Adolphe Dieudonné - Sacra

Transcription

Adolphe Dieudonné - Sacra
P. Le Gentilhomme
Adolphe Dieudonné
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1946, tome 106, livraison 2. pp. 428-430.
Citer ce document / Cite this document :
Le Gentilhomme P. Adolphe Dieudonné. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1946, tome 106, livraison 2. pp. 428-430.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1946_num_106_2_460308
CHRONIQUE
428
Ses obsèques furent célébrées le 30 mai et, après la cérémonie fu
nèbre,
a.u cours de laquelle l'organiste de l'église joua la Marseillaise,
son cercueil, enveloppé du drapeau tricolore, fut suivi par un petit cor
tège d'une douzaine de Français. Il fut enseveli au cimetière de Bénésof, à côté de trois camarades de déportation.
Ch. Samaran.
ADOLPHE DIEUDONNÉ
Le 4 août 1945, Adolphe Dieudonné s'est éteint dans la solitude d'un
hôpital parisien, au moment où sa fidèle compagne venait, après de
multiples démarches, d'obtenir enfin l'autorisation de ramener le mou
rant dans sa petite villa de Suresnes. Quelques jours plus tôt, il avait
été renversé par un camion et ce stupide accident mit fin à la studieuse
carrière du savant numismate.
Né le 31 janvier 1868, à Paris, boulevard du Prince-Eugène, au
jourd'hui
boulevard Voltaire, Adolphe Dieudonné était fils d'un ingé
nieur aux chemins de fer de l'Est, de souche normande, d'une famille
universitaire, lui-même ancien élève de l'École Polytechnique, et
d'une mère ardennaisse, issue d'une famille de magistrats. Ses études
se firent à l'école Rocroy-Saint-Léon, puis au collège Rollin, à Paris.
Il entra à l'École des chartes en 1891, déjà muni de la licence es lettres.
C'est une thèse d'histoire littéraire qui valut à Dieudonné le titre
d'archiviste paléographe, Hildebert de Lavardin, évéque du Mans, au
XIIe siècle, sujet qui lui avait été recommandé par Hauréau et Molinier.
Dieudonné entra en 1895 à la Bibliothèque nationale au départe
ment
des Imprimés, où il travailla à la section des Entrées, au Cata
logue de l'Histoire de France, puis, en 1896, au Cabinet des Médailles,
comme stagiaire, pour classer et insérer, sous la direction d'Ernest
Babelon, les monnaies grecques de la collection Waddington. Il colla
bora à l'inventaire qui fut alors dressé de cette collection. C'est ainsi
qu'il fut d'abord appelé à s'occuper de numismatique antique et à étu
dier, dans la Revue numismatique, les acquisitions nouvelles de pièces
grecques et romaines du Cabinet des Médailles de 1895 à 1905.
A partir du départ de Maurice Prou, Dieudonné orienta ses re
cherches
sur la numismatique française. Mais il n'en garda pas moins
soigneusement le contact avec les séries grecques et romaines. Non
seulement il a rédigé deux inventaires, tirés par voie de sélection du
Recueil général des monnaies grecques d'Asie Mineure, mais il a com
posé de toutes pièces celui des monnaies grecques de la Syrie du Nord,
à l'époque romaine, et a fait l'inventaire des monnaies de la Syrie du
CHRONIQUE
429
Sud. Épigraphiste autant que numismate, il a dressé l'inventaire des
inscriptions du Cabinet des Médailles et étudié en détail la plus inté
ressante
: un compte de Délos. Mais le grand mérite de Dieudonné est
d'avoir consacré presque tous ses efforts, jusqu'à son dernier moment,
à aborder en historien l'étude, si négligée jusqu'à lui, des monnaies
royales et féodales françaises. En ce domaine, tout était à faire. Il lui
fallut d'abord déblayer le terrain et dresser le bilan des résultats ac
quis par les chercheurs qui, sans liaison et le plus souvent sans mé
thode,
l'avaient précédé. Il publia donc le précieux instrument de tra
vail que constituent les tables de la Reçue numismatique et la Chronol
ogiedes documents monétaires, tandis que, par des acquisitions sys
tématiques,
il complétait les séries du Cabinet de France, dont il fit le
foyer des études de numismatique médiévale et moderne. Ses Mél
anges
numismatiques, dont une partie est restée manuscrite, ne cons
tituent
pas moins de sept volumes à la bibliothèque du Cabinet des
Médailles. Deux des quatre volumes du Manuel de numismatique fran
çaise lui sont dus, ainsi que deux volumes du Catalogue de la série royale
pour les monnaies ďHugues Capet à Louis XII.
