“Generally Dissatisfied”: Hidden Pedagogy in the Postcolonial

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“Generally Dissatisfied”: Hidden Pedagogy in the Postcolonial
“Generally Dissatisfied”: Hidden Pedagogy in the Postcolonial Museum
« Généralement insatisfaits » : La pédagogie cachée du musée postcolonial
Bernadette Lynch
Change Management Associates Ltd ; Honorary Research Associate, University College London
UK / Royaume-Uni
Received: November 1, 2013
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Reçu : 1 novembre 2013
Accepted: February 21, 2014
Online: March 25, 2014
Accepté : 21 février 2014
Mis en ligne : 25 mars 2014
To cite this article (original version)
Lynch, Bernadette. 2014. “Generally Dissatisfied”: Hidden Pedagogy in the Postcolonial Museum.
THEMA. La revue des Musées de la civilisation 1: 79-92.
Pour citer cet article (version française)
Lynch, Bernadette. 2014. « Généralement insatisfaits » : La pédagogie cachée du musée postcolonial.
THEMA. La revue des Musées de la civilisation 1 : 93-106.
Tous droits réservés / All rights reserved
© THEMA. La revue des Musées de la civilisation, 2014
ISSN : 2292-6534
thema.mcq.org
« GÉNÉRALEMENT INSATISFAITS » :
LA PÉDAGOGIE CACHÉE DU MUSÉE POSTCOLONIAL
BERNADETTE LYNCH*
Traduit de l’anglais par Eve Renaud
Résumé
Cet article soutient que les vestiges du passé colonial hantent toujours le présent postcolonial, et affectent
profondément même les pratiques les plus progressistes de conservation et d’intéressement du public des musées. Nous
avons hérité en effet d’une résistance au changement et de préjugés à l’égard d’autres communautés (communautés
d’origine et diaspora). Par l’étude de la pratique socialement engagée de quelques musées, cet article envisage la
possibilité que les témoignages durables d’insatisfaction, de la part de ceux qui appliquent ces pratiques comme de
ceux à qui elles sont destinées, aient pour cause profonde l’identité du musée comme institution pédagogique. Ainsi
l’article défend que l’une des grandes faiblesses de la pratique muséale postcoloniale vient de ce que la pédagogie
muséale suit un modèle centre-périphérie. L’incompréhension du caractère « critique » de la « pédagogie critique »
attendue des musées nuit aux partenariats les mieux intentionnés et à la participation des communautés, où
qu’elles soient, et montre la nécessité d’un examen approfondi des pratiques de concertation, qui pourrait remettre
fondamentalement en question le rôle pédagogique du musée et mener à un postcolonialisme de libération plus que
conciliation.
Mots clés : pratique postcoloniale, pédagogie critique, agent, réflexivité, changement
INTRODUCTION
“When was the post-colonial?” (Stuart Hall 1996)
Un collègue d’un important service muséal du Royaume-Uni m’a récemment demandé comment
les musées établissent-ils la confiance pour ensuite développer des relations de réciprocité avec les
communautés. Malgré les efforts et les bonnes intentions des professionnels des musées, comme
cette personne, il semble toujours difficile, en effet, d’établir ce lien de confiance, quelle que soit la
communauté. Les recherches récentes ont mis au jour nombre de cas qui font pièce aux réels efforts
déployés pour instaurer une pratique postcoloniale1 qui soit à la fois éthique, démocratique, participative
et réciproque (Chambers et al. 2014; Lynch 2010, 2011a, b, c). Or, ce sont les musées eux-mêmes qui
dressent par inadvertance ces obstacles à un partenariat véritable, obstacles qui sont du reste souvent
invisibles aux professionnels les plus directement affectés à un projet.
Le direction participative de la muséologie se comprend mieux dans le contexte que suscite dorénavant
l’attention à l’éthique de la pratique muséale (Marstine 2011) et du vaste mouvement d’inclusion et de
* Change Management Associates Ltd; Honorary Research Associate, University College London.
22A, Oswald Road, Chorlton, Manchester M219LP, Royaume-Uni. [email protected]
Reçu : 1er novembre 2013
Accepté : 21 février 2014
Mis en ligne : 25 mars 2014
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responsabilisation qui vise à accroître l’engagement des musées dans la société civile (Sandell 2003, 2011).
Depuis quelques décennies, par un élan généralisé vers une « muséologie collaborative », les musées
tentent de s’ouvrir à une recherche et à une interprétation participatives des collections ethnographiques,
en créant et en maintenant des relations avec les communautés de tous horizons (Marstine 2011; Kreps
2009; Simon 2009; voir aussi Conaty et Janes 2006).
