Carnet de captivité Emile Léon Pérot 1 / 1 Année 1941 Le chiffre

Transcription

Carnet de captivité Emile Léon Pérot 1 / 1 Année 1941 Le chiffre
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
Année 1941
Le chiffre correspond à son nième jour de captivité.
----------------229 1er janvier
Vers 0h05 des camarades des chambres voisines viennent nous présenter leurs vœux. Deux de
ceux-ci m’embrassent. A 7h, réveil. A 9h rassemblement au milieu de la cour où le feldwebel
nous dit quelques paroles qui nous sont traduites par l’interprète. Il nous présente ses vœux et
nous souhaite une prochaine libération. Ensuite avec Pellier et ? nous allons présenter nos
vœux au médecin lieutenant et l’aumônier avec qui nous restons un moment. Dans la cour,
l’échange de souhaits continue toute la journée. A 12h45, je perçois 10 bouteilles à 2F50 en
plus des 34 bouteilles perçues hier. La répartition est donc 1 pour 2. Ensuite je perçois 2 pains
et demi supplémentaires à répartir aux 34 hommes de la chambre. A 13h30, perception de la
soupe rutabagas parmi lesquels se trouvent quelques rares pommes de terre. J’ai mangé très
peu et le reste je le donne à un ancien du 61e RA16B qui chaque soir vient chercher ma ration
que je ne mange pas. L’après-midi se passe à faire des parties de cartes. A 21h15, il y a alerte
et tout le monde se couche. Les avions sont allé ailleurs, car je n’ai rien entendu. J’ai très mal
dormi. A 2h30, je n’avais pas encore fermer l’œil.
230 2 janvier.
Il fait froid : -18°C et je n’ai pas encore souffert des pieds. Je scie du bois une partie de la
journée. Avec un traîneau, nous sommes allés chercher un sac de farine pour les bêtes près de
la gare : viandes, patates, pas de schnaps. Au casse-croûte du soir, un soldat entre et dit « Heil
Hitler ! ». je ne réponds pas. Après 10 minutes de causette avec la bonne, il part en
prononçant les mêmes paroles qu’en arrivant. Voyant que je ne réponds pas, il me dit en assez
bon français : « Bonsoir Monsieur, bon appétit ! ».
231 3 janvier. –12°C.
La température est moins basse, mais le vent est grand. Il souffle la neige et je n’ai pas eu
chaud à fendre du bois. Le soir, la neige tombe encore. Purée, choux rouge, sauce, saucissons,
schnaps.
232 4 janvier –12°C.
Il fait moins de vent qu’hier, mais la neige s’est amassée pendant la nuit et par endroits, il y en
a un demi-mètre. Même travail, tasse de potage, patates, sauce, saucisson, dessert. Le soir
avec 200 camarades, j’assiste au cinéma à Großbeeren. On y joue « Le Barbier de Séville ».
233 5 janvier.
Il fait moins froid. A 10h15, j’assiste à la messe avec des camarades venus de Ginsigur. Je
devais les recevoir à leur arrivée. L’après midi, je joue à la belote avec Pellier et d’autres
camarades. Je reçois une carte d’Alix1 qui est du 26/11.
234 6 janvier –10°C
Jusqu’à 10h, je fais du bois et le reste de la journée, j’épluche des haricots. Je fais le travail à
la « vache (wasch ? ) Kusine » où il y a du feu. Mais malgré cela, j’ai eu bien froid toute la
1
Son frère
1/1
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
journée. Je tousse un peu. Potage, saucisson, viande, patates, dessert, schnaps. Rentrée au
camp, je vais percevoir du papier hygiénique.
235 7 janvier.
Il fait un peu moins froid que les jours précédents. Je continue les haricots. À partir de ce jour,
je mange en arrivant et ne mange plus à 10h. Le soir, le « frichti » (fruschtuck ?) est à 16h45
au lieu de 17h15. A 19h30, j’assiste à une conférence faite par le camarade Josué, coutelier à
Thiers. Le sujet est la Coutellerie française. Omelette, sauce, patates.
236 8 janvier.
Je continue les haricots avec le commis. Il est peu courageux et la journée s’est passée sans
qu’il en mette un dans la bassine. Il fait différentes corvées, s’occupe surtout du feu. A 16h30,
il arrive avec 2 œufs qu’il fait cuire et nous en mangeons chacun un. Soupe, 2 saucisses, bière,
dessert.
237 9 janvier
La température se radoucit encore. Je continue les haricots. Je suis seul aujourd’hui car le
gosse est à Berlin. Deux tranches de hachis, patates, choux rouge, schnaps.
238 10 janvier, -10°C
Je continue les haricots et j’ai très froid aux pieds toute la journée. Aussi je décide d’aller à la
visite demain. Soupe dans laquelle se trouvent quelques petits morceaux de viande, bière,
dessert. Depuis plusieurs jours, de nombreux bruits circulent quant aux évènements
mondiaux. L’Amérique serait en guerre2. L’Italie serait « kaput »3. Il y a 2 jours, nous avons
eu un journal « Le Soir » qui relate le rapport du Général Graziani (Italie) sur la conduite de la
bataille du 10 décembre qui a été une véritable défaite pour lui. Et aussi que l’Allemagne
serait menaçante à l’égard de la France et parlerait d’occuper tout le pays.
239 11 janvier.
Je vais à la visite, le médecin me trouve une bronchite et me fait apposer des ventouses. Je
passe donc la journée au camp et fais des parties de bridge et belote.
240 12 janvier.
Dimanche se passe à beaucoup de rassemblements des chefs de chambre. Perception de
lettres, colis, savonnettes etc... et parties de cartes. Il neige mais il ne fait pas bien froid.
241 13 janvier
Je me repose, car je tousse toujours un peu. Je me suis levé à 8h15 et la journée se passe à
faire des parties de cartes. Je mange donc la gamelle du camp, aujourd’hui, pas trop
déplaisante. A la rentrée des commandos, beaucoup de camarades sont là, qui attendent le
« rab » de ceux qui ne mangent pas tout. Ensuite, plusieurs de la chambre utilisent le poêle
pour faire cuire ou accommoder à leur goût des pommes de terre qu’ils ont rapportées d’où ils
travaillent.
