Au sujet de l`adipocyte

Transcription

Au sujet de l`adipocyte
Histoire
ul
© Sebastian Ka itzk
i-
iSt
oc
kp
hoto
Au sujet de l’adipocyte
Les différents concepts
qui ont jalonné son histoire…
Dr Max Lafontan*
Introduction
L’intérêt pour la biologie du tissu adipeux n’a débuté que vers le début du siècle
dernier. De nos jours, le rôle de la masse grasse et les mécanismes impliqués
dans la régulation de son expansion sont au centre des préoccupations de
tous les acteurs appelés à intervenir chez l’obèse. L’adipocyte isolé a permis de
comprendre les processus impliqués dans le stockage des triglycérides (lipogenèse) et la libération des acides gras (lipolyse). L’adipocyte est une cellule qui
a aussi notablement contribué à la compréhension de mécanismes cellulaires
fondamentaux. Ses capacités à percevoir de nombreux messages nerveux et
hormonaux et sa forte activité de captage du glucose et des acides gras ont été
à la base de la découverte de mécanismes fondamentaux essentiels. Révolution
des vingt dernières années, l’adipocyte s’est avéré capable de synthétiser et
sécréter des hormones et divers autres facteurs qui ont révélé ses capacités de
dialogue avec divers organes et tissus. La nature des précurseurs adipocytaires
et la régulation de leur devenir représentent un centre d’intérêt actuel important.
Concepts aver the years about adipocytes
Adipocytes play an important dynamic role in metabolic regulation. They possess
the ability to perceive a large number of nervous and hormonal signals. They are
also able to secrete hormones (i.e., adipokines) that affect nutrient intake, metabolism, insulin sensitivity and energy expenditure. Intact adipocytes isolation revolutionized studies on the hormonal regulation and metabolism of the fat cell. This
review will be focused on the very early approaches that used the fat cell as a tool to
discover and understand various cellular mechanisms. Attention will essentially focus on the early investigations revealing the major contribution of mature fat cells
and also fat cells originating from adipose cell lines to the discovery of major events
related to hormone action (hormone receptors and transduction pathways involved
in hormonal signaling) and mechanisms involved in metabolite processing (hexose
uptake, uptake, storage and efflux of fatty acids, lipogenesis and lipolysis). Dormant
preadipocytes exist in the stroma vascular fraction of the adipose tissue of rodents
and humans; cell culture systems represent valuable models for the study of the
processes involved in the formation of new fat cells. Finally, early events revealing
adipocyte secretion, a completely new role having huge metabolic impacts, will also
be briefly summarized. Keywords: Adipocyte, Concept, Obesity.
*UMR 1048, Institut des Maladies Métaboliques et Cardiovasculaires, Hôpital Rangueil, Toulouse ; Université Paul Sabatier, Toulouse
Diabète & Obésité • Septembre 2011 • vol. 6 • numéro 51
L’
obésité se caractérise
par une expansion notable de la masse grasse
susceptible d’avoir des conséquences néfastes pour la santé.
Les facteurs déterminant l’expansion de la masse grasse sont restés
longtemps assez mal compris. Il
est maintenant bien établi que les
adipocytes jouent un rôle essentiel dans l’expansion de la masse
grasse et dans la régulation de divers processus métaboliques. Ils
perçoivent de nombreux messages
nerveux et hormonaux et sont capables de synthétiser et sécréter
des facteurs aux multiples effets
tant hormonaux que paracrines.
Enfin, les adipocytes peuvent aussi séquestrer de nombreuses molécules xénobiotiques lipophiles
qui envahissent notre environnement. Nous évoquerons dans ce
mémoire les étapes qui ont permis
d’élaborer les concepts essentiels
sur les fonctions de l’adipocyte.
Nous soulignerons l’utilisation
originale de l’adipocyte pour l’exploration des grandes fonctions
cellulaires et considèrerons les
apports de l’étude du renouvellement des adipocytes dans la découverte des déterminants de l’expansion de la masse grasse.
