Francis Bacon, la peinture entre émotion et brutalité et Lucian Freud
Transcription
Francis Bacon, la peinture entre émotion et brutalité et Lucian Freud
Francis Bacon, la peinture entre émotion et brutalité et Lucian Freud, l’obsession du corps Francis Bacon Francis Bacon (Portrait par Cecil Beaton, 1951, Londres, National Portrait Gallery) se définissait comme un optimiste désespéré et disait ne pas comprendre pourquoi les gens trouvaient sa peinture violente considérant que la vie est bien plus violente. Son œuvre, obsessionnelle et fondée sur la condition humaine, est à voir comme un portrait de la société anglaise de son temps et un autoportrait où règnent l’effroi, la dérision, la provocation, la goguenardise, la souffrance et le désespoir. Né à Dublin en 1909, (il meurt à Madrid en 1992), il s’échappe de l’Irlande à 16 ans loin d’un père, ancien militaire, trop autoritaire, pour aller en Angleterre d’où est issue sa famille puis en Allemagne et en France. A Paris, il découvre l’œuvre de Picasso à la galerie Paul Rosenberg, rue La Boétie, probablement en 1927 : « A une certaine époque de ma vie, j’ai été très influencé par Picasso. En fait, « influence » n’est peut-être pas le mot exact, et d’ailleurs je crois que Picasso ne l’aurait pas employé. Disons peut-être que Picasso m’a aidé à voir…Non, à voir, ce n’est même pas ça…Quoiqu’il en soit, je l’admirais énormément. Pour moi, c’était le génie du siècle. Tout ce que je voyais de lui en ce temps-là avait une répercussion énorme en moi. Ça m’a beaucoup changé. C’est, comme je vous l’ai dit, en voyant une exposition de lui chez Rosenberg à Paris que j’ai décidé de commencer à m’essayer à la peinture. Certaines des choses que j’ai faites alors ont été très influencées par lui. Par la suite je ne sais pas. Je crois que j’ai été influencé par tout ce que je voyais. Mais justement, Picasso aussi était influencé par tout. Il était comme une éponge qui absorbe tout. Et c’est à cela que je pense quand je parle d’influence, quelque chose comme ce phénomène de l’éponge qui absorbe tout…Pour moi, les meilleures choses qu’il a faites se situent entre 1926 et 1932. C’est la période où il a peint ces personnages sur les plages. A juan-les-Pins, mais ailleurs aussi, dans le Nord de la France ». La comparaison entre Baigneuses à la cabine, 19 mai 1929, Paris, musée Picasso, et la Composition (Figure) de 1933, collection particulière, et le Coin d’atelier, de 1934, Londres, Heli Investments, ou Tête, de Picasso, 1925, Stockholm, Moderna Museet, et Intérieur, de Bacon, 1933-1935, Londres, Heli Investments, permet de comprendre la même fascination pour la déformation de l’espace ou du corps, et pour la question du lieu de création où les rapports du peintre et de son modèle sont parfois cruels mais toujours stimulants. Bacon, une fois installé à Londres avec son ami, le peintre australien Roy de Maistre, a pu revoir l’œuvre de Picasso à l’occasion de l’exposition présentée à la galerie Alex. Reid et Lefèvre, à l’été 1931, Picasso, Trente années de son art. Bacon reprend les principes picassiens pour les développer et en donner une image dont il souhaite qu’elle corresponde à la psyché tourmentée de l’être humain, c’est « la brutalité du fait pictural ». Figures dans un jardin, v.1936, Londres, Tate Modern, est une des rares peintures de Bacon à avoir échappé à sa fureur destructrice. Il détruisit la majeure partie de son travail des années trente, décidant que son activité picturale débutait avec Les Trois études pour les personnages au pied de la Crucifixion, v.1944, Londres, Tate Britain. Bacon jugeait qu’il n’y avait rien de plus barbare que la crucifixion, « que cette forme spécifique de supplice ». Lors de son exposition durant la première semaine d’avril 1945 à la galerie Lefèvre, dans New Bond Street, le public est effaré par ces créatures de cataclysme et d’épouvante que Bacon lui renvoie en miroir. « Certains en ressortirent à peine rentrés : juste à droite près de la porte se trouvaient des images tellement angoissantes que l’esprit se bloquait à leur vue…On ne sait comment les nommer et comment exprimer ce qu’on ressentait à leur sujet ». (John Russell). 