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JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende Doodsbed van mijn moeder Ma Mère morte 1915 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende La mère de James Ensor reposant sur son lit de mort. Il s’agit d’un portrait représentant un corps rongé par la maladie et la vieillesse, la bouche ouverte, un profil de rapace et les mains jointes dont la peau recouvre à peine les os. Le lit de la défunte est repoussé à l’arrière-plan, tandis que le devant de la scène est occupé par une nature morte de fioles et flacons de médicaments. Une image sainte trône sur une armoire baroque. Les remèdes et l’image sainte symbolisent le combat (perdu) de la médecine et de la religion contre la mort. La mère d’Ensor, Marie Louise Catherine Haegheman, fut longtemps la femme forte de la famille. Elle avait repris le commerce de ses parents, qu’elle continua à tenir sous son propre nom. La famille possédait plusieurs magasins à Ostende et Blankenberge, dans lesquels ils faisaient commerce de faïence, porcelaine, coquillages, fleurs parfumées, vases chinois, coraux de Naples, bijoux d’Alger, de Tunis et de Constantinople. Elle entretenait des rapports commerciaux avec Singapour, Hong-Kong, Matanzas et Nassau. Durant la belle saison, la tante et la mère d’Ensor travaillaient très dur. L’hiver, une fois la cité balnéaire désertée, elles pouvaient se laisser aller à une douce torpeur. Ensor relata dans un discours que sa mère et sa tante Mimi lui avaient offert leur soutien financier lors de ses années de vache maigre. Sa mère était âgée de quatre-vingts ans lorsqu’elle mourut, le 8 mars 1915, après une longue agonie. Ensor avait alors cinquante-cinq ans. Ensor dessina sa mère au moins à quatre reprises et la peignit deux fois dans les heures et les jours qui suivirent sa mort, du 8 au 11 mars. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende Gezicht op de Van Iseghemlaan Vue du Boulevard Van Iseghem 1906 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende La famille Ensor emménagea en 1876 dans un tout nouvel immeuble au coin de la rue de Flandre et du boulevard Van Iseghem. Il s’agissait d’un imposant bâtiment neuf comprenant un magasin au rez-dechaussée et plusieurs étages avec des chambres d’hôtes. James, alors âgé de seize ans, reçut la permission d’aménager le grenier en atelier. Dans cette petite mansarde, nichée au-dessus des rues, Ensor peignit sans relâche les toits de la rue de Flandre et du boulevard Van Iseghem – sous le soleil, la pluie et la neige. Il en fit son poste d’observation, d’où il jouissait d’une vue panoramique sur les toits et les clochers d’Ostende, la campagne au loin, les rues animées. Il passa de longues heures reclus dans son atelier, concentré sur ses peintures, gravures et dessins, qu’il enchaînait à une cadence effrénée. Willy Finch utilisa lui aussi un temps cet atelier. En suivant le fil de son œuvre, on peut assister à l’évolution des lieux : de l’ancien quartier de caserne, avec ses écuries royales désaffectées, au centre mondain gravitant autour du complexe théâtral dessiné par Alban Chambon. Dans cette œuvre de 1906, Ostende la « Reine des plages » vit son heure de gloire. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende Stilleven met boek over Jean Teugels Nature morte au livre de Jean Teugels Avril 1938 Huile sur panneau Collection du Mu.ZEE, Ostende Les natures mortes de James Ensor ressemblent souvent aux étalages du magasin de sa mère, avec ses éventails, coquillages exotiques, masques, marionnettes, théières et vases chinois et coréens. Ces « chinoiseries », comme Ensor les appelait, étaient très prisées par les touristes d’Ostende. Sa mère commandait tous ces articles pour la boutique, notamment auprès du célèbre Siegfried (alias Samuel) Bing. Sur ses natures mortes plus récentes, on retrouve généralement les fleurs que sa fidèle amie Augusta Boogaerts lui apportait. Elle l’aidait souvent à composer ses natures mortes. Ensor privilégiait la simplicité dans ces compositions, ce qui lui permettait de se consacrer exclusivement aux jeux de lumière sur les objets et au rendu des couleurs. Jean Teugels, magistrat de Furnes, fit imprimer en 1931 ses Variations sur James Ensor par l’imprimerie Le Carillon. Cet ouvrage a été immortalisé dans cette huile sur panneau. