K ounellis - Monnaie de Paris
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K ounellis - Monnaie de Paris
Kounellis Du 11 mars au 30 avril 2016 EXPOSITION Figure majeure de l’art contemporain et personnage clef de ce que le critique d’art Germano Celant nomma arte povera, Jannis Kounellis, né au Pirée en Grèce en 1936, est un artiste italien se définissant comme un peintre. Il arrive à Rome en 1956 et, à tout juste vingt ans, intègre l’Accademia di Belle Arti où il développe ses recherches formelles abstraites. S’il produit au début de sa carrière des toiles sur lesquelles figurent des chiffres et des mots, parfois éclatés, et explore la peinture jusqu’à atteindre un certain dépouillement formel, il franchit rapidement les limites de ce seul médium dès le début des années soixante. 1 « L’histoire de la peinture est un perpétuel souvenir, une perpétuelle dépendance. Comme si on s’investissait à chaque fois... toutefois je ne me souviens pas de façon mélancolique, mais de façon active, avec une volonté idéologique, et partant de là, de cette invention, pour redécouvrir et réinterpréter le monde. » Ja n n i s Ko une llis À travers la réalisation d’actions liées à la musique et la danse telles que Da inventare sul posto (À inventer sur place), 1972, pour laquelle une ballerine improvise une danse sur la musique d’un violoniste face à une partition sur tableau, et l’utilisation de matériaux industriels ou organiques qui se réfèrent aux activités du réel, Kounellis opère un rejet de certains médias traditionnels de l’art. Le métal, le bois, le charbon, le feu, la toile de jute, les animaux, constituent le vocabulaire de base qu’il n’a cessé de retravailler dès lors. One of the major figures of contemporary art, and a key exponent of what the art critic Germano Celant called “arte povera”, Jannis Kounellis, born in Piraeus, Greece in 1936, is an Italian artist who defines himself as a painter. He arrived in Rome in 1956 and, aged just twenty, entered the l’Accademia di Belle Arti where he pursued his studies in formal abstracts. If at first his career path featured canvasses depicting figures and words, which at times burst and exploding, and he explored painting to the point where he achieved a certain bare and stripped formality, from the nineteen sixties on, he rapidly exceeded the limits of this single medium. Through actions linked to music and dance such as “Da inventare sul posto” (“Inventing on the spot”), 1972, in which a ballerina improvises a dance to the music of a cellist facing a score on a painting, and use of industrial or organic materials which refer to real activities, he is rejecting all the traditional art media. Metal, wood, coal, fire, jute fabric, animals, dead or alive, are his basic vocabulary which he has continuously worked and reworked since that time. Ja n n i s Ko une llis A Jannis Kounellis, Sans titre, 1989. Photo Claudio Abate A Jannis Kounellis, Untitled, 1989. Photo Claudio Abate 2 Ko u n e lli s “The history of painting is a perpetual recollection, perpetual dependence. As if one were constantly investing every time... however I do not recall in any melancholy sense, but actively, with an ideological purpose and on this basis, that of this invention, in order to rediscover and reinterpret the world.” A 3 Bien que ces matériaux industriels, présentés sous leur forme brute, renvoient à un univers en apparence éloigné de la figure humaine, l’Homme demeure au cœur des préoccupations de l’artiste. À l’instar du Modulor, notion architecturale imaginée en 1943 par Le Corbusier servant à concevoir ses « unités d’habitation » (en héritage de l’Homme de Vitruve et la représentation que Léonardo da Vinci en a fait vers 1492), Kounellis base ses cadres, plaques métalliques et installations sur les dimensions standardisées du corps humain : « […] c’est une mesure universelle, comme la hauteur d’une table, la largeur d’une porte ; ce sont des dimensions standard, et le lit, la porte, la table sont à la mesure de l’homme. C’est à l’intérieur de ces dimensions que je veux agir »1. Il agit en confrontant ces matériaux les uns aux autres, en les agençant de manière à faire émerger un nouveau langage, une dialectique qui questionne le sens des formes et des objets. Ces œuvres sont des images, d’un point de vue plastique tout d’abord, à l’intérieur desquelles l’œil du visiteur compose et assemble mentalement les objets qui lui sont présentés, et surtout d’un point de vue symbolique, tant le choix et l’utilisation de certains objets et matériaux renvoient aux significations dont ils se sont chargés à travers l’Histoire. Le feu, tout comme le charbon et le métal, est l’un de ses matériaux de prédilection. En l’utilisant sous forme vivante, avec des chalumeaux à gaz, ainsi que sous forme de traces, avec la suie notamment, l’artiste manie avec équilibre la flamme bienfaisante, source des industries humaines, tout comme la force destructrice de la flamme. 