Pourtant, la participation des communautés locales et d’origine est critiquée, essentiellement parce
qu’elle donne aux communautés l’illusion de participer, alors qu’on les presse vers le « consensus » ou
que ce dernier leur est imposé par le musée, qui détient les rênes de la production et de la diffusion
des connaissances ou dont le programme d’activités et le plan stratégique rendent ce consensus
incontournable, habituel ou attendu (Graham, Mason et Nayling 2013; Lynch 2010, 2011c; Marstine
2011; Sandell 2002, 2003, 2011). L’efficacité de la pratique de l’approche participative a récemment été
l’objet de débats qui ont mis en lumière, entre autres, l’impossibilité de vaincre l’emprise de l’institution
muséale (Crooke 2007; Lynch et Alberti 2009; Peers et Brown 2003). Malgré de bonnes intentions, la
participation n’est pas toujours promesse de démocratie. Elle est plus souvent le reflet des objectifs
institutionnels du musée qui dictent certains processus et qui, par exemple, réservent à l’établissement le
droit de modifier les contenus (Fouseki 2010; Lynch 2011a).
Cette crainte de perdre le contrôle, de la part des musées, n’a rien de surprenant, comme le rappelle
Robert Chambers, spécialiste de l’approche participative à l’échelle internationale : “Any professionals
need the solid structures of their realities, their prisons”. D’ailleurs, ces structures et ces règles ne sont
pas nécessairement explicites : au contraire, le pouvoir s’exerce souvent grâce à une compréhension
implicite des rouages internes (Chambers 1997:234).
À la demande de fondations gouvernementales, d’organismes subventionnaires et de musées d’art
et d’histoire du Royaume-Uni, l’auteure mène depuis quatre ans des projets de recherche-action sur
l’efficacité de la démarche participative dans les musées, et ce, en analysant tant le point de vue de
l’instance qui livre le contenu que de celui à qui il est destiné (Lynch 2011a). Les questions posées dans
ce cadre ont été inspirées d’exemples réels de collaborations (Lynch 2010), qui montrent la persistance
de préjugés de longue date dans les relations entre musées et communautés. Le présent article fait un
examen approfondi des méthodes de la démarche participative, qui pourrait remettre fondamentalement
en question le rôle pédagogique des musées et mener à la pratique d’un postcolonialisme de libération
plutôt que de conciliation.
OÙ TROUVER UNE PRATIQUE MUSÉALE POSTCOLONIALE?
Largement influencés par l’ouvrage de Clifford (1997) sur le musée comme « zone de contact », nombre
d’établissements tentent d’instaurer une pratique postcoloniale. Ruth Phillips rapporte que les “new
models of partnership and collaboration … are creating ever more opportunities for Aboriginal
intervention into the traditional orientation of the Western museum” (Phillips 2005:96-97).
Selon Boast, en revanche, cette zone de contact reste “an asymmetric space where the periphery comes
to gain some small, momentary and strategic advantage, but where the centre ultimately gains…”
(Boast 2011:66). Clifford avait d’ailleurs prévenu, au cœur de son essai original, que : “Contact work in
a museum thus goes beyond consultation and sensitivity, though these are very important. It becomes
active collaboration and a sharing of authority ” (Clifford 1997:210). Or, le concept de la zone de contact
a souvent été détourné au point où ces éléments cruciaux ont été oubliés, tout comme les questions
fondamentales de conflit et de résistance. Pour Clifford, en effet, la zone de contact est aussi un lieu
de conflits d’intérêts et d’expériences entre groupes différents et souvent inégaux. Elle implique une
nécessaire prise de conscience de luttes implicites ou explicites. Clifford parle de tiraillements entre les
deux « parties » à cette relation, qui ne sont manifestement pas d’égale force.
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Ruth Phillips (2007), Tony Bennett (1998), Ami Lonetree (2006), Nancy Marie Mithlo (2004) et Susan
Ashley (2005) montrent tous que le musée, considéré comme zone de contact, continue de masquer des
asymétries fondamentales, des appropriations et des partis pris. Boast (2011) en conclut que le musée
doit apprendre à céder ses ressources, et même ses objets, au profit et à l’usage des communautés et de
programmes qui débordent largement sa connaissance et son pouvoir propres.
STORIES OF THE WORLD : UNE PÉDAGOGIE POSTCOLONIALE DÉMOCRATIQUE?
Les musées occupent le terrain mitoyen et disputé du postcolonialisme et de l’éducation, où il semble
que “post-colonialism has effectively become a reconciliatory rather than a critical, anti-colonialist
category” (Rizvia et al. 2006:255). Parallèlement, fidèles au programme de la zone de contact, ils essaient
activement, depuis peu, d’établir des liens entre leur démarche participative à l’échelle locale et leur
travail de recherche (ainsi que leurs partenariats) auprès des cultures d’origine, où qu’elles soient. Ils
s’efforcent en outre de laisser à des plus jeunes la possibilité d’exercer des choix, de mener librement
leurs propres recherches et d’organiser leurs propres expositions.
Les musées jouent ici un rôle de médiateurs en favorisant le rapprochement de trois types de
« collectivités » : la diaspora locale, les communautés d’origine à l’étranger et les jeunes faisant
l’expérience du travail de conservation2. Mais cette table à trois pieds est plutôt bancale. À l’évidence, si
le musée distingue mal dans quelle mesure une pratique donnée est éthique ou efficace, comment peut-il
guider quelqu’un d’autre (les jeunes, en l’occurrence) et l’aider à assumer les conséquences d’un échange
aussi complexe et délicat?
