L`après Kyoto

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L`après Kyoto
L’après Kyoto
Etat des lieux de l’application du Protocole de Kyoto
et enjeux post-2012
Morgan Mozas
Chef de Projet – Développement Durable
(décembre 2009)
Sommaire
Introduction
I- Historique
1- La Naissance du GIEC
2- La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
3- Le Protocole de Kyoto
a- trois mécanismes pour réduire les émissions de GES
b- L’ébauche de l’après-Kyoto
4- Kyoto : Un bilan mitigé
II – Post-Kyoto : Ambitions et limites des engagements des pays industrialisés
1- Volonté et objectifs formulés par les pays industrialisés
a- L’Europe en pointe
b- L’ouverture timide des Etats-Unis
c- Le Japon à l’étiage
d- Les réticences canadiennes
e- L’Australie : une bataille de politique intérieure
f- Le cas particulier de la Russie
g- L’exemplarité : un atout pour l’Europe
2- Avenir des marchés du carbone
a- Mécanismes du marché carbone
b- Marché primaire et marché secondaire
c- Le marché européen du carbone
d- Un premier bilan discutable
e- De nouvelles ambitions européennes
3- Taxe carbone nationale, aux frontières ou universelle
a- Les limites du marché carbone
b- L’émergence du concept de taxe carbone
c- La piste d’une taxe universelle sur le carbone
d- Une solution controversée : la taxe carbone aux frontières
4- Quels engagements pour une économie décarbonée ?
a- Une palette d’instruments incitatifs pour décarboner l’économie
III - Post-Kyoto : Les exigences formulées par les pays en développement et les pays émergents ou en transition
économique
1- La position des pays en développement : refus quasi général d’objectif de réduction d’émissions
de GES assorti d’une demande d’aide financière
a- Un refus unanime…
b- … à moins d’une aide financière à long terme
c- Le développement comme priorité
d- Quelle stratégie d’adaptation pour les pays pauvres ?
e- Le coût de l’adaptation au changement climatique
f- Vers un durcissement de la position des pays du Sud ?
2- Les différentes positions adoptées par les pays en transition économique ou émergents
a- La Chine : vers une adoption à long terme d’objectifs chiffrés
b- L’Inde, une position plus intransigeante
c- Le Brésil : une approche plus conciliante
d- La « vigilance » des pays de l’OPEP
IV- Les réponses des pays industrialisés et les institutions internationales face aux requêtes des pays en
développement
1- La volonté apparente des pays industrialisés de limiter leur soutien aux pays en développement
a- Vers une remise en cause de la classification relative à l’Annexe I ?
2- L’accompagnement nécessaire des pays en développement dans l’effort global d’atténuation
a- Les insuffisances des mécanismes MDP
b- Les avantages des approches sectorielles
c- La problématique liée à la déforestation
d- De l’importance de nouveaux outils incitatifs
3- La question cruciale du financement de l’adaptation
a- L’évaluation des coûts d’adaptation
b- Une diversité de fonds de financement
Conclusion
2
Introduction
La présente Note a pour objectif de résumer les enjeux liés aux négociations actuelles à propos du
changement climatique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) qu’il impose.
Dans un premier temps, le document résume les différentes étapes qui ont conduit à l’adoption et à la
mise en œuvre du Protocole de Kyoto. Le dispositif établi par le protocole couvre la période 20082012 et doit être remplacé par un nouvel accord international qui définira le nouveau cadre mondial de
réductions des émissions de GES. Ce nouveau traité est appelé à être approuvé lors du Sommet de
Copenhague qui est organisé du 7 au 18 décembre 2009 au Danemark.
La position des différents pays industrialisés (dont la liste est définie dans l’Annexe I de la
Convention-cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique) concernant leur engagement
national de réductions de rejets carbonés est ensuite présentée. Les ambitions et les implications
différentes de ce groupe de pays dans le processus de lutte contre le changement climatique ne
permettent pas de présenter une position unie des pays riches pour l’adoption d’un nouveau régime
post-Kyoto assorti d’objectifs plus contraignants.
Le document expose dans un troisième temps le discours quasi unanime de l’ensemble des pays en
développement eu égard à leur refus de se soumettre à des objectifs de réduction d’émissions chiffrés.
Leurs réclamations se concentrent sur l’augmentation de transferts de fonds et de technologies à leur
égard. Les particularités et les positions de certains pays émergents sont en outre présentées de
manière plus approfondie.
Pour finir, une analyse est portée sur la position et les moyens d’action des pays de l’Annexe I et des
institutions inter-gouvernementales pour répondre aux requêtes des pays en développement, et mettre
en place une nouvelle architecture sensée pouvoir accompagner les pays vulnérables dans la lutte
globale contre le réchauffement climatique et financer leur adaptation à ces nouvelles contraintes
environnementales.
Il convient enfin de noter que ce travail n’est qu’une première étape dans une réflexion de fond qui va
porter sur les politiques des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée en matière d’adaptation au
changement climatique. Avant d’entamer ce travail, il nous a semblé en effet nécessaire de débuter par
une approche plus générale concernant les négociations internationales pour trouver un prolongement
à l’actuel Protocole de Kyoto dont l’application est elle-même problématique au sein des nations
industrialisées.
3
I- Historique
1- La naissance du GIEC
La prise de conscience de la communauté internationale sur les conséquences que pourrait engendrer
le changement climatique sur la planète s’est manifestée il y a près de 30 ans. En 1979, lors de la
première conférence mondiale organisée sur le climat, les pays participants ont confié à l’Organisation
météorologique mondiale (OMM), au Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et
au Conseil international des unions scientifiques (CIUS) la conduite d’un programme de recherche
climatologique mondial. En 1988, l’OMM et le PNUE ont créé le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), institutionnalisant le processus de discussion
intergouvernementale sur les changements climatiques initié quelques années plus tôt.
Cet organe supranational constitue depuis un espace d’échanges scientifiques à qui l’on a confié la
mission d’évaluer de manière objective et impartiale la littérature scientifique mondiale publiée sur le
thème du réchauffement climatique, afin de fournir aux décideurs politiques une synthèse des
connaissances disponibles sur le sujet. Composé de 2 500 experts issus de 130 pays, le GIEC publie
tous les cinq ans un rapport qui dresse un état des lieux des connaissances en la matière.
2- La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
En 1990, dans son premier rapport, le GIEC dresse le bilan des connaissances scientifiques sur les
changements climatiques et leurs possibles répercussions sur l’environnement, l’économie, la société
et reconnaît une évolution non naturelle du climat. Les conclusions de ce rapport vont jouer un rôle
décisif pour l’adoption de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
(CCNUCC) lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992. Cette convention constitue le premier traité
international reconnaissant le danger que peut exercer, directement ou indirectement, l’activité
humaine sur le climat. L’objectif de stabiliser la concentration de gaz à effet de serre (GES) dans
l’atmosphère à un niveau qui prévient toute perturbation anthropique (c'est-à-dire d’origine humaine)
dangereuse du climat est clairement énoncé1.
Parmi les principes posés par cette convention, on retient :
- le principe de responsabilités communes mais différenciées : chaque pays signataire reconnaît
l’impact de ses propres émissions de gaz à effet de serre sur le réchauffement climatique mais l’on
considère que les pays les plus industrialisés doivent être à l’avant-garde de la lutte contre les
changements climatiques
- le principe de précaution (afin de prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements
climatiques et en limiter les effets néfastes),
- le principe du droit au développement durable : les actions se prennent dans le respect du
développement économique de chaque pays
En outre, cette convention présente la particularité de classer les états en deux groupes : d’un côté, les
pays de l’annexe I (pays considérés comme développés en 1990 et pays en transition, vers l’économie
de marché), de l’autre, les pays hors annexe I (pays considérés en développement, en 1990). Les
premiers portent une responsabilité historique dans le changement climatique en raison de leur
développement précoce très émetteur en gaz à effet de serre. Les pays du second groupe ne peuvent
être considérés comme ayant joué un rôle dans le réchauffement du climat et sont donc exonérés
d’engagement dans la convention-cadre. Enfin, en créant une structure de gouvernance internationale
1
Il convient de préciser que si le terme « carbone » est généralement utilisé, cela se justifie par le fait que le
dioxyde de carbone (CO2) demeure le principal gaz à effet de serre
4
s’intéressant aux aléas climatiques, la Conférence des Parties (COP), un processus continu des
négociations internationales est mis en place. La Convention-cadre entre en vigueur en 1994.
3- Le Protocole de Kyoto
Toutefois, avec la CCNUCC, les États s’engagent à stabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre,
sans que cet « engagement » soit quantifié. Le protocole de Kyoto, adopté en 1997, vient remédier à
cette carence en posant des règles qui contraignent les pays industrialisés, parties au protocole, à
s’engager à réduire en des termes chiffrés leurs émissions de gaz à effet de serre. Ouvert à ratification
en mars 1998, le protocole de Kyoto est entré en vigueur en février 2005, trois mois après sa
ratification par la Russie.
Ce traité international, tout comme la Convention-cadre à laquelle il est rattaché, retient le système
binaire du principe de responsabilités partagées mais différenciées. Les pays développés et en
transition, pays dits de l’Annexe B du Protocole (il s’agit des pays listés à l’Annexe I de la
convention climat, exceptés la Biélorussie, la Croatie et la Turquie) qui ratifient ce traité
s’engagent à réduire leurs émissions de 6 gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O, HFC, PFC, SF6)
en moyenne de – 5,2% sur la période 2008-2012 par rapport à leur niveau de 1990.
Les pays hors annexe B (pays en développement) n’ont pas d’engagements quantifiés de réduction
mais s’engagent néanmoins à remettre au secrétariat de la Convention Climat un inventaire mesurant
leurs émissions et à communiquer sur leurs contributions dans l’action collective contre le
réchauffement climatique. Les objectifs définis par chacun des pays de l’Annexe B varient néanmoins
selon les projections de croissance de leurs émissions, leur capacité de financement et leur volonté
politique de lutter contre le changement climatique. Si certains états comme le Japon ont prévu une
baisse de leurs émissions de 6%, d’autres comme la Russie et l’Ukraine ont profité de la chute de leurs
émissions entre 1990 et 1997 pour avoir le droit d’émettre annuellement autant de gaz à effet de serre
sur la période 2008-2012 qu’en 1990.
En outre, les Etats-Unis, plus gros émetteur en 1990, ont signé le protocole mais ne l’ont pas ratifié, et
n’ont donc pas d’engagements chiffrés de limitation de leurs émissions pour la période 2008-2012.
L’Union Européenne à 15, très impliquée dans le processus de lutte contre le risque climatique, s’est
fixée l’objectif collectif de réduction de 8% avec la mise en place d’objectifs différents en interne pour
chaque état membre (Allemagne : -21%, Italie : -6,5%, France : 0%, Espagne : +15%).
a- Trois mécanismes pour réduire les émissions de GES
Trois mécanismes fondamentaux sont prévus dans le protocole de Kyoto pour atteindre les objectifs de
réduction fixés :
- un système international d’échanges de permis d’émissions entre les parties visées à l’Annexe B
pour qu’elles remplissent leurs engagements. Chaque pays de l’Annexe B reçoit un nombre d’Unités
de Quantité Attribuée (UQA/ 1 UQA = 1 tonne de CO2) correspondant à son quota d’émissions de gaz
à effet de serre fixé par le Protocole. Dès lors, si l’état émet plus que prévu, il peut acheter des UQA
supplémentaires sur le marché international, et inversement, s’il émet moins, il peut vendre des UQA.
Le Protocole retient le système « cap and trade » (plafonnement d’émissions et échange de permis
d’émissions).
La comptabilité de l’ensemble du système est assurée par le secrétariat de la CCNUCC qui a mis en
place pour cela un registre international des transactions, baptisé ITL (International Transaction Log).
Les réductions doivent être effectuées sur la période 2008-2012. Plusieurs marchés de permis
d'émission ont été mis en place à l'échelle d'entreprises, de groupes d'entreprises, ou d'Etats. Le
système européen d’échange de quotas qui a été lancé le 1er janvier 2005 constitue le premier et le plus
grand système d'échange de quotas d'émission de gaz carbonique du monde. Il couvre plus de 12.000
installations européennes responsables à elles seules de plus de 40% des émissions de gaz à effet de
serre de l'UE.
5
- un mécanisme de flexibilité permettant d’obtenir des crédits avec la réalisation de projets de
réduction des émissions dans d’autres pays développés : la Mise en œuvre conjointe (MOC). Les
projets négociés entre deux pays de l’Annexe B du protocole de Kyoto, génèrent ainsi des Unités de
réduction d’émission (URE) de gaz à effet de serre qui ne sont pas des créations d’unités de réduction
supplémentaires, mais de véritables transferts d’unités de réduction d’un pays développé à un autre.
Compte tenu de la chute de leurs émissions entre 1990 et 1997, ce sont surtout la Fédération de Russie
et l’Ukraine qui ont bénéficié de ce mécanisme car ces deux pays génèrent au cours de la première
période Kyoto (2008-2012) le plus de crédits issus de projets MOC.
