Europe : une vocation fédérale

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Europe : une vocation fédérale
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Europe : une vocation fédérale
Depuis la déclaration Schuman du 9 mai 1950 jusqu’au récent Traité constitutionnel signé le 29 octobre 2004 à Rom
Chefs d’Etat et de gouvernement n'ont jamais unanimement et explicitement fait référence aux termes de « fédérati
ou de « confédération » européenne. Les Etats ont toujours préféré parler de « Communauté » ou « d' Unio
européenne » (UE) pour définir ce système politique et institutionnel européen inédit que l’ancien président de la
Commission Jacques Delors qualifiait parfois avec le sourire « d’OPNI » (Objet Politique Non Identifié)...
Par Domenico Rossetti di Valdalbero
Depuis la déclaration Schuman du 9 mai 1950 jusqu’au récent Traité constitutionnel signé le 29 octobre 2004 à Rom
Chefs d’Etat et de gouvernement n'ont jamais unanimement et explicitement fait référence aux termes de « fédérati
ou de « confédération » européenne. Les Etats - Six, Neuf, Dix, Douze, Quinze ou Vingt-cinq - ont toujours préféré
parler de « Communauté » ou « d' Union européenne » (UE) pour définir ce système politique et institutionnel
européen inédit que l’ancien président de la Commission Jacques Delors qualifiait parfois avec le sourire « d’OPN
(Objet Politique Non Identifié).
Tout d’abord, essayons de définir le fédéralisme. Il s’agit d’une forme d’organisation politique qui s’ef
équilibre entre les exigences d’unité et de diversité. Il ne signifie donc pas un abandon de souveraineté mais de l’
en commun de cette souveraineté. Il ne suppose pas la suppression des Etats qui restent essentiels pour deux motifs:
sans eux, il n'y aurait pas de fédération et parce que la compréhension même du processus d'intégration européenne
fait largement par le biais du «prisme national». Bref, pour répondre à la réalité de l’Europe tiraillée tantôt par la
d’unification, tantôt par le retour en force des Etats ou des régions, le fédéralisme semble le système politico
institutionnel à privilégier.
Ensuite, où en est le fédéralisme en Europe, qu’apporte le Traité constitutionnel et quels arguments nous poussent Ã
que l’Europe est d’inspiration fédérale et qu’elle est vouée à devenir une fédération ?
En premier lieu, les différents Traités - de Paris (1951), de Rome (1957), de Maastricht (1992), d’Amsterdam (1997) et
de Nice (2000) - présentent de grandes similitudes avec les Constitutions des Etats membres. On y retrouve les
dispositions relatives au territoire, à l’organisation des pouvoirs, aux grandes libertés et aux modalités de révision du t
fondateur. Le récent « Traité de Rome II » va encore plus loin (intégration de la Charte des droits fondamentaux, etc.)
et va jusqu’à porter le nom - très habilement choisi par le Président de la Convention Valéry Giscard d’Estaing - de
Traité constitutionnel ».
Secundo, le système de transfert de compétences - exclusives et résiduelles - s’est fait de la même façon dans l’
que dans de nombreux Etats fédéraux. A l’échelle européenne, les Etats ont notamment passé de nombreuses
compétences à l’UE en vue d’établir un marché intérieur. Il en va ainsi, par exemple, des mesures pour supprim
obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux, en matière de politique
commerciale commune, de politique monétaire pour les pays de la zone euro, de règles générales de la concurrence,
d’organisation commune des marchés agricoles ou d’éléments essentiels de la politique des transports. Mis à par
compétences exclusives - d’attribution - de l’Union, les autres sont « partagées » entre l’UE et les Etats (envi
cohésion, sécurité et justice, etc.) ou « d’appui », c'est-à -dire où l’UE n’intervient que pour compléter les
membres (culture, industrie, tourisme, éducation, etc.). Le Traité constitutionnel offre l’avantage de clarifier cette
distribution de compétences.
Tertio, la notion de subsidiarité trouve son application dans la plupart des systèmes fédéraux. Sur le plan européen, la
subsidiarité a été inscrite dans le projet « Spinelli » de Constitution européenne - adopté par le Parlement europée
14 février 1984 - et reprise ultérieurement dans le Traité de Maastricht et dans les différents Traités successifs. L'UE es
supposée assumer les tâches que les Etats membres ne peuvent pas exercer séparément ou qu’ils exerceraient ave
moins d'efficacité. En conséquence, l'action de l'Union est subsidiaire à celle des Etats. L’application rigoureuse de la
subsidiarité s’inscrit parfaitement dans la logique du fédéralisme: les pouvoirs, les compétences, les devoirs et les
obligations de chacun sont répartis en fonction de leur plus grande efficacité et proximité des citoyens.
