L`enracinement de la république : 1870-1914

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L`enracinement de la république : 1870-1914
Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°11 – page 1/ 7
L’enracinement de la république :
1870-1914
Introduction
Le régime républicain s’installe définitivement mais difficilement avec la IIIe République,
dont la constitution est votée en 1875. La IIIe République est d’ailleurs secouée de crises
politiques qui mettent son existence en danger, mais elle saura affronter le première guerre
mondiale et ne prendra fin qu’avec la mise en place du régime de Vichy dirigé par le maréchal
Pétain.
1 La naissance difficile de la IIIe République : 1870-1879
1.1 Une République née dans la guerre
Un gouvernement de la Défense nationale s’installe, il est composé de 11 députés républicains
qui ont écarté les plus extrémistes. Certains sont modérés comme Jules Favre, Jules Ferry,
Arago, d’autres plus radicaux comme Gambetta et Rochefort. Ce gouvernement est présidé
par Trochu, un officier catholique et royaliste, gouverneur de Paris.
La première préoccupation de ce gouvernement est de repousser l’envahisseur. Gambetta est
chargé de mobiliser des hommes et du matériel pour continuer la guerre. Le but de Gambetta
est de délivrer Paris dont le siège dure 4 mois. Les conditions de vie sont difficiles et
l’agitation se développe pour réclamer l’élection d’une Commune et une action militaire plus
vigoureuse. Le gouvernement provisoire organise une consultation au cours de laquelle la
majorité des Parisiens lui apporte un large soutien.
Devant la dureté de la situation, alors que les vivres et le combustible s’épuisent, Jules Favre
négocie un armistice avec Guillaume II qui a été proclamé empereur le 18 janvier 1871 dans
la galerie des Glaces (voir leçon 8) : indemnité de 200 millions, désarmement et occupation
des forts, élection d’une assemblée nationale qui décidera de la paix ou de la guerre. Les
élections ont lieu dans la confusion et donnent une large majorité à la droite qui s’est
prononcée pour la paix. La nouvelle assemblée installée à Bordeaux désigne un président,
Jules Grévy et nomme Thiers chef du pouvoir exécutif. Celui-ci forme un gouvernement
d’union, des républicains modérés aux monarchistes. Le traité de Francfort (10 mai 1871)
instaure la paix avec l’Allemagne au prix de la perte de l’Alsace et de la Lorraine et du
paiement de 5 milliards au vainqueur. Puis l’assemblée s’installe à Versailles, laissant en
suspens la nature du nouveau régime.
1.2 La République est née en luttant contre la Commune de Paris
(mars-mai 1871)
La Commune de Paris est un épisode historique violent, complexe et controversé. Il est né
de la souffrance des Parisiens lors du long siège de Paris et de la déception née de la défaite
attribuée à une assemblée composée de notables. Le point de départ est le refus des Parisiens
de rendre les canons de la Garde nationale qui se trouvaient à Belleville et à Montmartre (18
mars). Les officiers chargés de les récupérer sont fusillés.
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Des élections municipales ont lieu le 26 mars pour élire un conseil général de la commune,
assemblée composite qui regroupe des républicains modérés, des radicaux, des socialistes et
des anarchistes et où progressivement les révolutionnaires dominent. Sociologiquement, elle
est composée à 70 % d’ouvriers et d’artisans. La commune a pris peu de mesures concrètes,
faute de temps. Elle a adopté symboliquement le drapeau rouge et le calendrier
révolutionnaire et décidé de mesures concrètes comme la prorogation des échéances, la
suppression des amendes et retenues sur salaires, la remise des loyers. Toute son énergie a été
concentrée dans la guerre contre l’armée des Versaillais.
En effet, dès le début d’avril 1871, le gouvernement dirigé par Adolphe Thiers a décidé de
reconquérir Paris. L’armée entre dans Paris le 21 mai et, du 21 au 28 mai, c’est la « semaine
sanglante » avec des combats de rues, l’incendie de bâtiments publics (Hôtel -de-ville,
Tuileries...), des exécutions sommaires. On compte 1 200 morts chez les Versaillais et plus de
30 000 chez les communards, 36 000 arrestations, 270 condamnations à mort dont 29
effectives, 400 déportations à Nouméa en Nouvelle-Calédonie.
