“To the Lighthouse: à la recherche d`une forme, d`une harmonie et d
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“To the Lighthouse: à la recherche d`une forme, d`une harmonie et d
“To the Lighthouse: à la recherche d’une forme, d’une harmonie et d’un art”. Introduction Grâce à ses techniques novatrices, ses expérimentations avec la langue, la trame et les personnages Virginia Woolf appartient à plein titre au mouvemement moderniste. La période moderniste (à peu près 1890-1930) commence avec l’attaque à des formes de représentation cohérentes et précises et se termine avec un mouvement qui s’éloigne de la subjectivité. Les modernistes utilisent des techniques novatrices pour représenter l’esprit humain et la conscience et sous l’influence de Freud cherchent à explorer des aspects de la réalité réprimés ou niés. Ces écrivains ne considèrent plus le personnage en termes de moralité dans ses actions ou motivations, mais ils examinent la nature et l’activité de son esprit. C’est pour cela que le personnage devient l’anatomie de la vie intérieure de l’esprit (avec une attention particulière à la réflexion et à la fantaisie). La subjectivité est perçue dans sa relation avec des codes culturels, artistiques, ethiques et sociaux, qui sont maintenant considérés comme contingents et relatifs. Il n’y a plus la possibilité de percevoir le je comme quelquechose qui a continuité et integrité; le personnage devient une verbalisation de la dynamique de la conscience et ne peut rester intact: il oscille constamment entre passé et présent, souvenir et désir. En effet virginia Woolf décrit ses nouvelles techniques comme ‘the mind’s soliloquy in solitude’ et comme les autres modernistes elle voulait replacer ce que D. H. Lawrence appelait ‘the old stable ego of the character’ avec un nouveau je fragmentaire et aliéné. A la trame conventionelle avec des séquences linéaires, une continuité des évènements et un message moral elle substituait une nouvelle manière de voir les évènements et le temps. Dans la littérature moderniste les attentes de la narration sont redéfinies: le lecteur doit reconstruire les actions à partir de fragments, d’allusions et de points de vue inconsistents presentés par l’artiste. Il y a cette volonté: to objectify the subjective, the make audible or perceptible the mind’s inaudible conversations, to irrationalise the irrational , to defamiliarise and dehumanise the expected, to conventionalise the extraordinary and the eccentric, to define the psychopatology of everyday life, to intellectualise the emotional, to secularise the spiritual, to see space as a function of time, mass as a form of energy, and uncertainty as the only thing1. Virginia Woolf a écrit ses premiers romans, The voyage out (1915) et Night and Day (1919), dans un style traditionnel: Jacob’s Room (1922) et Mrs Dalloway (1925) sont ses premières expérimentations modernistes. Avec To The Lighthouse (1925) elle atteint une objectivité majeure par rapport au passé et une amélioration de ces techniques comme celle du point de vue multiple: 1 BRADBURY M., McFARLANE, Modernism, London, Penguin, 1976, p. 23. In To the Lighthouse she was able to present, within severely circumscribed limits of time, a wide range and multiplicity of experience by subtle and constant movements in and out of the minds of her various personae. With lucidity and sureness, she selected out the flux and chaos of appearances certain thoughts, feelings and impressions and arrange them in that skilful juxtaposition and sequence not only to produce a beautifully textured and formally composed whole, but also to render the fabric of experience which conformed to her own singular and sensitive vision2. Par rapport à Mrs Dalloway le rôle de la société comme entité organique est beaucoup moins présent et la tension crée par l’opposition de l’individu avec des codes sociaux bien établis est substituée par une recherche d’unité qui va au-délà du temps et du lieu. On pourrait dire que Virginia Woolf s’est libérée ici de la preoccupation qui l’avait poussée à chercher dans ses premières oeuvres un lien entre l’individu et la sociéte, en lui permettant de se dédier finalement à la véritable réalité de ses personnages. Et comme on peut remarquer dans To the Lighthouse, l’exploration de la réalité est réalisée à plusieurs niveaux de signification et chaque