1. Jannis Kounellis in Odyssée lagunaire, p.226. « Si la porte est de dimensions humaines, c’est parce que l’humanité la traverse. » Jan n is Ko unellis Il l’utilise de manière ornementale, en présentant son nom en lettres de feu, commémorative, avec la présence d’une bougie sur une plaque métallique pour Liberta o morte, Marat, Robespierre, (La Liberté ou la mort, Marat, Robespierre), 1969, ou encore de façon à susciter le danger en piégeant le sol de l’espace d’exposition avec des flammes brûlant au bout de tuyaux de gaz en 1970. La seconde exposition personnelle de Kounellis dans une institution à Paris (la première a eu lieu en 1980 au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris - ARC) s’ouvre sur ce qui fait l’âme de la Monnaie de Paris : l’imaginaire liés au travail de la fusion du plomb. À son installation en 1775, l’Atelier de fonderie de la Monnaie de Paris était dédié à la réalisation d’alliages et de lingots pour la fabrication des monnaies et des médailles. En 1973, l’Atelier s’est consacré à la fonderie d’art et c’est aujourd’hui l’une des dernières en activité en plein cœur de Paris. “If the door has human dimensions, it is because humanity crosses its threshold.” Ja n n i s Ko une llis He acts by placing these materials in direct confrontation with each other, arranging them in such a way that a new language emerges, a dialectic that questions the meaning of forms and objects. These works are images first and foremost from a plastic perspective, inside which the visitor’s eye mentally composes and assembles the objects presented to him, and above all it is a symbolic point of view in both the choice and use of certain objects and materials recalling the significance with which they have been imbued throughout History. He uses it ornamentally, presenting his name in letters of fire; commemoratively with the presence of a candle attached to a metal plaque for “Liberta o morte, W Marat W Robespierre” (“Freedom or Death W Marat W Robespierre”), 1969; or again, as a way of inciting change by laying the floor of the exhibition space with burning flames emerging from gas pipes in “Senza titolo” (“Untitled”), 1970. Kounellis’ second solo show in a Paris institution (the first one took place at Musée d’Art moderne de la Ville de Paris - ARC in 1980) opens onto what represents the spirit of the Paris Mint: imagination linked to the work of smelting the lead. At its installation in 1775, the smelting forges of the Paris Mint were dedicated to creating alloys and ingots for the manufacture of coins and medals. In 1973, the workshop began to cast art pieces and today it is one of the few foundries still 1. Jannis Kounellis in Odyssée lagunaire, p.226 4 Ko u n e lli s Although these industrial materials, presented in their raw form, recall a world apparently distant from the human figure, Man nevertheless remains at the heart of the artist’s concerns. Inspired by Modulor, an architectural idea imagined in 1943 by Le Corbusier which served to conceive “living units”, Kounellis bases his frames, metal plaques and installation on the standardised dimensions of the human body: “[…] it is a universal measure like the height of a table, the width of a door; these are standard dimensions and the bed, the door, the table are a measure of the man. It is within these dimensions that I want to act.”1 Fire, along with coal and metal, is one of his favourite materials. By using it in a living way with blow torches and in the form of traces in particular of soot, the artist deftly handles the beneficial flame, its alchemic potential the source of human industry, while also the destructive force of the flame. 5 Kounellis part du cœur de la dernière manufacture de Paris et de l’importance fondamentale de l’énergie pour réaliser un projet qui libère les forces. L’artiste interpelle le visiteur et pose la question du processus de fabrication d’une œuvre. Kounellis vient « à la Monnaie de Paris les mains vides comme un vieux peintre » et il conçoit son œuvre en relation étroite avec le lieu, son histoire, sa symbolique, son architecture et ses habitants. « Le problème du feu est très particulier. Mon intérêt pour cet élément ne réside pas seulement dans le feu en tant que phénomène, mais dans ses connotations par rapport aux légendes médiévales. Le feu, dans la légende médiévale, est associé à la fois à la punition et à la purification. » active in the heart of Paris. Kounellis starts from the heart of the last manufacturing foundry in Paris and the fundamental importance