242 14 janvier
Je continue à me reposer et après m’être levé à 9h15 et fais ma toilette, nous sommes allés
jouer aux cartes et « aux bidets ». Le soir nous devons rendre ou bien la paire de sabots ou de
2
3
Les USA ne sont entré en guerre qu’un an plus tard…
Non plus, ce ne sera que 3 ans plus tard.
2/2
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
chaussures. A 19h, nous sommes appelés pour toucher 3 sacs de pains de guerre, à répartir
dans la chambre à raison de 1,82 par homme, journée assez mauvaise, et le soir il neige.
Depuis Vendredi, les sentinelles qui gardent le camp, portent le casque. Causerie par Regnier
sur ses voyages de marin.
243 15 janvier
Je me repose à nouveau. Je me lève à 9h passées. Après avoir fait ma toilette, avec mes
camarades nous allons faire une partie de bidet. A midi, soupe aux choux, pas désagréable.
Ensuite nous jouons à la belote. Nous sommes 6 malades à la chambre. Il neige fort et une
quarantaine de camarades sans travail ramassent la neige et la mettent en tas. A 19h30,
première leçon d’allemand.
244 16 janvier
Repos et je me lève à 9h45. Après ma toilette, je vais faire ma belote. La soupe n’est pas
déplaisante et est améliorée d’une tranche de morue grillée. Ensuite belote et lecture tout
l’après-midi. Il tombe peu de neige et il ne fait pas chaud.
245 17 janvier.
Repos, et je me lève à 10h. Parties de cartes jusqu’à l’heure de la soupe. Cette dernière ne me
plait pas beaucoup, aussi j’en mange peu. Ensuite nous faisons une partie de bidet qui dure 2
heures et demi. Je vais aux douches à 3h45 puis je lis ensuite. Il ne fait pas chaud, le temps est
très clair. Il fait –13°C
246 18 janvier
Après m’être couché à 21h45 hier, j’ai passé une bonne nuit. Réveillé à 6h30, je ne me suis
levé qu’à 10h. Pendant ces 3 heures 30, j’ai beaucoup pensé à nos débuts en ménage. Au jour,
où Vignon4 nous avait apporté du poisson5. A l’apéritif bu 3 fois, à ma rentrée à la maison, à
son accueil et aux suites qui auraient pu en découler. J’ai versé beaucoup de larmes en pensant
à cette grande Marcelle qui aurait pu ne jamais voir son papa. Je n’ai pas le cafard pourtant, et
cependant bientôt 3 semaines que je suis sans nouvelle. Vers 10h, un camarade trouve dans le
seau, la photo de ma grande, qui y était tombée la veille, lors de ma distribution de bière. Estce la cause de mes soucis matinaux ? La journée se passe normalement et le soir pendant que
certains camarades sont au ciné, je joue aux cartes.
247 19 janvier
Aujourd’hui, 40ème anniversaire de ma naissance. Je me lève à 8h30, car le dimanche j’ai
toujours du travail. Hier, vers 13h30, un camarade m’a lu les lignes de la main, en voici le
résumé : « ligne de vie très longue, vie assez facile, je travaillerai et gagnerai beaucoup
d’argent, je serai aussi avantagé au point de vue argent, soit par héritage, ou toutes autres
raisons. Ligne du soleil, indice d’argent flirte surtout dans la jeunesse, vie droite, caractère
droit, qui ne se laisse pas facilement détourner, patient, mais, toutefois s’emporte, mais sans
rancune. 4 enfants, de grands voyages dont 2 par mer, dépensier, donne facilement, même
trop, foie à surveiller, destiné au travail de bureau »
248 20 janvier
Je reprends le travail au même endroit. Erick est content, le patron vient nous voir et me serre
la main. Je fends du bois toute la journée. Le matin à 8h30, j’ai une tartine de saindoux, une
4
5
Mort à Couvonges le 29/8/44
Suite à une provocation de la mère de Suzanne qui les montait l’un contre l’autre, ils auraient pu se séparer
3/3
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
confiture et un petit pain à la confiture. A midi, une tasse de bouillon viande, sauce, patate,
bière et cigarettes. Le soir au café, une tartine de saindoux et 4 de confiture. J’ai demandé une
caisse au parton, il me l’accorde et Erick m’a déjà donné un cadenas avec clef.
249 21 janvier
Il a neigé toute la nuit, mais la fonte de cette neige....potage, viande, patates....je rapporte la
caisse. J’ai rêvé que j’avais rencontré ma Zette6 à la gare de Revigny.
250 22 janvier –2°C
Le vent souffle, je fais le plein de bois et vais jusqu’à la blanchisserie. Le soir, il tombe une
espèce de verglas qui rend les rues glissantes. Omelette au jambon ( très forte ration) patates,
dessert, schnaps. A 11h30 cours d’allemand. A 21h30, je vais à l’infirmerie faire une
déclaration concernant Pujol (brigadier infirmier) dans laquelle je précise l’avoir connu
remplissant ses fonctions dans l’armée française. Ensuite, nous parlons de l’aspirant Halm.
Champeau me dit que quelques temps avant qu’il ne soit pris, un camarade le prévient qu’un
aspirant se déclarant blessé, cherchait un infirmier. Champeau est parti à sa recherche,
fouillant les fermes de la région sans succès, jusqu’au moment de sa capture. A cet instant, sa
surprise est grande, car les camarades retrouvent Halm qui est dans la voiture allemande, non
blessé. Il avait une carte en main.
251 23 janvier.
Je débute la journée par enlever la neige tombée la nuit. Ensuite je scie du bois. Purée, sauce,
choux rouge, 2 petites saucisses, schnaps.
252 24 janvier
Je continue de scier du bois. Il ne fait pas très chaud. Hachis, choux de Bruxelles, pâté et
schnaps. A 12h30, j’assiste à une causerie faite par l’aumônier.
253 25 janvier
Il neige encore une partie de la journée et je continue à scier du bois. Soupe, quelques petits
morceaux de lard ou jambon, schnaps, 6 cigarettes. Le soir, au camp, je reçois une lettre de
Zette du 24/11. Deux heures après, j’en reçois une des petites du 4/10 et deux de Lucien7 du
10 et 28/12.