niveau semble s’ajouter aux autres pour présenter une vision de la réalité plus vraie et plus profonde que dans ses oeuvres du passé. A niveau littéraire cette recherche est spatiale et temporelle en même temps: la préoccupation concerne when and how to make the trip to the Lighthouse, voyage anticipé dans la Partie I et accompli après dix annèes dans la Partie III. A niveau symbolique cette recherche concerne le signifié du voyage: comment atteindre le phare, metaphoriquement, signifie retrouver une image d’integration et d’harmonie. Le voyage vers le phare permet à Cam et James et d’une certaine manière à Lily Briscoe de faire leur voyage symbolique de découverte. A niveau esthetique l’effort de Lily pour exprimer son sens de la réalité à travers la couleur et la forme indique les problèmes de l’artiste qui veut communiquer sa vision personnelle du monde extérieur. Mais Lily est aussi à la recherche de la réalité du phare parce que avant de completer son tableau elle doit trouver une solution au conflit des opposés qui limitent sa vision: “In the midst of chaos there was shape; this eternal passing and flowing was struck into stability”. Celle-ci est la dernière recherche de la réalité que le roman veut atteindre: retrouver la forme à travers le chaos, faire du moment quelque chose de permanent. La forme qui fait l’objet de la recherche (physiquement et symboliquement) est le phare et le dernier coup de pinceau de Lily qui répresente le phare dans son tableau, montre le moment le plus important de sa vision. Et si on considère que le phare répresente aussi les Ramsays, on peut observer comment la vision de la réalité vient de la perception qu’ils font partie de la vie et que leur fusion et leur unité sont essentiels. En effet à niveau génèral ce roman présente une double clé de lecture qui touche deux aspects qui se retrouvent dans toute l’oeuvre: la metaphore artistique et la figure des parents. 2 LEASKA M. A., Virginia Woolf’s To the Lighthouse: A Study in Critical Method, Columbia University Press, 1970, p.62. Les figures des parents En planifiant To the Lighthouse, situé dans une petite île des Hébrides pendant l’été, avant la première guerre mondiale, Virginia Woolf avait conscientement cherché à recréer son propre passé et particulièrement les figures de ses parents: This is going to be fairly short; to have father’s character done complete in it; and mother’s; and St. Ives; and all the usual things I try to put in it- life, death, etc (Diary, May 14,1925) Tout cela montre comment ce roman lui servait d’une certaine façon pour objectiver ses parents à travers l’art: il s’agissait d’une recherche psychologique qui devait la libérer de leur influence. Les associations entre Mr. Ramsay et Leslie Stephen sont claires: un professeur de philosophie perdu dans son monde d’abstraction, continuellement en train de spéculer sur la nature de la vérité, frustré parce que dans sa recherche il n’a pas su aller audélà de Q en arrivant au moins à R. Sa réalité se fonde sur des recherches scientifiques démontrables: What he said was true. It was always true. He was incapable of untruth […] facts uncompromising…(p. 35) A sa rationalité s’oppose l’intuition de Mrs Ramsay et en effet quand elle cherche à calmer le petit James en lui disant que le voyage au phare prévu pour le jour suivant se serait fait même si les prévisions de son père à propos du temps étaient contraires, Mr Ramsay est frappé par la force et la capacité de proteger les autres de cette femme: The extraordinary irrationality of her remark, the folly of women’s minds enraged him. He had ridden through the valley of death , been shattered and shivered; and now she flew in the face of facts, made his children hope what was utterly out of question, in effect, told lies (p. 56). Mais Mr Ramsay aussi a besoin d’être protegé par sa femme et le remarque de Lily Briscoe, peintre et autre personnage clé du roman le confirme: pour elle il a “an insatiable hunger for symphaty” et clairement il a besoin du réconfort de sa femme. Mrs Ramsay aime sûrement son mari même s’il a pour lui des sentiments ambivalents: d’une côté elle ne peut pas tolérer la facilité avec laquelle il sait détruire les illusions des autres comme dans le cas de James: ..to pursue truth with such astonishing lack of consideration for other people’s feelings, to rend the thin