of energy in creating a project which releases forces. The artist accosts the visitor and poses the question of the manufacturing process involved in a work. He has come “to the Paris Mint empty handed as an old painter” and he has conceived his work in strict relation to the place, its history, symbolism, its architecture and its inhabitants. “The problem of fire is a very particular one. My interest in this element is confined solely to fire as a phenomenon but in its connotations in respect of medieval legends. Fire in medieval legend is associated with both punishment and purification.” Jan n is Koun e lli s A Jannis Kounellis, Sans titre, (Nabucco), 1970 à la Quadriennale de Rome. Photo Claudio Abate A Jannis Kounellis, Untitled (Nabucco), 1970 at Quadriennale di Roma. Photo Claudio Abate Ja n n i s Ko une llis All that which is alive, which has traversed the centuries and which continues to thrive and live on in this institution and its surroundings has served as a springboard for the artist to realise his work. Without defining his intervention as in situ, his works resonate particularly with the 18th century workshops and the foundry of the Paris Mint which sparks a dialogue between forms and materials. Kounellis’ work is directly linked with the city and the urban landscape. It is from the activity, the handiwork created in the exhibition space, in the intuition of the forms, in the repetition, that the artist’s work arises. A B 6 Ko u n e lli s Tout ce qui est vivant, ce qui a traversé les siècles et qui vibre dans cette institution et son environnement a servi de marchepied à la mise en place du travail de l’artiste. Sans définir son intervention comme in situ, ses œuvres résonnent tout particulièrement avec les salons du XVIIIe, les ateliers et la forge de la Monnaie de Paris qui amorcent le dialogue des formes et des matériaux. Le travail de Kounellis est directement en emprise avec la ville et le décor urbain. C’est dans le faire, dans le bricolage, dans l’intuition des formes, dans la reprise, que naissent les œuvres de l’artiste. B Jannis Kounellis, Sans titre, 1969, Photo Claudio Abate B Jannis Kounellis, Untitled, 1969, Photo Claudio Abate 7 « La galerie, en tant qu’espace public, comme le musée, est au fond une cavité théâtrale. On y expose un acte, unique, à chaque fois. » Ja n n i s Ko une llis Arte povera, travail et politique Si l’arte povera a pu être perçu par certains comme le pendant européen de l’art minimal américain de par l’usage de matériaux dits « pauvres » et une réduction des moyens formels, c’est aussi en opposition à une hégémonie culturelle des États-Unis que se positionnent certaines œuvres d’artistes regroupés sous cette bannière. Le terme « pauvre » relatif aux matériaux utilisés par les artistes revendiquant cette attitude peut être rapproché de la définition qu’en fait le metteur en scène polonais Jerzy Grotowsky en référence à sa conception du théâtre. Dans un entretien télévisé de 1969, Grotowsky décrit le processus de dépouillement qui permet au théâtre de se débarrasser des artifices relatifs aux moyens de production audio-visuels : élimination de la musique, du maquillage, des décors. Tout ce qui selon lui n’est pas à l’avantage du théâtre. Reste alors « l’homme vivant, l’acteur, qui peut se transformer vis-à-vis des autres, les témoins, et qui peut retrouver une sorte de relation avec ces autres, avec les spectateurs ». Arte povera, work and politics If arte povera could be seen by some as the European answer to American minimalist art due to the use of so called “poor” materials and a reduced use of formal means, it nonetheless opposes the cultural hegemony of the United States positioning a number of works of artists as a group under this banner. The Polish director Jerzy Grotowsky gives an apt definition of term “poor” in relation to the materials used by artists with a claim to being proponents of arte povera when referring to his conception of theatre. In a televised interview in 1969, Grotowsky describes the process of stripping away, enabling theatre to dispense with the artifice of audiovisual production means: the elimination of music, makeup or decor. All that which, according to him, is not advantageous to theatre. Only the “living man, the actor remains who is able to transform himself through others, the witnesses and who can find some kind of relation through those others, with the audience”. “The gallery, as a public space, as a museum is basically a theatrical space. An act, is exhibited there, each time a unique experience.” Jan n i s Koun e lli s A Jannis Kounellis, Sans titre, 2014, Sprovieri Gallery, Londres A Jannis Kounellis, Untitled, 2014, Sprovieri Gallery, London 8 Ko u n e lli s A B Le Prince