254 26 janvier
Dimanche, je me lève à 8h30. Il ne fait pas très beau. Le soir, à 15h30, j’assiste à une séance
donnée par nos camarades ; nous avons passé 2 heures très agréables. La radio... émission
était tout à l’honneur. Le soir, je mange avec Pellier et ensuite je vais voir Leroux qui m’a fait
une caisse.
255 27 janvier
Il fait froid et l’air est vif : -20°C. Le thermomètre n’est pas encore descendu si bas. Je nettoie
des haricots et je n’ai pas chaud. Rôti, patates, sauce et schnaps.
256 28 janvier
Il fait un peu moins froid : -17°C. Malgré cela, il fait bon à couvert. Je continue de nettoyer
les haricots, mais aujourd’hui je suis dans une salle bien chaude et il fait vraiment bon. Au
6
7
Il appelait comme ça sa femme Suzanne (Suzette)
Lucien Pérot, son neveu fusillé à l’age de 17 ans le 29/8/1944 à Couvonges
4/4
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
cours de l’après-midi, le 1er des enfants voudrait me photographier mais je n’acquiesce pas à
son désir dessert et schnaps.
257 29 janvier
J’ai rêvé que j’étais rentré en France et me trouvais en famille. Alix était là. Quelle désillusion
au réveil. Il fait froid et le thermomètre, suivant où il est placé, varie entre –22 et –25°C. Je
continue à nettoyer des haricots dans une chambre. A 10h j’ai une tasse de bouillon bien
chaud sauce, choux rouge, patates, viande, schnaps. Des camarades travaillent à la voie depuis
un mois environ. Ils n’y ont pas chaud ; plusieurs ont eu aujourd’hui les pieds gelés ou les
oreilles ou le nez. Sur demande du médecin, l’officier du camp demande à Luk, s’il ne serait
pas possible de suspendre les travaux. Il lui est répondu que nous sommes des militaires et, en
plus des prisonniers et que si nous étions dans les tranchées, nous y resterions. Je reçois un
colis expédié en décembre.
258 30 janvier
Il fait toujours froid : -22 à -26°C suivant l’emplacement du thermomètre. Je continue à faire
des haricots et aujourd’hui, je suis à la cuisine.
259 31 janvier
Il fait un peu moins froid : -21°C. Je continue à faire des haricots, toujours au chaud. Potage,
2 saucisses, patates, dessert, bière. Le soir nous percevons chacun 60 pains de guerre français
et 1/2 boite de corned-beef. Le mois de janvier a été très froid. Pour ceux qui comme moi se
rendent à Großbeeren, il y a environ 1km de trajet à effectuer sur un chemin de terre, rendu
très difficile par la neige d’une part et le verglas d’autre part. Mais qui a paru long vu que les
lettres et les colis étaient rares.
260 1er février
J’ai rêvé que j’étais en famille et ensuite que ma Zette était venu me voir ici. Je continue les
haricots. Soupe aux haricots, saucisse, bière.
261 2 février
Réveil à 7h. A 10h nous avons un rassemblement dehors avec tous les effets personnels ou
militaires. Ceci ne nous fait pas sourire, car chacun a du matériel ou effet supplémentaire. La
vérification a été vite faite, sous la neige du reste. A peine 1/2 heure après, chacun a rejoint sa
chambre. A 11h j’assiste à la messe.
262 3 février
Il fait encore moins froid : -8°C et je continue les haricots. 2 boulettes, choux rouge, patates,
bière. A 4h30, j’ai 5 parts de gâteaux. A 17h35 j’entends le poste de Radio-Paris. Un
monsieur parle de la situation financière française, fait appel au bon sens des capitalistes et dit
que la révolution de la monnaie est prête à éclater.
263 4 février –5°C
La température s’est radoucie. Je scie du bois. Soupe, riz (ou semblant) au lait bien sucré,
bière. A 16h30, 2 tartines et 3 parts de gâteau.
264 5 février
Il fait plus froid : -14°C et il neige une partie de la journée. Malgré ce temps, je scie du bois à
la scie et au passe-partout. Soupe, saucisse, dessert et bière. Il y a un an que je prenais le
chemin du ? (G.O.A. ?)
5/5
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
265 6 février –12°C
Je retourne scier du bois toute la journée. Viande rôtie, patates sauce, bière. A ma rentrée au
camp, je passe au bureau où j’ai la joie de constater que parmi les rares lettres de la chambrée,
il y en a une pour moi. Je reçois le colis expédié le 3/12 : veste, chemise (cette dernière attire
l’œil du feldwebel) flanelle, chaussons, conserves, gâteaux.
266 7 février
Je scie et fends du bois toute la journée. Il ne fait pas chaud : -15°C. pot-au-feu servit de la
façon suivante : bouillon avec pâtes larges plates d’environ 1cm, quelques morceaux
(bouchées) de viandes servis dans la soupe. Déjeuner bien maigre, malgré les 2 assiettes.
267 8 février
Le froid diminue et le dégel commence. Je fends du bois et l’arrange en tas, en forme de pain
de sucre. Soupe aux haricots et pommes de terre, saucisse, bière.
268 9 février
Dimanche. Réveil à 8h car à 8h30 nous avons rassemblement au foyer. Le dégel continue et il
y a de l’eau dans la cour, en quantité. L’après-midi, je vais passer quelques instants avec le
médecin. Nous parlons des évènements futurs. Il me montre 2 lettres de ces camarades qui ont
réussi à rejoindre la France et qui comptent reprendre du service prochainement.
269 10 février
Le dégel continue et le matin je refais le tas de bois que j’avais arrangé samedi. L’après midi,
je nettoie la cour. Soupe, patates, viande, bière. A 22h15, il y a alerte. Tous, nous sommes
heureux. Hélas l’aviation ne doit pas être venue jusqu’à nous.
270 11 février
Fin d’alerte à 3h30. Les avions ne sont pas venus à Berlin. Aujourd’hui, j’ai fait le menuisier.
J’ai arrangé une table et sur le soir, fendu du bois. Soupe aux pommes de terre et carottes plus
quelques petits bouts de viande, bière.