- le Mécanisme de Développement Propre (MDP) présente l’opportunité de créditer des réductions
d’émission obtenues grâce à des projets volontaires conduits dans des pays en développement, non
soumis à des engagements de réduction de leurs propres émissions. Un pays de l’Annexe B, ou un
porteur de projet basé dans un pays de l’Annexe B, qui entreprend son projet MDP obtient ainsi des
Unités de Réduction Certifiée des Emissions (URCE) qui constituent une création nette d’unités de
réduction. Ces projets permettent de favoriser les investissements des pays développés vers les pays en
développement et le transfert de technologies peu émettrices. Ils doivent être validés et enregistrés par
le secrétariat de la CCNUCC.
b- L’ébauche de l’après-Kyoto
Le protocole de Kyoto entre en vigueur au mois de février 2005 et les discussions sur le régime futur
de réductions d’émissions débutent la même année au mois de décembre à la conférence de Montréal.
Ce sont les travaux de la 13ème Conférence des Parties à la Convention Climat (COP13) et de la 3ème
réunion des parties au protocole de Kyoto, tenus à Bali au mois de décembre 2007, qui viennent
définir un cadre de travail plus détaillé et une échéance fixe dans le processus de négociations du
changement climatique pour envisager le régime post-Kyoto.
Dans le cadre des négociations de la conférence de Bali, un plan d’action est ainsi adopté pour
parvenir à un accord global lors de la conférence de Copenhague qui est prévu d’être acté par la
signature d’un nouveau traité. En gardant comme date butoir le mois de décembre 2009, cette « feuille
de route » invite les 190 états partis à la Convention des Nations unies sur les changements
climatiques (CCNUCC) :
- à la détermination d’une vision commune de l’action concertée à long terme en retenant notamment
un objectif global à long terme de réduction des émissions qui répond à l’esprit de la Convention
Climat.
- à la mise en place d’actions renforcées d’atténuation provenant de la part de toutes les parties
- à la mise en œuvre d’actions d’adaptation, de développement et de transferts de technologies, et des
actions permettant de mobiliser l’investissement et la finance
Les parties ont en outre décidé de créer un groupe de travail ad hoc, nommé « groupe de travail spécial
sur l’action concertée à long terme au titre de la Convention » qui est tenu de présenter les résultats de
ses travaux à la Conférence des Parties pour adoption à sa quinzième session (Conférence de
Copenhague). Le Plan d’action de Bali invitait ainsi les parties à trouver un accord dans les deux
années suivantes définissant le régime post-Kyoto de lutte contre les gaz à effet de serre (GES) et à
l’entériner par une décision lors de la COP15, conférence des parties organisée à Copenhague, au
Danemark, en décembre 2009.
4- Kyoto : un bilan mitigé
La Convention Climat et le Protocole de Kyoto ont mis en place des repères et des mécanismes qui
constituent aujourd’hui les fondations du dispositif d’action de lutte contre le changement climatique à
l’échelle mondiale. Si les principes posés par le protocole de Kyoto n’ont pas été adoptés par tous les
principaux pays émetteurs et par certains pays occidentaux, ils constituent néanmoins une base de
réflexion pertinente et un acquis normatif cohérent qui a permis d’enclencher un mouvement collectif
de réduction des émissions.
6
L’innovation-clé du système Kyoto est d’avoir notamment conféré une valeur économique au carbone
avec la mise en place du marché international des crédits carbone. Les industriels les plus pollueurs
ont commencé à prendre conscience qu’ils devaient évaluer leur taux d’émission de CO2 et prendre
des mesures décisives pour réduire leur impact environnemental. Le système Kyoto a également
encouragé les pays et les représentations administratives locales des pays de l’Annexe B du Protocole
à mettre en œuvre de nouvelles politiques énergétiques qui privilégient des solutions peu ou pas
émettrices de gaz à effet de serre. L’adoption d’objectifs légalement contraignants a permis en outre
d’établir un cadre d’action international lisible et d’évaluer les défis relevés par chacun des pays
parties au protocole avec l’obligation de remise de rapports d’information au secrétariat de la
CCNUCC.
A l’heure des bilans, plusieurs critiques sont toutefois adressées au dispositif mis en place par le
Protocole de Kyoto. L’absence de grands pays émetteurs de l’Annexe I de la Convention Cadre (EtatsUnis, Australie) dans le régime Kyoto a tout d’abord porté atteinte à l’intégrité et à la crédibilité du
système. Le principe de « responsabilités communes mais différenciées » mérite en outre des
ajustements car il offre aux pays émergents, dont les émissions polluantes augmentent, la possibilité de
se retrancher derrière ce principe pour s’interdire tout objectif de réduction d’émissions. Des doutes
persistent par ailleurs sur la réalité des crédits carbone générés par les projets MDP dont certains n’ont
pas été correctement évalués ou se révèlent défectueux.
Dès lors, on est en droit de se demander si l’ensemble des pays de l’Annexe I de la Convention-Cadre
vont s’accorder sur le nouveau régime post-Kyoto et s’imposer des objectifs plus contraignants
chiffrés. Dans le même temps, peu de signes encourageants laissent espérer un engagement de
réductions des émissions de CO2 des pays en transition économique ou encore de pays en
développement. Il apparaît que leurs réclamations se résument à un plus grand transfert de fonds et de
technologies. Enfin, tenant compte du cas particulier de certains pays émergents et des anomalies du
Protocole de Kyoto, il convient de déterminer dans quelle mesure les pays de l’Annexe I vont
répondre aux requêtes des pays en développement et instaurer de nouvelles règles capables d’établir
un régime international adapté et durable de lutte contre les émissions de GES et d’adaptation au
changement climatique.
II – Post-Kyoto : Ambitions et limites des engagements des pays
industrialisés
Sans implication des Etats-Unis, le système mis en place par le Protocole Kyoto s’est donc avéré peu
convaincant. La nouvelle architecture définissant le régime de réduction des émissions pour la période
post-2012 doit dès lors rassembler l’ensemble des pays industrialisés et obtenir leur engagement sur
des objectifs de réduction d’émissions ambitieux. Plusieurs mécanismes méritent d’être développés
pour accompagner ces engagements et inciter les pays industrialisés à s’orienter vers une économie
décarbonée. Si la plupart de ces points sont partagés par les pays de l’Annexe I de la Convention
Cadre, les moyens d’action préconisés apparaissent toutefois divergents.
1- Volonté et objectifs formulés par les pays industrialisés
Les mois précédant le sommet international de Copenhague ont été ponctués par de nombreuses
déclarations de la part des pays occidentaux. Si la plupart des pays de l’annexe I de la CCNUCC
s’accordent tous à dire qu’il faut fixer des objectifs chiffrés qualifiés le plus souvent « d’ambitieux »,
chacun d’entre eux module néanmoins son discours en fonction des engagements annoncés par les
autres pays industrialisés et également eu égard à la position de certains grands pays en transition
économique.
a- L’Europe en pointe
7
Compte tenu de la volonté exprimée par ses membres de réduire leurs émissions, et des objectifs
contraignants qu’ils se sont fixés, l’Union Européenne se présente comme un fer de lance dans le
processus de négociation. Lors de la conférence de Bali en 2007, l’UE avait notamment proposé
d’inclure dans le plan d’action un objectif de réduction de 25% à 40% des émissions de gaz à effet de
serre à atteindre d’ici à 2020 par les pays industrialisés. Celui-ci avait été rejeté par le gouvernement
américain, et il avait été seulement retenu dans le texte que «des réductions sévères des émissions
mondiales devront être conduites ».
En adoptant le « paquet énergie-climat » en décembre 2008, l’Union Européenne confirme néanmoins
sa détermination à se fixer des objectifs ambitieux. Ce plan d’intervention se résume en trois objectifs
majeurs, les trois « 20 », qui devront être atteints d’ici 2020. Un premier objectif vise à réduire les
émissions de gaz à effet de serre de 20%, un autre objectif fixe la part des énergies renouvelables dans
la consommation énergétique de l’Europe à 20% et enfin 20% d’économies d’énergies devront être
gagnées en améliorant l’efficacité énergétique. Ce plan d’intervention présente toutefois des
aménagements qui en limitent le caractère volontaire. Il reste en effet tout d’abord possible aux états
membres de réaliser jusqu’à 50 % de leurs réductions d’émissions d’ici à 2020 en dehors du territoire
européen. Il est également envisagé que les états membres aient la possibilité de faire provenir
leurs sources d’énergie renouvelable depuis des territoires non européens, notamment en
bénéficiant du Plan Solaire Méditerranéen.
Le discours de l’Union Européenne reste toutefois identique depuis 2007 : elle se fixe comme objectif
une réduction de 30% de ses émissions au titre d’une contribution au sein d’un accord mondial global
et s’engage fermement, et indépendamment de l’issue du prochain accord international, à une
réduction de 20% par rapport à 1990.
b- L’ouverture timide des Etats-Unis
S’agissant de la position des Etats –Unis, beaucoup d’espoir semble permis depuis l’installation de la
nouvelle administration conduite par le Président Obama en janvier 2009. Les déclarations multiples
du Président Obama pour parvenir à un accord mondial de lutte contre le changement climatique
viennent en effet modifier les termes du dialogue entre les parties négociatrices de l’annexe I, après
l’ère Bush qui a été marqué par un rejet de participation à un accord multilatéral. Ce changement
d’attitude demeure important car les Etats-Unis demeurent un dès états les plus pollueurs de la planète.
En termes d’émissions par habitant, les Etats-Unis dégagent 20 Teq CO2/hab contre environ 10 Teq
CO2/hab pour l’Union Européenne et 5 Teq CO2/hab pour la Chine. En valeur absolue, la donne
diffère toutefois car depuis 2008, la Chine est devenu le pays le plus gros émetteur du globe. Les
Etats-Unis doivent impérativement mettre en œuvre des mesures drastiques pour tenter de réduire
leurs émissions qui ont augmenté de 20% entre 1990 et 2005 et en limiter la part des combustibles
fossiles dans la production d’électricité (la moitié de l’électricité est produite à partir de centrales à
charbon).
L’implication de la nouvelle administration dans les négociations climatiques qui se tiendront sous
l’égide des Nations Unies à Copenhague reste ainsi très attendue compte tenu des démarches répétées
des Etats-Unis au sein d’instances informelles de discussions. En 2006, les Etats-Unis avec l’Australie,
la Chine, l’Inde, la Corée du Sud et le Japon lançaient le Partenariat de l’Asie-Pacifique pour le
développement propre et le climat. L’année suivante c’était au tour de la Conférence des grandes
puissances économiques (Major Economies Meetings) sur la sécurité énergétique et les changements
climatiques de voir le jour. Cette dernière forme de réunion a été reprise par le Président Obama au
mois de mars 2009 pour servir de forum de négociations sur le climat venant en appui au processus
des Nations Unies. Les « MEM » rassemblent les membres du G8 ainsi que le Mexique et l’Indonésie.
Au sein de cette instance, le Président des Etats-Unis s’est exprimé en faveur d’une baisse des
émissions de son pays de 14% d’ici à 2020 et de 80% d’ici à 2050.
