Dunkerque - Jean Bart et le Conseil de Construction des Vaisseaux
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Dunkerque - Jean Bart et le Conseil de Construction des Vaisseaux
Dunkerque - Jean Bart et le Conseil de Construction des Vaisseaux à Dunkerque Texte d’Emile Mancel, Union Faulconnier Tome VIII Transcrit, illustré et mis en page par Jean-Marie Muyls Dans mon travail sur l'Arsenal de la Marine et les Chefs maritimes à Dunkerque, j'avais avancé que devenu chef d'escadre, Jean Bart, lorsqu'il commandait la marine à Dunkerque (1). assistait aux réunions du Conseil de construction des vaisseaux à mettre sur les chantiers du parc (2). Je tiens d'autant plus à donner aujourd'hui des preuves de mon affirmation que les documents que j'extrais des anciennes archives de la marine (actuellement aux archives nationales) (3) donnent des indications précises sur le tonnage, l'armement et les dimensions des bâtiments entrant dans la composition des escadres de Jean Bart, Saint Pol et Forbin. Source Wikipedia René Trouin, sieur du Gué, dit Duguay-Trouin Louis Philypeaux, comte de Pontchartrain Le 27 juin 1706, l'intendant de la marine du Guay, qui venait de terminer l'armement de l'escadre, de Forbin sortie du port au commencement du mois, adressait au ministre de Pontchartrain un mémoire concernant le tirant d'eau des vaisseaux du Roy au port de Dunkerque. Voici le texte de ce document : Feu M. Bart qui connaissait parfaitement l'entrée et la sortie du port, aussi bien que celle des passes, décida dans un Conseil de construction tenu le 4e janvier 1702, que l'on pouvait faire tirer jusques à dix-huit pieds (4) d'eau aux vaisseaux que l'on y construirait, et qu'il était absolument nécessaire d'avoir dans l'escadre du Nord un ou deux vaisseaux de soixante à soixante-six canons, sans quoi il était impossible d'attaquer les flottes qui sont convoyées par des vaisseaux de cinquante à soixante-douze Emile Mancel / Généalogie et histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 1 canons. Et il avait si bien fait connaître cette nécessité qu'il avait obtenu le Fendant (5), construit au Havre, qui tire dix huit pieds quatre pouces (6) d'eau, qui est entré et sorti de ce port plusieurs fois. Le vaisseau le Maure (7) qui y a servi pendant toute la dernière guerre, tire dix-huit pieds d'eau. II est vrai que pendant deux ans que les écluses n'ont point été chargées et qu'elles n'ont point couru, il s'est formé un banc de vingt deux pouces d'élévation à la tête des jetées, mais si l'on ferme l'ouverture qui est entre le bout des coffres et le fort Vert et que l'on fasse courir les écluses de temps en temps (8), le port deviendra plus profond qu'il n'a jamais été et les vaisseaux tirant dix-huit pieds d'eau entreront et sortiront aussi facilement que ceux qui n’en tirent que seize. M. de Fourbin a si bien conçu la nécessité d'avoir de gros vaisseaux dans ce port qu'au lieu de dixsept pieds et demi que le sieur Le Vasseur (9) demandait à faire tirer à l'Amazone, il l'engage à en faire tirer dix-huit afin qu'il ne soit pas si contraint dans sa construction. Les vaisseaux de ce rang construits dans les autres ports tirent dix-neuf pieds et demi d'eau. L'intendant du Guay avait annexé à son mémoire les deux pièces dont je donne également le texte : I. -- Proportions du vaisseau l'Amazonne de soixante-quatre canons, tirant dix-sept pieds et demy d'eau, portant tout vingt-quatre en bas et tout douze en haut. Premièrement Longueur de l'estrave (10) à l'estambot (11) 138 pieds Eslancement de l’estrave 18 pieds (12) Queste à l'estambot 5 pieds largeur de dehors en dehors des membres. 37 pieds Creux à prendre sur la quille en ligne droitte du bau 17 pieds Hauteur dentre deux ponts de planche en planche 6 pieds Hauteur des gaillards et de la dunette 6 pieds Veu et aprouvé pour dix-huit pieds de tirant d'eau. (Signé) : Le chevalier de Forbin-Garbanne. Collationé à l'original, Du Guay. 6 pouces 6 pouces 6 pouces 4 pouces 4 pouces Collection Georges Damman Emile Mancel / Généalogie et histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 2 II. -- Jacques Vergier, conseiller du Roy, commissaire ordinaire de la marine, ordonnateur au département de Dunkerque en l’absence de M. Ceberet, intendant. Aujourd'huy mercredy, quatriesme jour du mois de janvier de l’année mil sept deux, dix heures du matin, en vertu des ordres de Monseigneur le comte de Pontchartrain, ministre secrétaire d’Etat, a nous adressés, nous commissaire ordonnateur de la marine au département de Dunkerque susdit, nous sommes transporté au magazin général de ce port avec Messieurs le chevalier Bart, chef d'escadre, de la Preille, de Saint Pol, capitaines de vaisseaux; Pajot, controlleur de la marine; Julien, capitaine de port; de Sainte Marie, capitaine de frégatte légère; Perier, lieutenant de port, et Le Vasseur, maître