La musique medievale du XIIIè au XVè siècle

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La musique medievale du XIIIè au XVè siècle
Françoise Zylberberg
La musique sacrée au Moyen Age
Du plain-chant à la polyphonie
Nous parlerons du passage d’une tradition orale à un art extrémement sophistiqué, de La
notation musicale, qui, permettant de garder trace des inventions musicales de cette
époque a induit à son tour d’autres inventions.
Grâce à ces outils forgés pendant le Moyen Age nous pourrons écouter des extraits
musicaux qui témoignent du chemin de la musique psalmodique polyphonique à la
musique monophonique, au retour à la polyphonie “en consonance” introduite par le
“trope” et à son développement dans l’Ars antica et le motet, musique polyphonique à
plusieurs voix qui annonce déjà la Renaissance.
En annexe : une bibliographie sur la musique du Moyen age et surtout une discographie
véritable preuve “vivante” de l’extraordinaire foisonnement de la musique de cette
époque.
Du IVe au VIIIe siècle.
Au début du Moyen Age comme dans l’antiquité, l’Ars Musica ne participe pas des
beaux-arts mais elle est une science, une technique: elle est constituée de sons réductibles
à des proprtions chiffrables. On doit à Pythagore l’idée du “nombre rendu audible”.
La musique est aussi une philosophie: Les hommes ont eu connaissance de la musique par
les oiseaux qui l’ont eux-même apprise de l’eau . La musique exprime la beauté et l’ordre
du monde donc la beauté de Dieu et de sa création.
La musique chrétienne des premiers siècles s’inscrit dans la succession de la tradition
juive, orientale et est un art purement vocal, les instruments étant réservés aux fêtes
païennes ou au théatre.
“L’apôtre Paul mentionne les psaumes comme l’un des éléments de l’édification. Le
fonds du chant était la psalmodie, confiée à un soliste, auquel la communauté
répondait parfois par des acclamations ou des refrains.”
Théodore Gérold, La musique au Moyen Age, Paris, Ed. Champion.
2’44
Chants Byzantins (IVe siècle)
Alleluia (Lundi saint)
Soeur Marie Keyrouz
Chorale de l’église Saint-Julien-le-Pauvre (Paris)
J’oscille entre le danger de la volupté et l’expérience du salut. Quand il m’arrive
d’être plus ému par le chant que par le contenu des paroles chantées, je m’accuse
d’un grave péché, et je préférerais ne pas entendre le chantre.
Confession de saint Augustin sur le plaisir dangereux que représente la voix
humaine :
Du sédiment des modes grecs venant se surajouter au fonds hébraïque primitif naîtra
le double courant de la musique byzantine et du chant grégorien.
Leur différence est celle de l’Orient à l’Occident : en revenant au diatonisme primitif,
par soucis moral, le chant écclésiastique a abandonné pour nous tout caractère
exotique.
Nous nous imaginons volontiers, lorsque nous entendons successivement
aujourd’hui le chant grégorien catholique, puis tel office byzantin, grec ou orthodoxe,
voire même hébraïque, que le transfert dut se faire probablement de l’aspet de
ceux-ci au style de ceux-là. L’un, avec ses nasillardes paslmodies de soliste,
entrecoupées de libres vocalises aux intonations si particulières, a gardé le contact
avec le climat qui le vit naître. L’autre, grave et calme, “aplani” comme le dira si bien
l’épithète ultérieur de “plaint-chant”, en est la transcription pour nos cieux sans
soleil.
Jacques Chailley, Histoire musicale du Moyen Age, Paris, Quadrige, P.U.F.
1’30
Chants de l’Eglise de Rome (VIIe VIIIe sièclesOffice de l’adoration de la
Croix, Lycourgos Angelopoulos,)
Ensemble Organum
Il existait des mélodies et des liturgies régionales différentes et ce n’est qu’au milieu
du VIIIe siècle que le chant grégorien fut imposé.
Le chant celtique: Répandu en Angleterre, en Bretagne et parmi les premiers chrétiens
d'Irlande, le chant celtique disparaît le premier, dès l'arrivée des missionnaires romains.
Le répertoire n'ayant jamais été noté, il est aujourd'hui difficile d'en cerner la teneur mais
on croit pouvoir en trouver quelques traces dans les chants populaires irlandais.
