LE MALHEUR N`EST PAS UNE PUNITION DE DIEU – C`EST UN

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LE MALHEUR N`EST PAS UNE PUNITION DE DIEU – C`EST UN
LE MALHEUR N’EST PAS UNE PUNITION DE DIEU – C’EST UN APPEL
3ème dimanche de carême - année c - Luc 13/1-9 6 3 mars 2013
Des Galiléens au nord du pays, dix-huit personnes qui vivaient à côté de la fontaine de Siloé à Jérusalem.
Morts brutalement. Etaient-ils «plus » grands pécheurs que les autres ? Non. Jésus le dit et le répète. Jésus
déracine un vieil archaïsme qui est en l’homme : le pécheur est puni, il n’y a pas de pardon pour lui. L’idée
du malheur comme punition divine est archaïque en nous.
Dieu fait route avec l’homme habité par cette représentation d’un Dieu qui punit l’homme pécheur, d’un
Dieu qui n’offre pas de pardon.
Job, confronté au malheur, va refuser de croire en un Dieu qui le punirait. Il va se révolter aussi contre ceux
qui prétendent que c’est sa faute à lui, Job. Il va crier vers Dieu, ce Dieu qu’il espère malgré tout juste, ne
pouvant rester indifférent, ne pouvant accepter le scandale du mal. Et Dieu va lui donner raison. Mais il ne
saura pas encore comment Dieu s’engage à ses côtés, à nos côtés.
Pourtant, l’histoire de Moïse pouvait lui apporter déjà une vraie lumière. Dans l’épisode du buisson ardent,
Moïse entend Dieu lui révéler : « j’ai vu la misère de mon peuple et j’ai entendu ses cris. Je suis descendu
pour le délivrer de la main des égyptiens. Et maintenant va ! Je t’envoie chez Pharaon ».
Dieu s’engage à nos côtés, Dieu nous engage à son côté.
Il y a des malheurs dans la vie et dans nos vies. Ils sont le révélateur du mal dans le monde. Il doit réveiller
nos entrailles comme il réveille celles de Dieu.
Un romancier contemporain, Yvon Poitras, met dans la bouche de Jésus ces paroles adressées à un homme
qui venait de perdre son fils aîné de 7 ans : « Ton fils est mort ? lui dit Jésus. Aime le encore plus.
Et surtout aime les autres, ceux qui te restent, et dis-le leur. Vite. C’est la seule chose que nous apprend la
mort : qu’il est urgent d’aimer».
Regardons maintenant le propriétaire, figure de Dieu le Père.
Pour lui, L’homme est appelé à aimer, et à porter des fruits, comme un figuier est appelé à porter de bons
fruits pour que d’autres s’en nourrissent ; c’est sa manière à lui, figuier, de participer au concert de la
création.
Le propriétaire dit au vigneron de couper ce figuier puisqu’au bout de trois ans il ne porte pas de fruits.
Dire qu’il va falloir couper le figuier, c’est indiquer la stérilité, c’est nommer ce qui ne va pas : Dieu est la
vie qui se donne, la stérilité c’est le refus, souvent inconscient chez nous, de transmettre la vie.
Le mal dans le monde est bien plus le fruit de l’indifférence que d’une volonté de le faire. Et Dieu sait si
nous sommes tous tentés par cette indifférence : tant que le mal ne nous touche pas nous-mêmes
directement, souvent nous ne bougeons pas le petit doigt… nos entrailles ne se réveillent pas.
Les acteurs du monde, ce ne sont pas que les puissants de ce monde. Et ce monde irait encore bien plus mal
si partout dans le monde il n’y avait pas des multitudes de gens dont on ne parle pas et qui humanisent ce
monde par leur dévouement.
Dieu est la vie qui se donne. La mort c’est l’avarice du cœur. Nommer cette stérilité est déjà un signe de
la miséricorde. C’est le signe que Dieu espère en l’homme ; cette parole de Jésus témoigne de l’amour que
Dieu a pour l’homme. Sinon, il ne dirait rien, il l’abandonnerait tout simplement ou sans rien dire il
l’abattrait d’un coup de hache.
C’est une réaction humaine que nous vivons parfois à l’égard des autres : « il n’y a rien à tirer de lui », «
laissons le tomber », « Oublions le », « Virons le ». « Pas la peine de nous épuiser davantage avec lui ou
elle ». On dit cela d’un employé, et même d’un enfant ou d’un conjoint !
On dit aussi cela d’une cause qu’on abandonne et ceci même dans l’Eglise: « A quoi çà sert de se
battre… » « Je laisse tomber… qu’ils se débrouillent… » Heureusement d’autres nous donnent un beau
témoignage de fidélité ou osent nous dire ce qui ne va pas.
Regardons maintenant vers le vigneron, figure du Christ.
Le vigneron espère que son travail et ses soins permettront de changer la conduite du figuier et qu’il donne
des fruits. C’est une bonne nouvelle pour le figuier : tout ne repose pas sur lui, le vigneron va prendre soin
de lui. La réponse du vigneron nous révèle l’amour de Jésus pour les pécheurs.
Nous croyons que l’amour c’est de nous sentir « bien » avec quelqu’un que l’on aime et qui nous aime.
C’est vrai. Mais l’amour c’est aussi de se laisser toucher comme Dieu s’est laissé toucher par les cris et la
souffrance de son peuple. Jésus s’est incarné pour nous témoigner de cet amour. Il est venu à la rencontre
de l’homme au cœur endurci ; c’est ce qu’il a fait jusqu’au bout, dans son attitude à l’égard du larron sur la
croix et lorsqu’il dit à son Père : « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Jésus est venu
nous tendre la main de la part de Dieu. La saisir ou l’ignorer dépend de notre liberté.
Entrer dans cette manière d’aimer à la manière du Christ est d’une fécondité extraordinaire. C’est ce que
nous sommes appelés à vivre pendant ce Carême : une conversion. Il faut du temps pour découvrir et
consentir à accueillir le vigneron dans nos vies. Dans la relecture que fait Saint Paul, dans la deuxième
lecture, de la sortie d’Egypte, il va jusqu’à dire du peuple à la suite de Moïse : « Ils buvaient à un rocher
qui les accompagnait, et ce rocher c’était déjà le Christ ».
Ce rocher nous accompagne dans les joies et les malheurs de nos vies.
Au lieu de rester assoiffés dans le désert de nos malheurs, récriminant contre Dieu, tournons-nous,
re-tournons-nous vers ce rocher-source qui nous accompagne et parlons lui : disons lui « J’ai soif » ou
disons avec le psalmiste :
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n'oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d'amour.
Puissent ces paroles réveiller en nous le désir de lui demander pardon, plus le désir de recevoir son pardon,
par exemple lors de la journée du pardon du doyenné le mercredi 20 mars !
Et au lieu d’attendre que Dieu combatte à notre place le malheur dans le monde, soyons avec lui les acteurs
de ce combat là. C’est le combat de l’amour, de l’espérance, de la foi. C’est un combat qu’on ne peut pas
mener sans prier, comme le faisait Jésus, et demander à son Père sa lumière et sa force.
Oui, Jésus nous appelle à nous lever pour être à ses côtés. Il nous offre une parole pour éclairer notre route,
notre vie : les béatitudes.
Il nous donne son Eprit, qui peut changer les cœurs de pierre en cœur de chair, faire que des persécuteurs
comme Saint Paul deviennent des saints.
Notre conversion est possible – c’est aujourd’hui.
Père Michel Meunier, inspiré par un texte de Jean-Marc Furnon