rapportant - Global Witness

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rapportant - Global Witness
Programme de réformes proposé
dans le secteur des ressources naturelles
de la République démocratique du Congo
Mars 2012
La Constitution congolaise stipule :
« Tous les Congolais ont le droit de jouir des richesses nationales.
L’État a le devoir d’en faciliter la jouissance. »
Ce droit constitutionnel fondamental dont bénéficie la population congolaise – à savoir le
droit de jouir en toute équité de la richesse naturelle du pays – devrait constituer la priorité
du nouveau gouvernement congolais et de son Président réélu, Joseph Kabila. D’après le
classement établi par les Nations Unies, la République démocratique du Congo (RDC) est
à l’heure actuelle le pays le moins développé du monde, un enfant sur cinq y mourant
avant d’avoir atteint son cinquième anniversaire. Certaines régions du pays les plus riches
en ressources naturelles sont également les plus défavorisées, manquant de services de
santé et d’éducation de base.
À l’heure où les nouveaux députés et responsables du gouvernement congolais entament
leur mandat, ils devraient prouver leur engagement envers le respect du droit congolais
applicable aux ressources naturelles. De pauvres dispositifs d’applications des lois mêlés
à une justice inadéquate font partie des principales raisons permettant d’expliquer
pourquoi les gains possibles des ressources ne se matérialisent pas. Quiconque
recherche un enrichissement personnel aux dépens de l’État et de la population ne risque
en effet guère d’être confronté à des mesures dissuasives ou de devoir subir les
conséquences de ses actes.
La transparence des différents éléments touchant au commerce des minerais, du pétrole
et du bois devrait être garantie afin que les agents puissent être tenus de rendre compte
du rôle qu’ils jouent dans la gestion des ressources du pays. Les autorités ont récemment
pris des initiatives encourageantes, dont la publication de dizaines de contrats miniers et
l’approbation de mesures visant à empêcher les groupes armés de profiter du commerce
de minerais. L’une des mesures clés qui permettrait d’améliorer la transparence du
secteur des ressources devrait consister pour le gouvernement à présenter les
documents comptables pertinents se rapportant à l’ensemble des compensations
financières et paiements en nature versés au titre des contrats conclus dans le secteur de
l’exploitation des ressources naturelles, y compris le montant des taxes et des primes de
signature. Toutes ces informations devraient être tenues à la disposition du public.
Ce document, qui présente des propositions de réformes dédiées aux ressources
naturelles de la RDC, couvre les trois principaux secteurs d’exploitation : les minerais, les
hydrocarbures et les forêts. En mettant ces réformes en œuvre, le nouveau
gouvernement montrerait indéniablement qu’il s’engage à faire bénéficier la population
congolaise de la richesse naturelle du pays.
TRANSPARENCE DANS LE SECTEUR MINIER ET DES HYDROCARBURES
Au cours du dernier mandat présidentiel, les pouvoirs publics congolais ont cédé des
actifs miniers à des entreprises opaques immatriculées dans les paradis fiscaux. En
particulier, les compagnies minières d’État que sont la Gécamines et la Sodimico ont
vendu des participations dans quatre sites miniers majeurs sans publier d’informations sur
ces transactions.
Ces contrats soulèvent de vives préoccupations, notamment pour les raisons suivantes :
- Ils ont été conclus dans le secret et n’ont pas été divulgués publiquement ;
- Certains actifs ont été vendus à un prix très inférieur à la plupart des estimations
commerciales ;
- Les entreprises qui ont bénéficié de ces contrats étaient basées dans des paradis
fiscaux offshore et ont ainsi pu dissimuler l’identité de leurs véritables propriétaires;
- Les compagnies minières d’État qui ont réalisé ces ventes et les organes
gouvernementaux pertinents n’ont publié pratiquement aucune information se
rapportant aux états financiers. Il est donc impossible de savoir ce qui est advenu des
sommes officiellement perçues au titre des ventes.
Dans un tel contexte, le risque de détournement de fonds et de pertes de revenus
significatives pour le pays est préoccupant.
Les
pouvoirs
publics
congolais
doivent
proscrire
les
pourparlers
secrets
avec des
entreprises
opaques
Les pouvoirs publics congolais doivent proscrire les pourparlers secrets avec des
entreprises opaques. Le principe fondamental de transparence permet aux citoyens de
savoir exactement comment est gérée la richesse naturelle de leur pays et peut ainsi
contribuer à renforcer leur confiance envers les actions du gouvernement.
