L`économie sociale et solidaire : importance, acteurs et enjeux

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L`économie sociale et solidaire : importance, acteurs et enjeux
L’économie sociale et solidaire:
caractéristiques, acteurs et enjeux
Jean-Luc Outin
Centre d’Economie de la Sorbonne (UMR Univ-Paris1-Cnrs)
Plan
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•
Définition et approches
Principes fondateurs
Importance économique
Les coopératives
Les associations
Enjeux et questions
Economie sociale et solidaire ?
• Deux composantes
– Économie sociale : « organisations dont l’objectif
premier est de satisfaire les besoins de leurs membres
selon une gouvernance démocratique »
• Associations, Fondations, Coopératives, Mutuelles
• Finalité différente des sociétés de capitaux (rémunérer le
capital investi)
• Mode de décision spécifique (« une personne, une voix »)
– Economie solidaire : « organisations d’utilité sociale »
• Entreprises d’insertion, associations intermédiaires, chantiers
école, commerce équitable, etc.
Double dimension de l’ESS
• Fonction de réparation sociale
– en complément du système de Protection Sociale
– aider les personnes en situation de vulnérabilité / précarité
– Relations avec l’Etat
– Place ESS dans les politiques publiques
• Secteur économique à part entière
– Participation à la création de richesses
– Outils de mesure mal adaptés
• activités en grande partie non marchandes
– Emploi / travail bénévole
– Biens et services vendus / réponses à des besoins non marchands, lien
social
Eléments de débats
• « Tiers secteur »entre marché et interventions
publiques
– Rôle de régulateur du système économique et social
• Effet demande / effet offre?
– Potentiel de transformation du modèle économique ?
• Modèle alternatif d’efficacité, de gestion par rapport à logique
actionnariale
• Place les interventions sociales
– Forte dépendance de certaines composantes de l’ESS à
l’égard des financements publics
– solidarité de proximité / portée globale
Les organisations de l’Economie sociale :
formes institutionnelles multiples (1)
– Coopératives : Sociétés de personnes (loi 10 sept 1947)
– Rendre des services individuels et collectifs aux membres
– Modèle d’organisations démocratiques fondé sur des valeurs :
responsabilité, solidarité, transparence
– Coopératives d’entreprises (agricoles), d’usagers (consommateurs,
habitants, élèves), de production (scop), banques coopératives
– Mutuelles : Personnes morales de droit privé, régies par
le code de la mutualité (prévoyance/santé) ou celui de
l’assurance (biens/assurance-vie)
– Action de prévoyance, de solidarité et d’entraide au moyen de
cotisations versées par les membres et dans leur intérêt
– Contribuer au « développement culturel, moral, intellectuel et physique
des membres et à l’amélioration de leurs conditions de vie»
Les organisations de l’Economie sociale :
champs institutionnels multiples (2)
– Associations : Personnes morales de droit privé découlant
de la loi du 1er juillet 1901
• « Convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en
commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur
activité dans un but autre que de partager des bénéfices »
• Régie par les principes généraux du droit applicable aux contrats et
obligations
• Diversité : Ass de fait, ass d’intérêt général, reconnues d’utilité
publique, sportives (liées à fédérations)
– Fondations : Personnes morales de droit privé (définition par
loi 23 juillet 1987)
• « acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales
décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la
réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif »
• Diversité : Fondations d’entreprise, Fd reconnues d’utilité publique,
Fd abritées
Quelques éléments d’histoire
• Associationnisme (auto organisation, mouv social)
– Mutuelles : héritières des premières caisses de secours
(XIXe siècle : maladie, frais d’obsèques)
– Coopératives : premières coopératives de crédit créées
pour protéger les populations ouvrières et paysannes de
