ALEX WEBB - Botanique

Transcription

ALEX WEBB - Botanique
Expo
22.06 - 07.08.16
ALEX WEBB
The Suffering of Light
Expo
14.09 - 06.11.16
BENOÎT FELIX
BERNARD GAUBE
Sans titre, 2016
Botanique : rue Royale 236 Koningsstraat | Bruxelles 1210 Brussel • Infos : 02 218 37 32 - www.botanique.be
Dossier pédagogique
BOTANIQUE : rue Royale 236 Koningsstraat
| Bruxelles 1210 Brussel | INFOS : 02 226 12 18 - WWW.BOTANIQUE.BE
E.R. | V.U. : Le Botanique - Annie Valentini • «Attraper la peinture» © Benoît Felix 2015 & «Figure de peintre - N°5» © Bernard Gaube 2012
NOCES (EXTRAIT), 1988-1995 © GILBERT FASTENAEKENS
SOMMAIRE
1.
PRÉAMBULE : L’EXPOSITION 3
2.
LES ARTISTES 4
3.
LA PEINTURE AUJOURD’HUI
5
4. LA PEINTURE CHEZ BERNARD GAUBE ET BENOÎT FELIX
7
a.
Conception des oeuvres 8
b.
Les Titres 9
c.
Focus sur deux œuvres10
d. Les influences 12
5. APPROCHE THÉMATIQUE : 13
a.
Voir/être vu13
b.
Le corps/la peau13
c.
Abstraction15
6. CONCLUSION ET PISTES PÉDAGOGIQUES16
a.
Avant la visite 16
b.
Après la visite, atelier créatif 17
7.
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES18
8.
ACTIVITÉS AUTOUR DE L’EXPOSITION
19
1. PRÉAMBULE : L’EXPOSITION
Sous le commissariat de Catherine Henkinet et Marie Papazoglou, l’exposition Sans titre
2016. Benoît Felix - Bernard Gaube propose un dialogue entre les œuvres de deux plasticiens
belges.
Avec ce dossier pédagogique, le Botanique souhaite vous préparer à votre visite en vous
proposant différentes lectures possibles de cette exposition.
Notre service éducatif reste bien évidemment à votre disposition pour toute question
complémentaire, aussi bien sur le contenu que sur la réservation d’une visite pour votre groupe.
Après une introduction biographique des artistes, ce dossier se concentre principalement sur
deux axes : la question de la peinture dans la pratique artistique aujourd’hui et les thématiques
communes aux deux artistes.
Le Botanique vous souhaite une agréable découverte et espère pouvoir vous accueillir bientôt
au Museum.
3
2. LES ARTISTES
Bernard Gaube est né à Kisantu (Congo) en 1952. D’abord diplômé en céramique, c’est avec
cette discipline qu’il commence sa carrière artistique dans les années 1970. En 1978, il élargit
parallèlement sa pratique à la peinture, qui deviendra peu après son occupation principale.
Autodidacte, Bernard Gaube est un peintre atypique dont l’œuvre n’appartient à aucune
tendance ni courant particulier. Il s’approprie les codes de la peinture traditionnelle tout en
réalisant une œuvre libre qui n’appartient qu’à lui.
Il a enseigné à l’Académie
Internationale
d’été
de
Libramont ainsi qu’au sein
de l’atelier de Peinture de
l’Ecole Supérieure des Arts
plastiques et Visuels de Mons.
© B. Gaube / Pour plus d’infos sur l’artiste : www.bernardgaube.net
Benoît Felix est né à Etterbeek (Bruxelles) en 1969. Après avoir étudié le dessin à l’Académie
Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, il travaille comme modèle vivant et expose ses travaux
entre 1993 et 1996. Parallèlement, il commence à étudier la psychanalyse et travaille durant
14 ans dans des maisons psychiatriques, principalement avec des enfants et adolescents.
Parti de la trace et de la ligne du dessin, le champ de son travail s’élargi ensuite à celui de
l’installation, de l’image en général, de la vidéo ainsi qu’à celui de la performance. Un travail
d’écriture suit de près les développements de son parcours d’artiste visuel.
Professeur
de
dessin
à
l’Académie des Beaux-Arts de
Liège (ESAL), Benoît Felix vit et
travaille entre Lustin et Bruxelles.