Premières définitions
L’adipocyte a été reconnu comme
étant un type cellulaire original
dans les traités d’anatomie publiés dès le milieu du 19e siècle. Les
premières études sur le développement des “vésicules lipidiques”
275
Histoire
(l’adipocyte) ont suggéré que
l’obésité pourrait être due à une
augmentation du nombre de ces
vésicules. Ensuite, la plupart des
études sur le développement précoce du tissu adipeux ont d’abord
été basées sur l’utilisation de méthodes morphologiques (microscopie optique et électronique).
On retiendra que les premières
traces de tissu adipeux apparaissent de la 14e à la 16e semaine de
la vie prénatale de l’embryon humain. L’association étroite de cellules mésenchymateuses qui deviendront des adipocytes avec des
vaisseaux néoformés a été considérée comme représentant la première indication qu’adipogenèse et
angiogenèse sont étroitement intriquées. Cet aspect de la biologie
du tissu adipeux a connu un regain
d’intérêt ces dernières années.
émergence
de l’intérêt
pour le tissu adipeux
Premières données
Au début du 20e siècle, le tissu adipeux était considéré comme étant
un tissu de soutien susceptible
d’accumuler des gouttelettes lipidiques. Ses fonctions essentielles
se limitaient à un rôle d’isolement
thermique pour le tissu adipeux
sous-cutané ainsi que de soutien
de divers organes. A cette époque,
le rôle prépondérant dans le métabolisme des lipides était attribué
au foie alors que le tissu adipeux
se voyait confiné à un rôle négligeable. L’intérêt pour ce tissu est
largement dû aux physiologistes
allemands des années 1920 à
1940 (parmi lesquels D. Goering,
L.R. Müller, H.E. Wertheimer et
F.X. Hausberger) qui ont démontré
que ce tissu était sous le contrôle du
système nerveux sympathique. De
plus, ils ont montré que le glucose
pouvait être converti en glycogène
276
L’adipocyte isolé,
un outil de choix pour l’expérimentateur
La première préparation d’adipocytes isolés a été effectuée par M. Rodbell (3) ; elle est basée sur un traitement de fragments finement découpés
de tissu adipeux par de la collagénase. C’est la technique encore utilisée
de nos jours. Rapidement adoptée par de nombreux chercheurs, elle a
été améliorée, standardisée, optimisée et étendue à diverses espèces
dont l’homme. Cette technique a révolutionné l’approche expérimentale de la biologie de l’adipocyte et permis une analyse des processus
lipogéniques et lipolytiques. Les réponses lipolytiques ou lipogéniques
observées sur des explants de tissu adipeux ont été confirmées sur l’adipocyte isolé et l’efficacité comparée des divers agents lipolytiques a été
précisée. Les adipocytes isolés sont beaucoup plus sensibles aux agents
hormonaux que les explants de tissu adipeux. Cependant, la préparation
cellulaire est assez fragile ; les capacités fonctionnelles des adipocytes
ont tendance à décroître après quelques heures d’incubation. En l’état
des données actuelles, on ne peut envisager aucune culture sérieuse
dépassant 24 à 48 heures sans modification notable des capacités
fonctionnelles des adipocytes. En revanche, la préparation est idéale
pour explorer des réponses rapides des cellules (i.e. quelques heures).
Une analyse critique suivie de propositions pour une optimisation de la
technique a été récemment publiée (4) ; elle devrait être appliquée par les
utilisateurs d’adipocytes isolés.
et partiellement en lipides dans
le tissu adipeux. L’administration
d’insuline affectait la transformation du glucose en acides gras dans
ce tissu. Ce n’est qu’en 1948 que les
premières études de lipogenèse in
vitro ont été effectuées sur du tissu
adipeux mésentérique de rat. La
première synthèse bibliographique
récapitulant les divers travaux sur
le tissu adipeux du début du siècle
qui pose diverses hypothèses qui
allaient déboucher sur la physiologie du tissu adipeux a été publiée en
1948 dans Physiological Reviews (1).