l’usure
– Associations : développement plus tardif du fait histoire
des corporations /)
• Charité privée (entraide )
– Associations : rôle des Eglises dans le champ social
(Education et santé)
– Economie solidaire : double filiation (Act Soc / Pol Emp)
Les 5 principes de l’ESS (1)
• Liberté d’adhésion
– « Nul ne peut être contraint d’adhérer ou de demeurer
adhérent d’une structure de l’économie sociale »
• scop structures à capital variable
• Non-lucrativité individuelle
– Possibilités d’excédents financiers, mais pas d’appropriation
individuelle
• dans les associations, aucun dividende aux adhérents
• dans les coopératives, salariés peuvent recevoir une part du bénéfice
réalisé (participation ou dividendes)
• Gestion démocratique
– Décisions stratégiques prises en assemblée générale selon le
principe « une personne = une voix »
• Égalité des membres quel que soit leur apport (en capital dans une
coopérative, en temps dans une association)
Les 5 principes de l’ESS (2)
• Utilité collective/ utilité sociale du projet
– Structures de l’économie sociale au service d’un projet
collectif (et non d’un projet conduit par une seule
personne dans son intérêt propre)
• « Collectif » :
– Territoire (ESS et projets de développement local)
– Groupe social (mutuelles des artisans, instituteurs, etc., réponse à des
besoins spécifiques)
– Collectif de travail (coopératives = valoriser le fruit du travail des
salariés)
– Idée qui fonde le projet d’une association
• « Utilité sociale » :
– Biens et services produits
– Démarche participative associant différents partenaires
Les 5 principes de l’ESS (3)
• La mixité des ressources
– Ressources privées (coopératives et mutuelles)
– Ressources mixtes (associations)
– Les organismes de l’économie sociale sont indépendants
des pouvoirs publics, mais :
• Interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics dans la mise en
œuvre de politiques d’intérêt général (emploi, santé,
développement local, citoyenneté, solidarité Nord-Sud, etc.)
• Subventions, Aides spécifiques à l’emploi ou avantages fiscaux
Importance de l’ESS : première approche
(source : Panorama de l’ESS 2012 en France et dans les Régions,
Conseil national des chambres régionales de l’ES)
• 19 millions de personnes adhérent à une mutuelle
de santé
• 22 millions environ sociétaires d’une banque
coopérative
• 21,1 millions sociétaires d’une mutuelle d’assurance
• Entre 1,1 et 1,6 millions bénévoles dans une
association
• 1 français sur 4 adhèrent à une association
Contribution économique en 2010
• 222 000 établissements employeurs environ
– 9,5% de l’ensemble (> étab employeurs publics)
• 2,34 millions de salariés
– 10,3% de l’emploi salarié total et 14% de l’emploi privé
– Emplois dans associations (78,6%), coopératives (13,1%),
mutuelles (5,4%) et fondations (2,9%)
• 1,97 million en équivalent temps plein
– 9,7% du total
Poids économique (2010)
• Difficile d’utiliser l’indicateur « Valeur ajoutée » car
non significatif pour appréhender le poids
économique des associations
• Rémunérations brutes versées : 56,4 milliards (8,4%
de l’ensemble)
• CA des mutuelles d’assurance : 21,6 milliards
• CA des mutuelles de santé : 20,7 milliards
• CA coopératives : 288 milliards
• Budget global des associations : 70 milliards
Caractéristiques des emplois de l’ESS
(source Insee 2010)
• Structure par cat socio-prof
%
ouvriers
employés
Prof
interméd
cadres
ESS
13
40
32
15
Privé hors
ESS
35
31
18
17
Public
8
44
28
19
• Forte féminisation des emplois
– 67% des salariés sont des femmes (60% dans secteur
public ; 40% dans secteur privé marchand)
– 52% des femmes salariées sont cadres
Emplois à temps partiel dans ESS
ESS
Coop
Mutuelles
Assoc
Fondations
Privé hors
ESS
Public
37%
14%
26%
42%
29%
19%
20%
Etablissements et effectifs par familles de l’ES en
2008 (source Insee)
Familles de l'économie sociale au 31
décembre 2008
Action sociale
Éducation
Santé
Services aux entreprises
Sport
Culture et loisirs
Hébergement et restauration
Autres associations
Ensemble des associations