© B. Felix (extrait de 4/3 to 16/9, 2015)
Pour plus d’infos sur l’artiste : www.benoitfelix.com
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3. LA PEINTURE AUJOURD’HUI
Les questions qui imprègnent cette exposition ont trait à la peinture. Comment faire de
la peinture au 21ème siècle ? La peinture a-t-elle encore des choses à dire ? Les artistes
peuvent-ils encore utiliser la peinture pour s’exprimer ?
Les deux artistes présents dans l’exposition répondent différemment à ces questions et
c’est dans leur confrontation que l’on discerne leurs réponses.
Tout d’abord, un peu de contexte !
L’homme peint depuis la nuit des temps. Avant même que
l’homme ne se sédentarise (il y a environ 11.000 ans),
il pratiquait la peinture. Parmi de très beaux exemples
de cet art, nous pouvons citer les grottes de Lascaux,
peintes il y a environ 17.000-18.000 ans. Depuis, la
peinture et l’art en général, a évolué et, depuis un siècle,
la notion d’art a radicalement changé en Occident.
Grottes de Lascaux
Avant que les avant-gardes ne bousculent tout, les
divisions classiques de l’art étaient les suivantes : la
peinture, la sculpture et l’architecture représentaient
les trois arts principaux. Les avant-gardes de la
deuxième décennie du 20ème siècle ont bouleversé cette
classification. Les collages cubistes, les assemblages
et les ready-mades de Duchamp ont ouvert la porte
à l’utilisation de techniques de toutes sortes dans la
peinture et la sculpture, rendant parfois floues les
frontières entre les deux. D’autres artistes comme El
Lissitzky ont troublé la distinction entre la peinture ou la
sculpture et l’architecture.
Marcel Duchamp, Roue de bicyclette, 1913
Avec l’utilisation de nouveaux matériaux, l’art a cessé
d’être divisé en catégories bien précises. Pendant tout le
20ème siècle, les artistes ont profité de ces avancements
et l’on a alors assisté à l’apparition de différents
mouvements comme Fluxus, Neo-Dada, Arte povera (utilisation des matériaux ‘pauvres’)
et le Land art (utilisation de la nature même comme matière). La distinction entre peinture,
sculpture et architecture ne constitue désormais plus une manière adéquate de différencier
les œuvres d’art.
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Un bel exemple de ceci est le
Jardin d’Hiver (1969-’70) de
Jean Dubuffet. On ne peut
plus dire si l’architecture est le
support de la peinture ou si la
peinture organise la sculpture.
On ne sait pas si ce que l’on
regarde est une peinture, une
sculpture ou un bâtiment,
tous les repères deviennent
incertains et difficile à affirmer.
Jean Dubuffet, Jardin d’hiver, 1969 - 70 © Service de la documentation
photographique du MNAM - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP
Le même constat peut être fait lorsque l’on évoque la recherche du beau et du vrai dans
les arts. Là où, depuis la Renaissance, et ce quasiment jusqu’au 20ème siècle, les peintres
ont toujours essayé de montrer le monde visible, de manière plus ou moins réaliste, parfois
idéalisée, les avant-gardes du début du 20ème siècle vont opérer une rupture claire. Dès
lors, on ne montre plus les choses de manière naturaliste et la nature ne sert plus de guide
absolu dans les arts. Tout commence avec le cubisme où l’on ne montre plus ce que l’on voit,
mais ce que l’on sait, une multitude de points de vue différents coexistent en même temps.
Les artistes, comme ils l’ont fait avec la matière, réclament la liberté de montrer ce qu’ils
ont envie de montrer, même si ce n’est pas beau, même si ça ne ressemble pas à quelque
chose que l’on connaît. Différentes tendances voient
alors le jour avec des couleurs et des formes exacerbées
(expressionnisme, DADA, CoBrA) ou des peintures
dans lesquelles le sujet devient abstrait, parfois en lien
tangible avec une certaine réalité (abstraction lyrique de
Kandinsky, Delaunay ou Kupka), parfois moins tangible
(abstraction géométrique de Mondrian ou Malevitch,
abstraction expressionniste de Pollock ou Rothko).
Kasimir Malevitch, Carré noir sur fond blanc, 1915
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4. LA PEINTURE CHEZ BERNARD GAUBE ET BENOÎT FELIX
Bernard Gaube pratique la peinture avec une liberté qui semblait impossible avant le 20ème
siècle : il multiple les genres et les techniques : il utilise une palette réduite ou justement
très riche et diverse et ses œuvres marquent souvent l’absence de perspective ou de décor.