La Commune a-t-elle été une sorte de répétition avortée de la Révolution française ou bien
marque-t-elle le début des révolutions prolétariennes comme Karl Marx l’a pensé ? Elle a eu
une postérité immense dans la réflexion politique des socialistes, au niveau national et
international. En tout cas, l’opposition révolutionnaire est brisée pour dix ans ; mais les
bourgeois et les paysans commencent à avoir confiance dans une République capable de
maintenir l’ordre.
1.3 Un régime incertain : monarchie ou république ?
Nommé président de la République en attendant que l’assemblée rédige une constitution,
Thiers réorganise les finances et l’armée. Il réussit, grâce à des emprunts souscrits à des
conditions avantageuses, à payer l’indemnité de guerre et donc à faire évacuer tout le
territoire avant la date prévue. Dans la tradition jacobine et napoléonienne, il conserve
intact le rôle des préfets contre les monarchistes qui voulaient une plus large décentralisation
pour étendre leur influence. Sensible à l’arrivée en politique de la petite bourgeoisie et des
classes moyennes représentées par Gambetta, qui donne à l’instruction primaire
obligatoire et laïque une place primordiale pour le progrès social, Thiers penche de plus en
plus vers une république conservatrice. En 1872, il prend d’ailleurs nettement position pour
un régime républicain, ce que les députés monarchistes et bonapartistes lui reprochent. Après
la démission de Thiers, les députés élisent le maréchal Mac-Mahon à la présidence de la
République. Le maréchal Mac-Mahon est royaliste et catholique. Il choisit des ministres
royalistes et un bonapartiste. Il s’appuie sur l’Église qui organise de grands rassemblements
de fidèles comme à Lourdes ou à Chartres. L’édification du Sacré-Cœur sur la butte
Montmartre est destinée à montrer le repentir des Français qui n’ont pas su empêcher la
Commune. C’est dans ce climat qu’une tentative de restauration monarchique est menée. Elle
échoue en raison du refus de l’héritier du trône, le duc de Chambord, de renoncer au drapeau
blanc. Une solution d’attente est alors trouvée. Le député Wallon, professeur de droit, fait
voter, en 1875, à une voix de majorité le célèbre amendement qui porte son nom : « le
président est élu par le Sénat et la Chambre ». Cela implique donc à la fois la
République et l’existence de deux chambres. Le pouvoir législatif appartient aux deux
chambres : une Chambre des députés élue au suffrage universel direct et un Sénat élu au
suffrage universel indirect (élection par des délégués des communes, cantons et
départements). Les Chambres élisent le président de la République qui nomme un Premier
ministre appelé président du Conseil. C’est le président du Conseil qui forme le
gouvernement, avec l’accord du chef de l’État, en le choisissant dans la majorité
parlementaire. Les ministres sont responsables devant les deux assemblées. On est donc
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dans un régime parlementaire dans lequel le pouvoir législatif est supérieur au pouvoir
exécutif.
Installée dans les textes, la République doit s’appuyer pour durer sur l’élection d’une majorité
de républicains. C’est presque le cas au Sénat où 151 conservateurs s’opposent à 149
républicains dont Thiers et Victor Hugo. Aux élections législatives, 360 députés républicains
l’emportent sur 155 conservateurs. Le caractère parlementaire du régime s’affirme lors de
la première crise entre la Chamb re et le président. En 1877, la Chambre refuse la confiance au
ministère formé avec l’accord de Mac-Mahon. Celui-ci, conformément à son droit
constitutionnel et en accord avec le Sénat, dissout la Chambre. Les élections donnent une
nette majorité aux Répub licains dont le chef de file est Gambetta. Dans l’année qui suit, une
majorité républicaine s’installe au Sénat. Mac-Mahon démissionne en 1879. Les institutions
de la République sont enfin peuplées d’une majorité de républicains, ce que couronne le
remplacement de Mac-Mahon par Jules Grévy à la présidence de la République.
