Book Review: Charles Taylor. Religion et sécularisation

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Book Review: Charles Taylor. Religion et sécularisation
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The interviews with pastors expanded on these congregational strengths while dispelling some stereotypes of evangelicals. Two-thirds of the pastors stated that ‘‘fundamentalist’’ does not describe their churches very well (131). Nor do evangelical
congregations promote a right-wing political agenda: ‘‘They are committed to promoting
Christian values in society at the same time as they are committed to pluralism and
diversity’’ (90). Their top priorities are passing the faith on to the children, providing
welcoming worship services and encouraging gift-based service (109). Activities for
children and youth include discussion groups dealing with both religious and secular
topics, community service, nature/wilderness events and mission trips. Evangelicals give
more generously of their money and time to service activities, both religious and nonreligious, than do other Canadians, including mainline Protestants and Catholics (204).
However, most of these activities can be characterized as ‘‘charity’’ rather than ‘‘social
justice.’’
Despite their relative healthiness, evangelical congregations face many challenges.
Over the years they have made few converts from outside, relying instead on retaining
family members and absorbing evangelical immigrants. They have difficulty attracting
and retaining clergy, due in part to declining enrolment in seminaries, the small size of
many congregations, which cannot afford a full-time minister, and conflicts between
young clergy and their (generally older) congregations. Although youth ministry is a
very high priority and they are much more successful than mainline Protestant and
Catholic churches in youth participation, almost 40% of those ‘‘who regularly attended
evangelical congregations as children attend seldom or never as young adults’’ (174).
In their conclusion the authors caution that while statistics are suggestive of
church healthiness, they do not provide a complete picture. Nevertheless, the book
provides valuable information for church members, whether evangelical, mainline
Protestant or Catholic, who are concerned about the future of their denominations. It
will also be of interest to academics and policy makers who examine the influence
of religion in Canada, including the disproportionate contributions of church-goers
to charitable causes.
John R. Williams
Department of Philosophy, Carleton University
Charles Taylor. Religion et sécularisation
Sylvie Taussig (éd.)
Paris: CNRS Éditions, 2014. 282 p.
Les thèses de L’Aˆge se´culier sous un regard français : tel est le principal intérêt de ce
substantiel collectif publié aux Éditions du CNRS sous la direction de Sylvie Taussig.
Le préambule, constitué de trois contributions, donne d’emblée le ton en marquant
l’océan historique et culturel qui sépare le monde nord-américain de Taylor de l’univers
intellectuel français et de ses réflexes laı̈ques républicains. Communautarisme, libéralisme, accommodements raisonnables, sécularisation, laı̈cité ouverte : l’« étrangeté » de
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la pensée de Taylor est campée avec respect et acuité, et non sans quelque étonnement.
Sylvie Taussig n’hésite pas à parler d’« un discours homilétique qui se veut infalsifiable »,
une « machine de guerre contre la laı̈cité dite à la française » (47), voire d’« une certaine
perversité dans le mode de raisonnement, qui met le lecteur devant un choix impossible,
un ‘double bind’ » (47). Cette netteté de la mise en route ne sera pas pour autant exempte
de toute confusion, puisqu’on y apprend que Taylor aurait remis son rapport au
« Gouvernement canadien » (46) et, sous la plume du regretté Émile Poulat, que le
« post-modernisme » dont traite Taylor, soi-disant survivant des « trois cents hivers » qui
séparent la France et le Québec, ferait référence à la crise moderniste catholique du XIXe
siècle. Le préambule n’en campe pas moins avec fermeté le lieu d’analyse de l’ouvrage : se
pourrait-il que, « sous l’influence frappante du protestantisme dont il épouse la méthode,
(Taylor ait) oublié l’importance de l’institution » (47) ? Ce sera donc un dialogue serré,
critique, doucement polémique même, qui a le bénéfice de la clarté : au « double bind »,
on répondra par quelque chose qui ressemble au « tough love » !