Exemple récent du « postcolonialisme » en action, Stories of the World est le plus vaste projet de
collaboration entre un musée et un jeune public jamais tenté au Royaume-Uni. Le projet visait à
susciter l’intérêt de jeunes de 14 à 24 ans envers certaines communautés et envers des collections
ethnographiques (mondiales) contestées, conservées au Royaume-Uni, pour amorcer un dialogue et
une interaction. Stories of the World avait été conçu comme un programme d’olympiades culturelles,
pendant muséal des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques de 2012, à Londres. Fruit d’une initiative
gouvernementale de partenariats avec certains musées londoniens et régionaux, il invitait les jeunes
à travailler avec des conservateurs et les communautés d’origine en vue d’explorer et de réinterpréter
des collections représentant diverses cultures. Lancé en 2009, il a débouché trois ans plus tard sur une
série d’expositions coproduites et dirigées par les jeunes dans divers musées du Royaume‑Uni. Chaque
partenariat régional a travaillé à un thème général lié aux collections conservées dans la région.
Les jeunes ont joué le rôle de conservateurs, en consultation et en collaboration avec les communautés
d’origine. Comme l’a souligné toutefois un membre du personnel de l’une des régions, un « problème de
pouvoir3 » a donné aux participants un sentiment d’impuissance devant l’hégémonisme du musée, au point
où les jeunes ont parfois eu l’impression d’être abandonnés.
Au terme du projet (c’est-à-dire une fois terminée la coproduction des expositions Stories of the
World conformément à l’un des critères de financement), certains jeunes ont dit avoir toujours senti
l’intervention du musée dans les décisions. Dans un document autocritique de réflexion approfondie,
Morse, Macpherson et Robinson, qui dirigeaient le déroulement du projet dans les musées du nord-est de
l’Angleterre, ont écrit :
Having worked through this process, we consider… the central Stories of the World concept
[to have been] fatally flawed from the start, in that contact with originating communities
for institutions which hold their heritage has to be a process based on longevity of
contact… However, the window of opportunity to achieve this was fixed and short term
given that it involved working with young people [and producing a “product”, an exhibition
to the funder’s deadline, note de l’auteur] we have raised a number of important questions
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for ourselves. First, about who participates and who takes the lead in making decisions, and
fundamentally, whose participation is legitimate. (Morse, Macpherson et Robinson 2013:99)
Pendant toute la durée du projet, rapporte Helen Graham (2013), “what looked democratic when only
thought about locally (giving control to young people) appears much less democratic when looked at
in a bigger geographical and cultural frame”. Du début à la fin, il y a eu ce que Gaventa (2004) appelle
un « faux consensus », puisque les musées, forts de leur responsabilité pédagogique, ne pouvaient pas
toujours s’empêcher d’orienter les jeunes vers ce que Giroux appelle la pensée « correcte » ou de les
inciter subtilement à obéir aux diktats des autorités muséales (Giroux 2009).
Stories of the World et d’autres projets participatifs récents (Lynch 2011a) soulèvent une question : la
démarche participative des musées recèle-t-elle une pédagogie cachée? Susan Ashley rappelle que malgré
la forte anxiété suscitée par le nouveau rôle postcolonial du musée et par son fonctionnement comme
lieu de représentation, de socialisation et de marchandisation (Hallam et Street 2000; Hein 2000; Karp et
Levine 1991), et malgré les interrogations de longue date sur la façon d’intéresser et d’inclure afin d’offrir
des représentations culturelles objectives et de séduire de nouveaux publics, autres que la population
blanche (Sandell 2002), les musées conservent deux compétences fondamentales profondément enracinées
et héritées de l’époque coloniale : collectionner et exposer (Ashley 2005:31). Boast (2011) ajoute éduquer,
autre vestige de l’ère coloniale et qui, depuis quelques décennies, demeure un objectif fondamental de
la nouvelle muséologie. Parallèlement, les pratiques et les systèmes éducatifs contemporains restent
saturés d’idéologies coloniales et néocoloniales qui traduisent l’assujettissement des connaissances et des
pratiques de représentation (Hickling-Hudson, Matthews et Woods 2004; voir aussi Willinsky 1998).
Depuis quelques décennies pourtant, la fonction pédagogique des musées est largement inspirée de la
« pédagogie critique » issue des théories de la pédagogie nouvelle des années 1970 (e.g., Freire 1972)
qui ont été reprises par des théoriciens de l’éducation, tel Henry Giroux (1988, 2001, 2009, 2011a, b,
2012; Giroux et Witkowski 2011) et des théoriciens de l’éducation muséale, notamment Eilean HooperGreenhill (1994). La démarche participative de la communauté (à l’instar de ce que proposait Stories of
the World) est généralement devenue l’une des branches d’un service du musée traditionnellement appelé
« service éducatif ».