271 12 février
Il fait bon. J’arrange du bois et refais une porte. Soupe, patates, viande, sauce, bière.
272 13 février
Il y a un peu gelé. Je range du bois toute la journée. Il fait bon travailler. Une tasse de soupe,
purée, saucisse, choux, bière. Le bruit circule que l’Amérique a déclaré la guerre à
l’Allemagne8.
273 14 février
Il neige une partie de la journée. Je transporte de la terre dans le jardin avec le tracteur. Soupe,
sauce, omelette, patates, dessert, bière.
274 15 février
Je continue à transporter de la terre. Je dispose pour cela d’un tracteur de jardinier auquel
deux roues ont été ajoutées à l’arrière qui font effet d’avant-train à une voiturette à 2 roues
également, sur laquelle est placé un siège qui m’est destiné. Je fais donc de la conduite
8
Pearl Harbor n’a en fait eu lieu que le 8 décembre de la même année.
6/6
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
automobile. Je charge environ 1demi-mètre cube. Soupe, boudin, patates, dessert, bière. Nous
sommes prévenus que nous ne travaillerons pas lundi, car nous passerons à la désinfection ;
de nombreux camarades ont des poux.
275 16 février
Dimanche. Il fait beau temps et la journée se passe normalement aux différentes occupations.
Rassemblement au bureau, perception des lettres et parties de cartes ; le soir nous mangeons
en compagnie avec Pellier.
276 17 février
La matinée se passe dans l’attente de la désinfection. A 13h nous partons donc aux douches
avec comme vêtement le manteau. En sortant des douches, nous partons au foyer. Une
couverture remplace le manteau. À l’arrivée dans ce local, nous rendons cette couverture
alors, dans la tenue d’Adam, nous passons l’après-midi dans cette pièce où nous sommes
environ 200 dans cette tenue. Beau spectacle duquel nous garderons un souvenir d’une triste
journée. Malgré ce spectacle, la gaieté régnant, de nombreuses parties de cartes ont été faites.
277 18 février
La journée est belle. Leclere est revenu travailler avec moi et nous continuons les rigoles.
Travail très dur, car la terre est encore gelée. Tasse de bouillon, boudin, patates, bière.
278 19 février
Journée médiocre. Nous continuons à défoncer le jardin. Une tasse de soupe avec boudin,
hachis, sauce, patates, bière. Le bruit court que l’Italie a demandé l’armistice, que le Négus9 a
repris sa place.
279 20 février
Journée normale et nous continuons les rigoles. Tasse de « jus de boudin », hachis, sauce,
patates, bière. Après la soupe, nous portons au chalet des oignons et le patron nous offre
un ? ? ?, bière. Comme Raoul va partir, il me rend la carte qu’il m’avait prise il y a quelques
mois.
280 22 février
Au réveil, nous avons la surprise de constater que la neige tombée la nuit atteint l’épaisseur de
10cm. Je fends du bois. Il ne fait pas très chaud. Vers 10h, le patron nous envoi une tasse de
soupe de boudin. A midi, soupe de boudin, pomme de terre à la robe des champs, dessert
bière. A 12h30, rassemblement des chefs de chambre pour les adieux de Raoul et présentation
du nouveau. Je me couche à 21h45. A 22h30, Mari10 vient me chercher et me dit de me
présenter à la cantine, comme tous les chefs de chambre. Raoul nous offre une bière. On
parle, on discute et on boit. La soirée est gaie et à 1h, je quitte cette cantine après avoir eu 5
bières. « R » est légèrement... ? ? ?
Du 22 février, nous passons au 4 avril. Pourquoi a-t-il arraché les pages de son carnet ? ? ?
Entre temps, il a décidé de ne plus travailler pour l’Allemagne. Il attend donc son transfert
vers un camp de représailles.
9
Nom du souverain d’Ethiopie
Il habitat par la suite dans la banlieue de Chartres où il possédait un magnifique abricotier.
10
7/7
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
322 4 avril
5ème journée d’attente passée dans une tranquillité parfaite. Quelques parties de bridge nous
font passer la journée. Le soir, le sergent me fait asseoir près de lui et me dit que nous allons
recevoir un journal, après que nous en aurons pris connaissance, nous devrons décider si oui
ou non, nous voulons travailler. J’emploie le mot nous, car actuellement nous sommes 2 qui
attendons la même décision. Les anglais sont venus à Berlin.
323 5 avril
6ème journée d’attente. La journée se passe bine ; il fait bon. Rien de particulier. Toutefois des
bruits courent que les anglais reculent en Libye.
324 6 avril
Dimanche. Très matin, le bruit circule que la Yougoslavie et la Grèce sont envahies par les
troupes allemandes. Rien de nouveau autrement. Nous attendons toujours.
325 7 avril
8ème journée d’attente. Il ne fait pas chaud. Nous ne sommes pas malheureux. Le matin nous
faisons des frites et le soir jouons au bridge.
326 8 avril
9ème journée ! A 8h30 nous avons déjà eu 2 appels et nous attendons le 3ème !
327 9 avril
10ème journée d’attente. La journée est belle et nos occupations ont été les mêmes que les
journées précédentes. ? ? et parties de bridge. ? ? victoire sur l’armée grecque ou ? ?. Au cours
de la nuit l’aviation anglaise est venue bombarder, la DCA fait...
328 10 avril
...beaucoup de bruit. De nombreux avions ont été pris dans les phares ! J’en ai vu un encerclé
par les éclatements d’obus qui a réussi, grâce à une habile manœuvre à éviter d’être abattu.
L’alerte, commencée à 1h15, s’est terminée à 4h45. La radio a annoncé qu’il y avait des
milliers de morts dans la capitale. Journée normale.
329 11 avril
Vendredi Saint. 12ème journée d’attente. Le moral de tous est bien meilleur. La victoire de ces
jours derniers n’était qu’une manœuvre échouée. Le Président de la GB a dit que la guerre
serait terminée dans 3 mois. Journée de repos pour tous. Les civils sont très affectés par les
bombardements d’hier.
