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Christian Schmidt*
L’article propose un panorama des principales contributions d’Aumann et de Schelling
à la théorie des jeux. Il distingue, pour Aumann, les travaux consacrés aux jeux coopératifs et non coopératifs. Pour Schelling, il met l’accent sur les jeux de pure coordination et les points focaux, d’une part, les effets collectifs de l’interdépendance des
anticipations stratégiques, d’autre part. Il montre, en conclusion, l’existence des liens
profonds, quoique partiellement cachés, entre les recherches d’Aumann et celles de
Schelling concernant les croyances des joueurs et l’approche cognitive d’une situation
de jeu.
• DÉBATS/OPINIONS
Deux prix Nobel pour la théorie des jeux
Aumann - Schelling - continuum de joueurs - structures de coalition - équilibre corrélé
- jeux de pure coordination - points focaux - rationalité cognitive
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The paper is a survey of the Aumann’s and Schelling’s main contributions to game
theory. For Aumann, a distinction is made between his works devoted to cooperative
and non cooperative games. As for Schelling, pure coordination games and focal points
are underlined on one hand, and the collective impact of interdependance strategic
expectations, on the other hand. In conclusion, the paper shows the existence of a
profound, but partially hidden, link between Aumann’s and Schelling’s researches
concerning the players’ beliefs and the cognitive approach of a game situation.
Aumann - Schelling - continuum of players - coalition structures - correlated equilibrium - pure coordination game - focal points - cognitive rationality
Classification JEL: C5
1 Introduction
Le prix Nobel de Sciences Economiques 2005 a été attribué à Robert J.
Aumann et Thomas C. Schelling. C’est la seconde fois en onze ans que le
jury de Stockolm récompense des théoriciens des jeux, puisque John F.
Nash, John C. Harsanyi et Reinart Selten étaient les lauréats de 1994. Ce
rapprochement suscite une première interrogation. Le choix de cette année
vise-t-il à honorer des travaux différents de ceux qui ont déjà été primés en
1994, ou s’agit-il seulement de prendre acte du rôle croissant de la théorie
* LESOD, Université Paris-Dauphine
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Two Nobel prizes for game theory
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2 Robert J. Aumann, Le Picasso
de la théorie des jeux
Les publications d’Aumann s’étendent sur une période de près d’un demisiècle et concernent pratiquement toutes les branches de la théorie des jeux
(jeux coopératifs, jeux non coopératifs, jeux stochastiques, jeux répétés...)1.
Un peu comme Picasso en peinture, Aumann a activement participé aux
modes et aux mouvements d’idées divers qui se sont succédés au cours de
ce demi-siècle de théorie des jeux, tout en leur imprimant sa marque originale. Son œuvre constitue, pour cette raison, un condensé de l’histoire de
cette théorie, en même temps que le témoignage d’une pensée personnelle,
toujours en éveil, celle même de Robert J. Aumann.
Pour éclairer son parcours, le plus simple est de procéder à un découpage
thématique qui conduit à examiner successivement ses principales contributions aux jeux coopératifs et aux jeux non-coopératifs.
3 Jeux coopératifs
Les premiers travaux d’Aumann en théorie des jeux portent sur les jeux
coopératifs. Cela n’a rien de surprenant. L’ouvrage fondateur de Von Neu1. Les 1578 pages des deux volumes de ses Collected Papers en fournissent un impressionnant témoignage.
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des jeux dans la formulation et l’analyse des phénomènes économiques ?
En 1994, le message était clair. Le prix Nobel récompensait les progrès
économiques qu’avait permis de réaliser l’équilibre de Nash comme solution des jeux non-coopératifs. Les trois personnalités retenues avaient toutes travaillé à l’approfondissement et à l’extension de ce que l’on appelle
communément le « programme de Nash ». Harsanyi et Selten, en étroite
collaboration et en lien, au moins indirect, avec Nash lui-même. En 2005, au
contraire, aucun programme de recherche commun ne relie les travaux
d’Aumann à ceux de Schelling. Les sujets qu’ils ont abordés, et surtout les
méthodes scientifiques qu’ils ont suivies pour les traiter semblent, à première vue, davantage les séparer que les rapprocher. Faut-il considérer
qu’une unité profonde et partiellement cachée existe cependant entre leur
objet scientifique ou, qu’à travers eux, c’est plutôt la flexibilité des outils
fournis par la théorie des jeux et la grande variété de leurs applications
économiques que le jury de Stockolm a voulu consacrer ?