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende Ensor en Leman in gesprek over de schilderkunst Ensor et Leman discutant peinture 1890 Huile sur panneau Collection du Mu.ZEE, Ostende Dans Ensor et Leman discutant peinture, le peintre s’est représenté comme un adversaire du général Leman, qui le menace avec un canon miniature. Ensor riposte avec un pinceau terminé par un plumeau. Ensor caricaturait souvent ses amis et ennemis dans ses esquisses et dessins. De là à conclure qu’il s’agissait d’un exutoire de ses frustrations personnelles et angoisses existentielles… JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende Gezicht op Mariakerke Vue de Mariakerke 1901 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende Depuis les dunes, l’artiste observe le paisible village de pêcheurs de Mariakerke et les polders en toile de fond. Cet endroit, avec son église médiévale juste derrière le rideau de dunes encore sauvages, était très cher aux promeneurs et aux artistes. Cette toile a quelque chose d’étrange. Ensor s’est inspiré de sa gravure Grande vue de Mariakerke, raison pour laquelle cette œuvre reproduit la réalité, à l’image des épreuves de la gravure, en image spéculaire. Il existe une version plus ancienne de cette toile, datée de 1896. Dans cette œuvre, la perspective est légèrement surélevée, de manière à élargir la vue sur l’arrière-pays, et le rendu topographique est exact. Ensor a été inhumé en 1949 au cimetière de l’église Onze-Lieve-Vrouwe que l’on peut voir sur cette toile. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende Na de storm Grote marine – zonsondergang Après l’orage 1880 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende Grande marine – Coucher de soleil 1885 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende Après l’orage est l’une des premières toiles peintes par l’artiste après ses études à l’Académie. Il s’agit d’une vision impressionniste de la mer, au moment où le soleil revient après un orage matinal. Le retour du soleil colore les nuages de rose et l’on aperçoit un fragment d’arc-en-ciel, un phénomène que l’on ne peut observer que le matin en mer du Nord. Grande marine – Coucher de soleil est une vision impressionniste de la mer, au moment où le soleil se couche et colore la mer et les nuages de rouge. Ensor montre ici une sensibilité extrême pour les effets de lumière. C’est l’une de ses plus grandes toiles, en termes de format. En mai 1880, James Ensor quitte définitivement l’Académie des beaux-arts de Bruxelles. De retour à Ostende, il travaille assidûment dans son atelier sous les combles de la maison parentale, au coin du boulevard Van Iseghem et de la rue de Flandre. La maison se situait le long du canal urbain comblé, à cinquante mètres de la digue. Ensor connaissait donc très bien la mer et ses innombrables jeux de lumière et de couleurs avec le soleil, les nuages, la brume et le vent. Ensor n’a peint intensivement des marines que de 1880 à 1885. Il a réalisé tous les dessins et peintures de cette période en tant que pleinairiste convaincu, sur la plage ou dans les dunes. Munis de leur matériel, dont une boîte remplie de tubes de couleurs industrielles, des artistes de tout le pays prenaient le train pour se livrer au pleinairisme à la Côte et étudier les étendues de mer infinies. Suite à ce phénomène, les artistes se mirent a accorder bien plus d’importance à la lumière et à la couleur. Ensor tenta lui aussi l’expérience subjective de peindre la réalité, à grand renfort de couteau à palette. Pour Grande marine – Coucher de soleil il a privilégié des traits de pinceau fins et allongés. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende Zelfportret met bloemenhoed « La beauté, sans doute, ne fait pas les révolutions. Mais un jour vient où les révolutions ont besoin d'elle. Sa règle qui conteste le réel en même temps qu'elle lui donne son unité est aussi celle de la révolte. » Autoportrait au chapeau fleuri 1883 - 1888 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende Albert Camus Cet autoportrait, réalisé en 1883, fait partie de la série d’autoportraits entamée par l’artiste dès 1879. Ensor, qui a pris de la bouteille, porte la barbe et la moustache. Initialement, il s’agissait d’un portrait « normal ». En 1888, il l’a retravaillé en ajoutant un feutre fleuri, quelques traits ascendants au niveau de la moustache et les quatre arcs de cercle. Ce n’est qu’au début des années 1960 que l’on découvrit qu’Ensor avait retravaillé, de 1886 à 1891, toute une série de dessins et de peintures datant du début de sa carrière, dont l’Autoportrait au chapeau fleuri, en y ajoutant des motifs démoniaques et carnavalesques. Lorsque l’on examine l’œuvre de plus près, on aperçoit en effet immédiatement la différence en termes de technique d’exécution entre le portrait même et les ajouts. Les avis divergent sur les arcs de cercle. D’aucuns avancent qu’ils renvoient au célèbre autoportrait de Rubens, exposé au Kunsthistorisches Museum de Vienne, dont Ensor avait vu des reproductions. L’allusion à Rubens peut être mise en relation avec la grande prise d’auto-conscience de l’artiste, qui se présente ici comme un Rubens du dix-neuvième siècle. D’autres voient dans ces fragments circulaires la suggestion d’un miroir ou un renvoi aux portraits baroques anglais, dans lesquels les arcs de cercle constituent une espèce de médaillon en trompe-l’oeil, derrière lequel apparaît le sujet du portrait. « Tout l’art est autobiographique. La perle est l’autobiographie de l’huître. » Federico Fellini JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende De baden van Ostende Les bains à Ostende 1891 Encre de Chine sur papier Collection du Mu.ZEE, Ostende Ce dessin à l’encre doit son existence à une étude à l’huile, à la craie et