Par ailleurs, une révision du Code minier de 2002 est prévue pour cette année et la loi sur
les hydrocarbures devrait quant à elle être adoptée par le Parlement. Ces deux lois
doivent veiller à ce que les ressources naturelles contribuent le plus possible au
développement du pays, tout en empêchant d’exposer la population aux risques
potentiels associés au commerce et à l’exploitation de ces ressources. Des mesures
légales devraient inclure des garanties solides en matière de transparence et d’obligation
de rendre des comptes. Plus spécifiquement, le public a besoin de connaître les données
de production et des ventes, ainsi que les modalités contractuelles, afin de pouvoir vérifier
que le secteur est géré correctement et que l’État perçoit les recettes qui lui reviennent.
Recommandations
Le
gouvernement se
doit d’agir
avec transparence et
dans le
strict
respect des
règles en
vigueur.
À tous les niveaux de sa gestion des ressources naturelles, depuis l’adoption des textes
de lois jusqu’à l’attribution des droits, le gouvernement se doit d’agir avec transparence et
dans le strict respect des règles en vigueur. Le nouveau gouvernement de la RDC devrait:
-
Faire des processus d’appels d’offres ouverts et compétitifs la norme en matière
d’attribution de ressources naturelles.
-
Publier les évaluations, réalisées par des experts indépendants, des actifs naturels
devant être vendus par l’État.
-
Publier tous les contrats relatifs aux ressources naturelles, comme l’exige un décret
promulgué en mai 2011.
-
Rendre publique l’identité des propriétaires effectifs ou « réels » des entreprises
consentant des investissements.
-
Mettre en œuvre le principe de « compétence de l’acheteur », autrement dit empêcher
les personnes physiques et les entreprises d’investir si elles ne peuvent démontrer
leur capacité à réaliser les travaux correctement.
-
Empêcher les personnes physiques et les entreprises d’investir si elles ont par le
passé commis une fraude fiscale, des atteintes aux droits de l’homme, des actes de
corruption ou tout autre acte criminel.
-
Mettre en place des codes régissant l’exploitation minière et des hydrocarbures qui
confèrent une base juridique claire propice aux points énumérés ci-dessus et à la
publication des informations sur les revenus conformément à l’Initiative pour la
transparence dans les industries extractives.
INSTAURER UN COMMERCE DE MINERAIS LIBRE DE CONFLIT DANS LES KIVUS
Des
groupes
armés et
des
membres
de l’armée
congolaise
continuent
de profiter
de la vaste
richesse
naturelle de
la région
Dans certaines zones de l’est de la RDC, des groupes armés et des membres de l’armée
congolaise continuent de profiter de la vaste richesse naturelle de la région en
s’impliquant de manière illicite dans l’exploitation et le commerce des minerais.
Le précédent gouvernement congolais a pris plusieurs mesures significatives pour venir à
bout du commerce des minerais du conflit, notamment en adoptant une directive au titre
de laquelle les compagnies minières et les entreprises de négoce de minerais opérant en
RDC sont tenues de soumettre leurs chaînes d’approvisionnement à certains contrôles,
conformément aux normes internationales. Par ailleurs, la restructuration de l’armée
congolaise dans les provinces du Nord- et du Sud-Kivu entreprise parallèlement à
l’interdiction minière décrétée par le Président a permis d’instaurer un commerce libre de
conflit dans certaines parties des Kivus.
Les efforts ainsi consentis par le gouvernement congolais sont extrêmement
encourageants. Il reste toutefois encore beaucoup à accomplir, surtout pour venir à bout
de l’impunité persistante des commandants de l’armée congolaise. En effet, d’après les
informations recueillies au cours de l’année passée par Global Witness, les Nations Unies
et d’autres entités, des officiers supérieurs issus de l’ancien groupe rebelle du CNDP ont
renforcé le contrôle qu’ils exercent sur les opérations minières et la contrebande. Parmi
ces officiers de l’ex-CNDP figure Bosco Ntaganda, inculpé par la Cour pénale
internationale. Cette accumulation illicite de richesse et de pouvoir par d’anciens rebelles
mal intégrés constitue une réelle menace pour la stabilité de la région et les droits de
l’homme de la population congolaise. Il s’agit également de l’entrave la plus sérieuse à
l’instauration d’un commerce de minerais « propre » pouvant bénéficier aux Kivus et au
pays tout entier.
Recommandations
-
-
-
Tenir les engagements pris concernant le retrait de l’armée congolaise dans les sites
miniers, et veiller à ce qu’aucun membre de l’armée ne recoure à des intermédiaires
civils pour représenter ses intérêts dans le secteur minier.
