james ensor

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james ensor
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
Doodsbed van mijn moeder
Ma Mère morte
1915
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
La mère de James Ensor reposant sur son lit de mort.
Il s’agit d’un portrait représentant un corps rongé par
la maladie et la vieillesse, la bouche ouverte, un profil
de rapace et les mains jointes dont la peau recouvre à
peine les os. Le lit de la défunte est repoussé à
l’arrière-plan, tandis que le devant de la scène est
occupé par une nature morte de fioles et flacons de
médicaments. Une image sainte trône sur une
armoire baroque. Les remèdes et l’image sainte
symbolisent le combat (perdu) de la médecine et de
la religion contre la mort.
La mère d’Ensor, Marie Louise Catherine Haegheman,
fut longtemps la femme forte de la famille. Elle avait
repris le commerce de ses parents, qu’elle continua à
tenir sous son propre nom. La famille possédait
plusieurs magasins à Ostende et Blankenberge, dans
lesquels ils faisaient commerce de faïence, porcelaine,
coquillages, fleurs parfumées, vases chinois, coraux
de Naples, bijoux d’Alger, de Tunis et de
Constantinople. Elle entretenait des rapports
commerciaux avec Singapour, Hong-Kong, Matanzas
et Nassau. Durant la belle saison, la tante et la mère
d’Ensor travaillaient très dur. L’hiver, une fois la cité
balnéaire désertée, elles pouvaient se laisser aller à
une douce torpeur. Ensor relata dans un discours que
sa mère et sa tante Mimi lui avaient offert leur
soutien financier lors de ses années de vache maigre.
Sa mère était âgée de quatre-vingts ans lorsqu’elle
mourut, le 8 mars 1915, après une longue agonie.
Ensor avait alors cinquante-cinq ans. Ensor dessina sa
mère au moins à quatre reprises et la peignit deux
fois dans les heures et les jours qui suivirent sa mort,
du 8 au 11 mars.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
Gezicht op de Van Iseghemlaan
Vue du Boulevard Van Iseghem
1906
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
La famille Ensor emménagea en 1876 dans un tout
nouvel immeuble au coin de la rue de Flandre et du
boulevard Van Iseghem. Il s’agissait d’un imposant
bâtiment neuf comprenant un magasin au rez-dechaussée et plusieurs étages avec des chambres
d’hôtes. James, alors âgé de seize ans, reçut la
permission d’aménager le grenier en atelier. Dans
cette petite mansarde, nichée au-dessus des rues,
Ensor peignit sans relâche les toits de la rue de
Flandre et du boulevard Van Iseghem – sous le soleil,
la pluie et la neige. Il en fit son poste d’observation,
d’où il jouissait d’une vue panoramique sur les toits et
les clochers d’Ostende, la campagne au loin, les rues
animées. Il passa de longues heures reclus dans son
atelier, concentré sur ses peintures, gravures et
dessins, qu’il enchaînait à une cadence effrénée. Willy
Finch utilisa lui aussi un temps cet atelier.
En suivant le fil de son œuvre, on peut assister à
l’évolution des lieux : de l’ancien quartier de caserne,
avec ses écuries royales désaffectées, au centre
mondain gravitant autour du complexe théâtral
dessiné par Alban Chambon. Dans cette œuvre de
1906, Ostende la « Reine des plages » vit son heure
de gloire.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
Stilleven met boek over Jean Teugels
Nature morte au livre de Jean Teugels
Avril 1938
Huile sur panneau
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Les natures mortes de James Ensor ressemblent
souvent aux étalages du magasin de sa mère, avec
ses éventails, coquillages exotiques, masques,
marionnettes, théières et vases chinois et coréens.
Ces « chinoiseries », comme Ensor les appelait,
étaient très prisées par les touristes d’Ostende. Sa
mère commandait tous ces articles pour la boutique,
notamment auprès du célèbre Siegfried (alias
Samuel) Bing.
Sur ses natures mortes plus récentes, on retrouve
généralement les fleurs que sa fidèle amie Augusta
Boogaerts lui apportait. Elle l’aidait souvent à
composer ses natures mortes. Ensor privilégiait la
simplicité dans ces compositions, ce qui lui permettait
de se consacrer exclusivement aux jeux de lumière
sur les objets et au rendu des couleurs.
Jean Teugels, magistrat de Furnes, fit imprimer en
1931 ses Variations sur James Ensor par l’imprimerie
Le Carillon. Cet ouvrage a été immortalisé dans cette
huile sur panneau.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
Ensor en Leman
in gesprek over de schilderkunst
Ensor et Leman discutant peinture
1890
Huile sur panneau
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Dans Ensor et Leman discutant peinture, le peintre
s’est représenté comme un adversaire du général
Leman, qui le menace avec un canon miniature. Ensor
riposte avec un pinceau terminé par un plumeau.
Ensor caricaturait souvent ses amis et ennemis dans
ses esquisses et dessins. De là à conclure qu’il
s’agissait d’un exutoire de ses frustrations
personnelles et angoisses existentielles…
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
Gezicht op Mariakerke
Vue de Mariakerke
1901
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Depuis les dunes, l’artiste observe le paisible village
de pêcheurs de Mariakerke et les polders en toile de
fond. Cet endroit, avec son église médiévale juste
derrière le rideau de dunes encore sauvages, était
très cher aux promeneurs et aux artistes.