L’apport des recherches
biochimiques
et physiologiques
Ce premier bilan a été suivi par
un rapide développement des recherches biochimiques et physiologiques dans le domaine du tissu
adipeux qui ont conduit l’American Physiological Society à publier
un ouvrage de plus de 800 pages
(avec plus de 4 000 références)
consacré exclusivement au tissu
adipeux en 1965 (2). De nombreux
travaux ont été réalisés chez les
rongeurs et plus rarement chez
l’homme. L’exploration de la régulation physiologique des tissus
adipeux blancs et bruns a connu
un essor notable en étudiant l’impact de manipulations nutritionnelles sur le devenir de traceurs
métaboliques et en les complétant
par des mesures d’activités enzymatiques sur des homogénats de
tissu adipeux. Ces recherches ont
permis de préciser divers aspects
métaboliques (synthèse des acides
gras, métabolisme des triglycérides, enzymes impliqués dans le
métabolisme du glucose et du glycogène, lipolyse et libération des
acides gras libres et du glycérol et
diversité des activités lipase). Très
rapidement, la mise au point d’une
mesure de l’activité d’une clearing
factor lipase libérée par l’héparine
Diabète & Obésité • Septembre 2011 • vol. 6 • numéro 51
Au sujet de l’adipocyte
a permis de percevoir le rôle de la
lipoprotéine lipase. Des activités
lipase hormono-sensible et monoglycéride lipase ont été identifiées sur des homogénats de tissu
adipeux traités par l’adrénaline et
la corticotropine (ACTH). Parallèlement, des études biochimiques
effectuées sur des explants de tissu adipeux in vitro on permis de
révéler les bases des effets d’agents
lipolytiques et lipogéniques. Après
avoir entrevu la diversité des
agents affectant la lipolyse ou la
lipogenèse sur ces préparations
des effets des catécholamines et
de l’insuline a été rapidement établie dans l’adipocyte et a permis
l’élaboration du schéma fonctionnel encore valable de nos jours.
Vu la sensibilité de l’adipocyte à
l’insuline, cette cellule a aussi représenté un outil de choix pour
l’étude des mécanismes d’action
de l’insuline sur le captage du glucose par l’adipocyte. Elle a débouché sur l’élaboration du concept de
récepteur insuline par P. Cuatrecasas (5). L’adipocyte isolé a été
également très utilisé pour la mise
L’accès à l’adipocyte isolé a débouché sur un
nombre conséquent de découvertes majeures,
allant au-delà de la seule biologie de l’adipocyte.
brutes de tissu adipeux, un pas
important a été franchi par la mise
au point de méthodes permettant
l’étude d’aspects plus mécanistiques du fonctionnement de l’adipocyte isolé. Le tableau 1 récapitule
les faits et concepts essentiels qui
ont jalonné les recherches sur le
tissu adipeux et l’adipocyte.
Des découvertes
fondamentales
majeures obtenues
grâce à l’adipocyte
L’accès à l’adipocyte isolé a débouché sur un nombre conséquent
de découvertes majeures, allant
bien au-delà de la seule biologie de
l’adipocyte.
Signalisation cellulaire,
métabolisme du glucose
et des acides gras
L’adipocyte a été un modèle cellulaire privilégié qui a permis de
révéler les grandes voies de la signalisation cellulaire et du métabolisme du glucose et des acides
gras. L’importance primordiale de
l’AMP cyclique comme médiateur
au point des procédures d’identification et de quantification des
récepteurs insuline sur l’adipocyte
intact à l’aide d’insuline marquée à
l’[125I] ; cette technique a été étendue à tous les types cellulaires.
Le complexe
adénylyl cyclasique
de la membrane plasmique
La mise au point des techniques
de fractionnement des divers éléments cellulaires de l’adipocyte et
l’isolement des membranes plasmiques ont débouché sur l’élaboration de plusieurs concepts importants. Le complexe adénylyl
cyclasique de la membrane plasmique, les protéines liant le guanosine tri-phosphate (GTP) et les récepteurs couplés négativement ou
positivement à l’adénylyl cyclase
de l’adipocyte ont été très étudiés
par Rodbell et ses collaborateurs
et leur a permis de déboucher sur
un modèle universel du complexe
adénylyl cyclasique publié dès les
années 1980 (6). Ce modèle fonctionnel, étendu aux autres types
cellulaires, a conduit à la solubilisation/purification des diverses
Diabète & Obésité • Septembre 2011 • vol. 6 • numéro 51
protéines et au clonage des gènes
codant pour les divers éléments du
complexe adénylyl cyclasique par
les équipes de biochimistes des laboratoires de Lutz Birnbaumer et
Alfred Gilman.