Le chant gallican: Liturgie des Gaules, imprégnée de mozarabe, le chant gallican tend à
disparaître dès le IXeme en se confondant progressivement à la liturgie romaine, sauf en
période de réaction contre Rome. Certains documents notés nous sont parvenus grâce aux
églises gallicanes.
Le chant mozarabe ou hispanique: Liturgie de l'Espagne wisigothique, de caractère
plus exubérant (abondance de vocalises, improvisations et apports populaires). Elle fut
abolie relativement tardivement par les pape Urbain II et Grégoire VII au XIeme siècle.
Le chant ambrosien: Liturgie milanaise d'origine orientale importée et organisée par
saint Ambroise. Bien que fortement imprégnée de liturgie romaine, elle peut se comparer
aussi au chant hispanique de par son origine populaire et par l'utilisation de très longues
vocalises lesquelles sont repoussées à la toute fin des pièces.
Le chant grégorien: Liturgie romaine.
Né à Rome vers 540, dans une riche famille, saint Grégoire fait de sérieuses études qui le
conduisent à la magistrature. A l'âge de trente ans, il entre dans les ordres. Pendant sept
ans légat du pape à Byzance, il étudie l'organisation de la liturgie orientale et répertorie
tous les recueils de chants lithurgiques (antiphonaire). Il rentre à Rome puis est élu pape
en 590.
A partir de ce moment et jusqu' à sa mort en 604, il entreprend de diffuser les réformes
qu'il médite depuis longtemps. Il fixe définitivement les textes de la Messe. Il propose une
série de chants associés à chacune des fêtes de l'année ecclésiastique.
Grégoire le Grand fonde aussi une école de musique, la Schola Cantorum où on forme des
clercs qui propageront cette nouvelle liturgie à travers le monde chrétien.
Kyrie
Gloria
Credo
Sanctus
Benedictus
Agnus Dei
Le chant grégorien est monodique : l'octave est l'intervalle principal. La note finale est
déterminée en fonction du mode, il existe 8 “ tons écclésiatiques” ou 8 modes :
!er mode ré authente (montant)
2ème mode ré plagal (descendant)
3ème mode mi authente
4ème mode mi plagal
5ème mode fa authente
6ème mode fa plagal
7ème mode sol authente
8ème mode sol plagal
Mais ce n’est que trois siècles plus tard, à partir du, milieu du VIIIe siècle, (Pépin le Bref,
Charlemagne) que les Carolingiens veillèrent à ce qu'ils fussent utilisés dans l'ensemble
de l'Eglise et l’esprit de recueillement et de rigueur ira en s’accentuant pendant tout le
Moyen Age pour des raisons morales et politiques.
Ce réaménagement des formes du culte et de la prière commune n’est qu’une partie
d’une très vaste opération tout uniment politique et religieuse de réforme
écclésiastique, engagée sur l’incitation de saint Boniface lors des conciles francs de
743-744 à laquelle s’attachent Pépin le Bref et ses succésseurs.
Jean-Yves Hameline, Le Chant grégorien, Histoire de la musique, Bordas, Paris
1’33
Missa da Requiem grégorienne Kyrie eleison
Direction Alfred Deller
Du IXe siècle au XIIe siècle
Jusqu'au VIIIe siècle, le répertoire grégorien se transmet de façon orale pour la musique.
Pour la première fois au IXe siècle, on trouve une notation en “neumes” sur certains
manuscrits. Le système, dont on ignore l'origine, consiste en une série d'accents, de points
et de traits placés au-dessus des paroles. Ce système de notation donne des indications sur
le contour de la mélodie. Il n’y a aucun rythme indiqué ni aucune portée musicale.
Le graduel du monastère de Saint-Yrieix (Aquitaine) indique pour la première fois la
hauteur des notes qui sont représentées par des points plus ou moins élevés par rapport à
une ligne médiane.
Vers 850, des moines de Jumièges, près de Rouen en Normandie imaginèrent de mettre
des paroles sur les vocalises de l'Alleluia pour mieux les retenir. Ce sont ces
interpolations chantées sur des mélodies liturgiques que l'on appelle tropes. On dit que ce
procédé trouva grâce auprès d'un moine de l'abbaye de Saint-Gall, Notker, qui éprouvait
lui-même des problèmes de mémorisation. Il lança la mode du trope qui aura duré plus ou
moins six cents ans.