Constant, version I, Wrocław, 1965. Maja Komorowska, Ryszard Cieślak. Photo Laboratory Theatre. Courtesy Grotowski Institute Archives B B The Constant Prince, version I, Wrocław, 1965. Maja Komorowska, Ryszard Cieślak. Photo by the Laboratory Theatre. Courtesy Grotowski Institute Archives 9 A A Mauser, 1992, Berlin, Deutsches Theater, (mise en scène de Heiner Müller). Photo Claudio Abate A Mauser, 1992, Berlin, Deutsches Theater, (directed by Heiner Müller). Photo Claudio Abate « Le fer et le charbon sont à mon sens les matériaux qui évoquent le mieux la révolution industrielle, les origines de la civilisation contemporaine. » 10 Kounellis a déjà mis à l’épreuve cette dimension de dénuement en collaboration avec le metteur en scène allemand Heiner Müller pour la scénographie de sa pièce Hauser en 1991. Les deux artistes ont en commun un fort intérêt pour les questions relatives à la situation sociale de leurs contemporains ainsi qu’aux mythes fondateurs de la société qui rejaillissent dans leurs œuvres. Si l’importance de l’héritage littéraire, notamment des drames grecs, est présent dans les productions des deux Européens, la filiation est également évidente au niveau politique, entre la démarche anti-impérialiste de l’arte povera et le positionnement de Müller : « Nous n’étions que le négatif du capitalisme, pas son alternative ». “Iron and coal are in my view the materials which best evoke the industrial revolution, the origins of contemporary civilisation.” Jann i s Koun e lli s Kounellis has already put this dimension of sparseness to the test in collaboration with the German director Heiner Müller for the stage sets for his play “Hauser” in 1991. The two artists have a strong common interest in questions relating to the social situation of their contemporaries as well as the founding myths of society which crop up in their works. If the importance of literary heritage, in particular Greek drama, is present in the productions of these two Europeans, the relation is also evident at a political level between the anti-imperialist approach of l’arte povera and Müller’s position: “We were just the negation of capitalism, not its alternative.” Ko u n e lli s Ja n n i s Ko une llis 11 « La Renaissance, pour moi, est la véritable matrice de l’Italie et une époque extrêmement révolutionnaire. Masaccio n’est pas un peintre comme l’on a déjà vu dans le monde anglo-saxon, mais un artiste extrêmement social, subversif comme l’on entend ce terme au niveau poétique. » Ja n n i s Ko une llis “For me, the Renaissance is the true matrix of Italy and an extremely revolutionary period. Masaccio is not a painter such as those we have already seen in the Anglo-Saxon world, but an extremely social artist, subversive in the sense of the word at a poetic level.” Jan n is Ko unellis 12 Ko u n e lli s A Masaccio, La Trinité, détails, 1425-1428 dans l’église Santa Maria Novella de Florence, Italie. A Masaccio, The Holy Trinity, detail, 1425-1428 in the Santa Maria Novella church in Florence, Italy. 13 « Je considère même les musiciens que j’aime comme des peintres. » Ja n n i s Ko une llis Cette recherche de la vérité à travers une épuration des moyens et ce combat contre un mode de représentation et de domination culturelle sont caractéristiques du manifeste arte povera et du contexte politico-culturel de l’Italie et du monde de la fin des années soixante. L’impact de la guerre du Vietnam à travers les médias est très présent dans le travail de certains artistes arte povera. Que ce soit avec Mario Merz et son Igloo di Giap en 1968 ou également dans la rhétorique révolutionnaire de Michelangelo Pistoletto avec son œuvre Vietnam de 1965. La place et le rôle du spectateur sont mis en exergue dans le travail de ces artistes et plus particulièrement chez Kounellis. Il cherche à engager, questionner le visiteur vis-à-vis de ses dispositifs formels et picturaux. L’art relève quasiment d’une volonté de transformation sociale. Cette visée est officialisée dans le texte de dissolution du groupe en 1971, qui met en avant l’échec de celui-ci à répondre à la crise sociale contemporaine. Temps et lecture de l’œuvre Même s’il est né et a évolué dans un contexte politique donné, le travail de Kounellis vise une intemporalité propre aux techniques de production de l’ère industrielle et aux inventions formelles dans la représentation artistique depuis la Renaissance, voire l’Antiquité. L’une des figures artistiques qui revient le plus dans son corpus de références est le peintre italien de la Renaissance, Masaccio. Cet artiste a révolutionné la mise en espace des éléments picturaux en appliquant pour la première fois les théories de la perspective géométrique de Brunelleschi à une peinture, La