Ces questions seront examinées en conclusion. Auparavant, il convient de
rendre compte séparément des contributions respectives des deux lauréats
de 2005.
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mann et Morgenstern envisageait les jeux dans une perspective principalement coopérative.
Dès les années 60, Aumann entreprend de dégager, d’un point de vue
analytique, les relations étroites qui relient quelques-uns des principaux
concepts de solution de la théorie des jeux coopératifs, comme le cœur et la
valeur de Shapley, à l’équilibre économique de marchés en concurrence
parfaite. Pour y parvenir, Aumann redéfinit la concurrence parfaite comme
un espace marchand où opère un continuum d’agents. Cette reformulation
lui permet de démontrer, sous ces conditions, une équivalence complète
entre le cœur et l’équilibre concurrentiel (Aumann, [1964]), puis d’établir,
sous ces mêmes conditions, son existence, c’est-à-dire la garantie que le
cœur d’une telle économie n’est pas vide (Aumann, [1966]). Un peu plus
tard, poursuivant la même idée, Aumann démontre une équivalence semblable entre la valeur de Shapley et l’équilibre concurrentiel, dans une économie marchande, où la concurrence parfaite se trouve toujours représentée
par un continuum d’opérateurs (Aumann, [1975]). Cela ne signifie pas, évidemment, que le cœur et la valeur de Shapley renvoient eux-mêmes à des
concepts équivalents, mais seulement que l’un et l’autre correspondent à
des définitions possibles, mais distinctes d’un équilibre concurrentiel.
Ces résultats sont à l’origine d’un resserrement des liens entre la théorie
des jeux et l’analyse économique des marchés. Ils ont ouvert une nouvelle
approche de la concurrence conçue en termes de continuum des agents et
montré que plusieurs contraintes sur les préférences individuelles des
agents, traditionnellement associées à la réalisation d’un équilibre concurrentiel, ne sont pas nécessaires dès que l’on ne raisonne plus sur un nombre
fini d’agents. Ainsi, lorsque l’on adopte une perspective qualifiée parfois
d’« océanique »2, où les opérateurs ne pèsent plus individuellement sur le
marché, la convexité de leurs préférences, et même leur complétude ne sont
plus requises pour garantir le cœur, c’est-à-dire un équilibre concurrentiel de
cette économie.
Les propriétés ainsi mises en évidence par Aumann ont donné lieu à de
nombreux travaux, auxquels ont participé, notamment, Maschler, Shapley et
Shubik. Elles conduisent à un renouvellement profond de l’analyse des relations entre le comportement des opérateurs individuels et l’évolution des
économies de grande dimension (« large economies »). Hildenbrand, qui a
d’abord étendu les résultats d’Aumann aux économies de production, a
montré, plus récemment, comment ils débouchaient sur une révision des
relations entre la théorie micro économique et la macro économie (Hildenbrand, [1995, 1999]).
A la même époque, Aumann introduit avec Maschler un nouveau concept
de solution pour les jeux coopératifs, « l’ensemble de marchandage » (« bargaining set »). Dans un jeu décrit en forme coalitionnelle, cette solution
résulte d’un marchandage fait de propositions et de contrepropositions entre les joueurs, jusqu’à ce qu’ils aboutissent à un état stable (Aumann and
Maschler, [1964]). Le principal intérêt est ici d’introduire, dans le cadre d’un
2. Le terme imagé de jeux océaniques a été utilisé pour la première fois par Milnor et
Shapley pour décrire une situation politique dans laquelle il y a quelques grands électeurs et
un « océan » de petits électeurs (Milnor and Shapley, 1978).
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jeu coalitionnel, les contraintes d’un processus de négociation (menaces et
objections) et de prendre ainsi en compte des considérations stratégiques à
l’intérieur d’un jeu coopératif.