Au regard des dernières positions américaines exprimées au sein de multiples instances internationales
de négociations et des récents textes de lois votés par le parlement (Energy Policy Act en 2005,
Energy Independence and Security Act en 2007), il apparaît que la politique climatique des Etats-Unis
8
s’est jusqu’ici principalement limitée à encourager le progrès technologique dans le domaine des
énergies propres. La volonté affichée du Président Obama de soumettre son pays à des objectifs
chiffrés de réductions d’émissions doit en outre être relativisée car il prend pour base de référence
l’année 2005 (contrairement aux dispositions du Protocole de Kyoto qui retiennent l’année 1990) dans
son plan de réduction des émissions de GES qui devraient diminuer de 17% d’ici 2020. Bien que le
Président américain prévoit une poursuite importante de ses réductions d’émissions pour l’après 2020
(30% d’ici à 2025, 42% d’ici à 2030 puis 83% d’ici à 2050), cet engagement retardé par rapport aux
autres pays industrialisés témoigne de l’interprétation donnée par les Etats-Unis sur le caractère
d’urgence des actions à prendre en termes de réductions des émissions. Par ailleurs, ces dispositions
associées à d’autres propositions sont incluses dans un projet de loi (loi Waxman-Markey) qui, à la
veille de la conférence de Copenhague, n’a pas été encore voté par le sénat américain et pourrait avoir
de réelles difficultés à être adopté par ce dernier. L’adoption d’un futur protocole climat dépend en
grande partie de la position américaine et la situation présente laisse à penser que les principales
décisions pourraient être prises après le sommet mondial de Copenhague en 2010.
c- Le Japon à l’étiage
Deuxième économie mondiale, le Japon demeure le cinquième émetteur de gaz à effet de serre,
derrière la Chine, les Etats-Unis, l'Inde et la Russie. Son objectif de réduction de 6% reste difficile à
atteindre car comme la France, l’énergie nucléaire occupe une place importante dans le parc électrique
et le pays a déjà fait de nombreux efforts en matière d’efficacité énergétique dans le passé. Le Japon
conteste l’accord intra-européen qui permet à l’Union Européenne d’équilibrer ses émissions entre les
27 pays membres dont une part importante résulte de l’adhésion de nouveaux états membres. Le
nouveau ministre du Japon, Yukio Hatoyama, a cependant annoncé au mois de septembre 2009 son
intention de revoir à la hausse l’objectif fixé par le gouvernement sortant en tentant de réduire de 25%
ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020.
d- Les réticences canadiennes
En raison d’importantes ressources naturelles présentes dans son sous-sol, le Canada demeure réticent
à se fixer des objectifs trop contraignants en matière de lutte contre le changement climatique. Pour
profiter des nombreux gisements de pétrole « non conventionnel » (sables bitumineux) existants sur
son territoire, le Canada doit employer des méthodes d’extraction plus polluantes que pour extraire du
pétrole « conventionnel ». Compte tenu, en outre, de l’augmentation de ses émissions depuis 1990
(26% en 2007 par rapport à 1990), le gouvernement canadien doit montrer des signes de coopération
aux autres pays de l’Annexe I de la Convention Climat pour justifier l’exploitation de ses ressources
de sables bitumineux et notamment au Président Obama qui lui a proposé d’instituer un marché
régional du carbone. Le Canada n’est pas apparu emballé par cette proposition mais étudie la
possibilité de créer un marché national. Un marché carbone régional réunissant certains états
canadiens (Ontario, Québec, Colombie Britannique) et certains américains, membres de la Western
Climate Initiative, verra le jour au 1er janvier 2010.
e- L’Australie : une bataille de politique intérieure
S’agissant de l’Australie, l’arrivée du candidat travailliste au pouvoir en 2007, Kevin Rudd, a permis
d’accueillir un nouvel état désireux de s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Fraîchement arrivé au gouvernement, le premier ministre a rapidement fait ratifier le protocole de
Kyoto par son pays. L’opposition conservatrice contrôlant une grande partie du Sénat pose toutefois
des difficultés à la nouvelle administration. Kevin Rudd est ainsi parvenu difficilement, au mois d’août
2009, à convaincre l’opposition de fixer un objectif national élevé pour que 20% de l’énergie du pays
soit produite d’ici 2020 à partir de sources d’énergies renouvelables. Cette avancé ravive dans le pays
quelques espoirs pour le mois de novembre 2009 où les lois sur le marché national d’émissions seront
réexaminées par le Parlement.
f- Le cas particulier de la Russie
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Bien qu’elle fasse partie de la liste des pays de l’Annexe I de la CCNUCC et soit membre du G8, la
Fédération de Russie semble vouloir conserver pour la période post-Kyoto son statut particulier,
acquis en raison de l’effondrement du bloc soviétique en 1991. La baisse sensible d’émissions de GES
qui en avait résulté avait créé un surplus de crédits carbone, nommé « hot air », qui avait largement
facilité sa marge de manœuvre pour respecter le Protocole de Kyoto. En 2004, lors de la ratification du
protocole, les émissions de gaz à effet de serre se situaient en effet 30% au dessous de leur niveau de
1990, et demeurent depuis toujours inférieurs au niveau des émissions de cette date. Cependant, la
Russie occupe à présent la troisième place du classement des pays émetteurs de CO2, derrière la Chine
et les Etats-Unis, et la poursuite de ses importants activités de production et de vente d’hydrocarbures,
accouplée à la prévision d’un doublement de la production de son charbon dans sa stratégie
énergétique pour 2020 laisse augurer une augmentation de ses émissions. A l’approche du sommet de
Copenhague, le pays privilégie un régime basé sur des engagements volontaires non contraignants et
souhaite mettre en place un statut particulier pour les pays dont le sort de l’économie dépend de la
production, de l’exportation et de la consommation d’énergies fossiles.
g- L’exemplarité : un atout pour l’Europe
Dans le jeu des marchandages des objectifs de réductions d’émissions entre les pays industrialisés,
l’Union Européenne semble disposer d’une bonne longueur d’avance. Face aux autres membres de
l’Annexe I de la Convention Climat, l’UE peut en effet avancer un argument de taille : elle a réussi à
baisser, à la date de l’année 2008, de plus de 10% ses émissions par rapport à 1990. Il s’agit d’une
baisse de 1,5% sur l’ensemble des pays membres. Ceci signifierait qu’elle aurait atteint la moitié de
ses engagements : une réduction de 20% d’ici 2020. S’il reste encore du chemin à faire avant de
parvenir à cet objectif, l’UE en affichant des résultats aussi prometteurs, est en mesure d’influencer les
autres pays émetteurs (Etats-Unis, Brésil, Russie, Inde, Chine) qui jugeaient irréaliste l’objectif fixé
par l’UE. Si les pays européens doutent encore de la réalité des engagements qui seront pris par les
Etats-Unis pour la période post-2012, l’apparente opiniâtreté du Président Obama peut encore nourrir
leurs espoirs. Il reste néanmoins à déterminer ce qu’il pourrait rester du Protocole de Kyoto et ce qui
devrait être crée selon les ambitions de l’administration Obama.
Au-delà des objectifs chiffrés qui occupent une grande place entre les pays industrialisés dans les prénégociations actuelles, le choix des mesures à mettre en œuvre reste de première importance. Le
marché du carbone, prévu par le Protocole de Kyoto, constitue un dès premiers instruments mis en
place.
2- Avenir des marchés du carbone
En introduisant le mécanisme de système international d’échange de droits d’émissions (SIE), la Mise
en Oeuvre Conjointe (MOC) et le Mécanisme de développement propre (MDP), le Protocole de Kyoto
a établi un régime de mesures de réductions d’émissions reposant principalement sur un système de
marché du carbone. Comme indiqué précédemment, le système Kyoto fonctionne selon le principe
« cap and trade » qui impose des plafonds d’émissions nationaux pour les pays de l’Annexe I de la
Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) et met en œuvre un
système d’échange de permis d’émissions. Rappelons que ce plafond impose aux Etats signataires de
réduire leurs émissions, en moyenne, de 5,2% en dessous de leur niveau de 1990, sur la période 20082012.
a- Mécanismes du marché carbone
En conformité avec ce plafond, chaque état alloue à chacune de ses entreprises nationales les plus
polluantes situées sur son territoire une quantité maximale de gaz à effet de serre ne devant pas être
dépassé et leur attribue dans le même temps des permis d’émissions. Ces permis demeurent
négociables et chaque entreprise peut vendre ses quotas à une autre entreprise. La confrontation sur le
marché carbone de l’offre et de la demande de permis d’émissions détermine ainsi le signal-prix du
carbone. Les entreprises qui ont été en mesure de réduire leurs rejets polluants parce que les coûts liés
à cette dépollution étaient inférieurs au prix des quotas – le plus souvent les entreprises plus
innovantes - vendent leurs droits à polluer aux entreprises qui n'ont pas été mesure de réduire la leur,
10
parce que le coût de cette réduction aurait été jugée trop élevée. Ces dernières sont le plus souvent des
entreprises qui disposent de technologies anciennes peu sobres en carbone. Les mécanismes axés sur
le marché constituent des instruments essentiels pour entretenir l’effort mondial de lutte contre le
réchauffement climatique, inciter le secteur privé pour réduire son empreinte carbone et accompagner
les pays en développement vers l’utilisation d’énergies moins émettrices de CO2.
b- Marché primaire et marché secondaire
On distingue aujourd’hui un marché primaire et un marché secondaire du carbone :
- Le marché primaire concerne la vente et l’achat des crédits carbone (Unité de Réduction Certifiée
des Emissions, URCEs) dont les projets sont déjà validés, et certifiés par le Secrétariat Exécutif du
MDP. Il s’agit d’un marché où l’opération de vente des crédits, à partir des promoteurs de projets
MDP, est directe.
- En revanche, sur le marché secondaire, les achats de crédits carbone se font à partir de sociétés de
carbone ou fonds carbone. Le marché secondaire du carbone est ainsi celui où les URCE, les URE
(unités de réduction d’émissions) et également les Réductions d’émission vérifiées (VER, permis
d’émissions existant hors du Protocole de Kyoto) sont achetées et vendus après leur vente initiale. Ce
marché réunit les acheteurs de crédits carbone tenus de remplir des obligations de réductions
d’émissions mais ne souhaitant pas participer au marché primaire. On y trouve également les traders
du carbone qui profitent de la volatilité du prix de la tonne de carbone (permis carbone). Plusieurs
marchés secondaires ont déjà été mis en place.
c- Le marché européen du carbone
S’il a pu être perçu dans un premier temps comme un marché « de droits à polluer l’atmosphère », le
système de marché du carbone, sur lequel des permis d’émissions négociables peuvent s’échanger,
s’est concrétise le 1er janvier 2005 avec le lancement d’un marché européen de quotas de CO2
(système communautaire d’échange de quotas d’émissions- SCEQE - EU Emission Trading Scheme EU-ETS).. Il s’agit du premier marché carbone avoir été mis en œuvre et il demeure le plus important
en termes de volume. Le système mis en place par le SCQE attribue aux principaux émetteurs des
secteurs de l’industrie et de l’énergie de l’Union Européenne (soit environ 12 000 installations
industrielles) des allocations initiales d’émission de gaz à effet de serre (représentant l’équivalent de
2,2 milliards de tonnes équivalent CO2). Parmi les quotas alloués, environ 50% des quotas reviennent
aux producteurs d’électricité et un quart est attribué aux autres producteurs d’énergie, raffineurs de
pétrole, et producteurs de chaleur. Les quotas restants sont partagés entre les industries de base,
grandes consommatrices d’énergies fossiles : verres et céramiques, sidérurgie, ciment, papiers-carton,
etc…
Suite au lancement du marché européen du carbone en janvier 2005, d’autres marchés de permis
domestiques ont vu le jour dans d’autres continents. Ils se concentrent notamment sur les secteurs
industriels nécessitant un apport d’énergie important et dans le domaine de la production d’électricité.
Des marchés locaux ont ainsi été crées en Norvège (2005), en Nouvelle-Zélande (2008). Aux EtatsUnis, à côté d’un marché volontaire lancé en 2002, le Chicago Climate Exchange, plusieurs marchés
régionaux, réunissant quelques états américains entre eux, ont été mis en place ou sont en cours de
développement (Regional Greenhouse Gas Initiative, Western Climate Initiative, Midwestern
Regional Greenhouse Gas Accord).
d- Un premier bilan discutable
Cependant, si le système communautaire d’échange de permis d’émissions a mis en œuvre le marché
d’échanges le plus important, quel bilan peut-on en tirer ? A-t-il fait ses preuves et peut on penser qu’il
incitera d’autres pays ou d’autres régions du monde à instituer un système de quotas d’émissions ?
11
On peut tout d’abord regretter la générosité dont ont fait preuve les états membres de l’Union
Européenne, lors de l’élaboration des plans d’allocations des quotas (PNAQ), en distribuant une
quantité trop importante de quotas à leurs entreprises nationales pour préserver leur compétitivité. En
raison d’un excès de quotas présents sur le marché, le prix de la tonne de CO2 a chuté lors de la phase
pilote, à la fin 2007, pour atteindre un niveau proche de zéro. En outre, le système des quotas établi
dans l’Union Européenne ne s’adresse qu’aux grandes entreprises fortement émettrices de carbone
opérant dans les secteurs de l’électricité, du ciment, du verre, de l’acier et du papier. Il ne couvre dès
lors, au niveau européen, qu’à peine 50% des émissions de CO2. Les émissions générées par d’autres
secteurs économiques, tel que l’agriculture, le transport, le bâtiment et le traitement des déchets n’ont
pas été inclus dans le système de quotas européens.
Enfin, dans la perspective du passage de l’allocation gratuite à la vente aux enchères de permis à
polluer d’ici 2013, et pour ne pas grever la compétitivité de certaines entreprises européennes
fortement exposées à la concurrence internationale, la Commission européenne doit publier d’ici fin
2009 une liste des secteurs qui seront exemptés, dans une certaine mesure, d’achat de quotas. Si cette
dérogation a été prévue pour éviter la fuite de carbone (risque de délocalisation des industries
européennes qui veulent s’exonérer des normes environnementales contraignantes non applicables à
leurs concurrents hors UE), elle porte néanmoins atteinte à l’intégrité du système.
e- De nouvelles ambitions européennes
Il résulte néanmoins du paquet « climat énergie », entérinée par les états membres de l’Union
Européenne en décembre 2008, la volonté de mettre en œuvre des objectifs plus contraignants à partir
de 2013. Les quotas devraient devenir partiellement et progressivement payants, et le marché serait
étendu à d’autres gaz (hydrocarbures perfluorés, PFC/ oxyde nitreux, NO2) et de nouveaux secteurs
seraient concernés. Le secteur aérien devrait notamment être inclus à partir de 2012.
