
6960
3157
7495
51 289
Nb de Résidences
Principales-06
272450
162014
128464
49289
135261
747478
% familles
monoparentales
Femmes-06
8,20%
7,0%
5,4%
6,4%
5,5%
6,90%
Les personnes seules de 65 ans et + : (rapportées à la population des 15-64 ans)
en ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Personnes seules 65 Pop 15-64
ans et +-99
ans-99
27866
404995
14592
250003
9159
209593
5636
76317
11620
217385
68 873
1 158 293
% pers seules 65 ans et
+-99
6,90%
5,8%
4,4%
7,4%
5,3%
5,9%
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Personnes seules 65 Pop 15-64
ans et +-06
ans-06
30579
417842
17837
256855
11177
224315
6149
78258
13431
231829
79 173
1 209 099
% pers seules 65 ans et
+-06
7,30%
6,9%
5%
7,9%
5,8%
6,5%
La population ayant une formation de niveau BAC :
En ville-centre
1re couronne
e
2 couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Niveau BAC-99
47741
33862
28145
9327
27055
146 130
Pop 15-64 ans-99
404995
250003
209593
76317
217385
1 158 293
% Niveau BAC-99
11,80%
13,5%
13,4%
12,2%
12,4%
12,6%
Niveau BAC-06
Pop 15-64 ans-06
% Niveau BAC-06
239
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
58819
42067
36257
12235
36290
185 668
417842
256855
224315
78258
231829
1 209 099
14,10%
16,4%
16,2%
15,6%
15,7%
15,4%
La population ayant une formation de niveau BAC+2 et supérieur :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Niveau BAC +2 et
SUP-99
86477
46626
34707
8846
27720
204 376
Pop 15-64
ans-99
404995
250003
209593
76317
217385
1 158 293
% Niveau BAC+2
et SUP-99
21,40%
18,7%
16,6%
11,6%
12,8%
17,6%
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Niveau BAC +2 et
SUP-06
108013
62007
52589
13031
43148
278 788
Pop 15-64
ans-06
417842
256855
224315
78258
231829
1 209 099
% Niveau BAC+2
et SUP-06
25,90%
24,1%
23,4%
16,7%
18,6%
23,1%
240
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La répartition
de la population
selon les diplômes
0
50 km
pôle
urbain
Bernard Aubry
Jean-Paul Villette
Raymond Woessner
Association de Prospective Rhénane
Université de Strasbourg 2010
Répartition :
Surreprésentation de :
com. 11%, pop. 27%
Non-diplômés
com. 59%, pop. 31%
CAP, BEP
com. 30%, pop. 29%
Bac, bac +2
com. 1%, pop. 14%
241
Diplômes universitaires
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les inactifs retraités :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Inactifs retraités-99 Pop 15-64 ans-99 % Inactifs retraités-99
23420
404995
5,80%
19817
250003
7,9%
16265
209593
7,8%
6627
76317
8,7%
17232
217385
7,9%
83 361
1 158 293
7,2%
Inactifs retraités-06 Pop 15-64 ans-06 % Inactifs retraités-06
24292
417842
5,80%
21247
256855
8,3%
18883
224315
8,4%
6637
78258
8,5%
18318
231829
7,9%
89 377
1 209 099
7,4%
2. Les actifs au lieu de résidence
Ensemble des actifs occupés :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Ensemble des
actifs occupés-99
241230
164319
145498
49977
147075
748 099
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Ensemble des
actifs occupés-06
229940
188927
160439
53262
163671
796 239
Pop 15-64 ans-99
404995
250003
209593
76317
217385
1 158 293
Pop 15-64 ans-06
417842
256855
224315
78258
231829
1 209 099
242
% Ensemble des
actifs occupés-99
59,60%
65,7%
69,4%
65,5%
67,7%
64,6%
% Ensemble des
actifs occupés-06
55,00%
73,6%
71,5%
68,1%
70,6%
65,9%
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les actifs occupés cadres supérieurs :
En ville-centre
re
1 couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Actifs occupés
cadres sup.-99
35886
19507
15058
3239
9906
83 596
Ensemble des actifs
occupés-99
241230
164319
145498
49977
147075
748 099
% Actifs occupés
cadres sup-99
14,90%
11,9%
10,3%
6,5%
6,7%
11,2%
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Actifs occupés
cadres sup.-06
42220
24704
22273
3906
15727
108 830
Ensemble des actifs
occupés-06
229940
188927
160439
53262
163671
796 239
% Actifs occupés
cadres sup-06
18,40%
13,1%
13,9%
7,3%
9,6%
13,7%
Les actifs salariés de sexe féminin :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Actifs salariés
Femmes-99
102783
70207
59521
18946
57900
309 362
Actifs salariés
Femmes-06
109194
76 25
69535
21926
68554
345 334
Pop 15-64 ans-99
404995
250003
209593
76317
217385
1 158 293
Pop 15-64 ans-06
417842
256855
224315
78258
231829
1 209 099
243
% Actifs salariés
Femmes-99
25,40%
28,1%
28,4%
24,8%
26,6%
26,7%
% Actifs salariés
Femmes-06
26,10%
29,6%
31,0%
28,0%
29,6%
28,6%
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les chômeurs de sexe féminin :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Chômeurs
Femmes-99
17450
7964
4416
2547
5935
38 312
Chômeurs
Femmes-06
22106
10081
5545
3065
7549
48 346
Pop 15-64 ans99
404995
250003
209593
76317
217385
1 158 293
Pop 15-64 ans06
417842
256855
224315
78258
231829
1 209 099
% Chômeurs
Femmes-99
4,30%
3,2%
2,1%
3,3%
2,7%
3,3%
% Chômeurs
Femmes-06
5,30%
3,9%
2,5%
3,9%
3,3%
4,0%
Les chômeurs de sexe masculin :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
Chômeurs
Hommes-99
17451
6697
3241
1661
3758
32 808
Chômeurs
Hommes-06
21282
8635
4406
2226
5414
41 963
Pop 15-64 ans-99
404995
250003
209593
76317
217385
1 158 293
Pop 15-64 ans-06
417842
256855
224315
78258
231829
1 209 099
244
% Chômeurs
Hommes-99
4,30%
2,7%
1,5%
2,2%
1,7%
2,8%
% Chômeurs
Hommes-06
5,10%
3,4%
2,0%
2,8%
2,3%
3,5%
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
3. L'emploi au lieu de travail
Ensemble des emplois au lieu de travail :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
LT ensemble-99 Pop 15-64 ans-99
331922
404995
146691
250003
74652
209593
45285
76317
89217
217385
687 767
1 158 293
LT ensemble-06 Pop 15-64 ans-06
365165
417842
148395
256855
87098
224315
46526
78258
97257
231829
744 441
1 209 099
% LT ensemble-99
82,00%
58,7%
35,6%
59,3%
41,0%
59,4%
% LT ensemble-06
87,40%
57,8%
38,8%
59,5%
42,0%
61,6%
Les cadres supérieurs au lieu de travail :
En ville-centre
1re couronne
e
2 couronne
MPL
EDR
Total Alsace
En ville-centre
re
1 couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
LT cadres sup-99
48027
15667
5713
3336
6214
78 957
LT cadres sup-06
59171
20696
8950
4084
8406
101 307
Pop 15-64 ans-99
404995
250003
209593
76317
217385
1 158 293
Pop 15-64 ans-06
417842
256855
224315
78258
231829
1 209 099
245
% LT cadres sup-99
11,90%
6,3%
2,7%
4,4%
2,9%
6,8%
% LT cadres sup-06
14,20%
8,1%
4,0%
5,2%
3,6%
8,4%
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les professions intermédiaires au lieu de travail :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
LT prof int-99
83271
35407
15323
8140
16475
158 616
LT prof int-06
98777
38411
18921
9082
20364
185 555
Pop 15-64 ans-99
404995
250003
209593
76317
217385
1 158 293
Pop 15-64 ans-06
417842
256855
224315
78258
231829
1 209 099
% LT prof int-99
20,60%
14,2%
7,3%
10,7%
7,6%
13,7%
% LT prof int-06
23,60%
15,0%
8,4%
11,6%
8,8%
15,3%
Les salariés de sexe féminin au lieu de travail :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
LT salariés
Femmes-99
156282
52857
27514
17909
33498
288 060
LT salariés
Femmes-06
173764
62088
33917
19368
38213
327 350
Pop 15-64 ans-99
404955
250003
209593
76317
217385
1 158 293
Pop 15-64 ans-06
417842
256855
224315
78258
231829
1 209 099
246
% LT salariés
Femmes-99
38,60%
21,1%
13,1%
23,5%
15,4%
24,9%
% LT salariés
Femmes-06
41,60%
24,2%
15,1%
24,7%
16,5%
27,1%
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les salariés à temps partiel au lieu de travail :
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
LT salarié temps
partiel-99
58581
19642
11208
6777
13532
109 740
LT salarié temps
partiel-06
62449
22080
12825
7190
15327
119 871
Pop 15-64 ans99
404995
250003
209593
76317
217385
1 158 293
Pop 15-64 ans06
417842
256855
224315
78258
231829
1 209 099
% LT salarié
temps partiel-99
14,50%
7,9%
5,3%
8,9%
6,2%
9,5%
% LT salarié
temps partiel-06
15,00%
8,6%
5,7%
9,2%
6,6%
9,9%
4. Le logement (mouvement de la construction)
Le nombre de logements ordinaires :
En valeur
annuelle moyenne
1979-81
1982-89
1990-98
1999-05
En ville-centre
2144
2850
2984
2366
2883
1re couronne
1954
2182
2262
2183
2 191
2e couronne
2133
1799
2266
2652
3 023
MPL
646
508
490
693
657
EDR
2106
1528
1874
2402
2 792
8 983
8 867
9 876
10 296
11 546
Total Alsace
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
1979-81
2006-08
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
1982-89
1990-98
1999-05
247
2006-08
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Le nombre de logements individuels :
En valeur annuelle
moyenne
1979-81
1982-89
1990-98
1999-05
2006-08
En ville-centre
1re couronne
437
820
443
893
319
659
298
589
214
439
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
1678
506
1674
5 115
1446
359
1252
4 393
1529
334
1264
4 105
1463
417
1467
4 234
1344
414
1453
3 864
2000
1500
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
1000
500
0
1979-81 1982-89 1990-98 1999-05 2006-08
Le nombre de logements groupés :
En valeur annuelle
moyenne
1979-81
1982-89
1990-98
1999-05
2006-08
En ville-centre
198
130
147
164
118
1re couronne
336
205
150
65
139
2e couronne
180
92
95
146
262
MPL
36
19
27
23
45
EDR
148
67
124
144
257
898
513
396
542
821
Total Alsace
400
300
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
200
100
0
1979-81
1982-89
1990-98
1999-05
248
2006-08
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Le nombre de logements collectifs :
En valeur annuelle
moyenne
En ville-centre
re
1 couronne
2e couronne
MPL
EDR
Total Alsace
1979-81
1982-89
1990-98
1999-05
2006-08
1510
798
275
104
283
2 970
2276
1084
261
130
210
3 961
2465
1672
641
129
487
5 394
1974
1459
1043
253
791
5 520
2698
1462
1417
198
1081
6 856
3000
2500
En ville-centre
1re couronne
2e couronne
MPL
EDR
2000
1500
1000
500
0
1979-81
1982-89
1990-98
1999-05
2006-08
Les résidences principales (RP) en location :
RP locataires-99
Nb de RP-99
% RP locataires-99
En ville-centre
163389
253771
64,40%
1re couronne
56546
147571
38,3%
2 couronne
18285
111867
16,3%
MPL
11891
45281
26,3%
EDR
24133
120347
20,1%
273 244
RP locataires-06
678 837
Nb de RP-06
40,3%
% RP locataires-06
e
Total Alsace
En ville-centre
169703
272450
22,20%
re
60862
162014
37,6%
2 couronne
e
22651
128464
17,6%
MPL
12717
49289
25,8%
EDR
28324
135261
20,9%
294 257
747 478
39,4%
1 couronne
Total Alsace
249
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les résidences principales de 5 pièces et plus :
RP 5 pièces et + -99
Nb de RP-99
% RP 5 pièces et + -99
En ville-centre
56365
253771
22,20%
1re couronne
57532
147571
39,0%
2 couronne
68418
111867
61,2%
MPL
23118
45281
51,1%
EDR
67154
120347
55,8%
e
Total Alsace
272 587
678 837
40,2%
RP 5 pièces et + -06
Nb de RP-06
% RP 5 pièces et + -06
En ville-centre
60367
272450
22,20%
1re couronne
63695
162014
39,3%
2 couronne
80326
128464
62,5%
MPL
26783
49289
54,3%
EDR
79310
135261
58,6%
310 481
747 478
41,5%
e
Total Alsace
Les Résidences Principales avec 2 voitures et + :
RP 2 voitures et +-99
Nb de RP-99
% RP 2 voitures et + -99
En ville-centre
56219
253771
22,20%
1re couronne
55999
147571
37,9%
2 couronne
60560
111867
54,1%
MPL
17270
45281
38,1%
EDR
58166
120347
48,3%
248 214
RP 2 voitures et +-06
678 837
Nb de RP-06
36,6%
% RP 2 voitures et +- 06
En ville-centre
60954
272450
22,40%
1re couronne
62779
162014
38,7%
2 couronne
71725
128464
55,8%
MPL
20936
49289
42,5%
EDR
69911
135261
51,7%
286305
747478
38,30%
e
Total Alsace
e
Total Alsace
250
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Clusters logements :
la ville et la campagne
SCHILTIGHEIM
STRASBOURG
ILLKIRCH-G.