Translocation
des transporteurs
de glucose
L’adipocyte a été également utilisé
pour comprendre le captage du
glucose et élaborer l’hypothèse de
la translocation des transporteurs
glucose d’un compartiment cytoplasmique vers la membrane plasmique lors d’une stimulation de
la cellule par l’insuline (7). Cette
hypothèse élaborée bien avant le
clonage du transporteur glucose
GLUT4 a été confirmée par des
méthodes plus élaborées basées
sur l’utilisation d’anticorps antiGLUT4. Ces diverses techniques
peuvent être utilisées pour explorer les dysfonctions des diverses
étapes du transport du glucose à
rapprocher des variations d’expression de GLUT4.
Régulation du captage
des acides gras
L’adipocyte étant une cellule très
impliquée dans la gestion des
acides gras libres, il a été utilisé
pour décrypter les mécanismes
impliqués dans la régulation du
captage des acides gras et identifier les diverses structures moléculaires cytosoliques ou de la
membrane plasmique impliquées
dans leur transport (8).
Catécholamines
et récepteurs adrénergiques
L’adipocyte mature de l’homme
a été également utilisé pour explorer les mécanismes d’action
des catécholamines et le rôle des
récepteurs adrénergiques. L’adipocyte humain, bien différent de
l’adipocyte des rongeurs, exprime
des récepteurs bêta1-, bêta2- et al277
Histoire
Tableau 1 - Sommaire des faits essentiels, découvertes et concepts dans le domaine du tissu adipeux et
de l’adipocyte.
1940
1950
1960
1970
1980
1990
2000
AnnéeFaits essentiels, découvertes et concepts.
1940
Le tissu adipeux est un sujet négligé.
1948
• Le tissu adipeux est vascularisé et possède une innervation sympathique.
• Mise en évidence d’une synthèse d’acides gras dans le tissu adipeux de rat in vitro.
1954
Le glucose est converti en lipides dans des explants de tissu adipeux.
1955
Etudes sur la lipoprotéine lipase du tissu adipeux.
1956Les lipides du tissu adipeux sont mobilisés sous la forme d’acides gras et de glycérol produits par l’hydrolyse des
triglycérides.
1958 La corticotropine (ACTH) et les catécholamines stimulent la libération d’acides gras et de glycérol dans des
explants de tissu adipeux in vitro.
1963
Mise au point de techniques de perfusion in vivo des panicules adipeux paramétriaux et épididymaires de rat.
1964
• Description de la lipase hormono-sensible et de la lipase des monoglycérides de l’adipocyte.
• Isolement des adipocytes et premières études sur le métabolisme de l’adipocyte isolé.
1965
Les catécholamines stimulent la production d’AMP cyclique dans l’adipocyte isolé.
1966
L’insuline réduit les taux d’AMP cyclique dans des adipocytes pré-stimulés par un agent lipolytique in vitro.
1967
• Préparation de fractions cellulaires pour l’étude de la membrane plasmique de l’adipocyte.
• Premières études de la régulation de la lipolyse dans l’adipocyte humain in vitro.
1968
Première méthode de quantification des adipocytes isolés (humain et rongeurs).
1969
• Premières études sur l’activité de l’adénylyl cyclase de la membrane plasmique de l’adipocyte.
• Interaction de l’insuline avec la membrane plasmique de l’adipocyte : naissance du concept de récepteur
insuline.
1970
Purification des membranes plasmiques de l’adipocyte.
1973 • Découverte du rôle de l’adénosine dans le contrôle des fonctions de l’adipocyte.
• Description de la lignée cellulaire murine de cellules souches pluripotentes C3H10T1/C.
1974
• Mesure du transport du 3-O-méthylglucose dans l’adipocyte isolé : début d’exploration des mécanismes de
captage du glucose.
• Description et isolement de clones murins ayant une haute susceptibilité de conversion en adipocytes (lignées
cellulaires 3T3-L1 et 3T3-F442A).
1978
• Isolement des lignées cellulaires ob-17 à partir de tissu adipeux de souris génétiquement obèses (souris ob/ob).