Tout est devenu possible ! Gaube dit de son travail qu’il permet d’interroger le dispositif que
l’on nomme ‘tableau’.
Bien qu’il soit artiste peintre, la notion de peinture reste chez
lui un questionnement. Il livre rarement une image directe.
Souvent, il pratique un ‘sabotage’ de l’image : il ajoute des
éléments qui semblent ne pas y appartenir, il cache un
visage derrière un masque, il utilise l’idée du cercle sans
que celui-ci soit parfaitement rond, il ajoute à un portrait un
second portrait, il fait en sorte que la peinture ou le geste
-et non l’image- soit le centre de l’attention. Le tableau est
rarement directement compréhensible, il y a toujours une
deuxième lecture qui intervient dans un second temps et
qui complique le tableau ainsi que la lisibilité immédiate de
l’image. On est alors loin du tableau illusioniste, pris comme
fenêtre ouverte sur le monde.
Bernard Gaube, Arbre et deux vautours, 2013
© L. Scrobiltgen
Benoît Felix, lui, poursuit les recherches matérielles et spatiales des avant-gardes avec une
attention toute particulière pour la question de la spatialité de la peinture. Pour cela, il découpe
ses toiles et installe ses dessins découpés dans l’espace. Il joue avec l’environnement du visiteur.
À propos de ses œuvres et de ses recherches, il dit :
« Moi, je fais des objets-peinture qui racontent ça, qui ne racontent que
ça... je n’ai rien à dire, à peu près, à part ça : cette relation qu’on a à
l’image, au sens, qui me questionne... Je mets en acte, en scène, en jeu
les petits bouts par lesquels je crois saisir ce problème. (…) C’est mon
propre regard que j’interroge dans celui auquel je soumets telle vidéo,
tel dessin installé, tel objet-image que j’ai fait, mon propre regard sur ça,
parce qu’au fond, je n’y comprends rien. Et avec un plaisir qui n’est pas
loin d’être celui que les enfants ont quand ils jouent. »
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Ici, la posture de l’artiste est loin de l’image qui fascine souvent les spectateurs, celle de
l’artiste maudit/bohème/torturé. Felix se met en scène comme un grand enfant, qui joue très
sérieusement dans le but de découvrir le monde. Et pour comprendre l’intérêt de l’œuvre de
Gaube, Felix ajoute, très justement :
« Un peintre ne regarde pas seulement ce qu’elle nous montre, l’image ;
il regarde le fait que c’est une image... et en tant que telle : un objet. Un
objet qui fait illusion, un objet qui donne lieu à une vision sous laquelle
celui-ci se fait oublier... Mais lui ne l’oublie pas, il adore dans ce corps cette matérialité, cette matière d’image - la virtualité d’image que recèle
cette matière. »
Benoît Felix, Tenir la peinture (mise au vert), 2013 et Une seule ligne (pas le dessin d’une chose, mais la chose d’un dessin), 2014
© B. Felix
Gaube et Felix sont des artistes qui réfléchissent sur le sens, sur l’adresse de leur art et
la façon dont ils font des œuvres. Ce questionnement est parfois visible dans leur travail.
Dans cette démarche de recherche, ils semblent proches des scientifiques qui essaient de
comprendre le monde par leurs idées, qui testent des dispositifs qu’ils doivent chaque fois
réinventer lorsqu’ils ne comprennent pas quelque chose. Le résultat n’est que la fin d’un
processus de recherche.
a.
Conception des oeuvres
Au premier abord, la manière de travailler semble très différente chez les deux artistes, mais
pour chacun, l’acte même de peindre est mis en question de façon répétée. Si l’un semble
plus conceptuel et l’autre plus impulsif et direct, lorsqu’on regarde de plus près, on voit
apparaître des similitudes.
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La peinture de Gaube semble réalisée dans la rapidité, de façon peu réfléchie, mais si
l’on s’en approche, on discerne parfois le dessin préparatoire, ce qui nous indique que
la spontanéité apparente est beaucoup plus étudiée qu’on aurait tendance à le croire au
premier abord. Gaube réalise aussi des esquisses, il regarde beaucoup les œuvres des
anciens maîtres, il peint souvent d’après modèle et utilise la mise au carré, ce qui relève
plutôt de la tradition que de la pratique contemporaine.