Coopératives de crédit
Coopératives du domaine agricole
Coopératives de production
2
Coopératives autres
Ensemble des coopératives
Mutuelles régies par le code de la
mutualité
Mutuelles régies par le code des
assurances
Ensemble des mutuelles
Fondations
Ensemble de l'économie sociale
Effectif salarié
Établissements
1
Effectif
salarié
moyen
Indicateurs de
3
dispersion
812 040
342 950
127 980
95 500
66 840
50 590
26 950
245 320
1 768 170
164 120
68 960
25 520
49 900
308 490
29 020
18 190
3 450
9 950
20 000
12 750
3 790
36 400
133 550
13 530
4 940
1 420
2 910
22 800
28
19
37
10
3
4
7
7
13
12
14
18
17
14
50%
14
9
11
3
1
2
3
2
4
6
3
7
5
5
80%
43
27
32
12
4
5
10
7
16
10
13
21
15
12
79 990
4 470
18
5
19
39 820
119 820
63 180
2 259 660
1 820
6 290
1 110
163 760
22
19
57
14
4
5
20
4
15
18
66
15
Part de l’économie sociale dans l’effectif salarié
au 31 décembre 2008 par secteur (NAF88)
source : Le « tiers secteur », un acteur économique important, Insee Première N°1342 - mars 2011
Lecture : l’économie sociale regroupe 69 % des emplois salariés de l’action sociale sans
hébergement
Part de l’économie sociale dans l’effectif salarié par
département au 31 décembre 2008
Le « tiers secteur », un acteur économique important, Insee Première N°1342 - mars 2011
À chaque famille sa géographie
Les entreprises coopératives en 2010
• 21 000 entreprises coopératives emploient près d’un million
de salariés, dans tous les secteurs d’activité
• Très grande hétérogénéité :
• Les coopératives agricoles représentent 40% de l’agroalimentaire français
avec des marques reconnues (Yoplait, etc.)
• Les coopératives de commerçants représentent 28% du commerce de détail
(Leclerc, etc.)
• Les banques coopératives représentent 60% de l’activité de la banque de
détail (Crédit Agricole, Crédit Mutuel)
• Près de 288 milliards d’euros de CA cumulé, filiales comprises
• Près de 24 millions de membres font vivre leur gouvernance
démocratique
• 75% des sièges sociaux sont en régions
Les associations en 2011
(source : La France associative en mouvement, Recherches et solidarités, octobre 2012)
• Nb d’associations en activité = 1,3 million
(estimation à partir de différentes sources)
• Flux de création
• Nb d’associations employeurs = 165 000
– En baisse entre 2010 et 2011 (- 1 000) après plusieurs
années d’augmentation (148 000 en 2000, 151 000 en
2005)
– 1 800 000 salariés (5% régime agricole) ; - 11 000 entre
2010 et 2011 après progression sensible
– Masse salariale = 35,5 milliards € (+ 1,7% sur un an)
Les associations en 2011
(source : La France associative en mouvement, Recherches et solidarités, octobre 2012)
Associations employeurs
Ensemble du secteur privé
Nb d’établissements
164 693
2 001 022
Nb d’emploi (en milliers)
1 804
18 887
Part emploi associatif
9,6%
100%
Masse salariale (millions €)
35 418
519 248
Taille moyenne étab
11,0
9,4
Salaire annuel moyen par tête
19 636
27 492
Les associations en 2011
(source : La France associative en mouvement, Recherches et solidarités, octobre 2012)
• 54% des associations ont moins de 3 salariés :
– regroupent 5,8% des salariés associatifs
– versent 4,6% de la masse salariale
• 4,7% ont au moins 50 salariés
– regroupent 46% des salariés associatifs
– versent 46% de la masse salariale
• Présentes dans de nombreux secteurs d’activité
– Secteur sanitaire et social
• 20% des étab / 55% des salariés et masse salariale
– Culture
• 12% des étab / 3,3% des salariés, 3% masse salariale
Embauches par type de contrat
(source : La France associative en mouvement, Recherches et solidarités, octobre 2012)
Associations
Ens Secteur privé
CDD court
CDD long
CDI
CDD court
CDD long
CDI
2001
64,7%
24,9%
10,4%
46,9%
27,2%
25,9%
2011
78,0%
16,1%
5,9%
66,1%
18,2%
15,7%
Associations et bénévolat
• « Est bénévole toute personne qui s’engage
librement pour mener une action non salariée en
direction d’autrui, en dehors de son temps
professionnel et familial »
• 22% des français bénévoles dans associations
– % constant depuis 2002 , soit entre 11 et 12 millions p.
