Hedgehog Bâtir et se reconstruire

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Hedgehog Bâtir et se reconstruire
Hedgehog
Bâtir et se reconstruire
Logements sociaux, écolo, auto-construits avec terrasse et vue lointaine
sur la mer. Qui dit mieux ? A Brighton, une dizaine de maisons en ossature
bois logent des familles avant hier en difficulté, hier en chantier, aujourd’hui
plébiscitées.
En quelques années, les coteaux de
Bevendean ont été métamorphosés. En
lieu et place d’un tas d’ordure, un charmant
lotissement de bois et de verdure a
poussé. Aujourd’hui, une enfilade de
maisons sur pilotis domine la vallée. Les
bardages bois se déclinent de l’indigo au
pourpre, les jardinets passe de la culture
étudiée à la friche envahie de bleuets et
coquelicots. Les femmes s’invitent à boire
le thé, les hommes se prêtent perceuses et
débroussailleuses, les enfants s’égayent
pieds nus dans l’herbe haute. Le bonheur,
quoi ! Au delà du cliché à la Laura Ingalls,
le site de Bevendean est un bel exemple
d’auto-construction et d’intégration réussis.
Car le programme immobilier a été imaginé, bâti et construit par ceux qui l’habitent
aujourd’hui. Une première !
S’autoconstruire
Paul est plutôt du genre nomade. Il partage
sa vie sur les routes accompagné de sa
petite famille. En 1996, il laisse tomber l’itinérance et amarre sa caravane sur les
hauteurs de Brighton. Il apprend qu’un programme d’auto-construction sur le quartier
de Diggers a été réalisé : neuf logements
en partie dessinés et édifiés par leurs propres habitants. L’expérience tombe à pic
car le jeune homme est porté par le désir
de construire. Bâtir un avenir pour sa fille,
en dur et en durable. Rejoint par trois
autres personnes en situation de logement
précaire, il met sur pied le projet : un
lotissement social, écologique où chacun
pourrait concevoir sa maison et la monter.
Tours de table, lobbying, communication…
deux ans sont nécessaires pour affiner
l’idée et séduire les intéressés. Au final, le
maire de Brighton cède le terrain, le
bailleur social South London Housing
Association (SLFHA) prend à sa charge les
matériaux et la supervision des chantiers,
la conception architecturale revient à Robin
Hillier et, surtout, les travaux sont confiés
aux futurs habitants. Pour recruter les
volontaires, le bailleur diffuse l’annonce
auprès des personnes sur le bas de la liste
d’attente des HLM. Dix familles sont sélectionnées et rejoignent la coopérative nouvellement créée.
Maisons éclairs
Le chantier débute en 1998. Robin Hillier
s’appuie sur le travail de Walter Segal,
pionnier dans la construction à portée de
tous. L’architecte a développé sa méthode
dans les années 60 lorsque, récemment
remarié, il décide de démolir et reconstruire sa maison à Highgate. En attendant son
nouveau sweet home, Walter esquisse un
bungalow F4 montable en 15 jours pour
seulement 1200 euros. Son bâtiment provisoire fait un carton et les demandes affluent. En très peu de temps, Walter Segal
devient la star des maisons en kit à bon
marché. A Benvedean, les grands
principes de l’architecte sont repris. Les
matériaux sont choisis en fonction de leur
efficacité et de leur faible prix, tout est mis
en œuvre pour limiter les consommations
d’énergie, les habitants sont impliqués
dans le projet. Grosse différence cependant, les travaux dureront 30 mois.
Sur le chantier, tout est bien encadré.
Chaque futur locataire doit consacrer
30 heures par semaine au projet. Pas
question d’y déroger, une pointeuse
comptabilise les heures passées. Dans un
coin du terrain, une garderie provisoire est
installée pour occuper la flopée de bambins pendant que les parents scient,
assemblent ou donnent un coup de peinture. Si chacun peut décider de la répartition des pièces dans sa maison, le chantier
avance collectivement. On bricole aussi
bien sa propre maison que celle du voisin.