Tout comme l’institution pourrait avoir mal compris le concept complexe de Clifford du musée comme
zone de contact et l’avoir, par conséquent, détourné de son sens original, il semble que le musée aurait
pu aussi mal comprendre l’inspiration derrière la pédagogie critique de Freire (Freire 1985; Freire et
Faundez 1989; Freire et Macedo 1987) et mal l’appliquer, en ce qui concerne surtout l’intégralité du
message postcolonial démocratique et « militant ». L’erreur n’est pas nouvelle : le travail de Freire est
souvent assimilé et enseigné “without any consideration of imperialism and its cultural representation.
This lacuna itself suggests the continuing ideological dissimulation of imperialism today” (Young
1990:158).
À l’instar des conflits et des résistances souvent omis dans l’application du concept de zone de contact, on
semble oublier de même que la pratique pédagogique des musées n’a jamais été uniquement une théorie et
une philosophie de l’éducation, mais également un praxis-oriented social movement (Shor 1992:129, emphase
ajoutée). Issue de la théorie marxiste, la pédagogie critique s’inspire en effet d’une démocratie radicale,
de l’anarchie, du féminisme et autres mouvements en quête de ce que leurs tenants décrivent comme la
justice sociale. Praticien de la pédagogie critique, Ira Shor (1992:129) définit celle-ci comme :
“Habits of thought, reading, writing, and speaking which go beneath surface meaning, first
impressions, dominant myths, official pronouncements, traditional clichés, received wisdom,
and mere opinions, to understand the deep meaning, root causes, social context, ideology,
and personal consequences of any action, event, object, process, organization, experience,
text, subject matter, policy, mass media, or discourse”.
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Pour Giroux, la pédagogie critique doit amener à chercher l’autorité qui encadre la production de
connaissances, les valeurs et les compétences. Elle doit éclairer la façon dont la connaissance, l’identité
et le pouvoir se construisent au sein d’un ensemble de relations sociales donné (Giroux 2011a). Le
philosophe John Searle voit dans cette forme décrite par Giroux la volonté de « former des militants
radicaux », mettant en lumière le caractère contestable et antagoniste des motifs moraux et politiques qui
sous-tendent les idéaux civiques et la « sagesse populaire » (Searle 1990, notre traduction). Ainsi, bien que
le dialogue interculturel ait été présenté d’entrée de jeu comme le volet essentiel de Stories of the World,
par exemple, les musées ont minimisé la valeur des communications avec les cultures d’origine et certains,
parmi le personnel, ont d’ailleurs exprimé leur scepticisme à cet égard, ce qui a incité nombre de jeunes
participants à douter finalement de la valeur du projet : “Contacting source communities [is] challenging
because the majority of their objects come from “dead” or ancient communities so we can only really talk
to the descendants” (participant anonyme du projet Stories of the World).
Certains jeunes du volet nord-est ont eux aussi mis en doute l’utilité de consulter la diaspora : “One
person felt that the group hadn’t built much upon the information about the objects from the Chinese
community because there was already quite a lot of information held by the museum” (participant
anonyme du projet Stories of the World).
Au départ, pourtant, les jeunes attendaient en général beaucoup de ce dialogue interculturel, qu’ils
considéraient comme la grande force du projet (Figure 1). L’un d’eux a résumé ainsi les tentatives de
travail avec les communautés d’origine et la diaspora : “I feel disappointed that I did not manage to gain
from such an experience4” (participant anonyme du projet Stories of the World).
Les autorités muséales ont donc passé outre à la nécessité d’aller bien au-delà de ce qui aura été, au
mieux, une « consultation » superficielle.
Figure 1. Des participants au projet Stories of the World travaillent avec George Nuku, artiste maori, à Middlesbrough, 2012.
© Photographie courtoisie du Tyne and Wear Archives and Museums
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George Lukács (1923) a décrit la manière subtile dont s’exerce l’hégémonie de l’État et des organisations
qui le représentent. Au demeurant, ce pouvoir est très souvent invisible à l’institution et à ses membres,
surtout s’ils ont peu l’occasion d’y réfléchir ouvertement. Comme le souligne Mary Louise Pratt (1991),
une classe est un univers social unifié et homogénéisé, modelé à l’image de l’enseignant. Dans le cas de
Stories of the World, même absent de la tribune, le musée-enseignant n’a jamais quitté la classe.
Se peut-il que, dans les faits, l’impulsion pédagogique du musée l’empêche d’accomplir sa mission
authentiquement démocratique, réciproque et collaborative dans le cadre de projets visant pourtant
précisément à établir des relations avec les communautés, où qu’elles soient? Avec ce genre de pédagogie
cachée en jeu, se peut-il que les jeunes aient compris que la valeur privilégiée par le musée était le
produit final, c’est-à-dire les expositions coproduites avec eux (sous la direction du personnel du musée),
conformément aux critères de financement de Stories of the World? Se peut-il que, dans le courant de
leur travail avec le musée, ces jeunes soient donc devenus ce que Rabinow (1977) a appelé « de bons
informateurs »?
Bien que le projet Stories of the World ait été sincèrement présenté avec le vocabulaire de l’inclusion
radicale et dialogique, le dialogue interculturel n’en a pas moins été le maillon faible. Résultat : la valeur
d’usage postcoloniale du projet quant à l’exercice d’une citoyenneté active à l’échelle mondiale, favorisée
par un partenariat interculturel et un dialogue critique, semble avoir été perdue.