Trinité, v.1425-1428. Cette œuvre, qui représente un Christ en croix, a la particularité de montrer en arrière plan une voûte dont la profondeur est rendue par les règles de la perspective. Kounellis est marqué par les artistes qui transcendent la réalité et leur époque avec des images qui agencent les formes et les signifiants d’une manière nouvelle. L’incrédulité de Saint-Thomas, v. 1603, du Caravage fait partie de ces chefs-d’œuvre qui marquent l’histoire de l’art et la mémoire de Kounellis. Si le sujet de ce tableau reste commun dans la peinture, le traitement qui y est relatif est ce qui frappe déjà le public au début du XVIIe siècle et ce qui reste aujourd’hui comme un jalon historique de la relation de l’œuvre au spectateur. « L’adaptation de l’épisode évangélique est l’occasion pour [Le Caravage] de figurer, presque à la manière d’un art poétique, la pensée du visible que produit cette nouvelle manière du clair-obscur.»2 2. Olivier Cheval in revue Entrelacs, octobre 2013. “I even consider the musicians that I like to be painters.” Ja n n i s Ko une llis 14 Time and reading of the work This search for the truth through a purging of means and resources, combating a mode of representation and cultural domination is characteristic of the manifest arte povera and the political –cultural context of Italy and the world at the end of the sixties era. The impact of the Vietnam war in the media is ever present in the work of some arte povera artists. This is the case with Mario Merz and his “Igloo di Giap” in 1968 or also in the revolutionary rhetoric of Michelangelo Pistoletto with his work “Vietnam”. The place and the role of the spectator are evident in the work of these artists and particularly that of Kounellis. He seeks to engage, question the visitor with regard to his formal and pictorial devices. The art effectively invokes a desire for social transformation. This goal is formalised in the text dissolving the arte povera movement in 1971, which highlights the failure of the group to respond to the contemporary social crisis. One of the artistic figures who is a constant in his corpus of references is the Italian Renaissance painter, Masaccio. This artist revolutionised spatial installation of pictorial elements by applying Brunelleschi’s theories of geometrical perspective to a painting for the first time in “The Trinity”, c.1425-1428. This work, which represents Christ on a cross, is unusual in that it depicts an arch in the background, the depth of which has been rendered using the rules of perspective. Kounellis is influenced by artists who transcend reality and their era with images that arrange and place their forms and meanings in a new way. “The wonder of Saint-Thomas” from The Caravaggio, c. 1603, is part of those masterpieces which punctuate the history of art and of Kounellis’ memory. If the subject of this work is commonplace in painting, the importance of the way it is presented is that which struck the public at the outset of the 17th century and which remains today a historic landmark in the viewer’s relationship with the work. “the adaptation of this episode from the new testament provides an occasion for [Caravaggio] to portray almost in the manner of poetic art, the thought of the visible produced by this new type of chiaro-oscuro.»2 2. Olivier Cheval in review Entrelacs, October 2013. Ko u n e lli s Even though he was born in a specific political context, Kounellis aims at a timelessness proper to the production techniques of the industrial era and to the formal inventions of artistic representation since the Renaissance, or Antiquity. 15 A Léonard de Vinci, L’Homme de Vitruve, vers 1492 A Leonardo da Vinci, Vitruvian Man, circa 1492 A B Jannis Kounellis, Sans titre, 1980. Photo Michelle Coudray B Jannis Kounellis, Untitled, 1980. Photo Michelle Coudray Ja n n i s Ko une llis 16 Ko u n e lli s « Moi, je ne crois pas au dessin. Je ne sais pas ce qu’est le dessin. Quand je songe à un tas de charbon dans l’angle d’un espace, il n’y a pas de dessin. Je ne le fais pas parce que je l’ai dessiné, car ce serait impossible de réaliser un tas de charbon dessiné en raison de son poids et de la façon dont il polarise l’espace. » “Personally I do not believe in drawing. I don’t know what drawing is. When I contemplate a pile of coal in the angle of a space, there is no drawing involved. I don’t do it because i have designed it because it would be impossible to create a pile of coal drawn according to its weight and the way it polarises space.” B Jannis Ko un elli s 17 À l’instar du travail de Kounellis, le tableau du Caravage rapproche le spectateur de l’œuvre et le fait entrer en communion avec le contenu historique et la mémoire collective qui l’habitent. Aux côtés