L’œuvre de Felix peut être également trompeuse au premier regard : les travaux de Felix
semblent conceptuels, mais si l’on s’en approche, on voit que la peinture y occupe une
place tout à fait centrale. La maîtrise et les soins attribués à la réalisation des œuvres sont
beaucoup plus importants qu’ils n’y paraissent : après avoir peint, l’artiste découpe ses traits
avec une grande précision. C’est un travail intensif mais qui donne cependant l’impression
d’être léger et spontané. Une grande œuvre comme Littoral. Projet d’un grillage-pour
l’Europe est, par exemple, le résultat d’une peinture découpée à la main.
On pouvait dire alors que chez les deux artistes, le travail créatif est bien plus similaire qu’on ne
pourrait le croire : le peintre dont l’œuvre semble immédiate et brute réalise un travail préparatoire
important et l’artiste à première vue conceptuel a une pratique manuelle au moins aussi importante.
b.
Les titres
Les titres des œuvres sont aussi très importants chez ces deux artistes. Chez Gaube, ils
donnent des indices sur la lecture possible du tableau, comme par exemple Portrait du
peintre nr. 5, ou Amérindiens et Robinson Crusoé.
Chez Felix, les titres ont souvent un double sens ou sont un jeu de mots comme dans Il y a
ce qu’il n’y a pas, où notre oeil est directement attiré par le vide ce qui devient alors l’élément
le plus visible de l’oeuvre. Dans Echelle 1/1 (image à l’échelle) il joue avec la signification du
mot échelle.
Benoît Felix, Il y a ce qu’il n’y a pas, 2007 © B. Felix
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Benoît Felix, Echelle 1/1
(image à l’échelle), 2011
© B. Felix
c.
Focus sur deux oeuvres
Les Amérindiens - Désolation Dixit Sitting Bull, 2013-2014 vs Littoral. Projet d’un grillagepour l’Europe
Bernard Gaube, Les Amérindiens - Désolation.
Dixit Sitting Bull, 2013-2014
© L. Scrobiltgen
Gaube ajoute à certaines de ses peintures sa propre
mythologie. C’est notamment le cas dans la série
des Amérindiens. Gaube a été touché par l’histoire
de la colonisation dévastatrice des Indiens lors de la
conquête du l’Ouest américain. Il travaille ce thème très
personnellement : les Indiens tués sont figurés par une
ligne de lapins morts. Gaube ajoute dans la partie inférieure
du tableau une citation célèbre de Sitting Bull, grand
chef Indien, pour que le lien entre ce tableau, la nature
défigurée et les Indiens massacrés devienne encore plus
évident. «Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière
rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors le
visage pâle s’apercevra que l’argent ne se mange pas.»
Dans cette série, Gaube utilise des lapins pour représenter
les Indiens morts, comme on peut aussi constater dans
Think Globally, Act Localy, 2015-2016, où des codes-barres
deviennent des lapins pendus. Gaube rapproche et oppose
ainsi en même temps l’image de l’interchangeable et de
l’uniformité des codes-barres avec l’unique et l’humanité
des Indiens. Le chiffre qu’il intègre dans l’image n’est pas un
hasard non plus, il se rapporte au nombre d’Indiens tués lors
des massacres de l’époque.
Bernard Gaube, Les Amérindiens -Think
Globally, Act Localy, 2015-2016
© L. Scrobiltgen
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Benoît Felix, Littoral. Projet d’un grillage-pour l’Europe, 2016
© B. Felix
En relation avec cette œuvre, on peut voir l’œuvre Littoral. Projet d’un grillage-pour l’Europe
de Felix. Là où Gaube travaille avec un sujet historique, Felix pointe le doigt vers l’actualité,
qui se déroule à l’instant, sous nos yeux. L’œuvre semble au premier abord idyllique puisqu’il
s’agit de la mer, mais le titre nous met définitivement sur une autre piste. Il s’agit d’une
barrière qui empêche les gens de venir en Europe. L’œuvre est ainsi directement associée
au contexte de crise migratoire que traverse notre continent.
Des contenus historiques et politiques sont ici travaillés de façons différentes par chaque
artiste, mais il est clair que le spectateur est amené à regarder bien au-delà de la première
image. Les œuvres de ces deux artistes sont souvent beaucoup plus complexes qu’elles
n’en ont l’air au premier abord.
11
d.
