Traverser aux douanes en motoneige

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Traverser aux douanes en motoneige
Traverser aux douanes en motoneige
~ Stephen Jermanok pour le Boston Globe
PRESQUE ISLE, Maine — Habillé d’un gros manteau et de pantalons d’hiver isolés, d’un
casque de sécurité, de gants épais et de bottes à cap d’acier, je n’étais pas seulement équipé
pour affronter des températures en-dessous de zéro, mais également prêt à lutter des ours
polaires si cela s’avérait nécessaire. J’espérais que sur ma Ski-Doo, et suivi du guide Kevin
Freeman en traversant la rue principale, nous allions emprunter le premier de plusieurs
sentiers que nous voulions goûter ce jour-là.
En seulement quelques minutes, j’étais immergé dans un monde merveilleux de champs, de
forêts et de montagnes couverts de neige. J’ai monté rapidement des collines à travers des
corridors longés de pins et de sapins, en passant près de granges solitaires et de piles de
bois, ainsi que les restants d’une opération forestière.
J’entamais une vacance en motoneige dans deux pays, qui me mènerait du Nord du Maine
jusque dans la province avoisinante du Nouveau-Brunswick. Attachés à ma machine, mes
sacoches, deux sacs pour mes vêtements et autres essentiels pour une nuit au Canada. Mais
pour commencer, j’allais m’amuser dans le comté d’Aroostook.
En montant vers le Nord, en passant Bangor et le parc « Baxter State Park », on arrive dans
« Le Comté » comme l’appellent les gens du Maine, soit le plus grand comté à l’Est du fleuve
Mississippi. En été, c’est une courtepointe de champs de pommes de terre et de broccoli.
Quand l’hiver arrive et que la terre est couverte de neige, la région devient le royaume d’un
réseau de 2 400 milles de sentiers de motoneige.
« Tu pourrais te promener à chaque
jour pendant toute une semaine et ne
jamais emprunter le même sentier »,
déclarait Freeman, 52 ans, qui doit
savoir bien des choses à propos de la
motoneige ici, ayant amassé plus de
250 000 milles sur une série de SkiDoo. Avant d’ouvrir « The Sled Shop » à
Presque Isle, Freeman fut un
motoneigiste professionnel pendant
une douzaine d’années, participant à
des courses de vitesse sur des lacs
gelés. Maintenant, il vend des
motoneiges, il loue des vêtements et
agit comme guide
pour
une légion
ROSS
ANTWORTH
grandissantes de gens de l’extérieur
Traverse de la rivière St-Jean
qui sont rapidement séduits par le
sport et le paysage.
Freeman m’a indiqué le site du départ de la première traversée transatlantique réussie en
mongolfière. Il m’a ensuite amené au sommet du « Aroostook State Park » pour y observer
Haystack Mountain couverte de neige. Les sentiers sont un mélange de sentiers de clubs et
de réseaux de sentiers interconnectés (Interconnecting Trail System -ITS). Il est facile de
trouver une carte détaillée à Presque Isle, le centre économique du comté ; la signalisation
des sentiers est excellente.
Alors que je glissais sur un sentier fraîchement nivelé, en regardant l’arrière du Mont
Katahdin, je ne pouvais faire autrement que d’avoir le sentiment de participer à une sorte
de sous-culture américaine, un peu comme se promener à cheval avec les grands éleveurs
(ranchers) au Montana. La motoneige est plus qu’un simple loisir dans cette région, c’est un
mode de vie et un moyen de transport. Freeman avait seulement 7 ans quand son père l’a
amené dans un grand champ et lui a laissé faire des cercles sur une petite motoneige.
Maintenant, c’est un expert qui se penche dans les virages et les descentes, qui me laisse en
arrière dans un nuage de neige dans les champs.
Quarante clubs de motoneige dans les comtés d’Aroostook et de Penobscot entretiennent
les sentiers dans le Nord du Main et j’ai bien senti leur impact quand j’ai suivi une grosse
surfaceuse qui rend le parcours aussi confortable que si l’on conduisait une Mercedes sur
un « autobahn ». J’ai me suis arrêté pour admirer un gros Harfang des neiges sur les
branches élevées d’un bouleau et ensuite j’ai observé des chevreuils près de Ashland.