de Picasso et de ses Demoiselles d’Avignon, 1907, de l’Américain Jackson Pollock avec ses All-over paintings, de l’Ulysse, 1922, de Joyce, c’est une manière de concevoir un nouveau système de représentation du monde que célèbre Kounellis avec ses références. « Il vaut mieux imaginer que ne pas imaginer, bien sûr. La peinture au fond est une image. » Jannis Ko un e lli s Un artiste qui a une « vision », telle est la définition du peintre selon Kounellis. Ainsi, peu importe que le support de cette vision soit une toile, un film ou un poème, l’essentiel est que l’œuvre transcende sa technique. Pour cela elle doit s’inscrire dans le temps, avoir un poids certain, être présente physiquement et historiquement. L’image ainsi créée n’a que plus d’épaisseur ; les éléments qui la composent entrent en résonnance et le dialogue établi entre les formes, les objets et les signifiants ouvrent des strates de lecture et d’interprétations infinies. Dans une œuvre comme Da inventare sul posto (À inventer sur place), 1972, la dialectique de la musique, de la danse et de la toile n’est pas univoque. Elle résonne avec le spectateur, la mémoire collective, le contexte culturel et ouvre vers le futur. Mais elle ne peut s’élancer vers l’avenir que parce qu’elle porte en elle une part du passé. « L’image naît et meurt dans le temps d’un tableau, mais la raison profonde de sa mort et de sa renaissance reste toujours l’âme rebelle de l’iconoclaste qui se trouve en chaque artiste qui ne se contente pas du style. » Ja n n i s Ko une llis In Kounellis’ work, this painting brings the viewer closer, creating a connection with the historic content and collective memory with which it is imbued. Alongside Picasso and his “Demoiselles d’Avignon”, the American Jackson Pollock with his “All-over paintings”, or Joyce’s “Ulysses”, it is a way of conceiving a new system for representing the world that Kounellis celebrates with these references. In a work such as “Da inventare sul posto” (“To Invent on the spot”), 1972 the dialectic of music, dance and the canvas is not unequivocal. It resonates with the viewer, the collective memory, the cultural context and works towards the future. But it can only move forward to the future because it carries with it part of the past. “It is better to imagine that not to imagine, of course. Basically, painting is an image.” Ja n n i s Ko une llis “The image lives and dies within the time of a painting but the most profound reason for its death and renaissance is always the rebellious sprit of the iconoclast inside every artist who cannot simply be content with style.” Ja n n i s Ko une llis Ko u n e lli s An artist who has a “vision”, such is the definition of a painter according to Kounellis. Thus, no matter that this vision is portrayed through a canvas, a film or a poem, it is essential that the work transcends its technique. For this it should be recorded in time, have a certain power, and be presented physically and historically. The image thus created gains in breadth; the component elements resonate and the dialogue established between the forms, the objects and the meanings open up infinite strata of meanings and interpretations. 18 19 A A Jannis Kounellis, Da inventare sul posto (À inventer sur place), 1972 à la documenta 5, Cassel. Photo Claudio Abate A Jannis Kounellis, Da inventare sul posto (To Invent on the Spot), 1972 at documenta 5, Kassel. Photo Claudio Abate B Jannis Kounellis, Sans titre, 2003. Académie de France à Rome, Villa Médicis, 2003. Photo Aurelio Amendola B Jannis Kounellis, Untitled, 2003. France Accademia in Roma, Villa Medici, 2003. Photo Aurelio Amendola 20 Ko u n e lli s B 21 « J’ai laissé de côté la toile pour avoir un espace dialectique ouvert. Pour moi cela signifiait aller vers des milliers de découvertes. En termes de liberté, ce geste m’a ouvert un nouveau monde. » Ja n n i s Ko une llis Chacune des œuvres de cet admirateur de Piranèse, mises en espace plutôt que mises en scène dans l’espace réel - Kounellis récuse le terme d’installations -, peut être considérée comme un cérémonial muet, répondant à une situation politique et culturelle donnée. Dans les salons de la Monnaie de Paris, les œuvres de l’artiste se déploient de salle en salle, sous l’œil curieux du visiteur. Le temps du faire de l’artiste décrit par Edmond Couchot3 se confronte avec le temps du voir du spectateur. L’œuvre n’est pas visible dans sa globalité, elle n’est pas instantanément saisissable, elle ne se dévoile qu’à travers un cheminement, ou à une échelle plus réduite, dans la circulation du regard au sein d’un champ de vision. De nouvelles formes et de nouveaux agencements découlent de nouveaux sens, de nouvelles collisions et de nouvelles lectures. Kounellis ne se départit jamais de l’Histoire et du poids qu’elle représente à travers les objets qu’il utilise. La Monnaie de Paris est une entreprise millénaire qui est à la fois une réalité et un symbole. Réalité dans l’actualité de sa production artisanale et industrielle de monnaies courantes et de collection. Symbole dans la mesure où l’institution représente l’état régalien qui frappe la monnaie, et la relation intrinsèque entre art et artisanat dans la production d’une pièce ou d’une médaille. Symbole qui s’est forgé à travers les siècles et l’histoire qui la constitue. Son architecture suffirait à la faire exister, mais ses ouvriers, ses équipes et ses artistes la font vivre. 