veils of civilisation so wantonly, so brutally, was to her so horrible an outrage of human decency … (p. 56) De l’autre côté elle sent un orgueil et une estime totale pour son mari: There was nobody she reverenced more. She was not good enough to tie his shoe strings, she felt (p. 56) Mr Ramsay est presenté aussi comme un héros avec un esprit combatif à l’égard de la vie et il se sent le protecteur de sa femme et de ses enfants; l’amour pour sa famille est profond et sincère: Who will not rejoice secretly when the hero puts his armour off, and halts by the window and gazes at his wife and son who, very distant at first, gradually come closer and closer…. (p. 59) Il a du mal à exprimer ses sentiments, mais il arrive à un résultat dans ce sens à la fin du livre, pendant le voyage pour arriver au phare: c’est dans ce moment-là qu’il retrouve une unité avec ses enfants James et Cam. Finalement il passe de la philosphie à la vie réelle, pour mieux comprendre la relation de ses enfants avec sa femme quand elle était encore vivante. Le voyage est une expérience profonde et intense pour un homme comme Mr Ramsay qui avait utilisé toutes ses activites comme “a refuge of a man afraid to own his own feelings, who could not say, This is what I like—This is what I am..”. Le véritable conflit du roman est représenté par la polarisation des deux personnages principaux dans la première section et cette situation est résolue dans la section finale quand Mr Ramsay accomplit sa mission en hommage au souvenir de sa femme. Mais même si cette solution pourrait sembler un hymne aux qualités féminines, on peut observer que Virginia Woolf retrace ici son idéal androgyne, en célébrant le féminin et le masculin en même temps; l’harmonie et l’unité peuvent être obtenues grâce à l’équilibre de ces deux poles: leur synthèse et l’exploration de cette intégration devient la thematique centrale du roman qui se développe aussi à travers la metaphore de l’art. En effet le personnage de Mrs Ramsay présente aussi des limitations: c’est elle qui s’occupe “with immutable calm over destinies which she completely failed to understand”, comme dans l’exemple du mariage qu’elle voulait absolument arranger et qui ne fonctionnera pas, en donnant vie aux réflexions de Lily Briscoe dans la partie finale du livre: Mockingly, she seemed to see her there at the end of corridor of years, saying, of all incongrous things , ‘Marry, marry!’ … And one would have to say to her, It has all gone against your wishes …(p. 166) Malgré toutes les qualités positives de Mrs Ramsay, elle représente d’une certaine manière l’Ange du foyer dont Viriginia Woolf voulait se libérer, c’est à dire la femme soumise, qui se sacrifie à chaque instant pour sa famille. Le caractère essentiel de Mrs Ramsay est défini par son travail constant et difficile pour rendre ce qui est éphemère le plus permanent possible, du côtè de la vie contre la mort et le désordre. Elle a la caractéristique de pouvoir resoudre chaque problème en créant unité et harmonie: That woman sitting there, writing under the rock resolved everything into semplicity; made these angers, irritations fall off like old rags.. (p. 156) Elle sait que cette lutte est contre la destruction et la mort ne pourra jamais se vaincre “there is no reason, order, justice… No happiness lasted; she knew that”, mais elle continue à encourager les autres et son influence ne se perdera jamais: même après sa mort on continuera à sentir sa présence. On peut dire qu’elle était “the light of the house” et que pour être complète elle avait besoin de se completer avec la personne qu’elle aimait comme sa vie: son mari. Au fur et à mésure que le roman se développe on comprend que les Ramsays ne sont pas seulement des personnages littéraires, mais qui représentent le monde masculin qui suit des principes arides et steriles et le monde féminin qui suit des principes de beauté, d’intuition et de force. Ils sont des figures réelles et symboliques en même temps: leur amour est vu comme vrai et spirituel. La metaphore de l’art comme projet d’oeuvre Dans To the Lighthouse la peinture devient la métaphore de la structure de l’oeuvre et cette nouvelle forme de roman est expliquée par Virginia avec les mots de Lily Briscoe: Beautiful and bright it should be on the surface, feather and evanescent, one colour melting into another like the colours