Le trope trouve un terrain propice pour se développer pour deux raisons essentiellement:
à une époque où la notation neumatique en est à ses premiers balbutiements, le trope offre
un moyen de transmettre aux fidèles les vocalises de plus en plus compliquées qui
précédaient ou suivaient les chants liturgiques comme tels. L'art du trope a aussi permis à
la musique grégorienne de se libérer de l'encadrement rigide auquel elle était soumise
depuis Charlemagne. Le trope donne donc un second souffle à la musique grégorienne.
3’03
Alleluja cum tropis in octava : Alleluja / Natus est nobis (Xe Siècle)
Schola Hungarica
La polyphonie à Saint-Marcial de Limoges
Dans un traité du IXeme siècle intitulé Musica Enchiriadis, Hucbald de Saint-Amand
décrit l’organum parallèle.Il s’agit de l’élaboration d’une forme musicale plus complexe
que la mélodie non accompagnée, avec une partie vocale destinée à être chantée en même
temps que la ligne de chant principale.
Dans les premiers temps, la voix était simplement ajoutée en parallèle à la mélodie, à
l'intervalle constant d'une octave, d'une quarte ou d'une quinte au-dessus.
Par la suite, la voix ajoutée et située au-dessus de la voie principale, est devenue une
contre-mélodie à part entière.
A la fin du XIeme siècle apparait le “contrepoint fleuri” qui accompagne la voix
grégorienne de plusieurs notes à la voix organale.
Marcel Péres de l’ensemble musical Organum explique les difficultés de
lecture et d’exécution des partitions polyphoniques de Saint-Marcial de
Limoges :
La lecture n’est pas aisée (notation diastématique à points, mais avec une portée
imaginaire), l’interprétation rythmique n’est pas à chercher uniquement dans les
signes graphiques et, de plus cette musique appelle une haute virtuosité vocale. (…)
Là où l’ornementation se complexifie et s’épanouit en “floraison”, le mouvement est
créé par le pouvoir dynamisant des consonances (quartes, quintes, octaves) et des
dissonances (…). La tierce et la sixte sont fausses, donc génératrices de vibrations et
d’instabilité. (…) La musique Aquitaine romane est un incroyable art de synthèse où
le connaisseur peut discerner des éléments d’art polyphonique decrit par des
philosophes et des théoriciens depuis le XIe siècle, et également des intuitions
géniales quasi-visionnaires.
Guido d'Arezzo (950-1050)
Moine italien ayant séjourné à l'abbaye de Saint-Maur où il mourut, Guido d'Arezzo est
l'instigateur de plusieurs innovations en matière de notation musicale. On lui attribue
entre autre, l'usage régulier de la portée musicale (avec lignes de couleurs). Certains
prétendent que son ingéniosité est à l'origine de notre alphabet musical (ut, ré, mi,...)
tandis d'autres affirment que cet usage existait déjà avant lui. Légende ou non, on raconte
que d'Arezzo, cherchant des syllabes convenant à ses exercices d'intonation, se servit d'un
hymne que les choristes adressaient à saint Jean pour lui demander de les préserver de
l'enrouement. Comme chaque phrase de cet hymne se chante un ton plus haut que la
précédente, d'Arezzo eut l'idée d'utiliser comme syllabes d'exercice, la première de
chacune des phrases de cette "prière des chanteurs", l'Ut queant laxiis.
Ut queant laxis
Que tes serviteurs chantent
Resonare fibris
D’une voix vibrante
Mira gestorum
Les admirables gestes
Famuli tuorum
De tes actions d’éclat
Solve polluti
Absous des lourdes fautes
Labii reatum
De leurs langues hésitantes
Sancte Johannes
nous t’en prions, saint Jean
Ut difficile à prononcer est devenu Do pour Dominus et sa est devnu si au XVIIe siècle.
L’Ecole de Notre Dame
Ce processus d'embellissement atteignit son apogée avec l'école de Notre-Dame-de-Paris,
à la fin du XIIème siècle et au début du XIIIème siècle.
L'organum est à l'origine de la polyphonie, qui est l'une des bases principales de la
tradition musicale en Occident.