Cette toile a quelque chose d’étrange. Ensor s’est
inspiré de sa gravure Grande vue de Mariakerke,
raison pour laquelle cette œuvre reproduit la réalité, à
l’image des épreuves de la gravure, en image
spéculaire.
Il existe une version plus ancienne de cette toile,
datée de 1896. Dans cette œuvre, la perspective est
légèrement surélevée, de manière à élargir la vue sur
l’arrière-pays, et le rendu topographique est exact.
Ensor a été inhumé en 1949 au cimetière de l’église
Onze-Lieve-Vrouwe que l’on peut voir sur cette toile.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
Na de storm
Grote marine – zonsondergang
Après l’orage
1880
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Grande marine – Coucher de soleil
1885
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Après l’orage est l’une des premières toiles peintes
par l’artiste après ses études à l’Académie. Il s’agit
d’une vision impressionniste de la mer, au moment où
le soleil revient après un orage matinal. Le retour du
soleil colore les nuages de rose et l’on aperçoit un
fragment d’arc-en-ciel, un phénomène que l’on ne
peut observer que le matin en mer du Nord.
Grande marine – Coucher de soleil est une vision
impressionniste de la mer, au moment où le soleil se
couche et colore la mer et les nuages de rouge. Ensor
montre ici une sensibilité extrême pour les effets de
lumière. C’est l’une de ses plus grandes toiles, en
termes de format.
En mai 1880, James Ensor quitte définitivement
l’Académie des beaux-arts de Bruxelles. De retour à
Ostende, il travaille assidûment dans son atelier sous
les combles de la maison parentale, au coin du
boulevard Van Iseghem et de la rue de Flandre. La
maison se situait le long du canal urbain comblé, à
cinquante mètres de la digue. Ensor connaissait donc
très bien la mer et ses innombrables jeux de lumière
et de couleurs avec le soleil, les nuages, la brume et
le vent.
Ensor n’a peint intensivement des marines que de
1880 à 1885. Il a réalisé tous les dessins et peintures
de cette période en tant que pleinairiste convaincu,
sur la plage ou dans les dunes. Munis de leur
matériel, dont une boîte remplie de tubes de couleurs
industrielles, des artistes de tout le pays prenaient le
train pour se livrer au pleinairisme à la Côte et étudier
les étendues de mer infinies. Suite à ce phénomène,
les artistes se mirent a accorder bien plus
d’importance à la lumière et à la couleur. Ensor tenta
lui aussi l’expérience subjective de peindre la réalité,
à grand renfort de couteau à palette. Pour Grande
marine – Coucher de soleil il a privilégié des traits de
pinceau fins et allongés.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
Zelfportret met bloemenhoed
« La beauté, sans doute, ne fait pas les révolutions.
Mais un jour vient où les révolutions ont besoin d'elle.
Sa règle qui conteste le réel en même temps qu'elle
lui donne son unité est aussi celle de la révolte. »
Autoportrait au chapeau fleuri
1883 - 1888
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Albert Camus
Cet autoportrait, réalisé en 1883, fait partie de la
série d’autoportraits entamée par l’artiste dès 1879.
Ensor, qui a pris de la bouteille, porte la barbe et la
moustache. Initialement, il s’agissait d’un portrait
« normal ». En 1888, il l’a retravaillé en ajoutant un
feutre fleuri, quelques traits ascendants au niveau de
la moustache et les quatre arcs de cercle.
Ce n’est qu’au début des années 1960 que l’on
découvrit qu’Ensor avait retravaillé, de 1886 à 1891,
toute une série de dessins et de peintures datant du
début de sa carrière, dont l’Autoportrait au chapeau
fleuri, en y ajoutant des motifs démoniaques et
carnavalesques. Lorsque l’on examine l’œuvre de plus
près, on aperçoit en effet immédiatement la
différence en termes de technique d’exécution entre
le portrait même et les ajouts.
Les avis divergent sur les arcs de cercle. D’aucuns
avancent qu’ils renvoient au célèbre autoportrait de
Rubens, exposé au Kunsthistorisches Museum de
Vienne, dont Ensor avait vu des reproductions.
L’allusion à Rubens peut être mise en relation avec la
grande prise d’auto-conscience de l’artiste, qui se
présente ici comme un Rubens du dix-neuvième
siècle. D’autres voient dans ces fragments circulaires
la suggestion d’un miroir ou un renvoi aux portraits
baroques anglais, dans lesquels les arcs de cercle
constituent une espèce de médaillon en trompe-l’oeil,
derrière lequel apparaît le sujet du portrait.
« Tout l’art est autobiographique. La perle est
l’autobiographie de l’huître. »
Federico Fellini
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
De baden van Ostende
Les bains à Ostende
1891
Encre de Chine sur papier
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Ce dessin à l’encre doit son existence à une étude à
l’huile, à la craie et au crayon de couleur sur panneau
de 1890. Sur le même thème, il existe également une
eau-forte qui reproduit ce dessin à l’encre mais,
curieusement, pas en image spéculaire.
Ensor a croqué dans un style ludique une journée
estivale animée à Ostende. Les cabines sont tractées
sur la plage par des chevaux, pour permettre aux
baigneurs d’accéder directement à la mer sans devoir
marcher sur le sable ou dans l’eau à marée basse.