on a butterfly’s wings; but beneath the fabric must be clamped together with bolts of iron. It was to be a thing you could ruffle with your breath; and a thing you could not dislodge with a team of horses (p.164). Mais la métaphore de l’art devient aussi l’élément unitaire qui permet de comparer beaucoup de scènes à l’intérieur du roman à des véritables tableaux et on retrouve aussi l’exploration directe de l’oeil et de l’instinct d’un peintre: la peinture concerne ainsi soit le niveau structurel, soit le niveau du contenu. L’acte de saisir les impressions et les sensations d’une vie, pour les emprisonner et les déposer sur la page blanche en utilisant la complicité entre l’art de l’écriture et celle de la peinture est fatigant et imparfait, incomplet et peut être inexécutable: comme le désir de Lily Briscoe. Cet acte devient inconvenant parce qu’il se soustrait avec douleur et conscience à la normalisation, à l’acceptation des règles: le personnage de Lily cherche à se libérer de l’ordre imposé par la société, de limites infranchissables, pour casser la banalité. A niveau formel pour relier le passé avec le présent Virginia construit la section centrale du roman «Time passes» de la même manière avec laquelle Lily Briscoe lutte contre la relation entre les objets dans son tableau. Lily comprend que l’arbre doit être déplacé au centre pour créer un équilibre général et dans la vision finale elle revendique son rôle comme artiste: Virginia aussi avait compris que la fluidité de son roman et l’impressionnisme de ses images devaient être synthétisées par un projet autant rigoureux. En outre, comme Lily, chercher à capturer et à communiquer sa vision la libérait non seulement de l’image de sa mère et de son passé, mais elle pouvait ainsi revendiquer sa vocation d’artiste par rapport à la société: ‘Women can’t paint, women can’t write…’ Dans To the Lightouse Virginia Woolf cherche à retrouver une affinité entre la création du roman et la création du tableau de Lily Briscoe: la narration se croise avec la composition du tableau et se conclue dans l’instant où Lily donne le dernier coup de pinceau. C’est dans ce roman qu’on peut suivre l’itinéraire d’acquisition de toutes les techniques de la composition qui font prévaloir les couleurs des impressions et les nuances de la pensée sur les formes avec les contours nettement distinguables. La lumière légère et les images voilées qui pénètrent dans les paysages, la transparence et les couleurs qui se poursuivent sur la toile sont les mêmes ingrédients qui se retrouvent dans les tableaux impressionnistes et dans le souvenir: ils font partie du procès de la peinture et de la nouvelle esthétique pratiquée par Lily Briscoe. Pour Lily il s’agit de l’impression du moment, de la sensation d’une transformation continuelle et de l’inutilité de fixer avec certitude et cohérence l’instant qui passe. Il est impossible de penser à deux concepts comme stabilité et permanence: le flux du temps envahit l’espace en délayant les contours solides et le flux incessant de la pensée compose des relations qui se clivent tout de suite entre eux sous le coup des impressions, des rumeurs, des sons, des visions et des odeurs. C’est le flux de la peinture, c’est le flux de l’écriture, c’est à dire deux tentatives d’arrêter une image optique, une période de mots, une phrase musicale ou une idée: sur la toile de l’artiste ou sur la page écrite s’impriment dans un ensemble espace-temporel les fragments et la totalité de la composition. Tout cela se révèle comme le coup de pinceau qui registre l’expérience immédiate et évanescente de celui qui saisit l’incontrôlable et l’instantané et qui, en même temps, devient aussi un geste d’auto révélation: il suffit de penser à la perspective multidimensionnelle des Nymphées de Monet, à l’acte de peindre de Lily et à l’acte d’écrire de Virginia. Virginia Woolf avait le don de voir de manière picturale et poétique la réalité, de réunir deux capacités, deux attitudes, deux inclinations qui lui permettaient d’écrire la peinture, une peinture non-figurative: If I were a painter I should paint these first impressions in pale yellow, silver, and green. There was the pale yellow blind, the green sea and the silver passion flowers. I should make a picture that was globular; semi-transparent. I should make a picture of curved petals; of shells; of