Alsace des locataires & des appartements (1)
Alsace mixte (2)
Alsace des propriétaires & des maisons (3)
COLMAR
NEUF-BRISACH
DIDENHEIM
MULHOUSE
(1) : 804 communes, 785000 habitants
35%maisons (Alsace 21%), 31%de propriétaires (24),
24%5 pièces ou plus (17), 21%2 voitures ou plus (16)
(2) : 90 communes, 478000 habitants
10%logement de 4 pièces (9), 9%3 pièces (8), 4%2
pièces (4), 24%de propriétaires (24), 5%de HLM (5)
(3) : 9 communes, 553000 habitants
30%de locataires (16), 43%d’appartements (22), 20%de
chauffage collectif (10), 11%de HLM (5), 11%de 4 pièces (9)
HUNINGUE
ST.LOUIS
Données : INSEE 2006
Association de Prospective Rhénane - février 2010
5. Approche par la taille des unités urbaines
TU1 = unités urbaines de moins de 5 000 habitants
TU2 = unités urbaines de moins de 5 001 à 10 000 habitants
TU3 = unités urbaines de moins de 10 0001 à 20 000 habitants
TU4 = unités urbaines de moins de 20 001 à 50 000 habitants
Ensemble des emplois au Lieu de Travail :
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
LT : ensemble-99 Pop 15-64 ans-99
68517
126946
36861
59401
61106
82700
39147
61624
687 767
1 158 293
LT : ensemble-06 Pop 15-64 ans-06
76459
134065
41375
62492
70071
87070
40273
62856
744 441
1 209 099
251
% LT ensemble-99
54,0%
62,1%
73,9%
63,5%
59,4%
% LT ensemble-06
57,0%
66,2%
80,5%
64,1%
61,6%
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les cadres supérieurs au Lieu de Travail :
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
LT cadres sup-99
Pop 15-64 ans-99
% LT cadres sup-99
5423
3298
5746
4148
78 957
126946
59401
82700
61624
1 158 293
4,3%
5,6%
6,9%
6,7%
6,8%
LT cadres sup-06
Pop 15-64 ans-06
% LT cadres sup-06
7554
4394
8608
4861
101 307
134065
62492
87070
62856
1 209 099
5,6%
7,0%
9,9%
7,7%
8,4%
Les professions intermédiaires au Lieu de Travail :
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
LT prof int-99
13476
7711
13118
9077
158 616
LT prof int-06
16617
9270
16055
9925
185 555
Pop 15-64 ans-99
126946
59401
82700
61624
1 158 293
Pop 15-64 ans-06
134065
62492
87070
62856
1 209 099
% LT prof int-99
10,6%
13,0%
15,9%
14,7%
13,7%
% LT prof int-06
12,4%
14,8%
18,4%
15,8%
15,3%
Les emplois de services aux entreprises au Lieu de Travail :
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
LT Serv. Entr.-99
5453
2861
5475
4083
76 581
LT Serv. Entr.-06
6467
3297
6764
4169
86 192
Pop 15-64 ans-99
126946
59401
82700
61624
1 158 293
Pop 15-64 ans-06
134065
62492
87070
62856
1 209 099
252
% Serv. Entr.-99
4,3%
4,8%
6,6%
6,6%
6,6%
% Serv. Entr.-06
4,8%
5,3%
7,8%
6,6%
7,1%
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les emplois de services aux particuliers au Lieu de Travail :
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
LT Serv. Part.-99
4 060
2 424
3 749
2 357
45 990
LT Serv. Part.-06
4568
2726
5632
2544
52 747
Pop 15-64 ans-99
126 946
59 401
82 700
61 624
1 158 293
Pop 15-64 ans-06
134065
62492
87070
62856
1 209 099
% Serv. Entr.-99
3,2%
4,1%
4,5%
3,8%
4,0%
% Serv. Entr.-06
3,4%
4,4%
6,5%
4,0%
4,4%
Les emplois tertiaires au Lieu de Travail :
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
LT Tertiaire-99
35202
23768
35158
23393
461 167
LT Tertiaire-06
43237
26977
43429
25463
523 916
Pop 15-64 ans-99 % Serv. Entr.-99
126946
27,7%
59401
40,0%
82700
42,5%
61624
38,0%
1 158 293
39,8%
Pop 15-64 ans-06 % Serv. Entr.-06
134065
32,3%
62492
43,2%
87070
49,9%
62856
40,5%
1 209 099
43,3%
Le nombre d’emplois dans l’administration (rapporté au nombre total d’emploi) :
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
Nb d'emploi
administration –
2007
3362
2365
4064
2817
68 495
Nb total d'emplois2007
66091
33856
63580
34857
665 376
253
% emploi
administration –
2007
5,1%
7,0%
6,4%
8,1%
10,3%
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Le nombre d’emplois dans l’administration (rapporté à la population) :
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
Nb d'emplois
administration-2007
3362
2365
4064
2817
68 495
Population2006
203970
95381
133659
95425
1 815 493
% emplois
administration – 2007
1,6%
2,5%
3,0%
3,0%
3,8%
Les variations de population :
1962-68
1968-75
1975-82
1982-90
1990-99
1999-06
TU1 (UU - 5mh)
1281
2223
1192
638
1537
1797
TU2 (UU - 10mh)
894
425
460
242
887
660
TU3 (UU - 20mh)
974
1036
473
497
1091
1047
TU4 (UU - 50mh)
841
1002
125
218
477
389
Total Alsace
15719
14992
6960
7269
12170
11655
18000
16000
14000
12000
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
10000
8000
6000
4000
2000
0
1968-75
1982-90
1999-06
1962-68
1975-82
1990-99
254
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Les soldes migratoires :
1962-68
1968-75
1975-82
1982-90
1990-99
1999-06
TU1 (UU - 5mh)
307
1645
887
274
1026
1214
TU2 (UU - 10mh)
356
41
255
-62
547
278
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
315
325
588
609
194
-236
88
-200
607
79
538
13
Total Alsace
5953
7028
1167
-15
4354
3452
Nb d'années
7
8
8
9
10
8
1962-68
1968-75
1975-82
1982-90
1990-99
1999-06
44
51
45
46
206
5
74
76
111
32
24
-30
30
-7
10
-22
103
55
61
8
152
35
67
2
850
878
146
-2
435
431
En moyenne
annuelle
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
Total Alsace
250
200
150
TU1 (UU - 5mh)
TU2 (UU - 10mh)
TU3 (UU - 20mh)
TU4 (UU - 50mh)
100
50
255
19
99
-0
6
19
90
-9
9
19
82
-9
0
19
75
-8
2
-50
19
68
-7
5
19
62
-6
8
0
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Le projet de canal à grand gabarit entre le Rhône et le Rhin : un conflit sans
fin ? – Raymond Woessner
Le canal du Rhône-au-Rhin à petit gabarit existe depuis 1833. Faute de
capacités, il n'a jamais joué de rôle important. Mais au XX ème siècle la mise au
grand gabarit du Rhin, du Rhône et de la Saône jusqu'en Bourgogne ont fait naître
l'idée d'une liaison fluviale performante interbassins via la Franche-Comté. En
1962, par exemple, le port de Bourogne (Territoire de Belfort) avait été calibré pour
le grand gabarit, ce qui avait immédiatement suscité l'intérêt de la Suisse. Le projet
a failli être concrétisé en 1997 avant d'être abandonné in extremis par l'État. « De
l’avis général, le grand canal Rhin-Rhône est un très beau spécimen de
« sédimentation » des discours et de « glaciation » des décisions » écrit François
Corbier (1999). En effet, tout chef d‟État ou de gouvernement en déplacement a
déclaré avec force son attachement à la réalisation du canal Rhin-Rhône, à
l‟exemple du président Giscard d‟Estaing le 24 novembre 1974 à Dijon : « Créer le
fleuve pour irriguer l’économie et unir les hommes, grand projet qui marquera la
volonté de la France d’orienter elle-même le développement de son économie, et,
à l’image de ceux qui traçaient jadis à la charrue le contour des villes à naître, de
dessiner sur son sol les lignes de son destin »66.
Hier comme aujourd'hui, Rhin-Rhône apparaît comme le champ d'un conflit
ouvert. De nombreuses études ont « prouvé » la nocivité comme l'intérêt de la
construction d'un canal à grand gabarit. Les différents projets s'inscrivent dans un
jeu d'acteurs des « anti » et des « pro » où, finalement, les données objectives
sont instrumentalisées par les convictions des uns et des autres. Le conflit
témoigne de visions antinomiques de la nature et des patrimoines, mais aussi d'un
futur économique que l'on attend ...ou craint !
Cinquante ans de débats
Dès 1961, la lettre de J. Massé au Premier Ministre condamnait le projet de
canal à grand gabarit Saône-Rhin pour cause d‟inutilité. L‟évolution de l‟activité
industrielle conduisait déjà au déclin du transport des pondéreux, renforcé par la
littoralisation des industries lourdes ; toujours selon cette lettre, le port de Marseille
n‟avait pas d‟avenir rhénan. Par la suite, les luttes d‟influence entre les
administrations, jointes à la prudence du ministère des finances, ont nui à
l‟avancement du projet, tout comme les oppositions des écologistes et des
agriculteurs. Face à eux, le canal a été soutenu par les actions de lobbying des
CCI, de la Compagnie Nationale du Rhône, des ports de Strasbourg, de Lyon et de
Marseille ainsi que par de nombreuses personnalités politiques chrétiennesdémocrates, libérales ou socialistes (Kammerer, 1978).
66
Cité par Pierre Parreaux, Le mythe du grand canal Rhin-Rhône, Paris, Edition du CLAC
ème
Ile-de-France, 7
édition, mai 1998 p. 10.
256
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Chronologie sommaire du projet de canal à grand gabarit
Facteurs adjuvants
Mission Thomas
Commission Boulloche
Association Mer du Nord –
Méditerranée
Achats de terrains
Rapport Gaspard
Promesse de Georges Pompidou,
premier ministre
Rapport Lhermitte
Date
Facteurs opposants
1958
1960
1961
1962
1965 Rapport Laval
1967
1970
1974 Plan de rénovation du petit gabarit
Déclaration d‟Utilité publique
(valable jusqu‟en 1998)
1978 La Lorraine soutient Seine-Moselle
La CNR est maître d‟ouvrage
1980
1987 Rapport de l‟Équipement
Sommet d‟Essen
Inauguration du canal Rhin-MainDanube
1992 - Rapport Forni-Vallon
- Collectif Saône-Doubs vivant
La SORELIF, filiale d‟EDF et de la
CNR, est maître d‟ouvrage
1995
Inauguration de la section à grand
gabarit Mulhouse – Niffer
1996 - Rapport mixte du Conseil général des
Ponts et Chaussées et de l'Inspection
générale des Finances
- Réserves d‟EDF
Création de l‟association SaôneRhin Voie d‟Eau 2010
1997 Abandon du projet par le gouvernement
Jospin
1999 Association Moselle-Rhône avec M.
André Rossinot, maire de Nancy
Construction d'ouvrages d'art à Mulhouse
2003- et à Brunstatt aux normes Freycinet :
2011 ponts pour le tramway, nouvelle écluse,
passage souterrain routier Sainte-Odile,
raccordement court TGV
En visite à Mulhouse, le ministre de
l‟Aménagement du Territoire rouvre
le dossier
2006
Publication de l‟étude financée par
le Conseil général du Haut-Rhin
2007 Études Moselle-Saône
Livre blanc de l'UE favorable au rail
et à la voie d'eau
M. Richert, nouveau président du
Consortium des Voies Navigables de
l'Est et du Sud-Est
2011
2011
257
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Le projet de la SOciété de RÉalisation de la LIaison Fluviale (SORELIF)
prévoyait un tracé à grand gabarit de 229 kilomètres. Il aurait fallu recouper 58
kilomètres de méandres sur le Doubs, construire 24 écluses, 14 stations de
pompage et refaire une centaine de ponts pour un coût total estimé à près de 17
milliards de francs hors taxes en 1993.
Les publications scientifiques comptent des détracteurs de la voie d‟eau à grand
gabarit qui utilisent l‟argument de la rentabilité. Alain Bonnafous (1997) a démontré
que celle-ci ne saurait être atteinte, à moins d‟user d‟artifices statistiques et de
« gags méthodologiques » comme ceux de certains rapports publiés dans les
années 1990. Il a également souligné la lenteur croissante du transport fluvial
lorsqu‟il pénètre à l‟intérieur des terres depuis Marseille, du fait de l‟augmentation
du nombre d‟écluses. Ainsi, avec le grand gabarit, il y aurait 4,5 jours de navigation
entre Marseille et Strasbourg (pour 873 km avec une quarantaine d‟écluses à
franchir) et 2 jours entre Rotterdam et Strasbourg (pour 737 km et 2 écluses), soit
6,5 jours de bout en bout. Par la mer, on va au moins aussi vite : la liaison maritime
entre Marseille et Anvers prend 6 jours avec des volumes bien plus importants que
ne pourrait le faire le mode fluvial modernisé. À son tour, au sujet du projet SeineNord, Rémy Prud‟homme (2006) a démontré la faiblesse des arguments de Voies
Navigables de France en termes de bilan carbone. Il a conclu à l‟absurdité
financière d‟un projet estimé à 3,5 milliards d‟euros pour les finances publiques.
Seine-Nord n‟aurait donc aucun sens, ni du point de vue écologique, ni du point de
vue économique.
En présentant l‟endettement de l‟État comme un fardeau insupportable, les
économistes remettent une évidence en cause : la dépense publique est aussi un
investissement dont profitent les entreprises, comme l‟écrivait Jean-Baptiste Say
dès 180367 : « Les frais de confection d'un canal [...] peuvent être tels que les
droits de navigation ne soient pas suffisants pour payer les intérêts de l'avance ;
quoique les avantages qu'en retirerait la nation fussent très supérieurs au montant
de ces intérêts. Il faut bien alors que la nation supporte gratuitement les frais de
son établissement, si elle veut jouir du bien qui peut en résulter ». En 2000, Rémy
Prud‟homme avait d‟ailleurs calculé que, dans une région donnée, un doublement
du stock d‟infrastructures entraînait une augmentation de la production d‟environ
15% (Prud‟homme, 2000).
Après l‟abandon du projet de SORELIF par le gouvernement Jospin en 1997,
l‟association Saône-Rhin Voie d‟Eau 2010 a été fondée par M. Valère Pourny, un
directeur de papeterie à la retraite. Elle compte beaucoup de jeunes retraités parmi
ses membres. L‟association défend l‟idée d‟un canal à moyen-grand gabarit (avec
des écluses de 190 mètres de long sur 12 mètres de large) sur les 210 km
séparant Laperrière-sur-Saône (Côte-d‟Or) et Mulhouse. Ce gabarit semble adapté
aux difficultés à venir qui seront liées au changement climatique. En effet, on
redoute des étiages prononcés et des crues importantes dans les prochaines
décennies. Il serait alors raisonnable de réduire le gabarit des navires en vue d‟une
circulation plus aisée.
67
e
Cours d'économie politique, 7 partie, ch. XXIV.
258
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La plupart des membres de Saône-Rhin Voie d‟Eau 2010 habitent autour de
Dole et de Besançon, pour ainsi dire dans l‟œil du cyclone des opposants au
projet : Mme Voynet, ancienne ministre écologiste du gouvernement Jospin, a été
conseillère municipale de Dole ; hier comme aujourd‟hui, la Région Franche-Comté
n‟a pas défendu le projet de grand canal. L‟association compte à présent de
nombreux membres dans le Sud-Alsace. Elle bénéficie en outre de soutiens plus
larges, comme ceux des Ports autonomes de Marseille et de Strasbourg. Elle
s‟emploie à mobiliser les régions du Rhin, de la Saône et du Rhône, à l‟image de
l‟association TGV. Elle s‟appuie sur un argumentaire développé lors d‟un colloque
à Lyon dès 1989 qui évoquait la nécessité de l‟aménagement du territoire, la
congestion annoncée des routes et la prise en compte des aspects
environnementaux (Christen, Fortin, 2002).
Les ports rhénans ainsi que ceux de Lyon et de Marseille ont été profondément
affectés par l‟échec du canal Saône-Rhin à grand gabarit. Mais à l‟époque les
paysages de la vallée du Doubs étaient devenus le symbole de l‟agression des
technocrates et des « bétonneurs ». Un important volet était pourtant dédié à la
renaturation, à l‟image de la section rénovée entre Mulhouse et Niffer en 1996. Les
écologistes soutenaient qu‟il valait mieux réaliser une ligne de ferroutage à partir
de la voie ferrée existante ; comme cette idée est restée sans suite, seul le camion
reste aujourd‟hui efficace entre le Rhin et la Saône. Finalement, grâce au contrat
de plan spécifique « Avenir des Territoires entre Saône et Rhin », des écluses et
des ponts-levis du canal Freycinet ont été remplacés. Mais aucune action
interrégionale n‟a émergé à la faveur de ce programme.
Selon différentes études, le potentiel de trafic en 2020-2025 serait de 17
millions de tonnes pour Seine-Nord, 11 à 14 pour Saône-Rhin et 7 pour SaôneMoselle. Mais la perspective de la réalisation d‟un projet Saône-Rhin semble
vouloir s‟éloigner. L‟association Seine-Moselle-Rhône, présidée par André
Rossinot, maire de Nancy depuis 1983 et plusieurs fois ministre, a désormais pris
les devants. Il s‟agit pour elle de « promouvoir un nouveau maillon à grand gabarit
entre la future liaison Moselle-Saône, avec un raccordement ultérieur vers le Rhin
supérieur via Mulhouse, sans préjuger du tracé qui sera retenu in fine, entre
68
Neuves-Maisons, près de Nancy, et Saint-Jean-de-Losne, en Bourgogne » . Dans
l‟ordre des priorités françaises de grands travaux fluviaux, il semble établi que
Seine-Nord vienne d‟abord, puis Saône-Moselle et enfin seulement Saône-Rhin.