Au-dessus des cabines de plage, des curieux scrutent
à la longue-vue les grâces féminines évoluant dans
l’eau. Les nombreux baigneurs, représentés seuls ou
par paires, offrent un spectacle grotesque. Le beau
monde et quelques excursionnistes se joignent aux
curieux : un pasteur et un officier, des citadins, des
étrangers, des hommes et des femmes. On reconnaît
le général Leman, Eugène Demolder et Mariette
Rousseau, cette scène constituant également un
extrait de l’autobiographie d’Ensor. Un photographe a
hissé son trépied sur le toit d’une cabine de plage et
disparaît sous le tissu noir. En haut à gauche, on
aperçoit le Chalet royal et l’hippodrome Wellington.
À travers cette œuvre, Ensor critique les classes
sociales, ainsi que la pudibonderie qui régnait à
l’époque. Elle aurait été refusée en 1895 ou 1898 à
un salon de La Libre Esthétique. Lorsque James Ensor
s’en plaignit à Léopold II, Octave Maus fut contraint
de l’exposer en bonne et due place – si l’on en croit
les propres dires d’Ensor dans son ouvrage Les Écrits.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
De kathedraal
La Cathédrale
1886
Eau-forte sur papier japonais
Collection du Mu.ZEE, Ostende
La Cathédrale est généralement considérée comme
l’une des gravures majeures de l’œuvre graphique
d’Ensor. C’est l’une des plus prisées.
Il s’agit d’un exemple prématuré du thème de la foule
traité par Ensor, qui atteindra son apogée dans
L’Entrée du Christ à Bruxelles.
Pour l’édifice religieux gothique, Ensor s’est inspiré
d’une image du dôme d’Aix-la-Chapelle. Pour les deux
clochers, il s’est basé sur (une image d’) une autre
église, pas encore identifiée à ce jour.
Il semble être question d’une fête, d’un cortège ou
d’une procession. Mais la signification est difficile à
percevoir. Ensor faisait-il allusion à l’Église en tant
qu’institution dominant la société de son époque ? Ou
s’agit-il plus simplement d’une vision fantasmagorique
autour des splendeurs de l’architecture gothique ?
En 1896, il réalisa une deuxième version de cette
gravure à succès, qu’un œil inaverti aurait du mal à
distinguer de la première.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
Duivels rossen de engelen
en aartsengelen af
Diables rossant anges et archanges
1888
Eau-forte coloriée à l’aquarelle sur papier hollandais
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Les Diables rossant anges et archanges, qui met en
scène des démons comiques, monstres et masques
sarcastiques, reproduit l’esprit des œuvres de Jérôme
Bosch et Bruegel.
Ensor ne s’est mis à la gravure qu’en 1886, deux ans
avant de créer cette eau-forte. C’est sa fidèle amie
Mariette Rousseau qui l’y encouragea. L’année 1888
représenta son « sacre » graphique, avec pas moins
de 45 gravures signées de sa main.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
De pisser
Le Pisseur
1887
Eau-forte sur papier japonais
Collection du Mu.ZEE, Ostende
« L’imagination de notre époque doit être employée à
inspirer des faits, la science et le quotidien, à les
couvrir de l’éclat, de gloire et du lustre propres à
toute chose réelle, et uniquement aux choses réelles.
Sans cette ferveur essentielle - que les poètes et
autres artistes sont les seuls à pouvoir montrer – la
réalité serait incomplète et la science, la démocratie
et la vie seraient définitivement vaines. »
Walt Whitman
Cette eau-forte, sur laquelle l’on peut voir la célèbre
inscription « Ensor est un fou », représente un
homme en train d’uriner. Une scène récurrente dans
le paysage urbain ostendais de l’époque, la pudeur ne
faisant alors pas vraiment partie des mœurs de
certaines classes sociales.
Ensor montrait un intérêt marqué pour le petit
peuple. Avec son ami Willy Finch, il réalisa de
nombreux fusains de personnages emblématiques de
la communauté des pêcheurs d’Ostende. Comme
dans toute ville ou village à l’époque, les pauvres,
sans abri, individus excentriques, mendiants et parias
étaient légion. Il était d’ailleurs interdit aux mendiants
de se poster le long de l’accès à l’estacade, pour
éviter qu’ils ne gênent les promeneurs.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
De intocht van Christus in Brussel
L’Entrée du Christ à Bruxelles
1898
Eau-forte coloriée sur papier
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Cette eau-forte rappelle, sous forme d’image
spéculaire et à quelques modifications près, la toile
L’Entrée du Christ à Bruxelles peinte en 1888-1889.
Cette dernière constitue une œuvre-clé dans l’histoire
de l’art occidental du dix-neuvième siècle et LE
manifeste pictural d’Ensor. Elle eut pourtant peu
d’influence sur l’histoire de l’art. Seuls quelques
visiteurs privilégiés de l’atelier d’Ensor eurent
l’occasion de l’admirer de près, avant sa toute
première exposition publique lors de la rétrospective
consacrée à Ensor au Palais des beaux-arts de
Bruxelles en 1929.
