écit de la course écrit par Pierre: Publié dans Ultra
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écit de la course écrit par Pierre: Publié dans Ultra
Une course aventure dans le Nordest du Bresil, le delta du Maranhäo et le désert du Lançois. Un programme alléchant, je n’ai guère hésité lorsque Franck m’a fait part de son idée d’organiser une course dans cette région. J'avais manqué le coche en 2000 avec l'Elf authentique, dernière épreuve à avoir été autorisée à traverser le Lançois, cette fois, je ne raterai pas cette occasion. Je fais faire la connaissance de tout le groupe, une trentaine de coureurs; je ne connais personne mis à part l'inévitable Karim Mosta et Patrick Roblin que je retrouve avec plaisir après avoir passé quelques bons moments en sa compagnie lors de la Transaharianna 2009. Premier briefing la veille du départ, Franck, avec son enthousiasme débordant, nous décrit un parcours magnifique, très varié, difficile, ponctué de bivouacs magiques. C’est donc avec une grande joie et la certitude de participer à une première qui restera dans les annales, qu'avec une trentaine d'autres chanceux, je me présente sur la plage de Pedro do salle le 09 mai. Il est 06 heures du matin et une petite pluie fine rafraichît un air déjà très lourd. Quelques ultimes recommandations de Franck et c'est le départ. Plusieurs centaines de mètres sur la plage et on s'enfonce dans l'ile de Santa Isabel que nous allons traverser de part en part. Le parcours est bien balisé mais chacun trouve sa propre trace pour éviter les plus grosses dunes et quelques petits lacs. Nous cheminons sur un sentier sablonneux et sinueux à travers la foret, puis c’est l'ascension d'une ultime dune et nous débouchons sur la plage . Déjà l'arrivée : 14km, une mise en bouche pour un raid qui s'annonce magnifique. Un bateau nous attend pour nous amener sur l'ile Canarias; 30 minutes de navigation qui seront mises à profit par chacun pour se restaurer et préparer son sac pour la seconde étape. 22 km et au menu: sable, eau et chaleur. Je fais presque toute la course au côté d'Acacio, un Brésilien sympathique. En retrait aujourd’hui, il gagnera l’étape de 60 km et finira second au général. Sur le parcours, nous traversons les villages de Caicara et de Torto. Les CP se trouvent dans des petits bars ou nous pourrons nous ravitailler en eau et en coca. Ces 2 courtes pauses sont des grands moments de bonheur car il fait très, très chaud, plus de 35° et le taux d'humidité avoisine les 80%. La progression est lente car le sable est très mou et il y a de nombreux marais à traverser avec parfois de l'eau jusqu'à la taille. C’est, parait-il l'une des zones après l'Amazonie où l'on trouve le plus d'anacondas et de caïmans. Même si l'eau tiède rafraichît quelque peu nos pieds surchauffés, toutes ces zones humides sont franchies le plus vite possible. Comme si ce parcours n'était pas suffisamment aventure, j'en rajoute une pincée en finissant les dernières longueurs à travers la mangrove. Un bon quart heure pour deux cent mètres qui resteront dans mes souvenirs: quelques trous d'eau noire à traverser à la nage, un entrelacs de racines à enjamber avec parfois de la boue jusqu'à mi-cuisse et la crainte de me trouver nez a nez avec une bestiole pas très sympathique. Finalement, je n'aurais été attaqué que par des nuées d'énormes moustiques et je sors de là exténué, couvert de boue des pieds à la tête. Je me plonge avec délice dans l'eau chaude de la lagune qui jouxte le village de Moro do Meio. Après un bon repas, nous montons nos tentes et on s'endort en rêvant à l'étape du lendemain que Franck nous a décrit au briefing avec force adjectifs. Nous allons traverser l’une des 80 îles qui forment l’archipel du delta : Cajou, véritable sanctuaire écologique, abrite une faune abondante qui vit au milieu d'une végétation luxuriante. Le départ est donné sur les rives du fleuve Parnaiba. J'aurai le plaisir de courir toute la première partie avec Jean Vercambre, sympathique propriétaire du magasin Off course à Lille. Alternance de champs inondés comme la veille et sentiers qui cheminent dans le sable. Pour trouver notre chemin et suivre les balises, il nous faut parfois écarter la végétation qui recouvre complètement la piste. A mi-course, nous passons devant une ferme, elle héberge les propriétaires et uniques habitants de l’île. Après 18 km de ce parcours magnifique, au milieu des chants d'oiseaux, nous sortons de la forêt et une vue splendide s’offre à nous : des dunes blanches entourés de taches de verdure et la mer en fond de décors : superbe. Rapidement nous débouchons sur la plage: 6 km difficiles car la chaleur est étouffante. Jean a une foulée de marathonien et c'est avec regret que je le vois s'éloigner au loin. Enfin le dernier Cp et Pierre, le G.O de Tendao, nous indique la direction à suivre, 3km à zigzaguer entre