1879 est une année où la République choisit ses symboles : le 14 juillet est choisi comme
fête nationale et la Marseillaise comme hymne. On baptise un grand nombre de places et
d’avenues « de la République », et l’on adopte la coutume d’installer dans les mairies un buste
de femme coiffée d’un bonnet phrygien appelée « Marianne » et qui symbolise la
République. C’est à cette époque que le sculpteur Bartholdi achève la gigantesque « Liberté
guidant le monde » qui sera offerte aux États-Unis. La République se réconcilie avec son
histoire par l’amnistie des condamnées de la Commune. En outre, elle a instauré le service
militaire obligatoire (la loi de 1889 le fixe à 3 ans, 2 ans en 1905) qui est considéré comme
une preuve de patriotisme, un garant de la cohésion sociale et un symbole de l’égalité puisque
imposé à tous.
2 L’enracinement de la République 1880-1899
2.1 Les bases sociales de la République modérée
Elle est constituée par la paysannerie des petits propriétaires, majoritaires à l’époque, qui
est consolidée par la protection douanière et des aides variées de l’État qui freinent l’exode
rural. Les classes moyennes dans lesquelles les professions intellectuelles jouent un rôle
moteur (journalistes, professeurs, médecins, avocats) sont un pilier de la République à qui
elles fournissent beaucoup d’élus. Elle est aussi soutenue par les fonctionnaires de l’État de
plus en plus nombreux. Une partie de la grande bourgeoisie d’affaires s’y est ralliée dans la
mesure où la République réprime les mouvements révolutionnaires et maintient l’ordre public.
2.2 La consolidation : les grandes lois républicaines
- 1881 : la liberté de presse et de réunion.
- 1882 : loi qui accorde à tous les conseils municipaux, sauf celui de Paris, le droit d’élire un
maire (ils étaient nommés sous le Second Empire).
- 1884 : loi qui autorise le divorce, le mariage n’étant indissoluble que du point de vue
chrétien. Mais il ne s’agit pas de « détruire la famille » et d’établir l’égalité homme- femme.
Les conditions sont difficiles particulièrement pour les femmes dont l’adultère est plus
sévèrement puni que celui des hommes.
- 1884 : la liberté de former des syndicats.
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- 1881-1882 : les grandes lois scolaires de Jules Ferry qui rendent la scolarité primaire
gratuite, obligatoire jusqu’à 13 ans et laïque. Ces lois couronnent la diffusion de l’instruction
élémentaire entreprise depuis le XVIIe siècle par l’Église, puis accélérée au XIXe siècle par de
grands ministres comme Guizot et Victor Duruy. Elles ont pour objectif d’homogénéiser et
d’améliorer la qualité de l’enseignement primaire, mais aussi de soustraire l’instituteur à la
tutelle de l’Église. Surtout, elles s’accompagnent d’un énorme effort budgétaire pour la
construction d’écoles, le recrutement et la formation des instituteurs formés dans les écoles
normales de chaque département. Cet enseignement obligatoire pouvait se prolonger par des
études dans une « école primaire supérieure » qui pouvait mener au brevet élémentaire, voire
à des concours de recrutement. La consolidation d’une école publique, laïque, et gratuite est
une grande conquête de la IIIe République. Les catholiques critiquent une école « sans Dieu
» et sans morale, ce qui est faux car les leçons quotidiennes de morale inculquent le respect
des valeurs républicaines, le patriotisme, la discipline, le sens de l’effort et de l’honnêteté,
l’épargne. L’extrême gauche lui reproche de ne pas avoir ouvert les lycées, payants et donc
réservés aux classes ais ées. En fait, la massification de l’enseignement secondaire, et en
particulier du second cycle (lycée), n’a véritablement commencé que dans les années 1960...