constructeur ou estant, nous aurions communiqué, au Conseil de construction assemblé, les ordres que nous avons receu de la Cour, pour la construction d'un vaisseau du mesme port en tonneaux et canons que le Statelenden (13) et après avoir délibéré sur les difficultés de sortir et entrer les vaisseaux du Roy dans ce port, par raport à la hauteur des marées, pour reigler et décider sur la quantité de pieds d'eau, les avis ayant esté partagés, le Conseil de construction serait convenu des différentes proportions cy après : Proportions pour tirer 18 pieds d’eau Longueur de l'estraves à l'estambot 130 pieds d’eau Elancement de l'estrave 15 pieds d’eau Queste à l'estambot 4 pieds d’eau Longueur de la quille portant sur terre 111 pieds d’eau Largeur de dehors en dehors des membres 36 pieds d’eau 1/2 Creux à prendre sur la quille 16 pieds d’eau et 9 pouces Plat à la maîtresse varangue 18 pieds d’eau et 8 pouces Autres pour 17 pieds 1/2 Autres pour 122 pieds Autres pour 14 pieds Autres pour 3 pieds 1/2 Autres pour 104 pieds 1/2 Autres pour 34 pieds Autres pour 16 pieds Autres pour 17 pieds Sur lesquelles proportions ayant esté meurement délibéré, Messieurs Vergier, Bart, de Sainte Marie et Le Vasseur ont esté davis que ledit vaisseau à construire pour estre de mesme port en tonneaux et canons que le Statelenden, par raport aux intentions du Roy contenues dans ses ordres, doit tirer dix-huit pieds d'eau, prétendant quil sera aisé de le sortir et entrer ainsy que le vaisseau le Maure et dautres qui ont esté en ce port et qui tiraient mesmes quantités de pieds d'eau. Et Messieurs de la Preille, de Saint Pol, Julien et Perier par raport aux difficultez de sortir et entrer les vaisseaux qui se sont trouvez en ce port tirant dix huit pieds deau et à la quantité de pieds deau qui montent dans les plus hautes marées, ont esté davis qu'il ne doit tirer que dix-sept pieds et demy deau et qui fait les différences dans les proportions cy dessus marquées, et qua dix-sept pieds et demy deau il portera cent cinquante tonneaux et six pièces de canons, moins que le Statelenden. En sorte que le construisant sur le pied de dix-huit pieds deau il portera cinquante six canons et sur le pied de dix-sept pieds et demy il n'en portera que cinquante. Pour raison de quoy nous avons fait dresser le présent Conseil de construction les jour et an que dessus. (Signé): Vergier, le chevalier Bart, La Preille, Sain Pol, Pajot, Julien, de Sainte Marie, Perier et Le Vasseur. Emile Mancel 1905 Lexique : (1) Bulletin de l'Union Faulconnier, 1910, p. 158. (2) Consulter sur ce Conseil : Règlement du 22 mars 1671. Ordonnance du 15 avril 1689. Livre XIII, titre I. (3) D2 1-6, carton 1 (1200-1729). (4) 5 mètres 850. (5) Armé de 70 canons. Emile Mancel / Généalogie et histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 3 (6) 5 mètres 958.. (7) Le Maure, de 54 canons, avait été commandé pendant plusieurs années par Jean Bart. C'est avec lui qu'en 1693, il transporta en Suède et en Danemark les ambassadeurs de Louis XIV. Il le montait pendant ses croisières en mer du Nord en 1694 et notamment le Jour du célèbre combat du 29 juin. En 1696, lors de l'affaire du Texel, Jean Bart avait encore son pavillon sur ce vaisseau. (8) « A l'écluse de Bergues, les portes d'hebes en renfermaient d'autres tournantes, dont on se servait merveilleusement quand la mer était basse et le havre a sec, pour lâcher tout a coup les eaux du canal, qui pouvait servir de réservoir à celles de la mer : alors l'impétuosité de leur cours les faisaient agir avec tant de violence, qu'elles creusaient non seulement le havre, mais aussi le chenal, et emportaient les sables du fond, sur l'étendue de plus de seize cents toises qu'il y avait de l'écluse à la tête des jetées... » (Architecture hydraulique, 2me partie, t. I, p. 27. Bélidor). (9) Maître charpentier de l'arsenal. Sur ses fonctions, consulter le règlement du 6 octobre 1674 et l'ordonnance du 15 avril 1689. (10) Grosse pièce de bois ou deux pièces mises bout à bout l'une de l’autre, courbées en arc et élevées en saillie sur l'extrémité de la quille, à l'avant du vaisseau, pour soutenir et former la proue. (Code des armées navales). (11) Pièce de bois, élevée et mise en saillie sur le bout de la quille, à l'arrière du vaisseau, pour soutenir la quille et le gouvernail qui y est attaché. (Même code). (12) Quantité dont s'écarte, de l'extrémité postérieure de la quille d'un vaisseau, une perpendiculaire qui est abaissée du sommet de l'étambot sur le prolongement de la face inférieure de la quille. (Dictionnaire de la Marine..., par C. Romme, 1792). (13) Vaisseau hollandais pris par Jean Bart dans le combat du 29 juin 1694. (Ordonnance royale et jugement de prise du 12 septembre 1694. Archives de la Marine, B1 15). Emile Mancel / Généalogie et histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 4