L’œuvre regorge d’allégories et d’allusions à la
politique belge, à la littérature, à des personnes avec
lesquelles il avait maille à partir et à la société envers
laquelle il se montrait critique. Le Christ au centre de
l’œuvre, en plein milieu et pourtant assez insignifiant,
c’est Ensor lui-même. Ensor se sentait précisément
comme le Christ, humilié et bafoué, et se voyait
comme le Messie de l’art moderne. Il exécute ici une
entrée triomphante à Bruxelles, l’eldorado de l’art
belge et de la critique d’art. Sur un balcon, quelques
membres du mouvement artistique Les XX sont verts
de rage et de jalousie.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
De wraak van Hop-Frog
1898
La vengeance de Hop-Frog
Eau-forte coloriée sur papier japonais
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Cette gravure illustre le point d’orgue de l’histoire de
Hop-Frog, de l’écrivain américain Edgar Allan Poe.
Ensor s’est souvent inspiré de l’œuvre du célèbre
auteur, connu pour ses intrigues policières et son
penchant pour l’horreur, narrée avec humour. Ensor
possédait un recueil des Histoires extraordinaires de
Poe. Il a notamment revisité les ouvrages Le Roi
peste et Hop-Frog.
L’eau-forte Hop-Frog représente la scène dans
laquelle un hideux bouffon se venge d’une manière
atroce du roi et de ses sept ministres. Le rusé
parvient à suspendre à une chaîne ces derniers,
travestis en singes et recouverts de goudron, dans la
salle des fêtes du palais et à y mettre le feu.
L’assemblée ne semble pas particulièrement touchée
à la vue de ce lustre de chair humaine en train de se
consumer.
En 1885, Ensor avait déjà réalisé une lithographie sur
le même thème. L’eau-forte – l’une des plus célèbres
de son œuvre – en est la fidèle copie en image
spéculaire. En 1896, Ensor a également peint un
tableau sur ce sujet.
Émile Verhaeren, grand ami d’Ensor, décrit dans son
étude sur Ensor l’importance d’Edgar Allan Poe
comme source d’inspiration de son œuvre. Grâce aux
traductions de Mallarmé et Baudelaire, les récits de
l’écrivain américain devinrent très populaires à Paris
et tout autour. En 1856 et 1857, les versions de
Baudelaire de ses Histoires extraordinaires furent
publiées à Paris. Les poèmes de Poe traduits par
Mallarmé furent édités en 1888 par Deman à
Bruxelles, un an avant leur sortie de presse
parisienne.
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
JAMES ENSOR
1860, Ostende – 1949, Ostende
De cataclysmen
Geërgerde maskers
Les Cataclysmes
1888
Eau-forte coloriée à l’aquarelle sur papier hollandais
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Masques scandalisés
1895
Eau-forte sur papier japonais
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Dans Les cataclysmes, Ensor aborde le thème de la
catastrophe mondiale de manière caricaturale. Les
quatre éléments se déchaînent : l’eau (la mer), l’air
(le vent), le feu, la terre (montagnes en éboulement).
Deux trains entrent en collision. Les joyeux lurons des
derniers wagons ne se doutent encore de rien.
Eau-forte réalisée d’après un tableau du même nom
datant de 1883.
On retrouve ce sujet dans une huile du même nom,
peinte par Ensor en 1937.
C’est sur la toile Masques scandalisés que les
masques apparaissent pour la première fois dans
l’œuvre de James Ensor. Il s’en sert comme moyen
d’expression pour projeter des chimères, peurs,
sottises et duperies. « En 1883, j’ai été profondément
touché par les masques », peut-on lire dans Les
Écrits. « Les Masques scandalisés entrent, remontent
leur col, lèvent leurs nez pointus et inquisiteurs. »
La vague des chinoiseries qui déferle dans les salons
bourgeois à la fin du dix-neuvième siècle, le
japonisme, le climat colonialiste et les masques de
carton aux couleurs criardes du carnaval d’Ostende
ont certainement favorisé la présence des masques
dans l’œuvre d’Ensor.
Au début, il les représentait principalement sous
forme de mascarade. Cinq ans plus tard, ils
deviendront des éléments indispensables de son
imposante œuvre.
Le tableau n’a manifestement été intitulé Masques
scandalisés que plus tard : au Salon des XX de février
1884, il était exposé sous le titre Les Masques, n° 2.
LÉON SPILLIAERT
1881, Ostende – 1946, Bruxelles
De duizeling – Tovertrap
Vertige – l’escalier magique
1908
Lavis d’encre de Chine, aquarelle et crayon de couleur
sur papier
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Une sorte de haute tour surgit du gouffre presque
entièrement noir. Les marches d’un blanc immaculé
contrastent avec les ténèbres de l’irrésistible abîme.
Sur l’escalier tournant et raide, se tient une femme
hurlante, les cheveux flottant au vent, en proie à une
grande terreur. Elle manque perdre l’équilibre, les
marches écourtées ne lui sont d’aucun secours. Elle
se raccroche au sommet, la bouche et les yeux tordus
par une grimace d’effroi. Comme assaillie par un
cauchemar dont elle ne parvient pas à s’échapper.
Cette œuvre frôle les frontières de l’art abstrait. La
structure de l’escalier et la silhouette de la femme ont
été réduites à leur plus simple expression pour ne
conserver que des volumes marquants. Spilliaert
n’avait presque jamais recours à une composition
classique. Il considérait la scène d’en haut ou d’en
bas. Pour ses perspectives peu communes, il
s’inspirait des estampes japonaises, dont il
reproduisait l’asymétrie, le découpage d’une scène, la
profondeur dépourvue de volume, l’animation dans le
mouvement, le rythme et les arabesques décoratives.