La Lorraine a inscrit les études pour la faisabilité d‟un canal entre Neuves-Maisons
(Meurthe-et-Moselle) et Saint-Jean-de-Losne (Côte-d‟Or) à son Contrat de Projet
État-Région 2007-2013, alors que la liaison Saône-Rhin ne bénéficie toujours pas
de soutien de la part des collectivités concernées. Tout au plus le Conseil général
du Jura soutient-il la mise au grand gabarit d‟une vingtaine de kilomètres de voie
d‟eau, entre Pagny et Choisey, pour la desserte de la nouvelle zone d‟activités
« Innovia » située sur une centaine d‟hectares à côté de l‟usine Solvay de Tavaux.
En 2007, tous modes de transport confondus, les flux de marchandises
atteignent 101 millions de tonnes pour Saône-Rhin dont plus de la moitié sous
68
Communiqué commun établi à l‟issue de la réunion de travail entre les membres des
bureaux du Consortium pour le Développement des Voies navigables de l‟Est et du Sud-Est
et de l‟Association Seine-Moselle-Rhône, 29 juin 2007.
259
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
forme de transit (Conseil général du Haut-Rhin, 2007). Mais pour le directeur
d‟études d‟Eurotrans Consultants, la rentabilité ne peut être atteinte qu‟à trois
conditions majeures69:
 La conteneurisation est indispensable. Sur un bateau, deux couches de
conteneurs suffisent, à condition de les articuler avec des pré- ou postacheminements maritimes.
 Le canal devra être à « énergie positive » ; la vente d‟hydroélectricité
assurera l‟équilibre financier en complément des péages.
 Il reste à trouver un tracé optimal. Si la vallée du Doubs offre la meilleure
hydrologie, l‟idée de la remontée de la Saône aussi loin que possible vers
l‟amont et la réalisation d‟un barreau à travers la Haute-Saône méritent d‟être
approfondies.
Remise à plat de la problématique du transport fluvial
Il y a une génération seulement, qui croyait à l‟utilité des vieux canaux qui
avaient de moins en moins de marchandises à transporter ? Qui pensait voir les
paquebots de l‟industrie touristique à côté des barges de conteneurs du Rhin et du
Rhône ? Seule une poignée de précurseurs voyait loin : quelques excentriques
britanniques et américains circulaient sur le réseau Freycinet, les transporteurs
rhénans se lançaient dans la conteneurisation fluviale et, à Strasbourg, la famille
Schmitter créait l‟entreprise Alsace-Croisières (devenue CroisiEurope).
Depuis le creux historique de 1997, le transport fluvial est sorti d‟une longue
période de stagnation en Europe. Il avait longtemps été voué au transport des
pondéreux, comme le gravier, le charbon ou les produits pétroliers, de moins en
moins nécessaires à l‟économie post-industrielle. Mais, dès 1969, le port de
Strasbourg avait connu une révolution discrète, celle de la conteneurisation.
Inventées aux États-Unis en 1965, ces grandes boîtes métalliques standardisées
(20 ou 40 pieds de long) empruntent indifféremment la route, le fer, la voie d‟eau
ou les fleuves. Il est particulièrement aisé de les transborder d‟un mode à l‟autre,
pourvu que l‟on dispose d‟un portique ou d‟une grue mobile qui assurent la
manœuvre en un tour de main. Et à l‟intérieur de la « caisse », la marchandise est
sécurisée. C‟est pourquoi le trafic en vrac ne cesse de diminuer au profit de la
conteneurisation, y compris dans le cas des pondéreux, à l‟image des grumes de
bois vosgien ou encore de certains produits minéraux. Dans les ports d‟Anvers et
de Rotterdam, les porte-conteneurs rhénans de 135 mètres de long peuvent
charger jusqu‟à 470 EVP70 sur quatre rangs en hauteur. Mais la faiblesse du tirant
d‟air à partir du Pont de l‟Europe à Strasbourg limite leur empilement à trois rangs
en continuant vers l‟amont. En 2004, le nouveau terminal de conteneurs de la
capitale alsacienne a donc été construit au nord de la ville.
69
70
NPI, N°6-7 2007, cf. p. 244.
Équivalent Vingt Pieds.
260
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
En Alsace, le trafic total du Rhin représente l‟équivalent d‟une autoroute
surchargée (24 millions de tonnes en 2004). Venant des Amériques et de l‟Asie du
Sud-Est principalement, les conteneurs sont débarqués à Anvers et à Rotterdam,
puis remontent le Rhin en 70 heures jusqu‟à Strasbourg. Dans l‟autre sens, la
descente est effectuée en 40 heures. Les armateurs sont principalement
hollandais, belges, allemands ou suisses. Parfois, ils s‟associent pour créer une
société, à l‟image de Penta apparue en 1987, lorsque cinq entreprises de Bâle,
Rotterdam et Strasbourg ont fait circuler une navette de conteneurs vers la Mer du
Nord. Les horaires sont fiables et les accidents rarissimes ; seules les crues ou les
basses eaux peuvent gêner les entreprises.
Le boom de la conteneurisation constitue l‟argument principal en faveur de la
voie d‟eau à grand gabarit. Après un long immobilisme, la Saône et le Rhône sont
entrés dans ce jeu en 2002, lorsque la société Rhin-Saône Conteneurs a lancé la
première navette fluviale de la vallée du Rhône. Depuis 2004, Alcotrans, un
spécialiste rhénan de la conteneurisation, relie Fos-sur-Mer et Pagny (Côte-d‟Or)
avec des navires de 280 EVP de capacité. En 2005, le trafic de conteneurs a
augmenté de 20,2% sur le Rhône. Mais aujourd‟hui, les grands ports maritimes
sont submergés par les conteneurs (Marcadon, 2005). Ils cherchent par
conséquent à les expédier massivement au loin dans leur arrière-pays. Il leur faut
disposer d‟un axe à grand débit, ponctué ou bien terminé par des ports intérieurs
où le camion prend le relais pour la livraison finale. Hafenpolitik ist Kanalpolitik ont
coutume de dire les Allemands. À ce jeu, la voie d‟eau à grand gabarit est
imbattable. Elle pourrait constituer la colonne vertébrale d‟un système logistique
régional. La plate-forme d‟Ottmarsheim figure à présent parmi les tout premiers
ports fluviaux de conteneurs en France. Elle vit au rythme des expéditions de
pièces détachées des usines Peugeot-Citroën vers ses usines outremer ; un
marché qui se ferme (comme l‟Iran en 2005) ou un autre qui s‟ouvre (comme les
« collections » de pièces de C4 vers la Chine en 2006) impactent fortement sur ses
résultats annuels. Dans l‟agglomération de Bâle, c‟est la plate-forme allemande de
Weil-am-Rhein qui monte progressivement en puissance.
Dans son Livre blanc, l'Union européenne semble décidée à favoriser
l'intermodalité depuis les grands ports maritimes : « En ce qui concerne les
transports routiers de marchandises sur des distances supérieures à 300 km, faire
passer 30 % du fret vers d'autres modes de transport tels que le chemin de fer ou
la navigation d'ici à 2030, et plus de 50 % d'ici à 2050, avec l'aide de corridors de
fret efficaces et respectueux de l'environnement. Pour atteindre cet objectif, il
faudra également mettre en place les infrastructures requises. Pour 2050, veiller à
ce que tous les ports maritimes de base soient reliés de manière suffisante au
système de transport ferroviaire de marchandises et, selon les possibilités, au
système de navigation intérieure. Mettre en place un cadre permettant d'optimiser
le fonctionnement du marché intérieur de la navigation intérieure et supprimer les
barrières qui freinent le recours à ce mode de transport ; analyser et définir les
mesures nécessaires et les mécanismes requis pour leur mise en œuvre, en les
inscrivant dans un contexte européen plus large »71.
71
Livre blanc Transports 2050 de l'UE, Feuille de route pour un espace unique européen
des transports, vers un système compétitif et économe en ressources, Bruxelles, 28 mars
2011.
261
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Le tourisme fluvial
Aujourd‟hui, dans un monde urbanisé et sous tension, le tourisme fluvial
connaît un succès aussi grandissant qu‟inattendu. La liaison Saône-Rhin « devait
emprunter la vallée du Doubs, traverser les agglomérations de Mulhouse,
Montbéliard, Besançon et Dole, passer à proximité de 33 sites classés ou inscrits,
36 monuments historiques et 196 sites archéologiques » (Conseil général du HautRhin, 2007). Cette réalité a été stigmatisée par les défenseurs de l‟environnement.
Elle a été peu utilisée par les promoteurs du canal en vue d‟un développement
touristique. Il est vrai que si de nombreux endroits présentent un intérêt historique
ou scientifique, la liaison Saône-Rhin ne peut pas se prévaloir d‟un point
d‟attractivité naturel de caractère exceptionnel, comme la Trouée héroïque du Rhin
ou encore le méandre de Cloef sur la Sarre. Mais les paysages urbains de
Besançon, de Neuf-Brisach et de Longwy ont été classés sur la liste du patrimoine
mondial UNESCO grâce au patrimoine militaire de Vauban.
La croissance du tourisme fluvial n‟a rien de spontané. Les croisiéristes (au
long cours ou d‟excursion) procèdent de logiques industrielles, avec des flux
importants, sauf lorsqu‟il s‟agit de niches de marché orientées principalement vers
le tourisme de luxe. Il peut s‟agir de sociétés maritimes qui se tournent
accessoirement vers le domaine fluvial, ou encore de filiales de grands voyagistes
anglo-saxons. Les artisans sont parfois des saisonniers ou encore des
transporteurs locaux de voyageurs. Davantage centrés sur le petit gabarit, les
loueurs ont constitué un oligopole international complété par une quantité de
loueurs régionaux. Les sociétés multiservices disposent de compétences dans
l‟immobilier et l‟architecture ; elles peuvent créer de petites stations touristiques
dans les ports fluviaux, avec des hôtels, des centres sportifs, de santé ou encore
des marinas. Enfin, les chantiers navals, les entreprises de réparation et de vente
d‟accessoires viennent compléter le tableau.
Les Voies Navigables de France ont relativement bien entretenu le vieux
réseau des canaux Freycinet, devenu le royaume de la pénichette, tout en
développant l‟axe du Rhin au grand gabarit, fréquenté par les paquebots. Un
équipement à terre est indispensable, sous forme de halte (un point d‟arrêt ou de
stationnement), de relais nautique (qui offre des installations sanitaires et
éventuellement du carburant) ou mieux, de port de plaisance qui intègre des
locaux d‟accueil, une station-service, voire de la réparation navale et des marinas
(avec des résidences « pieds dans l‟eau »). Le destin régional du tourisme fluvial
dépend d‟une communauté de travail où l‟État, les collectivités, les Chambres de
Commerce et d‟Industrie, les entreprises ainsi que diverses associations
s‟organisent pour valoriser ce nouveau désir d‟évasion. Des paysages culturels,
des infrastructures soignées et un état d‟esprit ingénieux sont indispensables à son
développement.
Dans la région du Rhin supérieur, Strasbourg et Bâle, chacune à sa manière,
constituent de très loin les principaux pôles du tourisme fluvial. À Strasbourg, plus
de 700 000 passagers empruntent chaque année les bateaux-mouches, qui
assureront bientôt un service urbain de bateau-bus. En outre, l‟entreprise familiale
CroisiEurope, forte de 25 navires et première en Europe, compte plus de 900
262
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
salariés. Ses navires longs de 110 mètres et dotés d‟une soixantaine de cabines
en sillonnent les grands fleuves. La réalisation de la liaison Saône-Rhin à grand
gabarit permettrait de développer une offre pour des croisières de deux semaines
entre Marseille et Amsterdam, ou bien de proposer des tronçons plus courts. Ce
« modèle » touristique existe déjà entre le Rhin et le Danube ; il connaît un succès
important, autant pour la navigation à grand gabarit que pour les véloroutes et les
excursions locales (Woessner, 2007). À proximité immédiate de Saône-Rhin, Bâle,
forte de ses ports et de sa fiscalité avantageuse, apparaît comme une métropole
financière du tourisme fluvial connectée sur les États-Unis, où, selon une logique
très anglo-saxonne, fleurissent les sièges sociaux (dont celui de Viking Cruises, au
premier rang mondial), le lobbying professionnel (IG River Cruise) et les cabinets
de consultants (River Advice).
Sur la Saône, le carrefour bourguignon produit ses effets à Saint-Jean-deLosne (Côte-d‟Or). Situé à la charnière du petit et du grand gabarit, il constitue le
premier port fluvial français de plaisance. Ce bourg voit passer 5 000 bateaux par
an, dont 90% d‟embarcations de plaisance. Une marina y offre 150 anneaux, un
hôtel-restaurant et un centre de vacances. Sa capacité totale annuelle est de
200 000 touristes et plaisanciers. La société britannique Crown Blue Line, un
loueur de pénichettes arrivé en 1981, en est le principal investisseur. On retrouve
ce contexte d‟ouverture au nord des Vosges, où le canal de la Marne-au-Rhin est
très fréquenté par des plaisanciers venant d‟Allemagne et du Benelux.
Mais cette progression est entachée par l‟absence de réseau complet en
Alsace. Compétente pour le développement économique, la Région Alsace
s‟intéresse pourtant au développement du tourisme fluvial. La loi du 13 août 2004
prévoit de décentraliser un certain nombre de canaux. L‟État conserve les
« canaux magistraux », c‟est-à-dire de grands axes d‟intérêt national, tous gabarits
confondus. Mais les voies décentralisables ne l‟ont pas été dans les faits parce que
la loi ne prévoit pas de transferts financiers ; en effet, VNF conserve la principale
ressource financière, celle des droits d‟eau. C‟est pourquoi ni les Régions ni les
Conseils généraux n‟ont saisi cette opportunité (à l‟exception du canal de la
Bruche, non-navigable, repris par le Conseil général du Bas-Rhin le 1er janvier
2008). Dès le Contrat de Plan 2000-2006, il était prévu de rénover le canal du
Rhône-au-Rhin au sud de Strasbourg. Mais, d‟après la Région, VNF a sous-estimé
le montant des travaux de rénovation. Finalement, 8 écluses sur 11 ont été refaites
et il manque un pont près de Marckolsheim. L‟État ne veut pas accorder de
rallonge budgétaire. Tout est donc bloqué, d‟autant plus que le Contrat de Projet
2007-2013 s‟est désengagé de ce genre de problématique.
Au sud, le segment parallèle au Rhin du canal du Rhône-au-Rhin a été
déclassé depuis qu‟il passe en siphon sous les autoroutes A35 et A36. Entre
Huningue et Kembs, une autre coupure crée une impasse vers Bâle. En allant vers
le Doubs, le Rhône-au-Rhin est peu fréquenté. Il est souvent mis en chômage pour
cause de réfection. Il souffre de sa longue mise à l‟écart due à l‟attentisme qui a
prévalu entre 1965 et 1997, jusqu‟à ce que l‟État renonce à sa mise à grand
gabarit. Depuis Mulhouse, il jouit pourtant d‟un accès royal au Rhin depuis les
années 1990, lorsque la section Mulhouse-Niffer à grand gabarit a été renaturée,
avec ses laisses et ses frayères. En 1997, le plan compensatoire à l‟abandon de la
263
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
modernisation du canal du Rhône-au-Rhin prévoyait un développement touristique
qui est resté lettre morte, même si le Conseil général du Doubs travaille sur un
projet de véloroute Nantes-Budapest. À Mulhouse même, les nouveaux ponts de la
voie Sud et du tramway passent redoutablement au ras des têtes des plaisanciers.
Enfin, le tourisme fluvial peut devenir un outil pour la reconquête patrimoniale.
Dans les centres urbains, des quais à l‟abandon sont alors transformés en pôles
touristiques et résidentiels, sous forme de waterfronts synonymes de
métropolisation. L‟agglomération bâloise commence à expulser ses activités
industrialo-portuaires vers l‟aval du Rhin au profit de nouvelles fonctions
technologiques, universitaires, résidentielles et touristiques. A la campagne, les
canaux traversent des espaces relativement délaissés, à l‟écart des axes de
croissance, où les paysages sont comme figés depuis souvent plus d‟un siècle. La
directive européenne Natura 2000 leur apporte une nouvelle chance de
développement harmonieux et durable. Ainsi, pénichettes et paquebots peuvent
replacer le monde fluvial au centre de la vie, lorsque le miroir de l‟eau suspend le
temps pour un moment.