Poursuivre en justice les membres de l’armée congolaise impliqués dans la
contrebande de minerais, notamment les officiers supérieurs de l’ex-CNDP.
Observer et imposer la mise en œuvre de la directive adoptée en septembre 2011 qui
contraint les entreprises opérant en RDC à respecter les normes de diligence
raisonnable de l’OCDE.
Coopérer avec les partenaires donateurs internationaux et les entreprises afin que soit
traitée de manière prioritaire l’instauration d’un commerce de minerais « propre »
provenant de régions minières clés comme Bisié au Nord-Kivu.
Créer des Zones d’exploitation artisanale dans les Kivus afin de fournir une base
juridique aux opérations minières existantes.
MAINTENIR LE MORATOIRE SUR L’ATTRIBUTION DE NOUVELLES CONCESSIONS
D’EXPLOITATION FORESTIERE
Les informations sur
le
commerce
du bois
devraient
être
totalement
transparentes
Le processus consistant à réviser les anciens titres forestiers en RDC et à les mettre en
conformité avec le Code forestier promulgué en 2001 touche à sa fin. Il a entraîné la
conversion en « concessions » forestières d’environ la moitié des titres forestiers du pays,
l’autre moitié ayant été résiliée. La conclusion de ce processus est susceptible de
provoquer d’importantes pressions visant à la levée du moratoire sur l’attribution de
nouveaux contrats d’exploitation forestière, entré en vigueur en 2002 et reconduit en
2005.
Global Witness estime que la levée du moratoire constituerait à l’heure actuelle une grave
erreur. Non seulement plusieurs éléments indiquent que le processus de conversion a été
déficient à de très nombreux égards mais, d’une manière plus générale, il ne fait
également aucun doute que l’exploitation forestière industrielle en RDC n’a pour l’instant
que très peu contribué au développement et à la création d’emplois. Le secteur a par
ailleurs généré un nombre croissant de conflits violents impliquant les compagnies
forestières et les communautés affectées par cette activité.
Il est encore trop tôt pour évaluer la réussite des cahiers des charges que les compagnies
forestières sont tenues de par la loi de signer avec les communautés affectées par leurs
opérations. Il convient toutefois de noter que de nombreuses communautés locales
n’étaient pas suffisamment bien préparées aux négociations, lesquelles semblent avoir
été conclues à la hâte afin que le processus de conversion puisse être finalisé.
La part de l’exploitation forestière industrielle dans le budget national reste faible par
rapport à la quantité de bois exportée – d’après les chiffres officiels, quelque 1,2 million de
dollars ont été perçus par l’ensemble du secteur, à la fois industriel et artisanal, au cours
du premier trimestre 2011. Il n’existe toujours pas de système qui permette de superviser
et de contrôler les différentes étapes des opérations. La Direction de Contrôle et
Vérification Interne, qui est chargée de surveiller les concessions forestières, ne dispose
pas de capacités suffisantes sur le terrain pour remplir son rôle actuel, encore moins de
couvrir de nouvelles concessions.
Recommandations
Avant que le gouvernement ne puisse envisager de lever le moratoire sur l’attribution de
nouveaux contrats d’exploitation forestière, Global Witness demande la mise en œuvre
d’une réforme en cinq volets :
a) Une évaluation indépendante des éléments suivants : le processus de validation des
contrats de concession nouvellement signés, notamment les plans de gestion ; la manière
dont les négociations relatives aux cahiers des charges ont été conduites ; et le respect
des dispositions légales pertinentes lors de l’attribution de concessions.
b) L’instauration d’un processus de zonage foncier participatif et rigoureux s’appuyant sur
l’identification de l’utilisation coutumière et quotidienne de la forêt par les communautés
locales, les populations indigènes et d’autres acteurs.
c) L’harmonisation des politiques et réglementations qui s’appliquent aux différents
secteurs ayant une incidence sur les forêts, en mettant l’accent sur leur préservation, les
droits préférentiels des usagers de la forêt et la tenure foncière des communautés et des
populations indigènes.
d) La signature immédiate de réglementations sur l’exploitation forestière communautaire
afin de veiller à ce que les communautés bénéficient d’un droit statutaire pour gérer leurs
propres forêts.
e) La publication des titres forestiers et des contrats de concession, y compris les détails
concernant l’identité des propriétaires des compagnies forestières, ainsi que des
documents supplémentaires tels que les clauses sociales et les cahiers des charges
connexes, les plans de gestion, les permis annuels de coupe du bois et toutes les cartes
pertinentes.