Rapport du sex workers freedom festival à Calucutta - ICAD-CISD

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Rapport du sex workers freedom festival à Calucutta - ICAD-CISD
RAPPORT DU SEX WORKERS FREEDOM FESTIVAL À CALCUTTA
Nous venons tout juste de revenir de représenter Stella au Sex Workers Freedom
Festival à Calcutta, qui s'est tenu du 21 au 26 juillet comme conférence satellite à la XIX
conférence annuelle sur le VIH/SIDA s'étant tenue à Washington D.C. Des TDS provenant de plus
de 40 pays étaient présentEs lors de cette conférence, qui a été organisée par le Durbar Mahila
Samanwaya Committee – une organisation de 65,000 TDS femmes, hommes et transgenres au
Bengale de l'ouest – ainsi que le Global Network of Sex Work Projects.
L'épidémie du VIH/SIDA n'a jamais été une question de santé publique purement neutre
et les niveaux d'infection se sont manifestés en suivant les courbes d'iniquités structurelles, à la
fois à l'intérieur des diverses sociétés et sur une échelle globale. En tant que tel, les personnes
racisées et marginalisées économiquement, politiquement continuent d'être celles qui sont les
plus vulnérables au haut niveau d'infection au VIH. Les TDS, usagerEs de drogues, les HARSAH,
les personnes trans et celles vivant dans des pays africains sous les réalités du néo-colonialisme;
en gros, des populations vivant déjà sous des niveaux extrêmes de violence structurelle, sont
également celles qui sont les plus directement touchées par l'épidémie du VIH/SIDA. Ceci étant
vrai, cependant, lorsque les ressources ont été attribuées, ces communautés ont également été
les plus créatives, efficaces et carrément brillantes dans leur initiative de créer des programmes
de prévention du VIH par les pairs pour leurs propres communautés. Les TDS et les usagerEs de
drogues ont été à la fois innovantes et qualitatives de succès dans leurs approches faisant appel
à l'éducation populaire, la promotion du dépistage et du traitement du VIH, et de réduire les
taux de transmission, alors même que leurs vies continuent d'être criminalisées, stigmatisées, et
systématiquement dévaluées.
Compte tenu de cette réalité, il est surprenant et profondément insultant pour les TDS
de par le monde que Washington ait été choisie comme emplacement pour une conférence
internationale sur le VIH / SIDA. Bien que ''respectueuses de la loi'' les personnes séropositives
sont maintenant en mesure d'entrer aux États-Unis depuis que l'interdiction de voyager a été
levée en 2009, l'emplacement choisi était encore un lieu d'exclusion pour les personnes mêmes
dont les voix sont cruciales pour mener à bien la lutte contre le VIH - en raison de restrictions
sur les déplacements des personnes usagères de drogues, et les TDS sont encore largement
incapables d'entrer aux États-Unis. L'emplacement de cette conférence a également été
largement critiquée par de nombreuxSES participantEs au SWFF en raison du rôle du
gouvernement des États-Unis dans la promotion et l'exportation de l'idéologie plutôt que la
santé dans la crise du VIH au niveau international par l'intermédiaire du programme PEPFAR
(President's Emergency Plan for AIDS Relief).
Ce programme national et international lie le financement américain pour la lutte contre le VIH
avec ce qui est familièrement appelé comme une «promesse anti-prostitution », dans lequel les
groupes participants, dont la plupart sont des organisations non gouvernementales (ONG)
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indépendantes, sont contraints d'adopter une position anti-prostitution et de censurer leur
discours lié au travail du sexe, même lorsque celles-ci reçoivent des fonds privés. Pratiquement
parlant, cela interdit de façon directe les collectivités touchées dans les pays en développement
de construire et développer des programmes efficaces de réduction de risques de contracter le
VIH; tels que la défense de droits, l'empowerment et la prévention par les pairs pour les TDS. En
effet, des conférencierEs en provenance du Cameroun et du Congo en particulier ont cité
l'absence de tout financement pour les organisations de TDS et de la quantité massive de fonds
pour l' «anti-prostitution» comme des obstacles majeurs freinant considérablement leur
capacité à lutter contre le VIH dans leurs pays d’origine.
Tristement célèbres dans l'art de faire jaillir des solutions créatives, les TDS ont pu transformer
cette colère et cette déception en une opportunité pour créer des liens, faire du réseautage et
construire un mouvement international grassroot pour lutter contre le VIH, la violence, la
criminalisation et la stigmatisation vécues globalement par lesTDS. Une énergie combative et
créatrice s'est imprégnée au Sex Workers Freedom Festival, dont le slogan officiel était le
ludique, mais vrai «Sauvez-nous de nos sauveurs». Ce n'était ni la première, ni la dernière fois
que les TDS se retrouveraient exclues des grands forums portant sur des sujets les touchant
directement et ayant une incidence directe sur leur vie et de travail; mais néanmoins, environ
une centaine de TDS femmes, hommes et trans ont fait le voyage à Calcutta afin de rejoindre
plus de cinq cents TDS indiens pour dénoncer les diverses injustices perpétrées contre elles et
eux dans leurs pays d'origine.
En mettant de côté cette politique de l'exclusion, il y avait certains avantages stratégiques
majeurs à cette conférence d’être une conférence satellite, plutôt qu'à la principale conférence
VIH/SIDA, y compris la capacité et l'espace pour adresser le travail du sexe et le VIH sous une
loupe plus large que celle reposant purement sur une approche épidémiologique ou sur des
cadres strictes d’une approche en santé publique. Les participantEs ont pu discuter des réalités
du VIH dans une optique plus vaste, une optique holistique fondée sur les droits et ayant une
perspective davantage centrée sur le principe de base que les TDS ont besoin de droits pour être
en mesure d'être des actrices et des acteurs de premier plan dans la lutte contre le VIH.