au crayon de couleur sur panneau de 1890. Sur le même thème, il existe également une eau-forte qui reproduit ce dessin à l’encre mais, curieusement, pas en image spéculaire. Ensor a croqué dans un style ludique une journée estivale animée à Ostende. Les cabines sont tractées sur la plage par des chevaux, pour permettre aux baigneurs d’accéder directement à la mer sans devoir marcher sur le sable ou dans l’eau à marée basse. Au-dessus des cabines de plage, des curieux scrutent à la longue-vue les grâces féminines évoluant dans l’eau. Les nombreux baigneurs, représentés seuls ou par paires, offrent un spectacle grotesque. Le beau monde et quelques excursionnistes se joignent aux curieux : un pasteur et un officier, des citadins, des étrangers, des hommes et des femmes. On reconnaît le général Leman, Eugène Demolder et Mariette Rousseau, cette scène constituant également un extrait de l’autobiographie d’Ensor. Un photographe a hissé son trépied sur le toit d’une cabine de plage et disparaît sous le tissu noir. En haut à gauche, on aperçoit le Chalet royal et l’hippodrome Wellington. À travers cette œuvre, Ensor critique les classes sociales, ainsi que la pudibonderie qui régnait à l’époque. Elle aurait été refusée en 1895 ou 1898 à un salon de La Libre Esthétique. Lorsque James Ensor s’en plaignit à Léopold II, Octave Maus fut contraint de l’exposer en bonne et due place – si l’on en croit les propres dires d’Ensor dans son ouvrage Les Écrits. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende De kathedraal La Cathédrale 1886 Eau-forte sur papier japonais Collection du Mu.ZEE, Ostende La Cathédrale est généralement considérée comme l’une des gravures majeures de l’œuvre graphique d’Ensor. C’est l’une des plus prisées. Il s’agit d’un exemple prématuré du thème de la foule traité par Ensor, qui atteindra son apogée dans L’Entrée du Christ à Bruxelles. Pour l’édifice religieux gothique, Ensor s’est inspiré d’une image du dôme d’Aix-la-Chapelle. Pour les deux clochers, il s’est basé sur (une image d’) une autre église, pas encore identifiée à ce jour. Il semble être question d’une fête, d’un cortège ou d’une procession. Mais la signification est difficile à percevoir. Ensor faisait-il allusion à l’Église en tant qu’institution dominant la société de son époque ? Ou s’agit-il plus simplement d’une vision fantasmagorique autour des splendeurs de l’architecture gothique ? En 1896, il réalisa une deuxième version de cette gravure à succès, qu’un œil inaverti aurait du mal à distinguer de la première. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende Duivels rossen de engelen en aartsengelen af Diables rossant anges et archanges 1888 Eau-forte coloriée à l’aquarelle sur papier hollandais Collection du Mu.ZEE, Ostende Les Diables rossant anges et archanges, qui met en scène des démons comiques, monstres et masques sarcastiques, reproduit l’esprit des œuvres de Jérôme Bosch et Bruegel. Ensor ne s’est mis à la gravure qu’en 1886, deux ans avant de créer cette eau-forte. C’est sa fidèle amie Mariette Rousseau qui l’y encouragea. L’année 1888 représenta son « sacre » graphique, avec pas moins de 45 gravures signées de sa main. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende De pisser Le Pisseur 1887 Eau-forte sur papier japonais Collection du Mu.ZEE, Ostende « L’imagination de notre époque doit être employée à inspirer des faits, la science et le quotidien, à les couvrir de l’éclat, de gloire et du lustre propres à toute chose réelle, et uniquement aux choses réelles. Sans cette ferveur essentielle - que les poètes et autres artistes sont les seuls à pouvoir montrer – la réalité serait incomplète et la science, la démocratie et la vie seraient définitivement vaines. » Walt Whitman Cette eau-forte, sur laquelle l’on peut voir la célèbre inscription « Ensor est un fou », représente un homme en train d’uriner. Une scène récurrente dans le paysage urbain ostendais de l’époque, la pudeur ne faisant alors pas vraiment partie des mœurs de certaines classes sociales. Ensor montrait un intérêt marqué pour le petit peuple. Avec son ami Willy Finch, il réalisa de nombreux fusains de personnages emblématiques de la communauté des pêcheurs d’Ostende. Comme dans toute ville ou village à l’époque, les pauvres, sans abri, individus excentriques, mendiants et parias étaient légion. Il était d’ailleurs interdit aux mendiants de se poster le long de l’accès à l’estacade, pour éviter qu’ils ne gênent les promeneurs. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende De intocht van Christus in Brussel L’Entrée du Christ à Bruxelles 1898 Eau-forte coloriée sur papier Collection du Mu.ZEE, Ostende Cette eau-forte rappelle, sous forme d’image spéculaire et à quelques modifications près, la toile L’Entrée du Christ à Bruxelles peinte en 1888-1889. Cette dernière constitue une œuvre-clé dans l’histoire de l’art occidental du dix-neuvième siècle et LE manifeste pictural d’Ensor. Elle eut pourtant peu d’influence sur l’histoire de l’art. Seuls quelques visiteurs privilégiés de l’atelier d’Ensor eurent l’occasion de l’admirer de près, avant sa toute première exposition publique lors de la rétrospective consacrée à Ensor au Palais des beaux-arts de Bruxelles en 1929. L’œuvre regorge d’allégories et d’allusions à la politique belge, à la littérature, à des personnes avec lesquelles il avait maille à partir et à la société envers laquelle il se montrait critique. Le Christ au centre de l’œuvre, en plein milieu et pourtant assez insignifiant, c’est Ensor lui-même. Ensor se sentait précisément comme le Christ, humilié et bafoué, et se voyait comme le Messie de l’art moderne. Il exécute ici une entrée triomphante à Bruxelles, l’eldorado de l’art belge et de la critique d’art. Sur un balcon, quelques membres du mouvement artistique Les XX sont verts de rage et de jalousie. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende De wraak van Hop-Frog 1898 La vengeance de Hop-Frog Eau-forte coloriée sur papier japonais Collection du Mu.ZEE, Ostende Cette gravure illustre le point d’orgue de l’histoire de Hop-Frog, de l’écrivain américain Edgar Allan Poe. Ensor s’est souvent inspiré de l’œuvre du célèbre auteur, connu pour ses intrigues policières et son penchant pour l’horreur, narrée avec humour. Ensor possédait un recueil des Histoires extraordinaires de Poe. Il a notamment revisité les ouvrages Le Roi peste et Hop-Frog. L’eau-forte Hop-Frog représente la scène dans laquelle un hideux bouffon se venge d’une manière atroce du roi et de ses sept ministres. Le rusé parvient à suspendre à une chaîne ces derniers, travestis en singes et recouverts de goudron, dans la salle des fêtes du palais et à y mettre le feu. L’assemblée ne semble pas particulièrement touchée à la vue de ce lustre de chair humaine en train de se consumer. En 1885, Ensor avait déjà réalisé une lithographie sur le même thème. L’eau-forte – l’une des plus célèbres de son œuvre – en est la fidèle copie en image spéculaire. En 1896, Ensor a également peint un tableau sur ce sujet. Émile Verhaeren, grand ami d’Ensor, décrit dans son étude sur Ensor l’importance d’Edgar Allan Poe comme source d’inspiration de son œuvre. Grâce aux traductions de Mallarmé et Baudelaire, les récits de l’écrivain américain devinrent très populaires à Paris et tout autour. En 1856 et 1857, les versions de Baudelaire de ses Histoires extraordinaires furent publiées à Paris. Les poèmes de Poe traduits par Mallarmé furent édités en 1888 par Deman à Bruxelles, un an avant leur sortie de presse parisienne. JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende JAMES ENSOR 1860, Ostende – 1949, Ostende De cataclysmen Geërgerde maskers Les Cataclysmes 1888 Eau-forte coloriée à l’aquarelle sur papier hollandais Collection du Mu.ZEE, Ostende Masques scandalisés 1895 Eau-forte sur papier japonais Collection du Mu.ZEE, Ostende Dans Les cataclysmes, Ensor aborde le thème de la catastrophe mondiale de manière caricaturale. Les quatre éléments se déchaînent : l’eau (la mer), l’air (le vent), le feu, la terre (montagnes en éboulement). Deux trains entrent en collision. Les joyeux lurons des derniers wagons ne se doutent encore de rien. Eau-forte réalisée d’après un tableau du même nom datant de 1883. On retrouve ce sujet dans une huile du même nom, peinte par Ensor en 1937. C’est sur la toile Masques scandalisés que les masques apparaissent pour la première fois dans l’œuvre de James Ensor. Il s’en sert comme moyen d’expression pour projeter des chimères, peurs, sottises et duperies. « En 1883, j’ai été profondément touché par les masques », peut-on lire dans Les Écrits. « Les Masques scandalisés entrent, remontent leur col, lèvent leurs nez pointus et inquisiteurs. » La vague des chinoiseries qui déferle dans les salons bourgeois à la fin du dix-neuvième siècle, le japonisme, le climat colonialiste et les masques de carton aux couleurs criardes du carnaval d’Ostende ont certainement favorisé la présence des masques dans l’œuvre d’Ensor. Au début, il les représentait principalement sous forme de mascarade. Cinq ans plus tard, ils deviendront des éléments indispensables de son imposante œuvre. Le tableau n’a manifestement été intitulé Masques scandalisés que plus tard : au Salon des XX de février 1884, il était exposé sous le titre Les Masques, n° 2. LÉON SPILLIAERT 1881, Ostende – 1946, Bruxelles De duizeling – Tovertrap Vertige – l’escalier magique 1908 Lavis d’encre de Chine, aquarelle et crayon de couleur sur papier Collection du Mu.ZEE, Ostende Une sorte de haute tour surgit du gouffre presque entièrement noir. Les marches d’un blanc immaculé contrastent avec les ténèbres de l’irrésistible abîme. Sur l’escalier tournant et raide, se tient une femme hurlante, les cheveux flottant au vent, en proie à une grande terreur. Elle manque perdre l’équilibre, les marches écourtées ne lui sont d’aucun secours. Elle se raccroche au sommet, la bouche et les yeux tordus par une grimace d’effroi. Comme assaillie par un cauchemar dont elle ne parvient pas à s’échapper. Cette œuvre frôle les frontières de l’art abstrait. La structure de l’escalier et