L’expérience du SCEQE et des autres marchés régionaux du carbone témoignent de la nécessaire
amélioration des mécanismes de marché internationaux pour la période post-2012 pour asseoir un
système de contrainte carbone. Les décisions prises sur les mécanismes du marché auront un impact
décisif sur la crédibilité de la politique carbone mondiale.
Il semble utile que les différents marchés soient réunis ensemble et qu’un système de tarification
universelle du carbone se mette progressivement en place au cours des 20 prochaines années. Le
système communautaire d’échanges de quotas a réussi à introduire dans l’esprit des décideurs
économiques la notion de « permis d’émissions » et son caractère limité. Le marché européen du
carbone, corrigé des erreurs de son lancement, doit ainsi servir d’exemple. L’encadrement du mode de
l’allocation des permis d’émissions et la détermination de leur prix initial doivent être effectué de
manière très rigoureuse. Le SCEQE pourrait par ailleurs être repris et modifié en établissant un
système de quotas comportant un prix plancher et un prix plafond, évitant le risque d’effondrement des
prix du CO2. On peut s’interroger dès à présent sur le rythme avec lequel la tarification des émissions
de carbone va progressivement s’élargir aux industriels non européens.
La communauté internationale semble prendre conscience que la lutte contre le changement climatique
nécessite la mise en œuvre de mécanismes économiques et financiers supplémentaires pour espérer de
parvenir à un succès. Les mécanismes de marché d’échanges de permis d’émissions ne peuvent en
effet à eux seuls résoudrent le réchauffement climatique. Quels sont dès lors les autres mécanismes
potentiels ?
3-Taxe carbone nationale, aux frontières ou universelle
a- Les limites du marché carbone
Les mécanismes du marché carbone définis par le Protocole de Kyoto n’ont concerné jusqu’alors que
les pays de l’Annexe I de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique
12
(CCNUCC) et les industries fortement émettrices en CO2 de ces pays. Le système de distribution de
permis d’émissions offre ainsi à ces pays la possibilité de déterminer leur objectif quantitatif
d’émissions de CO2 qui mettent sur le marché une quantité correspondante de permis mais laissent
ensuite le marché déterminer le prix de ces permis. Le prix de la tonne de CO2 fluctue donc sur le
marché et plus son prix augmente plus les industriels les plus pollueurs nécessitant de quotas
supplémentaires d’émissions seront contraints de prendre des mesures pour modifier leurs procédés
industriels et privilégier des technologies sobres en carbone.
Dans le cas contraire, l’effet « contrainte carbone » n’a aucun effet et l’objectif de réductions des
émissions n’est pas atteint. Tenant compte des modes variables de remise de quotas d’émissions aux
industriels (allocation gratuite ou vente aux enchères) et de la quantité de quotas mise sur un marché
du carbone lors de son ouverture, on peut craindre que le système du marché ne présente pas toutes les
garanties nécessaires pour transmettre un « signal prix » du carbone à l’ensemble des acteurs
économiques et ne puisse jouer seul un rôle déterminant.
b- L’émergence du concept de taxe carbone
En parallèle du marché carbone, l’idée d’une taxe carbone, majorant le prix des énergies fossiles (gaz,
pétrole, charbon) commence ainsi à faire son chemin dans plusieurs pays. A l’inverse du système de
permis, le principe d’une taxe carbone conduit le gouvernement d’un pays à fixer un prix du CO2 et à
laisser les quantités d’émissions s’ajuster toutes seules. A l’échelle d’un pays, cet instrument fiscal
permet de toucher, au-delà des industriels, les particuliers et de les encourager à modifier leurs
comportements. La taxe carbone offre en outre l’avantage de stabiliser un prix du CO2 qui pourra
certes évoluer de manière progressive dans le temps mais qui permet aux acteurs économiques
d’intégrer un prix du carbone non volatil.
La détermination du montant de la taxe carbone pose la question de l’estimation de la valeur du
carbone. Une première approche économique pour établir la valeur carbone consiste à évaluer le coût
social des dommages résultant du changement climatique. Cette analyse coûts/avantages associe à une
tonne de CO2 émise aujourd’hui la valeur actuelle d’un dommage futur que l’on cherche à déterminer.
Une autre approche consiste à évaluer le coût engendré pour réduire des émissions de CO2 à un niveau
donné (approche coûts/efficacité). Cette approche se concentre ainsi plus sur le coût des efforts à
fournir pour atteindre un objectif de réduction défini. Selon les projections d’émissions établies et la
clarté des objectifs de politique climatique définis, la seconde approche sera privilégiée (cas de la
France). Ce système de taxation du carbone à l’échelle d’un pays s’applique déjà, selon des modalités
différentes sur les combustibles fossiles, en Suède, Suisse, Danemark, Finlande, dans deux provinces
du Canada (Québec et Colombie Britannique) et en France à partir de janvier 2010. Dans certains cas,
les recettes perçues sont redistribuées aux particuliers.
c- La piste d’une taxe universelle sur le carbone
La réflexion sur la mise en œuvre d’un instrument fiscal appliqué aux émissions de carbone ne s’arrête
toutefois pas à l’échelle d’un pays. Ainsi l’idée d’imposer une taxe universelle sur le carbone,
harmonisée à l’échelle internationale, prélevée sur le contenu en carbone des combustibles fossiles, a
été avancée dans les négociations climatiques actuelles. Les recettes générées pourraient être
redéployées ensuite vers des fonds nationaux ou multilatéraux pour l’adaptation au changement
climatique, dont certains ont été mis en place par la CCNUCC. Pour inclure les économies émergentes
dans ce système de taxation universelle, il serait utile d’envisager une taxe carbone modulable en
fonction du niveau de revenu et de développement des pays. Si cette démarche est présentée par
certains économistes comme un moyen efficace de réduire les émissions de GES, sa mise en œuvre se
révèle en pratique très difficile au plan international. De surcroît, l’emploi de la taxe demeurant un dès
éléments essentiels de la souveraineté des états, il apparaît encore difficile d’imaginer le transfert de
cette compétence à une structure supranationale.
d- Une solution controversée : la taxe carbone aux frontières
13
A côté d’une taxe carbone universelle, l’option d’une taxe carbone appliquée aux frontières d’un pays
ou d’un ensemble de pays nourrit également la réflexion des négociateurs. L’idée de la mise en œuvre
de cet instrument fiscal aux frontières de l’Union Européenne pour taxer les produits importés selon
l’émission de dioxyde de carbone générée pour leur production a fait l’objet de nombreuses
discussions entre les états membres. Rappelons qu’à l’heure actuelle la Commission Européenne n’a
pas le pouvoir de mettre en place une telle taxe car les questions fiscales sont décidées à l’unanimité
des états membres. Si cette option demeure donc pour l’instant peu envisageable, l’éventualité du
recours à un mécanisme d’ajustement aux frontières du territoire de l’Union Européenne est
néanmoins vivement soutenue par la France depuis plusieurs mois et par l’Allemagne plus récemment.
Dans le jeu des négociations climatiques actuelles où les pays émergents montrent de la résistance à se
conformer à des objectifs chiffrés de réductions d’émissions, la France et l’Allemagne ont fait part au
secrétaire général des Nations unies, au mois de septembre 2009, de leurs menaces d’imposer une taxe
carbone aux frontières aux pays qui ne prendraient pas un engagement chiffré pour réduire les
émissions de CO2, lors du sommet de Copenhague. Cette option est cependant loin d’être partagée par
tous les 27 dont certains estiment qu’elle constitue une mesure protectionniste, et qu’elle viole les
règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Le gouvernement français estime en revanche que l’application d’une taxe aux frontières servirait à
établir un « level playing field » pour les compagnies européennes en concurrence avec des
compagnies internationales de pays qui n’ont pas déterminé des objectifs de limitations de leurs
émissions de CO2. L’autre argument avancé porte aussi sur les risques de « fuite de carbone ». Il n’est
en effet pas à exclure que les industries européennes les plus polluantes soient tentées de se délocaliser
dans les pays qui ne se sont pas astreints à des objectifs de réduction d’émissions. Ces craintes
devraient toutefois être relativisées selon l’OCDE qui estime que si l’Union Européenne se retrouvait
seule à mettre en œuvre des politiques contraignantes, seulement 12% de ses réductions d’émissions
seraient compensées par des fuites de carbone dans d’autres pays hors UE.
Si à l’échelle d’un pays la taxe carbone se révèle être un instrument prix efficace de plus en plus
approuvé par les pays industrialisés, le recours à cet instrument fiscal pour être appliqué à la frontière
d’un état ou d’un groupe d’états qui s’engagent à diminuer leurs rejets de carbone, peut en revanche
plus être perçu comme une double mesure de protectionnisme et de rétorsion envers les pays non
soumis à des objectifs de réductions. Par ailleurs, à côté des mécanismes de marché du carbone et de
fiscalité environnementale qui se révèlent complémentaires, les politiques de réductions de rejets de
gaz à effet de serre doivent obligatoirement passer par la mise en œuvre de politiques de Recherche et
Développement (R&D) dans les technologies innovantes limitant les émissions de carbone.
4- Quels engagements pour une économie décarbonée ?
La volonté affichée des pays industrialisés de réduire les émissions de gaz à effet de serre ne peut se
limiter à la seule mise en place de mécanismes de marchés et d’instruments fiscaux. Le troisième
rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) appelle les états à
diviser par 4 leurs émissions d’ici 2050 : il s’agit de la politique « facteur 4 ». Cet objectif de réduction
nécessite ainsi de faire des efforts considérables pour développer des technologies innovantes sobres
en carbone. Pour parvenir à une véritable économie décarbonée, il conviendra dès lors de revoir le
modèle énergétique actuel. Cela passe par une meilleure efficacité énergétique des bâtiments, des
voitures et des process industriels. Cela se traduit en outre par un développement d’énergies
renouvelables et par la capture et le stockage de CO2 dans l’industrie.
a- Une palette d’instruments incitatifs pour décarboner l’économie
La Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques enjoigne les pays de
l’Annexe I à adopter des politiques nationales pour atténuer les changements climatiques. Le
développement d’éco-technologies soucieuses de limiter le rejet de GES dans les pays industrialisés
n’a toutefois commencé qu’assez récemment à être appuyé par des politiques publiques adaptées et
ciblées. A côté de l’instrument fiscal évoqué plus haut, il existe ainsi des politiques incitatives qui
14
peuvent accompagner la mise en œuvre de nouvelles technologies peu émettrices de gaz à effet de
serre : les crédits d’impôts, les prêts à taux zéro, la revente d’électricité produite par des énergies
renouvelables à un opérateur, les certificats d’économie d’énergie. Les politiques de restriction
d’émissions ou les politiques de sensibilisation et d’information peuvent également contraindre ou
encourager les acteurs économiques à faire des choix énergétiques plus sobres.
Les politiques de Recherche et Développement (R&D) requièrent toutefois des financements qui
s’inscrivent sur le long terme et qui représentent un montant élevé. La démarche de réduction des
émissions nécessite en effet des efforts importants dans la R&D pour limiter d’une part le coût
occasionné pour répondre aux objectifs de réductions d’émissions et développer d’autre part les
technologies qui participent à cette réduction de rejets de CO2. Il pourrait être envisageable que lors
du Sommet de Copenhague, les pays développés s’engagent à consacrer une faible part de leur PIB
(des économistes proposent 0.05%) dans l’exploration de technologies qui permettent de produire de
l’énergie sans émissions de GES.
Cependant, le prix du carbone doit être suffisamment élevé pour que l’investissement dans les
technologies rapporte de manière tangible et sure. Si le prix de la tonne de CO2 reste à un niveau bas
sur les marchés du carbone, l’effet signal-prix ne jouera pas et les industries polluantes ne seront pas
incitées à renouveler leur matériel et à le remplacer par des nouvelles technologies moins émettrices de
CO2. En raison d’imperfections de marché, le rapport Stern estime toutefois que le seul signal-prix ne
devrait pas être suffisant pour garantir un niveau optimal d’innovation et de recherche et
développement. Il préconise dès lors un quadruplement des incitations publiques à la R&D privée par
rapport au niveau actuel de près de 34 milliards de dollars US par an, et une augmentation significative
de la R&D publique pour atteindre environ 20 milliards de dollars US par an à l’échelle mondiale.
Fig.1 Importance des différentes technologies pour atteindre une réduction de 50% des
émissions de CO2 en 2050 par rapport à 2005
Source: IEA Energy Technology Perspectives 2008; IEA World Energy Outlook 2007.
