Les Enfants - Centre Culturel Jacques Tati

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Les Enfants - Centre Culturel Jacques Tati
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POUR QU'UNE JEUNESSE CITOYENNE
S'EMPARE DU THÉÂTRE :
PROJET DE CRÉATION EN RÉSIDENCE
POUR LYCÉENS ET COLLÉGIENS
LES ENFANTS
D'EDWARD BOND
Dans le cadre des
"Rencontres européennes Edward Bond", Amiens 2016
En partenariat avec la Maison du Théâtre,
le Centre Culturel Jacques Tati
et l'UPJV
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La jeunesse est devenue un nouveau continent, et le
théâtre ne peut pas prétendre à un objectif humain s'il ne
parvient pas s'y engager et à l'explorer.
Edward Bond
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Les Enfants
Edward Bond
Traduction et mise en scène
Jérôme Hankins
Avec :
Raphaëlle Nicolas
Vincent Gougeat
et un groupe d'adolescents de différents quartiers d'Amiens
Assistant à la mis en scène : Yohan Jamesse
Scénographie et accessoires : Alexandrine Rollin
Costumes : Hélène Falé
Lumières et régie générale : Bruno Brinas
Coordination générale : Arlette Meunier
Diffusion : Yohan Jamesse
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"À côté de chez moi, il y a une école dans un quartier misérable, très délabré. Un
jour, un des élèves de quatorze ans s'est disputé avec un autre et l'a menacé en disant : "Je
vais te tuer" — paroles que nous avons toutes et tous certainement prononcées dans notre
vie. Mais lui avait un couteau, parce que dans la communauté d'où il venait (et dans une
communauté la vérité est toujours dans un ghetto) — dans cette communauté, pour être
humain, il faut porter un couteau. Le directeur lui a demandé ce qu'il faisait avec ce
couteau, ils se sont disputés et l'élève a poignardé le directeur. Ce qui n'aurait pas dû
arriver. Après ça, il a été décidé de fermer l'école et l'élève a été jeté en prison. Un des
professeurs m'a alors dit que ce n'était pas possible, que tous ces gosses allaient se
retrouver à la rue, et qu'il fallait que j'écrive une pièce.
Je me suis demandé ce qu'une pièce pourrait bien faire là contre. Je suis quand même
rendu dans l'établissement, j'ai vu les élèves et ils m'ont beaucoup impressionné. J'ai donc
écrit une pièce pour eux: Les Enfants. Ils l'ont répétée et représentée. La représentation
était formidable. Toutes ces petites crapules, ces petits terroristes ont fait une merveilleuse
représentation. Je ne veux pas seulement dire qu'elle était belle, bien sûr qu'elle l'était, mais
le plus étonnant est l'intelligence de ces jeunes gens, leur capacité à lire le visage humain, à
comprendre les motivations et les significations. Ils avaient une subtilité incroyable et de la
force. Et au lieu de se chamailler, ils se soutenaient mutuellement. En un sens, j'étais exclu
–mais c'était très bien.
Après, le proviseur m'a dit qu'il enseignait depuis trente ans et il n'aurait jamais cru
que les enfants puissent faire cela. Et c'était du théâtre compliqué, vous savez que j'écris des
pièces compliquées. Il est certain que le Royal National Theatre n'aurait jamais pu jouer
cette pièce de manière aussi virtuose ! La Comédie Française non plus ! Parce que ces
jeunes gens avaient encore besoin de théâtre. Leurs psychés vibraient existentiellement, ils
avaient toujours désespérément besoin de théâtre. On se serait cru au Théâtre de Dionysos
à Athènes. Je suis certain qu'Euripide s'y serait retrouvé."
Edward Bond
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LES ENFANTS DE MÉDÉE
Dans la Médée d'Euripide, il y a deux enfants. Ils apparaissent deux fois. La première
fois, on leur dit d'aller jouer pendant que les adultes discutent. Quand ils réapparaissent on
les emmène pour les tuer. Entre-temps on leur confie la mission de porter un cadeau à une
femme. Le cadeau est un objet piégé et la femme est assassinée. Ils sont choisis pour cette
mission car "en tant qu'enfants ils sont innocents et ne seront pas soupçonnés". Les enfants
ne parlent qu'une fois — en coulisses —juste au moment où on les assassine : "Au secours !