Les influences
Gaube construit sa propre mythologie tout en se liant à l’histoire de l’art. Lorsqu’il a dû porter
un corset pour soutenir son dos, il a pensé à Frida Kahlo, qui après un tragique accident
de bus a porté un corset. Cet évènement est devenu central dans la mythologie de Kahlo,
en effet ce qui l’a amené à peindre, mais l’accident est aussi à l’origine de sa stérilité et de
douleurs constantes, thèmes centraux de sa peinture.
Dans son autoportrait intitulé Portrait de Peintre nr. 5, Gaube a puisé des éléments
iconographiques qui reviennent dans l’œuvre de Kahlo : le corset, la lettre, la robe et le
perroquet. Il associe ainsi son portrait à celui de Frida Kahlo, à sa douleur, mais aussi à son
rôle de peintre.
Bernard Gaube, Portrait de peintre nr. 5, 2012
© L. Scrobiltgen
Frida Kahlo, La colonne brisée, 1944
© Banco de México Diego Rivera Frida Kahlo
Museums Trust, Mexico, D.F.
Frida Kahlo, Autoportrait, dédié à Trotsky, 1937
© Banco de México Diego Rivera Frida Kahlo
Museums Trust, Mexico, D.F.
Frida Kahlo, Autoportrait avec mes perroquets, 1941
© Banco de México Diego Rivera Frida Kahlo
Museums Trust, Mexico, D.F.
12
5. APPROCHE THÉMATIQUE
Malgré toutes les différences dans l’utilisation de la matière et dans la manière de concevoir
et de travailler qui résident entre les deux artistes, leurs œuvres se rejoignent sur plusieurs
points et la confrontation de chacune d’elles permet aussi de jeter un regard sur les
thématiques qu’ils abordent. Cette exposition veut mettre en scène quelques champs de
réflexion sur lesquels les œuvres de Gaube et Felix peuvent dialoguer. L’espace du rez-dechaussée est organisé de façon plutôt thématique, avec un mouvement qui part d’un regard
extérieur vers un regard intérieur.
a.
Voir/être vu
Avant de créer, les deux artistes contemplent. Ils regardent autour
d’eux, ils regardent à l’intérieur d’eux, ils s’inspirent, jusqu’à trouver
un élément suffisamment riche pour conduire à la création d’une
œuvre. Après quoi, ils testent, ils ré-observent, ils adaptent et ils
achèvent l’œuvre.
La visite commence avec plusieurs portraits. Gaube a réalisé pendant
la préparation de cette exposition des portraits de Felix, et ce dernier
a utilisé le visage de Gaube dans l’une de ses vidéos. On voit aussi
des autoportraits, le genre par excellence où l’on regarde et où
l’on est regardé en même temps. La personne figurée est l’artiste
même. Le public aime généralement lire l’âme de l’artiste dans ces
autoportraits. On songe par exemple aux autoportraits de Rembrandt
ou Van Gogh qui ont fait couler l’encre à ce sujet. Cependant,
Gaube semble volontairement bloquer ce processus en faisant des
autoportraits masqués, où l’on ne sait plus si l’on regarde l’artiste ou
un masque. Gaube joue ainsi avec notre envie de reconnaître du
signifiant dans des formes et nous positionne devant le tableau dans
toute sa matérialité. Il semble nous dire : ce n’est pas une personne,
mais une image que tu vois.
b.
Benoît Felix, Extrait de vidéo
Ça nous regarde, 2016 © B. Felix
Bernard Gaube, Portrait de B.F. 11.
En écriture, 2015 © B. Gaube
Le corps/la peau
Si l’on s’approche au plus près d’une personne, ne reste visible que la texture de sa peau.
Montrée ici dans toute sa diversité, la peau est un sujet qui est devenu surtout important
depuis l’apparition du body art dans les années 1950, où le corps fait intégralement partie
du vocabulaire artistique.
13
Felix semble, dans sa série d’œuvres Rose peau prose / couperose,
vouloir isoler des morceaux de peau pour les utiliser dans un autre
contexte. Cette décontextualisation peut mettre mal à l’aise le
spectateur, parce que rien n’est plus proche de l’humain que sa
peau, vulnérable frontière entre lui et le monde. Toucher à la peau
de quelqu’un revient à entrer dans l’atmosphère privée de cette
personne.