Tracé
Si l'on résume l'attitude historique des collectivités, l'Alsace a apporté un
soutien mitigé et a délivré des signaux positifs faibles. Mulhouse semble avoir
renoncé ; en 2006, deux nouveaux ponts et une écluse de type Freycinet sont
apparus, qu‟il faudrait détruire en cas de mise au grand gabarit ; de même, en
2011, le shunt court du TGV Rhin-Rhône enjambe le canal Freycinet en respectant
son gabarit. Quant à la Franche-Comté, elle a été plutôt indifférente voire hostile, y
compris à Belfort d'où partent pourtant les convois exceptionnels d'Alstom par la
route. Rhône-Alpes et PACA sont favorables mais peu d'actes concrets de leur part
sont visibles.
Finalement, c'est la Lorraine qui fait preuve d'un volontarisme explicite pour la
défense d'une liaison Moselle-Saône. Depuis l'abandon du projet de 1997, c'est
elle qui a su capitaliser un avantage grâce à un travail de lobbying efficace. Ainsi,
« dans l'immédiat, il s'agit de poursuivre d'ici 2012 et conformément à la loi du 3
août 2009 issue du Grenelle de l'Environnement, les études nécessaires à la
réalisation d'une liaison fluviale à grand gabarit entre les bassins de la Saône et de
la Moselle, en envisageant l'intérêt d'une connexion fluviale entre la Saône et le
Rhin qui fera l'objet d'études complémentaires préalables. (...) Conformément au
mandat donné par le gouvernement au préfet coordinateur les études excluent la
vallée du Doubs entre la Saône et le Rhin » écrit le Comité de pilotage du « débat
72
public liaison fluviale Saône Moselle Saône Rhin » .
Du coup, le tracé qui émerge est celui d'une patte d'oie en venant de la Saône.
D'une part, le grand gabarit continuerait vers Nancy selon un tracé qui reste à
définir entre trois fuseaux concurrents. D'autre part, à partir de Conflandey (215 m.
d'altitude, Haute-Saône), une branche Saône-Rhin nécessiterait un double seuil de
franchissement ; elle longerait le piémont des Vosges via Vesoul, Luxeuil-les-Bains
72
Communiqué de presse, 22 novembre 2010.
264
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
(310 m.) avant de redescendre vers Lure puis de remonter à Champagney
(362 m.) avant la descente vers Fesches-le-Châtel (331 m. Doubs) où l'on
rattraperait le trajet du vieux canal du Rhône-au-Rhin à travers le Sundgau.
Le tout est suspendu à la décision de l'État de réaliser la liaison Seine-Nord, qui
marquerait le retour du fluvial en France...
Conclusion provisoire pour un vieux débat
De fait, ce n‟est que dans une perspective systémique que la voie d‟eau à
grand gabarit apparaît séduisante. Elle permet d‟échapper au stress généré par la
vitesse pure au profit de liaisons cadencées en juste-à-temps. Elle implique de
reconsidérer la gestion de l‟eau dans les bassins-versants concernés, à une
époque où les risques climatiques engendrent davantage de sécheresses et
d‟inondations. Elle offre des perspectives à des activités de loisirs et de tourisme
qui croissent rapidement en Europe sur et à proximité des voies d‟eau. Enfin, dans
une vision réticulaire défendue notamment par le Consortium des Voies Navigables
de l‟Est et du Sud-Est, Seine-Nord serait le premier maillon d‟un Grand Est fluvial
reliant les bassins de la Seine, de la Meuse, du Rhône et du Rhin et maillé par des
plates-formes d‟éclatement intermodales. En réalité, il ne s‟agit pas d‟aller et de
venir d‟un bout à l‟autre de l‟axe rhéno-rhodanien, mais de disposer
d‟infrastructures améliorant l‟accessibilité à deux échelles : soit en ouvrant des
débouchés sur des métropoles ou bien sur l‟une ou l‟autre façade maritime ; soit
en favorisant le rapprochement interurbain régional.
Il est évident que, depuis l'échec de 1997, aucun chantier interbassins ne sera
ouvert entre Rhône et Rhin dans les années qui viennent. Face à de fortes
oppositions, principalement écologistes, et à un État prompt à se désengager pour
des raisons budgétaires, les porteurs du projet n'ont pas pesé bien lourd jusqu'ici.
De plus, la SORELIF était apparue comme un bâtisseur technocratique, dans le
sens péjoratif où la technocratie apparaît éloignée des préoccupations des
habitants et de leurs représentants. À présent, si l'on veut réaliser une liaison
interbassins, il faut construire un jeu d'acteurs puissant et multiniveaux, depuis
l'Union européenne jusqu'aux communes concernées par les tracés.
Significativement, en décembre 2011, M. Richert, ministre chargé des collectivités
territoriales et président de la Région Alsace, a pris la présidence du Consortium
des Voies Navigables de l'Est et du Sud-est, un lobby pro-voie d'eau basé à
Mulhouse. Il faut aussi définir une vision fondée qui puisse fédérer les opinions en
la fondant sur les trois piliers du développement durable.
Ouvrages cités
 Bonnafous A. (1997), « Le projet de liaison Rhin-Rhône à gabarit
européen ou les mystères d‟un pari », Annales de Géographie,
Infrastructures de transport et organisation de l‟espace en France au
seuil du XXIe siècle, n°593-594, cf. p. 107 – 128.
 Christen B., Fortin O. (dir.), « Les couloirs Rhin-Rhône dans l‟espace
265
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
européen », Actes du colloque de 1989, Lyon, mars 2002, 71 p.
 Corbier F. (1999), Le grand canal Rhin-Rhône. Les méandres politiques
et cognitifs d’une expertise pluraliste, Diplôme d‟Etudes Approfondies
institutions et politiques publiques, Université de Paris I, PanthéonSorbonne, 91 p.
 Kammerer L. (1978), Le projet Rhin-Rhône et la décision administrative
et politique, Paris IX Dauphine, Thèse de 3e cycle « Science des
Organisations », 569 p.
 Marcadon J. (2005), « L‟innovation dans l‟industrie du transport
maritime », Cahiers nantais, N°62-63, cf. p. 161-170.
 Prud‟homme R. (2000), « La contribution des infrastructures au
développement local », Les 3e entretiens de la Caisse des Dépôts,
Comment améliorer la performance économique des territoires ?,
Société des acteurs publics, 372 p., cf. p. 137-148.
 Prud‟homme R. (2006), « Analyse socio-économique du projet de canal
Seine-Nord », Transports n°440.
 Woessner R. (2007), « L‟émergence du tourisme fluvial en Europe »,
Actes du colloque des commissions nationales de géographie transport
et tourisme, Chambéry Collection Edytem Cahiers de Géographie n°42006.
266
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Le « GCO » de Strasbourg, un projet proposé et débattu dans des contextes
évolutifs (rédaction octobre 2011) – Henri Nonn
Il s'agit d'un projet illustratif de l'incidence des contextes pesant sur la
réalisation d'une infrastructure routière importante. Plusieurs fois avancé en 40
ans, il révèle combien de tels aménagements dépassent leurs dimensions
techniques et financières, tant y jouent les aléas d'ordre socio-économique,
urbanistique et politique. Ses enjeux ont évolué avec le temps en précision, en
complexité, en perspective, et donc en argumentaires favorables ou défavorables :
d'un positionnement d'abord urbain, et de développement métropolitain et régional,
on passe à une inscription dans le champ du développement durable, où sont
évoquées les vues du transport multimodal, la transversalité des objectifs, les
positions d'acteurs multiples, la gouvernance « multi-niveaux »...
Les émergences successives du projet
L'élaboration du SDAU de la région strasbourgeoise (années 1970-1973) a
constitué la première phase de gestation d'un « grand contournement ouest de
Strasbourg », de nature routière. Le schéma directeur alors préparé se voulait de
« prévoyance » plutôt que de prévision jusqu'à l'horizon 2000. À l'époque,
Strasbourg venait d'être promue « métropole d'équilibre » dans le cadre national,
au titre de « métropole sur le Rhin », par des instances nationales fortes et
décisionnaires ; envisagée dans son contexte rhénan certes dense et dynamique,
mais encore cloisonné par les frontières. D'où une perspective toujours configurée
sur « 180 degrés », et dans un traitement de l'Ouest de l'agglomération.
En phase avec le plein emploi des années 1960-1970, et avec une attractivité
sensible tant de l'agglomération (soldes migratoires de la CUS = + 18 700
personnes entre 1962 et 1968, et + 5 460 entre 1968 et 1975) que de la région (4°
rang national en bilans migratoires interrégionaux = + 15 080 entre 1962 et 1968,
+ 5 460 entre 1968 et 1975), on envisageait un quasi doublement de population
pour l'an 2000 : selon un modèle « d'urbanisation étalée », l'ensemble urbain
atteindrait les 650 000 âmes, et selon une vue « d'urbanisation concentrée », le
volume de 800 000 habitants.
La place des institutions européennes dans la cité, et la construction
européenne en chantier devaient en outre inciter à entreprendre une amplification
des capacités de connexion et de circulation de l'Alsace et de sa capitale.
Mais l'existant comportait maintes faiblesses
À l'opposé du Bade voisin, disposant de l'autoroute « Hafraba », l'Alsace n'avait
pas d'autoroute méridienne (le contournement de Sélestat date de 1981 et la
RN83, de part et d'autre, était bien insuffisante). Pour l'agglomération
strasbourgeoise, l'A4 vers Paris était en chantier pour « ouvrir » en 1976, à partir
d'une pénétrante Nord réalisée en 1971. Une pénétrante Sud poussée jusqu'aux
portes de Molsheim a été fonctionnelle en 1966, et une « rocade Ouest » les
reliant date de 1971 : or, elle tangente directement le noyau urbain (en utilisant les
267
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
terrains restés non aedificandi des fortifications de la ville du Reichsland, même
après leur déclassement de 1922), sur laquelle on greffe une courte pénétrante
Ouest en 1972, à peine allongée depuis.
Un grand contournement pouvait être ainsi un tronçon d'une méridienne
régionale (de Brumath-Vendenheim au Bruch de l'Andlau et au nord de Sélestat) –
encore que paraisse bloquée toute extension en Alsace du Nord (transformation du
CD 300 en voie rapide ou autoroutière) par le refus allemand de laisser traverser la
forêt du Bienwald – ; du moins la jonction avec l'A4 serait ouverte sans recours à la
rocade Ouest de Strasbourg. Un contournement sans péage fut donc inscrit, la
« prévoyance » consistant à réserver des emprises dans les endroits les plus
contraints dans les documents d'urbanisme locaux.
Le zonage prévalant en urbanisme permettait l'essor de zones d'activités aux
abords de la ville : celles nées dans les années 1960-1970 en restèrent proches :
Schiltigheim, Bischheim, Hoenheim, Illkirch, à l'exception de Reichstett, de
Fegersheim-Lipsheim, de la Plaine de la Bruche, et des amorces de zones
commerciales (Vendenheim, Geispolsheim) : un « peuplement » nourri notamment
par « exurbanisations » ou « expansions », et par des établissements issus
d'investissements extérieurs à la région, ceux-ci s'intéressant cependant aussi à
de nombreux autres lieux d'implantation dans le département. De sorte que le
« fuseau » d'un GCO ne paraît pas avoir été guidé par cette dimension
économique, hormis une référence à l'aéroport d'Entzheim. Un Schéma de secteur
du SDAU préservait le bastion agricole du Kochersberg (mieux que les lisières des
autres espaces d'agriculture de la plaine d'Erstein, des Collines de Brumath, ou de
l'avant-piémont de Niedernai-Blaesheim).
Toutefois les intentions émises dans le projet restaient limitées tant à propos
des propositions techniques que dans ses liens aux développements d'habitat ou
aux précautions en matière d'environnement : l'essentiel étant, par-delà les
besoins de liaisons de banlieue à banlieue (la VLIO), de poser de jalons pour une
infrastructure routière de la Plaine d'Alsace à distance (environ 15 km) de la
cathédrale et de la rocade urbaine.
Suit une période de latence : des années 1975 à 1990
Plusieurs facteurs interviennent pour que le projet ne progresse pas. La
récession économique des années 1975-1985 entraîne un coup d'arrêt dans le
dynamisme de la population et de l'emploi industriel. Les soldes migratoires de la
CUS deviennent déficitaires (1975-1982 = - 5 740 hab. ; 1982-1990 = - 1 520, en
partie aussi du fait de la périurbanisation résidentielle il est vrai) et ceux de la
région tombent à + 1 140 entre 1975 et 1982, et à + 7 seulement entre 1982 et
1990. L'emploi industriel de l'unité urbaine strasbourgeoise a été ramené de
57 820 à 56 670 entre 1968 et 1975...
Les échanges entre « villes moyennes » du Bas-Rhin, malgré les évolutions
positives de leur base économique depuis 1962, restent modestes : les industries
se sont en fait « internationalisées » ou « métropolisées » sans beaucoup accroître
entre elles les flux marchands, et les navettes de travailleurs ont plus crû avec la
268
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
métropole régionale qu'entre elles : l'intérêt pour un GCO à distance de Strasbourg
ne s'est donc pas renforcé. L'Alsace a ressenti pourtant des inquiétudes vis à vis
de sa « vocation » d'axe méridien au niveau européen : la concurrence faite au
couloir rhénan par l'axe Londres-Paris-Lyon-Marseille, ou par des liaisons Mer du
Nord ou Baltique-Italie, a relancé la réalisation d'une A35 plus complète
(contournante de Colmar, amorce de la VRPV, aménagements en Alsace du Nord)
dotée de greffes vers le Rhin et le Bade... sans toutefois amener à inscrire le GCO
dans les Contrats de Plan État-Région antérieurs à 1999. En revanche, la
croissance du parc automobile régional était remarquable (doublement des
immatriculations des voitures neuves entre 1983 et 1989, parc total monté à plus
de 800 000 en 1991), sensibilisant les instances publiques aux nuisances et aux
développements ferroviaires régionaux. D'autant que les préoccupations
environnementales émergent des lois de protection de la nature, sur l'air, sur
l'eau... (entre 1976 et 1992), et que les associations naturalistes se font entendre
(Marckolsheim, 1974-1976).
Les gouvernances nées de la décentralisation prônée depuis 1983 font prendre
en compte davantage de besoins territoriaux, avec moins de focalisation sur la
grande métropole régionale (par ailleurs soutenue par les Contrats triennaux
« Strasbourg, ville européenne ») et infléchissent le système polarisé et hiérarchisé
prévalant vers une « métropolisation partagée dans une région urbaine ». Les
procédures des SDAU sont décentralisées, les maires détiennent les permis de
construire, donnant moins de cohérence ou de maîtrise sur les amplifications de
l'urbanisation.
Ces divers contextes rendent compte sans doute de la latence constatée.
Depuis les années 1990, une reprise du projet s'adapte à des changements
notables de positionnements.
Notons d'abord la prise en considération plus « globale », plus « intégrée », des
questions de transports et déplacements (vues modales, intermodales ou
plurimodales, combinaisons des réseaux et des échelles spatiales,
programmations). La Région a signé avec la SNCF sa première convention en
1992 ; les services de l'Équipement et de la Région ont entrepris un Schéma
régional des transports en 1994, prolongé par le Schéma multimodal des services
collectifs de transport issu de la loi Voynet de 1999 et des objectifs de l'État définis
en 1998, comme d'une « Étude plurimodale des transports dans le Rhin
supérieur » (2001). Plus localement, les « Scots » et les Plans de déplacements
urbains vont dans le même sens, et diverses instances mettent en œuvre des
dessertes en transports collectifs : tram, tram-train, transports de proximité, par ex.