Mais la contribution la plus originale d’Aumann à l’avancement des jeux
coopératifs réside, sans doute, dans sa mise en évidence des structures de
coalitions qui sous-tendent, plus ou moins directement, toutes les solutions
qui ont été proposées pour les résoudre. Parti de l’idée d’une organisation
des coalitions inhérentes à chacune de ces solutions, Aumann, démontre
dans un article rédigé avec Drèze que cette organisation peut être représentée par une partition définie au moyen d’une fonction identique dans tous
les cas (Aumann and Drèze, [1976]). Ces « structures de coalition » précisent
les relations existant entre deux composantes distinctes des jeux coopératifs, la formation des coalitions et l’allocation des richesses entre leurs membres. Elles constituent, en outre, le point de départ d’une endogénésation
des coalitions dans l’analyse des situations coopératives.
Là encore, les idées d’Aumann ont été étendues et développées plus récemment. On peut, en effet, considérer les structures de coalition comme un
cadre analytique approprié pour étudier de manière plus fine les relations
entre les joueurs dans un système coopératif. Myerson, par exemple, a
enrichi le modèle initial des partitions proposé par Aumann and Drèze en le
transformant en une structure d’information plus complexe, qui rend
compte de la communication (ou de l’absence de communication) des
agents entre eux, sous la forme de graphes de coopération (Myerson,
[1977], Aumann and Myerson, [1988]). D’autres développements plus ambitieux et d’inspiration plus hétérodoxes prennent également leur source dans
ce travail d’Aumann. Ainsi, Greenberg présente ce qu’il a appelé une « théorie des situations sociales » comme une construction théorique alternative
par rapport à la théorie des jeux (Greenberg, [1990]). En approfondissant la
notion de structure de coalition stable, empruntée à Aumann, il reconsidère
la descriptions d’un jeu. Tous les concepts de solution reposent, en effet, sur
la stabilité des structures de coalition, dont la formulation varie seulement
en fonction des systèmes d’information et de communication qui caractérisent leur organisation institutionnelle. Il est encore trop tôt pour savoir si
cette voie, explorée par Greenberg, renouvelle le paysage scientifique des
jeux, comme le pense son auteur. Mais sa dette intellectuelle à l’endroit
d’Aumann est incontestable.
4 Jeux non-coopératifs
Les nombreuses contributions d’Aumann au progrès des jeux noncoopératifs s’insèrent dans un itinéraire intellectuel précis. Les recherches
entreprises par Aumann l’ont ainsi conduit d’une reformulation subjective
des probabilités (Anscombe and Aumann, [1963]) à une analyse des jeux en
termes de croyances des joueurs (Aumann and Brandenburger, [1995]), en
passant par la définition d’un concept de solution novateur, l’équilibre corrélé (Aumann, [1987]).
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Cette idée de corrélation des stratégies débouche sur la définition d’un
nouveau concept d’équilibre, l’équilibre corrélé (Aumann, [1987]). Comme
l’équilibre de Nash, cet équilibre corrélé décrit une situation dans laquelle,
lorsqu’elle est atteinte, aucun des joueurs n’a d’incitation à s’en éloigner.
Mais contrairement à l’équilibre de Nash, l’équilibre corrélé fait intervenir de
manière explicite l’interaction épistémique des joueurs, à travers le mécanisme de corrélation stratégique qui a été évoqué, ce qui permet, dans
certains cas, aux joueurs d’accéder à des situations d’équilibre où les paiements obtenus par chacun sont supérieurs à ceux que leur garantirait un
équilibre de Nash. On peut considérer, avec Aumann, que l’équilibre corrélé
est plus fondamental que l’équilibre de Nash, dans la mesure où il prend en
compte la dimension essentielle de la coordination des comportements des
joueurs. D’un autre côté, cependant, il est plus exigeant que l’équilibre de
Nash puisqu’il requiert des joueurs la connaissance commune d’une distribution de probabilités (« prior »).
L’émergence du concept d’équilibre corrélé a, en tout cas, permis quelques avancées majeures. Il révèle, d’abord, l’existence de situations d’équilibre plus favorables aux joueurs que l’équilibre de Nash. Il ouvre, ensuite,
une piste intéressante dans la recherche d’une corrélation des choix stratégiques des joueurs, à partir d’une analyse de leurs croyances respectives.
Dans cette perspective, l’équilibre corrélé porte un éclairage intéressant sur
la problématique plus générale de la coordination des agents qui concerne à
la fois l’analyse microéconomique et la macroéconomie.