44 ans plus tard, Bacon peint la Deuxième version du Triptyque, 1944-1988, Londres, Tate Britain, où il devient probant que la déformation corporelle est aussi intimement liée aux désarrois ou aux terreurs engendrées par le sexe. Entre ces deux triptyques infiniment dérangeants, Bacon va produire des œuvres qui le dévoilent et qui sont, pour certaines, déchirantes. En 1945, il peint Figure dans un paysage, Londres, Tate Britain, vision partielle de son ami et mécène Eric Hall dans Hyde Park, et, en 1946, Peinture, New York, The Museum of Modern Art, à propos de laquelle il confia : « J’étais en train de faire un paysage, je voulais faire un champ avec un oiseau qui le survole et j’avais placé tout un tas de repères sur la toile pour cela, et puis d’un coup, les formes que l’on voit sur cette toile ont commencé d’apparaître, elles se sont imposées à moi. Ce n’était pas ce que je comptais faire, loin de là. C’est arrivé comme cela et j’étais plutôt étonné de cette apparition. Dans cette circonstance, je pense que l’instinct a produit ces formes. Mais il ne faut pas assimiler cela à de l’inspiration. Cela n’a rien à voir avec les muses ou quelque chose comme ça, non, c’est arrivé de façon inattendue, comme un accident. Il était prévu quelque chose, et puis, d’une façon tout à fait étonnante, quelque chose d’autre est arrivé ? C’est à la fois accidentel et en même temps complètement évident. C’est cela pour moi l’instinct, mais je ne peux pas vous en donner une définition, je peux juste vous dire comment les choses, un jour, se sont produites, c’est tout ». Dans Peinture, nous voyons apparaître des éléments importants du vocabulaire formel de Francis Bacon, la structure tubulaire, le quartier de viande (tiré sans doute de Rembrandt), les stores, le tapis, et la bouche ouverte sans visage, tirée d’une photographie de Benito Mussolini. Bacon déclara, à propos de la photographie, matériel de prédilection qu’il employa de façon nuancée : « Je me considère comme une espèce de machine pulvérisatrice dans laquelle est introduit tout ce que je regarde et tout ce que je sens. Je me crois différent de ces vautours des mass media qui utilisent les photographies plus ou moins telles qu’elles sont, ou qui les découpent pour les arranger différemment. La réalité littérale de ces photographies ainsi employées – même si ce ne sont que des fragments – empêchera l’apparition de véritables images, parce que l’essence des apparences n’a pas été suffisamment digérée et transformée. Dans mon cas, les photographies deviennent une sorte d’humus à partir duquel les images émergent de temps à autre. Les images peuvent être en partie conditionnées par la teneur des matériaux introduits dans le pulvérisateur ». Etude de figure II, 1945-1946, Huddersfield Art Gallery, présentée à la galerie Lefèvre en 1946, est aussi le témoignage de l’expérimentation de la violence, qu’il a connue pendant la guerre dans les services de secours ; Bacon pense la violence en termes de conséquences sur le corps et sur l’esprit, dans la chair et sur l’âme. Tête I, 1947-1948, New York, The Metropolitan Museum of Art, présentée avec cinq autres toiles sur le même thème à la galerie Hanover en novembre 1949, est une image hallucinante d’une tête renversée d’autant plus impressionnante qu’elle est construite dans les couleurs du deuil et évoque le Picasso de Guernica. Avec Etude pour un portrait, 1952, Londres, Tate Britain, Bacon poursuit la recherche sur l’humain. « En fait, quand les peintres font un portrait, ils peignent généralement quelque chose qui est beaucoup plus révélateur d’eux-mêmes que de leur modèle. Je ne pense pas que ce soit important quand le portrait est méconnaissable. Parce qu’au fond, à quoi s’intéresse la majorité des artistes ? A la vie. Tous les artistes sont des amoureux, des amoureux de la vie. Ils veulent piéger la vie pour qu’elle devienne plus vivante, plus violente ». Le portrait, ici, est déformé, exagéré, complexe, hurlant de souffrance ou de terreur, emprisonné par une figure géométrique qui se confond avec les lignes de son corps. L’œuvre se fait l’écho du désir de Van Gogh, que Bacon admirait profondément, d’apprendre à changer et à refaire la réalité : « Je voudrais que mes toiles soient inexactes et irrégulières de telle sorte qu’elles deviennent des mensonges, si vous voulez, mais des mensonges qui sont plus vrais que la vérité littérale ». Les œuvres des années soixante sont d’une autre nature (Etude pour le portrait d’Isabel Rawsthorne, 1966, Paris, musée national d’art moderne ; Etude pour le portrait de Lucian Freud, 1967, Londres, Tate Britain) parce qu’elles sont des recherches impitoyables sur le visage de ses amis : « Qui pourrais-je mettre en pièces sinon mes amis ? Si ce n’était pas mes amis, je ne pourrais jamais leur faire subir de telles violences ». Mais Bacon ne travaille jamais d’après modèle, il utilise des photographies. Pourquoi ? Il se confie à son ami David Sylvester : « Si c’est quelqu’un pour qui j’ai de l’amitié, je ne veux pas lui infliger en sa présence la blessure que je lui fais. Je préfère être seul quand je lui inflige la blessure qui me permet, je crois, d’énoncer plus clairement sa réalité essentielle ». Il inscrit sur la toile les mouvements physiques de ses amis, non pas au sens de décomposition du mouvement, mais du brouillage que provoque la mobilité des traits provoqués par les émotions ou les réflexions, il capte le vivant au risque de l’accident, du trouble, du malaise. Bacon ne prend jamais en considération le beau ou le laid. Il reprend la vision de Baudelaire sur la Beauté, que lui transmet Michel Leiris (Portrait de Michel Leiris, 1976, et Michel Leiris, étude pour un portrait, 1978, tous deux à Paris, musée national d’art moderne), « aucune beauté ne serait possible sans qu’intervienne quelque chose d’accidentel qui tire le beau de sa stagnation glaciale. La beauté est dans la blessure ». Bacon crée des « monstres » mais parce qu’il se meut entre l’apparence et l’essence, entre le fixe et l’instable. C’est alors un renouvellement complet du portrait anglais dont Bacon devient l’un des grands maîtres. Bacon se scrute également ; l’Autoportrait, 1973, collection particulière, nous montre un Bacon, affligé, peut-être méditatif, quelques mois après la mort de son compagnon Georges Dyer. Nous sommes ici dans un non-lieu, une chambre d’hôtel, qui n’est jamais un lieu intime, mais un lieu à soi pour quelques heures ou quelques jours avant qu’un autre ne s’en empare ; le lieu de la tragédie pour Bacon puisque Georges Dyer s’est suicidé l’avant-veille de l’ouverture son exposition rétrospective à Paris en octobre 1971 dans leur chambre d’hôtel, rue des Saints-Pères. Trois études pour un autoportrait, 1979-1980, New York, The Metropolitan Museum of Art, est comme un écho de ce que Bacon disait de lui : « Je déteste mon propre visage et j’ai fait des autoportraits faute d’avoir quelqu’un d’autre à faire. Mais maintenant, je cesserai de faire des autoportraits ». (Bacon en 1975). Dans Etude pour un portrait sur un lit, 1963 et Trois figures et un portrait, 1975, les deux œuvres sont à Londres, Tate Britain, Bacon utilise de nouveau la structure tubulaire pour isoler son ou ses personnages (ces derniers n’en formant probablement qu’un), puis le triptyque, à son tour, Triptyque, 1991, New York, The Museum of Modern Art, permettra l’isolement sans interrompre le jeu de la proximité. Triptyque août 1972, 1972, Londres, Tate Britain, est un hommage à Georges Dyer, dans les couleurs de la mort et de son annonce, violet et noir, dans lequel l’œuvre oscille entre intimité et exhibition. Bacon ne craint jamais ni l’une ni l’autre, allant parfois jusqu’à l’obscénité, Etude du corps