things that were semi-transparent; I should make curved shapes, showing the light through, but not giving a clear outline. Everything would be large and dim; and what was seen would at the same time be heard; sounds would come through this petal or leaf –sounds indistinguishable from sights3. C’est à sa contre figure que Virginia confie le devoir de composer un certain type de texte complexe qui prendra forme à travers une recherche du coloris, c’est à dire à travers la recherche d’une communication qui accumule, en les composant à niveau spatial, les enchevêtrements des émotions, des impressions et des pensées des tous les 3 WOOLF V., A Sketch of the Past, dans V. WOOLF, Moments of Being, éd. par J. Schulkind, London, Hogarth Press, 1978, p. 66. personnages. Ces enchevêtrements se confrontent dans un dialogue muet avec l’exubérance chromatique d’une artiste qui, comme Virginia Woolf, sent de manière très profonde la contiguïté avec toutes les ‘arts sœurs’ contemporaines, surtout avec la peinture impressionniste et postimpressionniste. Dans le paysage et dans les personnages on peut retrouver des couleurs, des sensations, des pensées: l’œil les observe, en cherchant les contours, les formes, les tonalités et les compositions. Le sujet qui perçoit tout cela est à la recherche d’une modalité de représentation qui puisse montrer la complexité de l’équilibre entre les sensations et les visions individuelles et subjectives du détail et les sensations qui naissent d’une vision synthétique de la totalité: The jacmanna was bright; the wall staring white. She would not have considered it honest to tamper with the bright violet and the staring white, since she saw them like that, fashionable though it was, since Mr Paunceforte’s visit, to see everything pale, elegant, semi-transparent. Then beneath the colour there was the shape. She could see it all so clearly, so commandingly, when she looked: it was when she took her brush in hand the whole thing changed. It was in that moment’s flight between the picture and her canvas that the demons set on her who often brought her to the verge of tears and made this passage from conception to work as dreadful as any down a dark passage for a child (pag 46). Les deux textes narratifs (niveau verbal et niveau visuel) produits par l’auteur et par le personnage-artiste, établissent toute une série de points qui génèrent un espace rempli en contemporaine et en parallèle par les deux narrations: la ligne tracée par Lily Briscoe réunit les résultats de ce défi. Mais on ne doit pas simplifier ce discours en pensant à l’écriture de Virginia comme à l’imitation d’une autre forme artistique parce que comme montre Miller: Another argument against viewing Woolf’s writings as literary adaptations of paintings is that was precisely the combination of the arts that appealed to her. Her desire was not to imitate the painter, but to share his advantages while preserving her own. This eclecticism is in keeping with her vision of unity as assimilative rather than exclusive. She was attracted to the idea of a ‘hybrid’ artist, a term she applied to Walter Sickert, who prided himself on being ‘a literary painter’. In her critical essays she suggests that certain writers were challenged by a divided allegiance –De Quincey who tried to write poetry in prose, for example, or Hazlitt, who alternated between literature and painting4. Il s’agit d’un jeu de distance et de perspective, de voir à travers la réalité physique des choses les signifiés secrets qu’elles cachent dans la profondeur, mais la difficulté de faire cela bouleverse l’esprit: ‘It was a miserable machine, an efficient machine, she thought, the human apparatus for painting and for feeling’. Le sens de la forme, le plaisir qui vient de l’harmonie de la composition des formes, de la combinaison des lumières et des ombres: tout cela est à la base des nouveaux principes esthétiques de l’impressionnisme et du post-impressionnisme et de la manière de peindre de Lily Briscoe. 