1 SYNOPSIS Extérieur jour. Fin d`été. Route de campagne. Une

Transcription

1 SYNOPSIS Extérieur jour. Fin d`été. Route de campagne. Une
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SYNOPSIS
Extérieur jour. Fin d’été. Route de campagne. Une voiture longe un bois. A l’intérieur, un homme et
une femme d’une quarantaine d’années. Elle, brune corbeau, fine, nerveuse, presque maigre,
concentrée sur la route. Lui, un peu plus vieux, les cheveux et les yeux clairs, le regard perdu.
Elle : Je m’ennuie.
La voiture s’éloigne. Dans le petit bois, au bout d’un chemin forestier, quelque chose scintille
mystérieusement d’un éclat métallique. Cut.
Entrée d’un village. Fin d’après-midi. Un panneau indique : Miannay. La voiture le dépasse. Le soleil
couchant enlumine les lieux comme la page de garde d’un livre médiéval. Chaque parterre, chaque
rebord de fenêtre, chaque jardin est abondamment fleuri. Ambiance chaleureuse. Paisible. Cut.
Place du village. Devant la longue vitrine d’un bar.
Dans le véhicule qui roule maintenant au pas :
Lui : Anne, arrête-toi là s’il te plait. J’ai besoin d’un café.
Elle : Oh !! Pierre ! Si on veut être rentrés avant la nuit…
Lui. J’ai besoin d’un café !
Intérieur jour. Bar du village. Des affiches représentent le patron de l’établissement à l’accordéon et
annoncent le prochain bal. Le couple entre. Anne, exaspérée file aux toilettes. Pierre la regarde
disparaître puis commande un demi avec un petit sourire. Le patron le sert. Lui aussi sourit, en coin :
complicité masculine face à l’entrée hargneuse de cette fille en colère.
Un homme d’une trentaine d’années entre à son tour. Il a quelque chose de définitivement jeune en
lui. Un visage ouvert, souriant, l’air de découvrir le monde et de trouver ça épatant. Il salue le patron,
commande un Vittel-menthe.
Il dit : On a eu une cliente in–extremis pour ce week-end ! Une vieille dame hollandaise. Elle marche
difficilement avec une canne. Je lui ai conseillé le gîte aménagé au manoir. Tout est au rez-de
chaussée… La pauvre a l’air d’avoir aussi un problème aux yeux, elle n’a pas quitté ses lunettes
noires, même à l’intérieur…
Pierre : Vous êtes complets ?
L’homme au Vittel-menthe : Non, pas du tout ! Il reste deux gîtes libres au manoir.
Le patron : Et il y a bal ce soir, comme tous les week-ends d’ailleurs ! Et en plus on fête l’anniversaire
de ma salle !
Anne sort des toilettes, toujours exaspérée, et apercevant le demi de Pierre : Je croyais que tu avais
« besoin » d’un CAFE !
Pierre : Je reste ici.
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Anne : Quoi ?
Pierre : Je prends mon sac et je reste ici.
Elle sort furieuse du bar.
Pierre : Je reviens.
Il sort à son tour. Par la vitrine on le voit prendre son sac dans le coffre de la voiture.
Extérieur jour. Devant la voiture.
Pierre : On a essayé. Ça n’a pas marché. Il a fait beau, la mer était belle, on a vu les phoques de la
baie de Somme, on a mangé des frites et puis des moules, on a bu du vin de Moselle, on a fait ce
qu’on a pu… Je vais nous épargner un long et douloureux retour… Tu t’ennuies avec moi, mais tu
vois, je peux encore être surprenant…
Anne : Connard !
Cut.
Extérieur, crépuscule. Manoir de Miannay. Grande bâtisse en L… et en briques, récemment
restaurée. Une tour termine la plus longue façade, à droite. De l’autre côté, entre elle et la branche
courte du L, une partie qui n’a pas été entièrement reconstruite. Le dernier étage, à ciel ouvert sert
de terrasse aux gîtes. Face au manoir, un pigeonnier, entièrement restauré lui aussi, recouvert de
crêpi blanc. A l’autre bout du terrain, une petite rivière, la Trie, débouche d’un pont minuscule et
longe le domaine. Une voiture s’arrête sur le parking, à côté d’une grosse berline munie d’une plaque
hollandaise. Pierre et l’homme au Vittel-menthe en sortent. Pierre porte son bagage et un sac en
plastique rempli de victuailles. Cut.