• Translocation des sites de liaison de la [3H]cytochalasine dans l’adipocyte et découverte des mécanismes de
captage du glucose. 1980Description du fonctionnement du système de transport du glucose impliquant la translocation de transporteurs
glucose (translocation hypothesis).
1981
• Translocation des acides gras dans les membranes de l’adipocyte.
• Identification des récepteurs adrénergiques de l’adipocyte humain.
1987
Découverte de l’adipsine, le premier facteur sécrété par l’adipocyte.
1989
• Clonage de l’ADNc codant pour le transporteur glucose GLUT4.
• Premières études de microdialyse in situ sur le tissu adipeux sous-cutané humain.
1993
• Clonage de l’ADNc codant pour une protéine impliquée dans le transport des acides gras (FAT/CD36).
• Etude du métabolisme du tissu adipeux sous-cutané humain par cathétérisation locale.
1994
• Clonage positionnel du gène ob de la souris (leptine).
• Clonage de l’ADNc et caractérisation fonctionnelle d’une nouvelle protéine de transport des acides gras (FATP 4).
1995
Découverte de la complement related protein of 30kD (Acrp 30) (adiponectine).
1996Confirmation de l’existence de l’adiponectine par plusieurs groupes (plusieurs appellations : Acrp-30, Adipo Q ou
GBP-28).
2001
Isolement de la première lignée préadipocytaire humaine (lignée SGBS).
2004
Isolement de lignées de cellules souches humaines pluripotentes (cellules hMADS).
2005
Isolement des préadipocytes humains de la fraction stroma vasculaire par sélection immuno-magnétique.
pha2A-adrénergiques dans des
proportions variables selon la localisation anatomique des dépôts
adipeux. L’étude de leur rôle a per278
mis de comprendre l’hétérogénéité de réponse aux catécholamines
des adipocytes issus de divers dépôts adipeux et les mobilisations
différentielles des différents dépôts adipeux pendant des protocoles de restriction calorique ou
lors de l’exercice physique (9).
Diabète & Obésité • Septembre 2011 • vol. 6 • numéro 51
Au sujet de l’adipocyte
Les voies
de l’adipogenèse
et les précurseurs
adipocytaires
Lignées de cellules souches
et lignée humaine
Les recherches sur les mécanismes impliqués dans le contrôle
de la prolifération et de la différenciation des précurseurs d’adipocytes ont été grandement facilitées, dans un premier temps, par la
découverte et la pérennisation de
lignées de cellules souches mésenchymateuses multipotentes (i.e.
cellules C3H10T1/C murines ou
cellules hMADS humaines (10))
ou de lignées préadipocytaires
murines (i.e. lignées murines 3T3L1, 3T3-F442A et ob-17 en ce qui
concerne les plus utilisées). La
découverte des divers facteurs de
transcription impliqués dans le
contrôle de l’expression des gènes
de l’adipocyte et de leur rôle physiologique a largement reposé
sur l’étude de ces lignées ; les modèles élaborés sont couramment
acceptés pour rendre compte des
processus mis en jeu dans les préadipocytes humains. Ce n’est que
très récemment que des lignées
humaines ont été isolées. Les adipocytes issus de la différenciation
in vitro des préadipocytes de lignées cellulaires sont souvent utilisés pour l’étude de mécanismes
d’action inabordables sur l’adipocyte mature qui ne peut pas être
conservé en conditions de culture
prolongée. Ces cellules sont également utilisées pour explorer l’impact de diverses molécules pharmacologiques sur les processus de
différenciation adipocytaire.
Les précurseurs
adipocytaires
Les adipocytes sont issus de précurseurs adipocytaires présents
dans la fraction stroma-vasculaire
du tissu adipeux. Le précurseur
adipocytaire humain (préadipocyte) fait l’objet de nombreuses
recherches auprès de chercheurs
qui aimeraient bien contrôler leur
prolifération/différentiation. La
collecte de la fraction stroma-vasculaire du tissu adipeux humain
permet d’accéder à cette cellule qui
va se différencier en adipocyte dans
des conditions de culture adaptées ;
une revue détaille les procédures
bien normalisées (11). Des similarités existent entre l’immunophénotype des précurseurs du tissu
adipeux et des cellules stromales
de la moelle osseuse. Une étude
de la fraction stroma-vasculaire
du tissu adipeux humain a permis d’identifier une population de
cellules CD34+/CD31- qui correspond à des cellules progénitrices
adipocytaires humaines (i.e. préadipocytes) et diffère des cellules
souches mésenchymateuses ou
hématopoïétiques (12). Les déterminants physiologiques et pathologiques du recrutement des précurseurs et les processus impliqués
dans le contrôle de leur quiescence
ou de leur activation au sein du tissu adipeux restent encore très mal
connus.