Quarto, l’union monétaire, avec la responsabilité supérieure de la Banque Centrale Européenne au sein du Systèm
Européen des Banques Centrales (SEBC) est déjà de nature clairement fédérale, et, le caractère officiel accordé par
Traité constitutionnel à l’Eurogroupe ainsi que la nomination pour deux ans de son président (actuellement Jean-Claude
Junker comme Monsieur Euro) accroît le caractère fédéral de l’union économique et monétaire. Ainsi, la construc
européenne dépasse le « sectoriel » : charbon et acier, énergie atomique, barrières douanières. Des prérogatives
auparavant exclusivement nationales – battre la monnaie et, peut-être demain les compétences fiscales – passent
progressivement à l’échelon européen. De plus, comme tout Etat fédéral, l’UE dispose d’une certaine auton
financière grâce à ses recettes et en particulier à ses « ressources propres » (proportion de la TVA, droits de douane,
prélèvements agricoles, pourcentage des PNB des Etats membres) même si dans ce domaine, la situation laisse
encore à désirer.
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Quinto, avec le nouveau Traité constitutionnel, l’UE peut sans doute être qualifiée « d’organisme politico-institutio
sui generis à vocation fédérale ». D’abord, parce qu’on y retrouve les deux lois caractéristiques du fédéralism
l’autonomie et la loi de participation. La première signifie que les entités fédérées - Régions, Landers, Cantons,
Communautés ou Etats si on parle de l’Europe - ont des compétences propres et un mode d’organisation avec des
pouvoirs exécutif, législatif et parfois judiciaire particuliers. La loi de participation indique que les composantes fédérées
sont associées à l’énonciation de la volonté fédérale. Au niveau européen, ces lois d’autonomie et de partic
ressenties puisque les Etats gardent beaucoup de compétences et qu’à travers le Conseil des Ministres, ils participent
largement à la volonté de l’Union.
Sexto, deux ordres juridiques - des entités fédérées et de l’Etat fédéral - coexistent dans la plupart des système
fédéraux à travers un système bicaméral. La composition et les propositions de la Commission européenne sont ainsi
soumises à l’approbation du Conseil et du Parlement européen. Le Traité constitutionnel rapproche cette situation du
système bicaméral classique en réservant une approbation de la population au sein du Parlement et des Etats (au sein
du Conseil) où le vote - selon des pondérations complexes - est remplacé par le principe « un pays un vote » pondéré
il est vrai, par un facteur qui tient compte de l’importance de leur population. Si ce système original n’est pas tout à fait
conforme aux principes fédéraux, il s’en rapproche toutefois beaucoup.
Septimo, au niveau européen, conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice Européenne, le droit
communautaire prime sur le droit des Etats alors qu’il y souvent équipollence des normes au sein d’un Etat fédéral
Belgique par exemple, la loi (nationale) et le décret (régional ou communautaire) sont sur un pied d’égalité. Il faut aus
rappeler que la Cour de Luxembourg incarne non seulement les fonctions de juridiction internationale mais elle est aussi
la garante de l’unité d’interprétation du droit communautaire (comme les Cours de Cassation dans la plupart des Eta
de la légalité des règlements (comme le Conseil d’Etat en Belgique), et du respect de la Constitution par les législateu
(Cours Constitutionnelles ou, en Belgique, Cour d’Arbitrage).
En dernier lieu, toute fédération comporte une dialectique interne et permanente entre les forces centrifuges (au niveau
des Régions, des Landers, des Cantons, des Communautés ou des Etats) et les forces centripètes visant à renforcer le
pouvoir des institutions communes (fédérales). Depuis le début de la construction européenne, cette dialectique est bien
présente. Les Etats ont toujours voulu garder leurs prérogatives (cf. à titre illustratif les nombreux exemples de la France
du Général de Gaulle, de la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher, de l’Espagne de José-Maria Aznar) alors que les
institutions européennes essayaient de prendre de l’ampleur. Le cas du PE est flagrant : d’un pouvoir simplement
consultatif, il s’est vu attribuer un pouvoir budgétaire pour progressivement assumer un pouvoir de coopération et
finalement de codécision.
En conclusion, l’Europe semble décidément plus fédérale que confédérale sur le plan juridique même si l’Ã
noir de la construction communautaire et du Traité constitutionnel - l’unanimité - demeure dans de trop nombreuses
politiques. L’Europe est en constante évolution et commence à se rapprocher politiquement et institutionnellement du
système préféré des fédéralistes européens : celui où la supranationalité et la subsidiarité vont de pair, celui qu
bien commun européen et respect des diversités nationales et régionales. Si l’Europe a donc clairement une vocation
fédérale, il lui reste à mieux refléter, aux yeux des citoyens, une véritable « souveraineté européenne ». Domen
ROSSETTI DI VALDALBERO,
Secrétaire général de l'UEF-Belgique fr. Note : article paru dans L’Echo du 4 février 2005
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