Il utilisait également des techniques très diverses :
certaines de ses œuvres ont été réalisées
exclusivement à l’encre de Chine, éventuellement au
lavis (encre diluée à l’eau, de façon à obtenir une
nuance de gris plus clair). Mais la plupart du temps, il
combinait les techniques, alternant encre de Chine,
aquarelle, gouache, pastel sec, fusain, craie, pastel
gras, crayon gris, crayon de couleur et crayon gras,
qu’il appliquait plus comme un peintre que comme un
dessinateur.
LÉON SPILLIAERT
1881, Ostende – 1946, Bruxelles
De windstoot
Coup de vent
1904
Lavis d’encre de Chine, aquarelle et gouache sur
papier
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Léon Spilliaert représentait souvent une femme au
bord de l’eau. Le thème de la fillette ou de la femme
sur la digue, la robe soulevée par le vent, est
récurrent dans l’histoire de l’art de la fin du dixneuvième siècle. Félicien Rops et Édouard Dubar nous
ont eux aussi livré des gravures humoristiques de ce
type. Spilliaert a su donner à cet incident banal un
caractère et une empreinte expressionnistes. Il a
réduit la femme à une silhouette sombre, dont les
contours nets se découpent dans le clapotis décoratif
de l’eau. Cette œuvre nous rappelle tout autant
l’esprit du personnage du Cri d’Edvard Munch.
Spilliaert vouait une grande fascination à la relation
particulière de la femme avec la mer, à leurs
tempéraments similaires.
LÉON SPILLIAERT
1881, Ostende – 1946, Bruxelles
Zelfportret met spiegel
Autoportrait au miroir
1908
Lavis d’encre de Chine, aquarelle et crayon de couleur
sur papier
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Dans l’Autoportrait au miroir de 1908, Spillaert nous
invite dans le salon de la maison parentale. On
aperçoit, sur un manteau de cheminée, des vases
décoratifs et une pendule, un haut miroir doré néorococo et, au mur, des tableaux. L’ensemble baigne
dans une lumière nocturne.
Devant le miroir, se tient la silhouette noire de
Spilliaert aux yeux exorbités et à la bouche lançant un
cri d’effroi. L’artiste apparaît entre deux miroirs,
comme écrasé par ceux-ci. Devant le miroir, il se livre
à une horrible confrontation avec lui-même. Pour
accentuer le côté hallucinant, le mur semble
disparaître, comme si tout tournoyait dans la tête de
l’artiste. Devant le miroir posé sur la cheminée, une
pendule sous globe égraine les minutes.
« Je ne peux pas vous dire ce que fait l’art et
comment il procède, mais je sais que l’art a souvent
jugé les juges, crié vengeance pour les innocents et
montré au futur ce que le passé a enduré, de sorte
qu’il n’a jamais été oublié. »
John Berger
LÉON SPILLIAERT
1881, Ostende – 1946, Bruxelles
LÉON SPILLIAERT
1881, Ostende – 1946, Bruxelles
Zelfportret met rood potlood
Meisjes met witte kousen
Autoportrait au crayon rouge
1908
Lavis d’encre de Chine, gouache et pastel sur papier
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Les bas blancs
1912
Pastel, crayon de couleur et pastel gras sur papier
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Dans sa jeunesse, Spilliaert a peint une série
d’autoportraits. Au début, il s’agissait de simples
représentations physiques, qui évoluèrent ensuite
vers des images plus complexes mêlant réalité, reflet
et fantaisie.
Ostende comptait à l’époque au moins deux
pensionnats pour jeunes filles de bonne famille.
Spilliaert était donc familier de ces jeunes filles qui se
promenaient en ville ou sur la digue, sous l’œil
attentif d’une bonne sœur.
Dans l’Autoportrait au crayon rouge, il s’est
représenté sous la forme d’une silhouette noire aux
yeux vitreux et lourdement cernés, dans un visage
creux. Les mains noueuses tiennent fermement un
crayon rouge. Il se trouve dans une pièce de la
maison parentale, sous un éclairage nocturne, et
porte un costume sombre au revers empesé, comme
à son habitude. Tous ceux qui rencontraient Spilliaert
à l’époque étaient frappés par son apparence, qui
trahissait son caractère tourmenté, sa fébrilité
permanente.
Ces Bas blancs appartiennent manifestement à des
jeunes filles en promenade. Spilliaert s’intéressait peu
à l’intrigue ou à l’anecdote. Il optait pour une
composition ludique de formes répétitives : des
silhouettes graciles de jeunes filles, quatre de dos et
une de profil, leurs longs cheveux noués. Il a
accentué les attitudes en peignant les jambes et les
pieds en blanc.
Comme très souvent chez Spilliaert, Les bas blancs
n’est pas la seule version abordant un même thème.
Le peintre a notamment traité du même sujet dans
les Fillettes de dos et Jeunes femmes à la plage, elles
aussi de 1912.
