Le non-profit ne met pas à l`abri du management
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Le non-profit ne met pas à l`abri du management
reissoD Dossier Formation professionnelle suisse Le non-profit ne met pas à l’abri du management Les associations assument des tâches importantes entre l’Etat et l’économie. Pour assurer leur bon fonctionnement, une gestion efficace est indispensable. Prof. Dr. Robert Purtschert, Directeur de l’Institut pour la gestion des associations à l’Université de Fribourg, s’exprime sur les missions et l’avenir des associations. Interview: Silvia Baumgartner 32 8 2002 Traduction: Magali Briod D BCH/FPS: Avez-vous une idée du nombre d’associations existant en Suisse? Je peux seulement vous dire qu’il y en a des milliers. Les associations n’étant pas soumises à enregistrement, il n’existe pas de documents fiables. Dans l’économie et la société, nous distinguons trois grands acteurs, soit l’Etat, l’économie et le secteur tiers. L’Etat est représenté par l’administration et les collectivités publiques, l’économie par les entreprises, l’industrie et le commerce, et le secteur tiers est justement constitué d’organisations «entre les deux». Celles-ci couvrent des besoins qui ne sont prévus ni par l’Etat ni par le marché. Les associations peuvent-elles être cataloguées? Nous distinguons trois principaux groupes: les associations de l’économie, qui regroupent des organisations patronales et d’employés. Ensuite les associations de personnes. Là, nous pensons avant tout aux associations professionnelles. La troisième catégorie regroupe les associations orientées vers les tiers, dont les prestations s’adressent – comme leur nom l’indique – à des tiers (p.ex. organisations caritatives), alors que les deux premiers groupes ont des prestations réservées à leurs membres. Existe-t-il des points communs entre ces entités? Dans les cours de formation continue de l’Institut pour la gestion des associations, on retrouve des cadres de toutes sortes d’associations et d’organisations à but non lucratif. S’y côtoient des syndicalistes et des représentants d’associations patronales, d’une société de médecine ou de Pro Natura et – tous les participants sont à chaque fois surpris de constater à quel point les problèmes de gestion sont similaires dans toutes ces organisations. Toutes les associations sont gérées par des comités bénévoles, tandis que le travail est exécuté par un secrétariat général. Il s’agit d’entités structurées de manière démocratique, dont les processus de prises de décisions sont compliqués. Cela ne peut être évité si elles veulent inclure la base (les membres) dans le processus décisionnel, ce qui correspond au but d’une association. C’est la raison pour laquelle les cours que nous proposons, basés sur le Modèle de gestion des organisations non-profit de l’Université de Fribourg, s’appliquent avec succès dans ces différents types d’organisations. Dossier reissoD Nombreuses sont les associations qui traversent une crise. Pourquoi? Quels sont les développements et les tendances qui se dessinent? En fait, je ne peux pas confirmer cette opinion. Il y a des crises partout, également dans les entreprises. Je connais un grand nombre d’associations qui fonctionnent très bien. Mais il existe naturellement des cas problématiques, comme d’ailleurs dans l’économie. Ce sont certainement les groupements tels que les syndicats et les associations professionnelles qui rencontrent les plus grandes difficultés, car les cotisations doivent être versées par des membres individuels. Ceci par opposition aux associations patronales, qui reçoivent de l’argent des entreprises, ou aux organisations caritatives, qui sont alimentées par des subventions de l’Etat ou des dons. Le membre individuel d’une association professionnelle compare naturellement sa contribution et la prestation reçue en retour. C’est dans la nature des choses qu’on attribue une valeur plus élevée à des prestations reçues personnellement de l’association qu’à des prestations collectives telles que la défense des intérêts, même si celles-ci sont en principe aussi importantes pour chacun des membres. Mais c’est là qu’on rencontre le phénomène des profiteurs, car même les non-syndiqués peuvent profiter d’une bonne convention salariale obtenue par un syndicat… Comme aujourd’hui la notion de solidarité perd de sa force, nombreuses sont les associations qui s’en ressentent. Les associations n’offriront plus que des prestations essentielles, qui ne peuvent pas être obtenues sur le marché. Dès qu’une prestation est offerte à des conditions plus avantageuses par une entreprise, cela peut devenir difficile pour l’association. De plus, certaines prestations