De la sculpture au moulage, La galerie tactile du musée du Louvre
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De la sculpture au moulage, La galerie tactile du musée du Louvre
De la sculpture au moulage, La galerie tactile du musée du Louvre Par Geneviève Bresc-Bautier Directrice du département des sculptures, Musée du Louvre et Cyrille Gouyette Chef de l’Unité éducation artistique La sculpture est l’art de la troisième dimension. Le relief donne l’impression de l’espace sur une faible épaisseur. La ronde-bosse elle, dont on peut faire le tour, change au regard de l’observateur selon ses multiples faces. Ce sont autant d’œuvres d’art qui s’offrent à la vue, mais également au toucher. Le toucher s’effectuant dans la tridimensionnalité, la sculpture se présente naturellement comme l’art le plus adapté à la découverte tactile. Dans le musée, l’œuvre originale ne peut être touchée par le visiteur, pour des raisons de conservation préventive, de taille ou de modalité d’exposition. Sa reproduction fidèle par le biais du moulage (ou éventuellement de copies dans le même matériau) présente une solution efficace de substitution. La copie transmet ainsi la forme de l’œuvre, sa texture et parfois sa matière. Véritable outil de médiation, le moulage peut être dupliqué en plusieurs exemplaires permettant aux visiteurs d’échanger leurs impressions simultanément. Il peut se décliner à plusieurs échelles. Une copie de petite dimension - une réduction – offrira une première découverte d’une œuvre de grand format plus difficile à apprécier dans sa globalité. Reproductible à l’infini, le moulage se soustrait alors aux contraintes de conservation de l’œuvre originale, permettant son ubiquité et devenant de fait un sujet d’investigation, notamment tactile. Ainsi le moulage s’expose sans crainte au-delà des murs du musée jusque dans les écoles, les prisons, la rue. Désormais « touchable » la sculpture, par le truchement de sa copie, s’offre à une découverte brute, objective et ce jusque dans ses moindres détails dont certains échappent souvent à la vue. Musée du Louvre - Journée Partages du 6 décembre 2013 Toucher : pour une approche multisensorielle du musée Alors que dans le musée l’œuvre est interprétée par sa présentation (la hauteur du socle, sa disposition, son éclairage), la réplique de l’œuvre entretient avec le visiteur une proximité et implique dans sa découverte tactile une temporalité plus longue que l’examen synthétique de l’œil. Mais plutôt qu’en opposition, c’est en complémentarité qu’il faut envisager les deux sens du toucher et de la vue. En effet, la sculpture, art visuel, est d’abord conçue pour être vue. Mais elle a été produite par une main, celle du sculpteur, et le toucher permet de la retrouver d’une certaine manière. Si le toucher à lui seul, peut présenter des limites à l’appréciation esthétique d’une sculpture, il permet néanmoins d’en aborder les caractéristiques fondamentales : sa composition, son modelé, sa matérialité. Le rendu des matières s’apprécie sous les doigts au même titre que les différentes densités et températures. Ainsi on ressent mieux les détails de la technique, le travail des outils, le granuleux, les stries du burin, les arêtes, le non finito, ou au contraire les surfaces lisses et pleines. Les accents des drapés, le modelé d’un visage se dévoilent sous la main. Les codes visuels accentuant tel angle de vue ou accusant telle expression perdent de leur efficacité, dans un rapport non distancié à l’œuvre. La perception tactile occulte alors la portée esthétique et livre une interprétation différente de l’œuvre. C’est le va et-vient entre observation visuelle et tactile qui permet de décrypter ces codes. Depuis 1995 le département des sculptures du musée du Louvre accueille une galerie tactile présentant une vingtaine de moulages. Les présentations thématiques de la galerie sont renouvelées tous les 3 ans. Ainsi y ont été abordés successivement les thèmes de la sculpture et son rapport à l’antique, le rendu du mouvement sculpté, la représentation de l’enfance, l’utilisation de l’animal magnifiant le pouvoir. La prochaine exposition déclinera les modes de représentation du corps. Ces différentes thématiques permettent d’inscrire la découverte des moulages dans un cadre de connaissances, dont les références peuvent être esthétiques, iconographiques ou historiques. Cet espace accessible à tous, que l’on soit ou non en situation de handicap, est ainsi devenu le lieu privilégié au musée où le toucher est le premier sens requis. Octobre 2013, Geneviève Bresc-Bautier et Cyrille Gouyette Musée du Louvre - Journée Partages du 6 décembre 2013 Toucher : pour une approche multisensorielle du musée