dunes et lacs. Délibérément, je ne contourne pas le 1er, l'eau fraiche me redonne des forces et je rattrape Olivier, nous gravissons la dernière dune ensemble pour passer la ligne 3 minutes derrière Jean et près de 20 minutes après Karim. En attendant Sylvie et Stéphanie qui ferment la marche, nous nous baignons avec délice dans une lagune d'eau douce à 30 degrés: le bonheur ! Transfert en bateau sur des canaux qui serpentent au milieu de la mangrove pour atteindre Tutoia. Chacun profite du trajet pour se reposer, manger ou se faire soigner des pieds déjà très éprouvés par Jean, un médecin compétent et par Stéphanie, infirmière venue courir pour promouvoir le don d'organes. Au lieu de se reposer, elle donnera beaucoup de son temps et sa bonne humeur sera communicative. L'ambiance dans le groupe est excellente, le moral de tous est au beau fixe même si l'étape du lendemain hante un peu les esprits. Au briefing, bonne nouvelle, Franck annonce 62 km au lieu de 72. Un bon repas, une nuit dans un petit hôtel de Tutoia et un départ à 5h30 sur la plage. Les premiers km qui serpentent entre les dunes sont agréables, je suis à une petite longueur du quatuor de tête, Acacio et Décio, 2 Brésiliens qui bouclent l’UTMB en 27h, Ruan Carlo, un Guatémaltèque au CV sportif impressionnant et Karim. 8Km de couru, fin du sable mou, nous débouchons sur une piste parcourue par de nombreux véhicules: 27 km de lignes droites sous un soleil de plomb, heureusement de petites boutiques jalonnent le parcours; Je ne consommerai pas moins de 5 litres d'eau et de coca avant d'arriver au 1er CP qui se trouve à Paolo Neves. Une longue pause de près d'un quart d'heure et je repars avec Nadia. Quelques km très agréables, un sable ferme, des champs inondés pour se rafraichir. Rapidement nous franchissons la dernière dune pour se retrouver sur la plage: 20 km que je crains pénibles car il fait très chaud. Ce sera au contraire des instants sympathiques car ces 2 H 30 passés avec Nadia me permettront de faire sa connaissance. Elle me parlera du groupe Slim Evasion crée en mémoire de son frère décédé un an plus tôt. Des moments de partage et de chaleur humaine comme je viens en chercher sur ces courses. Nadia m'a un peu boosté dans les premières longueurs de plage et à mon tour je trouve les mots pour la motiver dans les derniers km; Surtout lorsque le phare annoncé à 3km de l'arrivée semble reculer au fur et à mesure que nous avançons. Main dans la main, nous franchissons la ligne d'arrivée dans le petit village de Cabure après 8h08 de course. Moins de 3h après nous et fermant la marche, Elisabeth et Sabrina qui découvrent ce genre de raid passent ensemble la ligne: un grand moment d'émotion et un grand coup de chapeau car cette étape était très difficile. Un parcours long, écrasé par la chaleur et peut-être un peu monotone; et oui, on devient difficile! Les 3 étapes précédentes étaient tellement belles et les 2 à venir s'annoncent somptueuses. En attendant, Franck nous avait annoncé une journée de repos dans un petit coin de paradis; il ne nous a pas menti, le minuscule village de Cabure coincé entre la mer et le rio Priguigas est un havre de paix. Le mardi soir, une dizaine de Brésiliens nous ont rejoints pour cette fameuse traversée du désert du Lançois: 155000 hectares de dunes entrecoupées de lacs formés par les eaux de pluie qui, en raison de la végétation et du sol, prennent des couleurs bleutées ou vertes. Au dernier briefing, Franck et Maxylène, sa charmante épouse et coorganisatrice, nous rediront la chance que nous avons de pénétrer dans ce sanctuaire protégé, interdit à tous véhicules. L'ultime description qu'ils nous font du Lançois nous fait rêver, nous avons tous hâte de découvrir ce désert magique. La nuit est courte, à 5h30, nos 4 embarcations s’enfoncent dans la nuit noire, après une petite demi heure, gilet de sauvetage autour du cou, nous débarquons tel un groupe d'intervention, dans le village d'Atins. Un peu de noir sur le visage et voilà le GIGN en opération secrète !. Levé du soleil, les fauves sont lâchés, nous avalons rapidement les 8 premiers km de sable porteur, entrecoupés de quelques marécages. Puis les premières dunes du désert apparaissent: hautes, blanches, majestueuses. Je grimpe au sommet de la première et un paysage fascinant s'offre à mon regard: une multitude de lacs scintillants sous le soleil, enchâssés dans des cordons de sable blanc. Nous alternons franchissement de dunes et traversées de lacs, de l'eau à mi-mollet ou jusqu'à la taille. Je profite de chaque passage dans l’eau pour me rafraichir car la température monte très vite. Je ne suis parti qu'avec 2 litres et ces lagunes d'eau douce sont également les bienvenues pour refaire le plein des gourdes. Au 18ème km, j'ai quitté le balisage pour trouver le premier CP au GPS; mauvais choix, je fais un petit aller retour de 500m