Intérieur, crépuscule. Salon. Grande cheminée. Longue table.
L’homme au Vittel-menthe : Vous voyez, tout a été refait à neuf… Bon, eh bien… N’hésitez pas à
m’appeler si vous avez un souci… Je ne pense pas que vous serez dérangé par votre voisine… Bon
séjour… Vous comptez aller au bal ? L’ambiance est très chouette, des habitués pour la plupart…
Pierre pose ses sacs sur la table : Ça se pourrait…
L’homme au Vittel-menthe sourit et s’en va. Cut
Intérieur nuit. Pierre s’est endormi, la tête dans ses bras posés sur la longue table du salon. A ses
côtés, une bouteille de whisky à moitié vide. On entend une porte se refermer, puis le tap tap d’une
canne sur les pavés de la terrasse. Pierre se réveille, écoute, se frotte le visage, puis se lève et
s’approche de la fenêtre. Il voit la frêle silhouette d’une vieille dame, les cheveux couverts d’un
foulard, sans doute sa voisine, s’éloigner vers la rivière.
Extérieur nuit. Parc du manoir.
Pierre a suivi la vieille dame sans bruit. Arrivée au bord de l’eau, elle appuie sa canne contre un
buisson et allume une lampe torche. Pierre l’a presque rejointe. Intrigué, il l’observe en silence. Elle
fouille le tunnel que forme le petit pont du faisceau de sa lampe. Elle se penche de plus en plus, et
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soudain, son pied dérape, elle va tomber à l’eau, mais Pierre se précipite et la rattrape. La vieille
dame se débat.
Pierre : Je veux juste vous aider…
La vieille dame, tout en éclairant le visage de Pierre (léger accent hollandais) : Qui êtes-vous ?
Pierre est troublé : malgré les vêtements, il se rend compte que le corps qu’il tient dans ses bras n’est
pas celui d’une vieille dame…
Pierre : Et vous ?
Cut.
Intérieur nuit. Salon du gîte de Pierre. Une lampe baigne la pièce d’une lumière douce. Pierre et la
vieille dame qui n’en est pas une sont à table, face à face, devant deux verres de whisky. Elle ne porte
pas ses lunettes noires, et a ôté son foulard. Ses cheveux couleur miel sont tirés en arrière et serrés
dans un chignon. En gros plan, on voit qu’elle s’est vieillie à l’aide d’un maquillage, mais qu’en
dessous se cache un visage jeune au long ovale Botticellien.
La vieille dame qui n’en est pas une : On m’avait dit que le gîte était vide…
Pierre : J’espère que vous aimez les surprises…
Elle : Pas tellement…
Pierre : Pour quelqu’un qui se déguise en vieille dame…
Elle, haussant les épaules : Ça ne vous regarde pas…
Pierre : C’est vite dit : si ça se trouve, je partage ce gîte avec une dangereuse criminelle…
Elle : Je ne suis pas une criminelle…
Elle soupire, puis : Mon père vient de mourir… Il était né ici, dans ce manoir… Mes grands-parents
s’étaient réfugiés dans ce village pendant la guerre… Alors qu’il était mourant, il m’a dit que mon
grand-père avait caché quelque chose ici avant de rentrer en Hollande… Il ne voulait pas prendre le
risque de faire le voyage avec… La guerre était finie, mais les routes pas encore sûres…
Pierre : Pourquoi n’est-il pas revenu ensuite ?
Elle : Il est tombé malade… Il était persuadé qu’on l’espionnait… Il a passé sa vie à déménager…
Pierre : Et votre père ? Pourquoi a-t-il attendu si longtemps avant…
Elle : Il n’y croyait pas… Mais peu de temps avant sa mort, des hommes sont venus lui poser des
questions, des hommes en noir, comme dans ce film de science-fiction….
Pierre : « Men in Black » ?