L’étude des propriétés de la corrélation a poussé Aumann a approfondir la
rôle de la connaissance des joueurs et de leurs croyances dans les situations
d’interactions décrites par les jeux non-coopératifs. Ainsi a-t-il identifié les
connaissances nécessaires aux joueurs pour atteindre un équilibre de Nash.
Dans un article co-signé avec Brandenburger, Aumann dégage, pour la première fois, les conditions épistémiques associées à un équilibre de Nash
(Aumann and Brandenburger, [1985]). Cette quête cognitive entraîne un
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Aumann entreprend d’abord d’étendre aux situations de jeux, et, par
conséquent, aux choix stratégiques des joueurs, les probabilités subjectives,
comme Savage l’avait réalisé pour les décisions individuelles. Cette conviction subjectiviste l’amène à transformer l’interprétation initialement donnée
des stratégies mixtes et à dégager un usage différent des probabilités pour
justifier les choix stratégiques des joueurs. Tandis que les probabilités associées aux stratégies mixtes choisies par les joueurs sont indépendantes,
selon l’acception classique donnée aux stratégies mixtes, il est facile d’imaginer des hypothèses simples où elles seraient « corrélées ». Lorsque, par
exemple, les joueurs ne connaissent pas les stratégies choisies par les
autres joueurs, ils appréhendent cette incertitude au moyen de probabilités.
Ils peuvent alors, pour élaborer cette évaluation probabiliste, s’appuyer sur
des données réellement observables, ou seulement hypothétiques, mais
dont la connaissance est également accessible aux autres joueurs. Il en irait
ainsi, par exemple, si les coups des joueurs étaient tirés au hasard, ou plus
simplement si tous les joueurs croyaient qu’il en allait ainsi. Les stratégies
choisies par les joueurs dans de telles conditions ne sont plus alors indépendantes, elles sont corrélées (Aumann, [1974]).
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changement profond dans l’approche des jeux et, par conséquent, dans la
méthodologie suivie pour les analyser. Aumann a stigmatisé ce tournant en
opposant ce qu’il nomme le point de vue « problème-solution », qui caractérise, selon lui, l’approche classique des anciens, du point de vue « descriptif », propre à l’approche moderne. Dans le premier cas, il s’agit, pour le
théoricien des jeux, de résoudre le problème posé par une situation de jeu :
c’est-à-dire de trouver au jeu sa solution, indépendamment de ce que peuvent effectivement penser les joueurs. Dans le second, la tâche du théoricien
est d’expliquer ce que connaissent et croient réellement les joueurs pour
parvenir à cette solution. Cette transformation épistémologique de la théorie
des jeux a suscité de nombreux travaux récents (Samet, [1996] ; Dekel and
Gul, [1997] ; Bonano and Nerhing, [1999]). Aumann, du reste, a lui-même
participé activement à ces développements, en intégrant la théorie des jeux
dans une épistémologie dérivée des logiques modales (Aumann, [1999]).
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Schelling n’est pas, comme Aumann, un mathématicien. C’est un esprit
concret qui aime, par dessus tout, raisonner à partir d’exemples. L’intitulé de
son poste à Kennedy School, où il a enseigné avant de terminer sa carrière
académique à l’Université de Maryland, reflète la nature de son activité
scientifique. Schelling était professeur d’ « économie publique », une discipline à mi chemin entre la politique économique et la gestion des affaires
publiques. Il a, à ce titre, lui même participé à de nombreux travaux d’expertises, concernant, en particulier, les négociations stratégiques sur l’arme
nucléaire (Schelling, [1966]). L’extrême variété de ses centres d’intérêt, qui
vont de la géostratégie à l’urbanisme, en passant par les discriminations
sociales, l’éthique collective et les mécanismes de « self command and
control », dissimulent l’unité profonde de ses recherches. Cette unité réside
dans la quête des ressorts, souvent cachés, qui relient les comportements
individuels aux contraintes et aux opportunités collectives. La théorie des
jeux n’est pas, comme pour Aumann, au centre de ses investigations, mais
elle représente un instrument privilégié pour les mener à bien. C’est pourquoi, Schelling utilise la théorie des jeux à la manière d’un metteur en scène,
pour animer, dans un cadre cohérent et suggestif, les personnages stylisés
des innombrables cas qui servent de support à sa réflexion. Ce faisant, il a
contribué à son avancement même, et peut-être parce qu’il n’a cessé d’en
souligner certaines limites. On le montrera maintenant sur deux thèmes
majeurs de sa réflexion.