III. Post-Kyoto : Les exigences formulées par les pays en développement et
les pays émergents ou en transition économique
Dans le jeu des négociations climatiques actuelles, les déclarations de la plupart des pays du Sud ne
laissent planer aucun doute : ils n’ont aucunement l’intention de se fixer des objectifs de diminution de
leurs émissions de CO2. Ils attendent en revanche du Sommet de Copenhague l’engagement des pays
développés qu’ils leur versent, en sus de l’aide bilatérale au développement, une aide financière
supplémentaire pour mettre en place des stratégies d’atténuation et d’adaptation au changement
climatique. La position de certains pays émergents reste cependant plus incertaine et il n’est pas à
15
exclure que la Chine ou le Brésil par exemple décident au mois de décembre 2009 à Copenhague de se
montrer plus conciliants vis-à-vis des requêtes exprimées par les pays développés.
1- La position des pays en développement : refus quasi général d’objectif de réduction
d’émissions de GES assorti d’une demande d’aide financière
a- Un refus unanime…
Accoutumés au diptyque « pays annexe I/non annexe I », les pays en développement restent opposés à
l’idée de se fixer des objectifs juridiquement contraignants de réduction d’émissions. Une unanimité
quasi-générale réunit les pays du Sud sur ce point sensible. Il demeure ainsi acquis pour ces derniers
que les pays industrialisés (PI) portent une responsabilité historique dans l’augmentation des émissions
de CO2 en raison de leur développement précoce et qu’il leur revient de montrer l’exemple dans la
lutte contre le changement climatique. Il reste admis pour une grande partie d’entre eux que les pays
industrialisés doivent mettre en œuvre tous les efforts nécessaires pour baisser les rejets de gaz à effet
de serre.
Le discours du ministre soudanais de l’Environnement, Ahmad Babiker Nahar, parlant au nom du
Groupe des 77 (G77) et de la Chine lors de sessions informelles du Groupe de travail ad hoc, au mois
de juin 2009, sur les nouveaux engagements des Parties à l'annexe I dans le cadre du Protocole de
Kyoto (AWG-KP), semble résumer la situation. Ce dernier faisait part de sa vive inquiétude eu égard à
la progression trop lente des négociations et de l’absence d’engagements réels des parties de l’Annexe
I pour parvenir à un résultat final positif avec la détermination de cibles crédibles. En d’autres termes,
selon le Groupe des 77, si les négociations de Copenhague échouent, ce sont les parties de l’Annexe I
qui en portent la responsabilité.
b-… à moins d’une aide financière à long terme
Dès lors, l’engagement des pays du Sud pour respecter des objectifs, même non contraignants, de
réductions d’émissions demeure à l’heure actuelle très peu probable. Une partie de leur discours laisse
néanmoins sous-entendre que cela pourrait évoluer si les nations riches leur procurent les outils, la
technologie et les financements pour réformer leur base économique et favoriser un développement
neutre en carbone. Sans engagements soutenus sur le long-terme des pays développés en faveur des
pays en développement (PED) pour les aider à réduire leurs rejets carbonés, ces derniers n’envisagent
pas la mise en place d’objectifs, même minimes. Des engagements fermes des pays du Nord semblent
ainsi conditionner le respect par les pays du Sud du principe de responsabilité commune mais
différenciée posée par la Convention-cadre.
c- Le développement comme priorité
L’argumentaire présenté par les pays du Sud repose sur un constat simple : la réduction des émissions
de CO2 ne constitue pas à l’heure actuelle une priorité pour leur développement. Les pays du Sud
estiment que la logique des pays du Nord qui cherche à atténuer les effets du réchauffement en
agissant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, émises principalement en milieu urbain,
ne peut s’appliquer à eux, au risque de passer pour une entrave à leur développement ou pour une
sanction. D’une part, la population urbaine de ces pays la plus exposée aux aléas climatiques a très peu
contribué au réchauffement et d’autre part, les émissions de gaz à effet de serre dans les villes de pays
pauvres se révèlent faibles et il n’y a pas de quantités importantes à réduire, le parc industriel
demeurant limité. On estime par exemple que les pays africains ne seraient responsables que d’environ
3,5% des émissions mondiales. En leur demandant de limiter ces émissions, les représentants des pays
du Sud estiment qu’on freine leur développement et qu’on ne leur laisse pas la possibilité de se
développer comme les pays industrialisés ont pu le faire au cours des décennies précédentes. Cet
argumentaire, légitimement avancé par les pays en développement, s’effrite toutefois face aux
nombreuses menaces futures qui pèsent sur leurs populations dues au réchauffement climatique. Les
Nations-Unies estiment en effet que ce sont les populations les plus démunies et les plus vulnérables
qui seront les plus exposées et souffriront le plus des conséquences du dérèglement du climat.
16
d- Quel stratégie d’adaptation pour les pays pauvres ?
Dans ce contexte, la question suivante est posée : les pays pauvres doivent-ils en priorité s’adapter aux
effets du changement climatique ou lutter contre ses causes ?
En signant la Convention Cadres des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC),
entrée en vigueur en 1994, les Parties s’étaient déjà engagées à lancer des programmes nationaux avec
des mesures visant à atténuer les impacts des changements climatiques et à coopérer entre eux pour
accompagner le travail de préparation d’adaptation au risque climatique. La notion d’adaptation n’a
toutefois pas été définie de manière explicite dans la Convention et il apparait encore aujourd’hui
difficile d’en dessiner les contours. De nombreux sujets pourraient en effet relever des politiques
d’adaptation : la protection des populations vivant dans les zones à risque, la précarité des habitats,
l’absence de réseaux d’eau potable et d’assainissement, la sécurité alimentaire, etc…Autant de
vulnérabilités avec lesquelles les pays en développement doivent déjà composer et qui seront
manifestement aggravées par les phénomènes du changement climatique.
Le champ d’application des politiques d’adaptation s’avère donc très vaste et aborde des aspects qui
dépassent les seules questions environnementales. Il en résulte que le soutien à apporter aux pays en
développement pour qu’ils s’adaptent au changement climatique revêt la forme d’une assistance
supplémentaire d’aide au développement. En effet, dans les pays du Sud, un déficit d’adaptation
équivaut en réalité à un déficit de développement. En l’absence d’infrastructures de bases dans certains
pays du Sud, les programmes et mesures d’aide à l’adaptation aux aléas climatiques prennent la forme
de politiques de financements d’aide au développement car avant même de penser à l’adaptation de
certaines infrastructures il faut s’assurer qu’elles existent déjà. Le coût des politiques d’adaptation au
changement climatique semble avoir ainsi été largement sous-estimé.
Cependant, si les pays du Nord tentent vainement d’encourager les pays du Sud à se conformer à des
réductions chiffrées d’émissions de CO2, c’est parce que les projections de croissance des émissions
de CO2 de ces pays prévoient qu’elles pourraient être multipliées par 6 d’ici 2050. Les pays du Nord
estiment qu’à terme les pays du Sud devront obligatoirement se fixer des objectifs chiffrés de
réduction d’émissions de CO2, même s’ils s’avèrent minimes. Les pays en développement ne
partagent toutefois pas cet argumentaire et réclament à présent les financements qu’ils leur sont dus
dans le cadre des politiques d’adaptation. Cette requête s’appuie de surcroît sur leur postulat exposé
plus haut selon lequel les pays riches pour avoir profité pendant plus d’un siècle de l’industrialisation
tout en émettant des milliards de tonnes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ont le devoir de leur
fournir des financements.
e- Le coût de l’adaptation au changement climatique
Selon une estimation du secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements
climatiques, les pays en développement auront besoin d’ici 2030 de 28 à 67 milliards de dollars pour
s’adapter aux changements provoqués par la modification du climat. Ceci correspond à 0,2–0,8 % des
flux d’investissements mondiaux, ou seulement 0,06–0,21 % du PIB mondial prévu en 2030. D’autres
chiffres bien plus élevés sont avancés par le Groupe africain aux Nations-Unies qui réunit 55 nations
africaines. Ce dernier estime que les nations en développement nécessiteraient 267 milliards de dollars
par an d’ici 2020 pour être en mesure de faire face aux effets du changement climatique. Ce chiffre,
mentionné dans le texte rédigé par le Groupe africain dans le cadre des négociations des Nations Unies
pour le traité post-Kyoto, est deux fois plus important que l’aide actuelle au développement allouée
par les nations riches et qui s’élève pour l’année 2008 à 120 milliards de dollars. Selon le Groupe
africain, ces investissements représenteraient 0,5% du PIB des nations développées. Les conclusions
du rapport Stern sur l’économie du changement climatique affirment en outre qu’en l’absence de
mesures d’atténuation des changements climatiques, le coût total des dommages sera équivalent à la
perte d’au moins 5 % du PIB mondial par an, avec des dommages plus sérieux dans la plupart des pays
en développement.
f- Vers un durcissement de la position des pays du Sud ?
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A l’approche de la 15ème session de la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements
Climatiques (COP-15) organisée à Copenhague, le discours de certains leaders politiques africains
semble se durcir. Au sein de différentes instances, le président de la Commission de l'Union Africaine
(UA), Jean Ping, a notamment répété à plusieurs reprises que l’Afrique réclamait des « réparations » et
des « dédommagements » aux pays riches pour les effets causés par le changement climatique sur son
environnement (sécheresses dans la Corne de l’Afrique, inondations en Afrique de l’Ouest,
avancement du Sahara) et surtout sur certains secteurs clefs de son économie, comme l’agriculture.
Les vives réclamations présentées par les pays africains s’appuient également à juste titre sur leur
sentiment d’être évincés des mécanismes du protocole de Kyoto dont ils ne retirent aucun bénéfice.
En effet, les mécanismes de développement propre (MDP), qui permettent aux pays développés de
compenser une partie de leurs émissions de CO2 en investissant dans un projet d’énergie "propre" au
Sud ne bénéficient pratiquement pas à l'Afrique, qui n'en recueille que 2% contre 45% en Chine. Les
mécanismes de développement propre présentent notamment l’avantage de favoriser un transfert de
technologies en sus de l’investissement financier réalisé dans le pays. Lors du 7e forum mondial sur le
développement durable organisé à Ouagadougou au Burkina Faso au mois d’octobre 2009, six chefs
d’Etat africains (Bénin, Burkina Faso, Centrafrique, Congo, Mali et Togo) ont ainsi lancé un
appel solennel pour l’allègement des procédures et l’assouplissement des conditions d’accès des pays
africains aux ressources du Mécanisme du Développement Propre (MDP). Les négociations de
Copenhague devraient en tenir compte pour ne pas décrédibiliser cet outil qui vise à lutter contre le
réchauffement et qui participe au développement des pays accueillant les projets MDP. On peut
s’interroger sur la pertinence de mettre en place des quotas dans le cadre du futur régime post-Kyoto
pour que certaines régions du monde en développement ne soient pas exclues de ces mécanismes.
La mobilisation de tous les pays africains sur le sujet conduit à les rassembler à et à s’unir autour
d’objectifs communs et partagés, car les enjeux et menaces sont communs. Un travail de définition
d’une position commune du continent africain, distincte de la position du vaste Groupe des 77 qui
réunit aussi bien des économies pauvres qu’émergentes, a progressé depuis la « Conférence africaine
sur le climat après 2012 » qui s’est tenue à Alger au mois de novembre 2008. Le Premier ministre
éthiopien, M. Meles Zenawi, désigné coordinateur du Comité des chefs d'Etat et de gouvernement
africains sur les changements climatiques au mois d’août 2009, dirigera désormais l'équipe des
négociateurs africains lors de la 15ème Conférence des parties à la Convention-Cadre des Nations
Unies sur les changements climatiques prévue en décembre prochain à Copenhague. Autour de ce
coordinateur, la position des pays africains se présente plus robuste et réclame que le nouvel accord
tienne compte des spécificités de leur continent. M. Meles Zenawi précise que la principale
préoccupation de l'Afrique n'est pas de réclamer des compensations pour les dégâts provoqués par le
changement climatique, mais bien d’empêcher qu’ils se produisent. Le Premier ministre éthiopien
menace dès lors de se retirer avec la délégation africaine lors du sommet de Copenhague, s’il n’y a pas
d’avancée concrète qui se dessine en faveur des pays en voie de développement dans le nouveau traité.
A l’approche de la conférence de Copenhague, les pays du Sud les plus pauvres apparaissent ainsi plus
que jamais déterminés et demeurent bien conscients qu’ils sont parvenus à faire passer le message
suivant : « sans argent sur la table, il n’y aura pas d’accord ».
2- Les différentes positions adoptées par les pays en transition économique ou émergents
L'Inde et la Chine continuent d'attribuer la responsabilité du dérèglement du climat aux pays
industrialisés et exigent de leur part qu’ils aident l’ensemble des pays en développement et émergents
en apportant les fonds et les technologies nécessaires pour le combattre.
a- La Chine : vers une adoption à long terme d’objectifs chiffrés
Tout comme la majorité des PED, la Chine rejette l’idée de s’engager sur des objectifs chiffrés et
défend sa position en faisant valoir son droit au développement et les nombreux efforts qu’elle
entreprend pour réduire ses émissions. Maintenant un taux annuel de croissance de son PIB aux
alentours de 10%, la Chine demeure réticente à toute mesure qui freinerait son développement
18
économique. Malgré son statut de particulier de « pays émergent », elle reste décidée à se positionner
auprès du « Groupe des 77 » dans les négociations climatiques sur lequel elle conserve une certaine
influence et dont le Groupe compte en retour sur son poids pour obtenir le maximum d’avantages lors
du Sommet de Copenhague. De la même manière que les autres pays en développement, le
gouvernement de Pékin invoque la responsabilité historique des pays développés dans le dérèglement
climatique.