2’48
L’Ecole de Notre Dame
Messe du jour de Noël XIIeme siècle
Viderunt omnes
Gérard Lesne, contre-ténor
Un des plus célèbre organum fleuri de l’Ecole de Notre Dame. Chacune des notes de la
mélodie grégorienne, lateneur est immensément allongée,
L’Ars Antiqua
Dans le chant, la mélodie portant le texte est à la partie inférieure. La deuxième voix, sans
paroles, part en unisson avec la première, s'éloigne progressivement pour conclure à
l'unisson. Puis on découvre le principe du mouvement contraire (une partie monte, l'autre
descend). (le déchant, XIe siècle).
Bientôt, au XIIe siècle, la voix principale va commencer à se déformer pour épouser les
développements de l’autre voix Par exemple l'organiste pourra allonger les valeurs de
note de sa voix principale pour permettre une plus grande liberté d'improvisation au
déchanteur. Le déchant porte désormais le nom de teneur, en latin tenor.
Deux compositeurs seulement ont laissé leur nom pour cette période : Léonin et son
élève Pérotin le Grand, tous deux maîtres de chapelle à Notre-Dame de Paris. Pérotin est
considéré comme le véritable père de la musique polyphonique. Il pousse jusqu'à leur
limite tous les genres en usage à l'époque : l'organum.
Du XIIIe au XVe siècle
Le conduit
Au XIIe et XIIIe siècle, on désigne par “conduit” toute pièce polyphonique écrite à la
manière de l'organum mais dont la teneur n'est plus empruntée au répertoire grégorien.
L'originalité du conduit réside dans le fait que, pour la première fois, un compositeur va
écrire une pièce à plusieurs voix, en partant de la feuille blanche. Pérotin en sera l'un des
plus célèbres compositeurs.
Le motet
Il dérive tout naturellement de l'organum fleuri.
La voie supérieure de l'organum devint de plus en plus ornementée.
Vers 1240, on commence à intégrer des éléments profanes au motet médiéval on inventa
des parties supérieures en français et en latin, appelées motets (de "mot"). Les
compositions entières prirent ce nom.
La forme la plus répandue est le motet double.
Au dessus de la teneur référence grégorienne dépourvue de paroles sont superposées deux
mélodies “la beauté de ma Dame” et en triplum un texte sur les plaisirs de l’amour.
Pendant la deuxième moitié du XIIIème siècle, cette forme devint la forme principale de
la polyphonie en Europe.
1’32
Les motets du Manuscrit de Montpellier (Ars Antica XIIIe siècle)
On doit Fine Amor / la biauté / In Seculum Anonymous 4
Dans la liturgie polyphonique de la fin du XIIe siècle, à Paris, les lignes vocalisées
qui étaient parfois ajoutées à la teneur étaient, dans certains cas, dotées de paroles.
Par la suite, de telles pièces furent composées sans être directement associées à la
lithurgie, tandis que la ligne dotée de paroles et le genre lui-même furent appelés
motetus, en français : “petit mot”. Peu à peu, des textes français profanes
remplacèrent finalement le texte religieux latin et un nouvel hybride musico-littéraire
vit le jour. Les motets comportent une, deux ou trois parties chantées (motetus,
triplum, quadriplum) dotées chacune de son propre texte poétique et évoluant
au-dessus d’une teneur (tenor) sans parole généralement dérivée du grégorien. Il y a
des motets latins, des motets français et même des motets polyglotes où texte latin et
texte français voisinenent. Avec deux et parfois trois poèmes chantés simultanément,
le motet conduit le concept de trope à ses limites verticales et horizontales et il faudra
attendre le XVIIIe siècle pour réentendre un tel effet, avec les ensembles des finales
des opéras de Mozart.
Susan Hellauer
Francon de Cologne (vers 1215- vers 1270)
Ars cantus mensurabilis (vers 1260)
Compendium discantu (Abrégé du précédent)
Chapelain du pape. Précepteur de la Commanderie de l'Hôpital Saint Jean de Jérusalem à
Cologne. Travaille quelques temps à Paris. Il est de tradition de distinguer deux Francon.
Celui de Cologne et celui de Paris. Les raisons apparaissent à la lecture des incipit ou des
explicit des manuscrits, qui mentionnent soit Francon de Paris, soit Francon de Cologne.