Au secours !"
Les enfants sont parfois utilisés dans les conflits modernes — en Irlande et dans
les Balkans — comme appâts, pour distraire l'attention des soldats, comme messagers
et même comme pièges vivants. On dit que chaque semaine au Royaume Uni deux enfants
sont assassinés par leurs parents. Et dans des "sociétés postmodernes" telles l'Amérique et
l'Europe une part croissante d'enfants tuent d'autres enfants.
La pièce se déroule dans le futur, dans un temps où seront encore en vie les jeunes
gens qui verront la pièce aujourd'hui. Elle met en scène les forces de destruction et de
création à l'œuvre dans la société, et montre quels seront leurs effets dans le monde où
ces jeunes eux-mêmes seront devenus adultes.
Que diraient des enfants si — contrairement aux enfants de Médée — on les autorisait
à parler ? Comment leur monde et le monde des adultes s'éclaireraient-ils mutuellement ?
Edward Bond
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UNE PIÈCE MULTIFORME ET INSOLITE
La première de The Children (Les Enfants) eut lieu dans une de ces banlieues (ou zones) dites
difficiles, qui entourent y compris une ville universitaire aussi prestigieuse (et riche) que
Cambridge. Là, un établissement en difficulté : the Manor Community College, risquait la
fermeture, notamment pour des problèmes de délinquance de plus en plus précoce. L'équipe
pédagogique, désemparée mais persévérante, fit appel à Bond, sachant qu'il avait déjà écrit
plusieurs pièces pour une troupe de théâtre en milieu scolaire, basée à Birmingham : Big Brum.
Bond visita le collège, rencontra les enfants, et écrivit presque immédiatement sa pièce. Le 11
février 2000, elle était jouée en public par seize élèves de 14-15 ans et deux acteurs adultes
professionnels. Le succès fut tel que l'expérience fut répétée dans de nombreux établissements de la
région. (Et le Manor Community College retrouva le soutien des tutelles.)
La pièce traite du sentiment croissant d'isolement qu'éprouvent les jeunes dans la société
contemporaine. Bond pose la question : que diraient les enfants de Médée si on leur donnait la
parole ?
Il n'est pas question de promouvoir une vision idéaliste, romantique, de l'enfant, qui
l'investirait de qualités transcendantes, spirituelles ou rédemptrices. Les personnages-enfants de
Bond ne peuvent pas tolérer l'iniquité et l'inégalité, ils revendiquent concrètement la justice, et ils
doivent apprendre, en grandissant, à rester humains dans un système social corrompu, et corrupteur.
Ils évoluent sur la frontière entre l'âge adulte et l'enfance, à l'endroit même où s'impose la
nécessité de se définir soi-même.
La forme de la pièce, qui se déroule à deux "vitesses", est éloquente : l'auteur indique que les
deux acteurs adultes doivent jouer leurs rôles tels qu'ils sont écrits et publiés, tandis que les jeunes
comédiens amateurs sont encouragés à improviser leurs répliques, guidés par les situations décrites.
Bond est conscient du risque de cette proposition, mais, en suggérant aux enfants
d'inventer leur propre texte, il veut les encourager à s'impliquer directement, et activement,
dans les prises de position et de décision morales que raconte la fable : en pénétrant dans la
fiction imaginaire de l'intrigue, il seront ainsi renvoyés à leur imagination personnelle, où ils
pourront forger leur propre voix. Le sous-entendu est clair : les adultes ont un texte déjà fixé, ils
obéissent à une loi extérieure — les jeunes ont encore la liberté de créer, d'inventer, de transformer
à partir du code souvent mal approprié que leur lèguent les parents et l'autorité.
Ainsi, les enfants qui jouent les "Enfants" seront amenés, souhaite Bond, à explorer des
situations-limites, des seuils, des passages, des béances, des fractures, où ils peuvent mettre en
œuvre, par le jeu et l'art du faire-semblant dont ils sont les maîtres, leur créativité
personnelle.