Toutefois, la Chine est aujourd’hui le plus grand émetteur de GES au monde devant les États-Unis (6,2
milliards de tonnes d’équivalent CO2 pour la Chine contre 5,8 milliards de tonnes équivalent CO2
pour les USA) et demeure responsable de 24% des émissions mondiales. Bien que les émissions par
tête en Chine restent inférieures à celle des émissions par tête des Etats-Unis (Chine : 3,8 teqCO2/an,
Etats-Unis : 20,4 teqCO2/an), elles sont très près de la moyenne mondiale qui se situe à 4 teqCO2/an.
Ainsi l’argument avancé par Pékin, pour justifier son refus d’engagements contraignants de réductions
d’émissions, selon lequel ses émissions par habitant restent encore loin derrière ceux des pays
développés, apparaît de plus en plus discutable.
Face au rythme actuel effréné de la croissance économique et de l’urbanisation chinoise,
l’approvisionnement en énergie dans le pays demeure une question cruciale pour les autorités
publiques. Au lieu de favoriser la recherche de sources potentielles d’économie d’énergie, les autorités
semblent enclines à accorder la préférence à la croissance de l’offre d’énergie. Dans le même temps, la
structure énergétique chinoise est fortement marquée par ses réserves importantes de charbon (3ème
réserve mondiale derrière les Etats-Unis et la Russie). Malgré une baisse de la part du charbon dans la
consommation énergétique, elle constitue encore plus de 60% de la consommation énergétique et le
manque d’énergie qui frappe la Chine la conduit à rehausser la consommation de cette énergie
primaire qui reste très polluante.
Le gouvernement chinois s’engage néanmoins en parallèle à développer les technologies propres dans
les domaines du transport, du bâtiment, des procédés industriels et de la production d’énergie. Le pays
investit beaucoup en matière d'énergie verte et est devenu notamment le premier fabricant mondial de
cellules solaires. La Chine s’est en outre fixée d’autres objectifs dans son 11e plan quinquennal pour
limiter l’impact de son activité sur le climat : réduction de l’intensité énergétique de 20% entre 2005 et
2010, réduction des émissions de ses sites industriels les polluants de 10% et augmentation de la part
des énergies renouvelables dans la production d’énergie primaire. Tous ces projets sont à rapprocher
des nombreuses actions réalisées dans le pays dans le cadre des Mécanismes de Développement
Propres (MDP). La Chine demeure en effet le premier bénéficiaire mondial de ce dispositif institué par
le Protocole de Kyoto qui génère des crédits d’émissions en contrepartie de la mise en place de projets
d’énergies propres. Avec l’appui des pouvoirs publics qui ont mis en œuvre des mesures
réglementaires et fiscales incitatives, le pays réunit aujourd’hui plus de 40% des sources de crédits
MDP générés dans le monde.
Tous ces éléments démontrant la volonté de la Chine de « décarboniser » son modèle économique sont
autant d’arguments produits par les autorités chinoises pour justifier leur refus de s’astreindre à des
objectifs de réductions d’émissions. La Chine estime ainsi disposer de suffisamment de pouvoir dans
le jeu des tractations actuelles pour exiger en contre partie des engagements concrets de moyen terme
de la part des pays de l’Annexe I de la Convention-cadre. A la veille du Sommet de Copenhague, les
autorités chinoises demandent à ces derniers de se fixer un objectif de réduction d’émissions de GES
situé entre -25% et -40% pour 2020 par rapport 1990. Elles réclament également une contribution de la
part de ces derniers en matière de transfert technologique et financier (entre 0,5% et 1% de leur PIB)
pour accompagner les PED à prendre les mesures d’adaptation nécessaires au changement climatique.
Néanmoins, les derniers messages envoyés par le gouvernement chinois laissent entrevoir la
possibilité que la Chine se fixe à terme des objectifs de réductions de ses rejets de CO2. Un haut
responsable de la délégation chinoise, Su Wei, a publiquement annoncé au mois d’août 2009 que les
émissions de la Chine commenceraient à diminuer à partir de 2050. Si l’échéance apparaît lointaine,
elle témoigne toutefois d’une approche différente adoptée par le gouvernement chinois dans les
négociations qui ne faisaient état jusqu’alors d’aucun projet de réduction d’émissions. Aussi bien au
nord comme au sud, les déclarations des autorités chinoises sont attentivement écoutées car elles
19
peuvent à terme avoir une influence sur les autres pays émergents et d’une manière plus relative sur les
autres pays en développement. A l’inverse, les autorités de la Chine observent scrupuleusement les
positions adoptées par les pays industrialisés. Il reste acquis que la Chine ne prendra des engagements
décisifs que si les pays membres de l’Union Européenne et les Etats-Unis s’engagent sur des objectifs
crédibles.
b- L’Inde : une position intransigeante
Les autorités indiennes apparaissent en revanche plus intransigeantes que les autorités chinoises. Avec
plus de 35% de la population indienne vivant avec moins de 1$ par jour, l’Inde reste encore un pays
pauvre qui estime avoir droit à son développement. Son taux d’émission de GES par habitant reste en
outre un des plus faibles du monde : 1,1 tonne annuelle de CO2 par habitant, et ses consommations
énergétiques par habitant sont trois moins élevées que celles de la Chine. Elle refuse dès lors de se
conformer à tout engagement chiffré de réductions de ses émissions. L’Inde demeure cependant le
quatrième émetteur mondial de CO2 (1,2 Gt de CO2) et les prévisions estiment que ses émissions
tripleront d’ici 2020. Sa structure énergétique, à l’image de la Chine, s’appuie principalement sur
d’importantes réserves de charbon, dont la qualité reste néanmoins médiocre et l’obligent à importer
de l’étranger d’autres sources de charbon et également du pétrole dont elle ne dispose pas de réserves.
Le pays qui dépense déjà plus de 25 milliards de dollars chaque année pour mettre en place des
mesures d’adaptation au changement climatique, exige des aides financières supplémentaires et
également une accélération de transferts de technologiques de la part des pays industrialisés. Pour
obtenir une réponse à cette dernière requête, les autorités du pays suggèrent ainsi une réforme des
droits de propriété intellectuelle pouvant permettre une meilleure diffusion des technologies limitant
les émissions de CO2.
c- Brésil : une approche plus conciliante
Contrairement à l’Inde et à la Chine, le Brésil se montre plus disposé à négocier. Même si le
gouvernement brésilien estime comme les autres pays en transition économiques qu’une responsabilité
historique incombe aux pays industrialisés dans la lutte contre le changement climatique, les diverses
déclarations du Président Luiz Inacio Lula da Silva témoignent de sa volonté de parvenir à un accord
ambitieux. Les actions prises par le pays pour réduire son empreinte écologique, en ayant recours de
manière importante à l’hydro-électricité (84% de l’électricité du pays est produite par des barrages
hydrauliques) et en favorisant les agro-carburants, semblent le placer dans une position avantageuse.
Toutefois, ce pays qui demeure le quatrième émetteur mondial de gaz à effet de serre est contraint de
répondre à des objectifs divergents : la lutte contre la déforestation et la défense des intérêts agricoles.
En effet, même si le taux de déboisement a diminué depuis 2004, le pays souhaite conserver sa place
de premier producteur mondial de soja et de premier exportateur de bœuf. Il est en outre à craindre que
l’essor considérable des agro-carburants dans le pays ne vienne remettre en question à l’avenir les
engagements honorables pris par le Président brésilien de réduire le rythme de déforestation en
Amazonie de 70% d’ici 2018 par rapport à 2005. Cet objectif correspondrait à 4,8 milliards de tonnes
de moins de CO2 lancées dans l'atmosphère, soit plus que ce que les pays riches réunis se sont engagés
à faire à Kyoto. Le Brésil s’est cependant engagé à veiller à ce que la réduction des émissions générée
par une limitation de la déforestation soit inclus dans les conclusions de l’accord de Copenhague et
que cet objectif soit intégré dans le cadre de la Convention.
d- La « vigilance » des pays de l’OPEP
L’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole ne réunit que des pays en développement ou
transition économique. Ils ne sont dès lors donc pas astreints à des objectifs de réduction d’émissions.
Il apparaît que les attentes de ces pays se concentrent principalement sur l’inclusion dans le prochain
traité climat de dispositifs favorisant le transfert technologique dans le domaine de la capture et le
stockage du carbone (CSC), notamment via des mécanismes de flexibilité (MDP). Dans le même
temps, les pays membres de l’OPEP se disent extrêmement vigilants quant à la généralisation d’une
taxe carbone, qu’elle soit de type universelle ou appliquée aux frontières. Ils estiment à cet égard
qu’une telle disposition viserait à pénaliser leurs exportations d’or noir et à en diminuer les recettes.
20
21
IV - Les réponses des pays industrialisés et les institutions internationales
face aux requêtes des pays en développement
Dans le cadre des négociations ayant précédées la quinzième Conférence des Parties à la Conventioncadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques prévue à Copenhague au mois de décembre
2009, les pays industrialisés n’ont pas manqué de rappeler aux pays en développement les limites
qu’ils se fixaient pour les accompagner dans la lutte globale contre le changement climatique. S’ils
demeurent certes disposés à soutenir ces derniers pour qu’ils soient en mesure de mettre en œuvre des
stratégies d’atténuation du changement climatique, les pays industrialisés comptent toutefois sur
l’amélioration et la création de nouveaux mécanismes pouvant les inciter à prendre des actions
volontaires de réductions d’émissions. La question du financement de l’adaptation des pays en
développement reste néanmoins posée et demeure un dès enjeux principal de la conférence de
Copenhague.
1- La volonté apparente des pays industrialisés de limiter leur soutien aux pays en
développement
Vivement sollicités par les pays en développement pour se soumettre à des objectifs de réduction
chiffrés, les pays industrialisés apparaissent tout d’abord tentés de désunir les semblants liens de
solidarité qui existent entre les différents pays du Sud et d’impliquer davantage les puissances
économiques émergentes dans le régime de réduction de gaz à effet de serre. La prise en compte d’un
critère objectif de développement économique des pays permettrait notamment de répondre à cette
volonté. Toutefois, le Groupe des 77 et la Chine refusent que le critère du PIB soit retenu pour
déterminer leur part d’effort dans la réduction des émissions de CO2 et estiment qu’en revanche leurs
stratégies nationales d’atténuation au changement climatique devraient être privilégiées.
a- Vers une remise en cause de la classification relative à l’Annexe I ?
Les pays du Nord, avec les Etats-Unis en tête, restent cependant déterminés à étendre le partage du
fardeau. L’administration du Président Obama propose ainsi de modifier la répartition binaire établie
par la Conférence Cadre des Nations Unies pour le Changement Climatique (pays Annexe I/pays non
Annexe I) et de définir trois catégories de pays selon un référentiel de croissance économique. Dès
lors, à côté du groupe des pays développés qui serait soumis à des objectifs de réduction d’émissions
pour 2020, on pourrait distinguer le groupe des pays émergents (Chine, Inde, Brésil) appelé à adopter
des politiques nationales d’atténuation liées à des objectifs définis en référence à une trajectoire
tendancielle des émissions, et un troisième groupe réunissant les autres pays en développement qui
appliquent des mesures d’atténuation sans objectif contraignant.
De surcroît, les pays industrialisés apparaissent désireux de limiter leur participation financière pour
accompagner les pays en développement dans leurs démarches d’atténuation et d’adaptation au
changement climatique. Ils considèrent que le financement de cette adaptation ne passe pas seulement
par de l’aide publique mais également par des financements privés et par les recettes générées par le
marché carbone. Quelque soit le montant de la part de l’aide bilatérale versée, celle-ci ne doit toutefois
pas être de l’aide publique au développement recyclée mais se présenter comme une véritable
mobilisation supplémentaire de fonds. Cependant, à la veille du Sommet de Copenhague, les pays du
Nord ne font état d’aucune promesse chiffrée claire s’agissant de leur participation financière à
l’adaptation des pays du Sud au réchauffement climatique. Sans avancer de montant précis de leur
contribution financière, les Etats-Unis font remarquer que la liste des pays les plus vulnérables et le
montant des contributions financières attribué à ces pays devrait être réévalué. La Commission
Européenne propose en outre une fourchette assez large pour la contribution de l’Union Européenne se
chiffrant entre 2 et 15 milliards d’euros par an d’ici 2020. La Commission Européenne indique
toutefois que la part du financement public dans l’aide accordée aux pays en développement pour
lutter contre le dérèglement du climat est estimée entre 22 et 50 milliards d’euros par an. Ce chiffre
devrait néanmoins être doublé selon les ONG.