Le dilemme provient de l'opposition de deux manuscrits. Celui de Saint Dié et du D. 5. Inf.
de la Biblioteca Ambrosiana de Milan. Nous n'avons aucune raison, lorsqu'il ne s'agit pas
de manuscrits autographes, et que les recoupements sont impossibles, de porter une trop
grande importance aux informations données par les copistes. De même, les
contradictions que l'on peut déceler d'un manuscrit à l'autre ne conduisent pas à emporter
la décision, parce que l'opinion d'un homme peut varier, et les interprétations, au cours
des ans, falsifier le propos initial, d'autant que plusieurs ordres monastiques furent
intéressés par ce théoricien, et que chaque ordre monastique, instaurant sa propre liturgie,
a ses particularités. Pour notre part, nous penchons pour l'origine française. Par l'aspect
général des manuscrits qui sont plutôt français, mais également par le contenu qui prend
des libertés avec l'ordre désiré par l'Église romaine.
Le traité de Francon de Cologne, Ars cantus mensurabilis offre un compromis entre la
notation logique, systématique, et la pratique musicale réelle. D'où le terme de " traité de
déchant vulgaire ", que Jérôme de Moravie tient pour le plus ancien du genre. Ce traité
expose différentes formes musicales: déchant, hoquet, organum. Son influence se fait
sentir jusqu'au XVe siècle. Il a inspiré des théoriciens tels Jean de Muris, Marchett de
Padoue.
Alors que les motets antérieurs à cette époque avaient pour fondement le ténor
(généralement la voix la plus grave), les chansons polyphoniques de l'ars nova semblent
avoir été construites pour la voie la plus élevée (le cantus).
Guillaume de Machaut (1300-1377) domine l'Ars Nova. Il se distingue des autres
compositeurs de son époque par l'aisance avec laquelle il réussit à produire une musique
lyrique et inspirée en dépit du nombre de règles techniques qui sont imposées.
2’59
Guillaume de Machaut
“Honte, paour, doubtance” Ensemble Organum
L'ère de l'Ars Nova est considérée avant tout comme une période de recherche. Le rythme
se précise. L'éveil de la conscience harmonique amène l'acceptation de la tierce comme
consonnance. On remplace successivement les différentes voix par des instruments, c'est
ainsi qu'on assiste au début de la monodie accompagnée. Comme pour l'Ars Antiqua, le
motet demeure la forme de prédilection par laquelle arrivent les innovations de l'Ars
Nova.
Philippe de Vitry (1291- 1361) et l'Ars Nova.
Philippe de Vitry est connu comme théoricien, il a eu le génie d’inventer les vocables Ars
Antica et Ars Nova pour conclure une période musicale et en initier une autre. Il est aussi
connu comme compositeur. Toutefois, les quelques compositions conservées qui peuvent
lui être attribuées ne le peuvent être en toute certitude.
Il est avant tout un homme de pouvoir, politique et religieux. Humaniste, il est un des
rares intellectuels français à trouver grâce aux yeux de Pétrarque. En 1320, il est clerc de
notaire de Charles IV le Bel. En 1323, il devient chanoine prébendé à Clermont en
Beauvaisie. En 1327, en Avignon il rencontre Petrarque. En 1328, il entre au parlement.
En 1333, il rencontre Pétrarque à Paris. En 1340,il est maître clerc de requêtes. En 1342, il
est en Avignon. En 1346, maître des requêtes à l'hôtel du roi et à l'hôtel de l'hériter du
trône. En 1350, il est envoyé par le roi auprès de Clément VI en Avignon. En 1351, il
devient évêque de Meaux. En 1357, il est un des neuf Généraux réformateurs des États
Généraux. La partie mathématique de son traité de musique provient d'une traduction
latine d'un traité sur les nombres harmoniques de Levi ben Gershom (dit aussi Gersonide,
Leo Habraeus ou Léon de Bagnols)
L’apparition de la théorie musica mensurabilis, (ainsi que celles des horloges mécaniques
qui règlent le temps de la cité, l’heure exacte est celle du Palais et non plus celle de
l’univers) annonce en musique que la Renaissance est en marche.
Comme conclusion je ne vois rien de plus pertinent que cette extraodinaire analyse dûe
au musicien Marcel Pérès, Directeur de l’Ensemble Organum, parlant des premières
polyphonies de l’Ecole de Notre Dame
La teneur de la musique grégorienne s’allonge indéfiniment
(…) tandis que son enluminure au discantus évolue en ornant continuellement les
intervalles de quinte et d’octave. Pouvait-on trouver symbole plus explicite de
l’éternité fécondant le temps ?