Questions énergétiques et environnementales y sont intégrées ou associées. Le
succès des TER, depuis la convention entre Région et SNCF de 1996, ne se
dément pas : passant de 330 trains en 1996 à 500 en 2003, et 690 fin 2009, avec
des progrès de trafics compris entre +7 à +13% l'an (60 000 voyageurs/jour en
2008) ; lignes et gares sont modernisées. La VRPV est parachevée en 1999/2001,
comme plusieurs contournements urbains (Colmar, Haguenau, Molsheim en
chantiers) entre 1993 et 2010, et le GCO inscrit en « études » dans le CP-ER
2000-2006, puis en programme dans le suivant.
269
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Au plan économique, le modèle « exogène » de développement – en appui sur
les investissements extérieurs à la région – perd de son souffle, les moteurs de la
compétitivité (technologies, innovation, créativité) valorisant désormais la
connaissance et les compétences du capital humain. La métropolisation
strasbourgeoise permet alors le maintien de l'emploi et de l'attractivité sur
l'agglomération et dans une ample aire urbaine (plaine et piémont), comme une
dilatation des migrations pendulaires à son profit au-delà d'une ligne isochrone de
20-25 mn (1990) jusqu'à 30-35 mn en 1999 (étude Adeus). La périurbanisation elle
aussi est en accroissement : les « communes périurbaines » de « 2ème couronne »
(monopolarisées par l'agglomération) passent de 112 en 1990 à 166 en 1999 dans
« l'aire urbaine Insee » (laquelle contient 612 000 hab., soit 35% de la population
alsacienne). Les emplois sur la CUS se sont accrus de 27 530 unités entre 1990 et
1999, dont + 23 915 dans l'unité urbaine, et hors CUS de 15.610 au sein de l'aire
urbaine. Celle-ci totalise en 1999 quelque 268 540 emplois – amplement pourvus
de migrants quotidiens.
On en arrive à une amplification des engorgements aux entrées de la ville aux
heures de pointe (elles aussi dilatées) de tous côtés : depuis Gambsheim (avec
21 000 v/j en moyenne en 1995), Brumath (54.800), Truchtersheim, Ittenheim
(19 500) Duttlenheim et Niedernai (42 500) ou Erstein (43 680) – v. comptages
DRE et carte DNA du 3-7-2005 –, avec ses cortèges de nuisances et
d'accidentologie. Les grandes voiries sont surchargées : la section la plus urbaine
de l'A35 avoisine les 150 000 v/jour, dont 11 000 poids lourds, la RN 83 dépasse
les 40 000 v/j à Fegersheim en 1994, l'A35 depuis Hochfelden les 21 000. Les
accroissements de trafics ont dépassé les 5%/an en début de décennie, et encore
de 2% depuis. Le décret lançant les travaux du TGV-Est en mai 1996 fait envisager
une polarisation supplémentaire d'attractivité de Strasbourg. Il est temps, semble-til, de « revoir » le fonctionnement du « système Transports » de l'aire urbaine. Et
voici que, en Allemagne, on parle d'une taxe sur les poids lourds (la LKW Maut),
dont on redoute des retombées sur le réseau routier et autoroutier alsacien ; il
convient d'en « finir » le maillage...
L'État décide la relance du GCO (1999-2005)
Divers travaux préliminaires ont amené l'État à décider la reprise du projet,
dans le cadre de la Circulaire du 15-12-1992 relative à la conduite des grands
projets nationaux d'infrastructures, dite « Procédure Bianco » : en particulier en
fonction du Schéma national des transports, du Schéma régional (+ celui des
services collectifs consacré aux transports), comme des Schémas multimodaux
(Région et Rhin supérieur) ci-dessus évoqués. La DRE a préparé en mars 1999 un
« Dossier pour un débat », avec pour titre « Contournement Ouest de Strasbourg –
liaison A4 – RPV » (le premier élément en gros caractères, le second en plus
petits) ; il est destiné à fournir :
a) un diagnostic et une évaluation des besoins à l'horizon 2020 au vu d'une
analyse des flux en relations avec les contextes régionaux et européen, la
métropolisation strasbourgeoise, les dimensions environnementales ;
b) un état des niveaux de services des différents systèmes modaux ;
c) des perspectives en termes de volumes de trafics, de coûts – énergétiques et
270
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
de déplacements – ;
d) des propositions de « fuseaux » d'implantation du GCO comparés quant à
leurs avantages ou inconvénients. C'est la base qui alimente les étapes de la
procédure.
Cette procédure implique le respect de l'enquête publique depuis la loi « LOTI »
(31-12-1982) et la loi Bouchardeau du 12-7-1983 ; elle instaure la mise en place,
auprès du Préfet pilote de l'instruction, d'une « Commission de suivi » garantissant
la transparence et la pertinence des informations ainsi que la bonne tenue des
consultations auprès des élus, des organisations sociales et professionnelles et
des services publics, et susceptible d'initier des expertises : ceci au cours du débat
dit « d'opportunité ». Du bilan tiré par le Préfet découle le cheminement vers la
définition du Cahier des charges (document public) soumis au Ministère, puis les
concertations et l'enquête publique débouchant ou non sur la Déclaration d'utilité
publique.
En voici sommairement le calendrier :
Débat d'opportunité : septembre-novembre 1999, rapport de la Commission de
suivi =1-12-1999, synthèse du Préfet et transmission au Ministère, février et juillet
2000. Ont été consultés : les représentants des professions et organismes des
transports, ceux des Associations, des commissions spécialisées du Conseil
régional, du CESA, du Conseil général, de la CUS, de l'Association des Maires,
des chambres consulaires, soit quelque 180 personnes mandatées. NB : un
compte-rendu en a été établi par les services de la DRE ; la commission de suivi a
été ultérieurement invitée aux échanges de la phase suivante de concertation, et
son rapport intégré aux « Cahiers d'acteurs » publié en 2005.
Le débat a conclu à l'opportunité – voire à la nécessité – du GCO, déterminé le
choix du fuseau et on a procédé à l'établissement du projet de Cahier des charges
de l'infrastructure (arrêté le 6-6-2000). En prolongement, ont été, de 2000 à 2002,
menées des études de « clauses techniques particulières », comme confiées à des
consultants et au CETE de l'Est les « études préliminaires d'avant-projet
sommaire », toutes précisant les aspects liés à l'environnement et aux paysages, à
l'agriculture, aux « effets économiques et sociaux »… ; d'autres travaux ont affiné
les simulations de trafics, les articulations intermodales, les modalités de
concession (péage), la requalification possible de la rocade A35... L'avant-projet
avec son cahier des charges en vue de l'enquête publique est arrêté en mars
2002.
Démarre alors la phase de concertation : 5 réunions publiques locales de
communes inscrites dans le fuseau retenu (2003) ; 8 groupes de travail mis en
place pour permettre l'expression des personnes publiques, des acteurs socioéconomiques et des associations et une synthèse élaborée (juin 2005) ; une
expertise indépendante (bureau d'études TTK) ; une mise en ligne sur le net...
Avec la Sté Menscom, la DRE a publié en novembre 2005 les « Cahiers d'acteurs
du projet de GCO de Strasbourg » dans lequel sont présentés les points de vue de
la Commission de suivi, des Présidents des grandes collectivités, des Maires du
Bas-Rhin, puis ceux des communes riveraines, des acteurs agricoles, et
271
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
économiques, des Associations Alsace Nature et du collectif « GCO non merci »,
des usagers des transports et des transporteurs, des Syndicats de salariés (CFDT,
CFE-CGC, CFTC, FO, CGT) ainsi que de l'État.
Entre temps, le CIADT du 18-12-2003 avait inscrit la programmation du GCO
dans ses décisions : sous réserve des conclusions de l'enquête publique, laquelle,
reconnue favorable après les concertations, aboutit à la Déclaration d'utilité
publique (DUP) par le Gouvernement le 23 janvier 2008. Par ailleurs, le Scoters
avait été approuvé (2006), et le PDU mis en révision ; la « LKW Maut » allemande
(péage concernant les PL) est entrée en vigueur au 1-1-2005 ; le « Grenelle de
l'Environnement » a décidé de stopper les grands projets autoroutiers (mais
exception faite pour le GCO) et décidé pour le budget de 2009 d'une taxe nationale
sur les poids lourds > 12 t.) ; maints autres chantiers ont été ouverts dans le même
temps (extensions du tramway urbain, rocade Sud et Pont Pflimlin, tram-train vers
Molsheim, 3 ème ligne ferroviaire aux alentours d'Erstein, contournement de
Molsheim...).
En réponse à la DUP, plusieurs recours ont été déposés, et un rapport
indépendant commandé par des communes réfractaires au projet ; des évolutions
de positions sont opérées parmi certains élus ou courants d'opinion, des
manifestations d'associations (régionales ou locales) ont eu lieu, qui poussent
l'État à geler la procédure d'appel d'offre aux concessionnaires (lancée en 2007).
Le Conseil d'État, quoique le rapport entendu soit défavorable, a néanmoins validé
le dossier et rejeté les recours en mars 2010. Sans désarmer ses adversaires...
Donc, à suivre...
Les argumentaires, par-delà la procédure
Plusieurs lectures sont imbriquées, impliquant des priorités sélectionnées dans
les réactions : les problèmes de réseaux d'infrastructures de circulation, de flux et
trafics, et d'intermodalité ; l'aménagement-développement équilibré (en interne à
l'agglomération, ou à l'échelle régionale ou du Rhin supérieur) ; les conditions et
formes du développement métropolitain strasbourgeois, les modalités des
consultations ou d'expression des desiderata « citoyens » ; la place accordée aux
questions d'environnement naturel, de biodiversité et de santé, des
consommations d'espaces utiles...
Des bases établies, et généralement admises, dans les diagnostics et les
perspectives
Prime le constat de l'engorgement de la rocade urbaine A35 : 160 000 v/j en
1999, 166 000 en 2005 ; 4 heures de circulation avec des débits de > 6 000
v/heure et jusqu'à 7 200 durant 1h 30 les jours ouvrables. Avec les inconvénients
bien connus de temps de trajet, de stress, de sécurité – accidentologie, de
pollutions et nuisances... Si rien n'est fait, d'ici à 2015, compte tenu des projections
de tendances d'usage routier voyageurs (+ 11%) et marchandises (+ 43%) – selon
la Conférence du Rhin supérieur –, il faudrait écouler 13 à 14 000 v/h durant 5
heures et en gérer 19 000 en heures de pointe !
272
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La structure des trafics sur cette rocade est éclairée. 45% sont des
mouvements internes à la CUS, 45% sont des échanges entre CUS et autres
territoires alsaciens assez proches (< 100 km), et 10% correspondent à de flux de
transit.
Pour les marchandises, on mesure en 1994 un transit N.S de 6 millions de
tonnes (entre Sélestat et Colmar, ont été décomptés 3 800 poids lourds : 12%
parcourant plus de 450 km, 28% au moins 200 km, et 50% effectuant des trajets
internes à l'Alsace). Pour les grands trajets, des reports modaux sont possibles
(fluvial, combiné avec le rail, ferroutage), mais non sans handicaps : les ruptures
de charge, les lacunes de réseau, le rôle de la nature des produits, le problème de
massification des flux, les espacements des plateformes... Arguments soit
expliquant le besoin de GCO du fait des insuffisances de ces alternatives, soit
l'urgence de porter sur elles les efforts d'investissements.
Pour les déplacements de personnes, les comptages 1994/5 fixaient à > 8 300
les flux de transit, et à 74% les modes routiers de déplacements en agglomération
ou vers elle (15% des migrations journalières convergeant vers la CUS recourant
alors aux TER) ; entre 1 000 et 1 500 v/j venaient d'échanges entre secteurs de
villes moyennes du Bas-Rhin ou du piémont vers l'Alsace du Nord et passaient par
la rocade urbaine A35... C'est l'expression des défaillances en transports collectifs
périphériques tant en 1ère qu'en 2ème couronnes de l'aire urbaine (cf. VLIO, rocades
incomplètes, primat du « radial »), comme de déficits de liaisons entre villes
moyennes (route et rail). Maints projets et programmes émanant des collectivités
s'emploient à apporter des correctifs : extension du tramway dans l'unité urbaine,
tram-train vers le piémont, transport routier guidé sur la RN4, bus dans les
intervalles des axes desservis par les TER (amplifiés et cadencés). Pour les uns, le
GCO participe d'une démarche de complémentarité, « plurielle » et de finition de
l'A35 ; pour d'autres, il ne répond guère aux besoins urgents de TC des aires
périurbaines – notamment entre les radiales –, ou encore il ne résout rien des flux
attendus des mises en place des TGV en gare de Strasbourg, voire il risque de
capter des investissements publics appelés par les autres chantiers. Ne va-t-il pas
jouer comme un « appel à trafics routiers » supplémentaire ? « Un aspirateur à
camions » ? Accroître les aires externes de périurbanisation?
A été validée l'approche « multi-échelles », socio-économique – non pas
seulement « technicienne » – et posée comme « plurielle, simultanée et
partagée ». Placer la réflexion selon des cadrages multiples a été utile à tous ;
considérer la démarche sous les angles du développement économique, des
activités concernées et des systèmes d'habitat, de l'urbanisme, de l'environnement
et du développement durable également. C'est « le partage » autour de l'intérêt
général qui a fait problème, car ce dernier est décliné selon les points de vue des
uns et des autres...
Pour l'étude d'opportunité, a été retenue une aire de 660-690 km² comprise
entre Saverne, Obernai, Fegersheim, le Rhin et Brumath- Hochfelden ; elle n'a pas
été contestée, car à même de contenir les fuseaux de tracés à examiner – peutêtre néanmoins n'englobait-elle pas l'ensemble des extensions périurbaines de
l'aire urbaine déjà constituée, notamment dans les rieds N et S de part et d'autre
273
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
de Strasbourg, ni la rive droite du Rhin à sa hauteur. Dans le volet socioéconomique, il n'a été contesté que la non prise en compte des aspects de
transferts ou desserrements d'activités émanant de l'agglomération, des loisirs et
du tourisme parmi les champs générateurs de flux, la non consultation des
agences ou services d'aménagements tels que l'Adeus et le SDAU du Bas-Rhin,
les Conseils d'animation des « Pays » ou des Scots voisins, des professions de
l'immobilier, des Observatoires de l'habitat, de la santé ou de l'environnement, qui
auraient pu aider à poser les objectifs prospectifs.
Une fois passé le cap de la décision d'opportunité, le choix majoritaire de la
« variante 3 » a resserré l'analyse sur le faisceau retenu (tracé de 24 km, 49
communes, 75 km² concernés), et envisagé un trafic de l'ordre de 40 000 v/j (pour
moitié de transit, et pour moitié fait d'échanges de et vers l'aire urbaine). La DRE a
fait valoir que le tracé suivait au plus près les emplacements réservés dans les
documents d'urbanisme, s'écartait le plus possible des aires habitées, limitait le
nombre d'échangeurs, s'accompagnait de mesures adaptées aux points les plus
sensibles (dans Vendenheim, franchissement en viaduc de la Bruche, patrimoine
de Kolbsheim...) et de traitement paysager, comme d'ouvrages rétablissant des
circulations nécessaires aux agriculteurs ; le péage serait modulé selon les
usages... Des points disputés néanmoins – cf. ci-dessous –.
Les arguments de la contestation
Dans le registre des déplacements :
L'un des arguments les plus avancés consiste à relever que le GCO ne captera
que 15% seulement des trafics de la rocade urbaine, sera un encouragement au
mode routier et un « appel de trafic » par la route, voire une alternative pour les PL
en transit taxés du côté allemand. La rocade urbaine se retrouvera très vite
engorgée d'ailleurs, bien avant 2015. Le GCO serait donc inopérant à court terme.