Hyperplasie
et hypertrophie adipocytaire
Bien qu’il ait été accepté depuis
les années 1980 que l’hyperplasie (augmentation du nombre) et
l’hypertrophie (augmentation de
taille) des adipocytes sont à la base
de l’expansion de la masse grasse,
les données dynamiques et quantitatives in vivo les plus convaincantes sont très récentes. Une
étude a clarifié l’importance relative de ces deux processus complémentaires.
❚❚Hyperplasie
Le taux de renouvellement des adipocytes (turn-over) a été déterminé
selon une démarche originale basée sur l’analyse de la décroissance
Diabète & Obésité • Septembre 2011 • vol. 6 • numéro 51
de la radioactivité du 14C, incorporé
spontanément dans l’ADN génomique des adipocytes, lors des tests
atmosphériques de bombes atomiques (13). Le taux de renouvellement des adipocytes se situe aux
alentours de 8 à 10 % par an quels
que soient l’âge ou l’index de masse
corporelle des sujets. Cette étude
confirme que le nombre d’adipocytes est un déterminant majeur de
la masse grasse de l’adulte ; il reste
stable chez les adultes maigres
ou obèses en stabilité pondérale.
Ce nombre, installé précocement
pendant l’enfance et l’adolescence,
est finement régulé chez l’adulte
via une régulation coordonnée des
processus d’apoptose et d’apparition de nouveaux adipocytes.
Chez l’adulte, le tissu adipeux peut
être constitué par une population
limitée d’adipocytes hypertrophiques ou par une population
plus importante d’adipocytes de
petite taille.
❚❚Hypertrophie
L’adipocyte hypertrophié présente
diverses anomalies fonctionnelles
de ses systèmes lipogéniques et lipolytiques et un stress de son réticulum endoplasmique ; il possède
des capacités de stockage réduites
et un certain niveau d’insulinorésistance. L’étude des facteurs
affectant la morphologie du tissu
adipeux a révélé qu’un taux bas de
renouvellement des adipocytes est
associé à une hypertrophie alors
qu’un taux plus élevé est associé à
une hyperplasie du tissu adipeux.
Un déficit de précurseurs adipocytaires représente un risque
d’hypertrophie des adipocytes et
des possibilités de troubles liés à
l’accumulation de lipides dans des
tissus tels que le foie, le muscle ou
le pancréas (i.e. la lipotoxicité).
Ces caractéristiques des processus affectant le renouvellement
important de la masse adipeuse
279
Histoire
laissent présager des possibilités
d’intervention susceptibles d’interférer avec la dynamique de la
masse grasse.
L’adipocyte
possède des activités
sécrétoires multiples
Organe d’information
et de contrôle
Pendant ces vingt dernières années, le statut du tissu adipeux a
notablement évolué, il est passé
de celui d’organe de stockage de
réserves énergétiques à celui d’or-
En dehors de la sécrétion bien
connue de la lipoprotéine lipase,
les premières protéines sécrétées
identifiées ont été l’adipsine et des
facteurs mitogènes (mitogen factors). La découverte de la leptine
(14) a assis le statut sécrétoire de
l’adipocyte et l’importance physiologique de ses sécrétions. Très rapidement, la liste des facteurs sécrétés s’est notablement étendue.
L’adiponectine découverte simultanément par plusieurs équipes
et l’apeline (15) se sont avérées
capables d’améliorer la sensibilité
à l’insuline de divers tissus et font
encore l’objet de travaux impor-
La liste des facteurs sécrétés par l’adipocyte
s’est notablement enrichie.
gane d’information de l’état nutritionnel de l’organisme et de
contrôle de l’activité des organes
et tissus insulinosensibles. Ces
connaissances ont évolué parallèlement à l’idée que l’obésité se caractérise par un état inflammatoire
de bas niveau. Le tissu adipeux est
donc à la croisée des chemins de
nombreux échanges inter-organes.