MOBILISATION DES CONSERVATEURS
“…knowledge production is imbricated with power associated with
the contemporary admixture of globalization, the colonial past
and the aspired-for postcolonial future.” (Appadurai 1998) 5
Parmi les professionnels des musées, un groupe s’est indigné au vu des questions posées dans le cadre du
projet Stories of the World : celui des conservateurs des collections ethnographiques. Ceux-ci s’estimaient
en effet les mieux placés pour répondre à ces questions, si seulement on les leur avait posées. C’est donc
en réaction à Stories of the World que le Museum Ethnographers Group6 (MEG) du Royaume-Uni a
conçu un projet d’étude baptisé Engaging Curators. Les conservateurs se disaient consternés, s’étant sentis
exclus d’emblée de la conception du projet Stories of the World et estimant que les problèmes résultaient
justement du fait que leur expertise en « gestion des relations interculturelles », notamment, n’avait pas
été mise à profit.
Le MEG voulait donc savoir si les initiatives telles que Stories of the World ne marginalisent pas
forcément le rôle des conservateurs et s’interrogeait sur les implications d’une pareille tendance. Étant
donné l’exemple de Stories of the World, il se demandait aussi comment les conservateurs peuvent,
d’une part, s’acquitter de leurs responsabilités en matière de recherche et de valorisation de collections
politiquement sensibles tout en collaborant à la fois avec les communautés d’origine et les communautés
locales et, d’autre part, aider des jeunes à diriger un tel projet.
Le MEG nous a donc confié la direction de ce nouveau projet, appelé Engaging Curators, visant à dégager
les enseignements de Stories of the World au moyen d’ateliers et d’études de cas. Le groupe se demandait
s’il est possible de faire converger avec aisance et assurance toutes les fonctions complexes énumérées
ci-dessus dans la pratique muséale contemporaine. Le cas échéant, comment? Et comment les musées
peuvent-ils faciliter cet élargissement du rôle des conservateurs?
Il s’agissait entre autres d’inviter les participants à faire connaître des « façons de faire » nouvelles
et applicables, de nature à faire converger les collections, l’expertise et les compétences existantes et
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émergentes des musées, dans une relation où les gens de tous horizons seraient à la fois participants
et « coproducteurs », tout en insistant sur la nécessité, pour les musées, de valoriser et de faciliter la
participation accrue des conservateurs à ce type de travail. La question du rôle quotidien du personnel
des services d’éducation et de programmation était en quelque sorte laissée en suspens.
Par ailleurs, au vu des tensions suscitées par Stories of the World, les participants au projet Engaging
Curators étaient invités à suggérer comment les musées peuvent trouver un juste moyen entre la
démarche participative de certains projets subventionnés (par exemple, des initiatives nationales comme
Stories of the World) et les relations éthiques et durables avec les communautés, qui exigent souvent un
investissement de temps à plus long terme. Ces éléments sont-ils compatibles ou sont-ils sources de
tensions inéluctables, en particulier entre les services de proximité et de programmation, d’une part,
et les divers départements du musée, d’autre part? Entraînent-ils inévitablement la marginalisation
du rôle du conservateur? Enfin, les professionnels et les chercheurs des musées de différents pays,
réunis en atelier, étaient invités à dire s’il leur semblait possible que les conservateurs de collections
ethnographiques participent à ces multiples programmes et en tirent une pratique éthique et profitable à
tous.
Les ateliers ont toutefois vite fait surgir des questions plus profondes sur l’éthique et l’efficacité de la
collaboration interculturelle dans son ensemble. Les membres du MEG et d’autres participants se sont
interrogés sur la compréhension, par les musées, de la pratique postcoloniale. Quelles sont les limites
et les possibilités de ce type de muséologie collaborative? Comment composer avec la complexité de
ces rencontres ou relations, surtout dans le contexte des collections ethnographiques? À qui ce travail
profite-t-il? Qui assume la responsabilité de ces relations?
Les deux ateliers tenus à l’échelle nationale ont montré par ailleurs à quel point l’approche collaborative
empruntée par les musées réserve à ces derniers la position centrale, conférant pertinence ou
« légitimité » aux « informateurs » lorsqu’ils travaillent, dans le cadre d’un « partenariat » par exemple,
avec les communautés d’origine ou la diaspora locale à l’interprétation « commune » des collections. Ici
encore, les luttes de pouvoir au sein de la profession (mises au jour, en l’occurrence, par le projet Stories
of the World) ont subrepticement minimisé l’importance du partage des pouvoirs et de la coproduction
avec les partenaires, les participants et les communautés externes. À l’évidence, l’institution muséale,
restée fidèle au modèle centre-périphérie, s’est retrouvée « pieds et poings liés », aux dires d’un
participant au projet Engaging Curators.