Les autres chantiers de transports collectifs et contournements routiers urgents,
vu les coûts du GCO – 337 millions d'euros (2006) –, risquent d'être retardés, alors
qu'il conviendrait de considérer la validité du GCO après leurs réalisations. Il faut
inverser les priorités, est-il énoncé. Plus urgents sont les bus à haute fréquence en
zones périurbaines, les aménagements encourageant les TER et tram-trains, les
équipements favorables aux intermodalités, les plans de déplacements des
salariés d'entreprises ou les dessertes de zones d'activités...
Le péage est à replacer dans un contexte d'équité : divers acteurs revendiquent
la gratuité, ou le rachat du péage par le Conseil général pour les habitants du
secteur, car on ne paie pas pour l'A4 entre Hochfelden et Strasbourg ni sur la
VRPV...
Certains estiment que manquent encore une vision et une gestion globales de
flux, une politique affirmée de l'intermodalité à courte, moyenne et longue distance
(usage des TC urbains pour les dessertes et distributions urbaines, meilleures
maîtrises et connexions des plateformes logistiques alsaciennes, conteneurisation
274
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
et ferroutage ou fluvial pour les flux nationaux ou internationaux..).
Dans le registre de l'aménagement-développement :
Il manque un traitement global des « entrées d'agglomération », parmi
lesquelles va s'amplifier celle de la N4 (il y aura un échangeur à son niveau sur le
GCO). Certains demandent davantage d'échangeurs sur ce tronçon autoroutier,
quand d'autres redoutent dans ce cas un nouveau bourgeonnement périurbain
externe.
Si les acteurs économiques sont satisfaits d'une infrastructure favorable à
l'aéroport, à la zone d'activités de la plaine de la Bruche, et à l'attractivité plus
générale de Strasbourg, d'autres considèrent que le GCO n'apporte guère à
l'économie locale et y voient « un non-sens économique » par ses répercussions
négatives sur l'agriculture ou sur l'économie résidentielle adossée aux bourgs et
petites villes.
Les répercussions sur l'agriculture sont largement mises en exergue. Le GCO
se traduira par une emprise sur 315 ha de bonnes terres agricoles ; 5 communes
perdront plus de 5% de leur SAU et 200 exploitations seront perturbées
(prélèvement de sols, baisses de niveaux de revenus (1,2 million d'euros de
CA ?) ; blocage de modernisation de parcellaire ou de remembrement depuis
1999, chemins et voies locales coupées – le projet prévoit d'en rétablir par 70
ouvrages – ; 50 emplois de la filière agricole perdus...
Parallèlement, sont déplorées les dégradations de l'environnement. À large
échelle, c'est l'accroissement, par les trafics, des émissions de gaz à effet de serre,
et des périodes d'alerte à l'excès d'ozone. C'est un encouragement au transport
routier : quand l'énergie pétrolière se raréfie ; quand ne sont toujours pas pris en
compte les coûts externes des transports ni mise en œuvre la taxation des frets
routiers en France ; quand on a voté la « neutralité carbone » pour les Contrats de
projets État-Régions 2007-2011 visant les incidences des trafics ; quand les
activités sont toujours plus soumises aux flux tendus ; quand sont stigmatisées les
incidences sur la santé...
« Paysager » une infrastructure ne remplace pas les atteintes à la biodiversité,
ni aux paysages hérités. De lourdes menaces concernent des zones humides, et
en particulier celles dépendantes de la vallée de la Bruche au sud ou des petits
écoulements du Kochersberg (des réponses techniques ont été étudiées et
proposées). On sait, depuis le raccordement VRPV-A352 entre Innenheim et
Duppigheim, que l'on affecte l'habitat du grand hamster d'Alsace (protégé en 2004
par la directive européenne 92/43/CEE) : dans la zone d'étude d'opportunité, cela
concerne également la zone d'activités de Mommenheim, et celles d'Ittenheim et
de Duppigheim. Changements parcellaires au long du trajet, « déruralisation »
(R. Woessner, 2007) de maints villages par la périurbanisation, perturberont aussi
la biodiversité et les patrimoines – le château de Kolbsheim et son parc y
compris –. On retrouve tout cela dans les recours d'Alsace Nature, d'associations
naturalistes locales et des communes du « Collectif GCO – Non, Merci ! ». Les
arguments « environnementaux » se déclinent ainsi à la fois en références à la
275
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
politique nationale, aux positions européennes et aux inscriptions régionales et
locales du projet.
On a reproché en outre à la démarche GCO de ne pas s'attaquer aux réflexions
sur le modèle de développement urbanistique de l'aire urbaine strasbourgeoise,
dont la « durabilité » est mise en cause. Sont visées, comme dit ci-dessus, les
« entrées de ville », les proliférations de lotissements, voire des zones d'activités
en périphéries (angles de la « ville compacte » – versus gestion des
consommations d'espace, et du temps) ; effet de l'« entre soi » et du « nimbysme »
périurbain dévoyant l'intérêt collectif – en référence au volet « cohésion sociale »
du développement durable –. Si le GCO permet de redonner une vocation urbaine
à la rocade actuelle, avec opportunité d'en réserver une voie pour les transports
collectifs, c'est pour quelle durée avant nouvel engorgement d'ici à 2015 ?
Surtout, a-t-on songé à replacer ce dossier dans la prospective spatialisée
d'une métropole alsacienne et d'un « Eurodistrict » transfrontalier ? Ou en y
associant les petites villes-pôles d'appui en « ring » proche ? (R. Woessner, 2007,
H. Nonn, 2008), ou encore les « villes moyennes » bas-rhinoises et badoises
constitutives de relais fonctionnels de métropolité et de citadinité ?
Le dossier du GCO, on le voit, a réveillé les consciences sur les déficiences
d'une attitude faiblement volontariste en matière de développement durable. Il a
été l'occasion de mieux aborder les transports dans leurs facettes plurielles ; de
souligner l'exigence de coordinations d'acteurs et de programmations.
Les gouvernances ont montré leurs faiblesses :
a) de l'État, dans un contexte de décentralisation, d'une part, dans celui du
Grenelle de l'environnement d'autre part, ou encore dans ses propositions
« techniques » répondant à des angoisses sociales ;
b) des collectivités et instances en région : où les unes privilégient les cadrages
étendus, les maillages en grand et les perspectives de développement
régional, quand d'autres à l'inverse ne considèrent que les attentes locales, où
en agglomération, ou hésitent dans les choix à effectuer ;
c) des articulations nécessaires entre les champs interdépendants
(économique, social, environnemental) du développement durable. Urgente
devient l'organisation d'une « gouvernance multi-niveaux et multi-acteurs »
(J.-A. Héraud, 2007). Des dialogues ont été noués entre acteurs ou
représentants d'intérêts (tous nobles), la concertation a pris corps, les
arguments de bonne foi échangés. C'est un progrès réel, un essai à
transformer pour construire des réflexions prospectives davantage partagées,
tant sur la métropolisation de la région strasbourgeoise que sur le devenir
régional/transfrontalier de l'Alsace, intégrant le souci de structurations locales
de plus en plus indispensables.
Quelle que soit la suite concrète donnée à l'objet qui a nourri ces démarches,
on peut espérer que « rien ne sera plus comme avant ».
276
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
La problématique GCO
Schém a 1 : Le transit
international, la continuité
de l’axe autoroutier avec
trois branches
H aguenau
A
3
5
A 4-E25
Brum ath
Saverne
BadenBaden
2E5
2
D2
e
n
g
a
O ffenburg
2010
5
83
-E
25
Erstein
Lahr
N
A3
Barr
Schém a 2 : la logique G CO -CU S,
le contournem ent
et le délestage
souhaité de Strasbourg
A
ll
N353
m
A352
O bernai
Achern
e
M olsheim
STRASBO U RG
A3
5
VL
IO
A351
A5
-E
3
Wasselonne
Autoroute
Voie express
2 X 2 voies
G CO en projet
G CO variante
Par com m une : 18% des
logem ents construits
entre 1990 et 1999
(Bas-Rhin)
Sélestat
Elsenh eim
13,67 ha conventionnés
pour la protection
du G rand H am ster
U n regard théorique
S’il n’y avait ni m ontagnes, ni
fleuve, ni frontière nationale,
la disposition des villes et
des axes obéirait à une
géom étrie stricte telle qu’elle
est proposée sur ce croquis.
Vers
N ancyM etz
Le choix des m odes de circulation
est en suspens (route, fer,
m ultim odalité...). D es pôles
O bernai
périurbains très attractifs sont
envisageables sur les
carrefours d’un ring. Et si la croissance
se poursuivait dans les prochaines
décennies, un deuxièm e
anneau périphérique s’im poserait.
0
10 km
Schém a 3 :
Logique transfrontalière :
le périphérique de l’aire
urbaine Strasbourg-Kehl
H aguenau
Vers
Karlsruhe
Saverne
Baden-Baden
Strasbourg
Kehl
O ffenburg
Sélestat
Vers M ulhouse - Bâle
277
Raymond Woessner
LIVE- 2011
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tables
Liste des tableaux
Tableau 1 : Fréquence de possession d‟un véhicule – Métropole 2006 et
2008 ..................................................................................................... 45
Tableau 2 : Chauffage de résidences principales : modes et combustibles
(en %) année 2008, France métropolitaine .......................................... 46
Tableau 3 : Le pôle Matériaux et Nanosciences Alsace.................................... 54
Tableau 4 : Le poids de l'industrie dans les zones d'emploi alsaciennes .......... 93
Tableau 5 : Aperçus sur les ventilations d'activités selon le zonage en aires
urbaines ............................................................................................... 94
Tableau 6 : Du dortoir périurbain des Trente Glorieuses au fractionnement
socio-spatial ....................................................................................... 100
Tableau 7 : Actifs potentiels de 15 à 64 ans et actifs « réels » ....................... 109
Tableau 8 : Le chômage selon les aires résidentielles.................................... 110
Tableau 9 : Mouvement de la construction, évolutions moyennes annuelles
dans la construction résidentielle sur l'ensemble de l'Alsace .............. 111
Tableau 10 : Les cadres supérieurs, lieux de travail et de résidence ............. 119
Tableau 11 : Emploi tertiaire et villes-centres.................................................. 119
Tableau 12 : Ventilation des évolutions dans les services aux entreprises et
aux particuliers 1999-2006 (LT) ......................................................... 119
Tableau 13 : Deux lignes de fractures ............................................................ 122
Tableau 14 : Six catégories d‟établissements scolaires .................................. 123
Tableau 15 : Entre-soi et la concentration dans les centres villes – 1982 et
1999, en %. Jeunes d‟origine étrangère (dont sud-européenne et
maghrébine)....................................................................................... 137
Tableau 16 : Écart à la mixité complète pour les centres-villes de quelques
grandes aires urbaines – 1999 .......................................................... 139
Tableau 17 : Fiche de synthèse de la conception des quartiers durables de
Fribourg-en-Brisgau. .......................................................................... 147
Tableau 18 : Les écoquartiers de Strasbourg au 1 er juin 2011 ........................ 151
Tableau 19 : L'irruption du développement durable dans la rénovation
urbaine à Strasbourg (commune). ..................................................... 152
Tableau 20 : Indicateurs socio-économiques des zones de rénovation
urbaine à Mulhouse (1999-2006) ....................................................... 155
278
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Tableau 21 : Le quartier écologique du Brandstatt à Ribeauvillé .................... 156
Tableau 22 : Tentative de comparaison des politiques sociales de l'habitat
durable menées dans quelques villes alsaciennes et à Fribourg-enBrisgau............................................................................................... 157
Tableau 23 : Caractéristiques techniques des images SPOT ......................... 167
Tableau 24 : Surface en hectares des classes d‟occupation du sol dans la
CUS ................................................................................................... 170
Tableau 25 : Transition entre les classes d‟occupation importantes dans la
CUS entre 1986 et 2006 (ha) Sols nus-Bâti ; Végétation-Bâti ;
Cultures–Bâti ; Sols nus-Surfaces Industrielles ; Végétation-Surfaces
Industrielles ; Cultures-Surfaces Industrielles .................................... 170
Tableau 26 : Métriques paysagères, description et échelle spatiale ............... 173
Tableau 27 : Les dynamiques démographiques des différents territoires du
Rhin Supérieur ................................................................................... 185
Tableau 28 : Projections des écarts de la température moyenne annuelle en
Alsace, par rapport à la période de référence (1971-2000) aux
horizons 2030, 2050 et 2080, et selon les scénario A1B, A2 et B1.
Source : cartes de Météo France pour la DATAR .............................. 223
Tableau 29 : Matrice des vulnérabilités de la région Alsace ........................... 225
Liste des figures73
Figure 1 : Innovation dans l'industrie des transports terrestres ........................ 55
Figure 2 : Le Pôle Energievie en Alsace et en Moselle..................................... 57
Figure 3 : État des lieux lors de la création du Pôle Maison ............................. 58
Figure 4 : Le Pôle Image .................................................................................. 59
Figure 5 : Présomption de créativité ................................................................. 61
Figure 6 : Le zonage INSEE en 1999 ............................................................. 102
Figure 7 : Les familles monoparentales .......................................................... 104
Figure 8 : Différenciations entre collèges ....................................................... 126
Figure 9 : Différenciations entre lycées .......................................................... 127
Figure 10 : Les élections régionales de 2010 par commune .......................... 129
Figure 11 : Concentration (en %) et entre-soi (%) – 1968-1999 ..................... 133
Figure 12 : Deux indicateurs synthétiques d‟écarts à la mixité sociale (origine
et CS) – 1968-1999 – jeunes de moins de 18 ans. ............................ 138
73
Cette liste n'inclut pas les graphes p. 53 et p. 54 figurant dans une annexe explicative
établie par Bernard Aubry.