L’école primaire occupe donc une place centrale dans la société d’une part parce qu’elle
donne des connaissances élémentaires requises dans de nombreuses professions et d’autre
part, c’est un facteur d’ascension sociale pour les milieux populaires. L’instituteur, qui
identifie les meilleurs élèves pour les orienter soit vers l’école primaire supérieure (niveau
collège) où la fonction publique recrute beaucoup de ses employés, soit vers l’école normale
départementale d’où les bons élèves sortent instituteurs. Certains pourront même être dirigés
vers l’enseignement secondaire, grâce à un système de bourses, qui ouvrent les carrières
bourgeoises. L’instituteur, souvent la personne la plus instruite du village, est secrétaire de
mairie. Il est en outre celui qui promeut un enseignement où se mêlent l’amour de la
République et l’amour de la patrie et qui se veut de grande qualité pour relever la concurrence
de l’Église. L’instituteur laïc est le prêtre ou le soldat de la République. C’est un
personnage important dans une société qui croit que les enfants pauvres mais très intelligents
peuvent accéder, par l’école, aux hautes fonctions de l’État, à la manière dont les Américains
croient au mythe du self- made-man.
2.3 La République déstabilisée par trois grandes crises
À partir de 1885 et jusqu’au tournant du siècle, la France traverse une période d’instabilité
politique dans un contexte de crise économique.
2.3.1 La crise boulangiste
Les Républicains au pouvoir, qu’on appelle les opportunistes, doivent faire face à une double
opposition, celle des nationalistes qui leur reprochent d’avoir abandonné l’Alsace-Lorraine,
et celle des radicaux qui attendent des réformes sociales. Le général Boulanger, qui a été
ministre de la guerre en 1886, rassemble tous les mécontents, de droite comme de gauche. Il
se présente comme un patriote capable de rendre l’Alsace-Lorraine à la France. Mis à la
retraite, très populaire, il est élu triomphalement lors d’élections législatives partielles en 1889
sur un vague programme qui demande la dissolution de la Chambre. Il est pressé par ses amis
de s’emparer du pouvoir, ce qu’il refuse. Menacé d’être arrêté, il s’enfuit en Belgique. Son
mouvement se désagrège rapidement. Mais la vague d’antiparlementarisme continue de
s’étendre.
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2.3.2 Le scandale de Panama
L’antiparlementarisme est réactivé par le scandale de Panama en 1892. En effet, la
Compagnie du canal de Panama, fondée par Ferdinand de Lesseps pour creuser un canal
dans l’isthme qui relie les deux Amériques, a versé des chèques à des députés et des
journalistes pour que, par leurs votes ou leurs articles, ils soutiennent sa demande d’emprunts.
Mais il est trop tard et la compagnie fait faillite en ruinant de nombreux épargnants. Des
anciens partisans de Boulanger, des nationalistes et des antisémites demandent la démission
des députés corrompus. Les élections de 1893, marquées par une abstention élevée et la
défaite électorale de fortes personnalités républicaines, traduisent le désarroi de l’opinion,
mais le régime résiste.
2.3.3 L’affaire Dreyfus
Mais c’est l’affaire Dreyfus qui coupe la France en deux. Au départ, c’est une affaire
d’espionnage. Le capitaine Dreyfus, un juif alsacien, polytechnicien brillant, est accusé
d’espionnage au profit de l’Allemagne, dégradé et condamné à la déportation en 1894, en
Guyane. Alfred Dreyfus, parce que juif et alsacien, était le coupable idéal pour une partie de
l’opinion très antisémite. L’« affaire » éclate en 1897 quand le colonel Picquart, chef du
service des renseignements, découvre un nouveau document : un billet adressé par
l’ambassade de l’Allemagne à un autre officier, le commandant Esterhazy, un homme à la
moralité douteuse et criblé de dettes. Picquart, avant d’être muté en Tunisie, a le temps
d’informer les amis de Dreyfus. Mais rien ne peut être fait car l’armée ne veut pas revenir sur
la chose jugée et se compromettre. L’« affaire » devient politique quand Émile Zola publie
dans le journal L’Aurore, le 13 janvier 1898, sa lettre ouverte au président de la République et
qui commence par « J’accuse » : il dénonce l’erreur judiciaire et demande la révision du
procès. Sa lettre lui vaut une condamnation à un an de prison et 3 000 francs d’amendes. La
France se divise alors entre dreyfusards et antidreyfusards. Les premiers, en gros la gauche
mais pas seulement, invoquent la liberté individuelle, la recherche de la vérité et la justice.