la silhouette de la femme ont été réduites à leur plus simple expression pour ne conserver que des volumes marquants. Spilliaert n’avait presque jamais recours à une composition classique. Il considérait la scène d’en haut ou d’en bas. Pour ses perspectives peu communes, il s’inspirait des estampes japonaises, dont il reproduisait l’asymétrie, le découpage d’une scène, la profondeur dépourvue de volume, l’animation dans le mouvement, le rythme et les arabesques décoratives. Il utilisait également des techniques très diverses : certaines de ses œuvres ont été réalisées exclusivement à l’encre de Chine, éventuellement au lavis (encre diluée à l’eau, de façon à obtenir une nuance de gris plus clair). Mais la plupart du temps, il combinait les techniques, alternant encre de Chine, aquarelle, gouache, pastel sec, fusain, craie, pastel gras, crayon gris, crayon de couleur et crayon gras, qu’il appliquait plus comme un peintre que comme un dessinateur. LÉON SPILLIAERT 1881, Ostende – 1946, Bruxelles De windstoot Coup de vent 1904 Lavis d’encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier Collection du Mu.ZEE, Ostende Léon Spilliaert représentait souvent une femme au bord de l’eau. Le thème de la fillette ou de la femme sur la digue, la robe soulevée par le vent, est récurrent dans l’histoire de l’art de la fin du dixneuvième siècle. Félicien Rops et Édouard Dubar nous ont eux aussi livré des gravures humoristiques de ce type. Spilliaert a su donner à cet incident banal un caractère et une empreinte expressionnistes. Il a réduit la femme à une silhouette sombre, dont les contours nets se découpent dans le clapotis décoratif de l’eau. Cette œuvre nous rappelle tout autant l’esprit du personnage du Cri d’Edvard Munch. Spilliaert vouait une grande fascination à la relation particulière de la femme avec la mer, à leurs tempéraments similaires. LÉON SPILLIAERT 1881, Ostende – 1946, Bruxelles Zelfportret met spiegel Autoportrait au miroir 1908 Lavis d’encre de Chine, aquarelle et crayon de couleur sur papier Collection du Mu.ZEE, Ostende Dans l’Autoportrait au miroir de 1908, Spillaert nous invite dans le salon de la maison parentale. On aperçoit, sur un manteau de cheminée, des vases décoratifs et une pendule, un haut miroir doré néorococo et, au mur, des tableaux. L’ensemble baigne dans une lumière nocturne. Devant le miroir, se tient la silhouette noire de Spilliaert aux yeux exorbités et à la bouche lançant un cri d’effroi. L’artiste apparaît entre deux miroirs, comme écrasé par ceux-ci. Devant le miroir, il se livre à une horrible confrontation avec lui-même. Pour accentuer le côté hallucinant, le mur semble disparaître, comme si tout tournoyait dans la tête de l’artiste. Devant le miroir posé sur la cheminée, une pendule sous globe égraine les minutes. « Je ne peux pas vous dire ce que fait l’art et comment il procède, mais je sais que l’art a souvent jugé les juges, crié vengeance pour les innocents et montré au futur ce que le passé a enduré, de sorte qu’il n’a jamais été oublié. » John Berger LÉON SPILLIAERT 1881, Ostende – 1946, Bruxelles LÉON SPILLIAERT 1881, Ostende – 1946, Bruxelles Zelfportret met rood potlood Meisjes met witte kousen Autoportrait au crayon rouge 1908 Lavis d’encre de Chine, gouache et pastel sur papier Collection du Mu.ZEE, Ostende Les bas blancs 1912 Pastel, crayon de couleur et pastel gras sur papier Collection du Mu.ZEE, Ostende Dans sa jeunesse, Spilliaert a peint une série d’autoportraits. Au début, il s’agissait de simples représentations physiques, qui évoluèrent ensuite vers des images plus complexes mêlant réalité, reflet et fantaisie. Ostende comptait à l’époque au moins deux pensionnats pour jeunes filles de bonne famille. Spilliaert était donc familier de ces jeunes filles qui se promenaient en ville ou sur la digue, sous l’œil attentif d’une bonne sœur. Dans l’Autoportrait au crayon rouge, il s’est représenté sous la forme d’une silhouette noire aux yeux vitreux et lourdement cernés, dans un visage creux. Les mains noueuses tiennent fermement un crayon rouge. Il se trouve dans une pièce de la maison parentale, sous un éclairage nocturne, et porte un costume sombre au revers empesé, comme à son habitude. Tous ceux qui rencontraient Spilliaert à l’époque étaient frappés par son apparence, qui trahissait son caractère tourmenté, sa fébrilité permanente. Ces Bas blancs appartiennent manifestement à des jeunes filles en promenade. Spilliaert s’intéressait peu à l’intrigue ou à l’anecdote. Il optait pour une composition ludique de formes répétitives : des silhouettes graciles de jeunes filles, quatre de dos et une de profil, leurs longs cheveux noués. Il a accentué les attitudes en peignant les jambes et les pieds en blanc. Comme très souvent chez Spilliaert, Les bas blancs n’est pas la seule version abordant un même thème. Le peintre a notamment traité du même sujet dans les Fillettes de dos et Jeunes femmes à la plage, elles aussi de 1912. LUC TUYMANS 1958, Mortsel Wolken Grüne Wolken 1986 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende « J’ai voulu peindre comme la mer et le ciel audessous de la mer. Ne pas me laisser prendre au piège. Un seul de mes professeurs m’a compris. Il m’a pris à part et m’a ouvert une vaste horizon. Cet homme doit être âgé à présent. Après l’école, je ne l’ai plus jamais revu. Mais je lui suis reconnaissant. Et je reviens toujours à la mer. Pour de longues promenades nocturnes au bord de l’eau sur la plage d’Ostende. Pour faire naître en moi les images que je peindrai le jour venu. » Luc Tuymans LUC TUYMANS 1958, Mortsel ANN VERONICA JANSSENS 1956, Folkestone (GB) Figuur op de rug gezien (La nuque) Corps noir Figure vue de dos (La nuque) 1987 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende Pour Figure vue de dos, une œuvre précoce des années 1980, Luc Tuymans s’est inspiré d’une photo d’un commandant de camp de concentration, posant à côté d’une fosse commune. Une fois la toile achevée, Tuymans l’a lacérée au couteau. « Comme c’était une image très brutale, je l’ai volontairement blessée », explique-t-il. Luc Tuymans a peint son personnage en gris terne, résidu du processus pictural, dans une boue immonde formée par le mélange de toutes les couleurs de la palette. « J’ai tracé les contours du personnage et le gras de la peinture a progressivement pénétré l’image », déclarait le peintre dans une interview. 2001 Plexiglas Collection du Mu.ZEE, Ostende don des Amis du Mu.ZEE, Collection de la Province de Flandre occidentale Ann Veronica Janssens travaille avec la lumière, le son et l’espace. Sa fascination pour l’espace a failli la pousser vers l’architecture. Mais faute d’avoir trouvé ce qu’elle cherchait dans ses études d’architecte, elle s’est mise en quête de son propre langage géométrique, renvoyant à la tradition postminimaliste. Ses matériaux sont transparents, vitrés ou simplement condensés et inaccessibles en apparence. Leur nature est très diverse : blocs de béton, briques parfois emballées dans du papier aluminium, verre, miroirs ou brume. Souvent, ils reflètent le cadre et la lumière, créant un effet optique surprenant. Toute son œuvre est en relation avec l’espace : ouvert ou fermé, plein ou vide, réduit ou vaste. MARCEL BROODTHAERS 1924, Saint-Gilles – 1976, Cologne (DE) Tableaux formes académiques 1970 Relief sur plastique Collection du Mu.ZEE, Ostende Marcel Broodthaers façonne des panneaux de plastique pour réaliser des rébus à partir de techniques diverses telles que l’alphabet, la morphologie et la signalisation. Certains sont très complexes, d’autres extrêmement simples, mais ils ont toujours en commun une remise en question du rapport entre les valeurs artistiques et économiques. Selon les propres dires de l’artiste, ces panneaux sont fabriqués « comme des gaufres ». MARCEL BROODTHAERS 1924, Saint-Gilles – 1976, Cologne (DE) Département des Aigles 1968 Relief sur plastique Collection du Mu.ZEE, Ostende Marcel Broodthaers s’est lancé dans son vaste projet Musée d’Art Moderne, Département des Aigles, son musée fictif personnel, en 1968. La première section, Section XIXe siècle, a été créée dans son atelier, dans lequel il a disposé quelques caisses vides et accroché une série de reproductions de tableaux. Au centre de cet ensemble insolite, il a invité ses amis, ses collègues et des curieux à discuter du rôle des musées et de la manière dont les œuvres d’art sont présentées. Selon Broodthaers, le musée d’art moderne présente l’univers culturel en détachant des objets usuels de leur contexte et en les classant dans un ordre chronologique, stylistique ou thématique. Le thème de l’aigle revêtait pour Broodthaers une signification particulière. À travers toute l’histoire de l’art, le rapace renvoie invariablement à la grandeur, l’autorité, la soif de conquête et l’impérialisme. D’où cette association de l’aigle à l’art. « L’exercice de l’art est selon moi un examen de la communication visuelle. Les gens doivent considérer la culture visuelle comme un langage construit, qui acquiert sa signification par sa construction. Celui qui considère l’art ne doit pas être un simple imbécile qui fournit un ensemble de réponses toutes faites en réaction à un ensemble de consensus visuels. L’art doit être plus complexe que cela. » Mike Kelley JEAN BRUSSELMANS 1884, Bruxelles – 1953, Dilbeek La tempête 1938 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende Jean Brusselmans s’est livré à une production très intense au cours de la seconde moitié des années 1930, réalisant plus de 70 tableaux et aquarelles. Il n’a eu de cesse de chercher son style et a posé les bases de ses meilleures compositions. La tempête en est un bel exemple. Brusselmans a peint une première version de La tempête en grand format en 1936. La composition est faite de deux parties horizontales. L’élément le plus frappant est la structure triangulaire des rayons de soleil qui percent la couche de nuages au-dessus de l’eau. Malgré le caractère dynamique et turbulent des éléments naturels, on a l’impression que la tempête est figée dans un cadre inerte. Brusselmans se rendait régulièrement à la