LUC TUYMANS
1958, Mortsel
Wolken
Grüne Wolken
1986
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
« J’ai voulu peindre comme la mer et le ciel audessous de la mer. Ne pas me laisser prendre au
piège. Un seul de mes professeurs m’a compris. Il m’a
pris à part et m’a ouvert une vaste horizon. Cet
homme doit être âgé à présent. Après l’école, je ne
l’ai plus jamais revu. Mais je lui suis reconnaissant. Et
je reviens toujours à la mer. Pour de longues
promenades nocturnes au bord de l’eau sur la plage
d’Ostende. Pour faire naître en moi les images que je
peindrai le jour venu. »
Luc Tuymans
LUC TUYMANS
1958, Mortsel
ANN VERONICA JANSSENS
1956, Folkestone (GB)
Figuur op de rug gezien (La nuque)
Corps noir
Figure vue de dos (La nuque)
1987
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Pour Figure vue de dos, une œuvre précoce des
années 1980, Luc Tuymans s’est inspiré d’une photo
d’un commandant de camp de concentration, posant
à côté d’une fosse commune. Une fois la toile
achevée, Tuymans l’a lacérée au couteau. « Comme
c’était une image très brutale, je l’ai volontairement
blessée », explique-t-il.
Luc Tuymans a peint son personnage en gris terne,
résidu du processus pictural, dans une boue immonde
formée par le mélange de toutes les couleurs de la
palette. « J’ai tracé les contours du personnage et le
gras de la peinture a progressivement pénétré l’image
», déclarait le peintre dans une interview.
2001
Plexiglas
Collection du Mu.ZEE, Ostende don des Amis du Mu.ZEE,
Collection de la Province de Flandre occidentale
Ann Veronica Janssens travaille avec la lumière, le
son et l’espace. Sa fascination pour l’espace a failli la
pousser vers l’architecture. Mais faute d’avoir trouvé
ce qu’elle cherchait dans ses études d’architecte, elle
s’est mise en quête de son propre langage
géométrique, renvoyant à la tradition postminimaliste. Ses matériaux sont transparents, vitrés
ou simplement condensés et inaccessibles en
apparence. Leur nature est très diverse : blocs de
béton, briques parfois emballées dans du papier
aluminium, verre, miroirs ou brume. Souvent, ils
reflètent le cadre et la lumière, créant un effet
optique surprenant. Toute son œuvre est en relation
avec l’espace : ouvert ou fermé, plein ou vide, réduit
ou vaste.
MARCEL BROODTHAERS
1924, Saint-Gilles – 1976, Cologne (DE)
Tableaux formes académiques
1970
Relief sur plastique
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Marcel Broodthaers façonne des panneaux de
plastique pour réaliser des rébus à partir de
techniques diverses telles que l’alphabet, la
morphologie et la signalisation. Certains sont très
complexes, d’autres extrêmement simples, mais ils
ont toujours en commun une remise en question du
rapport entre les valeurs artistiques et économiques.
Selon les propres dires de l’artiste, ces panneaux sont
fabriqués « comme des gaufres ».
MARCEL BROODTHAERS
1924, Saint-Gilles – 1976, Cologne (DE)
Département des Aigles
1968
Relief sur plastique
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Marcel Broodthaers s’est lancé dans son vaste projet
Musée d’Art Moderne, Département des Aigles, son
musée fictif personnel, en 1968. La première section,
Section XIXe siècle, a été créée dans son atelier, dans
lequel il a disposé quelques caisses vides et accroché
une série de reproductions de tableaux. Au centre de
cet ensemble insolite, il a invité ses amis, ses
collègues et des curieux à discuter du rôle des
musées et de la manière dont les œuvres d’art sont
présentées. Selon Broodthaers, le musée d’art
moderne présente l’univers culturel en détachant des
objets usuels de leur contexte et en les classant dans
un ordre chronologique, stylistique ou thématique.
Le thème de l’aigle revêtait pour Broodthaers une
signification particulière. À travers toute l’histoire de
l’art, le rapace renvoie invariablement à la grandeur,
l’autorité, la soif de conquête et l’impérialisme. D’où
cette association de l’aigle à l’art.
« L’exercice de l’art est selon moi un examen de la
communication visuelle. Les gens doivent considérer
la culture visuelle comme un langage construit, qui
acquiert sa signification par sa construction. Celui qui
considère l’art ne doit pas être un simple imbécile qui
fournit un ensemble de réponses toutes faites en
réaction à un ensemble de consensus visuels. L’art
doit être plus complexe que cela. »
Mike Kelley
JEAN BRUSSELMANS
1884, Bruxelles – 1953, Dilbeek
La tempête
1938
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Jean Brusselmans s’est livré à une production très
intense au cours de la seconde moitié des années
1930, réalisant plus de 70 tableaux et aquarelles. Il
n’a eu de cesse de chercher son style et a posé les
bases de ses meilleures compositions. La tempête en
est un bel exemple. Brusselmans a peint une
première version de La tempête en grand format en
1936. La composition est faite de deux parties
horizontales. L’élément le plus frappant est la
structure triangulaire des rayons de soleil qui percent
la couche de nuages au-dessus de l’eau. Malgré le
caractère dynamique et turbulent des éléments
naturels, on a l’impression que la tempête est figée
dans un cadre inerte.
Brusselmans se rendait régulièrement à la côte belge.
Ostende et Zeebrugge étaient ses communes de
prédilection. Il y a peint quantité de scènes marines,
du port et du phare d’Ostende. Pour les vagues,
Brusselmans alternait indéfiniment de larges traits de
pinceau marqués aux lignes fuyantes et de petites
touches de peinture épaisse gorgées de matière.