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5 Thomas C. Schelling, un metteur
en scène de la théorie des jeux
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A plusieurs étapes de sa carrière scientifique, Schelling s’est prononcé en
faveur d’une réorientation, voire même d’une redéfinition des priorités en
théorie des jeux (Schelling, [1960, 1967, 1973]). L’une de ses idées les plus
anciennes et les plus fécondes est de prendre pour paradigme de référence
la situation, a priori singulière, des jeux de pure coordination. Par jeu de
pure coordination, il faut entendre une situation d’interactions stratégiques
où tous les joueurs ont des préférences identiques et disposent d’une information parfaite, de telle sorte que leur unique problème consiste à coordonner leurs choix. On comprend aisément que ces caractéristiques particulières, considérées intuitivement comme favorables à la coopération, rendent,
au contraire très difficile la résolution de ce problème dans le cadre traditionnel de la théorie des jeux non-coopératifs, lorsqu’il existe plusieurs équilibres rigoureusement équivalents pour tous les joueurs.
Cette hypothèse extrême sur laquelle repose les jeux de pure coordination
a, pour Schelling, deux mérites principaux. Elle permet, d’abord, de distinguer clairement la coordination de notions parfois confondues avec elle,
comme l’entente et la coopération. Elle isole, ensuite, un problème fondamental inhérent à toute situation de jeu, puisqu’il se pose même aux joueurs
dont les intérêts sont strictement opposés, comme dans l’exemple célèbre
de la poursuite de Sherlock Holmes par son ennemi, le Docteur Moliarty3.
Schelling tire de ce constat la conviction que, c’est en partant de cette
question de la coordination, qu’il faut organiser et développer le programme
de recherche de la théorie des jeux. A ce stade, un rapprochement s’impose
avec Aumann. Ce qu’Aumann a analysé avec les concepts de stratégie et
d’équilibre corrélés qu’il a patiemment forgé rencontre, d’une certaine manière ici, les intuitions antérieures de Schelling sur l’incontournable, mais
difficile, coordination des joueurs (Schelling, [1960]).
Si le problème de la convergence des anticipations identifié par Schelling
est bien celui auquel s’est attaqué Aumann, la solution qu’il propose d’explorer pour la résoudre s’éloigne des formules développées par Aumann
pour corréler les stratégies des joueurs. Schelling pense, en effet, que la
nature même du problème ne relève pas d’une investigation mathématique.
L’exemple classique d’un jeu à deux joueurs ayant deux équilibres de Nash
mathématiquement identiques en fournit la meilleure illustration. Il s’agit
alors pour les deux joueurs de trouver un signal qui leur permettrait d’effectuer une discrimination entre ces équilibres. Pour y parvenir, ce signal
doit pouvoir être interprété par chacun d’une manière qui leur serait commune. Ce n’est évidemment pas dans la structure mathématique du jeu que
réside un tel signal. Ce signal, par hypothèse, n’appartient pas, aux informations au moyen desquelles ce jeu se trouve décrit par la théorie (stratégies,
3. Cet exemple, antérieur à la théorie des jeux, a été proposé par Morgenstern pour
montrer la difficulté logique à laquelle se heurte la détermination d’un équilibre dans l’hypothèse d’une interdépendance complète des anticipations (Morgenstern, [1935, 1976]). Pour
une interprétation de cet obstacle en termes de coordination cf. Schmidt, 2002.
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6 Jeux de pure coordination et points
focaux
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valeurs de paiements, etc...). Il relève, pour Schelling, du contexte dans
lequel se déroule le jeu et de l’aptitude psychologique des deux joueurs à
appréhender, de manière commune, certaines de ses caractéristiques. Cette
convergence des représentations relative au contexte du jeu détermine ce
que Schelling appelle des « points focaux », qui rendent possible leur coordination stratégique sur l’un des deux équilibres (Schelling, [1960], appendice C).