avec mon ami Gérard, le Jurassien. Olivier qui suivait à quelques minutes en profite pour couper tout droit et on se retrouve tous les 3 auprès de Pierre qui a passé la nuit au sommet de sa dune. Une petite remarque amicale sur la position erronée du CP et nous repartons sur un rythme élevé jusqu'au village de Baixa Grande, 3 maisons et 7 habitants. Une rapide pause, l'achat d'un coca et je repars au pas de course car je veux rattraper Olivier qui ne s'est pas arrêté au CP. Je le rejoins à l'entrée de la 2ème oasis de ce magnifique désert. Un km sur un sentier qui serpente sous les arbres, une dernière lacune où nous croisons Rénata, la célèbre caméraman Brésilienne qui doit faire des images qui s'annoncent superbes et c'est l'arrivée à Quemadas dos Britos, la seconde communauté qui vit au milieu de ce Lançois. Nous arrivons à midi, après 6h de course et la chaleur est écrasante, j'ai une pensée émue pour les derniers qui ne franchiront la ligne que vers 16h. Une baignade dans une eau claire à 30°, un bon plat de riz et de poisson délicieux et me voilà près à affronter...une sieste dans un hamac bercé par une douce brise! Si ce n'est pas le bonheur, ça y ressemble! Un dernier briefing: 22km de dunes plus hautes et plus raides, des lagunes plus profondes et un final de 3km sur les pavés des rues du village de Santa Amaro où toute la population sera rassemblée pour nous accueillir. Vendredi 6h, après une bonne (pas pour tous!) nuit dans les hamacs, la course part tout de suite sur un rythme très élevé; j'essaie de rester à vue de Jean et d'Olivier, tout en ne dépassant pas un niveau d'effort qui me permette d'apprécier pleinement le paysage. Les dunes sont magnifiques, un sable blanc très fin; une petite ascension très raide suivi d'une descente à pic coté lagune. Je profite de chaque passage dans l'eau, avec parfois une immersion complète lorsque la profondeur approche le mètre. Rafraîchissantes mais éprouvantes pour les cuisses, ces incessantes baignades entament encore plus le physique que le sable mou des dunes. Au 10ème km, pointage auprès de Patrick qui a passé la nuit seul dans le désert après avoir (bien) balisé le parcours. Un ultime effort et je rejoins Jean ; Olivier est loin devant, il a lâchement abandonné ses ainés, décidément plus de respect! Les derniers km sur les pavés sont difficiles car ils paraissent interminables. Enfin nous débouchons sur la place centrale de Santa Amaro et c'est une arrivée triomphale, après 3h48 de course, sous les pétards et les applaudissements. 3H29 pour le premier, Karim Mosta, plus du double pour les 4 Brésiliennes que tout le groupe accueille sur le podium d'arrivée dans une ambiance de fête. Nous embrassons Maxylène et Franck pour cette course-aventure magnifique qu'ils viennent de nous faire vivre. Bravo pour l'organisation parfaite de cette première mais surtout chapeau pour avoir imaginé puis osé réaliser un tel projet. J'ai vécu des instants d'émotion avec des gens qui avaient tous ce petit plus, ce brin de folie que l'on rencontre souvent chez les participants à ce type de course. Des gens passionnés avec des parcours atypiques ou des histoires très fortes. Merci à Nadia, Olivier, Jean, Gérard, Ruan, Acacio et tous les autres. Avec eux, j'ai traversé des paysages superbes, ressenti un contact avec la nature presque charnel, sublimé par l'effort. Convivialité mais aussi compétition : chacun a lutté pour une place ou simplement contre soi-même. Nous partageons quelques « cervezas » locales et un ultime plaisir nous attend: un transfert en « jardineiras », sorte de 4/4 locaux. 3 véhicules qui continuent la course, filant à toute allure sur une piste étroite et chaotique, à travers la forêt et quelques passages à gué parfois inquiétants. L'arrivée dans le centre historique de Sao Luis pour 2 nuits dans un hôtel particulièrement typique, rénové avec goût est tout aussi magique. Un choix judicieux, plutôt qu'un hôtel 4 ou 5 étoiles sans âme au bord de la plage, nous logerons dans un bâtiment de près de 4 siècles, chargé d'histoires ou semble encore planer l'âme des premiers conquistadors. Soirée de remise des prix qui récompenseront les premiers, discours des autorités locales qui remercient l'ensemble des participants pour leur exploit mais surtout pour leur respect du Lançois. Après notre passage, ne devaient rester que nos traces de pas, vite effacées par le vent. Les souvenirs sont dans nos têtes et sur la pellicule: les photos magnifiques de Christelle et Stéphane suivi d'une vidéo de Rénata nous replongeront avec bonheur dans les moments intenses que nous venons de vivre. Un cocktail et un spectacle musique et danse nous seront offert par la municipalité. Nous terminerons la soirée à manger, boire quelques « cervezas » et « caîpirinhas » et danser dans les rues de Sao Luis : une énorme fête qui durera jusqu'au bout de la nuit.