côte belge. Ostende et Zeebrugge étaient ses communes de prédilection. Il y a peint quantité de scènes marines, du port et du phare d’Ostende. Pour les vagues, Brusselmans alternait indéfiniment de larges traits de pinceau marqués aux lignes fuyantes et de petites touches de peinture épaisse gorgées de matière. ROGER RAVEEL 1921, Machelen-aan-de-Leie Hommage à Giotto « De nombreuses personnes, y compris les gens du milieu culturel, ont du mal à comprendre que l’harmonie ne signifie pas l’absence d’opposition, mais plutôt sa présence, dans un contexte où les éléments interagissent et se tiennent à leur place, comme des charges. » Wolfgang Rihm 1956 Huile sur panneau Collection du Mu.ZEE, Ostende Dans Hommage à Giotto, Roger Raveel manipule la perspective de la couleur. On y voit un homme de dos. Son dos est une zone bleue, sa tête est un champ vierge dans le cadre rouge d’une fenêtre, comme une tache blanche. Laissant de côté la perspective, Raveel a placé la zone bleue à l’avantplan, la rouge à l’arrière. Mais les tons froids tels que le vert, le bleu et le mauve possèdent la propriété de s’effacer pour laisser les couleurs chaudes prendre le dessus. Vers le milieu du vingtième siècle, lorsque l’abstraction lyrique dominait le paysage artistique belge, Roger Raveel a développé son propre langage visuel, s’appropriant l’espace à l’aide de formes directes et de couleurs pures et vives. Pour ce faire, il coupait ses toiles de l’espace ou les y laissait déborder d’une part, et il y intégrait des zones blanches entourées de larges cadres noirs d’autre part. Il alla encore plus loin en intégrant – précédant en cela le pop art – des objets réels dans ses oeuvres. Par un jeu de reflets, le spectateur et son univers étaient même associés à l’œuvre. GEORGES VANTONGERLOO 1886, Anvers – 1965, Paris (FR) Personage in interieur – Vrouw in interieur Femme dans un intérieur 1916 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende Georges Vantongerloo a réalisé sa Femme dans un intérieur pendant ses années d’apprentissage. Il a suivi une formation de sculpteur à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers. En 1916, il s’enfuit aux Pays-Bas, après avoir été blessé au combat pendant la Première Guerre mondiale. Pendant son exil, il s’essaie à un style de peinture post-impressionniste, à l’image de son contemporain Rik Wouters. À l’occasion d’une exposition solo à La Haie, toujours en 1916, il présente pour la première fois son œuvre complète. Un an plus tard, il appose avec Mondrian et Van Doesburg sa signature sur le manifeste du mouvement De Stijl. Il affirme ainsi sa vision selon laquelle on approche la peinture, la sculpture et l’architecture à partir des mêmes éléments plastiques simples, ambitionnant la création d’un langage plastique universel. GEORGES VANTONGERLOO 1886, Anvers – 1965, Paris (FR) Man in interieur (autoportrait) Homme dans un intérieur (autoportrait) 1916-1917 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende Bien que leurs formats ne soient pas identiques, la Femme dans un intérieur de 1916 et l’Homme dans un intérieur (autoportrait) de 1916-1917 constituent de véritables pendants. La date de réalisation des deux oeuvres coïncide étroitement avec le mariage de Georges Vantongerloo et Tine Kalis. Contrairement au portrait de son épouse, exécuté dans un style pointilliste, Vantongerloo s’est livré pour son autoportrait à une étude approfondie sur la couleur, comme en attestent les zones rouges, vertes, jaunes et bleues de cette peinture. Par cette démarche, son autoportrait constitue un tournant, un signe précurseur de ce qui va suivre. Ou, comme l’écrivait Vantongerloo lui-même, « de 1906 à 1916, le sujet « espace » n’était qu’une échappée vers la nature ». JULES SCHMALZIGAUG 1882, Anvers – 1917, La Haie (NL) Dynamische uitdrukking van de beweging eener danseres Impression dans une salle de danse 1914 Détrempe sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende Décédé prématurément, Jules Schmalzigaug n’a connu qu’une renommée très limitée. Son œuvre forme pourtant un maillon important dans l’histoire de l’art belge. Après avoir découvert le mouvement futuriste de Filippo Tommaso Marinetti à Paris, il en exprime les idées. Lors d’une visite à Milan, il rencontre Umberto Boccioni, Gino Severini et Giacomo Balla, les représentants de ce courant italien, et expose avec eux. Le futurisme trouve ses racines à la fois dans l’impressionnisme et le pointillisme d’une part, et le cubisme et l’expressionnisme de l’autre. Il préconise une mobilité dynamique, à travers un hommage à la vie urbaine et l’industrie moderne. Les peintures tourbillonnantes de Schmalzigaug donnent également vie à son approche des couleurs, basée sur les théories de Paul Signac et sa « lumière éclairante ». « Curieux projet : se rêver, rendre sensible ce rêve qui reviendra rêve dans d’autres têtes ! » Jean Genet WALTER SWENNEN 1946, Forest EVELYNE AXELL 1936, Namur – 1972, Zwijnaarde Plume 1998 Huile sur panneau Collection du Mu.ZEE, Ostende Joli mois de mai 1970 Panneau