À cette occasion se forme la Ligue des Droits de l’Homme et l’époque est marquée par
l’engagement des intellectuels dans la vie politique. Les antidreyfusards, la majeure partie des
catholiques et les nationalistes, mettent en avant l’honneur de l’armée. Des ligues se
multiplient à gauche comme à droite. L’une des plus violente est la Ligue antisémite de
Drumont. La violence physique et verbale entre les deux camps est sans précédent. En 1899,
Déroulède, fondateur de la Ligue des patriotes, nationaliste et antisémite, tente un coup d’État
; arrêté, il est acquitté. Finalement, Dreyfus obtiendra la révision de son procès. Il sera gracié
par le président de la République en 1899 et réhabilité en 1906. Malgré ces trois grandes
crises, les défe nseurs de la République ont su se rassembler. La formation du gouvernement
Waldeck-Rousseau, qui rassemble une majorité qui va des socialistes aux républicains
modérés en comprenant une majorité de radicaux, en est le témoignage.
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3 Le triomphe de la République : 1900-1914
3.1 La question de la laïcité au cœur du projet politique des
radicaux
Au tournant du siècle, la plus grande partie des Français est ralliée à la forme républicaine du
régime, y compris les catholiques. En effet, le pape Léon XIII, en 1892, a publié
l’encyclique Au milieu des sollicitudes qui invite les catholiques français à se rallier à la
République et dans sa lettre aux cardinaux français du 3 mai 1892, il précise : « Acceptez la
République », c’est-à-dire « le pouvoir constitué et existant parmi vous... ». Certains courants
demeurent cependant hostiles comme les partisans de l’Action française de Charles
Maurras et des journalistes antisémites comme Édouard Drumont fondateur du quotidien
antisémite La libre parole et inventeur du slogan : « La France aux Français ». Le ministère
Waldeck-Rousseau (1899-1902) constitué pour défendre les institutions républicaines contre
ceux qui les ont menacées au moment des affaires, ouvre une période nouvelle. Les radicaux
et les radicaux-socialistes, qui sont les plus nombreux dans ce ministère, ne seront plus écartés
durablement du pouvoir jusqu’en 1940. Le parti radical, le premier parti fondé en France, est
le défenseur farouche des idéaux de 1789, il se réclame de Gambetta. Il représente les
aspirations de nombreux Français en faveur de la garantie des libertés fondamentales, de
l’instruction pour tous, d’une plus grande égalité sociale, de la propriété entendue comme la
défense « des petits contre les gros », et de la laïcité. Aux élections législatives de 1902, il
obtient le plus grand nombre de députés, ce qui montre que la République est plébiscitée. Les
radicaux ont ainsi le soutien politique pour mettre en œuvre la laïcité qui est au cœur de leur
idée de l’État. Contre les catholiques qui ne se sont pas ralliés au mot d’ordre de ralliement
lancé par Léon XIII, et en particulier ceux qui ont milité dans les rangs des antidreyfusards,
les radicaux lancent une offensive contre les congrégations religieuses (regroupements de
religieux et religieuses unis par un vœu).
La loi de 1901 introduit la liberté de fonder des associations, sauf pour les congrégations
religieuses, qui doivent solliciter une autorisation spéciale. Le gouvernement de 1902,
composé de radicaux et de socialistes, dirigé par Émile Combes un médecin radical très
anticlérical, refuse systématiquement les demandes d’autorisation des congrégations
religieuses à qui il est interdit d’enseigner en 1904.
Cette politique suscite l’opposition du pape Pie X, plus intransigeant que son prédécesseur.