offrant un avantage personnel sont facturées séparément. Le TCS offre un bon exemple: Le dépannage en Suisse est compris dans la cotisation, mais le livret ETI est nécessaire lorsqu’on se trouve à l’étranger. A quoi ressemble une association à l’avenir prometteur? Une association dont l’avenir est prometteur est une association qui passe de la réaction pure (d’une situation de crise à une autre) à l’action, c’est-à-dire qui planifie en anticipant et gère l’association dans la transparence. Cela nécessite une orientation sur l’efficience: non seulement faire les choses judicieusement, mais avant tout faire les choses qui sont judicieuses. En d’autres termes: les choses dont les membres ont effectivement besoin. De plus, une orientation vers l’avenir est importante. Pour cela des modèles sont nécessaires pour que les membres puissent comprendre ce que l’association veut et fait; et, en troisième lieu, une orientation sur le marché. Mais le marketing ne doit pas être compris dans le sens de la vente pure, au sein d’une association le marketing a une tout autre signification. Dans notre modèle de marketing, nous définissons l’activité marketing comme la gestion des processus d’échanges. L’association doit servir plusieurs partenaires importants, pas seulement les clients comme l’entreprise, mais également les membres, le public, les aides à titre bénévole ou honorifique, les autorités, etc. En tant qu’institut, vous étudiez les organisations non-profit sur le plan scientifique. De quoi s’occupe la recherche en premier lieu? Quelles sont vos visions? Lorsque nous avons démarré il y a 25 ans, il n’existait pratiquement aucune littérature sur les associations et les organisations non-profit. Les connaissances en matière d’économie d’entreprise se limitaient aux entreprises. Nous avons mis 10 ans à analyser les rouages des associations. Pour cela, nous avons réalisé des projets 8 2002 Formation professionnelle suisse 33 34 Formation professionnelle suisse 8 2002 reissoD Dossier de recherche, et découvert par exemple par le biais de sondages comment les associations sont structurées. Des variantes existant dans la pratique, nous avons déduit trois principaux types de structures et inventorié les avantages et inconvénients de chacun. Avec le temps, nous avons étudié tous les secteurs du management et, cinq ans plus tard, le Modèle de gestion des organisations non-profit de l’Université de Fribourg a pu être présenté. Sur le principe, ce modèle est une mega-checkliste qui doit faciliter l’activité de gestion aux dirigeants d’associations. La quatrième édition du modèle, revue et développée, paraîtra en octobre 2002. Il y a des ouvrages d’approfondissement sur les thèmes organisation et planification, ainsi que marketing et comptabilité. Notre institut offrant des cours tant en Allemagne qu’en Autriche, au Tyrol du Sud et en Suisse, la recherche est elle aussi internationale. Au titre de co-auteur du modèle, il convient de citer Prof. Dr. Reinbert Schauer, professeur d’économie d’entreprise des institutions publiques à l’Université Johannes Kepler à Linz. Nous organisons par ailleurs tous les deux ans un colloque des chercheurs sur les organisations non-profit, en coopération avec les universités de Linz, de Munich et la London School of Economics. Actuel- lement, des projets de recherche sur la gestion des fondations sont en cours (aimablement financés par Swiss Foundations), et nous élaborons avec l’Université de Lausanne (Prof Dr. Jean-Loup Chapellet), le projet SOMIT, Sport Organisation Management Interactive Teaching & Learning, dans le cadre du projet suisse Virtual Campus. Il s’agit ici d’une formation de gestion des organisations sportives qui est dispensée aux participants de manière interactive via PC. Etant donné que nous donnons depuis des années une formation de gestion des organisations sportives en collaboration avec Swiss Olympics, nous disposons de l’expérience voulue. Là aussi, c’est le Modèle de gestion des organisations non-profit de l’université de Fribourg qui constitue la base. Notre vision? Nous sommes intimement convaincus qu’il doit y avoir et qu’il y aura toujours des organisations entre l’Etat et le marché. Mais celles-ci devraient être gérées soigneusement et selon les techniques les plus modernes. Cela implique également de rendre compte de la gestion aux membres ou donatrices et donateurs. Comme le dit le titre: Le non-profit ne met pas à l’abri du management. Pour de plus amples renseignements, consultez le site Internet www.vmi.ch. Vous y trouverez des informations sur l’offre en matière de formation continue de l’Institut pour la gestion des associations ainsi que de la littérature spécialisée.