Réaffirmant l’expertise des conservateurs et remettant en question l’idée de confier aux services
d’éducation et de proximité7 la direction d’un projet d’envergure nationale comme Stories of the World, les
participants au projet Engaging Curators ont, par inadvertance, mis au jour autant d’aléas de la pratique
« postcoloniale » que leurs collègues de ces deux services. Outre les deux ateliers organisés à l’échelle
nationale, Engaging Curators comportait des études de cas, considérées comme un moyen de répondre
utilement à une partie des questions posées.
Pourquoi est-il resté autant de questions sans réponse à la fin de Stories of the World et d’Engaging
Curators? À quoi tiennent les incertitudes du musée au regard de ce genre de travail? Selon Robert
Young (1990:viii), ces théories radicales que sont par exemple la collaboration et la coproduction “have
themselves been implicated in the long history of European colonialism and… continue to determine
both the institutional conditions of knowledge as well as the terms of contemporary institutional
practices”. Collaboration, pertinence et légitimité sont donc, selon Pratt, encore définies par la partie
qui tient les rênes, “regardless of what other parties might see themselves as doing” (Pratt 1991:38). En
centralisant le pouvoir, le musée reste l’agent réel, et les autres « participants » restent des bénéficiaires
passifs.
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Parmi les professionnels des musées qui ont participé au premier des ateliers du projet Engaging Curators,
certains ont imputé le problème à la persistance, dans nombre de musées, d’une dualité entre « nous »
et « eux », qui minerait les efforts de collaboration et de concertation malgré les meilleures intentions.
“Who are ‘we’? – individuals? – institutions? What about thinking of the museum as part of community,
or an emanation of community – not as needing to connect to ‘it’ ” (commentaire anonyme d’un
participant aux ateliers du projet Engaging Curators).
Tout au long du projet du MEG, il était frappant de voir à quel point le musée continue de définir les
règles de l’approche participative. Comme le rappelle Boast : “No matter how much museum studies
have argued for a pluralistic approach to interpretation and presentation, the intellectual control has
largely remained in the hands of the museum” (Boast 2011:60). Involontairement, le musée porte
encore un regard colonisateur qui le conforte dans son action, et sa perspective reste “panoptic and thus
dominating” (JanMohamed 1992:10). Peut-être devrions-nous, en tant que professionnels des musées,
et comme le mentionne Borsa, sortir des frontières culturelles, théoriques et idéologiques qui nous
enferment dans la quiétude de ces lieux et espaces “we inherit and occupy, which frame our lives in very
specific and concrete ways” (Borsa 1990:36).
CONCLUSION : CONSCIENTISATION ET LUTTE POSTCOLONIALE
“We are always negotiating with compromised language.” (Clifford 2013)
Le postcolonialisme est affaire de négociations et de manœuvres entre les difficultés énormes que
posent l’échange et le partage culturel, dans un monde transformé par des luttes multiples et qui, il
faut l’espérer, se transformera encore. Le postcolonialisme ne saurait exister sans une politique visant
la justice globale. Il s’agit en effet d’émanciper et non plus d’exploiter, en favorisant des changements
sociaux durables, initiés au moyen des ressources et des systèmes de connaissances locaux (Young 2003).
Dans le contexte muséal, il faut instaurer de même un postcolonialisme de libération plutôt que de
conciliation. Aussi est-il urgent, comme le montrent les exemples ci‑dessus, de revoir en profondeur ce
que signifie vraiment, en l’occurrence, la pratique postcoloniale. Comme nos intentions sont bonnes, et
selon le point de vue d’un conservateur, « at least we do no harm8 ».
Cette révision remettra forcément en question la fonction de « conservation ». Il faut élargir le champ
de ses responsabilités sociales et culturelles, et admettre que les « partenariats » sont essentiels
à des négociations souvent menées en terrain difficile. Dans le cadre des stratégies d’éducation et
d’intéressement du public, il faut également reformuler la notion de pédagogie, c’est-à-dire réinventer
la tradition en éliminant le discours de la soumission, de la déférence et de la répétition, pour favoriser
« la transformation et la critique » (Borsa 1990:36, notre traduction). Si elle compte changer la société,
l’institution muséale doit ménager un espace propice à l’autocritique et à une analyse lucide de ses
méthodes.