22
En outre, doutant de la réalité de la protection des droits de propriété dans certains pays du Sud, les
pays industriels n’apparaissent pas particulièrement disposés à transférer leurs technologies vertes aux
pays en développement. Ils craignent en effet que les innovations technologiques qu’ils financent pour
développer des process industriels peu émetteurs de GES soient copiés par les pays en développement
ou trop rapidement acquis par ces derniers. Ce sont principalement les pays émergents qui suscitent la
crainte des pays développés. Des pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil ont notamment réclamé à
plusieurs reprises des dérogations au droit international protégeant la propriété intellectuelle de
technologies sobres en carbone.
Toutefois, les pays développés demeurent bien conscients que les pays émergents ne seront pas
contraints à des objectifs sérieux de réduction d’émissions avant plusieurs années et que les industriels
des pays émergents ne font pas face aux mêmes enjeux que ceux des pays industrialisés soumis au
protocole de Kyoto et à son régime successeur. Dès lors, les pays développés n’envisagent pas
d’accorder les dérogations réclamées par les pays en développement et préfèrent proposer des
solutions aux blocages technologiques au cas par cas. Le Mécanisme des Développement Propre
(MDP) constitue en outre aux yeux des pays développés un moyen de transfert de technologies
probant qui pourrait être amélioré.
2- L’accompagnement nécessaire des pays en développement dans l’effort global d’atténuation
A la fin de l’année 2009, on dénombre plus de 4 200 projets MDP réunis dans le portefeuille de la
CCNUCC (dont 1884 enregistrés) représentant 2,9 milliard de Teq CO2 attendues d’ici 2012. Le
Mécanisme du Développement Propre (MDP) est un instrument novateur mis en place par le Protocole
de Kyoto qui permet aux pays développés d’avoir un accès à des crédits carbone bon marché et aux
pays en développement de bénéficier d’investissements propres. L’application du MDP ne présente
donc pas les mêmes enjeux pour chacun des deux groupes de pays. Un projet MDP est validé si le
développeur de projets démontre le caractère additionnel de ses projets : la réduction des émissions de
gaz à effet de serre obtenue doit être plus importante qu’elle ne l’aurait été en l’absence de l’activité de
projet relevant du MDP enregistré.
a- Les insuffisances des mécanismes MDP
Trois difficultés ont toutefois empêché les pays en développement de profiter pleinement de ce
mécanisme dès les premières années de son fonctionnement. D’abord, on observe une grande inertie
du processus de validation et d’enregistrement des projets avec des coûts importants de ces étapes par
rapport au retour financier attendu de certains de ces petits projets. La répartition géographique des
projets MDP (notamment Afrique) est par ailleurs très déséquilibrée au profit des grands pays
émergents. Enfin, l’approche MDP traditionnelle projet par projet n’entraîne pas toujours des
réductions d’émissions importantes. Il apparaît que le conseil exécutif du MDP, faute de personnel,
n’est pas toujours en mesure de vérifier les affirmations des développeurs de projets s’agissant de la
réalité des réductions d’émissions générées par les projets et se repose ainsi souvent sur des auditeurs
chargés de les évaluer. Il demeure dès lors primordial que le régime post-Kyoto modifie l’architecture
actuelle du MDP pour le rendre plus intègre et accessible aux pays en développement.
Déjà en 2007, à coté du modèle du MDP traditionnel, le MDP programmatique (MDP P) avait été
approuvé et lancé par le conseil exécutif du MDP pour répondre en partie à ces obstacles. Ce
mécanisme est un programme d'activités qui permet de réduire les émissions de GES à travers des
activités de projets réalisés dans plusieurs sites, suite à une mesure gouvernementale ou une initiative
du privé. Le MDP programmatique réunit plusieurs atouts (coûts de transactions réduits,
enregistrement du programme puis possibilité d’ajout d’activités de projet successives dans le temps,
procédure moins formelle pour lancement d’un programme …) qui le prédisposent à être intégré dans
le futur traité climat. Favorable aux secteurs où les réductions d’émissions sont dispersées dans le
temps et l’espace et dans les pays ne bénéficiant pas beaucoup du MDP traditionnel, cet instrument
présente un intérêt tout particulier pour les pays d’Afrique et de la région MENA. D’une manière
générale, c’est le MDP traditionnel dans son ensemble qui nécessite d’être réformé. Le régime de
23
réductions des émissions post-2012 devrait doter ce dernier d’une meilleure gouvernance (plus
d’efficacité et de transparence), lui fournir une base de référence multi-projets normalisés et améliorer
également la répartition régionale de son application.
b- Les avantages des approches sectorielles
Les approches sectorielles constituent une autre option prises en compte dans les négociations
climatiques pour encourager les pays en développement à prendre des mesures volontaires
d’atténuation des émissions. En s’engageant à atteindre un objectif quantitatif non contraignant sur un
secteur concentrant de nombreux acteurs industriels et fortement émetteur de GES, le pays en
développement déploie ses principaux efforts dans un seul (ou éventuellement plusieurs) domaine de
son économie. Ceci signifierait que des secteurs entiers seraient astreints à atteindre certaines
performances avant que les crédits ne soient générés. L’approche sectorielle offre en outre l’avantage
d’évaluer plus facilement les réductions d’émissions engendrées. Encouragée par certains pays
industrialisés, cette approche constitue principalement un moyen d’assurer une participation accrue
des pays émergents au marché du carbone par le biais d’objectifs de réduction sectorielle.
L’idée avait été en outre avancée par certains pays en développement que leurs politiques nationales
deviennent éligibles au MDP. Selon cette approche, un pays en développement pourrait recevoir des
crédits pour les réductions d’émissions générées par chacune des politiques qu’il aura mis en œuvre.
Ce nouvel instrument, soutenu par les pays d’Amérique latine, était considéré comme un moyen
d’engendrer les changements structurels en faveur du développement durable que le MDP traditionnel
ne parvient pas à initier notamment dans le secteur résidentiel et le secteur des transports. Ce procédé,
évoqué lors de la conférence des parties à la Convention climat de Montréal en 2005, n’avait pas
recueilli l’assentiment des parties qui avaient d’ailleurs refusé de l’appliquer pour la période 20082012.
La reconnaissance des politiques nationales dans l’application du MDP pose cependant plusieurs
difficultés qui ne permettent pas de penser que le régime post-2012 de diminution des émissions
intègre les mesures politiques de réduction d’émissions dans le mécanisme prévu par le Protocole de
Kyoto. D’une part, il vient modifier l’esprit même du MDP qui n’a pas pour mission d’apporter un
soutien financier au développement de politiques publiques mais plutôt de rendre les investissements
du secteur privé plus efficaces au plan environnemental. D’autre part, les gouvernements des pays en
développement devront justifier que chacune des politiques de lutte contre le changement climatique
mises en œuvre est additionnelle et qu’elle n’aurait pu être appliquée en l’absence du MDP. Hors, les
politiques initiées dans ce domaine sont souvent transversales et multidimensionnelles et il demeure
peu aisé de garantir leur caractère d’additionnalité. Enfin, il demeure plus compliqué d’estimer les
réductions d’émissions générées par une politique donnée.
Il ressort que l’approche actuelle du MDP, projet par projet, n’est pas efficace pour encourager les
pays en développement à mettre en place des politiques climatiques ambitieuses. Sachant que le
caractère d’additionnalité environnementale doit être démontré pour chaque projet MDP, les pays en
développement ne sont en effet pas incités à légiférer pour lutter contre le changement climatique. Si
de telles lois étaient mises en vigueur, elles devraient dès lors être incluses dans le scénario de
référence (scénario tendanciel d’augmentation des émissions) qui sert de base pour quantifier les
crédits carbone obtenus grâce au projet MDP. On comprend que pour maximiser le montant de crédits
carbone généré par projet, il reste plus intéressant pour les pays en développement de continuer à
disposer d’un scénario de référence élevé.
c- La problématique liée à la déforestation
La question de la déforestation, en forte augmentation dans plusieurs pays en développement et
représentant un cinquième des émissions globales de CO2, constitue un autre sujet d’importance sur
lequel le dispositif du futur protocole devrait impérativement mettre en place de nouveaux mécanismes
en faveur des pays vulnérables. Le mécanisme REDD, Réduction des émissions dues au déboisement
et de la dégradation forestière dans les pays en développement, initié après la conférence de Bali en
2007, prévoit en effet la possibilité de dédommager les pays en développement pour leurs actions
24
menées contre la déforestation. Si ce dispositif présente l’intérêt d’encourager ces pays à réduire les
émissions générées par la déforestation, l’estimation et la comptabilisation des émissions évitées se
révèlent néanmoins aléatoires.
La définition de la déforestation nécessite d’être précisée car son champ pourrait varier si on incluait
par exemple les actions de lutte contre la dégradation des forêts ou d’une manière plus générale les
politiques de gestion durable des forêts. S’agissant du mode de dédommagement des mesures prises
par les pays en développement, les négociateurs auront pour tâche de déterminer quel dispositif se
révèle le plus adéquat : le recours aux mécanismes du marché du carbone ou l’utilisation de fonds
spécialisés. Malgré les espoirs placés dans l’application des mécanismes du marché du carbone, on
peut craindre que l’intégration d’un mécanisme de crédits REDD au marché du carbone vienne
déstabiliser ce dernier en cas d’arrivée massive de crédits REDD à bas prix sur le marché. De même,
l’achat de crédits REDD peu coûteux ne devrait pas devenir une échappatoire pour les pays de
l’Annexe I qui ne remplissent pas leurs objectifs de réductions d’émissions. La proposition d’un
marché parallèle de droits sur la déforestation évitée semblerait peut-être une option plus pertinente.
Il reste que le recours à un fonds spécialisé aurait la possibilité de s’appuyer sur un fonds déjà
existant mis en place dans le cadre des Nations Unies : le Fonds de partenariat pour la réduction des
émissions de carbone forestier des Nations Unies (UN-REDD). Le fonds spécialisé retenu pourrait être
abondé par des ressources provenant du secteur privé, de l’aide publique au développement, de
l’application d’une taxe carbone, ou encore de revenus générés par des marchés carbone. Le recours à
un fonds dédié à la lutte contre la déforestation aurait l’intérêt d’assurer une meilleure équité pour la
distribution des fonds entre les acteurs concernés et notamment en faveur des communautés locales.
Selon une étude réalisée en 2008, une réduction mondiale de moitié de la déforestation serait estimée
entre 17 et 33 milliards de dollars par an d'ici à 2030.
d- De l’importance de nouveaux outils incitatifs
La participation des pays en développement dans la stratégie de réduction globale des émissions de
GES nécessite donc d’être encouragée avec de nouvelles dispositions incitatives. La mise en place
d’Actions Nationales Appropriées d’Atténuation (ANAAs) ou (Nationally Appropriate Mitigation
Actions, NAMA) dans les pays du Sud est une option sérieusement discutée dans les négociations
climatiques actuelles. Ce sont des actions conçues à grande échelle à la différence du MDP qui
pourraient initier dans les pays en développement une dynamique de limitation volontaire des
émissions de GES. Elles pourraient être mises en œuvre à l’échelle d’un secteur économique, d’un
type d’industrie ou à l’échelle d’une région ou d’une ville. Trois types d’ANAAs différents ont été
identifiés au cours des dernières négociations : des ANAAs unilatérales (où les pays en développement
ne bénéficient pas de soutien extérieure pour leur application), des ANAAs conditionnelles (les pays
en développement bénéficieraient en échange de soutien financier et technique international) et des
ANAAs créatrices de crédits carbone (à distinguer du MDP qui reste un mécanisme par projet). Il
serait opportun d’inclure ces actions d’atténuation au sein de Plan Nationaux d’Atténuation que les
pays en développement adopteraient de façon volontaire.
Afin d’éviter toute dérive, il demeure fondamental tout d’abord que les atténuations réalisées par les
pays en développement soient mesurables et vérifiables. Ceci nécessitera d’importants moyens pour
suivre les efforts fournis par l’ensemble des pays. Par ailleurs, l’aide apporté par les pays industrialisés
dans le cadre d’ANAAs non unilatérales ne doit pas se baser principalement sur leur rendement
carbone mais tenir compte également de leur impact sur le développement durable. L’estimation des
coûts de l’atténuation du changement climatique dans les pays en développement se révèle difficile à
déterminer sachant que parfois « atténuation » et « adaptation » sont abordées de façon
interdépendante. D’ici 2030, les coûts de l’atténuation des GES pourraient être compris entre 0,2% et
3% du PIB mondial.