ROGER RAVEEL
1921, Machelen-aan-de-Leie
Hommage à Giotto
« De nombreuses personnes, y compris les gens du
milieu culturel, ont du mal à comprendre que
l’harmonie ne signifie pas l’absence d’opposition, mais
plutôt sa présence, dans un contexte où les éléments
interagissent et se tiennent à leur place, comme des
charges. »
Wolfgang Rihm
1956
Huile sur panneau
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Dans Hommage à Giotto, Roger Raveel manipule la
perspective de la couleur. On y voit un homme de
dos. Son dos est une zone bleue, sa tête est un
champ vierge dans le cadre rouge d’une fenêtre,
comme une tache blanche. Laissant de côté la
perspective, Raveel a placé la zone bleue à l’avantplan, la rouge à l’arrière. Mais les tons froids tels que
le vert, le bleu et le mauve possèdent la propriété de
s’effacer pour laisser les couleurs chaudes prendre le
dessus.
Vers le milieu du vingtième siècle, lorsque
l’abstraction lyrique dominait le paysage artistique
belge, Roger Raveel a développé son propre langage
visuel, s’appropriant l’espace à l’aide de formes
directes et de couleurs pures et vives. Pour ce faire, il
coupait ses toiles de l’espace ou les y laissait
déborder d’une part, et il y intégrait des zones
blanches entourées de larges cadres noirs d’autre
part. Il alla encore plus loin en intégrant – précédant
en cela le pop art – des objets réels dans ses oeuvres.
Par un jeu de reflets, le spectateur et son univers
étaient même associés à l’œuvre.
GEORGES VANTONGERLOO
1886, Anvers – 1965, Paris (FR)
Personage in interieur –
Vrouw in interieur
Femme dans un intérieur
1916
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Georges Vantongerloo a réalisé sa Femme dans un
intérieur pendant ses années d’apprentissage. Il a
suivi une formation de sculpteur à l’Académie royale
des beaux-arts d’Anvers. En 1916, il s’enfuit aux
Pays-Bas, après avoir été blessé au combat pendant
la Première Guerre mondiale. Pendant son exil, il
s’essaie à un style de peinture post-impressionniste, à
l’image de son contemporain Rik Wouters.
À l’occasion d’une exposition solo à La Haie, toujours
en 1916, il présente pour la première fois son œuvre
complète. Un an plus tard, il appose avec Mondrian et
Van Doesburg sa signature sur le manifeste du
mouvement De Stijl. Il affirme ainsi sa vision selon
laquelle on approche la peinture, la sculpture et
l’architecture à partir des mêmes éléments plastiques
simples, ambitionnant la création d’un langage
plastique universel.
GEORGES VANTONGERLOO
1886, Anvers – 1965, Paris (FR)
Man in interieur (autoportrait)
Homme dans un intérieur (autoportrait)
1916-1917
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Bien que leurs formats ne soient pas identiques, la
Femme dans un intérieur de 1916 et l’Homme dans
un intérieur (autoportrait) de 1916-1917 constituent
de véritables pendants. La date de réalisation des
deux oeuvres coïncide étroitement avec le mariage de
Georges Vantongerloo et Tine Kalis.
Contrairement au portrait de son épouse, exécuté
dans un style pointilliste, Vantongerloo s’est livré pour
son autoportrait à une étude approfondie sur la
couleur, comme en attestent les zones rouges,
vertes, jaunes et bleues de cette peinture. Par cette
démarche, son autoportrait constitue un tournant, un
signe précurseur de ce qui va suivre. Ou, comme
l’écrivait Vantongerloo lui-même, « de 1906 à 1916,
le sujet « espace » n’était qu’une échappée vers la
nature ».
JULES SCHMALZIGAUG
1882, Anvers – 1917, La Haie (NL)
Dynamische uitdrukking
van de beweging eener danseres
Impression dans une salle de danse
1914
Détrempe sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Décédé prématurément, Jules Schmalzigaug n’a
connu qu’une renommée très limitée. Son œuvre
forme pourtant un maillon important dans l’histoire de
l’art belge. Après avoir découvert le mouvement
futuriste de Filippo Tommaso Marinetti à Paris, il en
exprime les idées. Lors d’une visite à Milan, il
rencontre Umberto Boccioni, Gino Severini et
Giacomo Balla, les représentants de ce courant
italien, et expose avec eux. Le futurisme trouve ses
racines à la fois dans l’impressionnisme et le
pointillisme d’une part, et le cubisme et
l’expressionnisme de l’autre. Il préconise une mobilité
dynamique, à travers un hommage à la vie urbaine et
l’industrie moderne. Les peintures tourbillonnantes de
Schmalzigaug donnent également vie à son approche
des couleurs, basée sur les théories de Paul Signac et
sa « lumière éclairante ».
« Curieux projet : se rêver, rendre sensible ce rêve
qui reviendra rêve dans d’autres têtes ! »
Jean Genet
WALTER SWENNEN
1946, Forest
EVELYNE AXELL
1936, Namur – 1972, Zwijnaarde
Plume
1998
Huile sur panneau
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Joli mois de mai
1970
Panneau Unalit, émail sur plexiglas
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Walter Swennen, poète au départ, a commencé à
peindre plus ou moins par hasard, pour « donner plus
de poids aux considérations poétiques ». Le visuel
prend graduellement plus d’importance. Les peintures
de Swennen traitent d’éléments qui vont droit au but
(une banane, un ours en peluche, une lampe, un
tricycle…) qui portent en eux la simplicité et le
caractère reconnaissable des bandes dessinées et la
naïveté des illustrations des manuels scolaires.