Les points focaux destinés à guider la coordination des joueurs ont
d’abord été appliqués par Schelling aux négociations stratégiques internationales auxquelles il a consacré l’essentiel de son ouvrage le plus connu
« The strategy of conflict » [1960]. Cet ouvrage reprend, complète et approfondit une esquisse antérieure sur la négociation (Schelling, [1958]). Les
points focaux reposent dans son esprit sur des « saillies » supposées communes aux négociateurs. Par la suite, on a cherché à les expliquer à travers
des normes culturelles partagées par les joueurs (Kreps, [1990]). Mais ces
normes culturelles peuvent, à leur tour, s’interpréter de manières différentes,
selon qu’elles sont dérivées de pratiques institutionnelles ou sociales (Milgrom, North and Weigast, [1989]), ou qu’elles sont construites par les
joueurs eux-mêmes, au terme d’un processus d’apprentissage, lorsque le
jeu est répété, ou, tout au moins, séquentiel (Crawford, [1991]).
Plusieurs dispositifs expérimentaux ont été plus récemment utilisés pour
tester l’hypothèse de Schelling suivant laquelle les anticipations mutuelles
des joueurs se coordonneraient à partir de « saillances » partagées (Van
Huick, Battalio and Beil, [1990, 1991]. Metha, Starmer and Sugden, [1994]).
Par delà, l’hétérogénéité des résultats obtenus, il se confirme qu’une phase
préliminaire semble toujours précéder cette coordination, au cours de laquelle s’organisent les mécanismes mentaux qui y conduisent (Cooper,
[1999]). Mais on sait encore assez peu de chose sur leur fonctionnement.
Les idées énoncées par Schelling sur le rôle des points focaux dans la
coordination des joueurs autour d’un équilibre ont également inspiré des
constructions intellectuelles plus hardies. Certains auteurs, comme Bacharach, ont remis en cause une hypothèse plus ou moins tacite en théorie des
jeux, selon laquelle les règles et les structures du jeu sont une connaissance
commune pour les joueurs qui y participent (Bacharach, [1997], Schmidt,
[2005]). Cette hypothèse est aisément satisfaite dans le cas des jeux de
société ou de certains marchés organisés, comme les ventes aux enchères.
En règle générale, cependant, elle ne l’est que très imparfaitement dans la
réalité. Il en résulte un problème supplémentaire pour les joueurs, qui doivent découvrir, des règles, également repérables par les autres joueurs et,
qui seraient communes aux uns et aux autres. La recherche des procédés
qui permettent aux joueurs d’accéder à une telle connaissance n’est pas très
éloignée, en son principe, de celle des points focaux de Schelling, puisqu’il
s’agit, dans les deux cas, des conditions d’acquisition ou de révélation d’une
connaissance commune (Bacharach, [1992]). Elle aboutit, en définitive, à
élargir l’objet même de la théorie des jeux, en y intégrant la connaissance du
jeu par les joueurs4.
4. C’est ce que Bacharach propose d’appeler « a broad theory of games », où ce que les
joueurs savent (ou ne savent pas) du jeu dans lequel ils opèrent se trouve explicitement pris
en compte.
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7 Soi et les autres : externalités
et effets de dimension dans les
décisions interdépendantes
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Pour saisir l’objet de son analyse qu’il applique à une multitude de situations sociales très variées, le mieux est de partir de l’exemple qu’il étudie à
la fin de cet ouvrage. Imaginons un cas de choix binaire interdépendant, du
type de celui qui conduit au dilemme du prisonnier. Au lieu de deux joueurs,
introduisons d’autres joueurs, tous différents, mais pour lesquels les valeurs
de paiements du jeu sont identiques à ceux de deux joueurs. On obtient ce
que Schelling appelle un « Dilemme du prisonnier uniforme à plusieurs
joueurs » (Uniform multi-person prisoner’s dilemma, M.P.D.). Les « autres »
représentent pour chacun l’ensemble des joueurs à l’exception de lui-même.
Tous les autres joueurs, ainsi définis, sont autorisés à s’organiser et à former
des coalitions. Bien plus, les « autres » peuvent constituer des maffias qui se
protègent elles-mêmes sous la loi du silence, ou se transformer en « racketteurs » à l’insu de tout un chacun qui n’en fait pas partie.