3. Voir Edmond Couchot, Des images, du temps et des machines dans les arts et la communication, éd. Jacqueline Chambon, Paris, 2007. In the halls of the Paris Mint the artist’s works are deployed from room to room, under the visitor’s curious eye. The artist’s time of doing described by Edmond Couchot3 confronts the viewer’s time of seeing. The work is not visual in its totality, it is not instantly grasped, it is only revealed along the route through the exhibition halls, or on a more reduced scale, as the eye travels round the field of vision. New forms and new arrangements derive from new senses, new clashes and new readings. Kounellis never departs from History and the way in which it has influenced the objects that he uses. The Paris Mint is a millennial enterprise which is in turn both a reality and a symbol. Reality in the modernity of its craftsmanlike product and industrial in the commonplace and collection. A Symbol insofar as the institution represents the regalian state which strikes the coin, and the intrinsic relation between art and craftsmanship in the production of a coin or a medal. A symbol forged across the centuries and their history. Its architecture would suffice for it to exist but its workers and staff and its artists bring it alive. 3. See Edmond Couchot, Des images, du temps et des machines dans les arts et la communication, ed. Jacqueline Chambon, Paris, 2007. Jannis Ko un e lli s 22 Ko u n e lli s Each of the works of this admirer of Piranèse, placed in space rather than staged in real space - Kounellis rejects the term installations – can be considered as a mute ceremony in response to a given political and cultural situation. “I have put aside the canvas in order to have an open dialectic space. For me this means moving towards innumerable new discoveries. In terms of freedom this action has opened up a new world for me.” 23 A A Jannis Kounellis, Sans titre, 1969 à la galerie Iolas, Paris. Photo Claudio Abate A Jannis Kounellis, Untitled, 1969 at Iolas Gallery, Paris. Photo Claudio Abate « Le projet d’ajournement a pour but de prendre en compte toutes les données possibles : rien n’est détruit, rien n’est écarté. » Ja n n i s Ko une llis “The project of postponement is aimed at taking in account every possible data: nothing is destroyed, nothing is ruled out.” B Jannis Kounellis, Sans titre, 1970 à Montepulciano. Photo Claudio Abate B Jannis Kounellis, Untitled, 1970 at Montepulciano. Photo Claudio Abate 24 Ko u n e lli s Ja n n i s Ko une llis B 25 Programme public Un programme d’exception est réalisé avec RAM et la complicité d’Etel Adnan autour de rencontres poétiques et musicales. Le 17 mars à 19h, Les poètes se répondent avec Etel Adnan et Hannah Schygulla, Eugénie Paultre et Vincent Broqua, Sabine Macher et Stéphane Bouquet. Le 28 avril à 19h, Five Senses for One Death, avec Etel Adnan et Gavin Bryars. Poète, romancière et artiste visuelle américano-libanaise, Etel Adnan est née en 1925 à Beyrouth. Ses livres comme L’Apocalypse arabe, Paris mis à nu, Au cœur du cœur d’un autre pays et Là-bas ainsi que ses poèmes sur la guerre civile libanaise font d’elle l’une des voix les plus importantes du féminisme et du Mouvement pour la Paix. Ses peintures, dessins et films Super 8 ont fait l’objet de nombreuses expositions internationales. La web-radio RAM - Radio Arte Mobile diffuse en continu un programme riche de créations, d’enregistrements sonores et d’archives radiophoniques historiques sur Vito Acconci, Dan Graham, Margherita Hack, Bruno Latour, Yoko Ono, Roman Opalka, Susan Philipsz, etc. Les visiteurs de la Monnaie de Paris peuvent également écouter ces enregistrements grâce au dispositif de Didier Faustino, Instrument for Blank Architecture, 2010 disposé dans la billetterie. Artiste et architecte français, Didier Faustino travaille sur la relation entre corps et espace. Son approche est multiforme, allant de l’installation à l’expérimentation, de la création d’œuvres plastiques subversives à celle d’espaces propices à l’exacerbation des sens. « Comme la