Swennen combine ce langage visuel plutôt populaire,
public à des éléments abstraits, en adoptant un style
personnel expressionniste. La banalité de
l’iconographie utilisée, tout comme l’importance du
mot, rappellent l’humour conceptuel de l’œuvre de
René Magritte ou Marcel Broodthaers.
Joli mois de mai représente un groupe de jeunes gens
nus assis dans l’herbe, écoutant religieusement un
concert de musique pop. À l’arrière-plan, une jeune
fille brandit un drapeau rouge. Cette œuvre renvoie à
la peinture La Liberté guidant le peuple d’Eugène
Delacroix. Mais chez Axell, la révolution est celle de
mai 1968.
« La seule manière de saisir ce qui est neuf dans le
neuf, c’est de l’analyser à travers le spectre de ce
qu’il était. »
Slavoj Žižek
Le panneau de droite présente une silhouette nue
tenant un pot de peinture dans une main et un
pinceau tendu vers le haut de l’autre. Il s’agit d’un
autoportrait. Le panneau de gauche figure un portrait
du célèbre critique d’art français Pierre Restany, le
bras levé, à la manière d’un gourou anarchiste. En
mai 1968, Restany avait fermé le Musée National
d’Art Moderne de Paris « pour inutilité publique ».
Cette idée avait interpellé Axell.
La démarche d’Evelyne Axell s’inscrit dans le cadre du
pop art et du nouveau réalisme. Elle a développé sa
propre approche picturale, l’émail sur plexiglas opalin.
A travers cette technique insolite, elle a livré sa vision
poétique de la réalité, l’ambiance de mai 1968. Ses
personnages hauts en couleurs rappellent les affiches,
la mode et les pochettes de disques psychédéliques
des sixties. Dans son œuvre fantaisiste et à forte
connotation érotique, la beauté humaine, en
particulier les grâces du corps féminin, constitue son
sujet de prédilection.
JOZEF PEETERS
1895, Anvers – 1960, Anvers
« C’est le véritable engagement de l’art : ce que vous
et moi ne pouvons pas reconnaître parce qu’il porte
réellement en lui la force de la nouveauté, et que les
générations futures jugeront (…). »
Après la Première Guerre mondiale, une série
d’artistes s’insurgèrent contre l’individualisme et la
société bourgeoise. Tous les espoirs était braqués sur
la société technologique en plein essor. Les artistes
prônaient un art objectif et universel. Ils créèrent un
langage visuel pur et abstrait. Dès 1918, Jozef
Peeters s’orienta lui aussi vers l’abstraction
géométrique. Après sa rencontre avec Piet Mondrian
en 1921, des lignes verticales et horizontales
apparurent dans ses créations. Il peignit, réalisa des
linogravures qu’il publia dans des revues d’avantgarde comme Het Overzicht et se consacra à la
céramique. Il considérait son intérêt pour l’art
appliqué comme un prolongement de son concept
« d’art collectif ».
Stefan Hertmans
Vaas nr. 1
Vase n°1
1923
Huile sur céramique
Collection du Mu.ZEE, Ostende
GUST DE SMET
1877, Gand – 1943, Deurle
RENÉ GUIETTE
1893, Anvers – 1976, Wilrijk
Naakt met bloementuiltje
Zonder titel
Femme nue au bouquet de fleurs
1931
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Sans titre
Vers 1935-1936
Huile sur toile
Collection du Mu.ZEE, Ostende
Gust De Smet appartenait, avec Frits Van den Berghe
et Constant Permeke, aux figures de proue de
l’expressionnisme flamand, un mouvement en plein
essor principalement après la Première Guerre
mondiale. Durant cette guerre, Gust De Smet et Frits
Van den Berghe s’exilèrent aux Pays-Bas, où ils
découvrirent l’expressionnisme allemand, le cubisme
et le fauvisme français. Leurs scènes figuratives,
inspirées de la vie paysanne qui les entourait,
affichent une réalité déformée, expressive, peinte
dans une dominante de couleurs sombres. En dépit de
leurs parcours parallèles, les trois expressionnistes
flamands ont chacun privilégié une démarche très
personnelle. Gust De Smet s’est efforcé de saisir
l’essence de formes simplifiées, à travers sa quête
d’une expression pure.
L’œuvre de René Guiette peut être associée à l’Art
Brut, bien que parfois dans un style plus méditatif.
Après une période post-cubique, il adopte une
démarche artistique plus personnelle basée sur
l’utilisation et l’étude de la matière, des couleurs et
des signes. Cela l’amène à réaliser, à la fin de sa vie,
des œuvres d’une pureté absolue, au style méditatif
et abstrait, apparentés à la philosophie Zen. Dans ses
toiles monochromes, il a souvent eu recours à des
matières comme le sable ou le ciment. À partir des
années 1930, il s’est également consacré à la
photographie.
En 1926, il confie la réalisation des plans de sa
maison au Corbusier. C’est la seule création de ce
dernier qui subsiste encore en Belgique.