Unalit, émail sur plexiglas Collection du Mu.ZEE, Ostende Walter Swennen, poète au départ, a commencé à peindre plus ou moins par hasard, pour « donner plus de poids aux considérations poétiques ». Le visuel prend graduellement plus d’importance. Les peintures de Swennen traitent d’éléments qui vont droit au but (une banane, un ours en peluche, une lampe, un tricycle…) qui portent en eux la simplicité et le caractère reconnaissable des bandes dessinées et la naïveté des illustrations des manuels scolaires. Swennen combine ce langage visuel plutôt populaire, public à des éléments abstraits, en adoptant un style personnel expressionniste. La banalité de l’iconographie utilisée, tout comme l’importance du mot, rappellent l’humour conceptuel de l’œuvre de René Magritte ou Marcel Broodthaers. Joli mois de mai représente un groupe de jeunes gens nus assis dans l’herbe, écoutant religieusement un concert de musique pop. À l’arrière-plan, une jeune fille brandit un drapeau rouge. Cette œuvre renvoie à la peinture La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix. Mais chez Axell, la révolution est celle de mai 1968. « La seule manière de saisir ce qui est neuf dans le neuf, c’est de l’analyser à travers le spectre de ce qu’il était. » Slavoj Žižek Le panneau de droite présente une silhouette nue tenant un pot de peinture dans une main et un pinceau tendu vers le haut de l’autre. Il s’agit d’un autoportrait. Le panneau de gauche figure un portrait du célèbre critique d’art français Pierre Restany, le bras levé, à la manière d’un gourou anarchiste. En mai 1968, Restany avait fermé le Musée National d’Art Moderne de Paris « pour inutilité publique ». Cette idée avait interpellé Axell. La démarche d’Evelyne Axell s’inscrit dans le cadre du pop art et du nouveau réalisme. Elle a développé sa propre approche picturale, l’émail sur plexiglas opalin. A travers cette technique insolite, elle a livré sa vision poétique de la réalité, l’ambiance de mai 1968. Ses personnages hauts en couleurs rappellent les affiches, la mode et les pochettes de disques psychédéliques des sixties. Dans son œuvre fantaisiste et à forte connotation érotique, la beauté humaine, en particulier les grâces du corps féminin, constitue son sujet de prédilection. JOZEF PEETERS 1895, Anvers – 1960, Anvers « C’est le véritable engagement de l’art : ce que vous et moi ne pouvons pas reconnaître parce qu’il porte réellement en lui la force de la nouveauté, et que les générations futures jugeront (…). » Après la Première Guerre mondiale, une série d’artistes s’insurgèrent contre l’individualisme et la société bourgeoise. Tous les espoirs était braqués sur la société technologique en plein essor. Les artistes prônaient un art objectif et universel. Ils créèrent un langage visuel pur et abstrait. Dès 1918, Jozef Peeters s’orienta lui aussi vers l’abstraction géométrique. Après sa rencontre avec Piet Mondrian en 1921, des lignes verticales et horizontales apparurent dans ses créations. Il peignit, réalisa des linogravures qu’il publia dans des revues d’avantgarde comme Het Overzicht et se consacra à la céramique. Il considérait son intérêt pour l’art appliqué comme un prolongement de son concept « d’art collectif ». Stefan Hertmans Vaas nr. 1 Vase n°1 1923 Huile sur céramique Collection du Mu.ZEE, Ostende GUST DE SMET 1877, Gand – 1943, Deurle RENÉ GUIETTE 1893, Anvers – 1976, Wilrijk Naakt met bloementuiltje Zonder titel Femme nue au bouquet de fleurs 1931 Collection du Mu.ZEE, Ostende Sans titre Vers 1935-1936 Huile sur toile Collection du Mu.ZEE, Ostende Gust De Smet appartenait, avec Frits Van den Berghe et Constant Permeke, aux figures de proue de l’expressionnisme flamand, un mouvement en plein essor principalement après la Première Guerre mondiale. Durant cette guerre, Gust De Smet et Frits Van den Berghe s’exilèrent aux Pays-Bas, où ils découvrirent l’expressionnisme allemand, le cubisme et le fauvisme français. Leurs scènes figuratives, inspirées de la vie paysanne qui les entourait, affichent une réalité déformée, expressive, peinte dans une dominante de couleurs sombres. En dépit de leurs parcours parallèles, les trois expressionnistes flamands ont chacun privilégié une démarche très personnelle. Gust De Smet s’est efforcé de saisir l’essence de formes simplifiées, à travers sa quête d’une expression pure. L’œuvre de René Guiette peut être associée à l’Art Brut, bien que parfois dans un style plus méditatif. Après une période post-cubique, il adopte une démarche artistique plus personnelle basée sur l’utilisation et l’étude de la matière, des couleurs et des signes. Cela l’amène à réaliser, à la fin de sa vie, des œuvres d’une pureté absolue, au style méditatif et abstrait, apparentés à la philosophie Zen. Dans ses toiles monochromes, il a souvent eu recours à des matières comme le sable ou le ciment. À partir des années 1930, il s’est également consacré à la photographie. En 1926, il confie la réalisation des plans de sa maison au Corbusier. C’est la seule création de ce dernier qui subsiste encore en Belgique.