330 12 avril
13ème journée d’attente. Au rassemblement ce matin, le sergent nous dit que nous partirons à
Luckenwald dans le courant de la semaine prochaine. Dès le matin, le bruit court que seuls
400000 prisonniers vont être gardés comme otages. Parmi ceux-ci figurent les militaires de
carrière. Tous les autres seraient libérés en mai et juin. De la joie se voit sur les visages de
ceux qui peuvent être les bénéficiaires. Pellier et moi ne trouvons rien à dire, à ce qui me
semble normal. Perception par homme de 20g de tabac, 5 cigarettes et une boite de sardines et
16 morceaux de sucre.
8/8
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
331 13 avril
Pâques. Journée passée en gaieté. Beaucoup de camarades chantent tard dans la soirée. Rien
de nouveau. Hier dans la soirée, le feldwebel nous rassemble (les sous-officiers qui ne
travaillent plus) nous commente les gros avantages pécuniaires que nous aurions si nous
revenions sur notre décision. Il fait une réponse immédiate. Je demande une heure de
réflexion, car certains peuvent étudier la question. Mais chacun répond de suite et la décision
reste la même.
332 14 avril
Lundi de Pâques. Vers 11h notre camarade Roy passe prévenir les quelques sous-officiers qui
voulaient repartir au stalag que notre vie ne sera pas belle en ce lieu : manœuvre toute la
journée, défense de fumer. Cet avertissement ne nous fait pas changer de décision, sauf un,
qui reprend son ancien emploi. L’après-midi j’assiste à une séance donnée par S.D.L.11.
Quelques heures passées en gaieté avec de nombreux camarades qui comme moi avaient
voulu remercier, en assistant à la séance, les dévoués qui ont su mettre sur pieds des chansons
ou des saynètes, toutes de leur composition. Les fêtes de Pâques se sont donc bien passées.
L’ordinaire avait été un peu amélioré pour Pellier et moi, puisque des camarades tels
Joseph ? ?, Giros, Delahaye, Souvier, tous travaillant à GB12, nous avaient donné du gâteau. A
22h, nous devons tout éteindre.
333 15 avril
16ème journée d’attente. Journée normale où nous faisons bridge et frites.
334 16 avril
Belle journée. Beaucoup de bruits circulent aux ? et aussi d’une libération prochaine.
335 17 avril
Réveil comme les jours précédents et ensuite je lis. Vers 9h30, je suis prévenu que dans une
heure avec les 9 sous-officiers, je pars pour le stalag. Donc, en vitesse, je prépare mes affaires
et vais dire au revoir au médecin, aux infirmiers, au curé, aux camarades et déguste une
dernière bouteille de bière dans un coin de GB où malgré mon éloignement de ce que j’ai de
plus cher, ma famille et mon pays, je conserve un bon souvenir. A 16h30 nous quittons (484)
et à 17h10 nous embarquons. A Lichterfeld - ouest, nous prenons le métro et descendons dans
une gare de Berlin. Là, nous devons y passer 2h1/2. Nous sommes enfermés dans une pièce,
des combles de la dite gare. Nous y cassons la croûte. Nous devons partir à 19h52. A l’heure
dite, nous embarquons en chemin de fer et roulons environ une heure en train omnibus. Nous
descendons au milieu d’une grande plaine, il n’y a pas de gare, une simple baraque où
personne n’habite. De là, nous partons donc vers ce nouveau camp. Quelques maisons bordent
la route ; de pauvres arbres, bouleaux en particulier, agrémentent cette longue route pavée que
nous suivons pendant une bonne heure. Le trajet parait long car chacun de nous est bien
chargé. Effet du stalag, colis reçus et vivres en réserve, tout ceci fait que pour ma part j’ai
trois paquets assez lourds. Après avoir traversé un canal, nous prenons un chemin de terre au
milieu de la plaine où poussent ça et là quelques arbres rabougris. Enfin nous arrivons au
camp où nous sommes accueillis assez sèchement. On nous conduit dans un local où nous
devrons être plus tard 33. La chambre est sale, elle est loin de ressembler à celle que je viens
de quitter. Nous avons soif et un camarade demande de l’eau ; celle-ci est impropre à la
consommation alors nous percevons une cruche de café. Vers 22h30, nous sommes installés
11
12
Société des Loufoques
Großbeeren
9/9
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
après avoir perçu 2 semblant de couvertures. L’on s’apprêtait à dormir mais vers 23h30 nous
sommes réveillés par la DCA qui s’agite contre les avions. Le bruit de ces derniers nous fait
supposer qu’ils sont nombreux. Je n’ai pas entendu la fin de l’alerte.
Le voyage en chemin de fer s’est bien effectué et de nos wagons nous pouvions contempler le
paysage. La campagne toute sableuse parait peu productive. De nombreux travaux s’exécutent
sur une très large étendue au bord de la voie. Je ne vois pas grand-chose de la capitale, vu que
nous étions en métro, toujours sous-terrain. A chaque station, il y avait assez d’animation. En
chemin de fer, j’ai pu contempler une partie sans doute la moins belle de la ville, de
nombreuses baraques, certaines habitées, voisines au milieu de jardins.
Nous sommes donc installés à Waal à 60km de Berlin.
336 18 avril
Le matin vers 7h15, je me lève et comme les camarades, j’attend les ordres. Quelques temps
après, deux sous-officiers allemands viennent faire l’inventaire de notre paquetage. Je suis
assez cafardeux de cette première journée que je vais passer dans ce nouveau camp.
Attendons la suite. Toutefois, je ne suis pas chef de chambre. J’ai une tête qui ne revient pas à
nos nouveaux anges gardiens. Je dois faire couper ma barbe. Le camp où nous sommes est
situé près d’un canal, le Rhin parait-il13 ; ce dernier est plus haut que où nous sommes logés,
ce qui fait que par temps pluvieux, nous devons nous trouver au milieu de terrains transformés
en boue. 7 ou 8 baraques servent au logement des PG. En dehors des fils de fer, un même
nombre de baraques servent à nos anges gardiens.