Là, l'écrivain voudrait qu'ils puissent affirmer et éprouver leur "moi-Antigone", interrogatif et
provocateur, le seul qui puisse leur permettre de revendiquer leur droit d'être au monde, afin de
prendre part au projet collectif de l'humanité.
Jérôme Hankins
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Le texte des adultes sera écrit, les jeunes devront créer la majeure partie du texte
eux-mêmes. Mais la pièce les placera dans ces situations exigeantes et fondamentales que,
d'une manière ou d'une autre, chacun doit en son temps affronter. Notre humanité
dépend de la façon dont nous agissons dans ces situations, et dont nous répondons aux
questions qu'elles suscitent.
La pièce permettra aux jeunes de parler en leur nom, de se mettre eux-mêmes à
l'épreuve plutôt que de s'en voir imposer, de découvrir qui ils sont, et qui ils désirent être
quand le temps changera les rôles et ils deviendront adultes.
Les adultes ont un texte, les enfants doivent improviser.
Edward BOND
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UN PROJET TISSANT ÉDUCATION ARTISTIQUE,
EXPÉRIMENTATION ET CRÉATION
Les pièces d'Edward Bond pour jeunes publics ont la particularité d'être conçues pour
être jouées directement avec et pour les collégiens et lycéens, le plus souvent dans les
établissements, mais aussi dans les theatres partenaires eux-mêmes.
Ces pièces ne sont pas différentes en ambition et en richesse des œuvres majeures, elles
sont comme des détails agrandis des grands tableaux épiques plus souvent connus du public,
et fournissent en conséquence une émotion-éclair plus intense, plus électrique, plus
immédiate mais pas moins complexe que les "grandes pièces" : c'est ainsi que Bond
manifeste sa confiance en la capacité des jeunes gens à comprendre les questions les
plus profondes de notre/leur culture contemporaine.
Les personnages-enfants de Bond ne peuvent pas tolérer l'iniquité et l'inégalité, ils
revendiquent concrètement la justice, et ils doivent apprendre, en grandissant, à rester
humains dans un système social corrompu, et corrupteur. Ils évoluent sur la frontière entre
l'âge adulte et l'enfance, à l'endroit même où s'impose la nécessité de se définir soi-même.
La forme de la pièce, qui se déroule à deux "vitesses", est en elle-même
profondément éloquente socialement et politiquement : l'auteur indique que les deux
acteurs adultes doivent jouer leurs rôles tels qu'ils sont écrits et publiés, tandis que les
jeunes comédiens amateurs sont encouragés à improviser leurs répliques, guidés par
les situations décrites. Bond est conscient du risque de cette proposition, mais, en suggérant
aux enfants d'inventer leur propre texte, il veut les encourager à s'impliquer directement, et
activement, dans les prises de position et de décision morales que raconte la fable : en
pénétrant dans la fiction imaginaire de l'intrigue, il seront ainsi renvoyés à leur imagination
personnelle, où ils pourront forger leur propre voix. Le sous-entendu est clair : les adultes ont
un texte déjà fixé, ils obéissent à une loi extérieure — les jeunes ont encore la liberté de créer,
d'inventer, de transformer à partir du code souvent mal approprié que leur lèguent les
parents et l'autorité.
Ainsi, les enfants qui jouent les "Enfants" seront amenés, souhaite Bond, à explorer des
situations-limites, des seuils, des passages, des béances, des fractures, où ils peuvent mettre
en œuvre, par le jeu et l'art du faire-semblant dont ils sont les maîtres, leur créativité
personnelle, afin de prendre part au projet collectif de l'humanité.
Composée de deux comédiens profesionnels et du metteur en scène, l’équipe artistique
accueillera un groupe, qui peut être composite, de pré-adolescents avec lesquels ils monteront
dans une temps très court, la pièce, dans un processus de sensibilisation et pratique théâtrale
fondé sur des techniques d’improvisation destinés à réveiller et stimuler l’imagination des
élèves.
En ce sens, les élèves deviendront les récitants et les acteurs de leur propre
version de la pièce.