Peu après nos premiers 50 milles, nous arrivons pour diner chez Dean’s, un arrêt populaire
sur les bords de Portage Lake. La chaudrée de poisson avait surtout bon goût après trois
heures en plein air dans des températures qui n’avaient seulement monté qu’à 8 degrés
Fahrenheit. Heureusement, mes vêtements, même s’ils me faisaient paraître aussi rond que
le « Pillsbury Doughboy », me protégeaient du froid. Freeman s’est promené dans la salle,
jasant avec des motoneigistes qui viennent à chaque année du Connecticut. Attirés par la
promesse de neige, des gens de tous les coins du pays viennent à son commerce pour
essayer le sport.
« À chaque année, j’ai au moins un groupe de la Floride ou de la Louisiane qui n’ont jamais
vu de neige », explique Freeman, ajoutant que les revues sur la motoneige classent
continuellement « Le Comté » comme étant l’un des meilleurs endroits pour essayer le
sport, tout comme la Péninsule supérieure du Michigan et en Alaska.
Pour un novice, la motoneige est très accessible. La machine peut paraitre intimidante,
mais tout ce que vous avez à faire, c’est de s’y asseoir, la démarrer et pratiquer
l’accélération et le freinage. Une chaufferette sur les guidons vous réchauffe les mains alors
que vos pieds sont bien sécures dans leurs ancrage, protégés du vent. Loin dans le passé,
maintenant, le temps où l’on aspirait des vapeurs d’essence et que l’on ressentait toutes les
vibrations. Sur ma Ski-Doo de 110 hp, je n’ai jamais senti d’essence et à peine remarqué le
ronronnement du moteur, le bruit étant étouffé par mon casque de sécurité.
De fait, l’après-midi devint
un flou exaltant parce j’ai
passé une bonne partie du
temps à voyager sur un
ancien corridor ferroviaire
relativement plat, ITS 105,
en direction nord-est. Un
grand sourire gelé sur mon
visage, j’ai atteint des
vitesses allant jusqu’à 75
milles à l’heure, tout en
priant Dieu ne pas
permettre qu’un orignal à
moitié endormi par le froid
décide de traverser mon
chemin.
Sur le chemin vers Saint-Quentin
À Van Buren, nous avons emprunté la rivière Saint-Jean et ensuite suivi la ligne d’autos à la
frontière. J’ai fouillé dans mon sac de vêtements pour trouver mon passeport. Ils m’ont fait
signe de passer et j’ai fais mes adieux à Freeman et j’ai salué Ross Antworth, Directeur
général de la Fédération des clubs de motoneige du Nouveau-Brunswick. Avec un soleil
couchant derrière nous, Antworth m’a rapidement conduit au Quality Inn, près de GrandSault, et ma chambre pour la nuit.
Durant le dessert de tarte au sucre, une spécialité acadienne sublime, Antworth
m’expliquait que le Nouveau-Brunswick contient plus de 7 000 kilomètres de sentiers de
motoneige surfacés.
« Plus de 50 pourcent des sentiers sont sur les terres publiques (couronne), sous la
juridiction de la province », ajoutait-il, en comparaison aux nombreux sentiers du Maine
qui sont sur des terres privées.
Le lendemain matin, après avoir fait le plein à la station Irving, j’ai observé une hermine
blanche rare qui creusait dans la neige. Ensuite, ce fut le départ et une fois de plus on
traversait la rivière Saint-Jean, cette fois-ci sur un long pont de chemin de fer qui enjambe
la rivière.
Nous avons passé la matinée en motoneige à travers une dense forêt et sur des chemins
forestiers, en passant près de quelques scieries. Le haut point fut le Sentier #19, un ancien
chemin ferroviaire étroit entouré de grands sapins chargés d’une neige récente. Pour le
diner, nous nous sommes arrêtés dans le petit village francophone de Saint-Quentin et nous
avons mangé des croque-monsieur, tout en jasant avec d’autres motoneigistes.
M’en retournant vers la frontière du Maine, sous un soleil ardant dont les rayons nous
dardaient à travers les arbres, j’ai suivi Antworth à régime moyen de 60 milles à l’heure.
Tout cela fut euphorisant. Ma randonnée de fin de semaine de 225 milles tirait à sa fin, et
pourtant, je demeurais en état de Zen, absorbant toute l’expérience. C’est pourquoi je
demeure ici, en Nouvelle-Angleterre, durant les durs mois d’hiver, pour jouer dehors.

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