A notre arrivée dans la chambre nous avons eu quelques surprises. Nos prédécesseurs avaient
des réserves que nous avons découvert grâce à 2 ou 3 « prévenus » qui étaient là avant nous,
sous le parquet. En levant quelques lames, nous y avons trouvé un pot et boulets14. L’aprèsmidi, nous avons joué au bridge. Le soir, j’ai dû me coucher de bonne heure, faute de lumière.
337 19 avril
A 7h30, je me lève et peu après le sergent prévient qu’il faut aller travailler vers 8H. A l’heure
dite, je pars avec 3 camarades. Nous prenons une « nacelle » et allons chercher des vieilles
briques à environ 1km500. Je ne croyais pas venir ici faire du canoë. A 10h45, après avoir
déchargé les briques que nous sommes allés chercher, nous allons à la soupe : choucroute,
p.d.t. J’ai dû mal manger du reste ! A 14h30 corvée de tinettes, douche et pluches. En allant à
cette corvée, un de nos anges gardiens me dit que ce n’est pas propre de porter la barbe, que
j’aurai des poux. Je lui fais comprendre que voilà 11 mois que je suis prisonnier et que
jusqu’alors je n’ai pas eu de cette vermine. Il me répond que c’est bon. Le soir nous faisons
un bridge. Nous avons de la lumière. C’est aujourd’hui ma fête15.
338 Dimanche 20 avril
Je me lève à 7h30. Après avoir un peu mangé, nous allons nous laver. Comme les jours
précédents, j’apprends à jouer de l’harmonica. J’ai acheté cet instrument, il y a une huitaine
de jours. J’ai déjà une note de faussée ! Soupe aux nouilles et p.d.t. agréable à manger.
L’après-midi, après avoir fait les pluches, je joue au bridge et n’ai pas de chance. A 21h, je
vais me coucher. J’ai arrangé 2 photos, les 2 dernières et les ai pendues à mon lit.
13
Le Rhin ne passe bien évidemment pas à 60km de Berlin, et ce n’est pas un canal.
On verra plus loin que c’était des pommes de terres
15
Le 19 avril est aujourd’hui la Ste-Emma
14
10 / 10
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
339 21 avril
Réveil 7h. vers 8h30, je pars arranger les chambres pour les camarades qui vont arriver. A
10h30, 12 arrivent. L’après-midi, corvée de pluche et divers.
340 22 avril
Réveil 7h15. Pas grandes occupations en dehors des pluches, une demi-heure, et
déchargement d’un camion.
341 23 avril`
Je me lève à 7h. Jusqu’à ce jour, personne ne nous réveille. Vers 10h il arrive de Luckenwald
un détachement de 18 SO16 qui comme moi ne veulent pas travailler. Je retrouve parmi eux
quelques camarades connus au cours du passage au premier camp avec qui j’avais vécu 3
mois (Turette, Gisquel). Ils n’apportent que peu de renseignements sur la situation. Le soir à
18h, premier rassemblement. Ensuite, je viens manger une partie du casse-croûte qui est
augmenté par les p.d.t. trouvées ; la réserve n’étant pas encore épuisées. Je n’ai rien fait de la
journée.
342 24 avril
Je me lève à 7h15 et à 8h appel. Le reste de la journée, je le passe à lire, jouer aux cartes et
apprendre à jouer de l’harmonica. Le camp s’organise. Nous sommes logés en principe 30 par
chambre et chacune à leur tour, les chambres sont de service. Il y en a 8, donc une fois tous
les 8 jours, nous effectuons les différentes corvées intérieures du camp, peu fatigantes du
reste.
343 25 avril
Il fait à peu près bon, je me lève à 7h30. 11 camarades demandent déjà à travailler. Il y a de
nouveaux arrivants.
344 26 avril
A 2h30, il y a alerte. Au même moment, la DCA donne ! L’alerte fini à 3h10. Je me lève à
7h15 et vais à l’appel à 8h. Il ne fait pas chaud. A 9h je vais à la visite car j’ai un « clou » au
cou depuis quelques jours.
345 27 avril
Dimanche. Je me lève à 8h et vais à l’appel à 9h et aux soins à 10h. Le « clou » est mûr, il
coule et l’infirmier arrache le germe. J’ai écrit au petites, car ma lettre écrite dimanche n’est
pas encore partie. J’ai oublié de dire que la Cie à laquelle nous appartenons a été surnommée
par certains de nos gardiens la « compagnie schlafen »17. Je passe la journée à jouer au bridge.
Je reçois 2 lettres de ma Zette. Il y a un que je partais en perm…
346 28 avril
Je me lève à 7h45. Peu après, il y a appel et le chef de chambre est prévenu que tout le
personnel de la chambre travaille. Je préviens le sergent que je vais aux soins. Il me dit donc
de rentrer, après être allé à l’infirmerie. Je fais des dés et des pions, pour jouer aux petits
chevaux. L’après-midi j’arrange le jeu ; en suite avec Pellier et 2 autres camarades, nous
faisons des parties qui durent plus de 2 heures. Il arrive 14 camarades.
16
17
sous-officiers
schlafen = dormir
11 / 11
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
347 29 avril
Je me lève à 7h. Rien à faire le matin. Je fais une partie de petits chevaux. Il fait bon et c’est
bien pénible de rester inerte comme nous le restons, alors qu’en France il y a tant de travail.
Le bruit court que nous devons quitter le camp.
348 30 avril
Lever à 7h. Le personnel de la chambre travaille et un camarade est frappé de gifles et de
coups de pied par l’officier commandant le camp. Personne ne réagit et cela passe. Non sans
avoir été l’objet de rumeurs, parmi tous les camarades.
Au rassemblement de 18h, nous sommes prévenus que demain, nous partons à 12km, étape à
faire à pied. Je prépare mes paquets.
Alerte de 1h05 à 3h. La DCA fait du bruit.
349 1er mai
Lever à 6h15. A 7h30 je rends couvertures cuiller, gamelle et serviette. A 9h30,
rassemblement. Vers 9h45, nous partons bien chargés.
350 2 mai
Je n’ai pas bien dormi, comme tous mes camarades de la chambre. Je n’avais pas de paillasse
et couchais sur quelques planches réparties au mieux. Je n’avais pas très chaud. A 7h je me
lève et la journée se passe à faire peu de chose. A 3h appel et ensuite nous allons donner notre
profession. Il tombe un peu de neige. L’après midi, je touche une paillasse garnie de papier et
reçois 3 lettres de Zette et une carte de Lucien.