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MISE EN ŒUVRE DU PROJET
"POUR QUE LA JEUNESSE CITOYENNE S'EMPARE
DU THÉÂTRE"
L'Outil compagnie
Le projet d'exploration de la pièce Les Enfants s'inscrit dans un cadre
plus large que l'apprentissage d'une pratique théâtrale. Il s'agit, lors de
"Rencontres européennes Edward Bond", programmées par le Centre de
Recherches en Arts (CRAE) de la Faculté des Arts de l'Université de Picardie
Jules Verne, en 2016, de proposer diverses performances de collégiens et
lycéens, afin de concrétiser la spécificité de l'écriture dramatique pour
jeunes publics dont Bond s'est fait le théoricien et l'auteur.
Le porteur du projet est l'Outil compagnie, dont le directeur artistique
est Jérôme Hankins.
Jérôme Hankins, traducteur et metteur en scène des oeuvres de Bond,
interviendra régulièrement par la programmation d'ateliers pendant
l'année scolaire. Ces performances se répondront entre établissements lors
de leur mise en oeuvre au Centre Culturel Jacques Tati et/ou à la Maison du
Théâtre pendant l'événement précité.
La présence d'Edward Bond et la compagnie Big Brum (GB), invitée au
colloque par l'Outil Cie, ainsi que d'autres partenaires spécialistes du
théâtre pour la jeunesse, viseront à saisir l'universalité de la question que
se posent les citoyens du monde aujourd'hui : leur responsabilité dans
un monde en crise.
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Edward Bond
Né le 18 juillet 1934 à Holloway, dans le nord de Londres, dans une famille ouvrière.
Lorsque la guerre éclate, il est évacué vers le comté de Cornouailles, puis de nouveau, après le
Blitz, près de Ely, chez ses grands-parents.
En 1953, il effectue deux années de service militaire et se lance alors dans l’écriture. Sa
collaboration avec le Royal Court Theatre à Londres débute à la fin des années cinquante. Invité à
se rendre aux réunions d’écrivains de cette institution originale, il prend part régulièrement à des
lectures de pièces de théâtre. Sa première pièce représentée est The Pope’s wedding (Les Noces du
pape), en 1962. En 1964, la création de sa pièce Sauvés soulève un des plus grands scandales de
l’histoire du théâtre anglais. Les débats et la polémique autour de sa pièce suivante : Au petit matin
(Early Morning), en 1968, conduiront à l’abolition de la censure théâtrale en Angleterre.
Depuis, il a écrit plus d’une trentaine de pièces jouées constamment dans le monde entier,
des scénarii pour le cinéma (notamment Blow up, réalisation M. Antonioni, 1967) ou la télévision,
des livrets d’opéra, des canevas de ballets chorégraphiques et de nombreux textes poétiques. Il
développe en parallèle une vaste réflexion théorique sur l’art théâtral à travers de nombreux articles,
notes, préfaces et correspondances. Son dernier ouvrage : The Hidden plot (la trame cachée), est
une vaste et ambitieuse réflexion sur l’art dramatique, qui découvre l’origine du théâtre, sa nécessité
pour l’être humain, jusque dans les premiers efforts conscients du nouveau né.
Ses pièces les plus récentes sont écrites pour défendre la pratique du théâtre en milieu
scolaire et destinées à être jouées dans les lycées et collèges devant des publics d’adolescents.
Bibliographie des « Big Brum Plays », pièces pour jeunes publics
Auprès de la mer intérieure (At the Inland Sea, 1995), trad. C. Cullen et Stuart Seide.
Onze débardeurs (Eleven Vests, 1997) trad. C. Cullen et S. Seide.
Les Enfants (The Children, 2000), trad. J. Hankins.
Si ce n’est toi (Have I None, 2000), trad. Michel Vittoz.
Le Numéro d’équilibre (The Balancing Act, 2003), trad. J. Hankins.
The Under Room (Sous Chambre, 2005), trad. J. Hankins.
La Flûte (Tune, 2006), trad. J. Hankins.
Une Fenêtre (A Window, 2009), trad. J. Hankins.
Le Bord (The Edge, 2011), trad. J. Hankins.
Le Bol cassé (The Broken Bowl, 2012), trad. J. Hankins.
The Angry Roads (Les Routes en colère, 2013), trad. J. Hankins.
Ces textes sont (et seront) publiés par L’Arche éditeur, Paris.

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