Progressivement, les fondations se montent tournées vers le sud, les murs s’isolent
avec un mélange de journaux recyclés,
les fenêtres se parent de doubles vitrages,
les murs extérieurs s’habillent de cèdre
douglas d’Europe du nord et de mélèze du
coin. “Les maisons ont été conçues pour
consommer le moins, explique l’architecte.
Orientées plein sud, elles permettent
au soleil d’hiver d’entrer directement dans
le salon. Et de limiter considérablement la
facture de chauffage (près de 100 ! par
an). Aussi, des bidons ont été installés au
sortir des gouttières pour récupérer l’eau
de pluie et limiter les consommations liées
à l’arrosage”. Pour les toits, c’est le végétal
qui a été privilégié. Il isole les maisons du
froid l’hiver et les rafraîchit l’été, il accapare
une partie des eaux de pluie et évite les
ruissellements. Il permet également de
camoufler le nouveau lotissement dans le
paysage. Dans le coin, c’est plutôt une
bonne chose car, de leur pavillon cossu,
les riverains voient d’un mauvais œil ce
chantier et l’arrivée d’une population plus
modeste.
Pendaison des crémaillères
Les 2 ans et demi de travaux ne sont pas
toujours une partie de plaisir. Il pleut souvent, les tâches sont parfois dures et
épuisantes. Les finitions prennent un
temps fou et à la fin du chantier certains
habitants sont au bord du découragement.
“Quand je pense qu’il nous a fallu une
journée pour monter la charpente de qua tre maisons et que l’installation d’une porte
de placard m’a pris 3 heures !” raconte Ben
un des habitants. Mais lorsque Paul et ses
nouveaux voisins passent leur première
nuit dans leur bicoque en 2000 c’est le
bonheur. Les mois de labeur sont vite
oubliés. “J’ai adoré cette expérience, rap-
porte Michael un des auto-constructeurs.
Ca a duré plus longtemps que prévu mais
si l’on rapporte les 30 mois de chantier aux
10 maisons construites, il n’aura fallu que 3
mois pour édifier chaque demeure”.
Aujourd’hui les auto-constructeurs ne sont
pas propriétaires à proprement parler.
Le bailleur leur a concédé un bail de
99 ans, renouvelable une fois pour leur
descendance. Ils payent un loyer de 400
euros par mois pour plus de 100 m2, une
terrasse et un jardin. “Certains sont
choqués que nous ne soyons pas proprié taires, confie Michael. Mais pour les per sonnes à revenu modeste, l’auto-construc tion est le seul moyen d’habiter dans des
maisons confortables, spacieuses, bien
construites et esthétiques. C’est sûr que
l’on n’aura pas de maison de famille à
léguer mais on aura transmis autre chose
de bien plus important : la certitude que
tout est possible si l’on s’en donne les
moyens.” !
Points forts
Sur le plan environnemental
Très bons niveaux d’isolation (utilisation
du warmcell – cellulose recyclée)
" Peintures et finitions avec des matériaux biologiques
" Toits végétalisés : intégration des bâtiments dans le paysage
" Maisons facilement démontables et
recyclables.
"
Sur le plan social
" Réinsertion de personnes en difficulté
" Appropriation des bâtiments par leurs
occupants
" Respect du travail : aucun acte de
vandalisme ou de dégradation n’a été
constaté
Points faibles
Concepteurs du projet
Programme long (30 mois)
Forte disponibilité des encadrants (le
WE notamment : hausse des coûts)
" Difficulté à reproduire le projet du fait de
la frilosité des bailleurs et de “l’absence”
de rentabilité
" Rejet du projet par les riverains (nécessité d’installer une haie “séparative”)
Construction : Hedgehog self build co-op
"
"
.
Bailleur : South London Family Housing Association (SLFHA) :
www.slfha.org.uk
Architecte : Robin Hillier – Architype : www.architype.co.uk
Coûts
Au total, la réalisation revient entre 1020 et 1092 ! le m2.

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