279
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Figure 13 : Concentration (%) des jeunes d‟origine étrangère (%) – 19682006 –comparaison Alsace-Ile-de-France ......................................... 140
Figure 14 : les projets d‟habitat durable (aire strasbourgeoise) ...................... 150
Figure 15 : Une ampleur relative de la rénovation urbaine de Strasbourg
conventionnée ................................................................................... 153
Figure 16 : L'organisation spatiale du quartier durable du Brandstatt à
Ribeauvillé ......................................................................................... 157
Figure 17 : Composition colorée IRC (Infra Rouge Couleur) de trois images
SPOT acquise en 1986, 1996 et 2006 ............................................... 168
Figure 18 : Les directions d‟évolution de l‟occupation du sol de Strasbourg à
la troisième couronne (1986, 1996, 2006) ......................................... 171
Figure 19 : PD, MPS, CONGTAG and SHEI à l‟échelle du paysage .............. 174
Figure 20 : PLAND, LPI et AI à l‟échelle des éléments pour l‟ensemble des
classes d‟occupation du sol ............................................................... 176
Figure 21 : Consommation foncière en Bade-Wurtemberg et en en
Allemagne entre 1993 et 2006 (en ha/j, intégrant les voies de
communication) ................................................................................. 187
Figure 22 : Mesures pour réduire la consommation foncière en Pays de
Bade .................................................................................................. 188
Figure 23 : Positions communales sur la périurbanisation ............................. 189
Figure 24 : Question 35 (id) ............................................................................ 190
Figure 25 : Les sirènes du polder d'Erstein : .................................................. 207
Figure 26 : Rejets atmosphériques comparés en oxydes d‟azote par habitant
et par an (source Aspa année 2006a). ............................................... 207
Figure 27 : Rejets atmosphériques comparés en oxydes d‟azote par habitant
et par km2 (source Aspa année 2006a). ............................................. 208
Figure 28 : Simulation des valeurs maximales d‟ozone (µg/m3 sur une heure)
dans le Rhin supérieur le 12 juin 2003 par vent du sud-ouest avec
formation de panache d‟ozone sous le vent des agglomé-rations. .... 209
Figure 29 : Origine géographique moyenne de la pollution aux particules en
suspension (PM10) en proximité (trafic à Strasbourg) lors d‟épisodes
de pollution (Source ASPA). ............................................................... 211
Figure 30 : Pic de pollution aux particules en suspension (PM10) dans le
Rhin supérieur en période d‟inversion de température avec mise en
œuvre de mesure préfectorale d‟urgence de réduction des
émissions. (11 janvier 2009 : moyennes journalières) ....................... 212
Figure 31 : Umweltzone de Karlsruhe interdite aux véhicules les plus
polluants sans vignettes et à terme autorisée qu‟à la vignette verte. . 215
Figure 32 : Zones de dépassement de la valeur limite européenne NO 2 pour
280
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
la protection de la santé (simulation ASPA, année 2007) avec
mesure prévue de maîtrise de l‟urbanisation. .................................... 216
Figure 33 : Différence (en μg/m3) entre les moyennes passées (1960-1990)
des pics d‟ozone journaliers estivaux et les moyennes futures (20702100). Source INERIS. ...................................................................... 218
Figure 34 : Regard de la gouvernance atmosphérique................................... 220
Liste des documents
Document 1 : L'Alsace, région de fortes densités ............................................ 17
Document 2 : Trames verte et bleue de la Communauté Urbaine de
Strasbourg ........................................................................................... 25
Document 3 : Le risque inondation ................................................................... 27
Document 4 : Les milieux naturels remarquables ............................................. 28
Document 5 : Les 24 projets leviers de la CUS ................................................ 31
Document 6 : Strasbourg, projet de parc naturel urbain ................................... 39
Document 7 : Modèle de classification des espaces urbanisés en Allemagne . 75
Document 8 : Évolution de la croissance démographique dans le BadenWürttemberg ........................................................................................ 76
Document 9 : Pyramide institutionnelle de la planification territoriale en
Allemagne ............................................................................................ 78
Document 10 : Les revenus des ménages par commune ................................ 86
Document 11 : Les attractions dominantes ....................................................... 98
Document 12 : La construction de logements ................................................ 183
281
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Liste des sigles et abréviations
ADE : Association de Défense de l'Environnement
ADEUS : Agence de Développement Et d'Urbanisme de l'agglomération
Strasbourgeoise
ADIRA : Association de Développement (du département du Bas-Rhin)
AEP : Alimentation en Eau Potable
AFRPN : Association Fédérative Régionale pour la Protection de la Nature
ANRU : Agence Nationale de Rénovation Urbaine
ARIENA : Association Régionale pour l'Initiation à l'Environnement et à la Nature
en Alsace
CA : Communauté d'Agglomération
CAF : Caisse d'Allocations Familiales
CAMSA- CARMA : Communauté d'Agglomération de Mulhouse - Sud Alsace (de la
Région de Mulhouse – ou M 2 A)
CESA – CESER d'Alsace : Conseil Économique et Social d'Alsace – Conseil
Économique, Social et Environnemental Régional d'Alsace
CIN-CINE : Centre d'Initiation à la Nature – et à l'Environnement
CLAP : (fichier Insee) Connaissance Locale de l'Appareil Productif
CP-ER : Contrat de Plan État-Région, devenu Contrat de Projet État-Région
CRA : Conseil Régional d'Alsace
CRITT : Centre Régional d'Innovation et de Transfert Technologique
CSA : Conservatoire des Sites Alsaciens
CSP : Catégorie Socio-Professionnelle (v. recensements Insee)
CUS : Communauté Urbaine de Strasbourg
DIREN : Direction Régionale de l‟Environnement
DRAE : Délégation Régionale à l'Architecture et à l'Environnement
DRE – DREAL : Direction Régionale à l'Équipement / de l'Environnement, de
l'Aménagement et du Logement
DSU : Développement Social Urbain
ECOHRS : Étude d'un Cadre d'Orientation pour le Rhin Supérieur
EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunale
FEDER : Fonds Européen de Développement Régional
FSL : Fonds de Solidarité- Logement
GES : Gaz à Effet de Serre
GIEC : Groupe Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat
HQE : Haute Qualité Environnementale
IFARE : Institut Franco-Allemand de Recherche sur l'Environnement
Interreg : fonds européen de soutien aux coopérations transfrontalières
INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
INSEE : Institut National de la Statistique et des Études Économiques (souvent :
Insee)
IREPA : Institut de Recherches et Essais sur les Produits d'Alsace
IRIS (ou Iris 2000) : Ilots Regroupés selon des Indicateurs Statistiques (unités
élémentaires d'étude de l'Insee, en agglomérations
ITADA : Institut Transfrontalier d'Application et de Développement Agronomique
LOF : Loi d'Orientation Foncière (1967)
LOTI : Loi d'Orientation sur les Transports Interurbains
LT : au Lieu de Travail (emplois)
282
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
MAE : Mesures Agro Environnementales (ou – Agri)
Nimby : not in my backyard
ODONAT : Office de Données NATuralistes d'Alsace
OEDA : Organisation d'Études et de Développement de la région d'Alsace
OPAH : Opération Programmée d'Amélioration de l'Habitat
ORAC : Opération de Restructuration de l'Artisanat et du Commerce
ORTAL : Observatoire Régional du Transport et de la Logistique
PAC : Politique Agricole Communautaire
PACT : Programme d'Aménagement Concerté du Territoire
PADD : Projet d'Aménagement et de Développement Durable (complément d'un
SCOT)
PAMINA : PA = Palatinat ; MI = Mittlerer Oberrhein ; NA = Alsace du Nord
PDALPD : Plan Départemental d'Actions pour le Logement des Plus Démunis
PDU : Plan de Déplacements Urbains
PLH – PLU : Programme Local d'Habitat / d'Urbanisme
PNR : Parc Naturel Régional
POS : Plan d'Occupation des Sols
PPR : Plan de Prévention des Risques
RGA : Recensement Général de l'Agriculture
SAFER : Société d'Aménagement Foncier et d'Établissement Rural
SAGE : Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux
SAGEECE : Schéma d'Aménagement et de GEstion Écologique des Cours d'Eaux
SAU : Surface Agricole Utilisée
SCOT : Schéma de Cohérence Territoriale –v. loi SRU, 2000
SDAU : Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme – loi foncière, 1967
SDEA : Schéma Départemental de l'Eau et de l'Assainissement
SESGARE : Service des Études et de l'évaluation du Secrétariat Régional pour les
Affaires Régionales et Européennes (Préfecture de Région)
SIG : Système d'Information Géographique
SPL : Systèmes Productifs Locaux
SRU : Solidarité et Renouvellement Urbains (loi, 2000)
UNEDIC : Union Nationale pour l'Emploi dans l'Industrie et le Commerce
URCAM-ORSAL : Union Nationale (Observatoire régional) de la Santé en AlsaceLorraine
U.U : Unité Urbaine (ou agglomération faite d'une ville-centre et des communes de
sa première couronne)
VRPV : Voie Rapide du Piémont des Vosges (Bas-Rhin)
ZAE : Zone d'Activités Économiques
ZAU : Zonage en Aires Urbaines (définition Insee)
ZEP : Zone d'Éducation Prioritaire
ZNIEFF : Zone Naturelle d'Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique
ZPRAT-ZPRDT : Zone Prioritaire Régionale d'Aménagement du Territoire / et de
Développement
ZRR : Zone de Redynamisation Rurale
ZRU : Zone de Redynamisation Urbaine
ZSC : Zone Spéciale de Conservation
ZUS : Zone Urbaine Sensible
283
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Bibliographie générale
Développement durable : traits généraux et nationaux (auteurs en langue
française)
Problématique
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« Écologie humaine », v. Rudolf, F « Des Agendas 21 locaux aux indicateurs de
développement durable : la démocratie locale à l'épreuve des systèmes experts »,
p.337-350.
Auburtin, C et Vivien, F.D (dir), 2006 : Le développement durable : enjeux,
politiques, économiques et sociaux, Doc.Fr.
Barraqué, B, et Theys, J, (dir) 1999 : Les politiques de l'environnement, évaluation
de la première génération 1971-1995. éd. Recherche.
Bevort, A, 2002 : Pour une démocratie participative, Presses de Sc.Po.
Cadoret, A (dir), 2005 : Protection de la nature, histoire et idéologie, L'Harmattan
Collectif, 2000 : Comment améliorer la performance économique des territoires ?
Les 3èmes Entretiens de la Caisse des Dépôts sur le développement local, Soc des
Acteurs publics.
Collectif, 2005 : Le développement durable, les termes du débat, Colin éd. ; v.
Lascoumes, P : « Le développement durable, vecteur d'innovations politiques ? »
(p.95-107), et Smouts, M-C : « Le développement durable, valeurs et pratiques »,
p.1-6.
Collectif, 2011 : Protéger la nature, est-ce protéger la société ?, n° spécial de la
Revue Géographie et culture, n°69, L'Harmattan
DATAR (coll), 2000 : Repenser le territoire, un dictionnaire critique, Datar- éd.Aube
DATAR, in « Territoires 2030 », n°2, 2005, « Changement climatique, énergie et
développement durable des territoires ». Doc.Fr.
De Gaudemar, J.-P. (dir), 1996 : Environnement et aménagement du territoire,
Datar, Doc. Fr.
Gaudin, J.P, 2002 : Pourquoi la gouvernance ? Presses de Sc. Po
Genestier, Ph. (dir), 1996 : Vers un nouvel urbanisme... Doc.Fr.
Guay, L, Doucet, L, Bouthillier, L et Debailleul, G (dir), 2004, Les enjeux et les défis
du développement durable : connaître, décider, agir, Presses de l'Université Laval,
Québec.
Juan, S (dir), 2007 : Actions et enjeux spatiaux en matière d'environnement : de la
contestation écologiste aux mesures de protection, L'Harmattan ; Rudolf, F/ « De la
« modernité » à la « modernisation écologique », p.95-117.
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Mansebo, F, 2006 : Le développement durable, Colin U.
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diagnostics territoriaux, CERTU-dossiers.
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modernisation », in : Lazzeri, Y (dir) : Les indicateurs territoriaux de développement
durable. Questionnements et expériences, L'Harmattan, 2006, p.45-58 ;
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développement durable », in : Zittoun, P (dir) : Des indicateurs pour gouverner :
boussoles ou miroirs déformants ?, PUCA, Paris, collection « Recherches » n°196,
p. 173-197.
Theys,J, 2000 : Développement durable, villes et territoires, Note du CPVS- Melatt,
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(autres publ.
scandinaves..)
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anglo-saxons,
canadiens,
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italiens,
Zaccaï, E, 2002 : Le développement durable. Dynamique et constitution d'un
projet, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang éd.
Revue d'Allemagne, 2007, t.39, n°3 : « Les dossiers de l'environnement : regards
croisés entre l'Allemagne et la France » et : 2008, tome 41, n°3 : « Ville et
environnement en France et en Allemagne : échelles, frontières et transactions ».
Développement urbain durable
Ascher, F, 1995 : Métapolis ou l'avenir des villes, O. Jacob éd.
Beaucire F, 1996 : « Contraintes écologiques et développement urbain durable »,
in : collectif, Genestier, Ph (dir) : Vers un nouvel urbanisme, Doc. Fr.
Camagni, R, et Gibelli, M.C (dir), 1997 : Développement urbain durable, quatre
métropoles européennes (Londres, Milan, Munich, Randstad Holland), Datar-Aube.
Castel, J.C, 2005 : Les coûts de la ville dense ou étalée, CERTU
CNRS – Le courrier du CNRS, n°82, 1996 : Villes, cohésion sociale, dynamique
des territoires, bien être urbain, les valeurs de la ville, Ed. CNRS, 212 p. (v. aussi
n°81, 1994)
Collectif : 1998 : La ville éclatée, éd. Aube
DATAR, Territoires 2030, n°4, 2007 : Prospective urbaine et politique de la ville.
Despres, C, Pinson, D et Ramadier, T, 2008 « Morphologie de l'étalement urbain et
discrimination par l'automobile », in : Pinson, D éd. (Pinson D. éd.) : Métropoles en
France et au Canada, Presses Univ. Rennes, p.47-63.
Douste-Blazy, Ph, et Richert, Ph, 2000 : La ville à bout de souffle (pollution urbaine
et santé publique, éd. Plon.
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Godard, O, 1996 : « Le développement durable et le devenir des villes », in
Futuribles, p.29-35
Hamman, P (dir) – avec collab. Blanc, C et Henninger, F, 2008 : Penser le
développement durable urbain : regards croisés, L'Harmattan, Paris. V. Rudolf, F
« Les glissements de sens de l'écologie dans ses associations avec la ville :
écologie urbaine, ville écologique et ville durable », p.47-68
Hamman, P (dir), 2011 : Le tramway dans la ville. Le projet urbain négocié à l'aune
des déplacements, Presses Univ. Rennes ; postface de Rudolf, F « La mobilité
comme horizon du développement durable », p.269-284.
Hamman, P et Causer, J-Y,(dir), 2011 : Ville, environnement et transactions
démocratiques – Hommage au Professeur Maurice Blanc, Bruxelles, P.I.E. Peter
Lang éd. Ecopolis, vol.12 .
Martinand, C, in Aménagement et Nature, n°110 : « L'introuvable écologie urbaine :
génie urbain, urbanisme et environnement ».
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(synthèse du colloque de Metz d'avril 1992), 59 p. et : 1992, La Ville au risque de
l'écologie, questions à l'environnement urbain, – appel à propositions de recherche
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Pigeon, P, 1994 : Ville et environnement, Nathan-Université, 192 p.
PREDAT (séminaire national du Centre de prospective et de veille scientifique,
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Lois : de protection de la nature, sur l'eau, l'air, les déchets, les espaces naturels,
sur les études d'impact (Barnier, et « circulaire Bianco » …), et Code de
l'Environnement ;
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des Scots –).
Démocratie de proximité, 2002
sur les transports intérieurs (LOTI)
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développement durable à promouvoir à divers niveaux nationaux, régionaux et
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Cordobès, S, 2008 : « La dynamique des territoires en France », Futuribles, n°347.
Davezies, L, 2008 : La République et ses territoires, la circulation invisible des
richesses, Seuil éd.
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française d'économie, Études foncières, Futuribles, Économie et Sociétés,...
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Alsace : étapes de réflexion et d'analyse.
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(territoires, patrimoines, transports, logistique, nature, prospective...)
ADAUHR, 1998 : Étude de prospective territoriale sur la région économique de
Mulhouse (environnement, consommation d'espace, espaces en mutation,
équipements structurants)
ADEUS : Cuillier,F (dir),1994 : Strasbourg, Chroniques d'urbanisme. éd. Aube
id. 1996 : Atlas de la région de Strasbourg. Éd Nuée Bleue
id. 1999 : Les plateformes de débats de l'Adeus
id. 2010 : Les séminaires de l'Adeus
id. + CUS, 2009 : Quarante ans d'urbanisation dans la CUS : Où ? Combien ?
Comment ?
id. + AURM, ADAUHR et al, 2007 : Étude sur l'utilisation du foncier en Alsace face
aux enjeux d'aménagement du territoire, et Les conflits d'usage et les territoires
illustratifs des enjeux du foncier en Alsace.
Agreste-Alsace : Notes, et recensements agricoles
Alsace-Nature, 1995 : Trente ans pour la protection de la nature en Alsace.
Supplément au n°22 d'Alsace-Nature-Infos.
APR : Cahier n°11, 1994 : L'écologie régionale.
Ayçoberry P., Ferro M. dir. (1981), Une histoire du Rhin, Paris Ramsay, 459 p.
Bureth, A, Cohen, G, et Woessner, R, 2001 : Mesure de l'impact des transports
routiers sur le développement économique d'une zone transfrontalière, Rapport au
PREDIT (Ministère des transports), ESESJ de Mulhouse.