4 MILLER C. R., Virginia Woolf: The Frames of Art and Life, London, Macmillan, p. 77-8. Virginia aspirait à maîtriser une sorte de communication complète et silencieuse qui pouvait couler à travers the inner monologue et qui comme la peinture pouvait transmettre pensées, sensations et impressions à travers l’utilisation de la‘parole peinte’5. Le phare A partir de son début le roman est dirigé vers le phare: il s’agit d’un voyage littéral et rituel en même temps, une recherche d’unité et de permanence. Dans la première page du texte nous découvrons que James espère avec tout son coeur d’aller au phare «after a night’s darkness and a day’s sail, within touch». Il pourra réaliser son rêve seulement à la fin de l’histoire, quand la réalité du phare sera comprise par James, Cam et Lily: le phare est symbole d’une unité et d’une union qui représente une protection forte contre les forces destructives de la mer. James comprend ces deux aspects dès qu’il commence à se rapprocher au phare: The Lighthouse was then a silvery, misty- looking tower with a yellow eye that opened suddenly and softly in the evening. James looked at the Lighthouse. He could see the whitewashed rocks; the tower, stark and straight; he could see that it was barred with black and white; he could see windows in it; he could even see washing spread on the rocks to dry. So that was the Lighthouse, was it ? No, the other was also the Lighthouse. For nothing was simply one thing. The other was the Lighthouse too. It was something hardly to be seen across the bay. In the evening one looked up and saw the eye opening and shutting and the light seemed to reach them in that airy sunny garden where they sat (p.175). C’est le voyage que James et Cam sont en train de faire contre leur volonté qui rend possible cette vision double et la conscience que ces deux images du phare sont vraies. Le changement de Mr Ramsay pendant ce voyage rend possible une communication entre l’homme et ses enfants et finalement il en sort comme une force puissante et positive. Son pèlerinage en souvenir de sa femme est rendu indipensable par sa terrible solitude et son désespoir causé par la mort de Mrs Ramsay, représenté par sa repetition continuelle, sur la barque qui l’apporte au phare, des vers tirés du poème «Castaway» de Cowper: «We perished each alone / But I beneath a rougher sea». Pendant qu’ils voyagent à travers les «waters of annihilation», Mr Ramsay perd graduellement son individualité et commence à avoir une interaction avec James et à montrer son affection pour ses enfants. La recherche de la réalité à niveau esthétique est apportée par Lily quand elle trouve finalement «a significant form» dans l’art pour compléter son portrait de Mrs Ramsay. En effet dans la dernière section appelée «To The Lighthouse » Lily Briscoe pense à l’absurdité de se retrouver toujours en été, dans la même situation de dix ans auparavant, maintenant que Mrs Ramsay, Prue et Andrew (deux autres enfants des Ramsays) sont morts. Le lien qui réunissait ensemble personnes et choses, c’est à dire Mrs Ramsay, n’était plus-là et elle pense: 5 Cfr DI MICHELE L. , La parola dipinta in To the Lighthouse, in PALUSCI O. (éd.), La tipografia nel salotto: saggi su Virginia Woolf, Torino, Tirrenia Stampatori, 1999. How aimless it was, how chaotic, how unreal. Quand elle recommence à travailler sur son tableau, Mr Ramsay cherche à l’interrompre et elle ne réussit pas à lui donner le réconfort qu’il cherche: His immense self-pity, his demand for sympathy poured and spread itself in pools at her feet, and all she did, miserable sinner that she was, was to drive her skirts a little closer round her ankles, lest she should get wet. In complete silence she stood there, grasping their paint brush (p.150). Après qu’il est parti pour le phare Lily cherche à échanger la «fluidity of life for the concentration of painting» et elle perd la conscience des choses extérieures en se fixant sur les profondeurs de la réalité qu’elle est en train de chercher à comprendre: For the whole world seemed to have dissolved in this early morning into a pool of thought, a deep basin of reality. (p. 170) En se demandant «What is the meaning of life? » elle comprend que «the great revelation had never come. The great revelation perhaps never did come» et elle va substituer ce qui ne peut pas être obtenu avec la volonté de rendre le moment comme «something permanent» dans l’art, exactement comme Mrs Ramsay avait fait pendant sa vie. Quand Lily arrive à sa vision finale la recherche devient presque mystique: «Everything in the whole world seemed to stand still ». Pendant que Mr Ramsay est en voyage vers le phare les sentiments de Lyly pour l’homme changent: c’est le fait de