Elle : C’est ça ! Mon père a pensé que je risquais d’avoir des ennuis, alors il m’a raconté l’histoire… Il
m’a parlé du manoir de Miannay… Il m’a parlé aussi d’une hélice… Mais il n’y a pas d’hélice…
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Pierre : Tout a été refait…
Elle : Je sais ! Je ne trouverai jamais… J’ai essayé la rivière… une hélice de bateau… une roue de
moulin à eau… Rien !
Pierre : Ce déguisement, c’est pour échapper aux hommes en noir ?
Elle : Oui, ils m’ont suivie moi aussi… C’est ce qui m’a décidée… J’ai réussi à les semer… Enfin je
crois…
Deux hommes en complets noirs surgissent soudain dans la pièce. La jeune femme déguisée en
vieille dame lance aussitôt le contenu de son verre de whisky au visage de l’un deux, qui est aveuglé
par l’alcool. L’autre plonge sa main dans sa veste, sans doute pour en sortir une arme, mais Pierre lui
lance la bouteille de toute ses forces à la tête, le type chancelle.
Elle : Venez !
Ils foncent vers la berline, montent à l’intérieur. La jeune femme, au volant, verrouille les portes, puis
démarre. Les deux hommes arrivent en courant, s’accrochent aux portières, mais le véhicule est
lancé. Pierre les voit courir vers leur voiture qu’ils ont garée plus loin pour ne pas faire de bruit. Cut.
Extérieur nuit. Route de campagne, longeant un bois. Poursuite.
Elle : Ils vont nous rattraper !
Pierre : Tournez là !
La jeune femme braque, la berline dérape mais réussit à s’engager dans un chemin forestier. Elle
éteint les phares. Quelques secondes plus tard, la voiture des poursuivants passe en trombe sur la
route. Pierre et la fausse vieille dame retiennent leur souffle. Soudain, au lointain on entend des
crissements de pneus, un fracas de tôle froissée, suivi d’une explosion.
Elle : Ouf ! Bon débarras !
Pierre : Regardez !
Au bout du chemin, dans la lumière des phares, une hélice d’avion tordue, fixée sur un socle, brille
d’un éclat métallique. Un hommage à un avion allié qui s’est écrasé là. Cut
Extérieur nuit. Aux pieds de l’hélice.
Pierre creuse l’humus avec la manivelle de la berline. Une boîte apparait. La jeune femme l’ouvre
avec une clé dissimulée dans un pendentif accroché à son cou, à l’intérieur : des diamants ! Cut.
Intérieur nuit. Salle de bal du café du village, le « Picardie Musette ». Long parquet ciré. Aux murs,
des guirlandes de fleurs en papier, des photos dédicacées d’accordéonistes célèbres. La salle est
pleine. La foule est tournée vers une petite estrade dans un coin de la pièce. Dessus, Michel, le
patron, prêt à jouer, les doigts sur les touches de son accordéon. A ses côtés, l’homme au Vittelmenthe, qui s’avère être le maire du village.
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Le maire : … Et puisque nous fêtons l’anniversaire de notre bal ce soir, n’oublions pas que nous le
devons à un accident ! Sans cela, Michel serait sans doute devenu footballeur ! Heureusement, il ne
s’est pas laissé abattre : puisqu’il ne pouvait plus taper dans le ballon, il s’est mis à l’accordéon ! Vasy, chauffe, Michel !
Michel entame une valse endiablée au moment où Pierre entre dans la salle au bras d’une
magnifique jeune femme aux longs cheveux de miel. Le couple se met à danser. La caméra tourne
autour d’eux comme dans film de Claude Lelouch.
Pierre : Vous allez en faire quoi de ce trésor ?
Elle : Ouvrir un hôtel de luxe sous les tropiques. J’en ai marre du climat du nord, et je déteste les
tulipes !
Pierre : Moi aussi j’aime le soleil…
Elle : Je pourrais avoir besoin d’un bon danseur pour faire valser les vieilles dames riches en
vacances !
Pierre : Chiche ! Mais une aventurière comme vous, tenir un hôtel, vous n’avez pas peur de vous
ennuyer ?
Elle : Moi, je ne m’ennuie jamais !
Fondu au noir. Générique sur fond d’accordéon.
Jérôme Soufflet
C’est tout un art - 2014

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