Mais tout cela n'était, à ses yeux, que le travail préliminaire qui
devait lui permettre de rédiger un vaste traité doctrinal de la monn
aie royale française, traité dont nous sommes fier d'avoir à assumer
la publication posthume.
Conservateur adjoint du Cabinet des Médailles'en 1913, il succéda
à Ernest Babelon en 1924 dans les fonctions de conservateur qu'il
assuma jusqu'en 1937, année où sonna pour lui l'heure de la retraite.
Il eut la satisfaction de voir une dernière fois réunis autour de lui,
pour lui rendre un solennel hommage, dans le cadre somptueux du
Salon des Muses des nouveaux locaux du Cabinet des Médailles, ses
nombreux amis, parmi lesquels l'administrateur de la Bibliothèque
nationale, les représentants de la Société des Antiquaires de France,
de la Société française de numismatique, du Comité international de
numismatique, et bien entendu, de l'École des chartes. Une plaquette
a été éditée en souvenir de cette cérémonie, où se trouve la bibliogra
phie
des travaux publiés par le savant numismate. Elle ne compte pas
moins de 145 numéros.
Dès novembre 1894, il avait épousé une Ardennaise, dont la famille
était fixée à Paris. Mme Dieudonné fut la patiente compagne de ses
veilles laborieuses et, pendant ses dernières années, la Providence de
son corps souffrant et d'un esprit que la surdité, conséquence d'une
fièvre typhoïde, ne parvint jamais à aigrir. Il savait si bien faire cré
dit à l'homme des vertus qu'il lui supposait, qu'il les suscitait, en
quelque sorte. C'est pourquoi il sut tout naturellement être un chef,
lorsqu'il fut amené à en prendre les responsabilités. Sous sa faible
enveloppe charnelle, il fut toujours un exemple de courage intellecbibl. éc. chartss. 1945-1946
28
430
CHRONIQUE
tuel. Sa haute probité scientifique et sa modestie de vrai savant l'ame
naient souvent à renier des hypothèses que lui-même avait avancées
quelques années plus tôt, et il n'hésitait pas à reconnaître qu'il s'était
trompé si d'aventure il lui était prouvé par autrui qu'il avait tort.
Cette rectitude d'esprit allait de pair avec celle de ses mœurs de par
fait honnête homme. Pendant les plus sombres jours de la guerre, il se
trouvait souvent aux offices du matin, où il demandait au Ciel d'exau
cer
son vœu de voir notre beau pays purgé de ses occupants. Son aver
sion pour ceux-ci se traduisait parfois en terribles boutades qu'il ne
craignait pas, en dépit des contingences, de clamer aux oreilles de ses
auditeurs parfois gênés, voire apeurés. Il conserva jusqu'à la fin une
jeunesse et une vivacité d'esprit extraordinaires. Sa curiosité toujours
en éveil lui fit, au soir de la vie, entreprendre de multiples voyages
en Hollande, en Grèce, en Angleterre. Il ne manquait pas d'assister à
toutes les expositions d'art moderne. Ce savant aimable enseigna la
numismatique à l'École des chartes. Il détestait faire étalage de sa
grande culture et de son érudition aux multiples aspects. Toujours il
encouragea les initiatives de ses jeunes élèves qui lui ont voué une
pieuse affection, et tous ceux qui l'ont connu ont appris à l'aimer.
P. Le Gentilhomme.
ANDRÉ DE MARICOURT
Le baron André du Mesnil de Maricourt était né à Villemétrie, près
de Senlis (Oise), le 4 décembre 1874. Il était profondément attaché à
son pays natal : ses voyages, ses recherches dans les bibliothèques ou
les archives ne l'éloignaient jamais bien longtemps de la vieille maison
familiale, où il avait vu le jour et où il était heureux de travailler au
milieu des siens. En 1927, il s'était fixé à Senlis ; il ne quittait guère
cette ville qu'il aimait et où il avait ses plus chers souvenirs. Il y est
mort le 16 novembre 1945. Ce n'était cependant pas le berceau de
sa famille, qui était originaire de Seine-et-Marne et du pays de Bray.
Il fit ses études chez les Pères Maristes de Saint-Vincent de Senlis.
Il avait comme devancier, dans ce vieux collège, le poète José-Maria de
Heredia, dont il retracera plus tard les jeunes années dans cette région
de l'Ile-de-France. De bonne heure, notre confrère montra un goût
marqué pour la généalogie et l'héraldique et, en général, pour l'étude
du passé. Il semblait donc tout désigné pour entrer à l'École des chartes.
Nul doute que son père, le comte René de Maricourt, l'un des fonda
teurs, en 1862, du Comité archéologique de Senlis, très versé dans
l'étude de la préhistoire, n'ait poussé son fils vers notre École. André
de Maricourt se présenta au concours et fut nommé élève par arrêté