comprendre le rôle intégral de Mr Ramsay dans la vie de sa femme et son rôle masculin et essentiel a l’intérieur du schéma des choses qui lui permet de terminer son tableau. Tout cela se passe quand Lily sent que le groupe familier est finalement arrivé au phare: With a sudden intensity, as if she saw it clear for a second, she drew a line there in the centre. It was done; it was finished. Yes, she thought, laying down her brush in extreme fatigue, I have had my own vision (p. 192). Le roman se termine avec la vision finale de Lily en contemporaine avec le débarquement au phare de Mr. Ramsay. Le complètement du tableau de Lily, sa vision de la vie, apportent une union spirituelle avec Mrs Ramsay: la recherche d’unité peut ainsi se terminer. Conclusion Après avoir analysé ces mécanismes on peut observer que To the Lighthouse semble être le roman le plus complètement et le plus pleinement pensé et structuré de Virginia Woolf. Apparemment, la preoccupation initiale de pouvoir se liberer des fantômes de ses parents lui avait permis d’explorer les dimensions universelles et le procès créatif qui était ainsi devenu le noeud fondamental de l’oeuvre. Dans ce roman Viginia Woolf accomplit ce que pour elle devait être le futur des femmes qui écrivent, c’est à dire “they will look beyond the personal and political relationships of the wider questions which the past tries to solve- of our destiny and the meaning of life”6. Dans To the Lighthouse la recherche sert à retrouver pour un instant la stabilité qui vient de l’équilibre momentané des opposés ou de la possibilité de pouvoir concilier ces opposés. For Erich Auerbach dans To the Lighthouse on respire un air de tristesse vague et sans espoir: il pense que l’utilisation de la technique de la conscience multiple pour montrer toute une série d’évènements quotidiens est un symptome de la confusion des temps modernes, un miroir de la chute de notre monde7. Dans tout le roman on respire un peu cette atmosphère mélancolique: les efforts de Mrs Ramsay pendant sa vie, opposés à la mort qui va tout détruire et qui semble faire échapper la signification de la vie humaine. Dans la section centrale appelée “Time passes” elle écrit: It seemed now as if, touched by human penitence and all its toil, divine goodness had parted the curtain and displayed behind it, single, distinct, the hare erect; the wave falling; the boat rocking, which, did we deserve them, shoud be ours always. But alas, divine goodness, twitching our cord, draws the curtain; it does not please him; he covers his treasures in a drench of hail, and so breaks them, so confuses them that it seems impossible that their calm should ever return or that we should ever compose from their fragments a perfect whole or read in the littered pieces the clear words of truth. For our penitence deserves a glimpse only; our toil respite only. Et même si “the great revelation perhaps never did come” il y a “daily miracles, illuminations, matches struck unexpectedly in the dark”, qui peuvent faire ressortir “the shape among confusion”. La vision de la réalité n’est donc jamais une vision finale et comme Lily dit “the vision must be perpetually remade”. Dans tout cela consiste la recherche continuelle de Virginia Woolf. 6 7 WOOLF V. , “Women and fiction” in Granite and Rainbow, The Hogarth Press, London, 1958, p.83. Cfr AUERBACH E. , Mimesis. Bibliographie AUERBACH E., Mimesis: dargestellte Wirklichkeit in der abendländischen Literatur, Bern, 1946. BRADBURY M., McFARLANE, Modernism, London, Penguin. DUNN J., A very close conspiracy : Vanessa Bell and Virginia Woolf, London, J. Cape, 1990. LEASKA M. A., Virginia Woolf’s To the Lighthouse: A Study in Critical Method, Columbia University Press, 1970. LEE H., Virginia Woolf, London, Vintage, 1997. MILLER C. R., Virginia Woolf: The Frames of Art and Life, London, Macmillan. MULAS F., Virginia Woolf: The Search For Greater Reality, Cagliari, Dattena, 1993. PALUSCI O. (éd.), La tipografia nel salotto: saggi su Virginia Woolf, Torino, Tirrenia Stampatori, 1999. WOOLF V., Granite and Rainbow, The Hogarth Press, London, 1958 WOOLF V., A Sketch of the Past, dans V. WOOLF, Moments of Being, éd. par J. Schulkind, London, Hogarth Press, 1978. WOOLF V., Roger Fry a Biography, London, Penguin Books, 1979. WOOLF V., To the Lighthouse, édition par S. Kemp, London, Routledge, 1994.