Schelling montre sur la base de cet exemple qu’un très grand nombre de
configurations sont possibles, en fonction de la diversité des réactions anticipées des joueurs les uns par rapport aux autres. Il met surtout en évidence
deux cas « polaires » intéressants, lorsque les équilibres dérivés des choix
individuels sont sous-optimaux, comme dans le dilemme initial du prisonnier. Dans un premier cas, il apparaît que, si l’équilibre optimal était atteint,
il se renforcerait de lui-même (« self-renforcing »). Dans un second cas, au
contraire, son maintien exige une forme de coercition imposant au choix de
chacun de tenir compte des choix des autres. Une telle distinction s’avère
très précieuse pour éclairer les recommandations en matière d’actions publiques dans les domaines économiques les plus divers où elles peuvent
s’exercer.
Le modèle ainsi esquissé permet d’éclairer un grand nombre de problèmes posés par la vie en société, que Schelling regroupe sous le titre un peu
énigmatique et, en tout cas, difficile à traduire en français « thermostats,
lemons and other families of models » (Schelling, [1978]). La meilleure illustration du type de problème ainsi traité par Schelling est fournie par l’exemREP 116 (2) mars-avril 2006
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Contrairement à une majorité de théoriciens des jeux, Schelling se montre
davantage attiré par la multiplicité des cas de figures que peut permettre
d’appréhender un jeu, que par ses quelques propriétés invariantes. Ainsi
exprime-t-il sa fascination devant le fait que la seule grille des petits jeux
2 × 2 puisse donner naissance à 78 situations différentes (Schelling, [1967]).
Cette curiosité pour la variété des conséquences de décisions individuelles
interdépendantes l’a conduit à examiner plus en détails l’incidence que peut
avoir la dimension, c’est-à-dire, le nombre des autres joueurs, sur le comportement de chacun (et vice versa). Cette enquête constitue le fil directeur
d’un ensemble d’articles regroupés dans un ouvrage sous le titre « Micromotives and Macrobehavior » [1978].
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Plusieurs des questions discutées sous cet angle par Schelling ont été
depuis prolongées dans des travaux plus récents, émanant principalement
de sociologues et de politicologues, comme Coleman [1980] et Hardin luimême [1995]. Ils prennent en compte l’identification partielle des intérêts
individuels à des sous-groupes, ou à des communautés auxquelles appartiennent les individus. Mais il revient à Schelling d’avoir, le premier, clairement montré comment une approche inspirée par la théorie des jeux constitue un instrument privilégié pour explorer la complexité de la relation entre
« soi » et « les autres », dès que l’on intègre dans cette analyse l’interdépendance des anticipations d’un grand nombre d’agents. Or, cette dernière dimension est précisément à l’origine de beaucoup des problèmes posés par
la vie collective.
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Ce panorama trop rapide des principales contributions d’Aumann et de
Schelling à l’avancement et au progrès de la théorie des jeux dans ses
relations avec l’analyse de phénomènes économiques permet de répondre
aux questions qui avaient été soulevées en introduction. Par-delà les différences, il existe effectivement une affinité profonde entre leurs travaux
d’Aumann et de Schelling. L’un et l’autre se sont interrogés sur l’origine des
interactions stratégiques des joueurs et sur leurs conséquences économiques et sociales. Cette interrogation a conduit les deux lauréats de 2005 à
rechercher les systèmes de croyances qui guident les joueurs dans leurs
décisions et à en dégager les implications collectives. On peut même trouver
une certaine complémentarité dans leurs approches respectives. Aumann
pousse au plus loin l’analyse de la rationalité cognitive des joueurs, tandis
que Schelling s’attache à en montrer les limites, en soulignant le rôle de
l’implicite et des facteurs contextuels dans les heuristiques élaborées par les
joueurs. En honorant Aumann et Schelling, le jury de Stockolm a donc voulu
récompenser cette voie de recherche qui prend nécessairement appui sur la
théorie des jeux.
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ple emblématique de la tragédie des « Communs », bien connu des sociologues depuis le célèbre article d’Hardin [1968]. Dans cet article, Hardin
démontre que des éleveurs sans une prairie commune ont un intérêt individuel à faire paître chacun un maximum de leurs bovins, quelque soit, par
ailleurs, la pratique adoptée par les autres. Un tel comportement individuellement « rationnel » conduit inévitablement au désastre collectif de la disparition de la prairie. Schelling approfondit cette problématique générale, en
affinant les anticipations individuelles que chaque agent peut formuler sur le
comportement des autres et en dégageant les effets de seuil (Masse critique)
qui caractérisent, dans cette perspective, le passage de la décision individuelle aux conséquences collectives.
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