L’exemple du travail accompli par Adriana Muñoz au Museum of World Cultures (Världskultur
Museerna de Göteborg), établissement réputé pour ses pratiques collaboratives, montre que, en dépit
d’un discours aux accents postcoloniaux, il est aisé, même au plus progressiste des musées, de retomber
par mégarde dans un traitement discriminatoire des collections. C’est ce que révèle aussi l’exemple
d’un grand nombre des établissements qui ont participé à Stories of the World. Le projet du Museum of
World Cultures, intitulé The State of Things, était inspiré d’un autre, appelé The Power of Labelling, qui
portait sur la catégorisation des objets et des gens (Muñoz 2009) et qui faisait suite à une demande de
rapatriement d’objets présentée par la Bolivie en 2007. Comme le dit Muñoz :
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The dialogue between the museum, the Bolivian embassy and the Bolivian government
was not satisfactory… After a couple of years, however, the claim for the repatriation of
objects is no more in existence. We can only speculate about what happened, but something
that could be observed during the period of dialogue was the patronizing attitude in the
dialogue.9
Les chercheurs ont commencé à comprendre qu’il y a toujours eu et qu’il y a encore une relation très
étroite entre ethnographie et exclusion. Selon Muñoz, “we started to see that categories and exclusion
are reproduced daily in our bodily museological practice… It is easier to continue reproducing
categorizations and exclusions through our practices than we are aware of ”.10
Financé par le Conseil des arts de la Suède (Kulturrådet), The State of Things visait précisément ces
pratiques qui imprègnent le travail muséal. Comme Muñoz le rappelle, le but était de “examining the
construction and reproduction of museological practices… to see how we can be conscious about our
practices when challenged with implementing new practices, and how changing practices is a long,
sometimes painful, however enriching process”.11 Muñoz ajoute que le “…project opened the possibility
of having a new form of dialogue with partners outside Sweden. However the biggest surprise was in
observing how, after a couple of days, the place, the people, and the atmosphere opened up the possibility
to share the most intimate feelings among all of us. It was confirmation that changing clinical practices
is possible in museums...”.12
Voilà une remise en question fascinante d’un langage, mais aussi d’habitudes qui risquent si souvent
de ruiner une volonté sincère de collaboration (le MEG est riche d’autres exemples intéressants des
moyens pris par différents musées pour résoudre ces difficultés, tant avec les communautés établies
au Royaume-Uni qu’avec les communautés outre-mer). Dans le même ordre d’idées, le Musée national
d’ethnologie (Rijksmuseum Volkenkunde) de Leyde, aux Pays‑Bas, a réalisé un projet sur l’apport des
aînés à la connaissance des savoirs anciens et à la compréhension de l’avenir. Comme celui de Göteborg,
le projet Yesterday’s Knowledge, Tomorrow’s Future. Learning from the Elders est une réflexion sur la façon
de concevoir la collaboration, pour éviter qu’elle reste en marge des fonctions traditionnelles du musée et
devienne au contraire partie intégrante de pratiques conscientes. Autrement dit : remettre en question et
changer au besoin.
Cet exposé sur la démarche participative et le dialogue interculturel montre que l’institution muséale
doit se livrer à une réflexion approfondie, qui puisse mettre en lumière les effets des pratiques actuelles
et, suivant l’exemple suédois, permettre l’élaboration d’une praxis éthique consciente qui mènera à une
valorisation optimisée des collections, en fonction d’un monde en mutation. Une mutation qui pourrait
d’ailleurs s’imposer aussi aux musées eux-mêmes. Pour l’heure, la conclusion – accablante – est que
malgré les meilleures intentions, le musée dresse ses propres obstacles vis-à-vis l’approche participative.
Une transparence radicale s’impose (Marstine 2011), mais aussi l’intégration d’une pratique réflexive à
toutes les dimensions du travail et des fonctions du musée (Lynch 2010, 2011b, 2013).
Laura van Broekhoven, du Musée national d’ethnologie de Leyde, affirme : “to be successful, cocreative knowledge production should be an institutionalized praxis… We [will] just have to try, fail
quickly, evaluate...”.13 En d’autres termes, il faut considérer comme de réels obstacles toute politique
d’intéressement des communautés et toute pratique muséale qui laissent pouvoirs et privilèges entre les
mains du système institutionnel occidental, et instaurer au plus vite un processus de « conscientisation »
(Freire 1972) qui permette de percevoir et de dénoncer les contradictions sociales et politiques inhérentes
aux pratiques mêmes du musée.
À titre de professionnels des musées, nous devons constamment nous demander à quel point le poids
idéologique de cette position privilégiée de l’institution influe sur notre interprétation de la pédagogie
critique et de la pratique postcoloniale. Il faut porter un regard critique sur notre propre complicité dans
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Figure 2. Panneau manuscrit du mouvement Occupy London, 2012.
© Photographie de l’auteure
l’existence et la perpétuation de certaines injustices,
méthodes et formes d’oppression qui pérennisent
l’héritage du colonialisme. C’est dire qu’il nous faut
créer un espace propice à cet examen et à l’abolition
de ces relations sociales, de ces idéologies et de ces
pratiques dominantes qui nous rendent sourds à
la voix et parfois même aux protestations, comme
en témoigne ce panneau (Figure 2) qu’ont brandi
les manifestants du mouvement Occupy London et
qui évoque l’insatisfaction générale à l’égard des
institutions gouvernementales (tels les musées, dans
notre contexte). Il est urgent que les musées se
donnent la capacité de réagir à cette insatisfaction,
au moyen d’une réflexion et d’une pratique honnêtes,
pour mieux s’acquitter des responsabilités que leur
impose leur statut d’institution publique mondiale.
Car la réflexion doit se faire, en effet, à l’échelle de l’institution muséale. Elle passe par un examen
approfondi des responsabilités en matière de conservation, mais aussi d’éducation et particulièrement,
dans ce dernier cas, par l’intégration d’un regard critique sur tout le travail des musées auprès du
public. La pédagogie critique vise en effet à reconfigurer l’éducation comme forme d’activisme social.