– Nb d’association a cru de 20% depuis début années 2000
Associations et bénévolat en 2012
(source : La France associative en mouvement R&S 2012)
• Opinion des responsables associatifs sur le
bénévolat (enquête réalisée en mai 2012)
– 40% : situation bonne
– 44% : situation difficile
– 15% : situation très difficile (environ 200 000 assoc)
• Tous les secteurs sont concernés par difficultés (sanitaire <,
social ; sport >)
• Taille très discriminante ( 63% « sit difficile » si pas de salarié ;
39% « sit difficile » si >5 salarié)
•
Associations et bénévolat
(source : E. Archambault, L. Prouteau Mesurer le bénévolat pour en améliorer la connaissance, Addes 2009
• Emplois en 2005
– 1,5 milliard d’heures de travail bénévole, soit 935 400
emplois (ETP)
• Associations employeurs : 222 800 emplois (24%)
• Associations sans salariés : 712 600 emplois
• Valorisation monétaire selon différentes bases
– Smic : 16,3 Milliards (0,94% PIB)
– Salaire secteur « Serv Soc » : 28,7 MM (1,66% PIB)
– Salaire secteur «Activités asso » : 36 MM (2,1% PIB)
– Culture, Sport, Act soc, Int éco, Educ-insert :31,9MM
(1,9%PIB)
• Culture (40%), sport (31%), act sociale (20,5%), Educ (4,5%)
Les rapports ESS –Action publique
• Interactions étroites
– Certains secteurs d’activités se sont développés à travers
les initiatives de l’ESS :
• Après 1945 : tourisme social, aide à domicile, action sociale
(handicap, centres sociaux, hébergement d’urgence, etc.)
• Plus récemment : recyclage, éco-construction, finance
solidaire, AMAP, jardins collectifs, etc.
• Implication des associations dans l’élaboration des politiques
publiques (ex loi de 1998, loi DALO,
– Une partie des biens et services offerts par ESS dépend
d’un financement public
• ESS « bras séculier de l’Etat »
• Originalité du projet associatif/ normes d’actions publiques
Perspectives de développement
• Transformation des modes d’accès aux ressources
pour les associations
– Déclin du régime du régime de la subvention
– Essor du financement par AO (mise en concurrence)
• Formation des bénévoles
– Projet associatif
– Professionnalisation des interventions
Dimension européenne :
« l’entreprenariat social »
• Entrepreneuriat social:
– entreprise classique qui prétend à une finalité sociale ou
environnementale (resp sociale)
– couvre un large spectre « d’idées » : respect de critères
dans la gestion de l’entreprise ou simple finalité tournée
vers les pauvres – Grameen Bank
• Sens de ce glissement lexical : dissolution d’une
partie de l’ESS dans le droit de la concurrence?
Dimension européenne :
« l’entreprenariat social »
• Compatibilité des règles juridiques mises en place
au niveau européen avec l’approche française de
l'ESS ?
• Ex :
– pas de reconnaissance du statut mutualiste au niveau
européen;
– les mutuelles sont assimilées à des sociétés d’assurance
quelconque, soumises à la concurrence commune (les
sociétés d’assurance peuvent proposer des produits de
complémentaires santé et les mutuelles des produits de
placement type assurance vie  mélange des genres…)
Dimension européenne :
l’enjeu de la mesure de l’ESS
• En 2010, la Commission européenne estime
l'entrepreneuriat social à 3,1 % en France, soit trois
fois moins que le chiffre Insee
• Promotion de l'entrepreneuriat social et accès aux
mesures de soutien à son développement (fonds
structurels) peut exclure une grande partie de l’ESS
Conclusion
• Dimension économique
– Modèles économiques variés :
• Insertion dans le marché / mission de service public
– Création de biens et services :
• nature et qualité des b et s / des emplois
• Dimension sociale
– Participation à lutte contre la pauvreté
• Rôle central du système de PS pour diminuer la pauvreté
monétaire
• Rôle du secteur de l’ESS pour mise en œuvre des politiques
sociales (accompagnement, écoute)
• Enjeux : récupération, banalisation, instrumentalisation

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