Benoît Felix, Sans titre (L’angue) du
cycle Rose peau prose/couperose,
2006 - 2011 © B. Felix
Parfois, les travaux traitant de peau semblent se perdre dans la
texture, parfois ils sont attachés à des références artistiques comme
chez Gaube dans Etude de nu/Nu abstraction, où l’on observe des
références à Balthus, Schiele ou Matisse ou Arbre de vie 2, avec des
clins d’oeil possibles à Frida Kahlo, Portrait de Luther Burbank, 1931
ou Anselm Kiefer, Ordres de la nuit, 1997.
Bernard Gaube, Palette,
2003 - 2004 © B. Gaube
Frida Kahlo, Portrait de Luther Burbank, 1931
© F. Kahlo
Bernard Gaube, Arbre de vie 2, 2015
© L. Scrobiltgen
Anselm Kiefer, Ordres de la nuit, 1997
© FMGB Guggenheim Bilbao Museoa, 2016
Comme chez Kahlo et Kiefer, on devine une grande préoccupation de Gaube pour le cycle
de la vie : naître, avoir sa place sur terre et mourir et éventuellement renaître.
14
c.Abstraction
Si l’on s’approche encore plus près de la peau, tout devient flou, illisible, on ouvre une porte vers
un monde au-delà du reconnaissable : l’abstraction. Elle est le résultat de formes expressives
et non de formes représentatives. Aussi bien Felix que Gaube jouent avec l’abstraction.
Sur ce débat qui passionne la peinture depuis un siècle, Gaube dit: « Le vieux combat,
figuration-abstraction, pour autant qu’il eut raison d’être, depuis longtemps est obsolète,
sans intérêt aucun pour qui veut peindre aujourd’hui. C’est la question de l’existence de la
peinture au sein du tableau qui conduit toute décision et non pas l’image. »
La forme géométrique du cercle revient particulièrement souvent dans leurs œuvres, parfois
issue de la nature, comme la lune, parfois de façon purement abstraite. De toutes les couleurs
et présenté de nombreuses manières, le cercle domine cette partie de l’exposition.
Le cercle est un symbole chargé de beaucoup de sens dans l’histoire de l’art, c’est notamment
le symbole de l’infini, de l’absolu, de la perfection. Pour un artiste classique, pouvoir dessiner
un cercle parfait était l’une des preuves de sa capacité manuelle. Ceux qui réussissaient à faire
un bon cercle à main levée étaient considérés comme de bons artistes. C’est probablement
pour cela que dans son autoportrait, Rembrandt se peint avec deux cercles.
Le style de Rembrandt n’était plus à la mode à la
fin de sa vie lorsqu’il peint cet autoportrait et c’est
probablement la raison pour laquelle il a ajouté ces
deux cercles : pour démontrer qu’il savait encore bien
peindre, qu’il n’avait pas perdu la main, malgré le
fait que ses tableaux soient devenus de plus en plus
expérimentaux, avec une utilisation du pinceau très
libre et expressive.
Rembrandt, Autoportrait avec deux cercles,
1665-’69
Les artistes de notre exposition utilisent bien évidemment le cercle
de façon très différente. Chez Felix, le cercle est souvent quelque
chose de naturel lié à la lune, au soleil, aux tâches de peau. Il remet
ainsi la nature à l’intérieur de sa pratique artistique. Pour Gaube,
le cercle est une forme sur une toile, souvent imparfaite, mais
justement intéressante par ses imperfections qui attirent l’œil et qui
arrêtent le regard devant l’œuvre, devant la texture et la matière.
15
Benoît Felix, Regarder, 2008 © B. Felix
Bernard Gaube, Face à face, 2008 - 2009 © B. Gaube
6. CONCLUSION ET PISTES PÉDAGOGIQUES
Nous avons abordé cette exposition à travers les techniques utilisées, les thématiques
traitées, la manière de travailler des deux artistes et surtout via la question centrale de ce
que peut être un peintre aujourd’hui dans l’art contemporain. Nous espérons que vous êtes
ainsi en possession des clés qui vous permettront de faire découvrir cette exposition.
Si vous souhaitez préparer cette visite en classe ou la compléter par une activité, nous
pouvons vous donner ici quelques pistes de réflexion.
a.
Avant la visite :
Objectifs : favoriser la connaissance des notions autour des matériaux de peinture et le
processus créatif ; augmenter la connaissance des notions telles qu’abstraction et figuration.