De plus, les interactions entre les
divers types cellulaires existant au
sein même du tissu adipeux (cellules endothéliales microvasculaires, macrophages, lymphocytes,
préadipocytes…) contribuent aussi
à l’homéostasie de l’organe.
Tissu endocrine
Le tissu adipeux synthétise et sécrète des hormones circulantes
et des adipokines qui agissent
comme des molécules de signalisation et/ou des médiateurs des
processus inflammatoires ; l’activité sécrétoire n’est pas limitée aux
seuls adipocytes. Depuis le début
des années 1990, il est devenu évident que l’adipocyte est une cellule
douée de capacités sécrétoires.
280
tants. La liste des sécrétions s’est
considérablement enrichie (Tab. 2).
Il faut noter que certaines sécrétions du tissu adipeux ne sont pas
strictement adipocytaires (16) et
que les mécanismes d’action et le
rôle physiologique de plusieurs
d’entre elles restent à préciser.
Diverses synthèses permettent
d’appréhender la diversité des sécrétions et la multiplicité de leurs
effets (17, 18). La découverte des
capacités sécrétoires de l’adipocyte et de la variabilité des capacités de production de ces facteurs
dans l’obésité a révolutionné l’appréhension du rôle de cette cellule.
Si l’on se base sur les résultats des
études récentes de génomique ou
protéomique, le rôle de très nombreux facteurs encore mal identifiés reste à découvrir.
L’adipocyte, un lieu
de stockage de
nombreux polluants
organiques
L’adipocyte, avec ses réserves de
triglycérides, constitue un réser-
voir privilégié pour de nombreux
polluants liposolubles potentiellement toxiques regroupés sous le
terme de polluants organiques persistants (Persistent Organic Pollutants-POPs) tels que les composés
organochlorés et divers composés
aromatiques polycycliques. Ces diverses familles chimiques ont des
mécanismes d’action diversifiés
dont certains sont identifiés. Les dibenzo-para-dioxines polychlorées
(PCDDs), les dibenzofuranes polychlorés (PCDFs) et les dioxin-like
biphényls polychlorés (dl-PCBs)
agissent en activant le récepteur
intracellulaire arylhydrocarbone
(AhR) alors que les pesticides hydrochlorés ont un mode d’action
différent.
Le comportement cinétique dans
l’organisme, la distribution et la
biodisponibilité de tels produits
restent mal connus. Des études
récentes ont fourni des preuves
indirectes d’une implication des
POPs dans certains désordres métaboliques. Une corrélation positive semble exister entre la teneur
plasmatique en POPs et des marqueurs biologiques de dysfonctions
métaboliques associées à l’obésité
(19). Une perte de poids est associée à une augmentation des taux
plasmatiques de POPs. Ce domaine
en émergence reste très largement
ouvert et va probablement susciter
de nombreux travaux.
Conclusions
et perspectives
L’adipocyte a été une cellule particulièrement utile pour l’exploration de nombreux mécanismes
d’action d’hormones et de métabolites. L’étude de l’adipocyte a
permis de bien comprendre les
processus de lipogenèse et de lipolyse. L’hétérogénéité fonctionnelle
des adipocytes selon la distribution
anatomique des dépôts adipeux a
attiré l’attention des chercheurs et
Diabète & Obésité • Septembre 2011 • vol. 6 • numéro 51
Au sujet de l’adipocyte
Tableau 2 - Productions du tissu adipeux (adipocytes et cellules de la fraction stroma-vasculaire). Les
facteurs sont regroupés selon leur principaux rôles dans le contrôle des grandes fonctions. Certains
facteurs aux actions pléiotropes figurent dans plusieurs groupes.