351 3 mai
J’ai mieux dormi puisque mieux couché. Malgré cela, je n’ai pas eu très chaud. Je me lève à
6h30 et suis surpris de voir la campagne toute blanche. J’établis une liste du personnel de la
chambre ; date, lieu de naissance, adresse. Je remets l’argent pour les cartes de mai, ensuite je
fais une partie de Lexicon.
352 4 mai
Dimanche j’ai très bien dormi, la chambre était chaude. Je m’étais couché à 20h et me suis
levé à 7h. Très mauvaise journée, il a plu et suis peu sorti. J’ai fait une partie de bidet et
l’après midi, avec Pellier, Poireau et Rideau (ce dernier est venu nous rejoindre hier) nous
avons fait une partie de bridge qui a duré de 14h à 18h passées. J’ai eu pas mal de chance18.
353 5 mai
Journée normale, je ne fais absolument rien et tous les camarades sont comme moi, à part
quelques uns qui effectuent les corvées de camp. Perception d’un ¼ de boule. A nouveau, on
nous communique une note précisant que seuls les travailleurs peuvent bénéficier de
libération partielle s’ils sont réclamés comme spécialistes.
354 6 mai
Je me lève à 7h et vais comme chaque jour faire ma toilette. Après avoir mangé, je vais avec
Pellier marcher pendant une demi-heure. A 9h, je vais à la visite faire soigner un furoncle.
Une sentinelle nous garde, car nous ne devons pas parler aux travailleurs du camp19.
18
La chance a peu d’influence au bridge : toujours sa modestie.
12 / 12
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
355 7 mai
Il fait très mauvais toute la journée. La pluie tombe. Le matin, je lis et le soir je joue au
bridge. Je touche un polochon et une serviette. Le polochon est garni de papier. Le camp des
sous-officiers réfractaires est comme je l’ai dit plus haut, très petit. Le tour fait 66m. Les
barbelés qui nous entourent sont au nombre de 28, soit 14 par rang. J’ai trouvé un poux sur
ma veste, quoi que n’en ayant pas sur le corps. J’appréhende le jour où comme beaucoup de
camarades, j’en aurai. A 19h, nous avons perçu des vivres et tabac, 1 paquet de figues,
…illisible… pour 8 et 1kg de sucre également pour 8. L’interprète nous dit que nous ne
percevons que la moitié de ce qui nous est dû, parce que nous ne travaillons pas, l’autre moitié
est distribuée aux travailleurs. Encore une chose injuste qui nous incite à la collaboration ?
Chacun est malgré tout heureux, vu que nous avions été prévenu qu’aucune de ces
distributions ne nous serait faite. Depuis 3 jours nous percevons ¼ de pain au lieu de 1/5.
356 8 mai
Beau réveil ; le soleil vient nous trouver au lit, mais il ne durera pas longtemps. La journée est
froide et fréquemment il tombe de la neige. Le soir, la chambre est dans la gaieté, les
chanteurs du camp viennent distraire le personnel.
357 9 mai
Il y a an, je quittais ma chère famille. Il fait bon et j’en profite pour rester très longtemps
dehors. L’après-midi, il y a rassemblement, en dehors des fils de fer. Là, on nous demande des
volontaires pour le travail. Il y a peu de nouveaux, toutefois le chiffre total atteint déjà
l’effectif de 43 sur 341. Immédiatement ces 43 nous quittent et changent de camp. A 18h, il y
a revue de cruche et plat ! Ils ne sont pas tous propres, et à 20h la même revue a lieu. La nuit
passée, Berlin a eu à subir un bombardement. Je n’ai rien entendu. A la suite de la réunion
signalée ci-dessus, le S.O. allemand nous dit qu’il désire que chacun se fasse raser. Toutefois
ceux qui ont été photographiés à Luckenwald, avec la barbe, sont autorisés à la garder.
358 10 mai
Au cours de la nuit, il y a eu 2 alertes. Belle journée. Le soir perception de confitures aux
cerises venant de France. Chacun en perçoit plus d’un quart.
359 11 mai
Dimanche. A nouveau il y a alerte et à 2h la DCA fait énormément de bruit. Malgré les 60km
qui nous séparent de Berlin, les baraques tremblent par moment. La journée se passe
normalement. Quelques rassemblements sont les occupations de la journée. Nous n’avons
toujours pas le droit de parler à nos camarades, logés dans le camp voisin.
360 12 mai
Comme chaque jour, je me lève à 7 heures. Ma chambre est de corvée. Je vais à la visite, mes
furoncles sont passés.
361 13 mai
Journée normale. Le soir revue de chaussures. Celui qui est chargé de passer l’inspection ne
les trouve pas propres ; la revue est remise à 1h plus tard. A l’heure dite, nouvelle revue, mais
il n’y a rien eu de fait aussi abandonnera-t-il son inspection. Le bruit court que Hesse serait
parti soit disant pour l’Ecosse.
13 / 13
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
362 14 mai
Il ne fait pas très beau et la journée se passe à jouer aux bidets et à lire « le secret de la Mer
Rouge ». Je reçois un colis : pain d’épices, chocolat, 4 paquets de cigarettes.
363 15 mai
Journée normale. L’après-midi perception de 14 biscuits, 1 paquet de tabac, 1 paquet de
cigarettes et une boite de singe.
364 16 mai
La nuit, je suis réveillé par la DCA. Il y a alerte, je ne sais à quelle heure. La journée est très
ensoleillée jusqu’à 8 heures, ensuite le temps se couvre. Le vent et la pluie ne sont pas chauds.
Avec Pellier nous marchons pendant plus d’une heure.
365 17 mai
Assez belle journée. La chambre travaille mais le chef de chambre est exempt de corvée.
Donc je reste à rien faire.
366 18 mai
Dimanche. Triste anniversaire, par un même beau soleil qu’en ce jour, il y a un an à l’heure
où j’écris ces quelques lignes, nous regagnions la France, après avoir connu un départ sans
précédent en Belgique pour être pris à Montbrehain dans l’Aisne vers 15h30.