Etant donné que la problématique centrale traitée dans cette exposition est la question : qu’estce que la peinture aujourd’hui ?, celle-ci peut être abordée en amont en classe, par exemple
sous la forme d’une conversation. Beaucoup de clés pour vous aider à traiter cette question
se trouvent dans la troisième partie de ce dossier.
Pistes pour aborder cette question :
- Quels genres de peinture connaissez-vous ?
Réponse : Le portrait, le paysage, la scène de genre, la nature morte, l’histoire (sujets tirés de fables ou d’histoires religieuses, mythologiques,
historiques). Dans l’exposition, presque chaque genre est représenté.
- Avec quelles matières les artistes peignent ?
Réponse : Peinture à l’huile (p.ex. Van Eyck), peinture à l’œuf/tempera (p.ex.
Giotto), sang (p.ex. Fabre), bombes (p.ex. graffiti), … sur bois, papier, toile, mur,
peau, … Dans cette exposition, il est clair que les œuvres peuvent dépasser
les matériaux habituels et même le cadre (la peinture investit l’espace et devient tridimensionnelle).
- Quels sont les points communs et les différences entre le tableau et la vidéo ?
Réponse : L’image de la peinture est fixe, immobile et en principe ne changera pas, celle de la vidéo est en revanche animée, elle peut changer immédiatement,
l’artiste peut jouer sur le temps, les changements, les évolutions, …
Un point commun entre l’image de la peinture et de la vidéo est sa
bidimensionnalité, ce qui la différencie de la sculpture ou l’architecture. Bien que
le cadre soit en général fixe, l’exposition montre aussi comment les artistes
contemporains peuvent jouer avec ces notions (p.ex. le cadre qui change dans l’œuvre 4/3 to 16/9 de Felix).
16
b.
Après la visite, atelier créatif
Objectifs : mettre en lien l’art ancien et l’art contemporain ; favoriser le contact avec les
matières utilisées par les artistes ; faire appel à la créativité.
A partir de quelques exemples qui ont inspiré Gaube ou Felix (Autoportrait de Rembrandt,
Étude de nu de Schiele ou de Balthus, Autoportraits de Kahlo), les élèves font leur propre
peinture sur un support au choix (facile à découper : toile, papier,…). Ensuite, chaque
élève découpe sa peinture et l’ensemble de la classe assemble les morceaux choisis sur
un grand support (mur de la classe, grande toile, …) pour en faire une œuvre collective.
De cette manière, on mélange les registres des deux artistes : la peinture de Gaube et les
découpages de Felix.
17
7. NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
Si vous voulez approfondir votre connaissance sur l’œuvre des deux artistes, voici une
petite bibliographie :
SUR BENOÎT FELIX :
Yves Depelsenaire, Tristan Trémeau et Benoît Félix, Arts00+8 Benoît Félix Monographie d’artiste, 2008, Médiatine – Woluculture
www.benoitfelix.com
SUR BERNARD GAUBE :
Bernard Gaube, Conversation avec Baudouin Oosterlynck, 2003, Editions Tandem
Francis Carrette, Philippe Crismer et Aldo Guillaume Turin, Cahier N°1. Bernard Gaube.
L’exercice d’une peinture, 2003, Bernard Gaube
Claude Lorent, Frédérique Van Leuven – Génicot et Christophe Veys, Cahier N°2.
Bernard Gaube. L’exercice d’une peinture. 26, rue de la Comtesse de Flandre, 2007
Bernard Gaube auteur-éditeur
Catherine Henkinet, Yoann Van Parys et Laurent Waterschoot, Cahier N°3. Bernard
Gaube. L’exercice d’une peinture. Comme Modigliani, je suis né un 12 juillet, 2009,
Bernard Gaube
Bernard Gaube, Cahier N°4. Bernard Gaube. L’exercice d’une peinture. Once upon a
time…, 2013, Bernard Gaube www.bernardgaube.net
ARTICLE SUR L’EXPOSITION :
Septembre Tiberghien, Tentatives d’approche, dans L’art même, nr. 70, sept. 2016
18
8. ACTIVITÉS AUTOUR DE L’EXPOSITION
Pour les écoles et associations…
VERNISSAGE POUR ENSEIGNANTS
jeudi 15.09.2016 | 17h (accueil à partir de 16h30) | gratuit, sur réservation I FR
Le responsable pédagogique du Botanique vous accueille et mène une visite de l’exposition
en proposant des pistes pour aborder en classe les différents thèmes et techniques. Un
moyen idéal de découvrir la nouvelle exposition !