humain, 1981-1982, Paris, musée national d’art moderne, si celle-ci peut être le moyen d’une compréhension plus profonde de l’humain et de la chair. Un de ses amis a pu dire : « Aucune convenance ne l’empêchait d’exprimer son opinion, qu’elle puisse offenser lui était complètement égal ». Il en est de même pour son art qui est le produit d’une très grande exigence vis-à-vis de lui-même. Même si le Portait de la reine Elizabeth II, 2001-2002, Buckingham Palace, a été diversement accueilli par la presse et la critique, Il affirmait la nécessité de la soumission du sujet au peintre et non du contraire et est la preuve de l’importance de Lucian Freud (1922-2011) dans la peinture figurative de l’après-guerre. Freud est né à Berlin. Son père, architecte moderniste, quitta l’Allemagne en 1933, la famille s’installa dans le quartier de Hampstead, à Londres, et obtint la nationalité anglaise en 1939. On ne présente plus son grand-père, le grand psychanalyste Sigmund Freud, qui rejoignit l’Angleterre en juin 1938. Lucian Freud L’apprentissage de Freud commence lorsqu’il entre à l’Ecole de peinture et de dessin de Benton End en 1939 et apprend son métier auprès de Cedric Morris qui le portraiture en 1941 en soulignant la séduction de son modèle mais en lui donnant un soupçon d’étrangeté. A la suite de cet enseignement, Freud va se lancer, privilégiant les autoportraits et les portraits, en parallèle aux scènes de genre et à de rares paysages. Les autoportraits permettent de saisir l’évolution plastique de l’artiste autant que sa capacité à s’observer sans complaisance. Les premiers autoportraits (Homme à la plume, 1943, collection particulière, exposé à la galerie Lefèvre en 1944) sont très proches de ses illustrations, leur caractère graphique est indéniable, même si le second est plus complexe et assez audacieux pour l’époque. En novembre 1944, il bénéficie de sa première exposition personnelle à la galerie Alex Reid et Lefèvre, puis en 1946, il se rend en France où il fait la connaissance de Picasso et Giacometti sans être influencé par leur œuvre. En 1956, il laisse un autoportrait inachevé créant ainsi une grande tension entre le haut de son visage peint et le blanc où l’on remarque de traits de fusain. Freud a raconté que cet autoportrait avait été l’objet d’un véritable combat avec la toile. On y observe aussi une mélancolie que l’on retrouve dans la Tête d’homme, Autoportrait I, Manchester Art City Art Galleries. Dans cette œuvre comme dans l’autoportrait qui suit, Tête d’homme, Autoportrait II, Londres, National Portrait Gallery, on remarque une touche moins lisse, une utilisation nouvelle de la lumière. Il oscille entre narcissisme et analyse objective, entre la volonté de capter un visage qu’il sait séduisant et celle de marquer le défaut, la blessure, comme Bacon. Dans Reflet, Autoportrait, 1985, collection particulière, il se montre franc en présentant un visage marqué par le temps mais contrastant avec le corps qui résiste encore. En 1993, Le Peintre au travail, collection particulière, est un nu sans pitié, qui est le moyen de la connaissance de soi, de la vérité de l’individu, qu’il ne partage pas avec nous puisqu’il détourne, une fois de plus, le regard. Curieux accord de vulnérabilité et de courage que l’on retrouve dans l’un des derniers autoportraits en 2002 : « Je n’accepte pas ce que je vois, c’est là que les ennuis commencent ». La question des rapports de Freud et de l’expressionnisme allemand et viennois se pose dès le début des années 40 (Enfant évacué, 1942, collection particulière). Malgré son, enfance en Allemagne et les visites à Vienne pour voir son grand-père qui possédait une œuvre de Grosz, Freud est peu familier de l’expressionnisme jusqu’à la grande exposition de juillet 1938 aux New Burlington Galleries consacrée à l’Art allemand du 20ème siècle. On sait qu’il n’a pas aimé l’exposition mais a dû en être marqué, puisque ses premiers œuvres sont proches du Réalisme magique. Les