poésie, l’art naît d’un manque et c’est pour cela également une vision. Naturellement le langage qui naît avec l’artiste est engagé et représente la réalité historique. » Jannis Ko un elli s A A Didier Faustino, Instrument for Blank Architecture, 2010 A Didier Faustino, Instrument for Blank Architecture, 2010 Public program 26 An exceptional public program is conceived in collaboration with RAM and the compllicity of Etel Adnan around poetic and musical events. On April 28 at 7pm, Five Senses for One Death, with Etel adnan and Gavin Bryars. Jan n is Ko unellis Etel Adnan is a poet, novelist and visual artist born in 1925 in Beirut, Lebanon. Her books like The Arab Apocalypse, Paris, When It’s Naked, The Heart of the Heart of Another Country and There: In the Light and the Darkness of the Self and the Other and her poems on the Lebanese civil war made her one of the most important voices of feminism and the Movement for Peace. Her paintings, drawings and Super 8 films were the subject of many international exhibitions. B Didier Faustino, Instrument for Blank Architecture, 2010 B Didier Faustino, Instrument for Blank Architecture, 2010 Web-radio RAM - Radio Arte Mobile continuously broadcasts a rich program of historical sound creations, recordings and radio archives about Vito Acconci, Dan Graham, Margherita Hack, Bruno Latour, Yoko Ono, Roman Opalka, Susan Philipsz, etc. Monnaie de Paris’ visitors also have the opportunity to listen to these recordings with Didier Faustino’s on site display in the ticket office, Instrument for Blank Architecture, 2010. B French artist and architect Didier Faustino artworks focus on the relationship between body and space. His approach is multifaceted, ranging from installation to experimentation, creating subversive works and site-specific installations that intensify the visitors’ senses. Ko u n e lli s On March 17 at 7pm, The Poets Talk to Each Other, with Etel Adnan and Hannah Schygulla, Eugénie Paultre and Vincent Broqua, Sabine Macher and Stéphane Bouquet. “Just like poetry, art emerges from something that is missing and it is a vision in this sense. Naturally, language that rises up with the artist is engaged and represents the historical reality.” INFORMATIONS PRATIQUES PRACTICAL INFORMATION Monnaie de Paris 11, Quai de Conti 75006 Paris Horaires d’ouverture de l’exposition Tous les jours, 11h – 19h. Jeudi jusqu’à 22h Monnaie de Paris 11, Quai de Conti 75006 Paris Exhibition opening hours: Every day, 11am – 7pm. Thursday until 10pm Nocturnes Etudiantes Entrée gratuite pour tous les étudiants Les jeudis à partir de 19h Student Nights Free entrance for all students Thursdays from 7pm Librairie Flammarion - Monnaie de Paris 11, Quai de Conti 75006 Paris Tous les jours, 11h – 19h Jeudi jusqu’à 22h Bookshop Flammarion - Monnaie de Paris 11, Quai de Conti 75006 Paris Every day, 11am – 7pm. Thursday until 10pm Boutique Monnaie de Paris 2, rue Guénégaud 75006 Paris Du lundi au samedi, 11h – 19h Monnaie de Paris Store 2, rue Guénégaud 75006 Paris From Monday to Saturday, 11am – 7pm L’exposition est accompagnée de la publication conçue par la Monnaie de Paris et publiée par Hatje Cantz ainsi qu’une médaille d’artiste. A book is published by Monnaie de Paris and Hatje Cantz to accompany the exhibition as well as an artist’s medal. PUBLICS Les médiateurs de l’équipe Monnaie d’échange vous accueillent tous les jours dans l’exposition. Retrouvez toute la programmation, le détail des visites et des ateliers sur www.monnaiedeparis.fr. Réservation : [email protected] Information : [email protected] Tel : 01 40 46 57 57 PUBLICS Cultural mediators from Monnaie d’échange team welcome you every day in the exhibition. Further information about public programs, tours and workshops on www.monnaiedeparis.fr. Reservation : [email protected] Information : [email protected] Tel: +33 (0)1 40 46 57 57 RETROUVEZ-NOUS SUR facebook.com/monnaiedeparis twitter.com/monnaiedeparis monnaiedeparis.tumblr.com youtube.com/monnaiedeparis flickr.com/people/monnaiedeparis dailymotion.com/monnaiedeparis FIND US ON facebook.com/monnaiedeparis twitter.com/monnaiedeparis monnaiedeparis.tumblr.com youtube.com/monnaiedeparis flickr.com/people/monnaiedeparis dailymotion.com/monnaiedeparis PRESSE Guillaume Robic, Directeur de la Communication [email protected] tel : 01 40 46 58 18 Avril Boisneault, Claudine Colin Communication [email protected] / tel : 01 42 72 60 01 PRESS Guillaume Robic, Communication Director [email protected] tel: +33 (0)1 40 46 58 18 Avril Boisneault, Claudine Colin Communication [email protected] / tel: +33 (0)1 42 72 60 01 APPROFONDISSEZ VOTRE VISITE AVEC NOTRE APPLICATION MULTIMÉDIA MONNAIE.PARIS/APP ENHANCE YOUR VISIT WITH OUR MULTIMEDIA APP MONNAIE.PARIS/APP