La première partie de l’ouvrage confronte la pensée de Taylor aux théories dominantes sur la sécularisation. C’est sans doute celle qui entre le plus directement dans le
vif du débat. Après la contribution d’Olivier Abel, un peu décousue, mais utile en ce
qu’elle attire l’attention sur les évolutions souvent croisées de la laı̈cité et de la sécularisation, on peut lire la solide contribution de Marcel Gauchet au titre évocateur – « le
désenchantement désenchanté ». Prenant très brièvement acte du rejet par Taylor de
l’histoire « par substitution » (73) et de son projet de la remplacer par une histoire « par
transposition » (74), Gauchet propose d’« aller plus loin » (74) et de pratiquer plutôt
« une histoire par transformation », voire de « renoncer une bonne fois ( . . . ) à ce terme
de sécularisation » (75). Il reprend à cette fin ses vues familières sur la « sortie de la
religion », ce passage à « un mode de structuration autonome » (78) de la vie sociale, en
quoi consiste essentiellement la « révolution moderne » (79). Cette fin du « magistère
collectif » de la religion n’aura sans doute pas donné tous les fruits escomptés – le
désenchantement aura lui-même désenchanté –, mais la fonction religieuse n’est pas
pour autant devenue « une fonction parmi d’autres » (82) : « la sortie de la religion, c’est
tout sauf la fin de l’histoire » (81). « Plus nous serons sortis de la religion, plus nous
aurons besoin de penser la religion », conclut Gauchet (82). Philippe Portier s’emploie
ensuite à montrer en quoi les positions de Taylor peuvent être considérées comme
une contribution aux approches révisionnistes de la sécularisation. À la thèse de la
rupture opérée par la modernité, L’Aˆge se´culier opposerait « le principe d’une continuité »
: « on croyait le religieux moribond, et voici qu’il revient par des chemins de traverse »
(111), « sous la forme d’un ‘corpus’ où chacun peut puiser en fonction de ses attentes
personnelles de sens » (111). Explicitement ancré dans la tradition juive, Gabriel
Motzkin fait voir que Taylor fonde son analyse sur la conviction qu’être religieux est
une affaire de croyance et qu’être sécularisé est une affaire de non croyance (114), une
conception essentiellement chrétienne qui ne rendrait pas compte de la tradition juive,
selon laquelle la « conduite n’a rien à voir ni avec la croyance ni avec la vie intérieure »
(115). Les expériences subjectives intenses que Taylor traite comme déterminantes
n’auraient même pas à être justifiées, parce que le sentiment de la présence de Dieu est
« naturel » (127) et consiste plutôt justement en « une coı̈ncidence entre subjectif et
objectif » (127).
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La deuxième partie de l’ouvrage propose une série de coups de sonde sur des éléments
particuliers de L’Aˆge se´culier, qui prennent appui sur des courants ou des auteurs pouvant en favoriser des « lectures diachroniques ». Jean-Louis Schlegel suggère d’abord, à
l’encontre de la dichotomie soutenue par Taylor, que le romantisme pourrait délimiter
« une vaste zone intermédiaire entre incroyance et religion » (136). Heinz Wismann
soutient ensuite avec Habermas qu’« une société post-séculière ne rompt pas avec la
sécularisation, mais récuse ses traits idéologiques » (140). Citant une célèbre discussion
Habermas–Ratzinger de 2004, où se seraient opposées une « conception classique de la
raison universelle » et « une raison critique, essentiellement réflexive » (143), cette
dernière permettant seule d’englober et de transformer de manière réflexive et successive
« les mentalités tant religieuses que profanes » (143), bien au-delà des oppositions
martelées par Taylor. Jack Goody, pour sa part, aborde le débat dans la perspective
augustinienne, selon laquelle la modernité n’aurait qu’élargi la place du profane dans
la conduite des affaires humaines et fait ainsi que « la transcendance n’a pas disparu
(loin de là), mais occupe une place de plus en plus limitée dans l’univers de chacun
d’entre nous » (154). Deux contributions, portant toutes deux sur les thèses de
Blumenberg, clôturent cette deuxième partie. Jean-Claude Monod reproche à Taylor
sa « (non) discussion » avec Blumenberg, selon lequel la « colère » de la modernité
n’était pas « dirigée contre l’absolutisme théologique » (162), mais plutôt, en amont et
plus fondamentalement, « contre la condamnation de la curiosité théorique et son inscription ( . . . ) dans le catalogue des vices » (162). Christian Bouchindhomme en remet longuement sur le même reproche, et de manière plus incisive. Il soutient que L’Aˆge se´culier
est « un ouvrage engagé » (166) et que la « cause » de Taylor n’aurait guère pu se «
nourrir » aux analyses de Blumenberg, « aussi riches et savantes soient-elles » (166). Et
tant qu’à y être : Taylor, « catholique et ( . . . ) libéral politique convaincu », pratiquerait
« un style qui privilégie la narration à la stricte démonstration, l’exemplification argumentative à la discussion suivie et des positions souvent déviantes ou atypiques par
rapport à leur option de base » (166).