trois portraits de Kitty Garman, fille de Jacob Epstein et de Kathleen Garman, qu’il épouse en 1948 (La Fille à la veste noire, 1947, collection particulière ; Femme avec des roses, 19471948, Londres, British Council Collection ; Jeune femme avec un chat, 1947, Londres, Tate Britain, exposé en octobre 1947 à la London Gallery) sont révélateurs de cette tendance à l’étrange, particulièrement dans la dernière toile où la jeune femme aux regard égaré semble tordre le cou du félin. David Sylvester parlait de « calme hystérique » à propos de ces portraits. La Femme au chien blanc, 1950-1951, Londres, Tate Britain, nous présente une Kitty Garman plus apaisée, elle est enceinte du peintre, elle repose sur un canapé auprès de son chien. L’œuvre possède un érotisme tranquille, rare dans son œuvre. Le couple se sépare peu de temps après car Freud est tombé amoureux de Lady Caroline Blackwood (héritière de l’empire Guinness). Freud fit aussi à cette époque le portrait de Francis Bacon, 1952, Londres, Tate Britain, un petit format qui lui permet de se concentrer sur la personnalité inquiète du modèle avec une grande tendresse. La Femme enceinte, de 1960-1961, collection particulière, est Bernardine Coverley, enceinte de leur fille Bella (Bébé sur un sofa vert, 1961, Chatsworth Trust) ; ici, Freud abandonne sa manière « objective » ou « illustrative » au profit d’une peinture plus brutale, plus expressive, plus physique, qui traduit mieux le corps, ses états, ses émois, adoptant également des teintes au plus près de la chair. Reflet avec deux enfants, 1965, Madrid, musée Thyssen-Bornemisza, nous permet de comprendre la façon dont Freud travaille en scrutant intensément le modèle (ici, lui-même et ses enfants Ali et Rose Boyt), en se plaçant au-dessus d’eux pour les dominer, les lampes augmentant le malaise du spectateur. Les nus scrutés ainsi rappellent les toiles de Lovis Corinth (Nu féminin allongé, 1907, Vienne, Belvédère) ou celles de Schiele et Kokoschka. Leur point commun réside en la volonté de s’écarter du Beau idéal pour s’intéresser au corps réaliste, abîmé, âgé et le révéler. Ce corps-là est un bien meilleur champ d’étude en raison de ses marques, de ses plis, de ses creux et de ses reliefs, de son épaisseur ou de sa transparence, du grain de sa peau, des traces de sueur. Le premier nu, Fille nue, 1966, collection particulière, ou Femme nue, de 1980-1981, Londres, British Council Collection, répondent à cette quête quasi-obsessionnelle de vérité du corps en évitant tout aspect érotique. Qu’elles soient vues allongées ou non, Femme debout près des chiffons, 1988-1989, Londres, Tate Britain( le modèle est l’artiste Sophie de Stempel) aux corps déformés ou non, Inspectrice sociale allongée, 1994, et Inspectrice sociale dormant, 1995, les deux dans des collections particulières (le modèle est Sue Tilley), les femmes de Freud défient les nus du passé, Titien, Boucher, Goya, la bienséance et la tradition. Les nus masculins, Deux hommes, 1987-1988, Edimbourg, National Galleries of Scotland, et Deux hommes dans l’atelier, 19871988, collection particulière, lui offrent l’occasion de compositions aux effets de perspective audacieux, utilisant parfois la lumière artificielle, créant des zones de tension plastique entre les deux hommes. Son modèle favori, Leigh Bowery, était un personnage extravagant des années 80 et 90, performeur et modèle professionnel, dont le corps monumental répondait aux exigences de Freud (Homme vu de dos, 1991-1992, New York, The Metropolitan Museum of Art). La dernière œuvre de Freud est le Portrait d’un chien de meute, 2010-2011, collection particulière, que la mort l’empêcha d’achever. Elle représente son ami et assistant David Dawson avec son lévrier, Eli. Seuls le visage de Dawson et celui du chien sont terminés laissant la toile dans différents états d’avancement précieux pour comprendre la technique de l’artiste et la façon qu’il avait de donner de la consistance aux corps.