Elle met en lumière à la fois le caractère partial de toute prétention à la connaissance et la légitimité de
voix et de perspectives diverses. Elle est tout à fait pertinente aux processus muséaux d’apprentissage
et de rapprochement avec les publics. Elle permet de concevoir la fonction éducative du musée comme
une pratique culturelle dont le but serait d’affranchir le public visé de son empreinte et de remettre
en question certains aspects de la société généralement tenus pour acquis, première étape vers des
communautés plus démocratiques, justes et égalitaires. La tâche se prête à la collaboration entre
conservateurs et services d’éducation et de proximité. Il faut remettre radicalement en question
l’impulsion qui détermine la pratique pédagogique actuelle du musée : non pas y renoncer, mais réinvestir
dans sa nature « critique » pour que le musée remplisse ses promesses en tant qu’institution de la société
civile. Au lieu de représenter un obstacle immuable au changement, le musée aidera ainsi le public à
provoquer le changement.
James Clifford (2013) affirmait récemment que la principale mission du musée est d’aider à comprendre
comment les gens arrivent à s’entendre dans le vaste monde. Pour lui, “This work is precious… and if we
don’t do it, who will?”
REMERCIEMENTS
L’auteure tient à remercier le personnel et les participants du projet Stories of the World, dirigé par Tyne
and Wear Museums and Archives, ainsi que les nombreux collègues du Museum Ethnographers Group
(projet Engaging Curators), dont la réflexion courageuse et permanente a inspiré les questions et les
conclusions du présent article.
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NOTES
1 Le terme post-colonial (en anglais) a précédé la forme sans trait d’union. Le préfixe réfère littéralement à la période qui a suivi la
colonisation (Tilley et al. 2006). Postcolonial (sans trait d’union) désigne “an endeavour to go beyond colonialism” (van Dommelen
2006:104). Le postcolonialisme est l’étude de la colonisation de la majeure partie du monde par l’Europe et de la façon dont ces
contacts coloniaux, et leur legs, ont été vécus et le sont parfois encore par les ex-colonisés. L’un des aspects essentiels de la littérature
et des études postcoloniales est l’examen des fondements théoriques et intellectuels du projet colonial, souvent issus d’une pensée
raciste. L’argument central du postcolonialisme est que les effets du colonialisme et de l’impérialisme restent sensibles aujourd’hui
encore dans les pays qui ont été colonisés. La théorie du postcolonialisme sert le plus souvent “as a critical idiom; through which to
analyse discursively the continuing legacy of European imperialism and colonialism and to uncover the oppositional discourses of
those who have struggled against its lingering effects” (Tikly 2004:173). Pour Hickling-Hudson et al. (2004:290), le postcolonialisme
« concerne la façon dont les cultures ont été influencées par cet héritage ainsi que les difficultés et l’ambivalence associées au
changement ».
2 Dans le nord-est du Royaume-Uni (région visée par l’étude), le Captain Cooke Museum de Middlesbrough, l’Oriental Museum de
Durham, et le Hancock Museum de Newcastle ont créé un partenariat pour mettre le tout en œuvre. Les trois ont élaboré de concert
un programme appelé Journeys of Discovery qui a été financé par le Heritage Lottery Fund et qui visait à faciliter la participation au
projet Stories of the World à l’échelle nationale : http://www.twmuseums.org.uk/geisha/assets/files/Journeys%20of%20Discovery%20
evaluation.pdf
3 Commentaire commun de membres du personnel et de jeunes participants qui ont préféré garder l’anonymat.
4 Les jeunes estimaient que cette « source » aurait dû leur être rapidement accessible. Le risque était grand, pendant toute la durée du
projet, que les « communautés d’origine » (terme beaucoup plus approprié que « communautés sources » pour d’évidentes raisons)
soient traitées comme des banques de données exploitables, d’ailleurs plutôt décevantes.
5Arjun Appadurai (1998), cité dans Fazal et al., 2006:257.
6 Consulter le site Web du MEG, à l’adresse http://www.museumethnographersgroup.org.uk
7 Community Outreach (le terme anglais correspondant), indicateur en soi d’un modèle centre-périphérie, a été remplacé dans nombre de
musées par Public Engagement and Participation.
8 Commentaire fait à l’auteure par l’un des conservateurs d’un grand musée londonien, au cours du projet Hamlyn (voir aussi Lynch
2010).
9 Tiré d’une déclaration d’Adriana Muñoz (notre traduction) concernant le projet The State of Things, en vue des études de cas compilées
par le MEG pour le projet Engaging Curators. Cette étude de cas et d’autres seront présentées sur le site Web du MEG (http://www.
museumethnographersgroup.org.uk) au printemps 2014, dans le cadre d’un rapport sur le projet Engaging Curators. Pour en savoir
davantage sur The State of Things, consulter le site : https://www.varldskulturmuseerna.se/en/research-collections/research/
published-research/the-state-of-things/
10 Ibid.
11 Ibid.
12 Ibid.
13 Entrevue avec Laura van Broekhoven, dans le cadre du projet MEG intitulé Engaging Curators, Newcastle, juin 2013.
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