Elle aboutit, en 1905, à la loi de séparation de l’État et des Églises (catholique, protestante,
israélite). Par la loi de 1905, l’État est neutre en matière religieuse. Il ne reconnaît ni ne
salarie aucun culte, mais garantit la liberté de conscience et de culte. Cette loi, acceptée par
les protestants et les juifs, est condamnée par Pie X. Elle déclenche de violents affrontements
dans les départements très catholiques et à Paris, au moment où l’État veut dresser un
inventaire des biens de l’Église car c’est le premier symbole concret d’une loi considérée
comme impie. Beaucoup d’incidents, le plus souvent sans gravité, sauf dans un village du
Nord où il y eut un mort. Par la suite, la volonté conciliatrice des évêques et des
gouvernements qui succédèrent à Combes aboutit à une application souple de la loi en
laissant aux catholiques la jouissance des églises. La question religieuse est réglée en tant
que telle, mais elle va se déplacer sur le terrain de l’école.
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3.2 La question sociale
À partir de 1905, d’autres problèmes passent au premier plan, et d’abord les problèmes
sociaux. En effet, si la France du début du siècle est entrée dans une période prospère, « la
Belle époque », avec une forte croissance et une entrée réussie dans la deuxième révolution
industrielle, les ouvriers ont l’impression d’être des laissés-pour-compte. Cependant, le
mouvement syndical s’organise, aboutissant à la création de la Confédération Générale du
Travail (CGT) en 1905 qui prône la lutte des classes et la grève générale, mais ne regroupe
que 7 % des salariés. Ainsi, avec les familles socialistes qui se sont regroupées en un parti, la
Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) dominée par la personnalité de Jean
Jaurès, les ouvriers disposent d’organisatio ns pour faire entendre leur voix. Les militants
multiplient les grèves pour réclamer la journée de 8 heures et une amélioration des conditions
de travail qui sont dangereuses - un coup de grisou dans une mine à Courrières a fait un
millier de morts en 1906 -. Mais ils se heurtent aux forces de police, voire à l’armée, car les
gouvernements ont choisi de réprimer la contestation par la force, craignant les dérapages
révolutionnaires. En effet, les radicaux utilisent la force contre les mouvements sociaux car ils
pensent que c’est la contrepartie de leur politique sociale : nomination d’un ministre du
Travail, limitation à 8 heures de la journée du travail dans les mines, loi sur le repos
hebdomadaire, législation sur les retraites ouvrières et paysannes qui n’aboutit qu’en 1910.
La question sociale souffre de l’absence de dialogue institutionnalisé entre patronat et
syndicats, que d’ailleurs ceux-ci ne souhaitent pas.
3.3 La montée des tensions internationales
La montée des tensions internationales accapare, dès 1910, les gouvernements qui se
succèdent à un moment où le régime républicain n’est plus menacé. Les crises balkaniques
(voir leçon 9) et les heurts entre la France et l’Allemagne notamment à propos du Maroc
suscitent un climat de paix armée. Tandis que les ligues d’extrême droite appellent à une
guerre de revanche contre l’Allemagne pour récupérer l’Alsace-Lorraine, la majorité des
Français se reconnaît dans un patriotisme défensif. L’allongement du service militaire qui
passe de 2 à 3 ans est finalement voté pour répondre à une mesure analogue prise en
Allemagne. Raymond Poincaré, élu président de la République en 1913, réunit autour de lui
une large majorité qui va de la droite traditionnelle à une partie des radicaux. Quand
l’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914, les Français entrent en guerre
résignés mais résolus. Jaurès, porte-parole du pacifisme, assassiné par un fanatique, Raoul
Villain, le 31 août, n’a pas convaincu les socialistes de s’opposer à la guerre. La IIIe
République surmontera l’épreuve terrible de la Grande Guerre.
Conclusion :
C’est finalement la IIIe République dont la naissance a été provoquée par une défaite
extérieure et qui s’installe dans l’ambiguïté avant que ne soient votées les lois
constitutionnelles de 1875 - qui voit progressivement l’adhésion de tous les Français à cette
organisation des pouvoirs publics. Constamment attaquée sur sa droite et sur sa gauche, elle
résiste cependant à trois grandes crises qui manquent de la faire sombrer. Mais elle a alors une
base sociale suffisamment large pour perdurer... jusqu’à nos jours.
©Cned 2004