Lakshmi, une travailleuse du sexe hijra, directrice des programmes à Ashodaya, une initiative par
et pour les TDS à Mysore, en Inde, est également une vigoureuse militante qui résume bien
cette initiative en déclarant qu'il «est crucial que nous ayons accès à des fonds pour le
dépistage, mais ce que bien des gens ne comprennent pas, c'est que nous avons également
grand besoin de moyens pour lutter contre la violence ".
En raison de cette approche voulant que ''seulement des droits peut arrêter les torts'' appliquée
au travail du sexe et au VIH, la conférence a été organisée autour de 8 libertés jugées
nécessaires afin que les TDS puissent vivre dans la liberté et avec dignité : la liberté de s'associer
et de se syndiquer, la liberté d'être protégéEs par la loi, la liberté contre les abus et la violence,
la liberté de la stigmatisation et la discrimination, la liberté d'accéder aux services de santé de
qualité, la liberté de mouvement et de migrer, la liberté de travailler et de choisir l'occupation,
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et la liberté d'atteindre la sécurité financière. Chacune de ces libertés a eu son propre panel
formé de conférencierEs provenant d'une grande diversité de pays dont, en autres, le Kenya, la
Serbie, le Cambodge, le Mexique, l'Ouganda, le Guyana, le Népal, le Pérou, la Thaïlande, le
Myanmar, la Russie. Celles-ci venaient témoigner de leurs attestations de premières lignes
concernant les abus de leurs droits auxquelles elles et ils sont confrontéEs dans leurs pays
respectifs de la part de la police, des acteurs étatiques, de l'industrie anti-traite, ainsi que des
chefs religieux. Chaque conférencierEs ont discuté de la manière dont ces abus affectent leurs
capacités à lutter efficacement contre le VIH à l'intérieur de leurs communautés de TDS.
Alors que certains sujets tels que les taux élevés de violence vécues par les TDS en raison de la
stigmatisation sociétale, la criminalisation, et l'impunité des agresseurs, étaient à peu près
universelle dans les pays de tous les niveaux de revenu (quoique variable en degré et la gravité);
certaines particularités ont étés soulevées concernant les TDS provenant de différentes régions
et ont été mises en évidence. Des conférencierEs provenant de l'Ouganda, du Cameroun et du
Congo ont tous et toutes amené la difficulté d'accès aux préservatifs dans de nombreux pays
africains en raison de leur prix prohibitifs, ainsi que les résultats vérifiables d'un cruel manque
de traitements ARV à la fois abordables et aisément disponibles. Les TDS de Thaïlande ont fait
état de leur propre recherche démontrant les effets extrêmement nocifs de la "lutte contre la
traite", menée par des efforts poussés conjointement par les féministes anti-travail du sexe et le
gouvernement des États-Unis. Les TDS thaïlandaises ont documenté que cette approche cause
davantage de tort aux TDS que ceux causés par les trafiquants eux-mêmes.
Les réalités des TDS masculins et trans sont souvent invisibilisées lors des discussions entourant
le travail du sexe et, afin de remédier à cette sous-représentation, leurs voix et réalités ont été
mises en évidence lors de panels et d’ateliers tout au long de la semaine. Plusieurs questions
liées au genre ont étés mises en lumière, y compris le vécu des TDS masculins concernant la
prévalence de la violence homophobe. En outre, plusieurs TDS transgenres ont dénoncé les
effets néfastes de nombreux organismes de prévention du VIH qui identifient erronément les
personnes trans comme étant "HARSAH", un raccourci pour les hommes ayant des rapports
sexuels avec des hommes, leur enlevant du pouvoir en leur refusant le procédé d'autoidentification le plus basique concernant la prévention et le traitement du VIH et, plus
généralement, de la santé.
Au-delà du dialogue à la fois nécessaire, extrêmement éducatif et le partage des connaissances;
il y avait plusieurs résultats plus positifs et inspirants de cette mise en commun. Les usagerEs de
drogues présentEs se sont auto-organiséEs entre eux afin de créer un message global à propos
des droits et des besoins des usagerEs de drogues.
En plus de cela, plusieurs réunions et ateliers entre TDS VIH+ ont fait partie de la création et du
lancement d'un nouveau réseau international regroupant des TDS VIH+ de la région de l'AsiePacifique, nommé APNSW positive (+), qui viendrait complémenter le Asia Pacific Network of
Sex Workers (APNSW) déjà existant. Enfin, un des points forts de la semaine était lorsque plus
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de cinq mille TDS ont défilé pour les droits et la reconnaissance à travers le ''quartier rouge'' de
Calcutta.
Une porte-parole d'Empower, l'organisation des TDS basée en Thaïlande a déclaré qu' "en tant
que TDS, on attend de nous d'arrêter à la fois l'épidémie de VIH, tout en étant perçuEs et
traitéEs comme de pathétiques victimes ". Sans se soucier de ce fait, les TDS à travers le monde
s'organisent de plus en plus au niveau local et international; en exigeant la décriminalisation et
la fin de la stigmatisation, de la violence et la discrimination. Il est important que ces voix soient
entendues plutôt qu'elles soient exclues, puisque ces droits sont nécessaires, non seulement
pour l'autodétermination des TDS elles-mêmes, mais également afin d'aider les travailleurs du
sexe à lutter efficacement contre l'épidémie du VIH.
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