Dans la perspective de soutenir les actions globales de réduction des émissions, le Mexique a proposé
en 2008 l’idée de création d’un « Fonds Mondial vert » (Green Fund) alimenté par tous les pays,
industrialisés et en développement (sauf les pays les moins avancés), dont les fonds seraient reversés à
l’ensemble des pays selon l’évolution de leurs émissions, de leur intensité énergétique et de leur poids
25
économique. Ce mécanisme qui semble recueillir le soutien aussi bien des pays industrialisé que des
pays en développement devra cependant trouver sa place parmi les autres instruments financiers
bilatéraux, multilatéraux et ceux prévus au sein de la Conférence-cadre des Nations pour le
Changement Climatique (CCNUCC). Si ce fonds vert voit le jour, au regard des minces espoirs placés
dans la conférence de Copenhague, il y a toutes les chances qu’il se réalise en dehors du cadre de la
CCNUCC.
3- La question cruciale du financement de l’adaptation
A l’heure de la préparation du nouveau traité international définissant le cadre de lutte contre le
changement climatique pour la période post-2012, la question du financement de l’adaptation des pays
en développement se révèle être un dès principaux nœuds des négociations climatiques. Aucun accord
international sérieux sur le climat ne semble cependant envisageable sans un volet décisif portant sur
le soutien à l’adaptation des pays les plus vulnérables. Dans le jeu des négociations climatiques, les
pays industrialisés sont en effet avertis : sans financement d’importance tenant compte des exigences
posées par les pays en développement en matière d’adaptation, ces derniers n’accepteront pas le
nouveau traité climat.
a- L’évaluation des coûts d’adaptation
Il reste toutefois difficile de fournir un montant précis, partagé par l’ensemble de la communauté
internationale, sur les fonds nécessaires devant être réunis pour préparer les pays pauvres à s’adapter
au dérèglement du climat dans les prochaines décennies. Différentes méthodologies sont utilisées pour
estimer le coût de l’adaptation dans les pays en développement mais il n’est pas toujours aisé
d’affirmer que certaines mesures d’adaptation n’auraient pas été prises même en l’absence de
changement climatique (amélioration de l’efficience des services d’eau, économies d’énergie …). Les
pays du Sud sont néanmoins vivement encourager à adopter des stratégies qu’on qualifie de « sans
regrets » en raison de leurs effets bénéfiques quelque soit le contexte dans lequel elles s’inscrivent.
Parmi les méthodologies existantes, on distingue d’une part une approche « descendante », retenue
notamment par la CCNUCC, qui évalue les coûts de l’adaptation selon une manière simple et globale :
elle se limite à recenser les investissements actuels dont le montant pourrait être altéré par le
changement climatique. L’autre approche, dite « remontante », se concentre sur des projets spécifiques
d’adaptation et fonde notamment en partie ses résultats sur les programmes nationaux d’action pour
l’adaptation (PANA). Toutes les méthodes utilisées pour l’estimation des coûts de l’adaptation
contiennent néanmoins un certain nombre d’incertitude (échelles d’estimation différentes, besoins
futurs négligés, secteurs ignorés) qui ne permettent pas de parvenir à des estimations précises. Depuis
plusieurs mois, plusieurs fourchettes de coûts ont été proposées par différentes institutions
internationales qui se chiffrent à des dizaines de milliards de dollars par an. La Banque Mondiale
avance notamment une estimation de coût pour l’adaptation des pays en développement de l’ordre de
9-41 milliards par an. Au vu des différentes estimations présentées, il convient toutefois de tenir
compte de l’horizon temporel dans lequel ces estimations de coûts doivent être prises en considération
(voir tableau ci-dessous). Il ressort de cette démarche d’évaluation des coûts que le soutien à apporter
aux politiques d’adaptation des PED devra être d’un montant significatif et prévu sur une longue
durée.
Tableau A – Estimations des coûts annuels de l’adaptation au changement climatique
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Auteur des estimations
Coûts
annuels Horizon
estimés (USD)
temporel
Mondiale 9-41 milliards
Actuel
Zone géographique
Banque
(2006)
Rapport Stern (2006)
Oxford Institute for
Energy Studies (2006)
Oxfam (2007)
PNUD (2007)
CCNUCC (2007)
Rapport Stern (2006)
CCNUCC (2007)
Rapport Stern (2006)
CCNUCC ( 2007)
Pays en développement
4-37 milliards
Actuel
Pays en développement
2-17 milliards
Actuel
Pays en développement
> 50 milliards
86- 109 milliards
28-67 milliards
15-150 milliards
21-104 milliards
19-187 milliards
49-171 milliards
Actuel
En 2015
En 2030
Actuel
En 2030
Actuel
En 2030
Pays en développement
Pays en développement
Pays en développement
Pays développés
Pays développés
Monde
Monde
Source: Mission Climat, CDC
b- Une diversité de fonds de financement
Les principales actions prises à ce jour en matière d’adaptation dans le cadre de la Convention-cadre
des Nations Unies ont consisté à la mise en place d’un programme de travail sur l’adaptation à
Nairobi, en 2005, au financement de Programmes d’action nationaux d’adaptation (PANA) dans les
pays les moins avancés et à la création de trois fonds spéciaux pour l’adaptation gérés par le Fonds de
l’Environnement Mondial (FEM) : le Fonds spécial de priorité stratégique pour l’adaptation (PSA), le
Fonds spécial pour les changements climatiques (FSCC), le Fonds pour les pays les moins avancés
(FPMA). Un nouvel instrument de financement international, le Fonds d’adaptation (FA), mis en
œuvre dans le cadre du Protocole de Kyoto, devrait être opérationnel dans les mois à venir.
Abondé par des fonds propres du FEM, le Fonds spécial de priorité stratégique (FSCC) pour
l’adaptation a été le précurseur des fonds pour l’adaptation apportant un financement aux projets
pilotes et témoins d’adaptation locale. Quatre ans après son lancement, ce fonds a clôturé ses appels à
projets en novembre 2008 et engagé une enveloppe de 50 millions de dollars. Dans le même temps,
une attention particulière a été portée sur le sort des pays les moins avancés. Lors de la 7ème
Conférence des Parties (COP) en 2001, ces derniers ont été invités à identifier, dans le cadre des
Programmes d’action nationaux d’adaptation (PANAs), les activités prioritaires qui répondent à leurs
besoins urgents et immédiats en matière d’adaptation, en se référant à une évaluation ascendante
impliquant toutes les parties prenantes.
Le fonds mis en œuvre en leur faveur est alimenté de façon volontaire par les pays industrialisés
(environ 19 donneurs) et demeure géré par le Fonds de l’Environnement Mondial (FEM). En 2008, le
FEM avait mobilisé environ 172 millions de dollars pour le compte du Fonds pour les pays les moins
avancés. Par ailleurs, le Fonds spécial pour les changements climatiques a été établi comme catalyseur
de ressources complémentaires provenant de sources bilatérales et multilatérales pour financer les
activités et programmes liés à l’adaptation au changement climatique. En 2008, les promesses de dons
s’élevaient à 90 millions de dollars.
En additionnant les ressources de ces 3 fonds, le montant total des aides financières apportées par les
pays industrialisés aux pays en développement via ces instruments ne s’élèvent qu’à un peu plus de
300 millions de dollars. Face aux montants annuels avancés plus haut apparaissant nécessaires pour
accompagner les pays en développement à mettre en œuvre des parades pour s’adapter aux aléas
climatiques, les montants des trois fonds présentés restent donc insignifiantes. On peut s’interroger
d’autre part sur la reconstitution régulière des deux derniers fonds présentés dans le temps sachant
qu’ils sont pourvus sur une base volontaire. La complexité des procédures d’accès à ces fonds est
également source de grief de la part des pays en développement. Peut-on espérer des améliorations
avec le Fonds d’Adaptation (FA) conçu dans le cadre du Protocole de Kyoto ?
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Ce fonds, prochainement opérationnel, est appelé à devenir le principal instrument de financement de
l’adaptation des pays en développement en se concentrant sur des projets et programmes concrets dans
les pays parties au protocole. Contrairement aux deux précédents fonds qui sont alimentés par les
contributions des bailleurs de fonds, ce fonds est financé grâce à 2% des recettes générées par les
projets du Mécanisme pour un Développement Propre. D’autres sources de financement peuvent
toutefois être accueillies. La gouvernance de ce fonds se révèle également originale car si le FEM
assure le secrétariat du fonds, il ne s’occupe toutefois pas de la gestion de celui-ci qui est dirigé par un
conseil organisé selon la distribution régionale des Nations Unies, soit avec une majorité de pays en
développement. Les capitaux que pourraient réunir le Fonds pour l’Adaptation sont estimés par le
Secrétariat de la CCNUCC entre 150 et 600 millions de dollars par an entre 2008 et 2012 (montant
pouvant varier selon le nombre de projets MDP et de la valeur des crédits MDP sur les bourses du
carbone), et entre 100 millions et 5 milliards par an sur la période 2013-2030. Les ressources de ce
fonds restent néanmoins dépendantes de l’évolution des marchés du carbone.
Il n’est toutefois pas si évident que le Fonds d’Adaptation rassemble la plupart des fonds nécessaires
pour accompagner les pays en développement dans leur stratégie d’adaptation au dérèglement du
climat. On constate en effet actuellement la création d’une multitude d’instruments financiers
bilatéraux et multilatéraux dont les objectifs se recoupent mais qui ne font l’objet d’aucune
coordination. Si toutes ces initiatives demeurent louables, elles n’offrent cependant pas une bonne
visibilité sur les stratégies d’actions globales mises en œuvre de façon indépendante par les pays
industrialisés ou les institutions intergouvernementales.
La Banque Mondiale met ainsi actuellement en place de son côté deux fonds d’investissements
climatiques (Fonds pour les technologies propres et le Fonds stratégique pour le climat) dotés au
minimum de 6 milliards de dollars par les pays membres du G8. Ces deux fonds sont destinés à
accorder des prêts ou subventions aux projets d’investissements énergétiques propres et à aider les
pays pauvres à lutter contre le changement climatique. D’autres fonds alimentés par des sources
multilatérales ont également été lancés ces dernières années : le fonds de partenariat pour la réduction
des émissions de carbone forestier, le fonds de partenariat pour la réduction des émissions de carbone,
le dispositif mondial de réduction des effets des catastrophes et de relèvement, le fonds de partenariat
des nations unies pour la réduction des émissions causées par le déboisement et la dégradation des
forêts dans les pays en développement, l’initiative pour l'énergie durable et le changement
climatique...
Les initiatives bilatérales ne manquent pas par ailleurs (elles représentent une somme globale
approximative d’une quinzaine de milliards de dollars) mais certaines d’entre elles ont été prévues de
fonctionner sur une courte durée : Cool Earth Partnership (Japon), l’Initiative climat et forêt
(Norvège), International Window - Environmental Transformation Fund (Royaume-Uni), le fonds
Amazone (Brésil), l’Initiative internationale pour le climat (Allemagne), l’Initiative internationale
pour le carbone forestier (Australie), PNUD - Fonds espagnol pour la réalisation des Objectifs du
Millénaire pour le Développement, l’Alliance mondiale pour la lutte contre le changement climatique
(Commission européenne)…
Eu égard à la provenance des ressources de ces fonds qui restent en grande partie de source publique,
on peut s’interroger sur la pérennité de la plupart de ces fonds destinés à soutenir les pays vulnérables
pour qu’ils s’adaptent aux aléas climatiques. Les pays industrialisés vivement sollicités par les pays du
Sud, et appelés eux aussi à financer leur propre adaptation au changement climatique, vont-ils être en
mesure de répondre aux besoins de l’ensemble des pays en développement ?
Conclusion
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Il apparaît bien difficile aujourd’hui de définir le futur visage du dispositif de réduction des émissions
de GES couvrant la période post-2012 dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur le
Changement Climatique. Si la plupart des exigences des pays du Nord et du Sud ne se recoupent pas,
il demeure néanmoins primordial que le prochain accord sur le climat se concentre a minima sur la
reconnaissance et le développement de mécanismes financiers destinés à soutenir des actions
d’adaptation au changement climatique dans les pays en développement.
De même, le transfert nord-sud de technologies moins émettrices en GES doit être promu aussi bien à
travers des mécanismes de marché ou d’aide publique au développement. Au-delà du débat stérile qui
oppose pays développés et pays en développement sur la question de la responsabilité historique des
émissions de CO2, il convient de faire admettre par les Parties à la Convention que le monde entre à
présent dans une ère post-carbone où chaque pays à son échelle et selon ses ressources doit agir sur le
niveau de ses émissions. Si les négociations en cours ne parviennent pas à définir à Copenhague un
nouveau protocole acceptable et admis par la plupart des pays, la volonté exprimée à plusieurs reprises
par la majorité des pays du Nord et du Sud de lutter contre le dérèglement du climat nous permet de
penser qu’un accord sera inévitablement pris dans les prochains mois.
Au printemps 2010, IPEMED publiera une Note plus complète mettant à jour les informations
contenues dans ce document mais, surtout, contenant une partie détaillée sur les politiques des pays du
Sud et de l’Est la Méditerranée en matière de réduction des gaz à effet de serre.
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