Réservation indispensable au 02 226 12 18 ou à l’adresse [email protected]
VISITES GUIDÉES INTERACTIVES ADAPTÉES AUX PARTICIPANTS
Durée : 1h - 1h15 | 25 participants maximum | àpd 7 ans I FR/NL
Suivez nos guides pour découvrir cette exposition à travers différents axes : Comment la
peinture peut-elle dépasser son cadre traditionnel ? Le débat figuration-abstraction a-t-il
encore du sens aujourd’hui ? Les maîtres anciens ont-ils encore quelque chose à nous dire ?
Forfait groupe jeune (-26 ans, à partir de 7 ans) : 55 €+ droit d’entrée à l’exposition
Forfait groupe adulte : 65 € + droit d’entrée à l’exposition
Accompagnateurs gratuits
HORAIRE D’OUVERTURE
Le Musée est ouvert au public du mercredi au dimanche de 12.00 à 20.00 (fermé les lundis et
mardis). Pour un confort de visite optimal pour votre groupe, nous ouvrons également le Musée
en dehors des jours et horaires d’ouverture au public. Nous vous invitons à privilégier cette option.
INFOS & RÉSERVATIONS
Pour toutes les activités : informations et réservations au 02 226 12 18 ou par mail à l’adresse
[email protected] (du lundi au vendredi).
TARIFS
5,50€ : prix plein
4,50€ : seniors, étudiants, groupes, enseignants, JAP
3,50€ : Bota’carte, groupes jeunes (-26 ans), demandeurs d’emploi
Gratuit : pour les habitants de Saint-Josse-ten-Noode les dimanches, sur présentation de la
carte ID et pour les enfants de moins de 12 ans accompagnés de leurs parents.
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Et pour tous les visiteurs…
JOURNÉES DU PATRIMOINE
samedi 17 et dimanche 18.09.2016 | 12h-18h | gratuit | FR/NL
Dans le cadre des journées du patrimoine, ayant cette année comme thème Recyclage des
Styles, laissez-vous surprendre par les richesses du bâtiment et des jardins du Botanique,
on vous en racontera les histoires ! Et pour vous gâter encore plus, on ouvre la nouvelle
exposition du Museum gratuitement pendant ces deux jours.
Visites guidées du bâtiment, samedi et dimanche à 13h, 14h30 et 16h (en FR) et à 13h30
et 15h (en NL).
Exposition sur l’histoire du jardin et du bâtiment en accès libre toute l’après-midi.
DIMANCHE EN FAMILLE
dimanche 18.09.2016 | 15h-16h30 | gratuit | Fr
Et la fête ne finit pas là, parce que non seulement vous pouvez découvrir le bâtiment et
l’exposition, mais un animateur du Botanique vous accueille également pour une visite
ludique ce premier dimanche de l’exposition.
Idéal pour faire découvrir les artistes aux enfants, petits et grands !
DIMANCHE RENCONTRE AVEC LES COMMISSAIRES D’EXPOSITION ET
LES ARTISTES
dimanche 02.10.2016 | 15h-17h | droit d’entrée à l’exposition | Fr
Le dimanche 2 octobre, venez découvrir l’exposition en compagnie des commissaires et
des artistes. Une occasion à ne pas manquer !
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NOCTURNE I VISITES SINGULIÈRES AVEC LES COMMISSAIRES D’EXPOSITION
ET L’ARTISTE BENOÎT FELIX
jeudi 03.11.2016 | 17h-22h | àpd 7 ans I 3 € (standard) ou 1,5 € (étudiants -26 ans)
Dans le cadre des Nocturnes des Musées Bruxellois, les commissaires de l’exposition
vous invitent pour une visite de l’exposition à 18h30. À 20h, c’est l’artiste Benoît Felix qui
proposera un parcours inédit. Les deux activités se feront en Français.
Des visites coups de cœur vous seront proposées toute la soirée en Français et en
Néerlandais.
DIMANCHE INTERACTIF
dimanche 06.11.2016 | 15h-16h30 | droit d’entrée à l’exposition | Fr
A l’occasion du dernier dimanche de l’exposition, le Botanique vous propose la compagnie
d’un guide auquel vous pourrez poser toutes vos questions. Une occasion à ne pas manquer
pour découvrir ou redécouvrir le travail de Benoît Felix et Bernard Gaube et dire au-revoir
à l’exposition.
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