Métabolisme des lipides et des lipoprotéines
• Lipoprotéine lipase (LPL)
• Protéine stimulant l’acylation (acylation stimulating protein
/ASP)
• Prostaglandine E2, prostacycline
• Autotaxine (lysophospholipase D) + phosphatidylcholine
 induit la production d’acide lysophosphatidique (LPA)
• Protéine de liaison du rétinol-4 (RBP4)
• Protéine de transfert des esters de cholestérol (CETP)
Prise alimentaire et activation du système nerveux sympathique
• Leptine
Métabolisme et homéostasie énergétique
• Leptine
• Adiponectine
• Résistine
• Interleukine-6 et 8 (IL-6 et IL-8)
• Protéine de liaison du rétinol-4 (RBP4)
• Visfatine
Vaisseaux et angiogenèse
• Facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (vascular
endothelial growth factor/VEGF)
• Monobutyrine
• Leptine
• Apeline
• Protéine angiopoiétine-like-4/FIAF (fasting-induced adipose
factor) / PGAR (peroxisome proliferator-activated receptorg
angiopoietin-related gene)
• Angiopoiétine-2
• Angiotensinogène/angiotensine-2
Métabolisme de la matrice extracellulaire
• Collagène de type 6
• Inhibiteur-1 de l’activateur du plasminogène (plasminogen
activator inhibitor-1/PAI-1)
• Métalloprotéases (gélatinases MMP-2 et MMP-9)
• Inhibiteurs tissulaires des métalloprotéases (TIMP-1 à 3)
fait l’objet de nombreux travaux.
Quel est le déterminisme d’une
telle hétérogénéité ? L’étude récente des signatures des gènes du
développement dans les différents
dépôts adipeux suggère un rôle des
gènes du développement dans la
distribution et le développement
de territoires spécifiques du tissu
adipeux (20). La nature des précurseurs adipocytaires reste encore
mal connue ainsi que les mécanismes contrôlant leur dynamique
et leur biologie. La caractérisation
Système immunitaire et protéines de la phase aiguë
• Facteur de nécrose des tumeurs-a (tumor necrosis factora,
TNFa)
• Interleukines 1b, -6, -8, -10 (IL-1b, IL-6, IL-8, IL-10)
• Antagoniste récepteur interleukine-1 (interleukin-1 receptor
antagonist / IL-1Ra)
• Protéine inflammatoire-1b des macrophages (macrophage
inflammatory protein-1b) (MIP-1b)
• Adipsine, facteurs C3, B et D du système alterne du complément
• Protéine de chémo-attraction des monocytes (monocyte
chemotactic protein-1/MCP-1)
• Regulated on Activation, Normal T cell Expressed and Secreted
(RANTES)
• a1-glycoprotéine acide
• Sérum amyloïde A 3 (SAA3)
• Haptoglobine, pentraxine-3, lipocaline 24p3
• Métallothionéine
• Cathepsine S et L
Sensibilité à l’insuline du muscle de l’hépatocyte
et de l’adipocyte
• Leptine
• Adiponectine
• Résistine
• Visfatine
• Interleukine-6 (IL-6)
• Adipsine/ASP
• Apeline
Facteurs de croissance influençant le développement
du tissu adipeux
• Insulin Growth Factor-1 (IGF-1)
• Facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF)
• Thrombopoiétine
• Facteur de croissance nerveux (Nerve Growth Factor, NGF)
des processus contrôlant la gestion de leur recrutement et de leur
prolifération reste à faire. La découverte des capacités sécrétoires
multiples de l’adipocyte a ouvert un
large champ d’investigation et accru l’intérêt pour l’organe adipeux.
En plus de ses capacités de stockage des surplus d’énergie, le tissu
adipeux a acquis le statut de glande
endocrine. Il génère de nombreux
signaux impliqués dans l’homéostasie énergétique, la sensibilité à
l’insuline, la fertilité ou le turn-over
Diabète & Obésité • Septembre 2011 • vol. 6 • numéro 51
osseux pour ne citer que les plus
connus. Ce domaine reste un domaine en pleine expansion qui fera
certainement l’objet de travaux originaux qui déboucheront sur des
concepts émergents permettant de
mieux comprendre l’importance
n
de l’organe adipeux.
d Pour lire la bibliographie :
www.diabeteetobesite.org
Mots-clés : Adipocyte, Concept,
Tissu adipeux, Obésité
281

Documents pareils