Sous le titre « Vers quels accommodements raisonnables », la troisième partie, la plus
longue, est d’allure plus proprement historique et sociologique et propose des contributions connectées aux terrains concrets des traditions religieuses et de leur évolution dans
l’espace public actuel. Olivier Roy s’emploie d’abord à montrer que « ce qui apparaı̂t
comme un conflit (sécularisation contre religieux) est un processus de réajustement
réciproque » (195) : en fait, la sécularisation elle-même « fabrique du religieux », selon
un sous-titre évocateur, et « l’instance séculière contribue ( . . . ) à son tour à l’objectivation et à l’extériorisation du religieux » (200). Tout se passe donc, poursuit l’auteur,
comme si la communauté de foi se définissait de plus en plus « sur un statut dérogatoire,
comme contre-société, relevant de ses normes propres, ce qui est un aveu de minorisation »
(207) : on passerait ainsi « de la liberté religieuse à la liberté des groupes religieux »
(208). À cet égard, le multiculturalisme et « le concept anglo-saxon d’accommodement
raisonnable » ne feraient pas mieux que la laı̈cité française et ses pratiques d’exclusion :
c’est qu’ils supposent « une juxtaposition de systèmes de normes sans référent commun
autre que la tolérance » (209). Où est dès lors l’« englobant incontesté » (209) ? Dans
quel « imaginaire politique pourra alors s’enraciner le lien social » (212) ? Régine Azria
rappelle ensuite la façon particulière dont le judaı̈sme de la diaspora a vécu ses
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acculturations à des sociétés séculières et comment, en Israël même, on a assisté à « la
nationalisation du religieux » (223). Il y aurait un « âge séculier juif », cet « impensé » de
l’ouvrage de Taylor, qui « s’interroge moins sur le statut de la croyance dans un monde
moderne globalisé que sur le sens, les contenus, la pérennité des identités individuelles
et collectives juives d’aujourd’hui » (230). Pour sa part, Hamadi Redissi rappelle
l’« impossible séparation du religieux et du politique » en Islam et les « refus majeurs »
qui la fondent sur les plans théologiques, historiques et sociologiques. L’état civil n’est
pas « théocratique » pour autant, mais « il a cependant une religion » (235). Son évolution actuelle se ferait dans les « espaces intermédiaires » : l’Islam ne serait « plus tout à
fait traditionnel, sans être pleinement sécularisé » (238). Suit un point de vue catholique
signé par Paul Valadier. L’auteur se demande si définir la religion par « la croyance en
une transcendance » permet réellement d’« honorer la spécificité de la tradition catholique » (245). Il trouve étrange de lire chez Taylor que « l’institutionnalisation est la
création monstrueuse du christianisme », « la trahison du message chrétien » (247).
N’est-ce pas « l’institution, tout à l’inverse, qui permet de faire face et de dépasser ce
que le seul geste individuel ( . . . ) ne permet pas d’atteindre » (247–248) ? Et que dire de
« la participation de l’Église au débat démocratique » (248) ? Comment, dans la seule
intimité de la croyance en une transcendance, être « signe parmi les nations » et
« sacrement de salut » (250) ? L’ouvrage se termine par un texte de George G. Zheng
sur la sécularisation au Tibet chinois. Prudent – on le serait à moins –, l’auteur s’interroge
sur la façon concrète d’assurer une certaine autonomie culturelle tibétaine. Il propose d’en
confier la gestion « séparée » aux chefs spirituels du peuple tibétain, spécifiquement dans
une « Commission culturelle pour la population tibétaine » (276). Cette structure, écrit-il,
« répondrait aux préoccupations fondamentales du gouvernement chinois » (278) – une
sorte d’« accommodement raisonnable », peut-on penser.
Ce riche ouvrage comble avec bonheur un silence que plusieurs déploraient de ce côté-ci
de l’Atlantique, celui d’une lecture « française » serrée d’un ouvrage plus souvent louangé
que discuté. Tout en participant à ce concert élogieux, les points de vue proposés dans ce
collectif du CNRS instituent un dialogue critique sans complaisance, qui devrait trouver
écho ici, surtout chez ceux que n’effraient ni l’esprit français, ni sa vision de la laı̈cité.
Pierre Lucier
Chaire Fernand-Dumont sur la culture,
Institut national de la recherche scientifique
Theopoetics of the Word
Radical Theologies
Gabriel Vahanian
New York: Palgrave Macmillan, 2014. 192 pp.
Theopoetics of the Word is the final work from one of the most important Christian
theologians of late modernity, completed shortly before the author’s death in 2012 and
dedicated to his long-time friend and fellow philosopher of religion, professor Maurice
Boutin of McGill University. Crucial reading for anyone interested in current Christian