La journée est splendide, la 1ere qui soit belle cette année. L’après-midi, nous faisons une
partie de bridge. Après une réunion des chefs de chambre, il faut désigner un chef de camp. Je
suis le plus ancien. Je suis donc désigné par les camarades pour remplir cette fonction. Cela
ne me servit pas beaucoup.
367 19 mai
A 8h le rassemblement journalier est long. Ensuite quelques camarades punis vont effectuer la
corvée de WC. Raynal arrive en retard au rassemblement des travailleurs. Comme punition,
tout le personnel du camp sauf les malades, l’interprète et moi, sont emmenés hors du camp et
restent une heure debout au soleil. A 18h arrive une vingtaine de camarades de Luckenwald.
Ceux-ci nous annoncent que la collaboration est signée et le bruit court que la libération
commencerait prochainement.
Un de nous s’étant approché trop près des nouveaux arrivants est bousculé, voir même frappé
et emmené, je ne sais où. Il reste jusqu’à la nuit.
368 20 mai
Très belle journée. Quelques nouveaux camarades arrivent. Parmi ceux-ci se trouve le
M. des L20. Robert, ancien du « 39 21». A 18h, il y a rassemblement en dehors de la cour. Les
maris et certains autres sont mis de coté. Il y a en outre, besoin de 15 travailleurs pour aller
faire du bois. Après des difficultés, il y a le nombre de volontaires mais au moment de les
faire changer de camp, ils refusent. Nous sommes prévenus qu’à partir du 21, nous ferons 6h
de manœuvres à pieds.
369 21 mai
A 8h, appel, toute ma chambre est désignée pour aller aux « pluches » . Le personnel non
employé, va sur le terrain de manœuvre et reste debout au soleil pendant 2h ½. A 14h
20
21
maréchal des logis
régiment de Pépé à Metz devant les Ponts jusqu’à la déclaration de guerre
14 / 14
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
nouveau rassemblement. Ma chambre va en corvée. Je reste seul et vais sur le terrain où nous
effectuons (200 environ) une marche avec chants. A 15h, un jeu est organisé ; il dure moins
d’une demie heure puis chacun se repose et beaucoup se sont mis à lire, à écrire et mis en
chemise. Cela ne dure pas longtemps, car l’ordre nous est donné de nous revêtir et de rester
sur place. Nous y resterons jusqu’à 17h. Le soir nous sommes assez fatigués de rester
immobiles. Encore une brimade de plus car cette façon d’agir en est bien une. Des volontaires
ont été demandés pour aller couper du bois. Ils sont obligés de désigner d’office. Les
« victimes » font remarquer aux gradés allemands qu’ils ne veulent pas être payés. A 18h45,
revue des vestes et sabots.
370 22 mai
A 8h appel ensuite, nous partons au terrain de manœuvres. Pendant 2 heures, nous organisons
des jeux, ensuite nous sommes rassemblés sur le sable et pendant une heure nous faisons face
au soleil. A 14h nouveau départ pour le même terrain où nous devons faire jusqu’à 15h de la
marche à pieds, ensuite jusqu’à 16h jeux. De 16h à 16h15 pause. Pendant ce ¼ d’heure, tout,
nous nous assaillons. Ensuite jusqu’à 17 exercice de « salut » ?? et un peu de manœuvre. Cet
après-midi a dont été moins pénible. Quand le caporal est venu nous dire de rentrer, il a
demandé aux sentinelles si nous n’étions pas encore brûlés par le soleil.
Différents bruits circulent : les relations franco-allemandes sont interrompues, les chemins de
fer du Reich sont réservés sur les grandes lignes pour le transport des troupes.
A 21h je suis couché ; peu de temps après un camarade, Touret, vient me trouver et à
plusieurs, ils voudraient me parler. Mais je ne tiens pas à me relever. Alors, à 3, ils viennent,
Touret, Cathelin (avocat), Vasson (notaire). Ils me demandent comme je suis le plus ancien, si
j’accepterai de bien vouloir être leur représentant vis à vis de l’autorité allemande, pour y
soumettre leurs réclamations. Je leur fait observer que si j’accepte, j’aurai toujours besoin de
leurs conseils puisqu’ils sont plus qualifiés que moi. Tous 3 approuvent entièrement. En me
quittant, ils vont parler à toute la chambrée. Vasson avait demandé à voir la Convention de
Genève. De ce fait, les allemands s’occupant de nous le prennent pour un meneur et c’est à la
suite de cette mauvaise interprétation qu’ils sont venus me trouver. Les mesures de discipline
prises à notre égard ont pour but de trouver des défaillants parmi nous, d’après les
déclarations d’un certain officier.
371 23 mai
Le matin, à 8h30 nous sommes emmenés vers l’infirmerie pour trier ceux qui n’ont pas été
vaccinés à ce camp. Un grand nombre l’ont été à Luckenwald, il y a un mois, mais ils doivent
y repasser. L’opération commence, mais peu après, des camarades tombent en faiblesse :
immédiatement les opération sont suspendues. L’après-midi, nous repartons sur le terrain où
nous devons faire de la manœuvre. Nous refusons. De ce fait, chaque chambre est répartie à
des coins différents du camp où nous devons rester debout de 14h à 16h. Deux hommes sont
malades. Je fais le nécessaire pour qu’ils retournent à la chambre. Je réussis. De 16 à 16h15
nous faisons la sieste et ensuite jusqu’à 17h nous faisons u peu de manœuvre. Après l’appel,
vers 20h, une note concernant la libération partielle nous est lue. Le Sous-Officier allemand
s’empresse de nous dire que cette note ne nous concerne pas. Rire général !…
Pourquoi nous l’avoir lue ?
J’écris à Zette et à Roy.
15 / 15
Carnet de captivité
Emile Léon Pérot
Décompte de Léon, sur le carnet de 1941
Mai 14
Juin 30.44
Juillet 31.75
Août 31.106
Septembre 30.136
Octobre 31.167
Novembre 30.197
Décembre 31.228
Janvier 31.259
Février 28.287
Mars 31.318
Avril 30.348
16 / 16