Chambre régionale des CCI d'Alsace, 2004 : Tableaux de bord économiques des
« Pays » d'Alsace
Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) :
a) 1990 : Projet d'agglomération de la CUS ;
b) Deuxième Projet d'agglomération de la CUS, 2000-2010 ;
c) PLH (programme local de l'habitat) de 1988, 1993, 2003 et 2009 ;
d) PDU (plan de déplacements urbains) de 1999 et 2010 ;
290
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
e) Scoters (Schéma de cohérence territoriale de la région de Strasbourg), avec
dossiers préalables sur : l'état initial de l'environnement (2002) ; prise en
compte des risques d'inondation (2002) ; diagnostic (2002) ; document final
avec PADD (2006) ;
f) « Strasbourg Grand Format » = plan de référence (2005) ;
g) Document d'orientations communautaires pour l'élaboration des Plans
locaux d'urbanisme = PLU (2009) ;
h) Démarche « Ecocités », Strasbourg métropole des Deux Rives, 2009-2011 ;
i) « Strasbourg éco-2020 », 2009-2011.
Id. + Ortenau : Livre blanc : Études préalables, 2001 ; Document pour la
concertation, 2003 ; « Livre blanc », 2004.
Conférence du Rhin supérieur (franco-germano-suisse) :
a) Lire et construire le Rhin supérieur, 1999 ;
b) Pour un avenir commun de l'espace du Rhin supérieur, 2001, « Livre blanc ».
Conseil économique et social d'Alsace (CESA-CESR d'Alsace). Avis et dossiers :
2001 (développement de la vie associative, accessibilité des services) ; 2003 (les
énergies renouvelables) ; 2006 (l'Alsace, territoire fragile ; les politiques
contractuelles) ; 2007 (gouvernance) ; 2009 (territorialité et accessibilité des
services publics, parapublics et sociaux ; devenir de l'agriculture alsacienne) ;
2011, Avis portant sur les déclinaisons du « Grenelle de l'environnement » en
Alsace.
Conseil général du Bas-Rhin, 2003-2005 : « Des Hommes et des Territoires » :
Livre bleu, tome 1 = concertation thématique (habitat, vie sociale, patrimoine,
environnement, déplacements, agriculture, tourisme) et réunions plénières 2003 et
2005.
Id : PDLPD de 2007 à 2010.
Id : 2010 : Charte du développement durable des zones d'activités du Bas-Rhin.
Conseil général du Haut-Rhin, 2002 : Prospective d'aménagement du territoire
haut-rhinois ; et PDALPD de 2007 à 2010
Id : 2010 : Contrats de territoires de vie.
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collectifs « espaces naturels et ruraux » + 2003, contribution à « Hommes et
Territoires » in : dossiers thématiques, C.G. 67
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a) 1995 : Les questions et les enjeux de la planification territoriale stratégique
en Alsace.
b) 1998 : Un projet ouvert pour l'Alsace ;
c) Schéma des services collectifs de transport en Alsace ;
d) 2003 : Étude plurimodale des transports dans le Rhin supérieur ;
e) 2005 : Cahiers d'acteurs du projet de Grand Contournement de Strasbourg.
v. aussi ci-dessus : Adeus et al, sur le foncier en Alsace, et Mission
opérationnelle transfrontalière (MOT, 2007) sur la région des « Trois
Frontières ».
291
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
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éléments comparatifs ; b) 2000 : Étude d'un cadre d'orientation pour le Rhin
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le monde animal, éd. Mars et Mercure, Colmar-Wettolsheim.
Gwiazdzinski, L, 1989 : Une première approche de l'organisation interurbaine d'un
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La recherche sur l'environnement ; b) 2001 : La recherche pour comprendre et
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Alsace, 2003 ; et 2005 : Spécialisation et concentration dans l'emploi en
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 1973-1978 : Transports (routes, « Métralsace », ferroviaire) ;
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 1975 : L'environnement dans la planification régionale, (avec DRAE et
ULP) ;
 1975-1979 : Contrats de Pays, (avec les SIVOM concernés des vallées
vosgiennes) ;
 1978 : Trame verte régionale et protection des milieux naturels ;
 1977-1979 : Le tissu rural alsacien ; La pluriactivité en Alsace.
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c) 1996 : Les questions et les enjeux de la planification territoriale stratégique
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Université Louis Pasteur (Strasbourg), 1975 : Atlas de l'environnement, convention
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Woessner, R, 2007 : L'Alsace territoire en mouvement(s). Do Bentzinger éd.
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Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
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(Strasbourg) ; Saisons d'Alsace 1962, 1985, 1991,1995, 1998...
Observatoires en Alsace : de l'habitat, de la santé, des transports, ODONAT (base
de données naturelles), et GTEA (énergie).
Bibliographie : les publications de l'APR
Les Cahiers de l'APR
1988/89-1, Initiation à la prospective, cycle de conférences.
1989/90-1, Dynamiques urbaines et gestion de l'espace, cycle de conférences.
1989-5, Réflexions sur l'armature urbaine Bâle-Mulhouse-Belfort, rencontre de
prospective.
1990/91-6, Les politiques urbaines, cycle de conférences.
1991/92-7, Pouvoirs et territoires, cycle de conférences.
1992-8, Deux scénarios pour le Rhin supérieur, 4e Congrès tripartite.
1992-9, Université et ville : culture et société civile, journées d'étude.
1993-10, Recomposition de l'espace européen et systèmes de transport : l'arc
nord-est français, Rapport final pour la DATAR.
1992/93-11, L'écologie régionale, cycle de conférences.
1992/93-12, Forum l'université et la ville, cycle de conférences.
13-14, Appel d'offres l'université et la ville, synthèse des projets.
1994-15, Les transports dans le bassin rhénan, journée d'étude.
1994-16, La dynamique des territoires. Cohésion et exclusion sociales, cycle de
conférences.
1994-17, La dynamique des territoires. Les institutions de l'aménagement du
territoire, cycle de conférences.
1995-18, La dynamique des territoires. Économie et territoire, cycle de
conférences.
1995/96-19, Modes de vie, cadres de vie, cycle de conférences.
1998 – Hors-série, Regards prospectifs. Contributions d'experts aux cycles de
conférences de l'APR. Reprise des Cahiers 1 à 19. 315 p.
2001-1, Processus de contractualisation en Alsace, planification du développement
régional urbain.
2003-1, Recompositions territoriales (pays, organisation urbaine, SCOTs,
schémas), quelles articulations ? Rapport au PUCA-PREDAT, 30 p. et
annexes.
2003/04-1, Les nouvelles technologies de l'information et de la communication :
analyse prospective et impact territorial, colloque APR, 121 p.
2004-2, Habitat et logement en Alsace, Rapport au PUCA-PREDAT, 17 p. et
annexes, 21 p.
2006-1, Dynamisme logistique en Alsace, 29 p.
2011-1, La périurbanisation en Alsace : étapes de réflexion et d'analyse, Les
Cahiers de l'Association de Prospective Rhénane 2011-1, Bernard AUBRY,
Henri NONN, Raymond WOESSNER, Strasbourg Néothèque, 209 p.
294
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2011-2, Périurbanisation, durabilité et créativité, Les Cahiers de l'Association de
Prospective Rhénane 2011-2, Actes du colloque de la MISHA, Henri NONN,
Raymond WOESSNER, Strasbourg Néothèque, 168 p.
2011-3, L’impact territorial des universités : le cas de l’Alsace, Les Cahiers de
l'Association de Prospective Rhénane 2011-3, Jean-Alain HERAUD, Tiana
RAFANOMEZANTSOA, Strasbourg Néothèque, 80 p.
Rapports de stage
CHARET Chrystel (1995), Les pays et l'Alsace : comment appliquer la notion de
« pays » sur le territoire régional ? Mémoire de stage de DESS.
BERTAUX Frédérique (1997), Les villes moyennes et l'organisation urbaine de
l'Alsace, sous la direction de Henri NONN et Bernard WOEHL.
SALISSON Karine (1999), Les impacts potentiels de l'arrivée du TGV Est européen
à Strasbourg et dans le Bas-Rhin, DESS Aménagement, 105 p. et annexes.
Coproductions
1994 – Université et société civile, Strasbourg de 1920 à nos jours, Université des
sciences sociales, APR.
1995 – Quel droit dans les quartiers ? Synthèse de la journée de réflexion du 29
mars, Préfecture de région, Cour d'appel de Colmar, APR.
1996 – Éléments d'analyse sur le modèle rhénan d'organisation urbaine, Rapport
final pour le Conseil régional d'Alsace.
1996 – Infrastructure of technological innovation, APR, BETA, ISI.
1996 – Le rôle du capital humain dans le transfert de technologie et de
compétences, APR, BETA, AUEF.
1997 –Travaux du groupe de synthèse de l'APR, Schéma régional d'aménagement
et de développement du territoire, Conseil régional d'Alsace.
1997 – Contribution de l'APR à la réflexion de l'Atelier 1 du Schéma régional
d'aménagement et de développement des territoires : une réflexion collective
sur les transformations en cours et les dysfonctionnements de l'organisation
des territoires alsaciens, Conseil régional d'Alsace.
2000 – Réflexions pour l'arrivée du TGV en Alsace, APR, Conseil général du BasRhin.
2001 – Rhin-Sud, vers l’émergence possible d’un territoire, journée du 11 mai
2001, à la FLSH de Mulhouse. APR, CRESAT & RECITS, 71 p.
2002-2003 – L'appréciation du périmètre régional et l'expérimentation des critères
de classification de l'ESS en région, APR, Préfecture de région.
2002 – La recomposition de l’espace Rhin-Sud par les transports, journée du 21
juin, à la Faculté des Sciences et des Techniques (FST) de Mulhouse. APR,
CRESAT & RECITS, 48 p.
2003 – Le patrimoine, un levier pour la renaissance des territoires, journée du 27
mai, à la FST de Mulhouse. APR, CRESAT & RECITS, 92 p.
2004 – Le retour de la prospective, journée du 28 mai, à la FST de Mulhouse.
APR, CRESAT & RECITS, 98 p.
2005 – De l’aménagement à l’intelligence des territoires, journée du 14 octobre, à
la FST de Mulhouse. APR, CRESAT & RECITS, 112 p.
2007 – Le défi logistique, journée du 20 octobre 2006, à la FST de Mulhouse.
295
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Éditions Lavauzelle, 135 p.
2007 – Rhin-Sud : un territoire en devenir ? Sous la direction de Pierre Lamard et
Raymond Woessner, collection Territoriales, UTBM, Belfort, 274 p.
2008 – Les territoires de la cohésion sociale, à la FSESJ – Fonderie de Mulhouse,
journée du 19 octobre 2007. APR, CRESAT & RECITS, 138 p.
2009 – Si Rhin-Sud était un jardin, à la Maison de l‟Université de l'UHA, journée du
24 octobre 2008. Publication des actes, L’aménagement entre nature et
culture, APR, CRESAT & RECITS, Colmar Do Bentzinger Éditeur, 167 p.
296
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
Table des matières
Partie 1 – Angles d'analyse : élus, associations, données statistiques ............. 11
1. Une vue chronologique des dispositions prises par les instances
organisationnelles – Henri Nonn .................................................................. 11
1.1 Dans les années 1970-1990 .............................................................. 11
1.2 Depuis 1995 : quelques modifications de perspectives ..................... 18
1.3 Les renforcements dans les années les plus récentes....................... 32
2. Les associations, acteurs amplement impliqués – Henri Nonn ............... 33
2.1. Les associations « s'occupant d'environnement »,
à partir de l'étude de C. Waldvogel (2011) ............................................... 34
2.2. Des Associations s'occupant d'aménagement (durable) et des
dimensions sociales ................................................................................. 39
3. Des chiffres pour tous – Bernard Aubry.................................................... 42
Annexe ......................................................................................................... 49
Partie 2 – Le développement économique ....................................................... 51
1. Les territoires émergents dans l'économie ............................................... 52
1.1 Les Pôles de Compétitivité................................................................. 54
1.2 Les grappes de la DATAR .................................................................. 57
1.3 Présomption de créativité .................................................................. 60
2. Jeux d'acteurs, modèles et conflits ........................................................... 62
2.1 La périurbanisation comme enjeu social : vers l‟émergence de nouvelles
dynamiques conflictuelles ? – Stéphane Heim......................................... 62
2.2 L'agriculture sur le territoire de la CUS
– Françoise Buffet, Aude Forget .............................................................. 71
2.3 Périurbanisation et planification territoriale en Allemagne
– Antoine Danet ....................................................................................... 73
3. Activités et emploi dans les territoires transformés par l'urbanisation
– Henri Nonn ................................................................................................ 80
3.1 Points de vue généraux ..................................................................... 81
3.2 Points de vue centrés sur l'Alsace et ses territoires ........................... 86
Partie 3 – L'équité sociale................................................................................. 99
1. Discriminations socio-spatiales en Alsace : données socio-économiques
réparties selon le zonage Insee en aires urbaines, ou rapportées aux
agglomérations de moins de 50 000 habitants
– Henri Nonn, Pauline Costantzer .............................................................. 101
1.1 Traits démographiques et sociaux ................................................... 103
1.2 Quelques traits relatifs à l'habitat ..................................................... 110
1.3 Les actifs selon les zonages en aires urbaines ................................ 113
1.4 Dynamique des Unités Urbaines (U.U.) comprises entre
< 5 000 h et 50 000 h. ............................................................................ 116
2. Vers des fractures .................................................................................. 120
2.1 Radioscopie des fractures scolaires alsaciennes
– Francis Fuchs, Raymond Woessner ................................................... 121
2.2 Les élections régionales 2010 – Article DNA de Claude Keiflin,
dimanche 7 novembre 2010 (ref. TE 02, pages régionales) .................. 128
297
Les Cahiers de l'APR – Volume n°4 – 2012-1
2.3 Voisinage et périurbanisation – Bernard Aubry ................................ 130
Annexe 1 : L‟indicateur d‟écart à la mixité sociale .................................. 141
Annexe 2 : Liste des communes ............................................................ 142
Bibliographie .......................................................................................... 142
3. La ville durable pourrait-elle être sociale ?
Le cas des villes alsaciennes – Alexandra Monot ...................................... 143
Conclusion ................................................................................................. 162
Bibliographie : ............................................................................................ 163
Partie 4 – Espaces et patrimoines .................................................................. 164
1. La périurbanisation de Strasbourg de 1986 à 2006 – identification et
quantification des évolutions du paysage – Tran D.B1. et Weber C1. ......... 165
1.1 Contexte de recherche ..................................................................... 167
1.2 Les transformations paysagères ...................................................... 172
Conclusion ............................................................................................. 178
Références ............................................................................................ 179
2. La gestion économe de l'espace ............................................................ 182
2.1 Vers une gestion économe dans l'espace du Rhin supérieur ?
– Patricia Zander.................................................................................... 182
2.2 Urbaniser autour des gares TER en Alsace : un modèle durable et
équilibré de développement des territoires ? – Sophie Mosser .............. 194
3. Changements climatiques ...................................................................... 206
3.1 Enjeux atmosphériques dans l‟espace du Rhin supérieur
– Joseph Kleinpeter ............................................................................... 207
3.2 Les impacts du réchauffement climatique : état des lieux
– Julia Timina ......................................................................................... 220
Conclusion générale .................................................................................. 231
Annexes ..................................................................................................... 234
Quelques repères chronologiques, Henri Nonn ..................................... 234
Approche par le zonage en aires urbaines (délimitations INSEE de
1999) – Pauline Costantzer, Henri Nonn, Raymond Woessner ............. 237
Le projet de canal à grand gabarit entre le Rhône et le Rhin :
un conflit sans fin ? – Raymond Woessner ............................................ 256
Le « GCO » de Strasbourg, un projet proposé et débattu
dans des contextes évolutifs (rédaction octobre 2011) – Henri Nonn .... 267
Tables......................................................................................................... 278
Liste des tableaux .................................................................................. 278
Liste des figures ..................................................................................... 279
Liste des documents .............................................................................. 281
Liste des sigles et abréviations .............................................................. 282
Bibliographie générale ............................................................................... 284
Références pour l‟Alsace et le Rhin Supérieur ...................................... 290
Bibliographie : les publications de l'APR ................................................ 294
Rapports de stage .................................................................................. 295
Coproductions ........................................................................................ 295
298