Cours 2, Littérature, CUF. Charles VINCENT
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Cours 2, Littérature, CUF. Charles VINCENT
Narratologie, Scripteurs, focalisation et types de discours Plan du cours : Préambule : Le monde du critique 1. 2. 3. 4. Auteur, narrateur. Focalisations. Discours et récit. Narration et description. Proust : « Un livre est le produit d’un autre moi » (Rimbaud : « Je est un autre ») Les scènes d’énonciation : l’auteur et son lecteur. Diderot, Jacques le fataliste, (environ 1775) : Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu´il ne tiendrait qu´à moi de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu´il me plairait. Qu´est-ce qui m´empêcherait de marier le maître et de le faire cocu? d´embarquer Jacques pour les îles? (…). Les voilà remontés sur leurs bêtes et poursuivant leur chemin. Et où allaient-ils? Voilà la seconde fois que vous me faites cette question, et la seconde fois que je vous réponds: Qu´est-ce que cela vous fait? Si j´entame le sujet de leur voyage, adieu les amours de Jacques... Ils allèrent quelque temps en silence. Lorsque chacun fut un peu remis de son chagrin, le maître dit à son valet: "Eh bien, Jacques, où en étions-nous de tes amours? JACQUES: Nous en étions, je crois, à la déroute de l´armée ennemie. On se sauve, on est poursuivi. L’auteur et son éditeur : Stendhal, Le Rouge et le noir (1830) : (Ici l'auteur eût voulu placer une page de points. Cela aura mauvaise grâce, dit l'éditeur, et pour un écrit aussi frivole, manquer de grâce, c'est mourir. -- La politique, reprend l'auteur, est une pierre attachée au cou de la littérature, et qui, en moins de six mois, la submerge. La politique au milieu des intérêts d'imagination, c'est un coup de pistolet au milieu d'un concert. Ce bruit est déchirant sans être énergique. Il ne s'accorde avec le son d'aucun instrument. Cette politique va offenser mortellement une moitié des lecteurs et ennuyer l'autre qui l'a trouvée bien autrement spéciale et énergique dans le journal du matin... -- Si vos personnages ne parlent pas politique, reprend l'éditeur, ce ne sont plus des Français de 1830, et votre livre n'est plus un miroir, comme vous en avez la prétention...) Le procès-verbal de Julien avait vingt-six pages; voici un extrait bien pâle; car il a fallu, comme toujours, supprimer les ridicules dont l'excès eût semblé odieux ou peu vraisemblable. (Voir la Gazette des Tribunaux) Point de vue omniscient et focalisation zéro : La Garçonne, p. 227 : « Ainsi tous trois touchaient, sans qu’ils s’en doutassent, à l’heure la plus grave ». Focalisation interne : La Garçonne, p. 198 : « Il voyait, dans le geste délicat de Monique, une soumission préventive ». Focalisation externe => Nouveau Roman, théâtre de l’absurde. (déjà Diderot, incipit de Jacques le Fataliste : « Comment s´appelaient-ils ? Que vous importe ? D´où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l´on sait où l´on va ? ») La Garçonne, p. 65-66 : description du Cosmo-Théâtre : « tout cela scintillait ». p. 137 : « Comment, trois heures après, Monique se retrouvaitelle en train de souper… ? ». Le récit. p. 137 : « Anika s’était levée pour aller éteindre le lustre central ». Le discours. Mélange, p. 159 : « cet obscur sentiment de la lumière qui est au fond de tous les êtres et qui subsistait encore en elle » p. 226 : « elle sentait, avec cette finesse d’instinct qu’ont toutes les femmes » Les discours rapportés : Le discours direct : p. 43 : « Au revoir, ma cocotte, à demain !, dit Michelle en embrassant Monique. - - Le discours indirect : p. 41 : « - Les jeunes filles d’aujourd’hui ne respectent plus rien » (Mme Lerbier). Transformez en discours indirect. Le Discours indirect libre p. 78 : « Il ne l’avait donc jamais aimé ! Il avait joui d’elle comme d’une fille… » (Monique parle de Lucien). p. 79 : « Qu’est-ce qu’elle fichait, seule, un jour pareil ? » (pensées d’un inconnu) - Cas incertains : p. 100 : « Elle le laissait aller, ironique, comme si elle eût percé ces derniers mensonges, deviné l’entente conclue entre sa maîtresse et lui… Il l’avait facilement apaisée par le don d’un collier de perles (…) Il se tut et leva les yeux. -Effet stylistique du DIL : p. 190 : « -Baron !, s’écria Boisselot, qu’est-ce que c’est que ça ? En fait de baron, il ne connaissait, pour en avoir mangé un jour, que le baron d’agneau. Le baron de plombino lui semblait moins comestible. Elle rit. » - Le Discours narrativisé : p. 190 : « Elle conta en deux mots la passion malheureuse de Plombino et comment au prix de sa clientèle elle en avait fait un des bienfaiteurs les plus importants du comité Nansen ». La narration. p. 33 : « Puis, ayant souri sans mot dire à Monique, il distribua collectivement au comptoir un triple déclic de tête et poursuivit sa route ». (John White). La description. p. 20 : « A la place des rues grises dans le brouillard s’étend le jardin montant, au flanc de la colline ». Qu’apporte le présent ici ? Portrait, description et narration: p. 28 : « Sous les bouquets des énormes lustres, une rumeur montait (…). Les personnages mythologiques des hautes tapisseries (…) semblaient contempler avec surprise la foule. (…) Le Tout-Paris y bourdonnait comme un essaim géant de frelons. Jean Plombino, baron du Pape, écoutait distraitement Mlle Morin. Il sentait posé sur lui le regard de Monique. Il s’inclina très bas, tignasse plongeante. Il était veuf d’une Sicilienne marchande d’orange, et cherchait à sa fille unique une éducatrice digne de sa richesse nouvelle. Champignon vénéneux de la guerre, mais champignon juif, et donc fortement attaché au sol familial, le « baron » gardait, dans son fétichisme des valeurs, celui des vertus conjugales. Il avait, sous l’apparence hardie, discerné la droiture et l’honnêteté de Monique. Qualités d’autant plus précieuses à ses yeux, qu’il en avait toujours manqué et les voyaient rares dans le parterre des jeunes filles de toutes parts offertes, en attente de mari, et à défaut, d’amant. Il n’y avait qu’à étendre la main, prix marqué, au choix. Un seul inconvénient pour cette bédide Lerbier, dont la rayonnante blondeur le fascinait : son éminent mariage avec Lucien Vigneret, le fabriquant d’automobiles. Bonne marque évidemment, mais quel coureur ! Il n’y avait qu’à attendre, savait-on jamais ?... »